#patrick_cingolani

  • Télétravail, Covid19 et après…, Patrick Cingolani
    https://lundi.am/Teletravail-Covid19-et-apres

    Dans le contexte du confinement, le télétravail a été mis à l’honneur. Selon la ministre du Travail, Muriel Penicaud, « un emploi sur trois peut être en télétravail ». Eu égard aux conditions d’aménagement du temps, aux disponibilités des membres de chaque famille, aux possibilités d’échapper à l’enfermement du bureau, le mot a une tonalité plaisante. À son propos d’aucuns parlent au demeurant de « travail agile » ou de « smart work », deux belles qualités juvéniles. Derrière les promesses heureuses, il y a un horizon plus dystopique qui mérite d’être interrogé.

    Par définition une crise est un moment où doit se prendre une orientation décisive et rien n’assure, compte tenu de l’asymétrie et la configuration des forces en présence, que celle-ci soit favorable aux travailleurs.

    Le télétravail a sa source dans l’histoire récente de la dématérialisation des entreprises. Depuis un demi-siècle elles sont en transformation et perdent de plus en plus l’ancrage temporel et territorial qui les ont caractérisées au XXe siècle : le travail intérimaire relativisait déjà cet ancrage, le travail détaché, depuis quelques années, illustre encore cette dimension, puisqu’il s’agit d’un contrat envoyant un salarié dans un pays distinct de celui de son employeur. La montée en puissance tout aussi récente du travail indépendant, que ce soit dans le secteur de la culture ou de la logistique, avec les plates-formes, est une autre dimension de cet effacement progressif de l’entreprise et de ses frontières sans même évoquer l’externalisation et la sous-traitance, qui concernent un très grand nombre d’entreprises dans le monde et en France. Là encore, la distance entre ceux qui exécutent le travail et ceux qui le vendent peut être étendue sur plusieurs dizaines de milliers de kilomètres. Tout cet ensemble s’inscrit dans un processus de numérisation tant au niveau des process des grandes firmes qu’au niveau de la miniaturisation des conditions de travail à travers le micro-ordinateur. Cela peut paraitre une évidence, mais il faut comprendre qu’une bonne partie de ces mécanismes, notamment les plus tertiaires, sont subordonnées aux puissances du numérique.

    #travail #Télétravail on est plus #chez_soi #Patrick_Cingolani

  • Ubérisation, turc mécanique, économie à la demande : où va le capitalisme de plateforme ? #Patrick_Cingolani
    http://theconversation.com/uberisation-turc-mecanique-economie-a-la-demande-ou-va-le-capitalis

    Une des grandes potentialités de reconfiguration des rapports sociaux caractéristiques des nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC) porte centralement sur la dialectique de la liaison et de la déliaison. Elles ont la puissance de délier ce qui est lié et surtout, dans le contexte présent où le capitalisme a réorganisé la division du #travail, de lier ce qui est délié.

    Lier et contrôler

    Si, en effet la pérennité du capitalisme se constitue sur la capacité qu’il a manifesté à divers moments historiques de diviser, parcelliser, segmenter, opacifier, comme condition de sa domination, les NTIC sont un puissant moyen de lier à ses propres fins ce qu’il délie.

    Une des caractéristiques les plus manifestes du capitalisme depuis ces trente dernières années a été d’externaliser sa main d’œuvre que ce soit sous la forme du travail temporaire ou de la sous-traitance. L’idée de triste mémoire « d’une entreprise sans usines » est aujourd’hui le slogan de toute une fraction du capitalisme dont les entreprises, en se resserrant sur leur cœur de métier, multiplient les formes d’externalisation par des sous-traitances toujours plus opaques ou par l’intérim, mais aussi par l’ensemble du processus d’internationalisation de la division du travail, dont les délocalisations ne sont qu’un des aspects.

    Les NTIC permettent de contrôler à distance et les entreprises sous-traitantes ou franchisées et les chaînes logistiques toujours plus complexes par lesquelles les produits manufacturés arrivent dans les pays qui vont les consommer.

    Monitoring et algorithme

    Pour comprendre le mode de fonctionnement des #plateformes, dont l’#ubérisation n’est pour ainsi dire qu’une variante, il faut sortir de « l’économie collaborative », qui devrait supposer un usage collectif de la plateforme, pour saisir comment, dans ses formes capitalistes, c’est bien l’asymétrie entre la puissance socialisée de la machine et des individus divisés, séparés qui est constitutive du rapport de production.

    #précarisation

  • « Notre rapport au travail est en train de changer »
    http://www.lemonde.fr/emploi/article/2016/01/29/notre-rapport-au-travail-est-en-train-de-changer_4856081_1698637.html

    Le sociologue Patrick Cingolani, auteur de Révolutions #précaires (La Découverte, 2014), invite à réfléchir aux articulations entre #salariat et indépendance.

    Vous affirmez que le terme précaire est porteur d’une multiplicité de sens. C’est-à-dire ?

    Patrick Cingolani.- Sans vouloir monter en épingle la figure du précaire, liée à des formes d’exploitation du #travail, on ne peut pas non plus réduire ce terme à la simple dimension de pauvreté. Ce mot a renvoyé historiquement à autre chose : dès les années 1980 le mot précaire est mis en avant par certains mouvements.

    Dans L’Exil du précaire (Méridiens Klincksieck, 1986), j’évoque des jeunes issus de milieux populaires qui essaient d’échapper au travail et se servent de l’intermittence comme mode de vie alternatif. Le mot précaire est alors l’expression d’une aspiration à l’autonomie et à l’autoréalisation.

