• Moi, agricultrice

    Des années d’après-guerre à aujourd’hui, des #pionnières agricultrices vont mener un long combat de l’ombre pour passer de l’#invisibilité_sociale, d’un métier subi, à la reconnaissance pleine et entière de leur statut. Trop longtemps considérées « #sans_profession », sous la #tutelle juridique et économique de leurs époux, ces militantes de la première heure livrent le récit intime d’une conquête restée dans l’oubli de l’histoire de l’#émancipation_des_femmes. La nouvelle génération, héritière de cette lente marche vers l’égalité des droits, témoigne également, bien décidée à garantir les acquis gagnés de haute lutte par leurs mères et leurs grands-mères.

    https://www.film-documentaire.fr/4DACTION/w_fiche_film/64524_0

    –—

    Anne-Maire Crolais (à partir de la min 40’09) :

    « Les places, ça se gagne. Est-ce qu’on veut, nous, les femmes, en gagner ou pas ? Il faut le savoir, c’est tout. C’est simple. Un homme ne laissera jamais sa place. (...) Si on veut le pouvoir, on y va. »

    #femmes #vocation #agriculture #reconnaissance #émancipation #injustice_sociale #luttes #cohabitation #travail #agricultrices #Jeunesse_agricole_catholique (#JAC) #profession #identité_professionnelle #existence_sociale #paysannerie #mai_68 #paysannes #paysans-travailleurs #permis_de_conduire #histoire #féminisme #indépendance_financière #statut #droits_sociaux #droits #congé_maternité #clandestinité_sociale #patriarcat #égalité_des_droits #sexisme_ordinaire
    #film #film_documentaire #documentaire

  • Comment être une agricultrice en 2020 ?

    Entre mai et août 2020 j’ai lancé sur le compte Twitter d’AgriGenre une série de sondages afin de comparer (i) les résultats que pouvaient m’offrir ces type de sondages – tout en ayant conscience des limites de cet outil – (ii) aux tendances de certaines problématiques de genre que je rencontrais sur le terrain dans les mondes agricoles.

    La population qui a voté aux sondages d’AgriGenre sur Twitter peut être classée en :

    Population agricole : sur Twitter les agriculteurs sont surreprésentés par rapport aux agricultrices. On a tendance à les retrouver plus fréquemment comme producteurs de tweets, de commentaires, de votes.
    Population non agricole : composée de citoyen.ne.s, de militant.e.s, d’universitaires, de chercheur.euse.s, etc. Les réponses à certaines questions ont plutôt un caractère général et distancié. Il n’y a pas forcément de connaissance directe ni d’expérience concrète avec les mondes agricoles.

    Les sondages de Twitter ne permettant pas de distinguer les différentes populations (agricole, non agricole) ni le genre des votants, j’ai souhaité comparer les précédents résultats, (i) votes des sondages Twitter et (ii) tendances de terrain, aux (iii) votes d’une troisième population composée uniquement d’agriculteurs et d’agricultrices, avec un large spectre géographique.

    A l’aide de contacts dans le monde agricole, une population de cent cinquante agricultrices et agriculteurs a accepté de répondre à l’ensemble des questions posées préalablement sur le compte Twitter d’AgriGenre. Afin de ne pas influencer les votes, aucun lien n’a été indiqué entre ce nouveau sondage et les précédents.

    Composition de l’échantillon :

    Effectif : 150
    Population : chef.fe.s d’exploitation agricole et coexploitant.e.s
    Proportion : 53,3 % de femmes et 46,7 % d’hommes
    Âge : entre 30 ans et 65 ans
    Zone géographique : France métropolitaine
    Types de production : maraîchage, arboriculture, grande culture, viticulture, élevage, apiculture
    Syndiqué.e.s : Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles, Jeunes Agriculteurs, Mouvement de Défense des Exploitants Familiaux, Coordination Rurale, Confédération Paysanne
    Non syndiqué.e.s

    J’ai pu croiser (i) les résultats des sondages hybrides de Twitter avec (ii) les résultats que je recueillais directement sur le terrain et (iii) les résultats du sondage spécifique des agricultrices et agriculteurs de France métropolitaine.

    I. L’agriculteur n’est pas l’agricultrice

    A la question :
    « Quand vous entendez ou lisez le mot agriculteur, vous pensez à :
    – Un homme
    – Un homme ou une femme
    – Un homme et une femme
    – Une femme »

    Le sondage issu de Twitter (AgriGenre, août 2020, 580 votes) indique que l’on pense d’abord à un homme à 75,7 %, à un homme ou une femme à 18,6 %, à un homme et une femme à 5,3 %, à une femme à 0,3 %

    Le mot agriculteur désignerait :

    dans une version exclusiviste, un homme à 75,7 %, une femme à 0,3 %
    dans une version relativiste, quelquefois un homme ou une femme à 18,6 %
    dans une version universaliste, indistinctement un homme et une femme à 5,3 %

    Le sondage issu du milieu agricole indique que l’on pense d’abord à un homme à 56,7 %, à un homme ou une femme à 37,2 %, à un homme et une femme à 10,7 % et à une femme à 0 %

    Le mot agriculteur désignerait :

    dans une version exclusiviste, un homme à 56,7 %, une femme à 0 %
    dans une version relativiste, quelquefois un homme ou une femme à 37,2 %
    dans une version universaliste, indistinctement un homme et une femme à 10,7 %

    Les deux sondages font ressortir un accord d’ensemble.

    Ces deux sondages font également ressortir que :

    Le mot « agriculteur » représente strictement un homme entre 56,7 % et 75,7 % et il représente strictement une femme entre 0 % et 0,3 %.
    Le mot « agriculteur » intègre le fait d’être parfois une femme entre 18,6 % et 37,2 % .
    Le mot « agriculteur » intègre le fait d’être une femme entre 5,3 % à 10,7 %

    Le mot « agriculteur » ne représente :

    Ni « un homme et/ou une femme » (entre 5,3 % et 37,2 %)
    Ni une « femme » (entre 0 % et 0,3 %)

    Mais il représente bien un « homme » (entre 56,7 % et 75,7 %).

    La femme agricultrice reste majoritairement invisible quand il est question du mot « agriculteur » à l’oral ou à l’écrit.

