• LILLE MÉTROPOLE SERT LA SOUPE À KEOLIS... ET CRACHE DANS CELLE DES PAUVRES
    La Brique Lille Décembre 2015, Par Riton

    Parce qu’elle s’est embarquée dans un nouveau contrat foireux, Lille Métropole s’est mise en tête de faire les poches des pauvres pour rembourser la société qui gère Transpole, Keolis. Au passage, Darmanin, maire de Tourcoing et vice-président aux transports, en a profité pour nous coller des flics et des portiques. Ce qui devait arriver est déjà là : depuis le basculement à droite de Lille Métropole, la nouvelle majorité poursuit la même politique que l’ancienne – en pire.  
     
    Tout commence par une tambouille mal ficelée. En 2011, Lille Métropole (MEL) signe avec la société Keolis un nouveau contrat pour la gestion du réseau lillois de Transpole. Une série de clauses stipulent que la MEL doit tout mettre en œuvre pour assurer la rentabilité du réseau. Sauf que rien ne se passe comme prévu : pas assez de voyages assurés (178 millions sur les 245 convenus pour 2017), et une fraude qui dépasse toutes leurs prévisions. Conséquence : Keolis n’est pas, mais alors pas du tout rentrée dans ses frais. Depuis 2011, 40 millions de dette se sont accumulées. Alors à la MEL, c’est la panique : la fin du contrat est pour 2017, et il faudra bientôt rendre des comptes – ou plutôt les solder. Keolis réclame 50 millions, quand la MEL estime qu’elle ne devra que 4 millions. Dans tous les cas, il faudra passer à la caisse. Et Darmanin, élu délégué aux transports de la Métropole, a trouvé une parade lui permettant de faire coup double : renflouer les caisses... en donnant libre cours à ses délires sécuritaires.

    T’es pauvre ? Ben reste chez toi.

    On connaît désormais la solution retenue : une hausse du prix du transport chiffrée à 3 millions d’euros. La MEL justifie cette augmentation en invoquant une augmentation de la TVA1 sur les transports. Prévue pour 2014, elle avait été initialement repoussée – il faut dire qu’à l’époque, on était en période pré-électorale. Darmanin a beau s’imaginer une tarification « sociale » et un souci d’ « équité »  : il a surtout précisé que « plus personne ne voyagera gratuitement ». Et tant pis pour les retraité.es, les chômeur.ses et les déficient.es visuel.les visé.es par la mesure. On vous le dit, la gratuité c’est fini : un abonnement pour un minimum de sept euros par mois sera désormais requis. Plus généralement, la nouvelle grille appliquée à partir du 1er janvier 2016 se traduira par une hausse massive des tarifs pour une bonne partie des usagers.

    Mais de quoi je me MEL ?

    En guise de nouvelle grille2, on parle plutôt d’un tableur avec 30 000 catégories différentes. Au point de se demander si la complexité n’a pas été pensée pour perdre les usagers – la clientèle, pardon. La nouvelle tarification sera calculée sur la base du quotient familial, soit les ressources de la famille divisées en parts. En gros : la gratuité est remplacée par trois seuils de réduction. Ces seuils concernent les personnes disposant d’un QF allant de 375 euros à 716 euros. Au-dessus de ce dernier seuil, il faudra désormais payer plein pot. Pour les réducs, il faudra donc montrer patte blanche et prouver au millimètre qu’on est aussi pauvre qu’on le prétend. Place à la paperasse, qui en découragera sûrement plus d’un.e de recourir à ses droits.

    Si une partie des usagers pourra peut-être s’y retrouver (comme les chômeur.ses non-indemnisé.es qui n’avaient droit à rien auparavant), les plus défavorisés seront davantage dépouillés que les plus riches : alors que certain.es personnes bénéficiaient de la gratuité, ils devront à présent allonger 72 euros par an quand les plus aisé.es devront eux s’acquitter de... 40 euros supplémentaires. Ces derniers régaleront néanmoins – et au total – Transpole de la maudite somme de 588 euros par an, rien que ça. La fin de toute gratuité pose aussi la question de l’accompagnement des personnes à mobilité réduite : la nouvelle tarification touchera-t-elle les accompagna—teurs de personnes dont la carte d’invalidité précise « avoir besoin d’une tierce personne »  ?

    Humour orwellien

    La MEL a donc besoin d’argent. Sauf quand il s’agit de financer les projets sécuritaires de Darmanin : alors là, c’est carte bleue. D’ici 2017-2018, sept stations seront équipées d’imposants portiques à l’entrée des quais, le tout pour un coût invraisemblable de 9 millions d’euros. Peut-être que les vitres seront en diamant. Avec ces nouveaux dispositifs de contrôle, Darmanin espère enrayer la fraude jusqu’à obtenir un taux de recouvrement de 100% des amendes. Les agents de contrôles de Transpole sont certes habilités à demander l’identité des fraudeurs et fraudeuses, mais ils ne peuvent pas les fouiller. C’est ainsi que, d’après Transpole, les deux-tiers des personnes donnent une fausse identité pour esquiver leurs amendes. Autant dire que si Darmanin vise les 100% de recouvrement, il devra assurer un taux de présence des flics de... 100%. C’est pourtant écrit partout : « Avec Transpole, vous allez aimer être libre ».
     
