• Mieux s’alimenter pour moins cher, l’objectif des supermarchés et réseaux d’achat coopératifs

    #Supermarchés_coopératifs et #groupements_d'achat proposent aux consommateurs une meilleure alimentation à des #prix plus accessibles. Ils cherchent maintenant à toucher un public plus large et plus mixte socialement.

    A la #Louve, les caissiers et les caissières sont aussi des clients. Ils font partie des 4 000 coopérateurs du supermarché coopératif et participatif qui a ouvert ses portes en 2016 dans un quartier populaire du nord de la capitale. Toutes les quatre semaines, chaque coopérateur vient assurer un service bénévole. Les tâches sont variées : mise en rayon, nettoyage, travail administratif…

    Pour devenir membre de la #coopérative, ils ont versé cent euros, et en ont acheté dix parts sociales à10 euros. #La_Louve a fait des émules, à Toulon, Toulouse, Lille, Bruxelles, d’autres supermarchés coopératifs et participatifs ont ouvert leurs portes même s’ils sont de taille plus modeste.

    C’est en visitant #Brooklyn en 2009 que #Tom_Boothe, l’un des cofondateurs du projet, découvre la #Park_Slope_Food_Coop (#PSFC), fondée en 1973. « Pendant les années 1970, dans le sillage du mouvement hippie, de nombreux magasins participatifs, inspirés des #épiceries_coopératives, ont vu le jour. Mais presque tous ont disparu dans les années 1980. Seul PSFC a survécu », raconte-t-il. PSFC a aidé à la naissance de la Louve.

    L’histoire des coopératives de consommateurs est bien plus ancienne et remonte la première moitié du XIXe siècle. En 1844, à #Rochdale en Angleterre, des tisserands se sont rassemblés pour fonder les #Equitables pionniers de Rochdale. Constatant que leur niveau de vie dépendait des marchands qui fixaient les prix des marchandises qu’ils achetaient, ils ont créé un magasin coopératif.

    Leur but était non seulement de garantir aux clients des prix raisonnables, mais aussi une bonne qualité des produits à une époque où les fraudes étaient légion. Rapidement, la taille de la coopérative s’est accrue au point de compter plus de 10 000 membres en 1880.

    Une large gamme de produits

    La Louve propose une palette étendue de produits alimentaires et d’hygiène. Dans un même rayon voisinent grandes marques, produits bio et produits « gourmets », mais tous sont de 20 % à 50 % moins chers que dans la grande distribution. Les produits vendus sont choisis par les adhérents via un classeur de suggestions.

    « Notre but n’est pas d’être un complément, mais de permettre d’acheter l’ensemble des produits : nous ne nous en interdisons aucun. Nous ne sommes pas un club, mais un #magasin où des adultes font leurs choix en conscience », explique Tom Boothe.

    Tous les produits ne sont donc pas biologiques. « On peut acheter à la Louve des tomates en hiver, mais dans les faits, nous en vendons très peu », précise toutefois Tom Boothe.

    Si la Louve a vocation à toucher le public le plus large, dans les faits, cela reste compliqué : 10 % des membres ne souscrivent qu’une part sociale car ils sont bénéficiaires du revenu de solidarité active (RSA), étudiants boursiers ou en service civique. 16 % payent leur souscription en plusieurs chèques.

    « Ceux qui fréquentent la Louve sont sans doute plus "blancs" et ont des revenus plus élevés que la moyenne de la population. Malgré une action volontariste, dont des portes ouvertes tous les premiers samedis du mois, les gens du quartier présument que comme nous sommes un supermarché alternatif, cela va être plus cher », regrette-t-il.

    Un chèque-déjeuner avec bonus alimentation durable

    Elargir l’accès à une alimentation de qualité, c’est la démarche d’une autre coopérative, #Up_Coop, la société coopérative et participative (Scop) qui a popularisé le #chèque-déjeuner. « Le titre-restaurant s’étant largement démocratisé auprès des salariés, nous nous sommes demandé comment ramener ces ressources vers l’économie locale », explique Yassir Fichtali, directeur général secteur public chez Up Coop.

    En 2023, la Scop s’est donc associée à la ville de #Creil pour lancer le programme #Up+. La municipalité a proposé de bonifier sur une cagnotte la somme versée à ses agents s’ils l’utilisent sur la ville de Creil, et encore davantage en centre-ville. La carte #Up_Déjeuner devient ainsi un outil pour soutenir le commerce de centre-ville.

