• Clausewitz et la guerre populaire - Théodore Derbent
    https://www.youtube.com/watch?v=6wkYpa87qkM

    • Le paradoxe stratégique : La pensée militaire d’un officier aristocrate utilisée par des mouvements révolutionnaires
    • L’intérêt du marxisme et de la social-démocratie
    • Qui a initié cet intérêt au sein des marxistes ?
    • Guerre révolutionnaire et adhésion du peuple
    • Les écoles du Komintern : Application pratique de la doctrine clausewitzienne
    • Le (bas) peuple en arme et le moral du soldat
    • Qu’est ce que l’art opératique ?
    • Attaque, défense, mobilité, staticité
    • Les Brigades Rouges, clausewitziennes malgré elles
    • Lénine, disciple de la pensée stratégique
    • La guerre : acte de la vie sociale, science militaire et appropriation prolétarienne
    • Le maoïsme, héritier et réformateur de la pensée stratégique
    • Cartographie de la guerre populaire révolutionnaire
    • Antimilitarisme et considérations morales
    • L’insurrection et l’après, l’apport de Blanqui
    • Méthodologie et choix de documentation
    • Romantisme, mythe sacrificiel et folklore : l’écueil de la gauche
    • Principes opérationnels et déploiements tactiques
    • Applications modernes d’une pensée clausewitzienne
    • Les libertaires et la stratégie militaire

    Pour une doctrine militaire prolétarienne (ou pas) : Le débat Frounzé-Trotski de 1920-21
    http://revueperiode.net/pour-une-doctrine-militaire-proletarienne-ou-pas-le-debat-frounze-trot

    #Prusse #Armée_de_l'an_II #pensée_stratégique #guerre #guerre_révolutionnaire #stratégie #tactique

  • Marc Bloch, historien et résistant, va entrer au Panthéon, annonce Emmanuel Macron
    https://www.lemonde.fr/politique/article/2024/11/23/marc-bloch-historien-et-resistant-va-entrer-au-pantheon-annonce-emmanuel-mac

    Resté en France malgré la répression qui s’abattait sur les juifs, Marc Bloch s’engage dans la Résistance en 1943, dont il devient un des chefs pour la région lyonnaise. « Marc Bloch ne désespéra jamais du ressort de notre peuple, certain que le courage n’est pas une affaire de carrière ou de caste », a résumé le chef de l’Etat. Il est arrêté le 8 mars 1944 à Lyon, emprisonné et torturé à la prison de Montluc, et fusillé le 16 juin avec 29 de ses camarades.

    Dans une lettre au président de la République, dont l’AFP a obtenu copie, la famille demande, au regard de son engagement, que « l’extrême droite, dans toutes ses formes, soit exclue de toute participation à la cérémonie » d’entrée au Panthéon. « L’œuvre de ce patriote convaincu est profondément antinationaliste, construite contre le roman national et la réduction de l’histoire française aux frontières nationales », écrivent sa petite-fille Suzette Bloch et son arrière-petit-fils Matis Bloch, au nom des ayants droit. _[voir : https://blogs.mediapart.fr/laurent-mauduit/blog/231124/pantheonisation-les-conditions-posees-par-la-famille-de-marc-bloch]_

    Macron n’est pas soralien, il cause pas depuis le même endroit. En même temps, il a fort bien retenu la méthode.

    #confusionnisme

    • Laissez Marc Bloch tranquille, M. Sarkozy, par Suzette Bloch et Nicolas Offenstadt, 28 novembre 2009
      https://www.lemonde.fr/idees/article/2009/11/28/laissez-marc-bloch-tranquille-m-sarkozy-par-suzette-bloch-nicolas-offenstadt

      Pour l’historien, la France c’était l’ouverture.