    Parmi les femmes agricultrices :

    63,75 % pensent à un homme quand elles lisent ou entendent le mot « agriculteur »
    25 % pensent à un homme ou une femme
    11, 25 % pensent à un homme et une femme
    0% pensent à une femme

    Parmi les hommes agriculteurs :

    48,57 % pensent à un homme quand ils lisent ou entendent le mot « agriculteur »
    41,43 % pensent à un homme ou une femme
    10 % pensent à un homme et une femme
    0 % pensent à une femme

    Le mot « agriculteur » représente majoritairement un homme à la fois pour les femmes agricultrices et les hommes agriculteurs (entre 48,57 % et 63,75 %) qui s’entendent sur le fait que ce mot ne représente pas une femme (0 %), quelquefois un homme ou une femme (entre 25% et 41,43 %), et très peu un homme et une femme (entre 10 % et 11,25 %).

    Il reste pour la femme agricultrice l’usage du mot « agricultrice », rentrée dans le dictionnaire Larousse en 1961.

    Pour une agricultrice, la distinction entre agriculteur et agricultrice est bien marquée : « Agriculteur : nom masculin, personne qui cultive la terre. Agricultrice : nom féminin, personne qui s’occupe des enfants, de la maison, des courses, des repas, de la traite, des veaux, de la comptabilité et l’administratif de l exploitation. N’en jetez plus ! » (Josianne).

    Une autre agricultrice s’empara également de son expérience pour résumer la chose de la manière suivante : « Dans l’esprit des gens, le mot agriculteur définit bien un homme. Dans le mien, j’ai la même côte, les mêmes bottes et les mêmes charges à payer, il ne me définit pas et le mot agricultrice n’est pas utilisé suffisamment et à sa juste valeur » (Laurence).

    Ce qui est vaut pour les mots « agriculteur » et « agricultrice » vaut aussi pour les mots « paysan » et « paysanne ».

    Dans un autre sondage issu de Twitter (AgriGenre, juin 2020 (A), 1 417 votes) portant sur la question « Faites-vous une différence entre agriculteur/agricultrice et paysan/paysanne ? » , 63,5 % ne font pas de différence contre 36,5 %.

    Le retour du sondage issu des agricultrices et agriculteur va dans le même sens, 58,7 % ne font pas de différence contre 41,3 %.

    Les deux sondages font ressortir un accord d’ensemble (entre 58,7 % et 63,5 %).

    Parmi les femmes agricultrices :

    52,5 % ne font pas de différence contre 47,5 %

    Parmi les hommes agriculteurs :

    65,7 % ne font pas de différence contre 34,3 %

    Parmi les multiples témoignages, un type d’argument tend à revenir fréquemment : « Paysan ou agriculteur, qu’importe, Mais surtout pas « exploitant agricole ». Je considère que je n’exploite rien ni personne » (Gilles).

    Plus critique, une femme agricultrice explique que « Certains veulent avoir à faire à des paysans ( du genre authentiques) alors que ce mot a été et l’est encore péjoratif . Paysan c’est une condition dont celle de femmes pour qui c’est pas jojo , alors que agriculteur, agricultrice c’est un métier avec des connaissances technique » (Clémentine).

    Pour une autre femme agricultrice, « Le nom agricultrice a été donnée plus récemment avec la technicité et la modernisation de l’agriculture. Pour moi, paysanne contient le mot pays. Selon le contexte, les deux sont à employer et ont la même valeur à mes yeux » (Laurence).

    Si ne pas nommer c’est ne pas faire exister, alors le mot « agriculteur » ne représente pas la femme, mais seul le mot « agricultrice », écrit ou parlé, représente bien une femme agricultrice, comme le mot « paysanne », écrit ou parlé, représente la femme paysanne.

    II. Le difficile remplacement de l’agricultrice par l’agriculteur

    En 1982, l’agricultrice Anne-Marie Crolais publiait un ouvrage témoignage où l’on pouvait lire qu’ « en agriculture, il est souvent plus facile de remplacer l’homme car pour remplacer l’agricultrice il faut à la fois travailler sur l’exploitation et remplir le rôle de femme d’intérieur et de mère de famille ». Le sondage demandait si le constat de 1982 était encore d’actualité en 2020 ?

    Les résultats du sondage Twitter (AgriGenre, juillet 2020 (B), 164 votes) indiquent que les votants sont d’accord à 82,3 % (Tout à fait d’accord : 56,7% ; Plutôt d’accord : 25,6%) et pas d’accord à 17,7% (Pas vraiment d’accord : 12,8% ; Pas du tout d’accord : 4,9 %).

    Les résultats du sondage issu du monde agricole indiquent être à d’accord à 54 % (Tout à fait d’accord : 19,3 % ; Plutôt d’accord : 34,7%) contre à 46 % (Pas vraiment d’accord : 30 % ; Pas du tout d’accord : 16 %).

    Les deux sondages font ressortir un accord d’ensemble (entre 54 % et 82,3 %).

    Parmi les femmes agricultrices :

    28,75 % sont tout à fait d’accord, 38,75 % sont plutôt d’accord, 26,25 % ne sont pas vraiment d’accord et 6,25 % ne sont pas du tout d’accord.

    Parmi les hommes agriculteurs :

    8,57 % sont tout à fait d’accord, 30% sont plutôt d’accord, 34,29 % ne sont pas vraiment d’accord et 27,14 % ne sont pas du tout d’accord.

    L’opposition entre les femmes agricultrices et les hommes agriculteurs est marquée :
    67,5 % d’accord pour les agricultrices vs 61,43 % pas d’accord pour les agriculteurs.

    J’ai pu constater sur le terrain que ce sujet restait sensible. Il pouvait être balayé d’un revers de manche, principalement par des agriculteurs, comme susciter un certain malaise chez des agricultrices. Sur ce point une agricultrice m’exprima le fait qu’elle se voyait dans l’exploitation familiale un peu comme « un couteau Suisse » (Marie).

    Les questions liées à la place des femmes dans les exploitations agricoles, à leur pleine reconnaissance et considération, comme les questions portant sur la répartition sexuée des tâches restent toujours d’actualité, trente-huit après le témoignage d’Anne-Marie Crolais.

    III. Des syndicats agricoles en peine avec les agricultrices

    A la question : « Pensez-vous que les questions liées au partage des tâches domestiques, à la pénibilité au travail, aux inégalités de salaire… qui touchent les agricultrices sont suffisamment prises en compte par l’ensemble des syndicats agricoles ? », les résultats sortis de Twitter (AgriGenre, juillet 2020 (A), 63 votes) étaient sans appel : négatif pour 85,8 % des votants (Pas vraiment d’accord : 42,9% ; Pas du tout d’accord : 42,9%) contre 14,3% (Tout à fait d’accord : 9,5% ; Plutôt d’accord : 4,8%).

    Le sondage issu du monde agricole donne un résultat proche : négatif pour 75,7 % des votants (Pas vraiment d’accord : 45,3 % ; Pas du tout d’accord : 30,4%) contre 24,3 % (Tout à fait d’accord : 3, 4 % ; Plutôt d’accord : 20,9 %).

