• « Si Cuba peut nous aider, ce sera très bien ». À Guingamp, des médecins cubains pour sauver l’hôpital public ?
    https://france3-regions.francetvinfo.fr/bretagne/cotes-d-armor/guingamp/si-cuba-peut-nous-aider-ce-sera-tres-bien-a-guingamp-de
    https://france3-regions.francetvinfo.fr/image/j6G3me264vNxfKTgwYb_qALLtxw/930x620/regions/2024/02/17/cuba-65d0d793ca9f6045510435.jpg

    « Si Cuba peut nous aider, ce sera très bien ». À Guingamp, des médecins cubains pour sauver l’hôpital public ?
    Écrit par Camille Bluteau
    Des médecins cubains pourraient-ils sauver l’hôpital public de Guingamp ? Vendredi 16 janvier, les défenseurs de l’hôpital de Guingamp (Côtes-d’Armor) ont rencontré Otto Vaillant, l’ambassadeur de Cuba. Chaque année, des dizaines de milliers de médecins cubains sont formés pour venir exercer à l’étranger et ils sont prêts à venir en France. Faire venir des médecins cubains pour sauver une maternité ? C’est le pari lancé par des défenseurs de l’hôpital de Guingamp (Côtes-d’Armor) qui ont rencontré vendredi 16 février 2024 l’ambassadeur de Cuba, Otto Vaillant, dans un territoire marqué par des difficultés d’accès aux soins. Chaque année, des dizaines de milliers de médecins cubains sont formés pour venir exercer à l’étranger et sont prêts à venir en France. L’agglomération de Guingamp-Paimpol avait invité le diplomate car elle a eu connaissance de « la possibilité d’envoi de médecins cubains dans le monde pour aider tant dans l’urgence que dans le temps », a expliqué son président Vincent Le Meaux, évoquant « un besoin en santé sur nos territoires ». « Si Cuba peut nous aider, ce sera très bien », a-t-il poursuivi. La maternité de Guingamp, menacée de fermeture depuis des années, a obtenu un sursis en 2018 à la demande d’Emmanuel Macron, après une forte mobilisation de la population. Mais depuis avril 2023, les accouchements y sont suspendus, faute d’un nombre de soignants suffisants.
    D’autres hôpitaux de la région souffrent d’un manque de personnel soignant. À Lannion et à Carhaix, l’accès aux urgences est régulé la nuit, faute de médecins urgentistes. Les Côtes-d’Armor sont le département le moins bien loti de la région en termes de densité de médecins. Depuis avril 2023, les accouchements à l’hôpital de Guingamp sont suspendus. Des médecins cubains pourraient venir en renfort.Depuis avril 2023, les accouchements à l’hôpital de Guingamp sont suspendus. Des médecins cubains pourraient venir en renfort.
    D’autres élus, en Bretagne et ailleurs en France, ont aussi sollicité Otto Vaillant, assure le diplomate sans préciser lesquels. Bien sûr, il faudra un décret du gouvernement et l’accord des autorités de santé. Pour les élus locaux, comme pour le syndicat CGT, cette initiative a valeur de test. « Je pense que l’Agence régionale de santé est à l’écoute de toute solution qui viendrait du territoire. Elle a également intérêt à écouter ce qui est proposé par les élus locaux. Nous allons nous employer à écrire très rapidement au président de la République » afin d’"obtenir cet accord par décret", a assuré Vincent Le Meaux. En France, des médecins cubains sont déjà intervenus en Martinique ou en Guyane en pleine crise du Covid-19, d’autres en Italie et en Andorre. Une région italienne, la Calabre, a signé un accord en 2022 pour un déploiement plus important de 500 Cubains. « C’est une solution rapide. Ils ont montré leur efficacité pour se déployer rapidement en cas de sinistre important. On n’est pas dans un sinistre aigu mais on en arrive à une population délaissée depuis 15 ans. Un tiers de nos patients sont sans médecin généraliste dans la région », déclare Christian Brice, médecin urgentiste à l’hôpital de Guingamp.
    Pour celui qui est à l’origine de cette idée, ce renfort cubain ne serait que transitoire, pour éviter les fermetures de service. « Si on laisse fermer ces services d’urgences, si on ne prend pas des mesures qui seraient intermédiaires pour les maintenir ouverts le temps qu’on forme du personnel pour répondre aux demandes légitimes, on ne les rouvrira pas », regrette Gaël Roblin, conseiller municipal de Guingamp. L’hôpital de Guingamp manque notamment d’urgentistes, d’obstétriciens, de sages-femmes. Les besoins précis n’ont pas été évoqués lors des échanges avec l’ambassadeur cubain. Cette rencontre aura permis de mettre « l’État français face à ses contradictions : nous faisons partie des cinq premières puissances mondiales, il y a encore une vingtaine d’années, nous avions le meilleur système de santé au monde et nous nous retrouvons à faire appel à des médecins cubains », estimait Fabrice Dehove, du syndicat SUD, avant les échanges.
    La venue de médecins cubains soulève des questions, comme l’obstacle de la langue et le coût, alors qu’une grande partie du salaire versé par le pays hôte est prélevée par les autorités cubaines. Les médecins cubains pourront apprendre le français, a assuré l’ambassadeur. La question des salaires que toucheraient ces médecins n’a pas été abordée, mais « à compétence égale, il doit y avoir le même salaire », a fait valoir Vincent Le Meaux. Certaines ONG dénoncent les conditions dans lesquelles sont envoyés les médecins cubains à l’étranger. En 2023, selon les autorités cubaines, 22.632 professionnels de santé étaient répartis dans 57 pays. Cette coopération médicale a rapporté 6,3 milliards de dollars en 2018 et 3,9 milliards en 2020, selon des chiffres officiels. Que cette initiative se concrétise ou non, elle aura au moins le mérite d’attirer l’attention sur la situation de l’hôpital public sur ce territoire.

    #Covid-19#migrant#migration#france#cuba#bretagne#personnelmedical#sante#systemesante#

    • La construction des prix à la SNCF, une socio-histoire de la tarification. De la #péréquation au yield management (1938-2012)

      Cet article analyse les conditions de production et de légitimation des systèmes de prix des billets de train en France, depuis la création de la SNCF en 1938. Initialement fondé sur le principe d’un tarif kilométrique uniforme, le système historique de péréquation est lentement abandonné au cours des décennies d’après-guerre, au profit d’une tarification indexée sur les coûts marginaux. Au tournant des années 1980-1990, ce paradigme est lui-même remplacé par un dispositif de tarification en temps réel – le yield management – visant à capter le maximum du surplus des consommateurs. Les transformations des modèles tarifaires à la SNCF, qui s’accompagnent d’une redéfinition de la notion éminemment polymorphe de service public ferroviaire, résultent du travail de quelques acteurs de premier plan. Ces « faiseurs de prix », qui mobilisent les instruments de la discipline économique et usent de leur capacité d’influence, agissent dans des contextes (politiques, sociaux, techniques et concurrentiels) particuliers, qui rendent possibles, nécessaires et légitimes les innovations qu’ils proposent.

      https://www.cairn.info/revue-francaise-de-sociologie-2014-1-page-5.htm

      #Jean_Finez

    • Noël : est-ce vraiment moins cher de réserver son train SNCF 3 mois à l’avance ?

      C’est un fait : les tarifs des trajets en train pour la période de Noël ont explosé entre octobre et fin décembre 2023. Nous avons suivi, semaine après semaine, leur évolution. Voici les résultats, parfois surprenants, de notre enquête.

      « Plus on réserve un train à l’avance, plus les prix sont bas. » La phrase de la SNCF semble logique. Mais est-elle vérifiée ? À l’approche des fêtes de Noël, nous avons décidé de nous lancer dans une petite enquête. Numerama a relevé les tarifs d’une vingtaine de trajets en train à travers la France, sur les douze dernières semaines, pour en mesurer l’évolution.

      Nous avions une question principale : est-ce vrai qu’il vaut mieux réserver son billet de train trois mois à l’avance, pour le payer moins cher ? Suivie d’une autre : comment les tarifs évoluent-ils à travers le temps, et à quel rythme les trains deviennent-ils complets ?

      Nous avons choisi arbitrairement dix allers-retours à travers la France. La date est toujours la même, pour simuler un voyage pour les fêtes de fin d’année : un aller le 22 décembre, un retour le 27 décembre. Nous avons choisi un train par jour et suivi l’évolution du tarif des billets chaque semaine, à compter du mercredi 4 octobre, soit la date de l’ouverture des ventes (qui avaient d’ailleurs mis en panne SNCF Connect).
      Prendre ses billets tôt pour Noël permet d’éviter le pire

      Après douze semaines de relevés et une agrégation des données, le premier constat est clair : les tarifs ont énormément augmenté sur cette période. Il est évident que, même s’il y a des exceptions, il reste très intéressant de prendre son billet le plus tôt possible. C’est d’ailleurs ce que la SNCF nous a confirmé, par mail : « Plus on réserve à l’avance, plus les prix sont bas. Le mieux est donc de réserver dès l’ouverture des ventes, ou alors dans les semaines qui suivent. »

      Sur ce graphique, nous avons matérialisé la hausse de tous les trajets confondus. À part une ou deux exceptions (en TER), tous les billets ont augmenté, parfois beaucoup. Certains trajets se sont retrouvés complets très vite — nous les avons matérialisés avec un petit rond barré sur le graphique ci-dessous.

      Les prix peuvent parfois varier du simple au double. Le trajet Nantes-Bordeaux, par exemple, est passé de 58 euros à 136 euros (dernières places en première classe), soit une augmentation de 164 %. Un Strasbourg-Paris a terminé à 153 euros, au lieu de 93 euros il y a trois mois.

      Des hausses de prix jusqu’à 150 %

      Au global, les TGV sont les trains qui subissent les plus grosses hausses à travers le temps, sauf quelques exceptions (Marseille-Nice n’a pas changé d’un iota au fil des 12 semaines, par exemple).

      Sur cette carte réalisée par l’équipe design de Numerama, Adèle Foehrenbacher et Claire Braikeh, on observe quels sont les trajets qui ont subi la plus forte hausse (en rouge foncé), par rapport à ceux qui n’ont pas beaucoup bougé sur 3 mois (en rose).

      Pour les retours de Noël sur la journée du 27 décembre, les trajets les plus onéreux sont les mêmes (Paris-Toulouse, Paris-Strasbourg, Nantes-Bordeaux).

      Certains billets sont moins chers quelques jours avant le départ

      Lorsque nous avons commencé cette enquête, nous nous sommes demandé s’il serait possible qu’un billet devienne moins cher à l’approche de la date du voyage, ce qui est plutôt contre-intuitif. Une occurrence est venue, sur la dernière semaine, être l’exception qui confirme la règle : le trajet Paris-La Rochelle (en jaune ci-dessous) est devenu, au dernier moment, moins cher à l’approche du voyage, par rapport au tarif d’il y a trois mois.

      Autre cas curieux : nous avons constaté au fil des semaines une variation à la baisse sur le trajet Nancy-Grenoble, avec une correspondance. « Ce phénomène est extrêmement rare », nous assure la SNCF. « Nancy-Grenoble n’est pas un train direct. Il se peut que l’un des deux trains se remplissent moins vite et que des petits prix aient été rajoutés à un moment donné », explique-t-on. Le voyage a fini par augmenter de nouveau, pour devenir complet deux semaines avant le départ.

      Le trajet n’est pourtant pas le seul exemple. Prenons le trajet en TER et Train NOMAD Caen-Le Havre. Le 4 octobre, le voyage revenait à 38,4 euros. Surprise ! Dès la semaine suivante, il est tombé à 18 euros, pour rester fixe pendant plusieurs mois. Jusqu’au 13 décembre, où le prix a re-grimpé jusqu’à 48 euros — l’horaire du train de départ ayant été modifié de quelques minutes. Ici, ce n’est pas la SNCF, mais les conseils régionaux qui valident les prix. Par mail, l’établissement régional des lignes normandes nous assure que « la baisse des prix 15 jours après l’ouverture des ventes est impossible ». C’est pourtant le constat que nous avons fait, dès une semaine après l’ouverture.

      Pourquoi de telles hausses ?

      Cela fait plusieurs années que la SNCF a commencé à modifier la manière dont elle décide des tarifs, selon le journaliste spécialisé Gilles Dansart. La compagnie aurait décidé de « faire payer beaucoup plus cher à mesure que l’on s’approche de la date de départ du train », alors qu’auparavant, elle se calquait sur la longueur des kilomètres parcourus pour étalonner ses prix, a-t-il analysé sur France Culture le 21 décembre.

      Contactée, la SNCF nous explique : « Les prix sont les mêmes que pour n’importe quelles dates. Il n’y a pas de prix spécifiques pour Noël. Ce qui fait évoluer les prix, c’est le taux de remplissage et la demande. À Noël les trains se remplissent plus vite et les paliers maximum peuvent être atteints plus rapidement. »

      Ces paliers sont un véritable enjeu, lorsque l’on voit que certains trajets se retrouvent complets très rapidement — le Paris-Toulouse du 22 décembre s’est en effet retrouvé complet, selon nos constats, en à peine une semaine, début octobre.

      En 10 ans, la SNCF a perdu 105 TGV, soit 30 000 sièges, a calculé récemment France 2 dans un reportage. « On n’arrivait plus à remplir les TGV, il y avait des taux d’occupation à moins de 60 % », a expliqué à leur micro Christophe Fanichet, directeur général de SNCF Voyageurs.