      Petite-fille de Marc Bloch et historien médiéviste, nous avons décidé de joindre nos voix pour dire stop à l’utilisation abusive de l’historien, de l’intellectuel, du résistant Marc Bloch par le président de la République, Nicolas Sarkozy - et ceux qui l’entourent - pour habiller leurs discours idéologiques
      Un jour, moi, Suzette Bloch, j’ai demandé à mon père : "Mais comment as-tu fait pour avoir le courage physique de résister à l’occupant ?" Il m’a répondu : "Tu sais, quand tu es agressé, tu ripostes, c’est comme un réflexe, tu ne te poses même pas la question." Mon père s’appelait Louis Bloch. Il était modeste. Ses hauts faits de résistant contre les nazis et leurs auxiliaires français, je les ai appris par le récit d’autres. J’aurais pu poser la question à mon grand-père. Mais je ne l’ai pas connu. Il a été fusillé. Le 16 juin 1944. Il est tombé sous les balles allemandes. Le soir, dans un champ. A Saint-Didier-de-Formans (Ain). Il était lui aussi dans la Résistance. Il s’appelait Marc Bloch. J’aurais pu poser la question à ma grand-mère. Mais je ne l’ai pas connue. Elle est morte le 2 juillet 1944. A Lyon. De douleur, de privations, sans nouvelles de son mari, de ses fils, Etienne, Louis et Daniel, tous engagés dans l’armée de l’ombre. Elle s’appelait Simonne.

      Marc, Simonne, Louis m’ont laissé une mémoire, la mémoire d’une famille qui a érigé la liberté d’esprit au rang de première des valeurs humaines. Aujourd’hui, je suis indignée. Au point où j’en arrive à surmonter la timidité que j’ai aussi reçue en héritage. Pour dire « Assez ! ».

      Le 12 novembre à La-Chapelle-en-Vercors, dans la Drôme, le président de la République a prononcé un discours destiné à apporter sa "contribution" au débat qu’il a lancé sur l’"identité nationale", une notion qui ne s’impose en rien et qui peut servir les pires desseins idéologiques. Il en a appelé à mon grand-père à l’appui de son hymne à la France repliée, chrétienne et éternelle. "Honneur", « patrie », « fierté d’être français », « identité nationale française », "héritier de la chrétienté" : ces termes sont légion dans ce discours où le chef de l’Etat prétend décrire ce que doit être sa France, cautionnée par le "plus grand historien".

      A plusieurs reprises, pendant la campagne présidentielle, il avait cru bon de citer L’Etrange Défaite, ce retour réflexif sur 1940, écrit par l’historien, qui avait été aussi combattant. Mais là, trop, c’est trop. Je suis révulsée. Pourquoi ce besoin de recourir à Marc Bloch pour se vêtir de ses qualités d’homme irréprochable. Peut-être parce qu’il faut rendre noble et acceptable un débat qui sert à la fois de courtes visées électorales et un projet idéologique de retour au « national », sans rapport aucun avec les engagements et la vision du monde, savant et citoyen, de Marc Bloch.

      Je refuse que mon grand-père soit utilisé pour célébrer la patrie selon Nicolas Sarkozy, qui joue de la peur de « l’Autre ». « L’étranger » ? « L’immigré » ? Toujours sommé de se justifier, forcément marginalisé par un débat centré sur l’"identité nationale", pourchassé quant il n’est pas « en règle », obligé de se cacher, de cacher ses enfants ou de travailler aux sinistres conditions du travail au noir. Quels sont ces "renoncements" qui menacent la patrie ? Toute cette phraséologie n’a rien à voir avec Marc Bloch, qui s’est battu dans un tout autre contexte contre de vrais ennemis des libertés.

      "Je suis, je m’en flatte, un bon citoyen du monde et le moins chauvin des hommes. Historien, je sais tout ce que contenait de vérité le cri fameux de Karl Marx : « Prolétaires de tous les pays, unissez-vous ! »", écrivait aussi le médiéviste dans L’Etrange Défaite, soucieux d’articuler son intense patriotisme et de plus larges horizons.

      Non, moi, sa petite-fille, je ne veux pas que Marc Bloch soit instrumentalisé par Nicolas Sarkozy. Il n’aurait pas approuvé cette idéologie nationaliste malsaine. Je demande au président de laisser la pensée de mon grand-père à l’étude, à la critique, aux historiens, ainsi qu’à tous les lecteurs de ses oeuvres.
      L’historien coauteur de ces lignes doit dire, avec bien d’autres, que le fameux passage cité à plusieurs reprises par le président et ses proches, et encore à La Chapelle-en-Vercors, pour faire croire que l’histoire de France s’adopte comme un tout, comme un animal de compagnie, est un détournement bien abusif. Voici la phrase exacte : "Il est deux catégories de Français qui ne comprendront jamais l’histoire de France, ceux qui refusent de vibrer au souvenir du sacre de Reims ; ceux qui lisent sans émotion le récit de la fête de la Fédération."

