Les femmes sont partout : dans les manifestations, les commissariats, les prisons, les réseaux sociaux, les réunions clandestines, elles se sont même immolées par le feu… Mais lorsqu’il s’agit de cueillir les fruits politiques des révolutions, elles disparaissent. Les démocraties émergentes dans les pays dits arabes se feront avec elles, ou ne se feront pas.
Comment oublier le visage de cette pasionaria, accrochée à un grillage tunisois, criant son indignation à la foule lorsque les forces de police ont tiré à balles réelles sur les manifestants ? Ce jour-là, Ben Ali était encore au pouvoir, et nul ne pouvait imaginer qu’il le quitterait par la petite porte quelques heures plus tard. Un tel acte de bravoure sous le règne du despote de Carthage pouvait coûter quelques années de réclusion, ou un accident de voiture… Comment oublier cette terrible vidéo où Fadoua Laroui, mère célibataire marocaine de 25 ans, s’est immolée par le feu pour protester contre sa condition de paria ? Peu instruite, démunie et certainement apolitique, son acte cristallise pourtant tout le drame que subissent les femmes de sa condition dans les pays où le statut des filles d’Ève est encore régi par les patriarcales lois de la charia. Fadoua a jeté le discrédit sur l’image de « roi de la moudawana » (code du statut personnel marocain) dont se prévaut Mohammed VI auprès de ses alliés occidentaux.
Femmes courage
Du haut de son voile, une manifestante yéménite interpelle le tout-puissant Ali Abdallah Saleh au micro d’Al Jazeera : « Tu nous as tant menacés de subir un sort à l’irakienne ou à la somalienne, nous te menaçons aujourd’hui de subir un sort à la tunisienne ». Il faut faire preuve de beaucoup de courage pour lancer une telle invective au potentat à l’heure où ils n’étaient guère plus de quelques dizaines à réclamer ouvertement son départ ? Quelques jours plus tard, des centaines de milliers de Yéménites allaient descendre dans les rues. En Libye aussi, peu de médias ont mentionné que derrière les images de virils insurgés, hissés sur des véhicules de combats, mitraillettes à l’épaule, ce sont les femmes qui assuraient le « back-office ». Ce sont elles aussi d’ailleurs qui ont donné le coup d’envoi de la révolution, lorsque ces mères, épouses, sœurs et filles ont décidé de manifester pour réclamer la vérité sur les 1200 détenus de la prison d’Abou Salim, exécutés par le régime de Kadhafi en 1996. Le 15 février 2011, la police du dictateur ouvre le feu sur le rassemblement des femmes, déclenchant l’embrasement de la Libye pour de longs mois.