      Cette politique de financement de la SNCF ne va pas aller en s’arrangeant pour les voyageurs et voyageuses : l’entreprise a déjà entériné une augmentation du prix des TGV pour 2024, rappelle le Parisien.

      https://www.numerama.com/vroom/1593454-noel-est-ce-vraiment-moins-cher-de-reserver-son-train-3-mois-a-lav

    • Mais on sait que l’investissement sur l’infra était sous dimensionnée autour de 2005, donc voir monter les coûts de péages de l’infra n’a rien d’anormal.
      Nos voisins sont-ils sous le prix réel ? Alors il vont subir un effet boomerang plus tard (effet dette).

  • « Sur l’environnement, le divorce entre la Macronie et la communauté scientifique est désormais consommé », Stéphane Foucart
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2024/02/18/sur-l-environnement-le-divorce-entre-la-macronie-et-la-communaute-scientifiq

    Que le pouvoir en place bloque la publication d’un rapport d’expertise n’est jamais anodin. En des temps pas si reculés, cette rupture d’une forme de pacte démocratique entre la #science et l’expertise, d’une part, et les responsables aux affaires, de l’autre, apparaissait même comme une transgression majeure et inacceptable, au point d’alimenter l’indignation des revues scientifiques internationales. A l’automne 1997, on se souvient que Nature avait consacré une couverture sans concession aux tentatives de Claude Allègre, alors ministre de la recherche, de bloquer la publication du rapport d’expertise de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) sur l’amiante.

    Un quart de siècle s’est écoulé, et les mêmes manœuvres apparaissent désormais si normales et bénignes que leurs auteurs présumés ne prennent même plus la peine de les démentir. Le ministre de l’agriculture, Marc ["tu as vu, j’ai dit du bien des pesticides"] Fesneau, est ainsi, depuis mi-janvier, en possession d’un rapport de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’#alimentation, de l’#environnement et du travail (#Anses) sur les plantes issues des nouvelles techniques génomiques, autrement appelées « nouveaux OGM ».

    De longue date, l’Anses avait annoncé la publication de cette expertise pour début février, c’est-à-dire avant que les députés européens ne se prononcent sur les conditions d’un assouplissement réglementaire de ces nouvelles cultures (ce qu’ils ont fait le 7 février).

    Multiplication de tribunes

    Sur cette question controversée, des lettres ouvertes signées par des centaines de scientifiques circulent et s’opposent, certaines favorables, d’autres hostiles à la dérégulation des nouvelles techniques génomiques. Dès lors, donner accès à une expertise en bonne et due forme sur le sujet aurait été nécessaire à un vote éclairé des eurodéputés. Cela n’a pas été le cas. Selon nos informations, ce rapport de l’Anses a été bloqué sur pression politique et, à l’heure où ces lignes sont écrites, il n’est toujours pas public. On ignore ce qu’il contient, mais il est fort probable qu’il ne soit pas aussi enthousiaste que l’aurait désiré le gouvernement, favorable au déploiement de ces « nouveaux #OGM ». Interrogé le 8 février par Le Monde, le cabinet de M. Fesneau n’a pas démenti le blocage du rapport de l’Anses, se bornant à répondre, deux relances et quarante-huit heures plus tard : « Pas de commentaires pour nous pour l’instant. »

    C’est un autre signe que, sur l’environnement, le divorce entre la Macronie et la communauté scientifique est désormais consommé. Il suffit de parcourir les pages « Débats » des journaux pour réaliser l’étendue de ce désamour. Le 7 février, dans Le Monde, près de 80 chercheurs des organismes publics (CNRS, Inrae, Inserm…), spécialistes des impacts des #pesticides sur l’environnement et la #santé, dénonçaient « une mise au placard des connaissances scientifiques » sur leurs sujets d’expertise.

    La veille, dans L’Obs, plus de 500 chercheurs estimaient que les décisions du gouvernement pour sortir du conflit avec les #agriculteurs contournent les questions structurelles posées par le mouvement et ne font que « préparer la prochaine crise » du secteur. Deux jours plus tard, dans La Croix, 140 autres contestaient la mise à l’arrêt du plan national de réduction des pesticides, expliquant que « l’impact délétère [de ceux-ci] sur la santé et sur l’environnement n’est pas une opinion mais un fait scientifique ». Un peu plus tôt, près de 1 600 scientifiques demandaient, dans une lettre ouverte, l’abandon du chantier de l’A69, l’autoroute entre Toulouse et Castres (Tarn). D’autres prises de position collectives, sur la gestion de l’eau notamment, ne devraient pas tarder.

    Pilule amère pour les chercheurs

    Pour les chercheurs qui constatent que des années d’efforts et de travail, de publications scientifiques et de rapports d’expertise ne servent, en définitive, à rien d’autre qu’à alimenter les indices bibliométriques de leurs organismes, la pilule est amère. Au point que la direction scientifique d’un organisme comme l’Inrae a pris sa plus belle plume pour adresser à tous ses chercheurs engagés dans le programme « Cultiver et protéger autrement » un mot « de soutien, et d’encouragement à continuer nos recherches ».

    Un message d’une nature inédite, qui en dit long sur le moral des troupes. Le directeur scientifique pour l’agriculture de l’Inrae, Christian Huyghe, leur rappelle l’utilité et la nécessité de leurs travaux. « La recherche publique est au bon endroit en pensant loin », leur écrit-il, citant quelques résultats récents montrant l’insoutenabilité du #modèle_agricole dominant actuel. M. Huyghe cite en particulier une étude publiée à l’été 2023 indiquant une chute de 95 % de la biomasse d’insectes au cours des vingt-quatre dernières années, dans les zones de grandes cultures allemandes. Des résultats inquiétants, même s’il est plus terrifiant encore de penser que ceux qui décident aujourd’hui de l’agriculture de demain n’en ont aucune connaissance, n’en comprennent manifestement pas la gravité ou, peut-être, s’en moquent complètement.

    A la seule évolution de son rapport aux sciences de l’environnement, on mesure toute l’amplitude de la trajectoire du macronisme le long du spectre politique. On s’en souvient : en 2017, l’un des gestes forts du premier quinquennat d’Emmanuel Macron fut d’opposer au MAGA (« Make America great again ») de Donald Trump, le Mopga (« Make our planet great again ») du chef de l’Etat français – programme dont le but premier était d’accueillir en France des scientifiques brimés aux Etats-Unis, parce que travaillant sur le climat ou sur la biodiversité. En moins de dix ans, le renversement aura donc été total. Le Mopga, glisse un chercheur désabusé pastichant les codes du marketing politique de la Macronie, est devenu une sorte de Mopdaa (« Make our planet dead after all », « Faire mourir notre planète finalement »).

    #écologie

    • Comment une partie du CNRS a relayé une campagne d’influence en faveur des « nouveaux OGM »
      https://www.lemonde.fr/planete/article/2024/02/09/comment-une-partie-du-cnrs-a-relaye-une-campagne-d-influence-en-faveur-des-n


      Des membres de l’Institut de biologie moléculaire des plantes (IBMP) de Strasbourg posent avec un message en faveur des nouvelles techniques génomiques. Photo postée le 5 février 2023 sur X par le compte de l’IBMP. @CNRS_IBMP / X

      Le vote des eurodéputés sur la législation encadrant les nouvelles #techniques_génomiques, le 7 février, a donné lieu à une opération de communication impliquant des instances de l’organisation scientifique. Au grand dam de nombre de ses chercheurs.
      Par Stéphane Foucart, le 09 février 2024

      Le recours à l’#autorité_scientifique est un levier politique puissant. En amont du vote des eurodéputés, mercredi 7 février, sur les conditions d’autorisation en Europe des « nouveaux OGM » (organismes génétiquement modifiés), l’organisation WePlanet a orchestré sur les réseaux sociaux une campagne d’influence fondée sur la mise en avant de chercheurs favorables à la dérégulation de la diffusion de ces plantes, issues des nouvelles techniques génomiques (#NGT pour New Genomic Techniques). L’organisation, qui se présente comme une « ONG éco-moderniste » et milite pour le nucléaire, les OGM et le développement de l’alimentation cellulaire, a bénéficié d’un appui appréciable en France : celui d’une partie du Centre national de la recherche scientifique (#CNRS).

      Deux jours avant le vote, de hautes instances du vaisseau amiral de la recherche française ont, selon les informations du Monde, invité les chercheurs de l’#institut_de_biologie, l’un des dix départements principaux du CNRS, à participer à la campagne de WePlanet, en leur transmettant les éléments de communication concoctés par l’organisation : hashtags, tweets prérédigés, consignes d’interpellation des parlementaires, etc.
      Daté du 5 février, le courriel est adressé par le secrétariat de l’institut de biologie du CNRS à une quinzaine de directeurs d’unités. Sa fuite, dans des listes de diffusion de chercheurs d’universités et d’organismes publics, alimente de nombreux commentaires. Interrogée, la direction de la communication du CNRS assure que la décision de relayer la campagne de WePlanet relève d’une décision de son institut de biologie, « adressée uniquement aux chercheurs de cet institut ».

      « Hold-up »

      « Le CNRS est en faveur d’un assouplissement de la réglementation des OGM sur les NGT afin d’accélérer la recherche et l’innovation à partir de ces nouvelles techniques, lit-on dans le message. A l’occasion de ce débat, #WePlanet a coordonné l’écriture d’une lettre ouverte, notamment signée par Emmanuelle Charpentier et Jennifer Doudna, Prix Nobel de chimie 2020, et envoyée aux membres du Parlement européen pour les inciter à voter en faveur d’une réglementation assouplie pour les nouvelles techniques génomiques. »
      Le message relaie la proposition de WePlanet aux scientifiques « de se prendre en photo devant leur laboratoire et de publier leur image sur les réseaux sociaux en utilisant le #GiveGenesAChance [“Donnez une chance aux gènes”] et #NGTs ».

      La lettre ouverte coordonnée par l’organisation WePlanet et relayée par l’institut de biologie du CNRS appelle les parlementaires européens à « examiner attentivement les avantages de l’adoption des NGT », à « rejeter les ténèbres de l’alarmisme anti-science et à se tourner vers la lumière de la prospérité et du progrès ».
      Le texte a été signé par environ 1 500 scientifiques européens, souvent chercheurs en biologie moléculaire ou en génétique végétale, dont un peu moins d’une vingtaine déclarant une affiliation au CNRS. Les NGT sont toutefois l’objet de grandes divergences d’opinions au sein de la communauté scientifique, souvent selon les champs disciplinaires.

      En écologie et évolution, parmi de nombreux chercheurs interrogés par Le Monde, ou s’étant exprimés sur des listes de diffusion scientifiques, la stupéfaction et la réprobation dominent. « Un hold-up de quelques-uns sur la voix et la réputation de nos institutions », grince un professeur du Muséum national d’histoire naturelle. « Consterné par une prise de position publique de certains acteurs au CNRS qui prend en otage l’ensemble de l’établissement », confie au Monde un écologue, directeur de recherche au CNRS. « Hallucinant et scandaleux », dit un autre, généticien à l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement.

      « Texte partisan »

      Le biologiste François Parcy, médaille d’argent du CNRS, a pour sa part signé la lettre ouverte de WePlanet et a posté sur son compte X une photo en faveur des NGT. « Je l’ai fait par adhésion au message véhiculé, sans avoir reçu ce mail d’invitation du CNRS, dit-il. Cette démarche est surprenante au regard de la frilosité de nos organismes sur ces sujets, mais je trouve bien que l’institut de biologie [du CNRS] s’engage sur ce sujet, alors que de nombreux chercheurs favorables à ces technologies n’osent pas prendre la parole publiquement. »

      « Ce texte apparaît partisan et néglige les données scientifiques en écologie et en évolution sur les conséquences désastreuses pour l’environnement des OGM, qui n’ont fait qu’augmenter les quantités de pesticides répandues sans améliorer les rendements et ont permis de l’appropriation du vivant par des brevets », fait valoir une chercheuse en génétique et écologie évolutives, directrice de recherche au CNRS et membre de l’Académie des sciences.

      L’institut de biologie du CNRS dit ne pas disposer d’« informations précises » sur l’association. Les responsables de WePlanet assurent, eux, que leur organisation a été fondée en février 2022. Installée à Bruxelles, elle dispose de représentants dans plusieurs pays européens – sa représentante en France est une ex-cadre d’Areva, fondatrice de l’association Voix du nucléaire.

      « Permettre un débat contradictoire »

      Selon l’institut de biologie, « la position officielle du CNRS [en faveur d’une dérégulation des NGT] a été établie au terme de réunions avec cinq autres instituts de recherche européens ». La direction du CNRS reconnaît cependant que cette position n’est pas le fruit d’une confrontation pluridisciplinaire de points de vue.
      La juriste Christine Noiville, directrice de recherche au CNRS et présidente de son comité d’éthique (Comets), dit comprendre que, derrière la position du CNRS, « il y a le spectre des arrachages d’OGM qui plane encore et la nécessité de respecter la liberté académique ». Mme Noiville rappelle toutefois l’un des avis récents du Comets selon lequel « si le CNRS venait à décider de s’engager en tant qu’institution, c’est-à-dire s’il prenait des positions publiques et normatives sur des sujets de société, (…) il devrait respecter les règles qui s’appliquent aux #chercheurs – faire connaître clairement sa position, expliciter les objectifs et valeurs qui la sous-tendent – et permettre un débat contradictoire au sein de l’institution ».

      La physicienne Michèle Leduc, directrice de recherche émérite au CNRS, ancienne présidente du Comets, se dit pour sa part très surprise par cette initiative de l’institut de biologie, qui « s’adresse directement à ses directeurs de laboratoire avec des injonctions précises et sans justifier ses options, sur un sujet qui fait l’objet de vifs débats scientifiques, non totalement tranchés et porteurs de graves enjeux politiques ». Elle rappelle « la nécessité du #débat_démocratique éclairé par les scientifiques sur les questions économiques et sociétales ».