    Qu’en est-il aujourd’hui de ces précaires revendiqués ?

    Paradoxalement, on pouvait plus facilement échapper à la contrainte salariale dans les années 1980. Les jeunes risquaient alors plein de choses, mais ils avaient une grande probabilité de retrouver un emploi. Aujourd’hui, les conséquences du travail précaire sont beaucoup plus graves. C’est pourquoi dans mon dernier livre, Révolutions précaires – Essai sur l’avenir de l’émancipation, je m’intéresse aux travailleurs des industries culturelles. On sent chez eux l’ambivalence entre l’aspiration à l’autonomie et la confrontation à de nouvelles formes d’exploitation. Car à travers cette aspiration à l’indépendance, la classe moyenne se précarise.

    J’ai interrogé des personnes qui, à 50 ans, étaient encore dépendantes de leurs parents. Si la résistance à la #précarité dans la société salariale s’appuyait sur des formes de protection sociale et de prise en charge par les institutions, elle tend à reposer aujourd’hui sur l’héritage familial. Mais cette transformation n’en reste pas moins fondamentale. Elle est d’autant plus importante qu’elle se développe à travers les nouvelles technologies : on peut penser aux développeurs ou designers Web qui travaillent irrégulièrement sur une plate-forme, et produisent une valeur intellectuelle et culturelle fondamentale, captée par les entreprises.

    Aujourd’hui, le travail flexible, les espaces de co-working se développent. S’agit-il là d’une des manifestations de cette révolution précaire ?

    La flexibilité existait déjà dans les années 1960 et elle se faisait à l’avantage des ouvriers ! Changer d’usine pour eux était un moyen d’augmenter leur #salaire. Aujourd’hui, ce sont les entreprises qui cherchent à imposer et contrôler la flexibilité. Dans Le Nouvel Esprit du capitalisme (Gallimard), Luc Boltanski explique que le capitalisme a récupéré les idées de 1968. Je pense plutôt que le capitalisme cherche à contrôler la mobilité.

    http://seenthis.net/messages/356217
    http://seenthis.net/messages/339904
    http://seenthis.net/messages/314566

    #contrôle_de_la_mobilité #émancipation #Patrick_Cingolani

  • « Les précaires développent des tactiques pour éviter les dominations » - Entretien avec #Patrick_Cingolani, Libération
    http://www.liberation.fr/economie/2014/12/12/les-precaires-developpent-des-tactiques-pour-eviter-les-dominations_11624

    Qui sont ces « précaires » dont il est question dans votre livre ?

    La plupart sont des jeunes - avec l’idée qu’aujourd’hui on peut être « jeune » jusqu’à l’âge de 40 ans - et souvent célibataires, car la contrainte monétaire sur les conditions de vie est moins lourde. Mais ils ne sont pas seulement issus des classes populaires, une partie des classes moyennes est aussi concernée. Ils considèrent le #travail comme une #atrophie des conditions de réalisation et d’expression de la personne, et développent ce que Michel de Certeau appelait des « #tactiques » pour éviter les #dominations. Confrontés aux désenchantements de la scolarisation de masse, les précaires dont je parle aspirent à des activités pouvant rendre compte de la dimension expressive de la personnalité. C’est ainsi qu’à travers des petits boulots, qui permettent de gagner du temps, ou des actions associatives, ils mènent des activités plus valorisantes et s’opposent à un mode de vie standardisé et consumériste. Il y a, au cœur de l’expérience #précaire, deux dimensions qui prédominent : l’aspiration à l’autonomie et le désir d’autoréalisation. Dans le livre, je me suis plus particulièrement intéressé aux précaires travaillant dans le secteur de la culture ou des médias. Les interviewés sont à la recherche d’un régime d’existence opposé à la bureaucratie et à la technocratie. Ce milieu est emblématique des expérimentations de nouvelles sensibilités, mais aussi de nouvelles formes de domination.

    Pour les intéressés éventuels, un débat a lieu jeudi 2 avril à 18H30 à la Bourse du Travail 3 rue du Château d’Eau à Paris (M° République), avec Cingolani, des salariés grévistes de Paris VIII et d’autres, à l’invitation de stop précarité et stop stress management.

  • L’#émancipation dans la précarité, #Cyprien_Tasset (article repris de La Vie des Idées)
    http://www.cip-idf.org/article.php3?id_article=7574

    La #précarité peut-elle être émancipatrice ? Pour le sociologue Patrick Cingolani, elle ne consiste pas seulement en une forme d’emploi dégradée, mais dessine des possibilités libératrices pour tous les travailleurs. Reste à mesurer ce potentiel révolutionnaire.
    Recensé : #Patrick_Cingolani, #Révolutions_précaires. Essai sur l’avenir de l’émancipation. Paris, La Découverte, 2014, 150 p.

    Cette démarche passe chez P. Cingolani par un dispositif en cercles concentriques. Au niveau le plus extensif, les questions soulevées par les expériences précaires travaillent la société dans son ensemble ; il n’y a pas de limite précise a priori aux échos qu’elles peuvent y susciter. Un cercle plus resserré, celui du « #précariat », est défini à la fois par ses formes d’#emploi dégradées, par les tentatives d’#autonomie qui s’y cherchent, et par sa vulnérabilité économique. Il partage nombre de problèmes et de besoins avec un foyer central : celui des précaires des industries culturelles chez qui la précarité oscille entre assujetissement et libération. C’est dans ce dernier cercle que se concentrent nombre d’expériences qui prolongent « l’héritage lumineux et contestataire des années 1960 » (p. 10), et qui sont qualifiées en introduction de « ferment alternatif » du précariat (p. 14).