    Les deux sondages font ressortir un accord d’ensemble (entre 75,7 % et 85,8 %).

    Parmi les femmes agricultrices :

    1,25 % sont tout à fait d’accord, 12,5 % sont plutôt d’accord, 48,75 % ne sont pas vraiment d’accord et 37,5 % ne sont pas du tout d’accord

    Parmi les hommes agriculteurs :

    5,71 % sont tout à fait d’accord, 30 % sont plutôt d’accord, 42,86 % ne sont pas vraiment d’accord et 21,43 % ne sont pas du tout d’accord

    Les femmes agricultrices considèrent à 86,25 % que les questions liées au partage des tâches domestiques, à la pénibilité au travail, aux inégalités de salaire… qui touchent les agricultrices ne sont pas suffisamment prisent en compte par les syndicats agricoles. Les hommes agriculteurs les rejoignent à 64,29 %.

    Ces résultats marquent un échec de l’action des syndicats agricoles, toutes tendances confondues, face aux conditions des agricultrices. Ces résultats concentrent toute une série de problèmes, comme ceux évoqués ci-dessus : l’invisibilisation des agricultrices facilite la moindre attention des problèmes que subissent spécifiquement des agricultrices au sein des exploitations agricoles.

    Cette situation n’a pas laissé indifférent des agricultrices : « Malheureusement ce n’est pas un sujet qui est majeur à leurs yeux. Pourtant ce sont des questions primordiales pour la vie des agricultrices » (Laurence), « Effectivement c’est un sujet qu’aucun syndicat ne traite à part entière, c’est vraiment navrant » (Clémence).

    J’ai souligné dans un précédent article le côté masculin marqué des mondes agricoles, tant au niveau syndical que ministériel :

    Au niveau syndical, entre 1946 et 2020, sur cinquante deux représentants nationaux, cinquante ont été des hommes et seulement deux des femmes (50 vs 2).
    Au niveau ministériel, entre 1836 et 2020, sur un effectif de cent quarante cinq ministres ou secrétaires d’État à l’agriculture, cent quarante trois ont été des hommes et seulement deux des femmes (143 vs 2).

    Une agricultrice me rapportait qu’elle regrettait qu’en 2020 les agricultrices soient encore considérées comme « une sorte de caution morale que l’on sort de temps en temps du placard pour se donner une bonne conscience dans une profession majoritairement masculine où les hommes monopolisent toujours les postes de représentation et de responsabilité » (Nathalie).

    Si ne pas nommer c’est ne pas faire exister, ne pas être représenté.e c’est aussi ne pas faire exister.

    IV. Des espaces non-mixtes en question

    La question posée sur Twitter était la suivante : « Depuis de nombreuses années des agricultrices se réunissent en groupes et espaces non-mixtes. Comprenez-vous que ce choix persiste de nos jours ? ».

    Les votants de Twitter (AgriGenre, juin 2020 (B), 796 votes) ont répondu à 83,5% oui et 16,5% non.

    Or sur le terrain les positions que je rencontrai – sans distinction de genre , d’âge ou de position politique/syndicale – n’étaient pas aussi tranchées (pratiquement autant d’avis positifs que négatifs). Je n’ai pas observé un raz-de-marée aussi flagrant d’avis positifs (sauf à penser que mes échantillons et mes terrains étaient systématiquement biaisés).

    Les votants du sondage issu du monde agricole ont répondu à 61,5 % oui et 38,5 % non, ce qui me semble plus près de la réalité de terrain.

    Les deux sondages font ressortir un accord d’ensemble (entre 61,5 % et 83,5 %).

    Parmi les femmes agricultrices :

    62,5 % comprennent ce choix contre 37,5 %

    Parmi les hommes agriculteurs :

    58,57 % comprennent ce choix contre 41,43 %

    Cette question des espaces non-mixtes fait toujours l’objet de débat au sein des mondes agricoles.

    Pour certaines agricultrices la non-mixité de réunion « est une porte ouverte à la ségrégation » (Marie).

    Dans le camps des opposé.e.s à ce type de réunion, je rencontre plus couramment des agricultrices qui mettent en avant leur fort caractère et leur volonté de ne pas se laisser faire : « Je comprends pas du tout ce genre de comportement moi. Qu’il y ait des hommes ou des femmes ma parole est libre et franche et sans entraves. De toute façon, et tant pis pour les réflexions et les regards, je m’exprime de toute façon et je tacle si besoin ! » (Clémence).

    D’autres enfin sont plutôt favorables à la mixité mais elles comprennent ce besoin temporaire en #non-mixité : « Pour avoir animé des formations en groupe mixte ou non, je trouve que la mixité est très enrichissante pour les participants. Mais certaines personnes préfèrent les groupes non mixtes où leur parole sera plus libérée » (Charlotte).

    Chez les agriculteurs et agricultrices totalement acquis à la non-mixité, celle-ci est légitimée par l’expérience au sein du monde agricole :

    « Pour avoir fait une partie de mes études en lycée agricole, j’ai pu malheureusement constater que le sexisme est très (très) présent, et les femmes très minoritaires, donc je comprends qu’elle ai besoins de se retrouver ensemble pour lutter contre cette discrimination » (Nicolas).

    « La non mixité permet de libérer la parole donc par moments elle est indispensable » (Philomène).

    « La « mecterruption » et la « mecxplication » sont manifestes, comme la misogynie en général. On peut comprendre le besoin de certaines femmes de vouloir se retrouver entre-elles. On ne se pose d’ailleurs pas la question quand un groupe est uniquement composé d’hommes. Du reste, les réunions féminines non-mixtes n’empêchent pas leurs participantes d’assister à des réunions mixtes en parallèle » (Stéphanie).

    V. Un matériel agricole encore trop peu adapté aux femmes agricultrices

    A la question « Pensez-vous que le matériel agricole (outil, machine) utilisé par les agriculteurs/agricultrices doit tenir compte du genre ou être indifférent au genre ? »

    Les résultats issus de Twitter (AgriGenre, mai 2020, 125 votes) indiquent un vote majoritaire à 78,8% pour l’indifférence au genre contre 27,2% qui demandent à tenir compte du genre.

    Les résultats issus du monde agricoles indiquent que 45,3 % souhaitent une indifférence au genre et 54,7 % souhaitent tenir compte du genre.

    Les deux sondages font ressortir un désaccord d’ensemble.

