• Une brève histoire des hurluberlus Paul Laity
      http://www.entelekheia.fr/2016/11/20/une-breve-histoire-des-hurluberlus

      Paul Laity revisite sur le ton de l’humour la gauche britannique de l’époque de George Orwell et les rapports de ce dernier avec ceux qu’il avait appelé « les hurluberlus de la gauche ». Inutile de dire que nous avions exactement les mêmes en France.

      Pour reprendre le terme d’Orwell, les racines du #gauchisme « hurluberlu » sont similaires de chaque côté de la Manche, nommément l’Owenisme en Grande-Bretagne et en France, le socialisme utopique et ses dérivés. Différence culturelle oblige, les nôtres étaient moins épris de vélocipède, de végétarisme, de laine brute et de grand air que les Britanniques ; la version hexagonale les voulait laïcards, républicains, scientistes, athées et bouffeurs de curés, avec malgré tout parfois, comme chez leurs congénères anglo-saxons, des penchants mystiques qui les conduisaient volontiers au spiritisme. #Victor_Hugo est le chef de file des aînés de ce type « d’hurluberlus », mais d’autres noms connus du XIXe siècle l’ont rejoint au panthéon des exaltés du guéridon, par exemple #Camille_Flammarion, #Victorien_Sardou, #Delphine_de_Girardin, #Henri_Bergson qui s’adonnait à des recherches psychiques (hypnose, lucidité somnambulique, médiumnité) ou encore #Jules_Verne, etc. Cette tendance se perpétuera chez les #surréalistes, en particulier avec l’écriture automatique d’André Breton et au-delà, dans l’art moderne et contemporain, dans le « psychologisme » qui imprègne toute la gauche ainsi que dans le #pédagogisme actuel – Ainsi, malgré ce qu’écrit l’auteur dans sa conclusion, la question de l’héritage idéologique du socialisme utopique et de la gauche « hurluberlue » historique déborde très largement des seuls écologistes pour embrasser toute la gauche libérale moderne.

      « Le socialisme », a écrit #George_Orwell dans son célèbre Quai de Wigan (1936), attire à lui « avec une force magnétique tous les buveurs de jus de fruit, les nudistes, les porteurs de sandales, les obsédés sexuels, les quakers, les charlatans naturopathes, les pacifistes et les féministes d’Angleterre ». De façon mémorable, sa tirade contre ces « hurluberlus » s’étend dans d’autres passages du livre aux « végétariens à barbes flétries », aux « Jésus de banlieue » uniquement préoccupés de leurs exercices de yoga, et à « cette tribu lamentable de femmes de haute vertu, de porteurs de sandales, de buveurs de jus de fruits qui affluent vers l’odeur du ‘progrès’ comme des mouches à viande vers un chat mort. »


      Andrew Muir, architecte consultant de la ville-jardin de Letchworth, portant ce qui s’appelait à l’époque un « costume rationnel » et des sandales. Crédit photo, First Garden City Heritage Museum du Letchworth Garden City Heritage

      Les #stéréotypes et caricatures des hurluberlus de la #classe_moyenne s’inscrivent profondément dans la culture nationale anglaise. Pendant tout le XIXe siècle, Punch Magazine a brocardé les obsessionnels de la santé qui recherchaient une vie plus pure dans le chou bouilli et l’antialcoolisme. Une histoire d’Aldous Huxley, The Claxtons, qui anticipait la philippique d’Orwell, dresse le tableau d’une famille bourgeoise puritaine, radicale et aveuglée sur elle-même : « Dans leur petite maison sur le terrain communal, comme les Claxton vivaient une belle, une spirituelle vie ! Même le chat était végétarien » . Et plus tôt cette année, le Daily Mail, tabloïd de droite, a tourné le Guardian en dérision (pour la énième fois, sans aucun doute) en l’accusant d’être dirigé par, et pour, des « porteurs de sandales ». C’est une pique encore censée suggérer la même chose qu’à l’époque d’Orwell : une naïveté fumeuse, une pseudo-supériorité morale et une vie de bohème méritoire – certainement un monde bien éloigné des valeurs de pragmatisme et de décence de l’Angleterre censément « véritable ».

      La férocité des caricatures « d’hurluberlus » d’Orwell trahissent une certaine anxiété sur la liberté sexuelle, mais vise en général directement leur travers le plus évident – leur sérieux. Les hurluberlus veulent que le monde devienne un endroit moins cruel, moins bassement commercial, plus beau. Leurs plaisirs sont sains, « naturels » et énergiques. (Quand j’étais enfant, mes parents dépeignaient certaines personnes comme très « riz complet et bicyclettes »). La mentalité de ces progressistes contre-culturels veut à tout prix que tout soit sain et aide à s’améliorer. L’un des objets de raillerie d’Orwell est donc une « gueule de bois de la période de #William_Morris » [1] qui propose de « niveler le prolétariat ‘par le haut’ (jusqu’à son niveau à lui) par la méthode de l’hygiène, des jus de fruit, du contrôle des naissances, de la poésie, etc. » Dans son roman Un peu d’air frais (1939), nous rencontrons « le professeur Woad, un chercheur psychique » : « Je connaissais le genre. Végétarisme, vie simple, poésie, culte de la nature, se roulant dans la rosée avant le petit-déjeuner… ce sont tous soit des maniaques de l’alimentation naturelle, ou alors ils ont quelque chose à voir avec les boy-scouts – dans les deux cas, ils sont toujours partants pour la Nature et le Grand air. »

      La satire d’Orwell dans le Quai de Wigan s’inscrivait dans le cadre d’une cause particulière et urgente : la formation d’une #politique radicale, populaire (non-hurluberlue) et réaliste pour faire front à la menace montante du fascisme. (Peu après avoir remis le manuscrit de son livre à son éditeur, Victor Gollancz, il entamait son voyage à Barcelone pour y rejoindre le camp républicain de la guerre civile d’Espagne). A ses yeux, les hurluberlus – avec les « marxistes chevelus mâchouillant des polysyllabes » – donnaient mauvaise allure au socialisme. Il impliquait aussi qu’ils étaient superficiellement dévoués à la cause socialiste mais au bout du compte, bien plus préoccupés par leur propre pureté morale que par l’exploitation de la classe ouvrière. Mais à qui exactement Orwell pensait-il quand il a lancé ses invectives ? Qui étaient les hurluberlus ?

      Il avait fait le choix de ne jamais mentionner par écrit qu’il s’était lui-même commis avec beaucoup de personnages de la #contre-culture, à commencer par sa tante, Nellie Limouzin, une bohème dont le mari, socialiste, soutenait fidèlement le mouvement espérantiste, et les Westrope, qui possédaient la librairie de Hampstead où il travaillait au milieu des années 30. Francis Westrope avait été objecteur de conscience pendant la guerre et adhérait au Parti travailliste indépendant ; son épouse, Myfanwy, militait pour les droits des femmes – et les deux étaient des espérantistes passionnés. Sa grande admiratrice et conseillère Mabel Fierz [2] également, vivait dans une grande maison de Hampstead Garden et penchait pour un socialisme mystique et spirituel.

      Les amis et membres de sa famille ont sans nul doute influencé les portraits d’Orwell dans une certaine mesure, mais il avait toute une tradition politico-culturelle en ligne de mire. Elle s’étendait aux sectes millénaristes socialistes des années 1830 et 1840 inspirées par le réformateur #Robert_Owen et son journal, le New Moral World (le Nouveau monde moral). Les « hurluberlus » étaient sur-représentés dans ces communautés modèles – Catherine et Goodwyn Barmby, par exemple, qui s’agacèrent du ton insuffisamment puriste du mouvement Owenite et formèrent l’Église Communiste (ses organisations-sœurs comprenaient les #White_Quakers de Dublin et le #Ham_Common_Concordium de Richmond.) [3] Ils prêchaient diverses prophéties #New_Age, ainsi que le végétarisme, l’#hydrothérapie, les cheveux longs et le port de sandales. Au fil des années, #Goodwyn_Barmby se mua en figure christique, avec de longs cheveux blonds flottant sur les épaules ; ensemble, le jeune couple arpentait les rues de Londres avec un chariot où il puisait des tracts qu’il distribuait en haranguant les passants.