      Lorsqu’on remet cette phrase dans son contexte, on comprend qu’elle sert avant tout à dénoncer l’étroitesse d’esprit du patronat des années 1930, incapable de saisir l’élan des luttes ouvrières, et en particulier de celles de 1936. "Dans le Front populaire", ajoute Bloch - le vrai, celui des foules, non des politiciens -, il revivait "quelque chose de l’atmosphère du Champ de Mars, au grand soleil du 14 juillet 1790." Surtout, Marc Bloch dénonce ici l’incapacité des élites à bâtir de grands moments de rassemblement autour des idéaux démocratiques, face à ceux des régimes fascistes. Les spécialistes de Marc Bloch invitent à la prudence dans l’usage de la phrase, déjà formulée pendant la Grande Guerre. Ils en ont proposé de multiples lectures, insistant sur ce double contexte de guerre. A l’évidence, ce genre de discours d’union sacrée est un lieu commun pendant un conflit et mérite d’être entendu dans ce contexte.

      Comme d’habitude, le président sort des mots et des icônes de leurs contextes et de leurs engagements pour les peindre aux couleurs du jour, les plus nationales en l’occurrence, oubliant l’époque qui les a produits, empêchant toute compréhension des enjeux du temps. Comme le note l’historien Gérard Noiriel, "alors que Nicolas Sarkozy n’a cessé de stigmatiser la pensée critique comme une menace sur l’identité nationale, Marc Bloch l’a, au contraire, toujours encouragée".

      Suzette Bloch est Journaliste, petite-fille de Marc Bloch
      Nicolas Offenstadtest Maître de conférences en histoire à l’université Paris-I, auteur de "L’Histoire bling-bling", Stock

      #histoire #pensée_critique

  • Pourquoi il est important que les étudiant(e)s apprennent à se passer de #Chat-GPT ?

    Dans un article intéressant intitulé « ChatGPT : le #mythe de la #productivité » Hubert Guillaud nous explique qu’avec les applications de ce type, le but de l’#écriture est de remplir une page, pas de réaliser le #processus_de_réflexion qui l’accompagne. Or écrit-il. C’est justement tout l’inverse dont nous avons besoin ! À l’heure où l’intelligence artificielle (IA) s’immisce de plus en plus dans notre quotidien, il est utile de s’interroger sur son impact sur la formation, en particulier sur l’apprentissage des étudiants. Alors que des outils comme #ChatGPT promettent de faciliter de nombreuses tâches, il s’agit de comprendre pourquoi il est important que les apprenants puissent se passer de ces technologies, notamment dans le cadre de leurs études.

    L’IA et le développement des #compétences_cognitives

    L’un des arguments les plus convaincants en faveur d’un apprentissage sans IA porte sur le développement des compétences cognitives. Comme le souligne Emily M. Bender, linguiste citée par Hubert Guillaud, l’objectif de la rédaction d’un écrit d’étudiant (un mémoire ou d’un rapport de situation sociale) n’est pas de produire plus de connaissances, mais de renforcer les capacités de réflexion critique des élèves.

    Une analogie avec l’entraînement sportif peut vous aider à comprendre pourquoi : de même que s’entrainer à soulever des poids développe la force musculaire nécessaire à diverses disciplines sportives, l’écriture régulière cultive des compétences essentielles pour les futurs professionnels. Or, nous avons besoin de travailleurs sociaux qui pensent par eux-mêmes et s’entrainent sans chercher leurs idées dans des réponses formatées par des chabots.

    L’utilisation d’outils d’IA comme ChatGPT pour réaliser des devoirs équivaut à « amener un chariot élévateur dans une salle de musculation pour entrainer les athlètes ». En d’autres termes, cela prive les étudiants de l’opportunité de développer leur « forme cognitive ». Cette métaphore illustre parfaitement le risque d’atrophie intellectuelle lié à une dépendance excessive à l’IA. Il s’agit d’apprendre à penser par soi-même et d’être capable d’intégrer la pensée nécessaire à la pratique professionnelle. Sinon à quoi bon se former ?

    L’#effort_intellectuel doit être valorisé

    Un autre aspect à ne pas négliger de l’apprentissage sans IA concerne la valeur intrinsèque de l’effort intellectuel fourni par l’étudiant. Bien que certains types d’écriture puissent sembler superflus ou purement académiques, le processus de création de texte, même lorsqu’il n’est pas particulièrement créatif ou évident, a une valeur en soi. Il permet de développer des #compétences, d’approfondir la compréhension d’un sujet et de structurer la pensée. D’où l’intérêt de continuer à demander aux élèves de formaliser leurs pensées en synthétisant et en analysant des textes.