    « Nous allons tirer maintenant ce fil vers l’alimentation durable, inciter les gens à passer de la junk food à des achats dans des magasins bio, du vrac… », poursuit-il.

    Plusieurs villes se sont ensuite engagées dans le programme Up+ : Bourg-en-Bresse, Valenciennes, Haguenau, Nancy, Halluin, Mulhouse, Bagnolet et Angers. En Seine-Saint-Denis et dans le Gers, Up Coop participe à des expérimentations visant à orienter vers une #alimentation_durable la consommation de populations en difficulté.

    Le département du 93 a ainsi mis en place sur quatre territoires un #chèque_alimentation sous forme de carte, #Vital’im, en ciblant à chaque fois un public spécifique : à Montreuil, les personnes accompagnées par le CCAS, à Villetaneuse, un public étudiant, à Clichy-sous-Bois et Sevran, des familles. Son montant est bonifié de 50 % si les achats sont effectués chez un commerçant durable (Biocoop, primeurs locaux, les commerces et producteurs locaux).

    « On ne peut pas demander à des personnes en difficulté de payer le juste prix du durable. Cette politique publique permet à des publics de ne plus avoir à arbitrer entre le #pouvoir_d’achat et le #pouvoir_d’agir », commente Yassir Fichtali.

    Les CCAS, la Fondation Armée du salut, Action contre la faim sont associés à cette initiative. « Certains bénéficiaires n’osaient pas entrer dans un Biocoop, ils avaient l’impression que ce n’était pas pour eux. Des #freins que l’on peut déconstruire », souligne-t-il. Encore faut-il que cette offre alimentaire durable existe sur le territoire : à Clichy-sous-Bois, ce n’est par exemple pas le cas.

    Cette difficulté n’existe pas dans le département rural du Gers, où Up Coop participe au programme public #Mieux_manger, lancé en 2024. La mission a d’abord consisté à affilier les producteurs bio. Un groupement d’intérêt public rassemblant des collectivités et des associations a ensuite identifié plusieurs centaines de personnes destinataires d’une bonification en cas d’achat alimentaire durable et cette bonification évolue au fil des usages.

    « L’idée de cette expérimentation est de vérifier que le changement des pratiques va perdurer même si la bonification baisse », indique Yassir Fichtali.

    #Vrac, un groupement d’achat agroécologique

    #Vers_un_réseau_d’achat_en_commun (Vrac) mobilise aussi le soutien des pouvoirs publics dans une démarche résolument démocratique, en proposant des achats alimentaires sans emballages issus de l’agroécologie. Depuis 2013, il permet ainsi aux plus modestes – mais pas seulement – de se réapproprier leur #consommation_alimentaire.

    Au départ, son initiateur, #Boris_Tavernier, qui avait monté à Lyon un bar restaurant coopératif cuisinant des produits paysans, a été sollicité par un bailleur social lyonnais et la Fondation Abbé-Pierre (désormais Fondation pour le logement des défavorisés) pour monter un projet d’achat en commun afin d’améliorer le pouvoir d’achat des locataires. C’est ainsi qu’est né le premier #groupement_d’achat sous forme d’association.

    « Pas question toutefois de chercher les prix les plus bas, mais plutôt d’orienter les achats vers une alimentation durable et de qualité rémunératrice pour les producteurs », explique Lorana Vincent, déléguée générale de Vrac France, l’association nationale qui rassemble désormais 22 structures locales.

    Douze ans après, le réseau emploie une centaine de salariés. Une épicerie éphémère ouvre une fois par mois dans un local de chacun des quartiers où le réseau est implanté (association, maison des jeunes et de la culture, centre social…). Des bénévoles pèsent les produits, et chaque adhérent apporte ses contenants.

    En 2013, le projet a été lancé dans le quartier lyonnais de la #Duchère, à #Villeurbanne et #Vaux-en-Velin. L’initiative s’est tout d’abord heurtée à l’absence d’offre de qualité dans ces territoires emblématiques de la politique de la ville où le hard discount est très présent, et aux réticences de leurs habitants. Pour vaincre celles-ci, Vrac s’est appuyé sur des personnes-ressources, en très grande majorité des femmes.