      Le renouveau #socialiste de la fin du XIXe siècle était lourdement investi de croyances « hurluberlues ». Comme l’a écrit Michael Holroyd, c’était largement a partir « d’ #agnostiques, #anarchistes et #athées ; de #réformistes du costume [4] et du régime alimentaire ; d’#économistes, de #féministes, de #philanthropes, de #rationalistes et de #spirites tentant tous de détruire ou de remplacer le #christianisme » que le renouveau s’est opéré. L’activiste #Henry_Hyndman, un disciple d’Engels et le fondateur de la Social Democratic Federation (SDF, fédération socialiste démocratique) en 1881, désespérait comme Orwell de ce type de tocades morales. « Je ne veux pas que le mouvement » , martelait-il, « soit un dépotoir de vieux hurluberlus, d’humanitaires, de #végétariens, d’anti-vivisectionnistes, d’anti-vaccinationnistes, d’artistes du dimanche et toute cette espèce. »  Sans surprise, William Morris et ses amis au sein de la SDF décidèrent de s’en séparer et fondèrent leur propre groupe en 1884, la plus anarchique (et sexuellement radicale) Ligue socialiste. La #Fabian_Society , [5] qui débutait au même moment, était un groupe dissident de la #Fellowship_of_the_New_Life (Compagnons de la nouvelle vie), une communauté éthico-spirituelle (et végétarienne).

      C’était également l’époque de la #Vegetarian_Cycling_Society (Société des Cyclistes Végétariens) et des clubs nés autour de l’hebdomadaire socialiste #The_Clarion, qui visait à #« amener le citadin à entrer plus fréquemment en contact avec la beauté de la nature, et faire progresser l’idéal d’une vie plus simple, d’un mode de vie modéré et d’une élévation de la pensée. » #George_Bernard_Shaw qui, en tant que végétarien porteur de laine brute, naturelle et tricotée à la main, entretenait une relation de proximité avec les hurluberlus, a résumé les deux impulsions différentes du socialisme du temps : l’une tenait à « organiser les docks » , l’autre à « s’asseoir au milieu des pissenlits ».

      Le saint patron des pique-niqueurs au milieu des pissenlits était #Edward Carpenter, et Orwell l’avait clairement à l’esprit. Ancien vicaire anglican qui avait été l’invité de Thoreau, auteur d’un long poème whitmanesque, ‘Vers La Démocratie’ , Carpenter prônait un socialisme spirituel et le retour à la nature. A la suite d’une vision, il avait acheté une petite exploitation rurale à Millthorpe, près de Sheffield, où il faisait pousser ses propres légumes. Il était végétarien et prêchait le contrôle des naissances ainsi que le mysticisme oriental ; il avait écrit The Intermediate Sex (Le Sexe intermédiaire) , le premier livre qui présentait l’homosexualité sous un jour positif à être largement diffusé en Angleterre. Il avait pour habitude de se baigner nu à l’aube en compagnie de son domestique et amant, et sa vie était dénoncée comme scandaleuse et immorale.


      Edward Carpenter devant son cottage de Millthorpe, dans le Derbyshire, 1905. Il porte une paire des célèbres sandales de style indien qu’il fabriquait lui-même et une veste, un bermuda, une cravate et une large ceinture de sa propre conception. Crédits Sheffield Archives, Carpenter Collection, Box 8/31 a.

      Plus que n’importe qui d’autre, Carpenter a été responsable de l’introduction des sandales dans la vie britannique. Quand son ami Harold Cox partit pour l’Inde, Carpenter le chargea d’envoyer une paire de sandales du Cachemire à Millthorpe. La paire en question comprenait une lanière qui remontait de la semelle, passait par-dessus les orteils et s’accrochait à la cheville. « J’ai rapidement éprouvé une joie à les porter », écrivit Carpenter. « Et au bout de quelque temps, j’ai décidé d’en fabriquer. » Les chaussures, décida-t-il, étaient « des étouffoirs en cuir » . Il prit des leçons auprès d’un bottier de Sheffield et arriva « vite à fabriquer beaucoup de paires pour moi-même et plusieurs amis. » (Il en offrit une paire à Shaw, mais elles lui sciaient les pieds et il renonça à les porter en jurant de ne jamais y revenir.) Plusieurs disciples firent le pèlerinage à Millthorpe, y compris, dans les souvenirs de Carpenter, une réformiste du costume – « Son nom était Swanhilda quelque chose » , qui avait marché des kilomètres, sous une pluie battante, seulement vêtue d’une robe de serge bleue grossièrement coupée et de sandales qui s’enfonçaient dans la boue presque à chaque pas. Un des domestiques de Carpenter à Millthorpe, George Adams, entreprit aussi de fabriquer des sandales. Quand il se brouilla avec son maître, il déménagea dans la toute nouvelle ville-jardin de Letchworth, dans le Hertfordshire, et y ouvrit un petit commerce de sandales.

      Letchworth occupe une place spéciale dans l’histoire des hurluberlus. « Un jour cet été » , écrivait Orwell dans le Quai de Wigan, « je traversais Letchworth quand le bus s’est arrêté pour laisser monter deux hommes âgés d’allure affreuse. Tous deux très petits, roses, joufflus et tous deux tête nue, ils devaient avoir dans les soixante ans. Ils étaient habillés de chemises couleur pistache et de shorts kakis dans lesquels leurs énormes arrière-trains étaient si boudinés que vous auriez pu en étudier chaque fossette. Leur arrivée fit courir un léger frisson d’horreur sur l’impériale du bus. L’homme assis à côté de moi… murmura ‘des socialistes’. Il avait probablement raison », continue le passage. « Le Parti travailliste indépendant tenait son université d’été dans la ville. » (Orwell néglige de mentionner qu’il y assistait lui-même).

      La ville-jardin de #Letchworth, une expérience en urbanisme inaugurée en 1904 – une utopie d’air frais et de vie rationnelle – devint instantanément une Mecque pour les amoureux de la vie simple et acquit une réputation nationale de ville « hurluberlue » : sandales et scandales à foison. Un de ses deux architectes originels, Raymond Unwin, avait été l’un des associés de Carpenter au sein du socialisme de Sheffield (et un végétarien). Un ancien résident a offert une description du « citoyen typique de la ville-jardin » : il portait des sandales, ne mangeait pas de viande, lisait William Morris et Tolstoï, et possédait deux tortues « qu’il cirait périodiquement avec la meilleure des huiles de moteur Lucas. » Les végétariens de la ville ouvrirent le Simple Life Hotel (l’hôtel ‘Vie Simple’), qui comprenait un magasin de produits alimentaires naturels et un restaurant réformiste alimentaire. Un membre de la famille quaker Cadbury ouvrit un pub sans alcool, la Skittles Inn (l’Auberge des Quilles), où il faisait un fructueux commerce de chocolat chaud et de Cydrax, un vin de pomme sans alcool. (Ce qui inspira un commentaire sur une vie « toute en quilles et sans bière » [6] à G.K Chesterton, et plus tard une raillerie à John Betjeman dans son poème Huxley Hall, « Ni mon dîner végétarien, ni mon jus de citron sans gin/ ne peuvent noyer mon hésitante conviction selon laquelle nous pourrions bien être nés dans le péché ».)