    Parmi les femmes agricultrices :

    75 % pensent que le matériel agricole doit tenir compte du genre contre 25 %

    Parmi les hommes agriculteurs :

    68,57 % pensent le matériel agricole ne doit pas tenir compte du genre contre 31,43 %

    Des femmes agricultrices voient des problèmes de force, de poids, de taille… là où des hommes agriculteurs semblent les ignorer.

    Mes retours de terrain indiquent que la population agricole féminine interrogée fait pencher la balance du côté de la prise en compte du genre dans l’usage des outils et machines agricoles.

    Encore de nos jours, pour certains agriculteurs ou personnes du monde agricole, la profession reste un domaine réservé, masculin et viril, où la femme n’est pas toujours bien acceptée comme agricultrice, ou alors à côté de l’homme, comme une aide complémentaire, une sorte de side-farmer.

    Une agricultrice m’expliquait récemment toutes les difficultés qu’elle avait dû rencontrer « lors de formations sur certains aspects techniques et tout particulièrement lors des formations avec l’utilisation des machines » (Isabelle) . Elle s’était heurtée à « l’impossibilité d’accéder aux outils » et « si la formatrice faisait en sorte que les femmes aient le même temps que les garçons » une crise s’en suivait. A quoi se rajoutait le fait qu’elle n’arrivait pas à avoir un « accès égal et de loin » aux machines comme les tracteurs, les tronçonneuses, les pelleteuses…

    Que retenir ?

    Le mot « agriculteur » ne représente pas les femme agricultrices.
    Pour des femmes agricultrices interrogées, il est plus facile de remplacer un homme agriculteur qu’une femme agricultrice sur une exploitation agricole. Ce que contestent des hommes agriculteurs interrogés.
    Pour des hommes agriculteurs et des femmes agricultrices interrogé.e.s, les syndicats agricoles ne prennent pas en compte les questions liées au partage des tâches domestiques, à la pénibilité au travail, aux inégalités de salaire… qui touchent des femmes agricultrices.
    Pour des hommes agriculteurs et des femmes agricultrices interrogé.e.s, les espaces en non-mixité sont légitimes.
    Pour des femmes agricultrices interrogées, il est justifié de tenir compte du genre quand il est question du matériel agricole. Ce que contestent des hommes agriculteurs interrogés.

    Si des hommes agriculteurs interrogés ne sont pas insensibles à certains problèmes que rencontrent des femmes agricultrices (points 3 et 4) une partie de leurs positions rentre en contradiction avec ce qu’expriment des femmes agricultrices (points 2 et 5). Pourrait-on émettre l’hypothèse qu’une égalité idéalisée tendrait à se substituer à une inégalité réelle dans les mondes agricoles entre les hommes et les femmes ?

    Alors, comment être une agricultrice en 2020 dans ces conditions ?

    https://agrigenre.hypotheses.org/846

    #femmes_agricultrices #agriculture #femmes #sondage #chiffres #paysannes #syndicat #syndicats_agricoles

    • Le poids du quantitatif : genre et référencement

      Quelle est la part de certains mots sur le Net ? Et plus précisément, quels sont les poids des mots « agriculteur.s », « agricultrice.s », « paysan.s », « paysanne.s » ?

      Pour répondre à cette question j’ai choisi d’utiliser quatre outils fournis par Google :

      Son moteur de recherche
      Google Trends, permet « de connaître la fréquence à laquelle un terme a été tapé dans le moteur de recherche Google »
      Ngram Viewer, « application linguistique proposée par Google, permettant d’observer l’évolution de la fréquence d’un ou de plusieurs mots ou groupes de mots à travers le temps dans les sources imprimées »
      Google Scholar, permet « la recherche d’articles et de publications scientifiques (…) il inventorie des articles approuvés ou non par des comités de lecture, des thèses de type universitaire, des citations ou encore des livres scientifiques »

      J’ai sélectionné pour chaque couple (agriculteur/agriculteurs, agricultrice/agricultrices, paysan/paysans, paysanne/paysannes) le mot qui avait le plus de poids.

      I. Selon que vous soyez agriculteur ou agricultrice

      Quand j’ai tapé le mot « agriculteur », au singulier, dans le moteur de recherche Google, ce dernier m’a retourné environ 30 000 000 résultats, et quand j’ai cherché le mot « agricultrice » il m’a retourné environ 1 300 000 résultats.

      Le mot « agriculteur » désigne un homme agriculteur et une profession générique accolée aux hommes et quelquefois aux femmes qui l’exercent. Mais ce mot est loin d’être neutre.

      Ce même jour, quand j’ai tapé le mot « agriculteurs », au pluriel, dans le moteur de recherche Google ce dernier m’a retourné environ 900 000 000 résultats, et il m’a retourné environ 440 000 résultats pour le mot « agricultrices ».

      On remarque, dans ces deux exemples, que le mot « agriculteur » est plus souvent référencé que le mot « agricultrice », au singulier comme au pluriel.

      Le mot « agriculteur » est majoritaire au pluriel pour les hommes agriculteurs, tandis que pour les femmes agricultrices c’est le mot « agricultrice » au singulier qui est majoritaire.

      Est-ce à dire que les femmes agricultrices seraient plus individualistes et moins grégaires que les hommes agriculteurs ? Ou que les références sur le Net portant sur les femmes agricultrices sont plus individualisées (portraits…) que pour les hommes agriculteurs ? Je proposerai une autre hypothèse à la fin de cet article.

      Autre enseignement, si au lieu de rechercher les mots d’ « agriculteur.s » et « agricultrice.s » on prenait les mots « paysan.s » et « paysanne.s » ?

      On retrouverait les mêmes dispositions : le mot « paysan » est plus référencé que « paysanne », d’abord au pluriel puis au singulier, et le mot « paysanne » au singulier l’est plus qu’au pluriel.

      La comparaison du référencement des mots agriculteur.s et agricultrice.s puis des mots paysan.s et paysannne.s peut être représentée de la manière suivante

      Les agricultrices et paysannes sont plus souvent référencées au singulier qu’au pluriel, tandis que les paysans et les agriculteurs le sont plus souvent au pluriel.

      Pour chaque couple, avec le mot qui a le plus de poids, le classement est ici « agriculteurs », « paysans », « paysanne », « agricultrice ». La distinction entre les hommes et les femmes du monde agricole est nette.

      II. A chacun son rythme

      Google Trends permet « de connaître la fréquence à laquelle un terme a été tapé dans le moteur de recherche Google ».

      De 2004 à aujourd’hui, soit sur seize ans, pour la France, le terme « agriculteur » (en bleu) est majoritaire, suivit par les termes « agriculteurs » (en rouge), « agricultrice » (en jaune) et « agricultrices » (en vert). On trouvera le même classement pour les termes « paysan », paysans », « paysanne » et « paysannes ».