    Le risque d’une utilisation excessive de l’IA est de créer un #cercle_vicieux où la production de textes de qualité médiocre devient la norme. Nous pourrions entrer dans une ère où les documents sont générés à partir de listes à puces par une IA, puis réutilisé par une autre IA pour produire un devoir ou une communication académique. Cette perspective soulève des questions sur la valeur ajoutée réelle de tels processus et sur l’#appauvrissement potentiel de la #réflexion humaines.

    Un risque de #déshumanisation de l’apprentissage

    Distinguons d’abord deux aspects importants qui entrent dans le champ de la formation : la #compétence et l’#intelligence. La compétence correspond à la façon dont vous accomplissez une tâche, tandis que l’intelligence correspond à l’efficacité avec laquelle vous allez acquérir de nouvelles compétences. Cette différenciation nous conduit à comprendre une limitation fondamentale de l’IA : bien qu’elle puisse être extrêmement compétente dans l’exécution de tâches spécifiques (par exemple, résumer un texte), elle manque de la #flexibilité et de l’#adaptabilité qui caractérisent l’#intelligence_humaine. Elle ne dispose pas d’intelligence à proprement parler. Il nous est dit que les étudiants pour obtenir leurs diplômes doivent acquérir des domaines de compétence. Pour autant la pratique du travail social demande surtout de savoir agir avec intelligence. Or ce n’est pas la même chose. James Stacey Taylor, professeur de Sciences humaines au collège de New Jersey, explique bien pourquoi il interdit désormais à ses élèves d’utiliser l’IA.

    Cette technologie risque de nous traiter comme des êtres inférieurs à ce que nous sommes réellement : des créateurs et des interprètes de sens. Un autre argument en faveur de l’abandon de l’IA dans le travail des étudiants concerne son potentiel de « déshumanisation ». L’#IA_générative a tendance à réduire nos attentes, à la fois envers ce que nous lisons et envers nous-mêmes lorsque nous écrivons quelque chose pour que les autres le lisent. Nous banalisons du texte aux kilomètres généré par les #modèles_de_langage et oublions les efforts à fournir qui paraissent alors pour les étudiants de plus en plus démesurés.

    L’acte d’écrire ou de communiquer, même lorsqu’il n’est pas particulièrement original, porte une #signification_profonde pour l’auteur et son audience. Cela concerne aussi bien la #création_artistique que la #communication quotidienne. L’#intention et le contexte humains sont essentiels. L’IA, en se substituant à ces processus, risque de réduire la quantité d’intention dans le monde et d’appauvrir nos interactions qui nous conduisent à forger nos propres opinions.

    L’IA et la promotion de l’#incuriosité

    Rob Horning, philosophe du net, nous met en garde contre le fait que les modèles de langage de grande taille (#LLM) « marchandisent l’incuriosité ». Ces systèmes peuvent fournir des informations, mais ils sont incapables d’expliquer pourquoi ces informations ont été produites ou organisées d’une certaine manière. Cette limitation est particulièrement problématique dans un contexte éducatif, où la compréhension du processus de création et d’organisation des connaissances est aussi importante que les connaissances elles-mêmes.

    L’utilisation de l’IA dans l’#éducation risque de promouvoir une approche assez superficielle de l’apprentissage. L’accent sera mis sur l’obtention rapide de résultats plutôt que sur le processus de réflexion et de #compréhension. Cette tendance va à l’encontre des objectifs fondamentaux de la formation des travailleurs sociaux, qui visent à développer la #pensée_critique et la capacité d’analyse des étudiants.

    Or aujourd’hui que souhaitons-nous pour les futurs travailleurs sociaux ? De nombreux employeurs vous diront qu’ils recherchent des professionnels qui font ce qu’on leur demande de faire sans véritablement se poser des questions. Le résultat importe plus que le processus qui a permis de l’obtenir. Or l’aide et l’accompagnement en #travail_social est justement structuré dans le processus fait d’avancées et de reculs, un parcours qui permettra à la personne aidée de pouvoir à terme prendre son avenir en main. Elle nous oblige à penser l’action au fil du contexte et des évolutions de la situation. Cette réflexion est menée avec la personne accompagnée. Or l’IA vous proposera des réponses qui ne sont pas coconstruites avec elle.