      Les dimanches, les Londoniens faisaient des excursions en train pour étudier l’étrange collection d’espérantistes vêtus de blouses et de théosophistes de Letchworth ; une bande dessinée d’un journal local dressait même le tableau comique de visiteurs d’un zoo d’humains. « Papa, je veux voir comment on les nourrit ! » , y réclame un enfant. Les panneaux indicateurs pour les visiteurs y signalaient : « Direction Les Lutins Raisineux Porteurs de Sandales À Pointes Longues », « Par Ici Pour Le Pub Non-toxique » et « Direction Les Mangeurs de Bananes Hirsutes » . Annie Besant, une théosophiste militante du contrôle des naissances, y ouvrit l’école St. Christopher – où le Parti travailliste indépendant tenait sa réunion d’été – et qui aujourd’hui encore offre exclusivement de la nourriture végétarienne (ses élèves admettent se rabattre sur McDonald’s).


      Dessin de Louis Weirter, publié dans le journal local The Citizen, 1909. Crédits image, First Garden City Heritage Museum de la Letchworth Garden City Heritage Foundation

      Les années 1920 et 1930 offraient nombre de tendances contre-culturelles propres à faire frémir Orwell. Un pacifisme de type jusqu’au-boutiste s’était davantage généralisé au milieu des années 30 qu’à n’importe quelle autre époque de l’histoire britannique. Il y avait aussi une manie du grand air (associée à un développement des loisirs) et d’un mode de vie hygiénique et non raffiné. Les adhésions au club cycliste du Clarion atteignirent leur apogée au milieu des années 30, et un nombre sans précédent de citadins en bermudas et chemises à col ouvert s’entichèrent d’hôtels de jeunesse et de randonnées pédestres. « Le droit de vagabonder » à travers vallons, coteaux et landes devint une cause de gauche et la randonnée de masse, un acte politique parfois nuancé de mysticisme de la nature. En 1932, l’écrivain S. P. B. Mais conduisit seize mille personnes dans le parc naturel des South Downs pour y admirer le lever du soleil sur Chanctonbury Ring (malheureusement, le ciel était nuageux ce matin-là). Le mouvement de retour à la nature prenait d’autres formes aussi. À Marylebone en 1928, la Nature Cure Clinic (clinique de cure naturelle) ouvrait ses portes, avec des idées homéopathiques venues de l’Est via l’Allemagne. Les fruits crus et les jus de légumes y étaient considérés nécessaires à l’élimination des toxines. Et dans les mêmes années 30, le Dr Edward Bach vantait les vertus curatives des essences de fleurs qu’il avait découvertes en recueillant des gouttes de rosée sur des plantes, à l’aube.

      Le #nudisme organisé fit son apparition en Grande-Bretagne à la fin des années 1920. L’un de ses premiers centres à s’ouvrir a été Sun Lodge, à Upper Norwood au sud-est de Londres. A partir de 1928, les membres de la #Sun_Bathing_Society (société des bains de soleil) se retrouvaient les week-ends pour s’imprégner des rayons salutaires et revigorants et pour d’autres activités comme la « danse rythmique. » Les habitants locaux s’agglutinaient autour de la clôture pour tenter d’entrapercevoir les baigneurs en puris naturalibus. En 1929, la police dut intervenir au Welsh Harp Reservoir, à côté de Wembley, pour protéger les naturistes contre des émeutiers. En dépit de la controverse qu’il suscitait, le mouvement #nudiste prit de l’ampleur. En 1932, une lettre au Times en appela à la reconnaissance des bénéfices du culte du soleil - « en moins qu’un costume de bain. » - Ses signataires comprenaient George Bernard Shaw et C. E. M. Joad, philosophe populaire, socialiste, pacifiste, enthousiaste de la campagne (et peut-être le modèle du “Professeur Woad » d’Orwell). Joad était convaincu des vertus des siestes « nu au soleil », même seulement sur des criques désertes. Le ridicule n’était jamais loin. Dans le film I See Ice (1938), George Formby chantait - « Une photo d’un camp nudiste/ Dans mon petit album d’instantanés/ Très jovial mais un peu humide/ Dans mon petit album d’instantanés. » -

      #Leslie_Paul, fondateur des Woodcraft Folk, une alternative antimilitariste aux scouts ouverte aux garçons comme aux filles, se décrivait comme un « socialiste du style d’Edward Carpenter, épris d’une vision mystique de l’Angleterre. » En 1933, cinq cent jeunes membres des Woodcraft Folk campèrent autour d’une pierre levée de l’âge du bronze, dans le Herefordshire, pour y écouter un exposé sur les alignements de sites. [7] Deux garçons étaient accroupis dans une cage d’osier au sommet du monument. (Aujourd’hui, le propriétaire de la terre sur laquelle se dresse la Queen Stone préfère ne pas donner sa localisation exacte pour ne pas encourager la tenue de séances.) Paul, qui était écrivain et journaliste, passait le plus clair de son temps dans un cottage de la campagne du Devonshire. Un ami local, Joe, avec des poils sur la poitrine « épais et bouclés » comme un « matelas de fils de fer » aimait à s’allonger nu au soleil, à déclarer sa passion pour Tolstoï et à dénigrer les chaussures de cuir. « Le végétarisme était dans l’air du temps progressiste », écrivit plus tard Paul. « De nouveaux magasins de nourriture offraient de quoi satisfaire de fantastiques nouveaux goûts. … j’ai bu un mélange de lait malté, d’eau chaude et d’huile d’olive qui passait pour avoir les plus heureux effets sur le colon et les nerfs. » C’était un admirateur de l’Union Soviétique, un socialiste et un pacifiste. « Le #pacifisme avait une extraordinaire affinité avec le végétarisme », se souvenait-il, « de sorte que nous vivions d’énormes saladiers de bois emplis de salade aromatisée à l’ail, de lentilles et de pignons de pin garnis de poireaux. Nous respirions la santé. »

      Orwell a participé à deux universités d’été en 1936 : l’une à Letchworth et l’autre organisée par #The_Adelphi, un magazine pour qui il écrivait, dans une grande maison de Langham, près de Colchester. L’éditeur et fondateur du journal était le critique John Middleton Murry, un pacifiste et socialiste d’un type spirituel et poète qui avait acquis la maison dans l’espoir d’en faire le foyer d’une nouvelle forme de communauté égalitaire. (« Dans cette simple et belle maison, notre socialisme est devenu réalité » , écrivait-il. « Il me semblait que nous avions atteint une nouvelle sorte d’immunité contre l’illusion. ») Tous les invités étaient mis à contribution pour aider à la bonne marche du centre : Orwell était très demandé à la plonge, où il employait des talents cultivés lors de ses jours de pauvreté à Paris. Au cours d’une des discussions, il asséna apparemment à son auditoire, en majorité des gens de la classe moyenne, qu’ils ne « reconnaîtraient même pas un mineur ou un débardeur s’il en entrait un dans la pièce. » Murry finit par penser que le Centre Adelphi tenait trop de l’atelier d’idées : les socialistes qui y résidaient manquaient de la discipline qu’apporte le rude labeur physique.
Son projet suivant fut une ferme pacifiste.

      Il y a cent autres exemples de socialistes épris de ‘vie simple’ qui auraient suscité le mépris d’Orwell. Mais, malgré tous ses efforts, la longue et riche histoire des « hurluberlus » continua au-delà des années 1930 jusqu’aux éléments de la Campagne pour le Désarmement Nucléaire, les #hippies et les #Verts. (Et au-delà de l’Angleterre aussi, bien sûr.) Dans les années 1960, un restaurant végétarien a effacé un siècle de moqueries en adoptant fièrement le nom « Les Hurluberlus ». De bien des façons, la situation s’est retournée contre Orwell. Les personnages comme Edward Carpenter et Leslie Paul peuvent désormais être considérés comme les pionniers de l’anti-capitalisme écologiste moderne. L’environnementalisme est de plus en plus une cause et de moins en moins une distraction d’excentrique.