    « Nous leur avons fait goûter les produits sans les présenter comme bio. Nous avons construit avec elles le catalogue en partant de leurs besoins. L’#huile_d’olive a été un formidable levier. Elles se sont emparées du projet », poursuit Lorana Vincent.

    Cette démarche de #démocratie_alimentaire s’est inscrite dans le temps. Sur chaque territoire, un « club produits » associant bénéficiaires et bénévoles est régulièrement réuni pour faire évoluer le catalogue. Les produits sont vendus sans marge, à un prix rémunérateur pour le producteur.

    « Vrac est un espace collectif où les habitantes et les habitantes ont accès à l’information sur l’origine des produits, la rémunération des producteurs. Cela permet de prendre ses décisions de manière éclairée et participe à faire de l’alimentation un sujet politique. »

    Le soutien crucial des pouvoirs publics

    Cette absence de marge est rendue possible par des #financements_publics. Depuis 2023, Vrac est notamment soutenu par la Direction générale de la cohésion sociale (DGCS), via le fonds #Mieux_manger_pour_tous. Les habitants des #quartiers_populaires peuvent acheter les produits 10 % moins cher que les prix coûtants, et même 50 % pour les personnes bénéficiant des minima sociaux.

    Si l’aventure Vrac a commencé dans ces quartiers populaires et continue à s’y développer, le réseau souhaite s’adresser à tous et toutes. Certes, les personnes non issues de ces quartiers payent, elles, 10 % de plus par rapport au prix coûtant. Mais « c’est un prix d’équilibre, cela permet que leurs achats ne coûtent rien au réseau », souligne Lorana Vincent. Et cela reste inférieur à ce qui se pratique dans le commerce traditionnel.

    Cette volonté de favoriser la mixité sociale est au cœur de la démarche de Vrac. « ATD Quart-monde a pour habitude de rappeler qu’une politique pour les pauvres, c’est une pauvre politique », conclut sa déléguée générale.

    https://www.alternatives-economiques.fr/mieux-salimenter-cher-lobjectif-supermarches-reseaux-d/00114404
    #alimentation #qualité #réseaux #supermarché_participatif #bénévolat #mixité_sociale

  • Pourquoi les #supermachés coopératifs n’arrivent pas à passer à la vitesse supérieure

    Neuf ans après l’ouverture de #La_Louve, premier #supermarché coopératif et participatif en France, le modèle s’est étendu. Sans pour autant réussir à franchir une barrière sociale.

    « Quand il n’y a plus de carottes, je regarde dans les réserves pour en remettre. Comme ça, je ne dérange pas celui qui est à la caisse. » Au moment de faire vos courses, cela ne vous viendrait pas à l’idée. Pour Pascale, si. Elle est coopératrice de #Supercoop, « supermarché coopératif et participatif » à Bègles, dans la métropole bordelaise.

    Ici, ce sont des #bénévoles qui permettent à la boutique de tourner : pour faire leurs courses dans le magasin, il leur faut effectuer chaque année treize créneaux de trois heures de #bénévolat. Cela allège les charges de fonctionnement et permet de réduire les marges sur les produits… et donc les #prix finaux.

    Le premier modèle du genre est né aux États-Unis, en 1973, avec le magasin #Park_Slope_Food_Coop, à New York. En France, la première enseigne, La Louve, a ouvert en 2016 à Paris. Aujourd’hui, on dénombre une cinquantaine d’#épiceries et de supermarchés coopératifs dans le pays.

    Retour à Bègles. L’aventure Supercoop a démarré en 2016 avec une #mini-épicerie ouverte deux jours par semaine. Elle rassemble aujourd’hui 600 consommateurs réguliers et 400 personnes qui effectuent « leurs services », selon l’expression consacrée. Sur l’exercice 2023-2024, le magasin a réalisé 1 million d’euros de chiffre d’affaires, pour un résultat net de 15 000 euros. Le deuxième bilan positif en neuf ans de fonctionnement, bien aidé par une subvention annuelle de 20 000 euros de la métropole bordelaise.

    Supercoop cherche les clés de son « #autonomie » admet Jean-Paul Taillardas, son président : « Il suffit d’un poil pour qu’on soit bien ». Cela passe par plus de consommateurs, et donc plus de coopérateurs qui prennent des parts sociales et effectuent leurs heures de service.