    Le mythe de la productivité

    Un autre aspect problématique de l’utilisation de l’IA dans la formation est la promotion du « mythe de la productivité ». Cette idéologie présuppose que l’économie de temps et d’efforts est toujours préférable à l’engagement dans une activité pour elle-même. Dans le contexte éducatif, cela peut se traduire par une focalisation excessive sur la production d’actions et de contenus au détriment du processus d’apprentissage et de réflexion pour la mise en œuvre de l’action.

    Ce mythe de la productivité risque de réduire l’écriture et d’autres activités éducatives à de simples tâches à accomplir. Il néglige dans le processus d’écriture leur dans le développement intellectuel et personnel des étudiants. Comme le souligne Rob Horning, cette approche correspond à celle de l’idéologie libérale qui privilégie l’efficacité sur le sens et l’expérience.

    Une utilisation excessive de l’IA dans la formation risque également de priver les étudiants de la maîtrise de leur propre apprentissage au nom de la productivité. En automatisant des processus qui devraient normalement impliquer une réflexion et un effort personnels, l’IA peut réduire la capacité des étudiants à développer une compréhension profonde et une expertise dans leurs domaines d’étude.

    Cette perte de maîtrise s’apparente à ce que Rob Horning décrit comme le travail aliéné dans le contexte capitaliste. Au temps du Fordisme, les travailleurs étaient soumis à des processus de travail cadencés par la machine. Ils travaillaient à la chaine. Cela les privait de toute autonomie et surtout de leur créativité. Aujourd’hui, des robots les ont remplacés. L’IA utilisée de la sorte n’en ferait pas autrement. Cela pourrait se traduire par une autre forme de travail à la chaine, où le salarié (et l’étudiant) ne travaillent plus directement leurs textes, mais suivent plutôt ce que l’IA leur a fourni. Cela pourrait provoquer une forme d’aliénation aux outils d’IA, au détriment du développement de la capacité à penser de manière indépendante.

    L’impact sur l’apprentissage

    Les effets potentiellement néfastes de l’utilisation excessive de l’IA nous conduit dans des process un peu absurdes. Comme le souligne Ian Bogost, nous assistons déjà à des scénarios dans lesquels des étudiants génèrent des devoirs avec l’IA, que les enseignants font ensuite corriger par l’IA. On en arriverait vite à marcher sur la tête. Cette situation, qui peut exister, soulève des questions importantes sur la valeur et l’intégrité du processus éducatif.

    Le risque majeur est que cette technologie rende caduc certains des meilleurs outils d’apprentissage, notamment l’écriture elle-même. L’écriture n’est pas seulement un moyen de communiquer des idées, c’est aussi un processus qui permet de clarifier la pensée, d’approfondir la compréhension et de développer des compétences critiques. En remplaçant ce processus par une génération automatisée de contenu, nous risquons de priver les étudiants d’opportunités essentielles pour leur développement intellectuel.

    Il existe une grande différence entre l’apprentissage automatique et la « pensée machine » explique Ron Carucci dans le magazine Forbes. Dès l’instant où nous commençons à considérer l’IA comme une machine pensante, nous sommes dans le pétrin. En effet, cela signifie que nous avons essayé d’externaliser notre propre pensée critique et nos compétences de résolution de problèmes à une machine qui ne fait que répliquer et régurgiter les informations qu’elle a recueillies. Les grands modèles linguistiques recherchent des modèles d’information existants, peut-être même les synthétisent. Mais ils ne peuvent pas exercer d’appréciation, quelle que soit la nuance ou la rapidité de leurs résultats.

    Plus les étudiants utilisent les machines pour réfléchir à leur place, plus ils deviennent dépendants de ces machines, ce qui perturbe les processus cognitifs clés. Utiliser l’IA pour trouver une réponse par raccourci au lieu de la trouver par soi-même diminue leur réserve cognitive, ou si vous préférez les connexions entre les cellules cérébrales. L’hypothèse de la réserve cognitive reflète l’agilité de notre cerveau à résoudre des problèmes et à faire face à des situations inattendues explique Ron Carucci.

    En conclusion

    En conclusion, bien que l’IA offre des possibilités assez vertigineuses dans de nombreux domaines, son utilisation dans la formation, en particulier pour des tâches fondamentales comme l’écriture et la recherche, soulève de sérieuses préoccupations. Il est esentiel que les étudiants apprennent à se passer de ces outils, non pas par rejet de la technologie, mais pour préserver et développer des compétences essentielles qui ne peuvent être acquises que par l’effort et la pratique.