      Beaucoup de choses qu’Orwell considérait comme hurluberlues sont aujourd’hui à la mode. Il y a trois millions et demi de végétariens en #Grande-Bretagne, le yoga fait de plus en plus partie de la vie quotidienne des classes moyennes, et des pilules homéopathiques sont avalées par millions. (Malgré tout, ces tendances suggèrent, encore plus que du temps d’Orwell, une volonté d’auto-préservation et un style de vie égoïste, le contraire d’une volonté authentique de changer le monde.)

      Inévitablement, alors que des aspects hurluberlus ont été absorbés dans le courant dominant, d’autres pratiques et croyances étranges prennent leur place et sont ridiculisées par la majorité. Dans l’esprit du Quai de Wigan , on pourrait dire de l’anti-capitalisme d’aujourd’hui qu’il attire avec une force magnétique tous les écolos forcenés, les fruitariens organiques, les scooteristes à batterie solaire, les enthousiastes des naissances dans l’eau, les pratiquants de sexe tantrique, les fans de world music, ceux qui vivent dans des tipis, les porteurs de pantalons de chanvre et les accros aux massages ayurvédiques d’Angleterre. Quant aux sandales, les journalistes du Daily Mail _ peuvent bien conserver la mémoire de l’association entre hurluberlus d’antan et pieds quasi-nus, mais les longues queues devant les boutiques Birkenstock devraient les y faire réfléchir à deux fois. La vie simple est peut être aussi illusoire aujourd’hui qu’hier, mais nous sommes tous devenus des porteurs de sandales.

      Paul Laity est rédacteur littéraire au sein de la vénérable London Review of Books. En 2001, il a publié la Left Book Club Anthology (l’Anthologie du club du livre de gauche) , (Weidenfeld & Nicolson)
      Traduction Entelekheia
      [1] William Morris, peintre, dessinateur de papier peint, écrivain et l’une des figures de proue d’un mouvement conjuguant art et artisanat, l’Arts and Crafts.
      [2] La première à avoir reconnu le talent d’Orwell. Elle l’aida à faire publier son premier livre en le portant elle-même à un agent littéraire qui le transmit à un éditeur, Victor Gollancz. Le livre, Down and Out in Paris and London, parut en 1933.
      [3] Une communauté socialiste utopique également connue sous le nom « Alcott House ».
      [4] Les réformistes du costume militaient contre le corset, pour le pantalon féminin, pour que les femmes s’habillent de façon adaptée à la mode des vélocipèdes, pour le port de sous-vêtements hygiéniques en laine, et plus généralement pour le port de vêtements pratiques, dits « rationnels ».
      [5] Club politique de centre-gauche, socialiste et réformiste créé en 1884. Gorge Bernard Shaw et Herbert George Wells en faisaient partie. La Fabian Society , qui se décrit aujourd’hui comme progressiste, existe toujours au sein du Parti travailliste. Elle est aujourd’hui alignée sur le néolibéralisme européiste de Tony Blair.
      [6] Jeu de mots sur un proverbe anglais. Littéralement, « la vie n’est pas toute faite de bière et de quilles », signifiant « la vie n’est pas toujours facile ».
      [7] Théorie loufoque sur des lignes imaginaires (également appelées « ley lines ») censées relier des sites préhistoriques de façon occulte.

      #culpabilisation #Gauche #Histoire_des_idées #Libéralisme #Socialisme_utopique #espéranto #hurluberlu #hurluberlue

      Cet article est paru dans Cabinet Magazine http://www.cabinetmagazine.org/issues/20/laity.php sous le titre ‘A Brief History of Cranks’.

  • L’Eugénisme En Marche - ou Heureux les pauvres en esprit car le royaume de la manipulation génétique leur est promis Gérard COLLET - 23 Juillet 2018 - Le Grand Soir
    https://www.legrandsoir.info/l-eugenisme-en-marche-ou-heureux-les-pauvres-en-esprit-car-le-royaume-

    Le sieur Laurent Alexandre, ci-devant urologue et actuel entrepreneur [1] a récemment confié à l’Express une tribune fort humblement intitulée « Pourquoi #Bourdieu avait tort » [2]. Voilà donc le sort de P. Bourdieu et d’un pan de la sociologie scellé sans appel par les 50 lignes à l’emporte-pièce du tribun.

    Les lignes en question au demeurant, et quelque provocantes qu’elles paraissent, semblent avoir soulevé fort peu d’intérêt, ne déclenchant apparemment pas le moindre buzz : une recherche sur l’Internet ne mentionne en effet qu’une seule recension notable d’ailleurs fort peu élogieuse, et une critique acerbe qui à vrai dire s’intéresse davantage au journal qu’il l’a publiée qu’à l’auteur [3].

    Ce faible écho n’est guère surprenant, car le tribun, sous des dehors révolutionnaires au sens #macronien du terme, n’y fait montre que du positivisme le plus suranné, d’un #scientisme béat qu’on croyait passé de mode, et du réductionnisme le plus élémentaire. Toutes ces qualités étant rehaussées il est vrai d’un si singulier manque de curiosité. En effet, M. Alexandre semble ignorer les mises en garde précises et nombreuses de l’auteur grâce auquel il pense pulvériser pour le compte Pierre Bourdieu et tous les travaux mettant en évidence l’importance du milieu dans la réussite sociale. Enluminées aussi d’un esprit si rigoureusement critique qu’il passe sous silence les réflexions de fond sur le réductionnisme scientifique pourtant au principe de son article historique.


    Reste que quelques aspects conjoncturels de cette tribune, bien inscrite dans l’air du temps, suggèrent de creuser un peu plus avant le pourquoi et le comment d’un tel pétard mouillé. Car ce pétard passablement truqué œuvre à l’accréditation lancinante d’idées fort dangereuses.

    Qui est L.A.
    Il est évidemment utile de connaître une part du parcours et des engagements de l’auteur afin de tenter comprendre d’où il parle, pourquoi il le fait, et quels sont les credo intellectuels et politiques qui constituent le soubassement de son interprétation des travaux en neurologie et en sciences cognitives. Et ses éventuels intérêts trébuchants.
    Si l’on en croit sa biographie telle que décrite par Wikipédia et confortée par nombre d’articles répertoriés sur le web, L.A. est donc médecin urologue, mais il est bien davantage un représentant de la classe IEP/ENA et créateur d’entreprises. Personnalité libérale proche d’#Alain_Madelin, il est également présent dans la presse via ses rachats et plusieurs journaux font obligeamment place à ses credo.

    L’essentiel de ses interventions (tribunes, conférences) se situe dans le domaine des « technologies », en particulier celles de l’ingénierie génétique ; elles révèlent un héraut du #transhumanisme dissertant complaisamment sur l’immortalité à court terme et les éventuels bienfaits « humanistes » des dites #NBIC. Cette passion visionnaire restant bien entendu totalement indépendante de ses intérêts personnels, investis entre autres dans une société de séquençage d’#ADN. Celle-ci n’étant que le prolongement concret de celle-là.

    On trouve également parmi ses fort nombreuses déclarations, des prises de position erratiques et tonitruantes sur le sujet, allant de la mise en garde alarmiste contre les apprentis sorciers à la #futurologie enthousiaste. Le dénominateur commun étant comme par hasard l’appel à des « investissements massifs ». Car L.A. n’ignore évidemment pas que les avancées technologiques fulgurantes en NBIC et en IA ne tombent pas du ciel, ni de laboratoires marginaux et improvisés, mais sont bel et bien le produit de choix politiques influencés par les nombreux lobbyistes si attentifs au progrès humain...

    Que nous dit-il ?
    De manière fort simpliste [4], L.A. assène des chiffres dont la signification est assez sibylline, mais qu’il explicite aimablement pour nous après les avoir radicalement simplifiés :

    On sait aujourd’hui que l’ADN détermine plus de 50 % de notre intelligence. L’école et la culture familiale ne pèsent pas beaucoup face au poids décisif de la génétique.

