Sur la couverture de la revue Passerelle Eco n°66 sur le thème « Effondrement écologique et social ; et Transition intérieure » ( ►http://passerelleco.info/N66 ) figure une divinité indienne en train de danser sur un fond de pollution industrielle. Ce texte présente les raisons de ce choix de couverture.
Dans une boutique d’artisanat indien, le vendeur me raconta un jour l’histoire de Shiva : « À l’époque, un démon sanguinaire terrorisait la population, dévorait les enfants, pillait les temples et décîmait les guerriers les plus aguerris. Shiva parvînt heureusement à en venir à bout. Pour cela, il se déguisa en femme et se mit à danser. Le monstre, fasciné par la grâce de la danse, se laissa terrasser. »
Ce démon, c’est lui qu’on le voit en couverture de Passerelle Eco n°66 sous les pieds de Shiva : c’est un nain moustachu. Bien étonnante représentation pour un démon ! Ce monstre, aujourd’hui, c’est notre monde dit civilisé, consummériste, techniciste, matérialiste, individualiste, îvre de pétrole et d’atome. Bien qu’il nous en mette plein les yeux à grand renfort d’écrans plats, sa force est une illusion : il est tout jeune au regard de l’âge de la planète ; il est tout petit au regard de l’immense diversité des formes de vie ; il croit avoir asservi la nature, et sa moustache gominée indique qu’il se prend au sérieux, mais il ignore sa faiblesse ! Il se noie dans ses propres pollutions ; à son prochain expir, Gaïa peut bien le sortir de son souvenir.
Shiva est l’un des dieux du panthéon hindoux. Sa figure est douce sur les peintures qui le représentent... et pourtant quelle terrible énergie que la sienne, puisqu’il est celui-qui-dans-un-même geste-détruit-le-monde-et-le-crée. Ce serait donc un autre nom du chaos, ce point d’inflexion du néant d’où jaillissent formes et possibles, que le philosophe Edgar Morin décrit comme le « phénomène à double face par lequel l’Univers à la fois se désintègre et s’organise, se disperse et se [condense]. »
L’effondrement écologique et social est une période de chaos. Pour résister, lutter, accueillir les famines, la mort et les réfugiés, affronter cette période où destruction subie et construction nécessaire s’entrelacent, inventer et piloter notre destinée, l’histoire de Shiva nous invite à trouver d’autres ressources que la force et le feu : la grâce d’une ressource profonde comme une danse, qui nous aide à affronter et traverser les difficultés — individuellement en tant que citoyens et collectivement en tant qu’humanité.
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– Sommaire de la revue : ►http://passerelleco.info/N66