Lu chez Philippe Béchade :
"Le marché a toujours raison : c’est pour récompenser les travaux prouvant la véracité de cet axiome que messieurs Eugene Fama et Lars Peter Hansen ont reçu le Prix Nobel d’économie (“l’école de Chicago” est ainsi une fois de plus récompensée).
A force de prétendre que les cours reflètent toute l’information et que le marché est de ce fait pleinement efficient, les plus malins s’emploient à manipuler les indices à qui mieux mieux avec de puissants logiciels algorithmiques (et une force de frappe financière qui se chiffre en milliards de dollars). Personne n’ose plus contester que les niveaux affichés correspondent à la meilleure estimation de la réalité économique.
Nous assistons à la sacralisation de l’artifice et du panurgisme… et au dévoiement complet des mécanismes de fixation du cours, comme nous l’avons souvent démontré dans cette Chronique.
Le Nobel millésime 2013 constitue un fantastique encouragement à continuer de manipuler les marchés puisqu’il est désormais gravé dans le marbre qu’un cours — même complètement idiot — est incontestable.
Nous aimerions beaucoup que deux Nobélisés sur trois du moment nous expliquent comment la valorisation des subprimes, d’Enron, de Fannie Mae, de Lehman ou d’AIG reflétait “toute l’information” avant que leur notation passe de AAA à zéro en quelques jours.
Tout le monde savait qu’Enron était un repaire d’escrocs de la pire espèce, que Fannie Mae n’était plus en mesure de garantir le moindre prêt hypothécaire, qu’AIG n’avait aucun moyen d’honorer les CDS en cas de défaut des émetteurs de CDO.
Pour tenter une synthèse entre une théorie systématiquement démentie lors de chaque formation d’une bulle d’actif et notre propre expérience de l’inefficience des marchés, nous dirions que les mensonges officiels et la tromperie délibérée des investisseurs ont exactement la même capacité d’influencer la valeur d’une action, d’une dette (exemple grec ou irlandais) ou d’une devise (exemple argentin en 2001 ou indien en 2013).
Messieurs Eugene Fama et Lars Peter Hansen semblent avoir négligé que la désinformation est également de l’information… et que dans de nombreuses circonstances, les cours reflètent davantage de tromperie que de prospective intelligente sur le “champ des possibles”."