    La formule chiffrée présente la compacité d’une publicité de pâte dentifrice ou de crème anti-rides, et le pourcentage bien rond est évidemment garant d’élégance scientifique [5].

    Cette rigueur prend cependant quelques libertés avec l’arithmétique : les deux parts de 50% sont apparemment modulées par un mystérieux coefficient idéologique, puisque la moitié revenant à l’école et à la culture « ne pèse pas beaucoup », tandis que l’autre moitié est « décisive ». Voilà donc une manière singulière d’accommoder les chiffres à la sauce ingénierie génétique.

    On apprend ensuite que pour la lecture elle-même, le rôle de l’école et de l’environnement culturel est marginal. Et l’on se prend à regretter que l’analyse soit encore incomplète puisqu’elle peine toujours à démontrer que le gène de la lecture est usiné à l’origine pour la lecture syllabique et tout à fait incompatible avec la lecture globale.

    En dépit de ce petit goût d’inachevé, le degré de précision des analyses mentionnées est tel qu’il laisse envisager qu’il faudrait doubler l’effort individuel et la contribution familiale des malheureux ayant reçu un « mauvais #patrimoine » pour qu’ils puissent espérer concurrencer les heureux #héritiers [6].

    Notre tribun s’essaye ensuite à démontrer que l’évidente corrélation entre #QI et #pauvreté est taboue [7], ce qui participe incontestablement au déclin de la France.

    Alexandre insiste lourdement, dans de nombreux articles, sur le rôle joué par le QI (et par son origine génétique sous-entendue) dans la « réussite » [8]. Derrière cette affirmation s’en dissimule (mal) une seconde : celle de l’origine raciale de cet « avantage comparatif » génétique.

    L. Alexandre prend ici appui sur le phénomène amorcé en France par la sidération des sphères ministérielles devant les résultats des enquêtes internationales de « compétences ». Le nouveau ministre, comme ses prédécesseurs, se devant de fournir une explication. Qui mette si possible hors de cause les choix institutionnels.

    Pour ce qui concerne la lecture, les résultats de l’enquête #Pirls (Programme international de recherche en #lecture #scolaire, touchant les écoliers de CM1) n’étaient pas très bons en 2012 (cf. Le Monde du 13/12/2012). Ceux de 2017 sont encore plus mauvais, au point de déclencher une prise de parole quasi immédiate du ministre de l’Éducation nationale.

    Mais alors ? La baisse continue du QI de la France [9], d’emblée imputée par le ministre aux horreurs du « #pédagogisme », traduit-elle une baisse génétique corrélée ? Les résultats comparés au niveau européen représentent-ils le potentiel génétique des différentes populations ? Faut-il révéler que les irlandais sont particulièrement doués de gènes performants, et les maltais particulièrement handicapés par leurs #gènes insulaires ?

    En fait, contrairement à ce que disent ces auteurs, sans cesse pleurnichant sur les interdits dont ils seraient victimes malgré les titres de presse et les chaires dont ils disposent dans les journaux, c’est bien l’idée d’un « héritage » des dons qui est la plus répandue. On en trouve trace partout dans le langage, dans les récits historiques, et dans les discussions de Bar du commerce [10].

    Énoncer la théorie #complotiste de l’éléphant dans le couloir est en effet une contre vérité totale [11].

    Reste juste à préciser ce que sont ces « capacités » devenant subrepticement « intelligence » [12]. Mais il est assez clair que l’unité de mesure suggérée ici est en dernier ressort la capacité à « créer sa boîte » et à « développer » l’ « #innovation » susceptible d’arracher des « parts de marché ».

    Il existe en fait deux variétés de fans des fondements génétiques de « l’intelligence » : il y a les « conservateurs », dans l’acception macroniste du monde, pour qui la #race, l’origine, la #caste... disent tout sur l’intelligence de manière définitive, et il y a les « progressistes », En Marche vers l’amélioration de l’espèce, qui dissimulent leur condescendance de classe derrière le vœu pieu de « réparer » les héritages pénalisants. Ces derniers peuvent alors se réclamer d’un « humanisme » qui fleure bon la pitié charitable, mais en réalité se placent d’emblée dans le cadre de la guerre de tous contre tous : la supériorité chinoise doit être surclassée de toute urgence !

    Ce discours a pour but d’ancrer l’idée de supériorités « naturelles » indiscutables, de contrer toute réflexion suggérant des politiques égalitaires voire compensatoires, et surtout de rendre « l’égalitarisme » responsable du « déclin », par l’étouffement de l’énergie des plus doués. Lesquels bien évidemment ne rêvent qu’entreprise, reprises, placements, start-up, concurrence et parts de marché.

    Ce que font semblant d’ignorer ces tartuffes, c’est que l’égalitarisme n’est pas un « programme » mais une attitude philosophique et politique refusant l’enfermement des individus pour cause d’hérédité, de race, de couleur, de QI. Ils feignent d’avoir oublié que l’assise des anciens régimes féodaux était précisément de cette nature, de même que celle des privilèges ici, des castes là-bas. Que la déclaration des droits de l’homme est une déclaration de principe et d’intention et prétend justement affranchir l’Homme d’un calcul de QI ou des résultats d’un séquencement de #génome.

    Les malheureux semblent n’avoir pas compris, que la relativisation de l’interprétation du QI et la défiance vis-à-vis de son utilisation partent du même principe qui refuse que l’on prétende définir, limiter, arrêter le devenir d’un individu, son chemin, ses désirs et sans ambitions en lui opposant un bête chiffre censé le résumer.

    Mais le point d’orgue de l’article en est sans conteste l’émouvant prétexte humaniste : lutter contre le déterminisme génétique pour compenser les inégalités. Beau projet. En contradiction cependant avec l’opposition radicale et méprisante à « l’égalitarisme ». Car l’égalitarisme on le sait, est gauchiste, irresponsable et contraire au progrès lorsqu’il s’agit d’éducation, mais il devient humaniste et porteur d’avenir dès qu’il s’agit d’ingénierie génétique.

    Pourquoi cette tribune n’a pratiquement aucun intérêt scientifique et frôle l’imposture.
    Il faut d’abord noter que les déclarations à l’emporte-pièce de #Laurent_Alexandre ne se préoccupent d’aucune des mises au point de R. Plomin lui-même, et ne font allusion qu’à des aspects parcellaires des travaux de P. Bourdieu.

    Comme le rappelle en effet dans un article assez complet la rédaction du site Chronik [13], les découvertes de Plomin ne nient pas, contrairement à ce que fait croire Laurent Alexandre, l’influence de l’environnement : bien au contraire, elles lui donnent une place fondamentale. Dans un article de 2004 publié par l’American Psychological Association,Robert Plominexplique en effet : http://webspace.pugetsound.edu/facultypages/cjones/chidev/Paper/Articles/Plomin-IQ.pdf

    « Si l’influence des facteurs génétiques sur l’intelligence est d’environ 50 %, cela signifie que les facteurs environnementaux expliquent le reste de la variance. »
    
 
Plus grave encore, selon les mêmes auteurs, la présentation donnée par notre tribuniste émérite constitue l’erreur type que dénonce R. Plomin :

    Nombre de lecteurs de bonne foi peuvent comprendre que l’intelligence de leur enfant est à plus de 50 % déterminée par les gènes dont il a hérité. Mais voilà, c’est précisément cette manière de « comprendre » qui est la plus importante contre-vérité, la plus grave erreur, la « number one fallacy » contre laquelle nous prévient Plomin, notamment dans son interview à la BBC en octobre 2015. [14]

    Le site Mute fournit pour sa part de manière bien documentée quelques précisions sur le travail entrepris par Plomin et son équipe :

    Mais lorsque des centaines de milliers de marqueurs génétiques furent ainsi passées au crible, les chercheurs n’ont trouvé que quelques associations entre des SNPs (polymorphismes d’un seul nucléotide), dont le plus efficient expliquait un peu moins de 1 % de la variance aux tests psychométriques, et les autres moins de 0,4 % (cf par exemple Harlar 2005, Craig 2006, Butcher 2008). L’effet est si faible qu’il faut répliquer ce genre d’études pour exclure les faux positifs. Et, en aucun cas, on ne trouve pour le moment de gène massivement impliqué dans les différences d’intelligence entre individus. De plus, Les deux propriétés essentielles sont ici la pléiotropie (un même gène a plusieurs effets) et la polygénicité (un même trait dépend d’une multitude de gènes) [15]

    Ce qui adoucit singulièrement les déclarations à l’emporte-pièce de L.A., mais nécessite il est vrai un peu plus de réflexion.