      Cet article a été modifié samedi 10 février 2024 pour supprimer les propos d’une chercheuse qui ne souhaite pas être citée.

  • L’élection du président Arevalo au Guatemala donne l’occasion à l’historien Rodrigo Veliz Estrada de donner quelques indications sur l’histoire longue de l’impérialisme (espagnol puis étasunien) dans ce pays d’Amérique central. Un passé colonial qui au travers notamment de la condition des populations autochtone pèse jusqu’à nos jours.

    https://www.lemonde.fr/international/article/2024/02/02/guatemala-l-election-d-arevalo-est-un-symbole-de-renouveau-democratique_6214

    ❝Guatemala : « L’élection d’Arevalo est un symbole de renouveau démocratique »

    Propos recueillis par Angeline Montoya, 2 février 2024

    L’arrivée, surprise, au pouvoir du progressiste Bernardo Arevalo pourrait constituer un tournant pour le Guatemala, souligne l’historien Rodrigo Veliz Estrada, qui revient, dans un entretien au « Monde », sur les années de guerre civile et de pouvoir autoritaire subies par le pays d’Amérique centrale.
    Bernardo Arevalo, entré en fonctions le 14 janvier, est le premier chef de l’Etat progressiste au Guatemala depuis le coup d’Etat de 1954. Il est aussi le fils de Juan Jose Arevalo, premier président démocratiquement élu du pays (1945-1951) dans la foulée de la « révolution d’octobre » en 1944, et incarnation d’un « printemps guatémaltèque » qui dura dix ans. Rodrigo Veliz Estrada, historien guatémaltèque et chercheur à la Freie Universität de Berlin, revient sur l’histoire tourmentée de ce pays dont personne n’avait envisagé pareil tournant électoral.

    Crédité de 5 % des intentions de vote à la veille du scrutin présidentiel, Bernardo Arevalo a été élu au second tour, le 20 août 2023, avec 58 % des suffrages. Que signifie cette victoire pour le pays ?

    C’est un moment charnière ; il y aura un avant et un après. Le très long chapitre qui s’était ouvert avec le coup d’Etat militaire de 1954 se referme de manière hautement symbolique. C’est la première fois [en soixante-dix ans] qu’un acteur politique proposant des changements d’envergure arrive au pouvoir avec un fort soutien populaire. Je n’avais jamais observé un tel soulagement collectif dans le pays. L’élection d’Arevalo est un succès historique, même si maintenant tout reste à faire.

    Quel est le contexte de la « révolution » qui avait permis, en 1944, l’arrivée au pouvoir de Juan Jose Arevalo, père de l’actuel président ?

    Le Guatemala était alors une dictature en pleine décadence, aux mains d’une oligarchie agraire. L’Etat jouait un rôle central dans une économie vouée à l’exportation de la banane et du café. Il réquisitionnait la population indigène [grande majorité des trois millions de l’époque, notamment mayas], au moins une semaine par mois, dans les plantations. Et avait offert à l’entreprise bananière américaine, la United Fruit Company (UFCO), qui détenait le monopole de la production et de la commercialisation de la banane, la concession et le contrôle des ports, du chemin de fer, de la production d’électricité.
    En octobre 1944 se produit un soulèvement populaire – d’abord urbain, avec les jeunes gradés, les étudiants, les artisans et les ouvriers, rejoints ensuite par les ouvriers portuaires, les paysans, les travailleurs journaliers [qui chasse Juan Federico Ponce Vaides, successeur éphémère du dictateur Jorge Ubico]. L’Etat se dote d’une nouvelle Constitution sous la houlette de Juan Jose Arevalo, investi président en mars 1945.

    Comment peut-on définir les dix années du « printemps guatémaltèque » ?

    Juan Jose Arevalo a pris des mesures sociales importantes : rédaction d’un code du travail, interdiction du travail forcé des indigènes – qui, pendant quatre cents ans, avaient fourni une main-d’œuvre esclave –, sécurité sociale, lutte contre la corruption… Ces réformes ont suscité une très forte opposition. Arevalo père a dû faire face à une vingtaine de tentatives de coup d’Etat soutenues par les entreprises américaines (UFCO et la compagnie aérienne Pan Am) et par les dictateurs de la région : la dynastie Somoza au Nicaragua, Rafael Trujillo en République dominicaine, Tiburcio Carias Andino au Honduras.
    Son successeur, Jacobo Arbenz [1951-1954], s’est lancé dans des réformes plus radicales encore en nationalisant des terres – notamment celles de l’UFCO. Les Etats-Unis avaient d’abord soutenu Arevalo, mais, après 1948 et le début de la guerre froide, leur vision change. D’autant qu’Arbenz s’entoure de membres du parti communiste [Parti guatémaltèque du travail]. Dès lors, Washington apporte son soutien aux groupes qui avaient tenté, en vain, depuis plusieurs années, de renverser Arevalo et Arbenz. La CIA finance des campagnes instillant la peur d’une intervention militaire américaine dans la région. En [mars] 1954, la conférence panaméricaine adopte, sous pression américaine, une résolution [« résolution Foster Dulles », du nom du secrétaire d’Etat du président Eisenhower et par ailleurs actionnaire de l’UFCO] condamnant l’« infiltration communiste » au Guatemala. Le 18 juin, des mercenaires payés et armés par les Etats-Unis lancent une offensive sur la capitale guatémaltèque. Le président Arbenz pensait que l’armée le soutiendrait, mais ce ne fut pas le cas.

    Quelles sont les conséquences immédiates du putsch de 1954 ?

    Les organisations paysannes, les syndicats, les partis politiques qui avaient participé à la « révolution d’octobre », en 1944, sont interdits [par la junte militaire]. La gauche tente plusieurs fois, sans succès, de reprendre le pouvoir par les armes, en 1962, avec l’apparition des premières guérillas ou par les urnes. En 1963, une élection est organisée, à laquelle se présente de nouveau Juan Jose Arevalo, qui revient brièvement d’exil – son fils Bernardo est né à Montevideo [en Uruguay] en 1958. Mais un nouveau coup d’Etat empêche la tenue de l’élection.

    Entre 1960 et 1996, le Guatemala est déchiré par une guerre civile qui fait 200 000 morts…

    Cette guerre n’a pas eu la même intensité selon les périodes, les territoires ou les groupes ethniques impliqués. Entre 1963 et 1978, la répression est sélective : ce sont les dirigeants politiques qui sont enlevés ou assassinés. Mais, à la fin des années 1970, surgit une nouvelle guérilla, l’Armée de guérilla des pauvres, dans les zones indigènes qui la soutiennent. La répression est massive, avec des villages entiers massacrés et un racisme évident : on parle de génocide [plus de 83 % des 200 000 personnes tuées ou disparues appartenaient aux ethnies mayas, selon la Commission pour la vérité historique créée après la signature des accords de paix de 1996].
    Ce dessin a été réalisé par un enfant maya originaire du Guatemala, réfugié dans le camp Pujiltic, dans l’Etat du Chiapas, au Mexique, en 1983, dans le cadre d’une mission menée par l’association Enfants Réfugiés du Monde. Sur ce dessin, figurent une arme à feu, un hélicoptère, une chèvre et une poule accompagnant la fuite de l’enfant. Il a été gardé, avec d’autres dessins de ces enfants guatémaltèques comme trace de la guerre contre les peuples mayas. Le jeu et le dessin ponctuaient les missions d’ERM destinées à apporter une aide aux enfants réfugiés et déplacés.
    Ce dessin a été réalisé par un enfant maya originaire du Guatemala, réfugié dans le camp Pujiltic, dans l’Etat du Chiapas, au Mexique, en 1983, dans le cadre d’une mission menée par l’association Enfants Réfugiés du Monde. Sur ce dessin, figurent une arme à feu, un hélicoptère, une chèvre et une poule accompagnant la fuite de l’enfant. Il a été gardé, avec d’autres dessins de ces enfants guatémaltèques comme trace de la guerre contre les peuples mayas.
    Militairement, la guérilla perd en 1983. Son objectif stratégique était de prendre le pouvoir par les armes : elle a échoué. Des négociations sont ouvertes entre l’Etat, alors gouverné par les démocrates-chrétiens [droite] arrivés au pouvoir après les élections de 1985, et les quelques foyers de guérilla que l’armée ne parvient pas à éradiquer. Cette initiative reçoit le soutien du groupe Contadora (Mexique, Colombie, Panama, Venezuela), ainsi que de pays tels que la Norvège ou la France [et aboutit au bout d’un long processus sur l’accord de paix ferme et durable, signé le 29 décembre 1996].
    Les accords de paix ne résolvent pas tout, notamment le problème de la violence…
    La Mission des Nations unies pour le Guatemala, la Minugua, avait pour mandat de vérifier la bonne application du cessez-le-feu et le respect des droits de l’homme [en 1994]. L’Etat se révélait incapable de lutter contre les groupes paramilitaires qui continuaient d’opérer dans le pays, enlevaient des gens et commettaient des assassinats. Mais la Minugua n’avait pas la capacité d’enquêter. L’ONU l’a remplacée, en 2006, par la Commission internationale contre l’impunité au Guatemala, la Cicig. Quand le juriste et diplomate colombien Ivan Velasquez [aujourd’hui ministre de la défense colombien] en prend la tête en 2013, il ose s’en prendre aux grands groupes économiques corrompus, aux plus puissants [soixante structures criminelles sont démantelées entre 2007 et 2019].

    La Cicig a-t-elle renforcé la démocratie ?

    En promouvant des réformes du système judiciaire, notamment avec ce qu’on a appelé les « tribunaux de haut risque », chargés d’enquêter sur les affaires les plus graves, et en renforçant le ministère public, la Cicig a pu s’attaquer aux groupes de pouvoir, députés, narcotrafiquants, avocats, chefs d’entreprise… Bien sûr, cela a engendré des résistances, surtout quand elle s’est mise à enquêter sur le président Jimmy Morales [2015-2019 ; soupçonné de financement illégal pour sa campagne et duquel la Cicig demanda la levée de l’immunité]. C’était une institution populaire. L’ex-procureure générale Thelma Aldana [qui avait travaillé de concert avec Ivan Velasquez, entre 2013 et 2018] avait donc toutes les chances d’être élue à la présidentielle de 2019. Raison pour laquelle sa candidature a été empêchée. Face aux menaces, elle a dû s’exiler avant le scrutin.
    Puis la Cicig a été expulsée par une large alliance de groupes de pouvoir visés par ses enquêtes. En 2020, les forces démocratiques et progressistes ne sont pas parvenues à contrecarrer leurs plans, et c’est Alejandro Giammattei qui est élu président [directeur du système pénitentiaire du Guatemala de 2005 à 2007, il a été incarcéré dix mois en 2010, accusé par la Cicig d’avoir sommairement exécuté des détenus]. Commence alors un régime d’impunité et de corruption.

    Comment expliquer l’élection, quatre ans plus tard, de Bernardo Arevalo ?

    La pandémie de Covid-19 a été un élément déclencheur. Il n’y avait pas de respirateurs ; les vaccins sont arrivés tard ; les dirigeants ont gardé pour eux les aides financières… L’humeur politique a changé. Dans toute l’Amérique latine, les élections postpandémie ont été gagnées par l’opposition. Pour autant, personne n’avait envisagé la victoire de Bernardo Arevalo ! Il est arrivé au second tour de l’élection presque par hasard : le régime avait tout fait pour empêcher de nombreuses autres candidatures qui avaient des chances de l’emporter : Thelma Cabrera, Roberto Arzu, Carlos Pineda… C’est seulement une semaine avant le scrutin que les jeunes ont commencé à se mettre d’accord, discrètement, sur les réseaux sociaux, pour voter pour lui.

    Les communautés indigènes se sont beaucoup mobilisées pour le défendre entre son élection, le 20 août 2023, et son investiture, le 14 janvier…

    Elles ont joué un rôle crucial. Les organisations communautaires mayas quiché, l’ethnie majoritaire et avec le plus de ressources, ont occupé les rues, campé devant le ministère public, avec une grande discipline politique. S’inspirant du cas de la Bolivie – l’arrivée au pouvoir du président Evo Morales [2006-2019] et le rôle des Indiens aymara –, elles pensent que le temps est venu de constituer une force politique capable de gouverner. Il est fort probable qu’il y aura un ou une candidate maya à la prochaine élection présidentielle guatémaltèque, prévue dans quatre ans.

    Arevalo père a construit la démocratie. Les Guatémaltèques se sont-ils souvenus de lui au moment de voter pour son fils, désormais chargé de la reconstruire ?

    Bien sûr ! Mais ce n’est pas pour cela qu’il a été élu. En 2003, le fils de Jacobo Arbenz, qui avait été démis par le coup d’Etat de 1954, s’était présenté à l’élection et était arrivé bon dernier. C’est lorsque les élites ont tenté d’empêcher Arevalo fils d’accéder au pouvoir que les gens ont fait le lien avec son père et qu’il s’est transformé en symbole de renouveau démocratique. Une éventuelle victoire de Donald Trump aux Etats-Unis, en novembre, est cependant inquiétante. Les groupes d’opposition se sentiront renforcés et prêts à contre-attaquer, car Arevalo ne sera plus soutenu par Washington comme il l’a été par Joe Biden.