      Les courbes des agricultrices restent stables, tout en bas, quasi-linéaires, tandis que celles des agriculteurs les survolent avec de nombreux pics.

      Sur la même période, le terme « agriculteur » (en bleu) est majoritaire, suivi par les termes « paysan » (en jaune), « paysanne » (en vert) et « agricultrice » (en rouge).

      Les courbes des agricultrices, terme « agricultrice » (rouge) et paysannes, terme « paysanne » (vert), sont presque parallèles avec une plus légère hauteur pour le terme « paysanne » , tandis que le terme « agriculteur » (bleu) a commencé à prendre le dessus sur le terme « paysan »(jaune) à partir de 2015.

      Pour chaque couple, avec le terme qui a le plus de poids, le classement est ici « agriculteur », « paysan », « paysanne » et « agricultrice ». La distinction entre les hommes et les femmes du monde agricole est toujours aussi nette.

      III. La lutte des places

      Ngram Viewer permet « d’observer l’évolution de la fréquence d’un ou de plusieurs mots ou groupes de mots à travers le temps dans les sources imprimées »

      Entre 1800 et 2020, soit deux cent vingt ans, pour la France, les termes « paysan » et « paysanne » sont restés largement majoritaires. Le mot « agricultrice » arrive dernier de ce classement.

      Le mot « agriculteurs » domine celui d’ « agriculteur » (chose identique entre « paysans » et « paysan »).

      Le mot « agricultrices » a longtemps dominé celui d’ « agricultrice ».

      Mais en 2016 le mot « agricultrice » passe devant celui d’ « agricultrices »

      Alors que le mot « paysanne » domine le mot « paysannes »

      Pour chaque couple, avec le mot qui a le plus de poids, le classement est ici « paysans », « paysanne », « agriculteurs », « agricultrice ». La distinction entre les hommes et les femmes du monde agricole est ici croisée.

      IV. Un référencement masculin

      Dans Google Scholar, aucune limite de date n’a été sélectionnée pas plus que le choix de la langue, et j’ai choisi de conserver les brevets et les citations dans la recherche des termes.

      Les termes « agriculteurs » et « agriculteur » sont majoritaires.

      Tout comme « paysans » et « paysan »

      Pour chaque couple, avec le mot qui a le plus de poids, le classement est ici « paysans », « agriculteurs », « paysanne », « agricultrices ». La distinction entre les hommes et les femmes du monde agricole est nette.

      V. Que conclure de ces quatre exemples ?

      Si on donne une valeur de 4 au mot qui arrive en tête, une valeur de 3 au deuxième, une valeur de 2 au troisième et une valeur de 1 au dernier, on obtient le tableau suivant

      Le classement final indique que les termes qui ont les valeurs les plus élevées sont « paysans » (11), « agriculteurs » (9), « paysanne » (9), « agriculteur » (4), « paysan » (3), « agricultrice » (3), « agricultrices » (1) . Le mot « paysannes » ayant obtenu une valeur de 0.

      Les hommes agriculteurs sont nommés quatre fois (« paysans », « agriculteurs », « agriculteur », « paysan ») et les femmes agricultrices trois fois (« paysanne », « agricultrice », « agricultrices »). Les hommes agriculteurs/paysans obtiennent une valeur totale de 27 tandis que les femmes agricultrices/paysannes obtiennent une valeur totale de 13.

      Lors de nos recherches sur le Net et/ou dans la littérature et la bibliographie nous devrions trouver un poids quantitatif beaucoup plus important de fréquences d’hommes (avec les termes « paysan.s » et « agriculteur.s ») et moindre de fréquences de femmes (avec les termes « paysanne.s » et « agricultrice.s »).

      VI. Agriculteur dopé, agricultrice spoliée

      Au cours d’enquêtes de terrain, quand je pose cette question à des hommes agriculteurs : « Comment nommez-vous la profession d’un homme qui travaille dans le domaine de l’agriculture et qui met en culture ou élève des animaux… ? » j’obtiens comme réponse que cet homme exerce la profession d’ « agriculteur » . Par la suite si je pose la question « Comment nommez-vous la profession d’une femme qui travaille dans le domaine de l’agriculture et qui met en culture ou élève des animaux… ? » la réponse obtenue sera (quasi systématiquement) que cette femme exerce la profession d’ « agriculteur » .

      Maintenant, si je pose la question à des femmes agricultrices « Comment nommez-vous la profession d’un homme qui travaille dans le domaine de l’agriculture et qui met en culture ou élève des animaux… ? » j’obtiens la réponse que cet homme exerce la profession d’ « agriculteur » , mais si je pose ensuite la question « Comment nommez-vous la profession d’une femme qui travaille dans le domaine de l’agriculture et qui met en culture ou élève des animaux… ? » j’obtiens la réponse (systématiquement) que cette femme exerce la profession d’ « agricultrice » .

      Dans le premier exemple, des femmes agricultrices sont comptées comme « agriculteurs » et non comme « agricultrices » par des hommes agriculteurs, ce qui participent à leur moindre poids tout en augmentant artificiellement le poids et la visibilité du mot « agriculteur ».

      Elles sont intégrées, assimilées, diluées et invisibilisées au sein du mot « agriculteur » (à gauche).

      De leur côté, des femmes agricultrices font la distinction entre le mot « agriculteur » et « agricultrice » (à droite).

      Les femmes agricultrices n’intègrent aucun homme agriculteur comme « agricultrice » alors que des hommes agriculteurs intègrent des femmes agricultrices comme « agriculteur » et non comme « agricultrice ».

      Si des hommes agriculteurs intègrent des femmes agricultrices comme « agriculteur » d’autres professions ont conservé ce réflexe qui biaise les résultats.

      https://agrigenre.hypotheses.org/1519

      #recensement #invisibilisation #statistiques #mots

  • L’Europe des femmes | Lisez !
    https://www.lisez.com/livre-grand-format/leurope-des-femmes/9782262066666

    Il n’existait pas encore de recueil de documents sur l’histoire des femmes du XVIIIe siècle à nos jours, pas plus en France qu’en Europe. Avec cet ouvrage, nous revenons aux sources. Fictions, chansons, discours, essais, correspondances – dans leur langue originale et leur traduction française – mais aussi documents iconographiques se font ici l’écho de trois siècles d’histoire européenne et des aspirations ou, au contraire, des obstacles à une plus grande égalité entre les sexes.
    Qu’il s’agisse de textes devenus classiques, comme ceux d’Olympe de Gouges, d’Alexandra Kollontaï et de Virginia Woolf, ou d’autres moins connus, tous font entendre la diversité des expériences du peuple des femmes, de toutes conditions (#domestiques, #paysannes, #artistes, #ouvrières, #intellectuelles…), aussi bien à Paris qu’à Moscou, Madrid ou Londres. Ce livre interroge l’éducation des #filles, l’influence des religions, le rapport au corps, l’expérience de guerre, les féminismes et les luttes menées au nom de l’égalité civile et #politique, ou encore la reconnaissance conquise dans les arts et les #sciences, offrant ainsi à la riche et passionnante histoire des #femmes une somme unique et essentielle.