    D’où sortent encore des chiffres hallucinants de précision comme :

    Nos différences de capacités de lecture en sont issues à 64 % du patrimoine génétique, la famille, l’école et nos efforts individuels n’y sont que pour un tiers.

    Mais de quelle lecture s’agit-il donc, et comment sont mesurées ces « capacités » ?

    Par ailleurs, il y a une contradiction absolue à avancer ces affirmations et dans le même temps à charger les méthodes d’apprentissage de tous les maux. Et comment interpréter alors avec un tel prisme les nombreux résultats d’enquêtes internationales ? Le surgissement des « capacités » des chinois, coréens et autres signe-t-il donc une modification de leur patrimoine génétique [16], eux qui étaient considérés il y a un siècle comme des « peuples de coolies » [17] ? Ou bien seuls 50% de ces résultats sont-ils attribuables aux gènes chinois ?

    Ou bien encore, la #Chine aurait-elle, avant-même les « #start-up » macroniennes et nonobstant les brevets en gestation dans l’entreprise de L.A., découvert la pierre philosophale NBIC permettant la production en série de génies de la recherche-développement ?

    Ignorent-ils aussi, Alexandre et ses followers , qu’au XIX° siècle les premiers touristes anglais riches qui visitent notre pays, et singulièrement les Alpes (E. Whymper entre autres), y sont stupéfaits par l’omniprésence du « crétinisme » et l’arriération générale des populations qu’ils découvrent. Il faut croire que là encore un phénomène improbable a modifié les gènes des alpins pour en faire, au XXI° siècle des humains quasi normaux.

    On pourrait également renvoyer L.A. -mais il est vrai qu’à la date de sa tribune il ignorait probablement les faits- au rapport parlementaire [18] rendu public ce printemps.

    On y lit par exemple :

    Le département (93) cumule des taux de chômage, de pauvreté et de difficultés scolaires bien supérieurs aux moyennes nationales. Face à ce constat, les moyens humains y sont pourtant inférieurs aux autres territoires : deux fois moins de magistrats, par exemple, au tribunal d’instance d’Aubervilliers, que dans un tribunal parisien équivalent. Dans les écoles « le moins bien doté des établissements parisiens est mieux doté que le plus doté des établissements de la Seine-Saint-Denis »

    Les dés sont donc singulièrement pipés, et il devient très délicat, M. Alexandre, de distinguer ce qui relève de la supériorité des gènes des élèves parisiens de ce qui relève du milieu, n’est-il pas vrai ?

    A travers l’ensemble de ces recherches, au fond, il apparaît que les liens désespérément recherchés entre « gènes » et « intelligence » s’obstinent à ne pas se montrer, et bien entendu, à part Laurent Alexandre on ne trouve pas un seul chercheur pour suggérer encore qu’il existerait des « séquences de code » directement responsables de l’intelligence. Si toutefois il avait pris la peine de tenter une définition de la dite intelligence, mais sans doute veut-il encore faire croire que le QI dont il se gargarise dans nombre d’interventions est un indicateur largement satisfaisant.

    Plus honnête, croisant les réflexions des neurologues, de l’épigénétique, de la sociologie, de la psychologie, de la pédagogie, des sciences cognitives en général, l’article pourrait alors se résumer à la formule :

    P’têt bien que l’héritage génétique a une certaine influence sur l’intelligence, et p’têt bien que l’environnement, les conditions de la croissance et de l’éducation en ont aussi une.

    Ce qui avouons-le est totalement renversant et en surprendra plus d’un. Et que Pierre Bourdieu admettait parfaitement [19]. Notre hardi tribuneur aurait certes gagné à lire quelques autres textes plus larges et plus synthétiques sur le sujet [20] ; mais une compréhension correcte, étayée, de bon sens et non biaisée n’était sans doute pas dans le propos de L.A., archétype des vulgarisateurs à l’affût de bribes de travaux scientifiques susceptibles d’apporter de l’eau à leur moulin quitte à en commettre une exégèse aventureuse. Toutes époques, tous les intérêts et toutes les idéologies ont tenté ainsi de subtiliser les travaux de recherche. Et à l’ère technocratique, surtout s’ils produisent de beaux chiffres [21].

    Au final, l’apport de la tribune alexandrine serait inexistant si elle n’était faussée et caricaturale, et s’il ne tirait des conclusions tout à fait gratuites, primaires et dangereuses.

    On voit donc sans effort exagéré transparaître dans le texte publié par l’Express, ce que L.A. et un certain nombre de commentateurs ont voulu faire dire à R. Plomin, lequel comme on l’a vu s’en est bien défendu.

    Il s’agit essentiellement de prétendre raviver la querelle #inné-acquis sur de nouvelles bases incontestables parce que chiffrées, pour espérer enfin faire basculer l’histoire dans le sens de l’inné. Or quelles que soient les intentions charitables (et surtout pragmatiques) affichées, vouloir à tout prix privilégier l’inné est une démarche enfermante, celle-là même qui renvoie les dominés à leur prétendue #infériorité « naturelle ». Discours que l’on retrouve dans les discours de tous les dominants, de l’esclavage au nazisme en passant par la droite américaine la plus obscurantiste et ségrégationniste. Alors que le choix de l’éducabilité est par nature émancipateur, qui présuppose une égalité de principe et s’attache à la rendre réalisable.

    Il s’agit aussi de redonner vie au #scientisme [22], que l’on croyait durablement disqualifié mais qui ressurgit de ses cendres à chaque « #innovation #R&D ». Il s’agit d’y ajouter hypocritement la promesse de l’amélioration génétique, faisant ainsi le lit d’un transhumanisme au masque humaniste et égalitariste. Hypocrisie fort utile cependant à toute la #startuposphère de l’ingénierie génétique, qui trépigne d’impatience à l’idée de pouvoir un jour fabriquer de l’humain OGM et tenter de damer le pion à la croissance de Facebook.

    Reste que si cette promesse est déçue, comme celle de l’immortalité au bout du chemin de la recherche NBIC, il demeurera la « démonstration » de la nature génétique des différences d’intelligence, justifiant bien entendu les différences de statut humain.

    Il s’agit enfin d’accréditer obstinément une approche réductionniste, fétiche des technocrates avides de chiffres. Un réductionnisme dopé par l’informatique et sa nouvelle dimension « big data » qui n’en est pas avare, et en produit bien davantage que tous les L.A. de la terre peuvent en digérer.

    Il semble pourtant que, prévenu par Karl Popper, tout scientifique sait les limites de cette approche, mère du déterminisme. Car si le réductionnisme peut selon Popper constituer une étape méthodologique fructueuse, il ne peut en aucun cas constituer une doctrine, et l’extrapolation de résultats « réduits » à la réalité est toujours hasardeuse [23].

    Et l’on retrouve également dans cette rhétorique le projet de la sociobiologie, qui prétend expliquer tous les comportements humains sur des bases biologiques, puis plus tard génétiques. Et nombreux sont les scientifiques de toutes disciplines qui ont mis en garde contre un schéma explicatif dont ils dénoncent les évidents effets pervers tant socio-politiques que scientifiques.

