Plus intéressant encore, les petits paradis fiscaux et les pays pauvres étaient plus rigoureux dans l’application des règles que des pays de l’OCDE, comme les Etats-Unis et la Grande-Bretagne. D’autant plus surprenant, note l’étude, que le consensus écrasant, répété à l’envi dans les enceintes comme le G20, veut que les petits paradis fiscaux comme les Caïmans ou Jersey soient les plus opaques. « Mais le consensus est faux, souligne l’étude : il est trois fois plus difficile d’obtenir une société opaque dans les petits paradis fiscaux que dans de grands pays riches et développés. »
L’endroit où il est le plus facile au monde de se dissimuler complètement derrière une coquille vide : les Etats-Unis, à travers des prestataires d’incorporation de sociétés. Seuls 10 sur 1722 fournisseurs de sociétés américains ont exigé des documents notariés, en ligne avec le standard du GAFI (OCDE). Les prestataires semblaient même insensibles au risque d’avoir affaire à des criminels avérés.
Parmi les pays pauvres, seul le Kenya affiche des standards aussi bas que les Etats-Unis. En Amérique, pays en réalité le moins « compliant » au monde selon la plupart des critères de l’étude, les Etats vivant des incorporations de sociétés off-shore, ainsi que divers groupes de pression, s’opposent aux réformes visant à rendre les sociétés plus transparentes. Leurs pressions font pour l’heure échouer les tentatives du sénateur Carl Levin de faire passer une législation exigeant l’enregistrement des ayants droit économiques des sociétés. Une règle pourtant exigée de toutes les juridictions du monde, sans quoi ces dernières sont mises sur les listes grises et noires de l’OCDE. « Ceux qui transfèrent de l’argent sale savent bien où sont les meilleures sociétés écrans, et ce n’est pas sur une île des Caraïbes », conclut The Economist.
Tout cela a lieu dans un contexte où les lois antiblanchiment datent déjà d’il y a vingt ans, et où l’OCDE n’a jamais prôné si agressivement la transparence en matière d’informations fiscales. Ce ne sont donc pas les coûts élevés de compliance qui posent problème, puisque les pays les moins regardants sont parmi les plus riches. C’est la volonté d’appliquer les règles.