    #livre

  • Femmes et agriculture

    Je suis allée samedi au colloque organisé par Femmes d’histoire , je retrace ici les grandes lignes de cette journée belle et passionnante. En commençant par la fin :)

    La journée s’est terminée avec la projection du film Réparer la Terre de Laureline Amanieux dans lequel on suit le parcours d’Éloïse de Beaucourt qui passe de professionnelle de cinéma au maraîchage bio en Sarthe.

    Je n’ai pas envie d’en dire plus pour vous laisser découvrir ce document très touchant, sensible, sobre, juste, philosophique aussi et plein d’une saine énergie. Juste préciser que la réalisatrice (elle même passé de l’enseignement du français au cinéma) et Éloïse se connaissaient ce qui peut expliquer le naturel et la fraîcheur du film.

    Il est disponible ici jusqu’à jeudi, ensuite le site de femmes d’histoire prendra le relai, je mettrai alors ce post à jour.
    https://vialmtv.tv/reparer-la-terre

    Aujourd’hui Éloïse produit depuis deux ans mais ses revenus sont encore ridicules (il faut compter entre trois et cinq ans pour gagner sa vie, modestement). Elle défend l’idée de cultures sur de petites parcelles.

    Éloïse participait à une table ronde l’après-midi avec Mariama Sonko, Stéphanie Pageot et Amandine Fresneau et animé par Nassira El Moaddem.
    Pour elles quatre existe un lien fort avec la terre qu’elles occupent.

    Paysanne ? Agricultrice ?

    Éloïse a répondu à cette question approximativement en ces termes : « Paysan, paysanne, je ne sais pas ce que c’est. Si le mot renvoie à la notion de paysage, si paysanne c’est œuvrer à maintenir le bocage, à avoir des pratique qui respecte l’environnement, la vie du sol où l’on installée, à travailler pour les populations qui vivent là, à participer à la vie locale, alors oui, je suis une paysanne. »

    Stéphanie Pageot est éleveuse bio en Loire-Atlantique depuis vingt ans. Elle est associée à deux hommes, son conjoint et un autre homme de sa famille (j’ai oublié lequel) et ont 5 salarié·es pour un équivalent de 4 temps pleins.
    Aujourd’hui les trois associé·es touchent la même rémunération, 2 000 euros par mois. La ferme produit du fromage et la nourriture des vaches (125 vaches sur 128 hectares). La vente de leurs productions est locale.
    Pour Stéphanie, le mot paysan renvoi au syndicat, ce qui la gêne, mais se considère néanmoins comme une paysanne.

    Stéphanie a été présidente de la Fédération nationale de l’agriculture biologique. Une première donc, dans ce milieu très macho. Sous sa présidente, une enquête auprès de 2 500 agricultrices à été menée « Quelle est la place des femmes dans l’agriculture biologique ? » (que je n’ai pas encore lu)
    http://www.fnab.org/actualites/evenements/1019-quelle-est-la-place-des-femmes-dans-l-agriculture-biologique-colloque
    http://www.fnab.org/images/actions/MEP_FEMMES_EN_AB_PAGE_A_PAGE_VF.pdf
    faisant ressortir une distribution genrée des activités. Et un déni de la part de la profession puisque lorsque l’enquête a été publiée, les résultats ont été remis en cause.

    Stéphanie a aussi participé à des rencontres entre professionnels (du style 40 hommes pour 2 femmes) où le principal sujet de discussion était invariablement axé sur le matériel et la technique. Elle a fini par se lasser et y renoncer. Alors pourquoi pas plus de femmes ? Réponse dans l’enquête : les femmes, accaparées par les tâches administratives, ménagères, les enfants, n’ont pas le temps.

    Maintenant elle aimerait participer à des rencontres entre femmes agricultrices, comme on peut le voir dans ce petit film qui a été projeté en fin de matinée « Je, tu, elles, femmes en agriculture » d’Aurélia Étienne visible là https://www.dailymotion.com/video/x5a28jk

    Douze femmes agricultrices de la Drôme et de l’Ardèche s’autorisent durant l’hiver à faire un pas de côté ; prendre un peu de recul et se poser certaines questions, plus ou moins confortables, parfois bien plus bouleversantes qu’il n’y paraît…
    Elles partent à la rencontre d’autres agricultrices et interrogent leurs parcours, leurs difficultés et parfois leurs combats, pour se réaliser dans ce métier.

    Mariama Sonko est sénégalaise, de Casamance, mais pas agricultrice : « moi je suis cultivatrice, éleveuse, pêcheuse, transformatrice, vendeuse, mère de famille (elle est veuve et a quatre enfants), impliquée dans le mouvement Nous sommes la solution : je suis paysanne. » Et donc, très impliquée puisque leader du mouvement qui regroupe 12 associations d’Afrique de l’Ouest, 175 000 femmes.
    Un mouvement qui prône l’agroécologie, la transmission des savoirs faire, les semences paysannes et défend les droits des paysannes. https://www.thehumansmag.com/blog/nous-sommes-la-solution ou http://senagriculture.com/monde-rural-femmes-vantent-avantages-de-lagro-ecologie ( mais je vais essayer de trouver d’autres ressources dans les prochains jours)

    Elle participait le matin et l’après-midi, du coup je vais mettre un peu en vrac ses remarques et constats :

    Elle accorde beaucoup d’importance aux semences paysannes, dans sa région se sont les femmes qui font la sélection des graines dont le principal critère est la résistance (résistance qui était le maître mot de la journée, soit dit en passant). Résistance au climat, aux pathogènes, aux insectes ravageurs, à l’acidité ou salinité du sol. Et bien-sûr, le mouvement défend le droit des paysan·nes de sélectionner, reproduire, vendre, échanger ses propres semences « un paysan sans semences est un paysan pauvre »… et l’utilisation de produits phytosanitaires naturels. Se sont aussi les femmes qui ont la charge du stockage et conservation des semences dans des pots d’argiles auxquels elles ajoutent des herbes spécifiques pour éviter les ravageurs.