    Ou tout cela nous mène-t-il ?
    On serait donc tenté de conclure que la tribune en question est tout simplement totalement dénuée d’intérêt, et n’est qu’un pot-pourri d’approximations, de contre-vérités, de travestissements partiaux de résultats scientifiques, d’absence de réflexion et de rigueur. De soupçonner qu’elle n’était là que pour faire acte de présence dans les média et rester en vue. Le premier réflexe serait donc de l’ignorer simplement et de ne plus jamais ré-ouvrir le journal qui l’a publiée [24].

    Mais ce serait oublier que ce texte poursuit en réalité deux objectifs bien précis, complémentaires, et lourds de conséquences.

    Le premier est d’alimenter en eau fraîche le moulin de la macronie en avançant l’hypothèse de « start-up » susceptibles de doper au CRISPR-Cas9 l’intelligence française dont L.A. et ses amis nous révèlent qu’elle laisse tant à désirer, et qu’elle sera bien insuffisante dans le « monde réel » de la lutte de tous contre tous [25].

    Le second est que compère L.A., par là même avance ses pions en tentant de montrer tout ce que l’ingénierie génétique pourrait apporter à l’économie française, se chiffrant comme à l’ordinaire en points de croissance et donc en créations d’emploi. Hypothétiques. En tous cas en perspectives radieuses pour les intérêts de ce secteur prometteur.

    L’invocation du ministre #Blanquer, de son proche collaborateur Dehaene et de la vision macronienne du monde souligne d’ailleurs la nature éminemment politique de la prétendue avancée scientifique :

    .. C’est-à-dire accentuer la stratégie du ministre Blanquer, développer la recherche en pédagogie et donner des moyens aux grands spécialistes de la cognition : Stanislas Dehaene, François Taddei, Franck Ramus...

    Et bien entendu l’approche « pédagogique » suggérée est majoritairement centrée sur cette vision selon laquelle, comme le déclare volontiers S. Dehaene, l’imagerie cérébrale va ouvrir les portes à la compréhension de l’acte de lire. Loin de cette équipe l’idée de s’appuyer sur les travaux pédagogiques d’approche globale et humaine : il s’agit plutôt d’un « retour à l’ancien monde (!), avec la glorification du modèle purement transmissif. Et elle ignore superbement l’ensemble des travaux de fond, de longue haleine, nourris de savoirs, de savoir-faire et d’expériences multiples. Là encore, « La #Science » aurait tranché de manière indiscutable et désigné les procédures « efficaces ». Il n’est pour s’en rendre compte que de lire certaines réactions approfondies aux projets du ministre [26].

    Tout ce galimatias n’a finalement pour but que de déguiser sous les aspects d’une « science dure » à la mode, capable de présenter des chiffres et des images numériques, une démarche idéologique non explicitée.

    Or cette démarche conduit tout naturellement à faire surgir un eugénisme -bien entendu positif- et à un transhumanisme justifié par la concurrence déloyale et le péril du « gène jaune » augmenté [27]...

    Il y a là, répétons-le, le fond commun de tous les racismes, les esclavagismes, les misérabilismes et de toutes les formes de mépris social : la volonté de renvoyer les dominés à leur place en affirmant qu’ils sont « nés comme ça ». On l’a trouvé à toute époque et sous tous climats, et la convocation des « neurosciences » (extrapolées, tronquées, manipulées, parfois même trahies) n’est que le nouvel alibi justificatif, paré des plumes de l’imagerie cérébrale.

    Laurent Alexandre, toutefois, manque singulièrement d’audace dans la voie qu’il s’est tracée, et hésite à exposer toutes les conséquences prévisibles de son approche de l’inné et de l’acquis : s’il se lâchait vraiment, il nous révélerait sans aucun doute la base génétique des inégalités qui perdurent entre hommes et femmes. Mais nous proposerait bien vite une ingénierie susceptible d’upgrader le second chromosome X des malheureuses.

    On sait évidemment l’idée de « l’amélioration de la race » vieille comme le monde, elle n’a pas attendu L.A., ni le « traitement de textes génétique » ; et depuis le II° Reich jusqu’aux inventeurs du transistor, nombreux sont ceux qui ont parié sur cette voie... Sans grand succès et avec moult dégâts.

    Un chemin beaucoup plus direct vers l’amélioration de la race que celui prêché par L.A. (encore que pas accessible à tous) fut en effet imaginé dans les années 80 du XX° par une Banque des spermes d’exception créée par R.K. Graham [28]. C’était aux US bien entendu, la Chine n’étant alors pas encore le point de mire des eugénistes. L’un des plus célèbres des généreux et altruistes donateurs fut William_Shockley, glorieux inventeur de l’effet transistor et prix Nobel de physique 1956 [29].

    Mais il semble bien, hélas, qu’aucun des rejetons des spermatozoïdes hyper-performants n’ait inventé la Moulinette-à-faire-la-vinaigrette ni même le Repasse-limaces, et l’on ignore si le « pack » fourni par la Banque Graham comprenait à la fois le gêne des semi-conducteurs et celui des traces de paranoïa...

    La seule nouveauté de cette tribune est donc bien sa conclusion en forme d’humanisme en trompe l’œil : certes les nuls sont nuls de naissance et aucune éducation n’y pourra rien, mais la macronie dans sa grande générosité (à moins qu’il s’agisse de pragmatisme) va les aider en faisant appel à L.A. et ses collègues. Elle va « réparer » ces mal dotés de l’ADN, et du même coup de ciseau génétique assurer les « avantages concurrentiels » de la France face à l’Asie.

    L’émouvant slogan : « Se battre et dynamiter le déterminisme génétique ! » claque comme une bannière progressiste, et propulse même L.A. et toute la techno-sphère macronienne dans l’univers sulfureux de l’insoumission, de la révolte, de la lutte finale contre les injustices de la nature...

    Le procès, ici, est clair et a deux aspects complémentaires. Affirmer la grande générosité visionnaire des nouvelles équipes gouvernementales, prêtes à faire la courte échelle aux sous-doués pour qu’ils viennent faire concurrence aux élites. Conforter la volonté de Macron de transformer la France en start-up nation, en privilégiant les visées réductionnistes et scientistes de Blanquer [30] et des équipes de numéricologues et de leur amis entrepreneurs. Lesquels n’attendent que les investissements massifs (publics ?) qui vont leur permettre de créer les « boîtes » de demain [31]. Et tout cela sans laisser place une seconde à la réflexion sur le monde dans lequel ils prétendent ainsi nous entraîner.

    Il n’est au reste pas surprenant que tout ce que la macronie compte de Laurent Alexandre et autres hérauts de la croissance innovante s’empare avec gourmandise de travaux tels que ceux de l’équipe de R. Plomin. Quitte à ne lire que la surface des résultats scientifiques, à se hâter de détourner les travaux pour les citer à l’appui de leur vision orientée du monde.

    Et c’est dans ce droit fil qu’apparaît l’argument massue : la dénonciation hypocrite de la licence qui régnerait en Chine vis-à-vis de l’IA et du transhumanisme : « Aucune norme éthique ne semble freiner les transhumanistes chinois ».

    Et c’est pour mieux conclure : « La Chine disposera d’un avantage considérable dans la société de l’intelligence », suggérant que les « lois de la concurrence » nous obligeraient aussi à accepter à contrecœur l’eugénisme du XXI° siècle à visage (trans)humain.

