• Armer l’esprit – II - De quels droits - Politis
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    Pour cette seconde livraison d’ouvrages utiles et de nourritures nécessaires, trois livres questionnant les usages et l’impact d’Internet et des technologies sur nos vies, et un dernier sur la question du nucléaire.

    Dans Révolutions du Net, Ariel Kyrou, journaliste, enseignant et écrivain, explore la figure de l’anonyme et sa puissance d’action sur le réseau. Il évoque la saga des fameux #Anonymous portant masque de Guy Fawkes, mais aussi l’engagement de blogueurs comme Tarek Amr, Khaled Said ou la « Tunisian Girl » Lisa Ben Mhenni, qui ont marqué les révolutions arabes. Le net pullule aussi d’#anonymes, d’avatars et de clones, se mettant en scène, parodiant jeux et films. Pour l’auteur, avec ces outils 2.0, « ce qui disparaît de nos relations quotidiennes, c’est la présomption d’incompétence de l’autre ». Le net développe le collaboratif et l’auto-organisation. Pour quelles motivations – gloire personnelle ou altruisme –, avec quels dommages collatéraux sur la vie privée que l’anonymat ne suffit pas à protéger, et au final aux bénéfices de qui ? La question reste posée.

    Plus radical, Cédric Biagini dresse avec l’Emprise numérique un réquisitoire sans concession contre Internet et les dites « nouvelles technologies ». Sa position s’apparente à celle du #luddite [1] et il considère essentiellement ces outils comme des moyens d’asservissement et de maintien de la domination capitaliste. Exemple, les technologies à l’école – qu’il s’agisse des fichiers, de l’évaluation par compétence en vue de « l’employabilité », de jeux formatant la pensée ou de la présence de moins en moins discrète de l’entreprise. Ou Facebook, grand ordonnateur de nouvelles relations sociales superficielles et régressives. On ne peut qu’être d’accord. Mais il met dans le même sac le mythe d’un Internet porteur de « révolution numérique » et celui porteur de « démocratie participative », et balance un uppercut aux hackers, aux militants, aux adeptes du crowdsourcing et des forums. Pour se rallier plutôt aux seuls vrais gens libres, ceux capables de se déconnecter.

    La médiation technologique est certes une forme d’opium engourdissant, mais on ne peut occulter qu’elle a, entre autres, réactivé le partage au détriment des échanges purement monétaires. La réalité n’est pas binaire, et ces deux livres en en donnant chacun une vision – plutôt utopique pour l’un, dystopique pour l’autre – appellent à un indispensable débat sur l’aliénation numérique, sur notre propre inclination à la servitude et sur la capacité de l’outil à consolider les résistances.

    #aliénation_numérique #libération_numérique #parlons_en