    #impérialisme #colonialisme #démocratie #Guatemala #Espagne #Etats-Unis #PeuplesAutochtones #CommunautésIndigènes

  • Citoyens de #Rome
    https://laviedesidees.fr/Nicolas-Tran-La-plebe

    Mégalopole d’un million d’habitants, la capitale de l’Empire abritait une « plèbe » diversifiée dont le rôle politique était important. Ses émotions avaient pour lieux les fêtes de quartier, les théâtres et le Grand Cirque. À propos de : Nicolas Tran, La plèbe. Une #Histoire populaire de Rome (du Ier siècle av. J.-C. à la fin du IIe siècle apr. J.-C.), Passés composés

    #peuple #Antiquité #métropole #Double_Une
    https://laviedesidees.fr/IMG/docx/202401_romains.docx
    https://laviedesidees.fr/IMG/pdf/20240215_romains.pdf
    https://laviedesidees.fr/IMG/docx/20240215_romains.docx

  • Sécheresse à Barcelone : après le déni, un réveil brutal
    https://www.lemonde.fr/planete/article/2024/02/14/secheresse-a-barcelone-apres-le-deni-un-reveil-brutal_6216431_3244.html

    Le gouvernement catalan a jusqu’alors tout fait pour éviter un rationnement strict de l’eau, au risque de minimiser le problème. L’agglomération doit désormais prendre des mesures plus drastiques.

    #sécheresse #eau #pénurie #tourisme

    Un tout petit peu plus au sud, aussi :
    https://seenthis.net/messages/1041358

  • #Université, service public ou secteur productif ?

    L’#annonce d’une “vraie #révolution de l’Enseignement Supérieur et la Recherche” traduit le passage, organisé par un bloc hégémonique, d’un service public reposant sur des #carrières, des #programmes et des diplômes à l’imposition autoritaire d’un #modèle_productif, au détriment de la #profession.

    L’annonce d’une « #vraie_révolution » de l’Enseignement Supérieur et la Recherche (ESR) par Emmanuel Macron le 7 décembre, a pour objet, annonce-t-il, d’« ouvrir l’acte 2 de l’#autonomie et d’aller vers la #vraie_autonomie avec des vrais contrats pluriannuels où on a une #gouvernance qui est réformée » sans recours à la loi, avec un agenda sur dix-huit mois et sans modifications de la trajectoire budgétaire. Le président sera accompagné par un #Conseil_présidentiel_de_la_science, composé de scientifiques ayant tous les gages de reconnaissance, mais sans avoir de lien aux instances professionnelles élues des personnels concernés. Ce Conseil pilotera la mise en œuvre de cette « révolution », à savoir transformer les universités, en s’appuyant sur celles composant un bloc d’#excellence, et réduire le #CNRS en une #agence_de_moyen. Les composantes de cette grande transformation déjà engagée sont connues. Elle se fera sans, voire contre, la profession qui était auparavant centrale. Notre objet ici n’est ni de la commenter, ni d’en reprendre l’historique (Voir Charle 2021).

    Nous en proposons un éclairage mésoéconomique que ne perçoit ni la perspective macroéconomique qui pense à partir des agrégats, des valeurs d’ensemble ni l’analyse microéconomique qui part de l’agent et de son action individuelle. Penser en termes de mésoéconomie permet de qualifier d’autres logiques, d’autres organisations, et notamment de voir comment les dynamiques d’ensemble affectent sans déterminisme ce qui s’organise à l’échelle méso, et comment les actions d’acteurs structurent, elles aussi, les dynamiques méso.

    La transformation de la régulation administrée du #système_éducatif, dont nombre de règles perdurent, et l’émergence d’une #régulation_néolibérale de l’ESR, qui érode ces règles, procède par trois canaux : transformation du #travail et des modalités de construction des #carrières ; mise en #concurrence des établissements ; projection dans l’avenir du bloc hégémonique (i.e. les nouveaux managers). L’action de ces trois canaux forment une configuration nouvelle pour l’ESR qui devient un secteur de production, remodelant le système éducatif hier porté par l’État social. Il s’agissait de reproduire la population qualifiée sous l’égide de l’État. Aujourd’hui, nous sommes dans une nouvelle phase du #capitalisme, et cette reproduction est arrimée à l’accumulation du capital dans la perspective de #rentabilisation des #connaissances et de contrôle des professionnels qui l’assurent.

    Le couplage de l’évolution du système d’ESR avec la dynamique de l’#accumulation, constitue une nouvelle articulation avec le régime macro. Cela engendre toutefois des #contradictions majeures qui forment les conditions d’une #dégradation rapide de l’ESR.

    Co-construction historique du système éducatif français par les enseignants et l’État

    Depuis la Révolution française, le système éducatif français s’est déployé sur la base d’une régulation administrée, endogène, co-construite par le corps enseignant et l’État ; la profession en assumant de fait la charge déléguée par l’État (Musselin, 2022). Historiquement, elle a permis la croissance des niveaux d’éducation successifs par de la dépense publique (Michel, 2002). L’allongement historique de la scolarité (fig.1) a permis de façonner la force de travail, facteur décisif des gains de productivité au cœur de la croissance industrielle passée. L’éducation, et progressivement l’ESR, jouent un rôle structurant dans la reproduction de la force de travail et plus largement de la reproduction de la société - stratifications sociales incluses.

    À la fin des années 1960, l’expansion du secondaire se poursuit dans un contexte où la détention de diplômes devient un avantage pour s’insérer dans l’emploi. D’abord pour la bourgeoisie. La massification du supérieur intervient après les années 1980. C’est un phénomène décisif, visible dès les années 1970. Rapidement cela va télescoper une période d’austérité budgétaire. Au cours des années 2000, le pilotage de l’université, basé jusque-là sur l’ensemble du système éducatif et piloté par la profession (pour une version détaillée), s’est effacé au profit d’un pilotage pour et par la recherche, en lien étroit avec le régime d’accumulation financiarisé dans les pays de l’OCDE. Dans ce cadre, l’activité économique est orientée par l’extraction de la valeur financière, c’est à dire principalement par les marchés de capitaux et non par l’activité productive (Voir notamment Clévenot 2008).
    L’ESR : formation d’un secteur productif orienté par la recherche

    La #massification du supérieur rencontre rapidement plusieurs obstacles. Les effectifs étudiants progressent plus vite que ceux des encadrants (Piketty met à jour un graphique révélateur), ce qui entrave la qualité de la formation. La baisse du #taux_d’encadrement déclenche une phase de diminution de la dépense moyenne, car dans l’ESR le travail est un quasi-coût fixe ; avant que ce ne soit pour cette raison les statuts et donc la rémunération du travail qui soient visés. Ceci alors que pourtant il y a une corrélation étroite entre taux d’encadrement et #qualité_de_l’emploi. L’INSEE montre ainsi que le diplôme est un facteur d’amélioration de la productivité, alors que la productivité plonge en France (voir Aussilloux et al. (2020) et Guadalupe et al. 2022).

    Par ailleurs, la massification entraine une demande de différenciation de la part les classes dominantes qui perçoivent le #diplôme comme un des instruments de la reproduction stratifiée de la population. C’est ainsi qu’elles se détournent largement des filières et des établissements massifiés, qui n’assurent plus la fonction de « distinction » (voir le cas exemplaire des effectifs des #écoles_de_commerce et #grandes_écoles).

    Dans le même temps la dynamique de l’accumulation suppose une population formée par l’ESR (i.e. un niveau de diplomation croissant). Cela se traduit par l’insistance des entreprises à définir elles-mêmes les formations supérieures (i.e. à demander des salariés immédiatement aptes à une activité productive, spécialisés). En effet la connaissance, incorporée par les travailleurs, est devenue un actif stratégique majeur pour les entreprises.

    C’est là qu’apparaît une rupture dans l’ESR. Cette rupture est celle de la remise en cause d’un #service_public dont l’organisation est administrée, et dont le pouvoir sur les carrières des personnels, sur la définition des programmes et des diplômes, sur la direction des établissements etc. s’estompe, au profit d’une organisation qui revêt des formes d’un #secteur_productif.

    Depuis la #LRU (2007) puis la #LPR (2020) et la vague qui s’annonce, on peut identifier plusieurs lignes de #transformation, la #mise_en_concurrence conduisant à une adaptation des personnels et des établissements. Au premier titre se trouvent les instruments de #pilotage par la #performance et l’#évaluation. À cela s’ajoute la concurrence entre établissements pour l’#accès_aux_financements (type #Idex, #PIA etc.), aux meilleures candidatures étudiantes, aux #labels et la concurrence entre les personnels, pour l’accès aux #dotations (cf. agences de programmes, type #ANR, #ERC) et l’accès aux des postes de titulaires. Enfin le pouvoir accru des hiérarchies, s’exerce aux dépens de la #collégialité.

    La généralisation de l’évaluation et de la #sélection permanente s’opère au moyen d’#indicateurs permettant de classer. Gingras évoque une #Fièvre_de_l’évaluation, qui devient une référence définissant des #standards_de_qualité, utilisés pour distribuer des ressources réduites. Il y a là un instrument de #discipline agissant sur les #conduites_individuelles (voir Clémentine Gozlan). L’important mouvement de #fusion des universités est ainsi lié à la recherche d’un registre de performance déconnecté de l’activité courante de formation (être université de rang mondial ou d’université de recherche), cela condensé sous la menace du #classement_de_Shanghai, pourtant créé dans un tout autre but.

    La remise en question du caractère national des diplômes, revenant sur les compromis forgés dans le temps long entre les professions et l’État (Kouamé et al. 2023), quant à elle, assoit la mise en concurrence des établissements qui dépossède en retour la profession au profit des directions d’établissement.

    La dynamique de #mise_en_concurrence par les instruments transforme les carrières et la relation d’#emploi, qui reposaient sur une norme commune, administrée par des instances élues, non sans conflit. Cela fonctionne par des instruments, au sens de Lascoumes et Legalès, mais aussi parce que les acteurs les utilisent. Le discours du 7 décembre est éloquent à propos de la transformation des #statuts pour assurer le #pilotage_stratégique non par la profession mais par des directions d’établissements :

    "Et moi, je souhaite que les universités qui y sont prêtes et qui le veulent fassent des propositions les plus audacieuses et permettent de gérer la #ressource_humaine (…) la ministre m’a interdit de prononcer le mot statut. (…) Donc je n’ai pas dit qu’on allait réformer les statuts (…) moi, je vous invite très sincèrement, vous êtes beaucoup plus intelligents que moi, tous dans cette salle, à les changer vous-mêmes."

    La démarche est caractéristique du #new_management_public : une norme centrale formulée sur le registre non discutable d’une prétérition qui renvoie aux personnes concernées, celles-là même qui la refuse, l’injonction de s’amputer (Bechtold-Rognon & Lamarche, 2011).

    Une des clés est le transfert de gestion des personnels aux établissements alors autonomes : les carrières, mais aussi la #gouvernance, échappent progressivement aux instances professionnelles élues. Il y a un processus de mise aux normes du travail de recherche, chercheurs/chercheuses constituant une main d’œuvre qui est atypique en termes de formation, de types de production fortement marqués par l’incertitude, de difficulté à en évaluer la productivité en particulier à court terme. Ce processus est un marqueur de la transformation qui opère, à savoir, un processus de transformation en un secteur. La #pénurie de moyen public est un puissant levier pour que les directions d’établissement acceptent les #règles_dérogatoires (cf. nouveaux contrats de non titulaires ainsi que les rapports qui ont proposé de spécialiser voire de moduler des services).

    On a pu observer depuis la LRU et de façon active depuis la LPR, à la #destruction régulière du #compromis_social noué entre l’État social et le monde enseignant. La perte spectaculaire de #pouvoir_d’achat des universitaires, qui remonte plus loin historiquement, en est l’un des signaux de fond. Il sera progressivement articulé avec l’éclatement de la relation d’emploi (diminution de la part de l’emploi sous statut, #dévalorisation_du_travail etc.).

    Arrimer l’ESR au #régime_d’accumulation, une visée utilitariste

    L’État est un acteur essentiel dans l’émergence de la production de connaissance, hier comme commun, désormais comme résultat, ou produit, d’un secteur productif. En dérégulant l’ESR, le principal appareil de cette production, l’État délaisse la priorité accordée à la montée de la qualification de la population active, au profit d’un #pilotage_par_la_recherche. Ce faisant, il radicalise des dualités anciennes entre système éducatif pour l’élite et pour la masse, entre recherche utile à l’industrie et recherche vue comme activité intellectuelle (cf. la place des SHS), etc.

    La croissance des effectifs étudiants sur une période assez longue, s’est faite à moyens constants avec des effectifs titulaires qui ne permettent pas de maintenir la qualité du travail de formation (cf. figure 2). L’existence de gisements de productivité supposés, à savoir d’une partie de temps de travail des enseignants-chercheurs inutilisé, a conduit à une pénurie de poste et à une recomposition de l’emploi : alourdissement des tâches des personnels statutaires pour un #temps_de_travail identique et développement de l’#emploi_hors_statut. Carpentier & Picard ont récemment montré, qu’en France comme ailleurs, le recours au #précariat s’est généralisé, participant par ce fait même à l’effritement du #corps_professionnel qui n’a plus été à même d’assurer ni sa reproduction ni ses missions de formation.

    C’est le résultat de l’évolution longue. L’#enseignement est la part délaissée, et les étudiants et étudiantes ne sont plus au cœur des #politiques_universitaires : ni par la #dotation accordée par étudiant, ni pour ce qui structure la carrière des universitaires (rythmée par des enjeux de recherche), et encore moins pour les dotations complémentaires (associées à une excellence en recherche). Ce mouvement se met toutefois en œuvre en dehors de la formation des élites qui passent en France majoritairement par les grandes écoles (Charle et Soulié, 2015). Dès lors que les étudiants cessaient d’être le principe organisateur de l’ESR dans les universités, la #recherche pouvait s’y substituer. Cela intervient avec une nouvelle convention de qualité de la recherche. La mise en œuvre de ce principe concurrentiel, initialement limité au financement sur projets, a été élargie à la régulation des carrières.