    Gérard COLLET

    [1] D’une société belge de séquençage ADN selon sa biographie Wikipédia.
    [2] Voir : https://www.lexpress.fr/actualite/sciences/determinisme-pourquoi-bourdieu-avait-tort_2002043.html
    [3] Sciences : peut-on publier n’importe quoi dans L’Express... En un mot : oui. Voir : http://www.acrimed.org/Sciences-peut-on-publier-n-importe-quoi-dans-L
    [4] Mais il est vrai que le format « Tribune » de l’Express ne permet pas de faire dans la dentelle.
    [5] On sait en effet très bien qu’Oral-B élimine 100% de plaque dentaire en plus, que par certaine crème anti ride « l’ovale du visage est redéfini pour 82 % des femmes » tandis que 96% des femmes constatent plus de fermeté...
    [6] En effet, « Nos différences de capacités de lecture sont issues à 64 % de cet héritage, tandis que la famille, l’école et nos efforts individuels n’y sont que pour un tiers. » Or il est clair que 2 x 33 % est supérieur à 64 %.
    [7] Tabou indiscutablement lié à la domination culturelle des idées crypto-marxistes, diffusées sournoisement par les chaînes de télévision et les organes de presse écrite.
    [8] Voir par exemple : https://www.lexpress.fr/actualite/sciences/face-a-l-intelligence-artificielle-le-tabou-du-qi-est-suicidaire_1894152.ht puis aussi : https://www.lexpress.fr/actualite/monde/asie/manipulations-genetiques-augmentation-cerebrale-la-chine-est-ultratranshuma
    [9] Statistiquement s’entend, car il y demeure heureusement quelques grands esprits échappant à la malédiction.
    [10] A titre d’exemple, cet extrait de L’Autre Amérique, Arte, 29/5/2018. : « Ce portrait le Justin Trudeau présente en beau gosse bien né, fils de Pierre Elliott Trudeau [...]. Outre ce lignage, qu’en est-il des convictions de Justin, de sa vision pour le Canada [...] . »
    [11] Cette théorie a été popularisée par Mme Smith-Woolley, une élève du professeur Robert Plomin, personnalité controversée qui a longtemps soutenu l’idée que l’intelligence est très fortement héréditaire. Elle compare la génétique à “l’éléphant dans le couloir” [en référence à l’expression anglaise “the elephant in the room”, qui évoque un problème évident que personne ne veut ou ne peut voir et ne veut discuter, ndt] et pense qu’elle devrait être enseignée aux futurs professeurs. Toby Young, libertarien provocateur et activiste en matière d’éducation, apparaît comme co-auteur de cet article. M. Young s’est récemment attiré l’opprobre pour avoir écrit que la génétique étant le facteur dominant de la réussite scolaire, les écoles ne faisaient que peu de différence. (https://www.lenouveleconomiste.fr/financial-times/reussite-la-spirale-du-succes-63020)
    [12] Dont le sens reste propriété de M. Alexandre. En tous cas, il n’aura pas la place de les définir.
    [13] https://chronik.fr/denigrement-de-pierre-bourdieu-laurent-alexandre-t-nom.html
    [14] Voir note précédente.
    [15] Article publié sur le site Mute : http://we-the-mutants.blogspot.fr/2008/09/plomin-et-la-chasse-aux-gnes-de.html
    [16] http://www.bilan.ch/techno/made-china/le-succes-du-systeme-scolaire-chinois
    [17] En tous cas par les entrepreneurs de l’époque, ancêtres spirituels de L.A.. A ce sujet, on lira avec intérêt Cochinchine de Léon Werth.
    [18] L’état recule en Seine Saint-Denis, rendu public en mai 2018.
    [19] Voir note 11.
    [20] Albert Jacquard dans « L’Héritage de la liberté » expliquait de manière lumineuse l’articulation des deux genèses.
    [21] Rapprocher des instrumentalisations de Darwin (Contresens_Darwin) Voir aussi https://lesamisdebartleby.wordpress.com/2017/09/09/lecobusiness-de-darwin-leur-evolution-et-la-notre : l’entreprise Darwin à Bordeaux !)
    [22] Tout problème humain quel qu’il soit peut être résolu par « la science ».
    [23] Voir à ce sujet Karl Popper ou la connaissance sans certitude, ChapitreXVII Échec au réductionnisme, Page 109.
    [24] Voir à ce sujet l’article d’ACRIMED : « Sciences : peut-on publier n’importe quoi dans L’Express ? »
    [25] Selon Acrimed, il s’agit là d’ « un article pseudo-scientifique cachant mal ses objectifs politiques : défendre une certaine vision de l’éducation, en l’occurrence celle du gouvernement actuel ». Voir note 1.
    [26] Dans ce contexte, la création du conseil scientifique, présidé par Stanislas Dehaene et où neurobiologistes et psychologues cognitivistes sont dominants, est une forme de coup de force qui, de plus, désorganise le paysage français de l’évaluation où les acteurs sont déjà nombreux. (Fondation Copernic – Axel Trani (coord.) : Blanquer : un libéralisme autoritaire contre l’éducation, Éditions Syllepse.
    [27] Selon une autre « tribune tonitruante de L.A. : https://www.lexpress.fr/actualite/monde/asie/manipulations-genetiques-augmentation-cerebrale-la-chine-est-ultratranshuma
    [28] Le narcissique homme d’affaires pense que son action va permettre de maintenir « un certain niveau d’intelligence » dans une société américaine en crise. Graham avait 38 ans d’avance sur L.A..
    [29] Selon sa biographie Wikipédia : A partir de là, les tendances dominatrices et paranoïaques de Shockley commencèrent à s’exacerber. Et il s’évertua à éclipser les deux autres co-inventeurs du célèbre effet.
    [30] M. Blanquer ne limite évidemment pas sa vision à cette facette. Cependant il est clair que le ministre veut une place primordiale pour les neurosciences et affirme volontiers que sur plusieurs débats pédagogiques « la science a tranché ». Confortant ainsi l’approche réductionniste.
    [31] M. Alexandre, pour sa part, ne pourra pas participer pleinement à ces investissements massifs en France, puisque sa biographie le décrit comme résident fiscal belge. (Wikipédia cite à ce sujet « L’Obs). Mais il pourrait bien en profiter.

  • L’école et la fausse querelle du pédagogisme (Telos)
    https://www.telos-eu.com/fr/societe/lecole-et-la-fausse-querelle-du-pedagogisme.html

    Comme souvent en France, cette querelle est purement idéologique et incroyablement détachée de la réalité du fonctionnement de l’Ecole. Car le pédagogisme est très loin de régner en maître dans les salles de classe. Les travaux de comparaison internationale (voir par exemple les recherches de Nathalie Mons et Marie Duru-Bellat) montrent au contraire que le système éducatif français reste un modèle « académique » dans lequel l’enseignement disciplinaire est ultradominant, avec un curriculum hiérarchique qui ouvre peu l’école sur le monde extérieur et dans lequel l’enseignement individualisé est peu développé. Ces méthodes « verticales » d’enseignement, qui prédominent dans notre pays, ne sont effectivement pas favorables à l’épanouissement des élèves comme l’a montré une étude menée en 2011 auprès d’un large échantillon d’élèves et d’enseignants dans 23 pays. Elles sont aussi associées à une plus grande défiance à l’égard de la société et des institutions.

    Mais surtout, la méthode globale est totalement délaissée aujourd’hui comme le montre une passionnante étude menée par Roland Goigoux qui a observé pendant trois ans les pratiques effectives de 130 enseignants encadrant près de 2800 élèves de CP. Cette vaste enquête enterre définitivement la guerre des méthodes car elle montre que « dans toutes les classes les élèves reçoivent un enseignement explicite et précoce des correspondances entre les graphèmes et les phonèmes ». L’utilisation de la méthode globale est donc tout simplement un mythe !

    Fin connaisseur du système éducatif, Jean-Michel Blanquer ne peut ignorer les quelques faits qui viennent d’être rappelés. Que cherche-t-il donc en réactivant cette vieille polémique ? Sans doute à donner des gages à l’aile la plus conservatrice du monde éducatif […]

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