    Je lui ai demandé ce qu’il en était de l’accès à la terre pour les femmes : les hommes rechignent à leur donner des terres, elles héritent de petites parcelles de terres de moindre qualité. Cela confirme donc les infos recueillies pour mon billet.

    Point de vue finances, le microcrédit existe bien et a pu aider. On le sait, les paysannes reversent l’intégralité de leurs revenus dans le ménage alors que les hommes n’en reversent qu’une partie et fait ce qu’il veut du reste. Nous sommes la solution recommande aux femmes de mettre 30 % de leurs revenus de côté pour leur usage personnel, voire de futur projet : cela a un effet sur le comportement des hommes. Dès lors que les femmes gagnent en indépendance, les hommes sont beaucoup plus respectueux des femmes et de leurs droits.

    La parité est entrée dans la loi sénégalaise, même si les hommes y rechignent, ils ont tendance à respecter la loi par peur d’être réprimés.

    Mariama racontait qu’elle tenait son fort tempérament de son grand-père, paysan, très sensible à l’environnement au point de s’offusquer si on tuait un moustique ! Il plantait des arbres dans les bois autour de ses champs : « si les animaux sauvages viennent dévorer tes cultures, c’est qu’ils ne trouvent pas assez à manger dans la nature, alors je plante en dehors des champs pour que les animaux ne dévorent pas mes cultures ».

    Pour Mariama, le plus difficile est la perte de la main d’œuvre valide, les jeunes partent tenter leur chance ailleurs (migrations).

    Pour Stéphanie et Amandine (j’y reviendrai), le plus difficile est la paperasse, une activité qu’elle n’ont pas choisi de faire. Car se sont les femmes qui s’occupent de la paperasse. Amandine, vigneronne, passe 60 % de son temps en tâches administratives.

    Stéphanie délègue depuis quelques années une partie de la gestion de la ferme mais cela a un coût que peu de femmes peuvent s’offrir : un centre de gestion facture 50 euros de l’heure, un tarif bien supérieur au revenus des paysannes.

    Quant à Éloïse, elle a fait le choix de se passer d’aides, cela réduit la paperasse.

    Amandine Fresneau est vigneronne (attaché au travail de la vigne) et non viticultrice (plutôt en rapport au fonctionnement d’une coopérative viticole). Elle est aussi œnologue. Elle a repris avec son frère l’entreprise familiale depuis quatre générations. Pendant ses études, elle est partie en stage à Montpellier (coucou @arno), femme, elle n’avait pas le droit d’entrer dans un chais. Elle est revenue en Sarthe.

    Plus globalement, en France, 30 % des agriculteurices sont des femmes ; 40 % des agriculteurices bio sont des femmes.

    Les institutions en charge des questions agricoles s’attachent aux productions et aux moyens de production sans remettre en cause les inégalités entre hommes et femmes, très importants dans la professions. Cela rejoint le constat que j’avais fait lors de ma recherche : on a des statistiques sur les productions, les quantités, les surfaces, les exportations, les importations, le nombre de tracteurs, les quantités de produits chimiques… et rien sur celles et ceux qui produisent !!!

    Je remets ici mon billet
    https://seenthis.net/messages/559483

    et ce tableau toujours d’actualité

    Et je remets ici le film de Marion Gervais Anaïs s’en va-t-en guerre
    https://rutube.ru/video/96211a3e54a82ce15599c6aca4873f6d
    #femmes #agriculture #inégalité

  • Les #paysannes se lèvent contre le #sexisme dans l’#agriculture
    https://reporterre.net/Les-paysannes-se-levent-contre-le-sexisme

    Mais féminisation ne rime pas avec représentation au sein des organisations agricoles. Pour sa thèse, Clémentine Comer s’est penchée sur la question. « Les #organisations_agricoles n’échappent pas à l’existence d’une division sexuée horizontale des responsabilités, écrit-elle dans la revue Campagnes solidaires. Il existe une surreprésentation des femmes dans les “petits” mandats (à caractère sociaux, territoriaux, ou dans la valorisation de filières de niche), et de l’autre, leur quasi-absence dans les mandats prestigieux (syndicaux, économiques et techniques). »

    À cela s’ajoute une division verticale des mandats : « Plus présentes à l’échelle locale, les responsables féminines passent difficilement les seuils d’engagements départementaux, et plus encore régionaux. »

    #droits #syndicalisme #santé #retraite #représentativité #égalité_femme_homme #femme

  • GRAIN — #Infographie : Non aux lois semencières qui criminalisent les #paysans & défendons les semence paysannes
    https://www.grain.org/fr/article/entries/5151-infographie-non-aux-lois-semencieres-qui-criminalisent-les-paysans-defen

    Les #semences paysannes sont attaquées de toutes parts. Sous la pression des grandes entreprises, les législations de nombreux pays posent des obstacles à ce que les paysans et les #paysannes peuvent faire de leurs propres semences et des semences qu’ils achètent. La conservation et la réutilisation des semences, une pratique millénaire à la base de l’#agriculture devient une activité criminelle. Que peut on faire ?

    #criminalisation

    • CONTRER LA #PROPAGANDE

      Les entreprises semencières et les gouvernements prétendent que ces législations semencières protègent les consommateurs, garantissent la qualité des semences, augmentent les rendements et contribuent à nourrir les affamés. Il nous faut briser ces #mythes et démontrer que les semences promues par ces #lois engendrent une agriculture #toxique qui affame les #peuples. Ces lois ne visent qu’à extraire du profit des communautés rurales pour le transférer aux entreprises.

  • Énorme et magnifique travail d’Agnès Stienne : Agricultrices dans la solitude des champs d’oignons - Visionscarto
    https://visionscarto.net/agricultrices-dans-la-solitude

    L’objectif de cette étude n’est pas de décrire le rôle des agricultrices dans toute sa complexité. (…) Le propos est d’en dégager les constantes, les obstacles qui pavent le parcours des femmes. Des obstacles qui freinent leur carrière, qui les empêchent de vivre décemment, qui les empêchent de faire vivre décemment leur famille. Ces obstacles, plus marqués dans les pays en voie de développement qu’ailleurs, ont pour origine une seule et même cause : le sexisme.

    Avec une dizaine de planches à l’#aquarelle, toutes à la fois belles et informatives.