    La connaissance, et de façon concrète le niveau de diplôme des salariés, est devenu une clé de la compétitivité, voire, pour les gouvernements, de la perspective de croissance. Alors que le travail de recherche tend à devenir une compétence générale du travail qualifié, son rôle croissant dans le régime d’accumulation pousse à la transformation du rapport social de travail de l’ESR.

    C’est à partir du système d’#innovation, en ce que la recherche permet de produire des actifs de production, que l’appariement entre recherche et profit participe d’une dynamique nouvelle du régime d’accumulation.

    Cette dynamique est pilotée par l’évolution jointe du #capitalisme_financiarisé (primauté du profit actionnarial sur le profit industriel) et du capitalisme intensif en connaissance. Les profits futurs des entreprises, incertains, sont liés d’une part aux investissements présents, dont le coût élevé repose sur la financiarisation tout en l’accélérant, et d’autre part au travail de recherche, dont le contrôle échappe au régime historique de croissance de la productivité. La diffusion des compétences du travail de recherche, avec la montée des qualifications des travailleurs, et l’accumulation de connaissances sur lequel il repose, deviennent primordiaux, faisant surgir la transformation du contenu du travail par l’élévation de sa qualité dans une division du travail qui vise pourtant à l’économiser. Cela engendre une forte tension sur la production des savoirs et les systèmes de transmission du savoir qui les traduisent en connaissances et compétences.

    Le travail de recherche devenant une compétence stratégique du travail dans tous les secteurs d’activité, les questions posées au secteur de recherche en termes de mesure de l’#efficacité deviennent des questions générales. L’enjeu en est l’adoption d’une norme d’évaluation que les marchés soient capables de faire circuler parmi les secteurs et les activités consommatrices de connaissances.

    Un régime face à ses contradictions

    Cette transformation de la recherche en un secteur, arrimé au régime d’accumulation, suppose un nouveau compromis institutionnalisé. Mais, menée par une politique néolibérale, elle se heurte à plusieurs contradictions majeures qui détruisent les conditions de sa stabilisation sans que les principes d’une régulation propre ne parviennent à émerger.

    Quand la normalisation du travail de recherche dévalorise l’activité et les personnels

    Durant la longue période de régulation administrée, le travail de recherche a associé le principe de #liberté_académique à l’emploi à statut. L’accomplissement de ce travail a été considéré comme incompatible avec une prise en charge par le marché, ce dernier n’étant pas estimé en capacité de former un signal prix sur les services attachés à ce type de travail. Ainsi, la production de connaissance est un travail entre pairs, rattachés à des collectifs productifs. Son caractère incertain, la possibilité de l’erreur sont inscrits dans le statut ainsi que la définition de la mission (produire des connaissances pour la société, même si son accaparement privé par la bourgeoisie est structurel). La qualité de l’emploi, notamment via les statuts, a été la clé de la #régulation_professionnelle. Avec la #mise_en_concurrence_généralisée (entre établissements, entre laboratoires, entre Universités et grandes écoles, entre les personnels), le compromis productif entre les individus et les collectifs de travail est rompu, car la concurrence fait émerger la figure du #chercheur_entrepreneur, concerné par la #rentabilisation des résultats de sa recherche, via la #valorisation sous forme de #propriété_intellectuelle, voire la création de #start-up devenu objectifs de nombre d’université et du CNRS.

    La réponse publique à la #dévalorisation_salariale évoquée plus haut, passe par une construction différenciée de la #rémunération, qui rompt le compromis incarné par les emplois à statut. Le gel des rémunérations s’accompagne d’une individualisation croissante des salaires, l’accès aux ressources étant largement subordonné à l’adhésion aux dispositifs de mise en concurrence. La grille des rémunérations statutaires perd ainsi progressivement tout pouvoir organisationnel du travail. Le rétrécissement de la possibilité de travailler hors financements sur projet est indissociable du recours à du #travail_précaire. La profession a été dépossédée de sa capacité à défendre son statut et l’évolution des rémunérations, elle est inopérante à faire face à son dépècement par le bloc minoritaire.

    La contradiction intervient avec les dispositifs de concurrence qui tirent les instruments de la régulation professionnelle vers une mise aux normes marchandes pour une partie de la communauté par une autre. Ce mouvement est rendu possible par le décrochage de la rémunération du travail : le niveau de rémunération d’entrée dans la carrière pour les maîtres de conférences est ainsi passé de 2,4 SMIC dans les années 1980 à 1,24 aujourd’hui.

    Là où le statut exprimait l’impossibilité d’attacher une valeur au travail de recherche hors reconnaissance collective, il tend à devenir un travail individualisable dont le prix sélectionne les usages et les contenus. Cette transformation du travail affecte durablement ce que produit l’université.

    Produire de l’innovation et non de la connaissance comme communs

    Durant la période administrée, c’est sous l’égide de la profession que la recherche était conduite. Définissant la valeur de la connaissance, l’action collective des personnels, ratifiée par l’action publique, pose le caractère non rival de l’activité. La possibilité pour un résultat de recherche d’être utilisé par d’autres sans coût de production supplémentaire était un gage d’efficacité. Les passerelles entre recherche et innovation étaient nombreuses, accordant des droits d’exploitation, notamment à l’industrie. Dans ce cadre, le lien recherche-profit ou recherche-utilité économique, sans être ignoré, ne primait pas. Ainsi, la communauté professionnelle et les conditions de sa mise au travail correspondait à la nature de ce qui était alors produit, à savoir les connaissances comme commun. Le financement public de la recherche concordait alors avec la nature non rivale et l’incertitude radicale de (l’utilité de) ce qui est produit.

    La connaissance étant devenue un actif stratégique, sa valorisation par le marché s’est imposée comme instrument d’orientation de la recherche. Finalement dans un régime d’apparence libérale, la conduite politique est forte, c’est d’ailleurs propre d’un régime néolibéral tel que décrit notamment par Amable & Palombarini (2018). Les #appels_à_projet sélectionnent les recherches susceptibles de #valorisation_économique. Là où la #publication fait circuler les connaissances et valide le caractère non rival du produit, les classements des publications ont pour objet de trier les résultats. La priorité donnée à la protection du résultat par la propriété intellectuelle achève le processus de signalement de la bonne recherche, rompant son caractère non rival. La #rivalité exacerbe l’effectivité de l’exclusion par les prix, dont le niveau est en rapport avec les profits anticipés.

    Dans ce contexte, le positionnement des entreprises au plus près des chercheurs publics conduit à une adaptation de l’appareil de production de l’ESR, en créant des lieux (#incubateurs) qui établissent et affinent l’appariement recherche / entreprise et la #transférabilité à la #valorisation_marchande. La hiérarchisation des domaines de recherche, des communautés entre elles et en leur sein est alors inévitable. Dans ce processus, le #financement_public, qui continue d’endosser les coûts irrécouvrables de l’incertitude, opère comme un instrument de sélection et d’orientation qui autorise la mise sous contrôle de la sphère publique. L’ESR est ainsi mobilisée par l’accumulation, en voyant son autonomie (sa capacité à se réguler, à orienter les recherches) se réduire. L’incitation à la propriété intellectuelle sur les résultats de la recherche à des fins de mise en marché est un dispositif qui assure cet arrimage à l’accumulation.

    Le caractère appropriable de la recherche, devenant essentiel pour la légitimation de l’activité, internalise une forme de consentement de la communauté à la perte du contrôle des connaissances scientifiques, forme de garantie de sa circulation. Cette rupture de la non-rivalité constitue un coût collectif pour la société que les communautés scientifiques ne parviennent pas à rendre visible. De la même manière, le partage des connaissances comme principe d’efficacité par les externalités positives qu’il génère n’est pas perçu comme un principe alternatif d’efficacité. Chemin faisant, une recherche à caractère universel, régulée par des communautés, disparait au profit d’un appareil sous doté, orienté vers une utilité de court terme, relayé par la puissance publique elle-même.

    Un bloc hégémonique réduit, contre la collégialité universitaire

    En tant que mode de gouvernance, la collégialité universitaire a garanti la participation, et de fait la mobilisation des personnels, car ce n’est pas la stimulation des rémunérations qui a produit l’#engagement. Les collectifs de travail s’étaient dotés d’objectifs communs et s’étaient accordés sur la #transmission_des_savoirs et les critères de la #validation_scientifique. La #collégialité_universitaire en lien à la définition des savoirs légitimes a été la clé de la gouvernance publique. Il est indispensable de rappeler la continuité régulatrice entre liberté académique et organisation professionnelle qui rend possible le travail de recherche et en même temps le contrôle des usages de ses produits.

    Alors que l’université doit faire face à une masse d’étudiants, elle est évaluée et ses dotations sont accordées sur la base d’une activité de recherche, ce qui produit une contradiction majeure qui affecte les universités, mais pas toutes. Il s’effectue un processus de #différenciation_territoriale, avec une masse d’établissements en souffrance et un petit nombre qui a été retenu pour former l’élite. Les travaux de géographes sur les #inégalités_territoriales montrent la très forte concentration sur quelques pôles laissant des déserts en matière de recherche. Ainsi se renforce une dualité entre des universités portées vers des stratégies d’#élite et d’autres conduites à accepter une #secondarisation_du_supérieur. Une forme de hiatus entre les besoins technologiques et scientifiques massifs et le #décrochage_éducatif commence à être diagnostiquée.

    La sectorisation de l’ESR, et le pouvoir pris par un bloc hégémonique réduit auquel participent certaines universités dans l’espoir de ne pas être reléguées, ont procédé par l’appropriation de prérogatives de plus en plus larges sur les carrières, sur la valorisation de la recherche et la propriété intellectuelle, de ce qui était un commun de la recherche. En cela, les dispositifs d’excellence ont joué un rôle marquant d’affectation de moyens par une partie étroite de la profession. De cette manière, ce bloc capte des prébendes, assoit son pouvoir par la formation des normes concurrentielles qu’il contrôle et développe un rôle asymétrique sur les carrières par son rôle dominant dans l’affectation de reconnaissance professionnelle individualisée, en contournant les instances professionnelles. Il y a là création de nouveaux périmètres par la norme, et la profession dans son ensemble n’a plus grande prise, elle est mise à distance des critères qui servent à son nouveau fonctionnement et à la mesure de la performance.

    Les dispositifs mis en place au nom de l’#excellence_scientifique sont des instruments pour ceux qui peuvent s’en emparer et définissant les critères de sélection selon leur représentation, exercent une domination concurrentielle en sélectionnant les élites futures. Il est alors essentiel d’intégrer les Clubs qui en seront issus. Il y a là une #sociologie_des_élites à préciser sur la construction d’#UDICE, club des 10 universités dites d’excellence. L’évaluation de la performance détermine gagnants et perdants, via des labels, qui couronnent des processus de sélection, et assoit le pouvoir oligopolistique et les élites qui l’ont porté, souvent contre la masse de la profession (Musselin, 2017).

    Le jeu des acteurs dominants, en lien étroit avec le pouvoir politique qui les reconnait et les renforce dans cette position, au moyen d’instruments de #rationalisation de l’allocation de moyens pénuriques permet de définir un nouvel espace pour ceux-ci, ségrégué du reste de l’ESR, démarche qui est justifié par son arrimage au régime d’accumulation. Ce processus s’achève avec une forme de séparatisme du nouveau bloc hégémonique composé par ces managers de l’ESR, composante minoritaire qui correspond d’une certaine mesure au bloc bourgeois. Celles- et ceux-là même qui applaudissent le discours présidentiel annonçant la révolution dont un petit fragment tirera du feu peu de marrons, mais qui seront sans doute pour eux très lucratifs. Toutefois le scénario ainsi décrit dans sa tendance contradictoire pour ne pas dire délétère ne doit pas faire oublier que les communautés scientifiques perdurent, même si elles souffrent. La trajectoire choisie de sectorisation déstabilise l’ESR sans ouvrir d’espace pour un compromis ni avec les personnels ni pour la formation. En l’état, les conditions d’émergence d’un nouveau régime pour l’ESR, reliant son fonctionnement et sa visée pour la société ne sont pas réunies, en particulier parce que la #rupture se fait contre la profession et que c’est pourtant elle qui reste au cœur de la production.

    https://laviedesidees.fr/Universite-service-public-ou-secteur-productif
    #ESR #facs #souffrance

  • Suspension du plan #Écophyto : « On ne s’attendait pas à un tel recul » | #Mediapart
    https://www.mediapart.fr/journal/ecologie/090224/suspension-du-plan-ecophyto-ne-s-attendait-pas-un-tel-recul?userid=ef6c592

    Le souci est-il généralisé ?

    On en vient à se demander s’il y a des endroits sur Terre qui ne sont pas contaminés. J’ai comparé des sols cultivés avec des sols de prairies. Ce sont des prairies qui le sont depuis toujours de mémoire d’agriculteur, donc sans beaucoup d’activité agricole, et dans lesquelles on retrouve tout de même des résidus de produits phytosanitaires.

    On entend beaucoup parler de l’impact des pesticides sur la santé humaine. Mais quel est-il sur la biodiversité ?

    On sait que ces produits sont toxiques quand on les applique sur des organismes ou qu’on donne à manger des produits contaminés à des organismes en laboratoire. Sur le terrain, c’est plus compliqué. Je n’ai jamais observé d’impact létal direct sur les espèces. Mais ce sont des impacts dits sublétaux, plus insidieux.

    Par exemple, dans un travail récent, j’ai étudié deux populations de vers de terre de la même espèce et de la même lignée génétique. En comparant une population qui a été dans des sols gérés en agriculture biologique et l’autre en conventionnel, durant plus de vingt ans.