    Des bénévoles volatils

    C’est là que le bât blesse. « Aujourd’hui, on a cinq ou six personnes dans les réunions d’information contre 40 ou 50 à notre lancement », relate Jean-Paul Taillardas. La structure a enregistré huit nouveaux coopérateurs au mois de novembre 2024. La tendance est plutôt à la stagnation.

    « Il y a beaucoup de turnover côté bénévole : les personnes peuvent ne plus se retrouver dans les choix de la structure, ou tout simplement déménager, accueillir un enfant dans leur foyer, connaître les aléas de la vie, analyse Clotilde Grassart, coopératrice bénévole de #SuperQuinquin à Lille, et également docteure en économie et sociologie. C’est une éternelle insatisfaction pour les structures car les recrutements actuels permettent seulement de combler les départs, pas de grossir. »

    Pour glaner de nouveaux consommateurs, Supercoop cherche à alléger la contrainte des « services ». L’épicerie a mis en place les « binômes » : « On donne la possibilité de former des duos pour faire treize services à deux, au lieu de treize par personne », explique Jean-Paul Taillardas. Une idée qui revient à diviser par deux la charge de travail.

    Supercoop s’est pour cela inspiré de #La_Cagette, le supermarché coopératif de Montpellier ; la pratique a également cours chez SuperQuinquin, à Lille. Cette dernière a par ailleurs ouvert ses portes aux non-coopérateurs lors de l’été 2024 pour une durée limitée. De quoi combler une habituelle période creuse tout en attirant de potentiels nouveaux sociétaires.

    Dans les étals de Supercoop, les coopérateurs convaincus n’en sont pas moins lucides. Rabia, la trentaine, convient ainsi que le projet « est séduisant sur le papier mais ça reste contraignant », tout en achetant ses pommes bio et locales.

    Depuis cinq ans, cette médecin y trouve son compte : « Ça me sort de mon quotidien. Ça nous rapproche des producteurs locaux tout en leur permettant de vivre correctement. » Chez Supercoop, ce sont eux qui fixent les prix, sans négociation de la part du magasin.

    #Inégalités_sociales face au #temps_libre

    Jean-Paul Taillardas saute d’étals en étals. « Pour six œufs bio, produits dans le Lot-et-Garonne (département limitrophe, NDLR) on est à 2,52 €. Pour des spaghettis bio, farine complète, produits en France, on est à 2 € le kilo. Sur ces produits, on est imbattables. » Pourquoi cela n’attire pas plus, notamment les personnes les plus défavorisées ?

    « Les #prix des produits ne suffisent pas à rendre le modèle attractif, pointe Alban Ouahab, docteur en sciences de gestion. C’est plus facile de se dire “ça me vide la tête” quand on est médecin que quand votre métier c’est déjà de vider des palettes ou de faire une tâche répétitive, de travailler sans être déclaré ou de faire des heures supplémentaires pour boucler les fins de mois »

    Le temps libre inégalement réparti selon le genre et les milieux sociaux est une difficulté structurelle difficile à dépasser. Après neuf ans d’existence, le constat reste amer pour Jean-Paul Taillardas : « Notre rêve du bio pour tous à très bon marché, on a du mal à l’atteindre. On ne peut pas bien payer les producteurs et faire du low cost. »

    D’autant que, dans les supermarchés coopératifs, « le bénévolat reste une pratique socialement marquée alors qu’à l’origine, ces projets ont pour objectif d’aller vers un modèle de consommation inclusif socialement », rappelle Clotilde Grassart. Clarisse Da Col, membre active de l’épicerie associative et participative #Coqueli’Coop, à Cachan (Val-de-Marne), raconte comment la structure s’est heurtée à cette limite après son ouverture à Fresnes, en 2020.

    « On avait une prévision de croissance trop ambitieuse. Un magasin de 150 m2, beaucoup d’emprunts, des équipements très chers. Rapidement on a atteint un plafond de 250 coopérateurs, alors qu’on visait 500. »

    En 2023, le projet est arrêté dans cette commune pour être poursuivi à Cachan, une commune voisine plus aisée. « La mairie est plus impliquée, les associations aussi, et la population est plus à l’écoute et réceptive. Le profil des habitants de Cachan est différent de celui des habitants de Fresnes », décrit-elle en se demandant : « Comment intégrer nos voisins plus largement ? »

    https://www.alternatives-economiques.fr/supermaches-cooperatifs-narrivent-a-passer-a-vitesse/00113858

    #coopérative #supermarchés_collaboratifs