    Riton

    1. Délibérations de la MEL du 17 avril 2015. La délibération du contrôle d’accès et de la nouvelle tarification ont été expédiées et votées à la suite.
    2. Nouvelle tarification issue du rapport officiel de Transpole.

    TARIFICATION ANTI-SOCIALE : LE P.S. COMPOSTE SON TICKET

    Sur 179 élu.es, seul.es 15 d’entre eux se sont abstenus lors du vote. Et ce n’est pas la gauche, mais l’extrême-droite qui profite des réformes anti-pauvres pour se la jouer miséricordieuse. En plein contexte austéritaire, comment une dépense aussi élevée a-t-elle pu recueillir autant de voix ? Un élu de la MEL nous livre bien un indice : « Sur ce débat, il doit y avoir seulement 5 élus sur les 179 qui connaissent les tenants et les aboutissants » . Et il est fort probable que, comme d’habitude lors de ces longues séances où rien ne se joue1, la plupart a soit roupillé, soit égayé sa torpeur en prenant des selfies2.

    On en est là, et certains vont même encore au-delà : à la sortie du métro République, on croise par hasard un élu du coin occupé à tracter pour Pierre de Saintignon. Sébastien Duhem est président PS du conseil de quartier de Fives, et proche de certains élus métropolitains. Après avoir cherché à nous refourguer sa came sur l’amélioration des transports promise par son leader, il nous présente Darmanin comme seul responsable de l’augmentation des tarifs et de l’installation des portiques. Aimablement, on lui rappelle donc que le groupe PS a voté pour ces décisions. S’ensuit une courageuse tentative de fuite : « Le Conseil régional, ben c’est pas la MEL, alors que nous là, on tracte pour la Région euh... » . On l’interroge sur la possible baisse de la fréquentation liée à la hausse des tarifs. Il répond comme un automate : « Croyez-vous vraiment que les gens qui utilisent le métro pour aller travailler vont arrêter de le prendre parce qu’on augmente les tarifs ? S’ils en ont besoin, ils l’utiliseront » . En voilà, une belle idée du service public !
     
    1. La plupart des délibérations sont déjà ficelées au moment de passer en Conseil communautaire, au point que la mise au vote relève le plus souvent de la pure formalité. « Lille Métropole : ’’Ils ne rendront pas ce qu’ils nous ont confisqué’’ », voir La Brique n°33.
    2. Si si, on est allé vérifier.

    2014 - 2016 Kéolis LE SYSTÈME DE COMPOSTAGE FONCTIONNE TOUJOURS AUSSI ALÉATOIREMENT !

    2016 C’est toujours comme ça  :

    6/11/2013 par Patrick Seghi de La Voix du Nord : Métropole lilloise : billettique, les pannes passent et (re) passent chez Transpole

    Il y a des sujets qui fâchent. Évoquer la fiabilité de la billettique de Transpole en fait partie. La carte Pass-Pass reste en travers de la gorge d’un bon nombre de valideurs. Promis, juré, ce sera réglé cette semaine ou la prochaine au plus tard. Quant au bon vieux ticket de métro, il représente toujours un tiers des voyages.

    Spectaculaire. Un énorme bug. Une panne totale, « indépendante de Transpole » et fruit « d’une fausse manœuvre sur la fibre optique » survenue samedi dernier où tous les valideurs sont restés en rade (nos éditions précédentes). Il n’en fallait pas plus pour relancer la question de la fragilité de la billettique. Un petit tour ces lundi et mardi stations Rihour, porte des Postes et CHRB Calmette et toujours quelques cartons rouges. « Les contrôleurs se montrent conciliants, ils savent que les pannes sont nombreuses » , glisse une étudiante. Le valideur lui souhaite « bon voyage ». Une attention délicate qui ne doit pas occulter les nombreuses interrogations qui ne trouvent, pour le moment, que des réponses très évasives de la part de la direction de Transpole. Au moins, reconnaît-elle l’étendue du problème. « Le système n’est pas encore stabilisé mais globalement il s’améliore et il fonctionne ».

    Lorsqu’on pousse Olivier Broche, directeur commercial, dans ses derniers retranchements, celui-ci convient « d’un taux de validation variable en fonction des stations et des heures de la journée. » . Plus, les passages sont nombreux et plus les incidents sont proportionnels. Un taux qui voici quelques semaines était de façon très imprécise évalué à « plus de 10 % sur l’ensemble d’une journée et sur une station précise » . De l’histoire ancienne promet Olivier Broche. « En fin de semaine, notre prestataire mettra en place un nouveau logiciel censé corriger l’essentiel des dysfonctionnements. »

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