    On se rend compte que l’expression de leur génome s’est différenciée. En imageant, on peut expliquer que le système métabolique des espèces exposées aux produits phytosanitaires est en surchauffe. Cela laisse entendre que le ver de terre dépense beaucoup d’énergie à faire face, à se décontaminer.

    Concernant les oiseaux dont le régime alimentaire est principalement composé de graines, il y a aussi un déclin, car ils mangent des graines de semences qui sont enrobées de néonicotinoïdes. On sait que cela agit. Mais ce qu’on ne peut pas déterminer, c’est quelle proportion exacte de la baisse du nombre d’oiseaux est directement liée aux produits, puisque d’autres causes entrent en jeu, comme la destruction d’habitats, le manque de haies.

    Mais on découvre encore énormément de conséquences de l’usage des #phytosanitaires

    On cumule quand même pas mal de données sur les concentrations qui existent dans le milieu naturel. Il y a beaucoup de réseaux d’analyses dédiés à l’eau par exemple. En revanche, pour ce qui est des sols, c’est un peu plus récent. Pour moi, cette étude des sols a été délaissée parce qu’on considérait peut-être comme normal de trouver des pesticides, parce que c’était le réceptacle normal des produits en question.

    Maintenant qu’on y prête attention, on a des surprises. Au niveau européen, il y a une étude très récente qui indique que trois quarts des sols sont pollués et contiennent des #pesticides. Et ce n’est pas pollué qu’avec une molécule, c’est un cocktail de #molécules

    Est-ce possible de prévenir les conséquences phytosanitaires sur la biodiversité autrement qu’en réduisant leur usage global ?

    Depuis des années, l’idée est de tendre vers des molécules moins toxiques. Mais cela rend le travail encore plus complexe. Avant, à la sortie de la guerre, les molécules étaient tellement toxiques qu’on voyait des organismes qui pouvaient mourir par intoxication directe. Maintenant, c’est une atteinte à bas bruit qui touche aussi la dynamique des populations. Chez le ver de terre, par exemple, un modèle que je connais bien, cela favorise un retard de croissance, qui implique un retard dans la maturité sexuelle. 

    Par extension, sur une vie de ver de terre, il va moins se reproduire qu’en temps normal. Il y a un déclin des populations parce qu’il y a des effets qui entravent la reproduction de l’espèce.

    On trouve des traces de contamination dans la terre, dans les plantes, dans l’eau, mais aussi dans l’air ?

    Quand l’agriculteur pulvérise son champ, on estime qu’il n’y a que 25 % du produit qui atteint directement la plante. Une partie pénètre dans le sol et atteint la biodiversité et l’eau, et puis le reste part avec le vent. Cette dispersion par le vent est d’ailleurs une des pistes qui expliquerait que l’on retrouve des traces de ces produits y compris dans des parcelles qui n’ont jamais été pulvérisées.

    Puisque beaucoup de travail reste à faire, quelles sont les questions encore en suspens dans l’analyse des produits phytosanitaires ?

    C’est vraiment d’évaluer la #toxicité réelle, en conditions réelles et sur le long terme. C’est le point critique, d’aller vers ce que l’on ne voit pas. On s’intéresse toujours à ce qu’on voit, mais ce qu’on ne voit pas, ce sont les effets sublétaux. Parce qu’en fait, on ne peut pas se contenter de tests. Tout est basé sur des tests qui n’ont aucune réalité et aucune pertinence écologique. 

    Le problème, c’est que maintenant, on veut tout, tout de suite, et on veut le résultat alors que l’expérimentation n’a pas commencé. On fait du court terme. Il nous faut davantage de données sur les conséquences à long terme des produits phytosanitaires sur la biodiversité. Par exemple sur les effets multigénérationnels de ces produits sur les organismes. On doit pouvoir étudier ces effets sur au moins trois générations pour être complets.

    #plan_ecophyto

    • Comme dit #linguisticae :

      Si on vient de baisser les normes phytosanitaires à celles de la Bulgarie. Qu’est ce qui nous empêche d’acheter bulgare ?

      Je trouve ca tellement juste.

      Leurs demandes portaient maladroitement (merci FNSEA) sur les salaires et sur les normes environnementales. Ils ont obtenu le point environnement. Mais ca les met d’autant plus en concurrence avec leurs concurrents, de ce fait. Tout perdu, meme pour eux.

  • À quoi sert-il de se mobiliser contre les JOP 2024 ?
    https://radioparleur.net/2024/02/12/a-quoi-ca-sert-de-se-mobiliser-contre-les-jop-2024

    Les Jeux Olympiques et Paralympiques 2024 (JOP 2024) débuteront le 26 juillet à Paris. À quelques mois seulement de la cérémonie d’ouverture, à quoi ça sert de se mobiliser ? En studio avec nous, Jade Lindgaard, autrice de “Paris 2024 : une ville face à la violence olympique” et Pierre, militant à Saccage 2024. Encourager […] L’article À quoi sert-il de se mobiliser contre les JOP 2024 ? est apparu en premier sur Radio Parleur.

    #Penser_les_luttes_-_L'émission #Une_du_site

  • La sequía pone en jaque al turismo de la Costa del Sol | España | EL PAÍS
    https://elpais.com/espana/2024-02-12/la-sequia-pone-en-jaque-al-turismo-de-la-costa-del-sol.html

    Comment « accueillir » plus de 14 millions de touristes quand plus de 250 000 habitants n’ont déjà plus assez d’eau, sachant que plus un touriste dépense d’argent en hôtel, plus il dépense d’eau ? Une question à 19 milliards d’euros pour Malaga...

    La Costa del Sol afronta este 2024 un año paradójico. Por un lado, busca superar los 14 millones de turistas que llegaron en 2023, su récord histórico. Por otro, no dispone de agua ni para su población. Los datos indican que unas 250.000 personas del litoral de Málaga ya tienen restricciones, de las que 100.000 sufren cortes nocturnos en 15 municipios. Y, claro, surgen las preguntas. ¿Se podrá atender al turismo? ¿Seguirán llegando viajeros? ¿Aceptarán no poder ducharse a ciertas horas o que la piscina de la casa de alquiler esté vacía? Las dudas sobrevuelan a un sector que afronta un verano espinoso y que es indispensable para la economía malagueña: durante el año pasado creó más de 128.000 empleos y dejó más de 19.000 millones de ingresos, según los datos de la Diputación provincial. La incertidumbre rodea a una zona sedienta de turistas, pero que se atraganta ante la persistente falta de lluvia.

    Enrique Navarro, director del Instituto Andaluz de Turismo en su sede malagueña, explica que el consumo de agua turístico varía mucho según el tipo de alojamiento. Las cifras más bajas corresponden a hoteles de una o dos estrellas y las más altas a los de lujo, que cuentan con piscinas, spas o grandes jardines. Hay pocos estudios con datos concretos, pero en la Universidad de Baleares aprovecharon la pandemia para analizar la demanda de los residentes en las islas. Lo compararon con años de turismo y calcularon así el gasto de los visitantes: hay municipios donde apenas el 40% es consumido por residentes. Los cálculos de la investigación indican que en un hotel de cinco estrellas cada persona gasta unos 500 litros al día, “pero pueden ser incluso 700″, explica el profesor Cels García, catedrático de Geografía Física de dicha universidad, quien señala que en un tres o cuatro estrellas baja hasta rondar los 300 litros por día. Sea como sea, el consumo medio de un turista siempre es mayor que el de la población local. Según el Instituto Nacional de Estadística, cada habitante de España gasta 133 litros diarios de media, a los que sumar un 25% más por las pérdidas en la red de abastecimiento.

  • #PeaZip 9.7 Archive Tool Now Supports ARM64 Linux
    https://www.omgubuntu.co.uk/2024/02/peazip-adds-arm64-linux-support

    A new version of PeaZip, a popular free, open-source archive manager for Windows, macOS, and Linux, is available to download. PeaZip 9.7 is the first release to offer a native build for AArch64/ARM64 Linux. This means anyone can now use PeaZip on devices like the Raspberry Pi 4 & 5, the PineBook Pro, Lenovo X13s Gen 1, and similar. Although experimental testing and community-based ports of PeaZip for ARM have been available in the past PeaZip 9.7 is the first formal, native, official, etc build — though it’s provided as a portable build only (i.e. not a DEB or RPM). […] You’re reading PeaZip 9.7 Archive Tool Now Supports ARM64 Linux, a blog post from OMG! Ubuntu. Do not reproduce elsewhere without (...)

    #News #App_Updates

    • Badinter, un type qui sait se faire sa publicité.

      En 1966, il avait épousé en secondes noces Élisabeth Bleustein-Blanchet, fille de Marcel Bleustein-Blanchet, fondateur de Publicis.
      Des euros par centaines de millions.

      S’il n’avait pas supprimé la peine de mort, un ou une autre s’en serait chargé.

    • Rappelons que c’est François Mittérrand qui voulait l’abolition de la peine de mort.

      Homme politique Badinter, garde des Sceaux, président du Conseil constitutionnel, sénateur, passa son existence à défendre les intérêts de la grande bourgeoisie à laquelle il appartenait.
      Se plaçant systématiquement du côté de sa classe, il s’opposera toujours aux mesures sociales et politiques venues de la gauche.
      Dès 1981 il s’opposa en Conseil des ministres aux nationalisations pourtant prévues par le programme du nouveau président. Puis fut le comptable scrupuleux de l’indemnisation des actionnaires des sociétés concernées.

      On ajoutera sans allonger la liste son aveu d’avoir fait du Conseil constitutionnel, un bouclier contre l’expression souveraine du parlement. Sans oublier son aversion pour les couches populaires dont témoignèrent ses prises de position au moment de la crise des #gilets_jaunes.

  • Une organisation en #souffrance

    Les Français seraient-ils retors à l’effort, comme le laissent entendre les mesures visant à stigmatiser les chômeurs ? Et si le nombre de #démissions, les chiffres des #accidents et des #arrêts_de_travail étaient plutôt le signe de #conditions_de_travail délétères.

    Jeté dans une #concurrence accrue du fait d’un #management personnalisé, évalué et soumis à la culture froide du chiffre, des baisses budgétaires, le travailleur du XXIe siècle est placé sous une #pression inédite...

    L’étude de 2019 de la Darès (Ministère du Travail) nous apprend que 37% des travailleurs.ses interrogés se disent incapables de poursuivre leur activité jusqu’à la retraite. Que l’on soit hôtesse de caisse (Laurence) ou magistrat (Jean-Pierre), tous témoignent de la dégradation de leurs conditions de travail et de l’impact que ces dégradations peuvent avoir sur notre #santé comme l’explique le psychanalyste Christophe Dejours : “Il n’y a pas de neutralité du travail vis-à-vis de la #santé_mentale. Grâce au travail, votre #identité s’accroît, votre #amour_de_soi s’accroît, votre santé mentale s’accroît, votre #résistance à la maladie s’accroît. C’est extraordinaire la santé par le travail. Mais si on vous empêche de faire du travail de qualité, alors là, la chose risque de très mal tourner.”

    Pourtant, la #quête_de_sens est plus que jamais au cœur des revendications, particulièrement chez les jeunes. Aussi, plutôt que de parler de la semaine de quatre jours ou de développer une sociabilité contrainte au travail, ne serait-il pas temps d’améliorer son #organisation, d’investir dans les métiers du « soin » afin de renforcer le #lien_social ?

    Enfin, la crise environnementale n’est-elle pas l’occasion de réinventer le travail, loin du cycle infernal production/ consommation comme le pense la sociologue Dominique Méda : “Je crois beaucoup à la reconversion écologique. Il faut prendre au sérieux la contrainte écologique comme moyen à la fois de créer des emplois, comme le montrent les études, mais aussi une possibilité de changer radicalement le travail en profondeur.”

    https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/lsd-la-serie-documentaire/une-organisation-en-souffrance-5912905

    #travail #audio #sens #reconnaissance #podcast #déshumanisation #grande_distribution #supermarchés #Carrefour #salariat #accidents_du_travail # location-gérance #jours_de_carence #délai_de_carence #financiarisation #traçabilité #performance #néo-taylorisme #taylorisme_numérique #contrôle #don #satisfaction #modernisation #mai_68 #individualisation #personnalisation #narcissisation #collectif #entraide #épanouissement #marges_de_manoeuvre #intensification_du_travail #efficacité #rentabilité #pression #sous-traitance #intensité_du_travail #santé_au_travail #santé #épidémie #anxiété #dépression #santé_publique #absentéisme #dégradation_des_conditions_de_travail #sommeil #identité #amour_de_soi #santé_par_le_travail #tournant_gestionnaire #gouvernance_de_l'entreprise #direction_d'entreprise #direction #règles #lois #gestionnaires #ignorance #objectifs_quantitatifs #objectifs #performance #mesurage #évaluation #traçabilité #quantification #quantitatif #qualitatif #politique_du_chiffre #flux #justice #charge_de_travail

    25’40 : #Jean-Pierre_Bandiera, ancien président du tribunal correctionnel de Nîmes :