    Agnès (merci @odilon) aimerait que ce projet puisse à terme se transformer en une exposition itinérante. Si vous avez la capacité de soutenir ou de faire avancer cette idée, n’hésitez pas à prendre contact
    https://www.helloasso.com/associations/terres-et-territoires/collectes/terres-et-territoires

    #femmes #agriculture #cartographie #art

  • On peut dire sans hésitation que le vrai fascisme, c’est le pouvoir de cette société de consommation

    Pier Paolo Pasolini

    http://www.dailymotion.com/video/xt5e47_pasolini-fascisme-et-societe-de-consommation_webcam


    Une excellente analyse par Max Leroy
    http://ragemag.fr/pasolini-et-le-fascisme-de-la-consommation-25786

    Le régime instauré par le Parti national fasciste était, à l’image de son Guide, bouffon, grotesque et obscène : quincailleries antiques, aigles en feuilles d’or, parades de carnaval et gestuelle pathétique d’un chef d’orchestre sans génie. Et #Pasolini d’estimer que les deux décennies de tyrannie n’eurent au final qu’un impact réduit sur le peuple italien : l’âme du pays n’en fut pas transformée dans ses profondeurs. « Les différentes #cultures particulières (#paysannes, #sous_prolétariennes, #ouvrières) continuaient imperturbablement à s’identifier à leurs modèles, car la répression se limitait à obtenir leur adhésion en paroles. » Le #consumérisme, qu’il identifiait donc à une nouvelle forme de #fascisme (en ce qu’il pénètre les cœurs du plus grand nombre et ravage durablement, sinon irrémédiablement, les #sociétés qui lui ouvrent les bras), se montra en réalité bien plus destructeur : « Aucun #centralisme_fasciste n’est parvenu à faire ce qu’a fait le centralisme de #la_société_de_consommation. Le fascisme proposait un #modèle #réactionnaire et monumental mais qui restait lettre morte. De nos jours, au contraire, l’adhésion aux modèles imposés par le centre est totale et inconditionnée. On renie les véritables modèles culturels. L’abjuration est accomplie. On peut donc affirmer que « la tolérance » de l’#idéologie_hédoniste voulue par le nouveau #pouvoir est la pire des #répressions de l’histoire humaine. »

    Sous couleur de #démocratie, de #pluralité, de tolérance et de bien-être, les #autorités #politiques, #inféodées aux #pouvoirs #marchands, ont édifié un système #totalitaire sans nul autre pareil. L’Histoire est facétieuse lorsqu’elle se rit des paradoxes : Mammon réalisa le rêve de Mussolini. En #uniformisant tout un peuple, le premier mena à bien les desseins les plus fous du second, qui ne sut ni ne put aplanir l’Italie sous les bottes d’un Empire. « Le fascisme, je tiens à le répéter, n’a pas même, au fond, été capable d’égratigner l’âme du peuple italien, tandis que le nouveau fascisme, grâce aux nouveaux moyens de #communication et d’#information (surtout, justement, la #télévision), l’a non seulement égratignée, mais encore lacérée, violée, souillée à jamais. »

    (...)

    L’ouvrage #Divertir pour #dominer (2010) a justement mis en relief « l’ampleur et la sophistication des procédés mis en œuvre par les #industries dites #culturelles pour forger les consciences aux valeurs de l’#hypercapitalisme » : #massification_des_désirs (via l’#endoctrinement_publicitaire), grégarisation sous couvert d’#individualisme, appauvrissement du #lien #social, #mimétisme collectif, #aliénation des #consciences… Ce #dressage généralisé est notamment rendu possible par la #télévision, que Pasolini percevait comme un instrument « #autoritaire et répressi[f] comme jamais aucun moyen d’information au monde ne l’a été » (à l’évidence, le téléviseur n’asservit pas en soi et il serait sans doute possible d’en faire un usage émancipateur s’il ne se trouvait pas « au service du Pouvoir et de l’#Argent »).

    (...)

    Le succès du #régime_consumériste tient en ce qu’il n’a pas recours aux matraques, chères aux gouvernements autocratiques (des monarchies à l’URSS), pour #dresser ses #domestiques. La mise au pas est assurée sans que le sang ne soit versé. #Servitude_volontaire, ou presque : le #capitalisme à la papa, #bourgeois et bedonnant, cigare d’une main et fouet de l’autre, sent la naphtaline ; le voici lifté et relooké, hype et in, cherchant à susciter partout le #désir de ses #sujets. « La fièvre de la #consommation est une fièvre d’obéissance à un ordre non énoncé », énonçait Pasolini en 1974. Un ordre qui, pour reprendre la formulation de Dufour, « réduit l’humanité à une collection d’individus calculateurs mus par leurs seuls intérêts rationnels et en concurrence sauvage les uns avec les autres » (Le Divin Marché) : les églises se sont vidées au profit des centres commerciaux, le salut individuel passe par les biens matériels et les peuples cèdent la place aux troupeaux…

    (...)

    Pasolini s’étonnait, dans ses Lettres luthériennes (sous-titrées Petit traité pédagogique), de l’absence de réactions des #communistes et des #antifascistes, au cours des années 60 et 70, face à l’#hégémonie_marchande et à la #standardisation de l’espèce humaine – #mutation_anthropologique à ses yeux historiquement unique. Cette évolution, que l’on prenait soin de nommer « développement », le répugnait tant qu’il alla jusqu’à utiliser, de façon polémique et nécessairement ambiguë, le terme de « génocide » afin de mettre en évidence le caractère criminel d’un tel #système #économique. Le torrent #ultralibéral et #productiviste charrie l’#éradication des #cultures, des modes de vie, des #particularismes et des #valeurs #millénaires, transformant ainsi les #humains en « #automates laids et stupides, adorateurs de fétiches ». Il signe la mise à mort du petit #peuple cher à l’#écrivain – ce peuple des faubourgs et des champs, des nippes reprisées et des mains râpées, ce peuple qu’il conviait à sa table, autour d’une rime ou d’un tournage.

    Bibliographie :

    –Les écrits corsaires (lecture indispensable) collection Champs-Flammarion

    –Les lettres luthériennes collection Points

    #Capitalisme #Libéralisme #Fascisme #Pier_Paolo_Pasolini #Livres #Vidéo #Italie

    • Je pense pas qu’on puisse dire que le consummérisme est une nouveau fascisme. Le pouvoir des industries culturelle est grand, et il peu être au service de différentes idéologies. Point. Il n’en reste pas moins que ce n’est pas l’hédonisme le coupable, ou le fait que les gens consomme (car ils ont des besoins, ou qu’on leu fait croire), mais bien, qu’il y a des gens qui empêche d’accéder a ce qu’on a besoin par d’autres moyens que la consommation (comme le partage du travail et de la production) et que des gens organise des besoins a partir d’une « bonne capacité » à gérer notre environnement en faveur de leurs intérêts.
      Je crains qu’il y est en fait bcp d’aspect réactionnaire dans ces confusions sur le « consummérisme ».