    « On finit par oublier ce qu’on a appris à l’école nationale de la magistrature, c’est-à-dire la motivation d’un jugement... On finit par procéder par affirmation, ce qui fait qu’on gagne beaucoup de temps. On a des jugements, dès lors que la culpabilité n’est pas contestée, qui font abstraction de toute une série d’éléments qui sont pourtant importants : s’attarder sur les faits ou les expliquer de façon complète. On se contente d’une qualification développée : Monsieur Dupont est poursuivi pour avoir frauduleusement soustrait 3 véhicules, 4 téléviseurs au préjudice de Madame Durant lors d’un cambriolage » mais on n’est pas du tout en mesure après de préciser que Monsieur Dupont était l’ancien petit ami de Madame Durant ou qu’il ne connaissait absolument pas Madame Durant. Fixer les conditions dans lesquelles ce délit a été commis de manière ensuite à expliquer la personnalisation de la peine qui est quand même la mission essentielle du juge ! Il faut avoir à chaque fois qu’il nous est demandé la possibilité d’adapter au mieux la peine à l’individu. C’est très important. On finit par mettre des tarifs. Quelle horreur pour un juge ! On finit par oublier la quintessence de ce métier qui est de faire la part des choses entre l’accusation, la défense, l’auteur de faits, la victime, et essayer d’adopter une sanction qui soit la plus adaptée possible. C’est la personnalisation de la peine, c’est aussi le devenir de l’auteur de cette infraction de manière à éviter la récidive, prévoir sa resocialisation. Bref, jouer à fond le rôle du juge, ce qui, de plus en plus, est ratatiné à un rôle de distributeur de sanctions qui sont plus ou moins tarifées. Et ça c’est quelque chose qui, à la fin de ma carrière, c’est quelque chose qui me posait de véritables problèmes d’éthique, parce que je ne pensais pas ce rôle du juge comme celui-là. Du coup, la qualité de la justice finit par souffrir, incontestablement. C’est une évolution constante qui est le fruit d’une volonté politique qui, elle aussi, a été constante, de ne pas consacrer à la justice de notre pays les moyens dont elle devait disposer pour pouvoir fonctionner normalement. Et cette évolution n’a jamais jamais, en dépit de tout ce qui a pu être dit ou écrit, n’ai jamais été interrompue. Nous sommes donc aujourd’hui dans une situation de détresse absolue. La France est donc ??? pénultième au niveau européen sur les moyens budgétaires consacrés à sa justice. Le Tribunal de Nîme comporte 13 procureurs, la moyenne européenne nécessiterait qu’ils soient 63, je dis bien 63 pour 13. Il y a 39 juges au Tribunal de Nîmes, pour arriver dans la moyenne européenne il en faudrait 93. Et de mémoire il y a 125 greffiers et il en faudrait 350 je crois pour être dans la moyenne. Il y avait au début de ma carrière à Nîmes 1 juge des Libertés et de la détention, il y en a aujourd’hui 2. On a multiplié les chiffres du JLD par 10. Cela pose un problème moral et un problème éthique. Un problème moral parce qu’on a le sentiment de ne pas satisfaire au rôle qui est le sien. Un problème éthique parce qu’on finit par prendre un certain nombre de recul par rapport aux valeurs que l’on a pourtant porté haut lorsqu’on a débuté cette carrière. De sorte qu’une certaine mélancolie dans un premier temps et au final un certain découragement me guettaient et m’ont parfois atteint ; mes périodes de vacances étant véritablement chaque année un moment où la décompression s’imposait sinon je n’aurais pas pu continuer dans ces conditions-là. Ce sont des heures de travail qui sont très très chargés et qui contribuent aussi à cette fatigue aujourd’hui au travail qui a entraîné aussi beaucoup de burn-out chez quelques collègues et puis même, semble-t-il, certains sont arrivés à des extrémités funestes puisqu’on a eu quelques collègues qui se sont suicidés quasiment sur place, vraisemblablement en grande partie parce que... il y avait probablement des problèmes personnels, mais aussi vraisemblablement des problèmes professionnels. Le sentiment que je vous livre aujourd’hui est un sentiment un peu partagé par la plupart de mes collègues. Après la réaction par rapport à cette situation elle peut être une réaction combative à travers des engagements syndicaux pour essayer de parvenir à faire bouger l’éléphant puisque le mammouth a déjà été utilisé par d’autres. Ces engagements syndicaux peuvent permettre cela. D’autres ont plus ou moins rapidement baissé les bras et se sont satisfaits de cette situation à défaut de pouvoir la modifier. Je ne regrette rien, je suis parti serein avec le sentiment du devoir accompli, même si je constate que en fermant la porte du tribunal derrière moi je laisse une institution judiciaire qui est bien mal en point."

    Min. 33’15, #Christophe_Dejours, psychanaliste :

    « Mais quand il fait cela, qu’il sabote la qualité de son travail, qu’il bâcle son travail de juge, tout cela, c’est un ensemble de trahisons. Premièrement, il trahi des collègues, parce que comme il réussi à faire ce qu’on lui demande en termes de quantité... on sait très bien que le chef va se servir du fait qu’il y en a un qui arrive pour dire aux autres : ’Vous devez faire la même chose. Si vous ne le faites pas, l’évaluation dont vous allez bénéficier sera mauvaise pour vous, et votre carrière... vous voulez la mutation ? Vous ne l’aurez pas !’ Vous trahissez les collègues. Vous trahissez les règles de métier, vous trahissez le justiciable, vous trahissez les avocats, vous leur couper la parole parce que vous n’avez pas le temps : ’Maître, je suis désolé, il faut qu’on avance.’ Vous maltraitez les avocats, ce qui pose des problèmes aujourd’hui assez compliqués entre avocats et magistrats. Les relations se détériorent. Vous maltraitez le justiciable. Si vous allez trop vite... l’application des peines dans les prisons... Quand vous êtes juges des enfants, il faut écouter les enfants, ça prend du temps ! Mais non, ’va vite’. Vous vous rendez compte ? C’est la maltraitance des justiciables sous l’effet d’une justice comme ça. A la fin vous trahissez la justice, et comme vous faites mal votre travail, vous trahissez l’Etat de droit. A force de trahir tous ces gens qui sont... parce que c’est des gens très mobilisés... on ne devient pas magistrat comme ça, il faut passer des concours... c’est le concours le plus difficile des concours de la fonction publique, c’est plus difficile que l’ENA l’Ecole nationale de magistrature... C’est des gens hyper engagés, hyper réglo, qui ont un sens de la justice, et vous leur faites faire quoi ? Le contraire. C’est ça la dégradation de la qualité. Donc ça conduit, à un moment donné, à la trahison de soi. Ça, ça s’appelle la souffrance éthique. C’est-à-dire, elle commence à partir du moment où j’accepte d’apporter mon concours à des actes ou à des pratiques que le sens moral réprouve. Aujourd’hui c’est le cas dans la justice, c’est le cas dans les hôpitaux, c’est le cas dans les universités, c’est le cas dans les centres de recherche. Partout dans le secteur public, où la question éthique est décisive sur la qualité du service public, vous avez des gens qui trahissent tout ça, et qui entrent dans le domaine de la souffrance éthique. Des gens souffrent dans leur travail, sauf que cette souffrance, au lieu d’être transformée en plaisir, elle s’aggrave. Les gens vont de plus en plus mal parce que le travail leur renvoie d’eux-mêmes une image lamentable. Le résultat c’est que cette trahison de soi quelques fois ça se transforme en haine de soi. Et c’est comme ça qu’à un moment donné les gens se suicident. C’est comme ça que vous avez des médecins des hôpitaux, professeurs de médecine de Paris qui sautent par la fenêtre. Il y a eu le procès Mégnien, au mois de juin. Il a sauté du 5ème étage de Georges-Pompidou. Il est mort. Comment on en arrive là ? C’est parce que les gens ont eu la possibilité de réussir un travail, de faire une oeuvre, et tout à coup on leur casse le truc. Et là vous cassez une vie. C’est pour cela que les gens se disent : ’Ce n’est pas possible, c’est tout ce que j’ai mis de moi-même, tous ces gens avec qui j’ai bossé, maintenant il faut que ça soit moi qui donne le noms des gens qu’on va virer. Je ne peux pas faire ça, ce n’est pas possible.’ Vous les obligez à faire l’inverse de ce qu’ils croient juste, de ce qu’ils croient bien. Cette organisation du travail, elle cultive ce qu’il y a de plus mauvais dans l’être humain. »

    #suicide #trahison #souffrance_éthique

    • Quels facteurs influencent la capacité des salariés à faire le même travail #jusqu’à_la_retraite ?

      En France, en 2019, 37 % des salariés ne se sentent pas capables de tenir dans leur travail jusqu’à la retraite. L’exposition à des #risques_professionnels – physiques ou psychosociaux –, tout comme un état de santé altéré, vont de pair avec un sentiment accru d’#insoutenabillité du travail.

      Les métiers les moins qualifiés, au contact du public ou dans le secteur du soin et de l’action sociale, sont considérés par les salariés comme les moins soutenables. Les salariés jugeant leur travail insoutenable ont des carrières plus hachées que les autres et partent à la retraite plus tôt, avec des interruptions, notamment pour des raisons de santé, qui s’amplifient en fin de carrière.

      Une organisation du travail qui favorise l’#autonomie, la participation des salariés et limite l’#intensité_du_travail tend à rendre celui-ci plus soutenable. Les mobilités, notamment vers le statut d’indépendant, sont également des moyens d’échapper à l’insoutenabilité du travail, mais ces trajectoires sont peu fréquentes, surtout aux âges avancés.

      https://dares.travail-emploi.gouv.fr/publication/quels-facteurs-influencent-la-capacite-des-salaries-faire-
      #statistiques #chiffres

    • https://www.youtube.com/watch?v=GnmyyZqrU8w&t=5s

      Quando discende la notte
      sui tetti sperduti di periferia
      tra qualche prato tenace
      due fossi e una strada di periferia

      Ti puoi permettere di passeggiare
      di respirare quel filo d’aria
      che vien dal povero prato sfinito
      dalla sua lotta contro l’asfalto
      ed ascoltare se ancor ci riesci
      i vecchi grilli dimenticati
      e puoi scordarti che a cento passi
      ci son le luci e corrono i tram.

      Quando discende la notte
      sui tetti sperduti qui in periferia
      ti puoi illudere ancora
      di avere una strada ed un prato per te.

      Quando discende la notte
      sui tetti sperduti di periferia
      tra qualche prato tenace
      due fossi e una strada di periferia

      Ti puoi permettere di passeggiare
      di respirare quel filo d’aria
      che vien dal povero prato sfinito
      dalla sua lotta contro l’asfalto
      ed ascoltare se ancor ci riesci
      i vecchi grilli dimenticati
      e puoi scordarti che a cento passi
      ci son le luci e corrono i tram.

      Quando discende la notte
      sui tetti sperduti qui in periferia
      ti puoi illudere ancora
      di avere una strada ed un prato per te.

      #périphérie #chanson #musique

  • Energy, Power and Transition. State of Power 2024

    The fossil fuel based energy system has shaped capitalism and our geopolitical order. Our 12th State of Power report unveils the corporate and financial actors that underpin this order, the dangers of an unjust energy transition, lessons for movements of resistance, and the possibilities for transformative change.

    https://www.tni.org/en/publication/energy-power-and-transition

    #transition_énergétique #énergie #énergie_fossile #rapport #tni #capitalisme #pétrole #résistance #

  • Pédocriminalité en ligne : « Nous constatons une inaction révoltante des pouvoirs publics, qui feignent l’ignorance »

    Dans une tribune publiée au « Monde » le 17 janvier 2024, un collectif de responsables politiques et associatifs demande au gouvernement français de soutenir le règlement européen contre la pédocriminalité en ligne et au portail de signalement Pharos de mener une vraie lutte contre les contenus pédopornographiques.

    https://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/2024/02/09/pedocriminalite-en-ligne-nous-constatons-une-i

    #pedocriminalité

  • Benoît Jacquot, un système de prédation sous couvert de cinéma
    https://www.lemonde.fr/societe/article/2024/02/08/benoit-jacquot-un-systeme-de-predation-sous-couvert-de-cinema_6215357_3224.h


    L’actrice Isild Le Besco et le réalisateur Benoît Jacquot au 57ᵉ Festival de Cannes, le 14 mai 2004. BRUNO VINCENT / GETTY IMAGES VIA AFP

    A la suite de Judith Godrèche, plusieurs comédiennes prennent la parole dans « Le Monde » pour dénoncer des violences et du harcèlement sexuel de la part du réalisateur. Le cinéaste reconnaît certains faits.
    Par Lorraine de Foucher et Jérôme Lefilliâtre

    Dans l’amphithéâtre de Sciences Po à Paris, Julia Roy s’assoit au fond de la salle. L’étudiante de 23 ans vient écouter, ce 29 janvier 2013, la conférence d’un réalisateur qu’elle ne connaît pas, Benoît Jacquot, invité à parler de « politique de l’intime ». « Il me fixe pendant toute la séance, ça m’étonne un peu », raconte-t-elle au Monde onze ans plus tard. A la fin, elle s’approche pour saluer l’animateur de la rencontre. « Benoît Jacquot me saute dessus pour me remettre un papier avec son numéro, et me demande plusieurs fois de l’appeler. »
    Depuis son enfance autrichienne à Vienne, Julia Roy, qui n’a alors joué qu’un petit rôle dans une série télévisée, nourrit une cinéphilie précoce. Elle décide de rappeler ce cinéaste : peut-être peut-il la conseiller, elle qui rêve de faire des films ? Au restaurant Le Hangar, dans le Marais, où ils se retrouvent, « il me regarde comme un miracle ». D’après son récit, il lui fait immédiatement de grandes déclarations : « Il m’annonce qu’il va faire tous ses films avec moi, qu’il m’aidera à écrire les miens, qu’il veut m’avoir tout le temps avec lui et devant lui. » Tout juste est-il déçu en apprenant son âge : il la pensait plus jeune.
    Six ans après, en 2019, c’est une jeune femme traumatisée par la relation nouée avec le réalisateur qui s’enfuit en Autriche. « J’ai été diagnostiquée comme atteinte d’un syndrome de stress post-traumatique. » En janvier 2024, elle découvre les accusations de Judith Godrèche sur sa relation passée avec Benoît Jacquot qui ont motivé l’ouverture d’une enquête préliminaire, mercredi 7 février. Elle décide à son tour d’évoquer publiquement son vécu avec le réalisateur, composé de manipulation, de domination, de violences physiques et de harcèlement sexuel. Certains des faits qu’elle dénonce pourraient ne pas être couverts par la prescription.

    TW #domination_masculine #VSS #viol #pédocriminalité

    l’article se trouve là
    https://justpaste.it/et5dx
    avec : « C’est une histoire d’enfant kidnappée » : l’actrice Judith Godrèche porte plainte contre le réalisateur Benoît Jacquot ; La lettre de Judith Godrèche à sa fille : « Je viens de comprendre. Ce truc, le consentement, je ne l’ai jamais donné. Non. Jamais au grand jamais. »

    #cinéma

    • Jacques Doillon accusé de viol, d’agression sexuelle et de harcèlement par Judith Godrèche, Anna Mouglalis et Isild le Besco
      https://www.lemonde.fr/societe/article/2024/02/08/jacques-doillon-accuse-de-viol-d-agression-sexuelle-et-de-harcelement-par-ju

      « Le Monde » a recueilli trois témoignages visant le réalisateur de « La Fille de 15 ans ». L’avocate de M. Doillon dit vouloir réserver ses explications à la justice.

      Ce jeudi sur France Inter, Judith Godrèche a accusé le réalisateur Jacques Doillon d’agressions sexuelles sur le tournage du film La Fille de 15 ans, qui a eu lieu au printemps 1987. Il voulait, a-t-elle affirmé, « la même chose » que Benoît Jacquot, contre lequel la comédienne de 51 ans a déposé plainte mardi pour « viols avec violences sur mineur de moins de 15 ans » commis par personne ayant autorité. « Sur le tournage, c’était hallucinant. Il a engagé un acteur (…), il l’a viré et il s’est mis à la place. Tout d’un coup, il décide qu’il y a une scène d’amour, une scène de sexe entre lui et moi. On fait 45 prises. J’enlève mon pull, je suis torse nu, il me pelote et il me roule des pelles. »

      Tout cela se déroule sous les yeux de Jane Birkin, alors compagne du réalisateur, qui l’a engagée comme assistante sur le film. « Il embrassait vingt fois de suite Judith Godrèche en me demandant quelle était la meilleure prise. Une vraie agonie ! », a raconté Birkin dans son journal intime paru en 2018, Munkey Diaries. Le film La Fille de 15 ans est sorti en salles au printemps 1989.
      Lors de son interview sur France Inter, Judith Godrèche a aussi évoqué de façon sibylline, et sans entrer dans les détails, d’autres faits qui se seraient déroulés avant ce tournage, au domicile de Jacques Doillon. Dans sa plainte contre Benoît Jacquot, enregistrée le 6 février par la brigade de protection des mineurs de la police judiciaire de Paris et consultée par Le Monde, elle décrit précisément les agissements de Jacques Doillon. En l’occurrence, il s’agirait d’un viol qu’aurait commis le cinéaste sur elle, alors qu’elle avait 14 ans. Les faits auraient eu lieu rue de la Tour, à Paris, dans la maison de Jane Birkin.

      https://justpaste.it/22zms

      #parents #parentalité #témoins #non_assistance_à_personne_en_danger

  • INFO RMC - Le parquet de Paris a requis le renvoi devant le tribunal correctionnel de Christophe Ruggia pour agressions sexuelles sur mineur de 15 ans par personne ayant autorité sur Adèle Haenel. Dans son réquisitoire définitif rendu mercredi 6 février 2024 que RMC a pu consulter, le parquet de Paris retient donc deux circonstances aggravantes à l’encontre de Christophe Ruggia pour « plusieurs épisodes d’attouchement de nature sexuelle » datant de courant 2001 alors qu’Adèle Haenel avait 12 ans jusqu’au 10 février 2004.https://rmc.bfmtv.com/actualites/police-justice/faits-divers/affaire-adele-haenel-le-parquet-de-paris-requiert-un-proces-contre-christ
    #pédocriminalité #justice#Adèle_Haenel

  • Le Mensonge #Total. Enquête sur un criminel climatique

    L’année 2023 a été la plus chaude jamais enregistrée. C’est aussi celle où #TotalEnergies a annoncé le plus gros #bénéfice de son histoire : 19 milliards d’euros. Alors que le géant pétrolier rejette chaque année plus de gaz à effet de serre que l’ensemble des Français, il veut nous faire croire, à coups de vastes opérations de #greenwashing, qu’il est devenu un acteur majeur de la transition écologique.

    À partir d’enquêtes solides et accablantes, Mickaël Correia décrit dans ce livre l’arsenal des stratagèmes déployés par le fleuron industriel français pour continuer à nous submerger d’énergies fossiles : gaz faussement « neutre en carbone » ; forage de 400 nouveaux puits de pétrole en #Ouganda ; plantation d’une forêt en République du Congo pour s’acheter une image verte au détriment de paysans expropriés ; torpillage de politiques climatiques ; entrisme jusqu’au coeur de l’Élysée, etc.

    Comment stopper l’entreprise dans sa course climaticide vers toujours plus de profits ? Faut-il aller jusqu’à nationaliser voire démanteler cette multinationale privée qui pourrait à elle seule faire dérailler les accords mondiaux sur le climat ?

    https://www.seuil.com/ouvrage/le-mensonge-total-mickael-correia/9782021555141
    #livre #énergie #énergies_fossiles #pétrole

  • #Pesticides : « Le prochain #indicateur d’#Écophyto va endormir les gens »

    Le nouvel indicateur qui pourrait être utilisé dans le plan Écophyto est « trompeur », défend François Veillerette, de #Générations_futures, pour qui le gouvernement a cédé à une demande de la #FNSEA.

    À la suite des manifestations agricoles de ces dernières semaines, le gouvernement a déclaré le 1er février mettre « en pause » le #plan_Ecophyto de réduction de 50 % des pesticides. L’annonce a suscité l’indignation des associations écologistes ainsi que d’associations d’agriculteurs victimes de ces produits. Cette pause « n’est pas la marche arrière » et doit permettre de retravailler sur plusieurs points du plan, et en particulier sur l’indicateur de suivi, a néanmoins précisé Marc Fesneau sur LCI le 4 février.

    Le ministre de l’Agriculture envisage ainsi de remplacer l’indicateur actuel, le #Nodu (#nombre_de_doses_unités), par l’indicateur actuellement en construction au niveau européen, le #HRI1 (#indicateur_de_risque_harmonisé). Cette évolution, réclamée de longue date par le syndicat productiviste la FNSEA, inquiète les associations écologistes. Si elle paraît à première vue relever du détail technique, elle risque en réalité de ruiner pour longtemps toute efficacité du plan Écophyto, explique François Veillerette, porte-parole de l’association Générations futures.

    Reporterre — Le ministre de l’Agriculture, Marc Fesneau, a déclaré que la France allait changer d’indicateur d’utilisation des pesticides au profit, sans doute, de « l’indicateur européen ». Pourquoi le présentez-vous comme trompeur ?

    François Veillerette — L’indicateur HRI1 européen est censé figurer une sorte d’évolution de la dangerosité des pesticides. Le plan Écophyto, lui, a toujours eu comme objectif de réduire de 50 % l’usage des pesticides. Ce n’est pas du tout la même chose.

    En plus, l’utilisation de l’indicateur HRI1 introduit des biais. Le premier, c’est la fausse réduction des pesticides. Quand on regarde l’évolution du Nodu, l’indicateur utilisé actuellement en France dans Écophyto, et du HRI1 entre 2011 et 2019, le premier indique une baisse de 12 % de l’utilisation des pesticides et le second une baisse de 40 %. On voit bien que cette baisse de 40 % est trompeuse. On comprend mieux pourquoi la FNSEA et l’industrie des pesticides aiment bien cet indicateur, qui laisse à penser que l’objectif du plan Écophyto est quasiment atteint.

    Le second biais, c’est une évaluation trompeuse des risques. Pour venir à bout de la tavelure de la pomme, une affection fongique, vous pouvez utiliser au choix de la levure chimique, à faible risque et utilisable en agriculture biologique, ou du difénoconazole, classé plus dangereux. Seulement, il faut utiliser tellement plus de levure que de traitement chimique que le traitement bio obtiendra un moins bon score HRI1 que le produit dangereux. C’est complètement aberrant.

    Enfin, la mesure du risque n’est d’ailleurs pas toujours très précise. Aujourd’hui, on va croire qu’un produit n’est pas dangereux. Dans deux ans, on dira qu’on s’est trompés et qu’il l’était. Ça arrive tout le temps. On se met à retirer des produits du marché parce que la science progresse. Regardez les discussions sur le glyphosate : dangereux, pas dangereux ? Les agences ne sont pas d’accord.

    Il est très étrange que la France se mette à défendre le HRI1, alors que la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen a proposé le 6 janvier d’enterrer le règlement SUR de réduction de 50 % de l’utilisation des pesticides d’ici 2030, déjà flingué par le Parlement européen sous la pression des conservateurs d’extrême droite et des syndicats agricoles. La France avait toujours défendu le Nodu au niveau européen. Cette conversion subite est évidemment liée au mouvement des agriculteurs, alors que cela fait quinze ans que la FNSEA refuse cet indicateur.

    En quoi le Nodu, utilisé jusqu’à présent en France, était-il plus satisfaisant ?

    Le Nodu français compte le nombre de doses standards par hectare. Il a été négocié au lancement du plan Écophyto en 2009, juste après le Grenelle de l’environnement. Il est impitoyable, très robuste. Même si les produits évoluent avec le temps, qu’ils sont actifs à des doses plus faibles, l’indicateur ne va pas baisser si le nombre de traitements reste le même. Il cherche clairement à évaluer l’évolution de l’usage, donc de la dépendance du système agricole aux pesticides. S’il n’y a pas de baisse du Nodu, il n’y a pas de baisse de la dépendance.

    Avec le HRI1, on ne voit rien de tout cela. Si l’on retourne sur l’évolution des courbes entre 2011 et 2019, on voit une augmentation de 25 % du Nodu entre 2017 et 2018. La courbe HRI1, elle, reste plate. On a l’impression que tout va bien. Cet indicateur sert à endormir les gens, à faire croire qu’on a déjà fait le boulot de réduction et qu’on n’a surtout rien à changer. C’est absolument inacceptable pour nous.

    Cet indicateur, c’était une demande dans la liste de courses de la FNSEA. Le gouvernement, qui ne voulait pas se fâcher avec le syndicat, lui a donné raison tout en faisant croire qu’il allait protéger l’environnement et continuer à travailler.

    Si l’utilisation des pesticides en France a légèrement augmenté depuis 2009, le gouvernement tend plutôt à communiquer sur une baisse en se basant sur la quantité des produits épandus…

    Le gouvernement a toujours montré qu’il préférait utiliser l’indicateur qui l’arrange. Il parle de quantités de substances actives, sépare dans les courbes les produits de synthèse et ceux utilisables en bio ou en biocontrôle... Dans les dernières notes de suivi, on a un mal de chien à trouver le Nodu. Il est sournoisement invisibilisé sous la pression de la FNSEA. Quand Stéphane Le Foll était ministre de l’Agriculture [de 2012 à 2017], le syndicat agricole avait tenté un putsch contre cet indicateur, en inventant un indicateur d’impact. Il ne tenait pas la route et n’est pas passé, mais les pressions avaient été énormes et elles continuent.

    Le Premier ministre a notamment annoncé aux agriculteurs la mise en pause du plan Écophyto, alors que des annonces devraient être faites à son sujet d’ici le Salon de l’agriculture, qui débute le 24 février...

    Ce qui nous inquiète, ce n’est pas la mise en pause du plan Écophyto pour trois semaines, mais ce qu’il va devenir ensuite. Un comité opérationnel de suivi est prévu. Je ne sais pas s’ils vont inviter la société civile ou s’ils vont se réunir entre eux. Car les annonces de Gabriel Attal sont également un scandale sur la forme : le Premier ministre a fermé le ban sans concertation avec les parties prenantes, sous la pression de la FNSEA. C’est assez dramatique.

    On attend maintenant que le gouvernement se reprenne en main. De toute manière, dans 20 ou 30 ans, les pesticides ne fonctionneront plus. Ce n’est pas moi qui le dis, mais Christian Huyghe, directeur scientifique agriculture de l’Inrae. On ne trouve plus de nouveaux modes d’action et le vivant s’habitue aux molécules existantes, de plus en plus de résistance apparait. On le voit déjà dans le Bordelais, où plein de fongicides ne fonctionnent plus très bien.

    https://reporterre.net/Pesticides-Le-prochain-indicateur-d-Ecophyto-va-endormir-les-gens
    #Ecophyto #agriculture #industrie_agro-alimentaire

  • Le « #bien_vivre » en petite ville : le rôle des pouvoirs publics locaux
    https://metropolitiques.eu/Le-bien-vivre-en-petite-ville-le-role-des-pouvoirs-publics-locaux.ht

    À travers l’étude des politiques publiques menées à Foix, Pamiers, Auch et Figeac, quatre chercheuses analysent comment se fabrique la notion de « bien vivre » dans ces agglomérations de petite taille. « Bonheur brut », « qualité de vie », « bien-être », « bien vivre » : ces termes reflètent la préoccupation montante d’envisager le développement territorial sous d’autres auspices que la dimension économique et fonctionnelle. Depuis quelques années, les sciences sociales mobilisent de nouveaux indicateurs #Terrains

    / #action_publique, #ingénierie_territoriale, #petites_villes, bien vivre

    https://metropolitiques.eu/IMG/pdf/met_barthe-etal.pdf