    L’éducation ne consiste pas seulement à acquérir des connaissances, mais aussi à développer la capacité de penser de manière critique, de résoudre des problèmes et de s’adapter à de nouvelles situations. Ces compétences sont primordiales pour le succès futur des étudiants, tant dans leur vie professionnelle que personnelle. Elles sont essentielles pour les étudiants en travail social. Il leur faut continuer à penser par eux-mêmes et non déléguer une quelconque décision à des IA qui n’auront pas dans leur mémoire tous les aspects particuliers d’une situation singulière.

    Alors que beaucoup utilisent l’IA sans le dire, il reste essentiel de trouver un équilibre entre l’utilisation de ces technologies comme outils d’assistance et la préservation des processus d’apprentissage. C’est bien le fait de ne pas utiliser l’IA qui favorise une véritable croissance intellectuelle. Les formateurs, les responsables de filières et les étudiants eux-mêmes doivent être conscients des limites et des risques associés à une dépendance excessive à l’IA dans la formation.

    En fin de compte, l’objectif de la formation devrait être de former des futurs professionnels capables de penser par eux-mêmes, de remettre en question les idées reçues et de contribuer de manière significative à la société. Ces compétences ne peuvent être pleinement développées que par un engagement actif dans le processus d’apprentissage, sans raccourcis artificiels. C’est en préservant ces aspects essentiels que nous pourrons préparer au mieux les étudiants dans un monde où l’IA jouera sans aucun doute un rôle de plus en plus important.

    La quasi-totalité des sources est en anglais, n’hésitez pas à utiliser un traducteur automatique :

    – ChatGPT : le mythe de la productivité | Dans les algorithmes : https://danslesalgorithmes.net/2024/09/17/chatgpt-le-mythe-de-la-productivite
    - Revue Spirale – Esprit critique et pouvoir d’agir. Vers le développement d’une « attitude critique » ? | Cairn.info : https://shs.cairn.info/revue-spirale-revue-de-recherches-en-education-2020-3-page-51?lang=fr
    - AI Reduces Critical Thinking | WVNexus : https://wvnexus.org/opinions/ai-reduces-critical-thinking
    - Why I Ban AI Use in Writing Assignments | Times Higher Education : https://www.timeshighereducation.com/campus/why-i-ban-ai-use-writing-assignments
    - Importance of Critical Thinking for Students | EssayPro : https://essaypro.com/blog/importance-of-critical-thinking-for-students
    - In the Age of AI, Critical Thinking Is More Needed Than Ever | Forbes : https://www.forbes.com/sites/roncarucci/2024/02/06/in-the-age-of-ai-critical-thinking-is-more-needed-than-ever
    - Why Should Students Not Use AI Tools to Write Assignments ? | Academic Assignments : https://www.academicassignments.com/blog/why-should-students-not-use-ai-tools-to-write-assignments

    https://dubasque.org/pourquoi-il-est-important-que-les-etudiantes-apprennent-a-se-passer-de-cha
    #ChatGPT #apprentissage #ESR #étudiants #AI #intelligence_artificielle #IA #université

    voir aussi :
    Guide sur l’utilisation de l’intelligence artificielle dans le réseau de l’éducation
    https://seenthis.net/messages/1082156

    • A Student’s Guide to Not Writing with ChatGPT

      OpenAI has published “A Student’s Guide to Writing with ChatGPT”. In this article, I review their advice and offer counterpoints, as a university researcher and teacher. After addressing each of OpenAI’s 12 suggestions, I conclude by mentioning the ethical, cognitive and environmental issues that all students should be aware of before deciding to use or not use ChatGPT.

      “1. Delegate citation grunt work to ChatGPT. AI excels at automating tedious, time-consuming tasks like formatting citations. Just remember to cross-check all source details against original materials for accuracy.”

      That last sentence is probably there for legal reasons, because they know they can’t say ChatGPT will produce accurate results. Formatting citations and bibliographies means presenting metadata according to formal style instructions. This is not natural language. ChatGPT will make errors, which will take time to track and correct. Instead, use a reference manager, such as Zotero. It will format things reliably, exactly as expected. Just clean up the references’ metadata as you collect them, and then your bibliographies will never contain mistakes.

      “2. Quickly get up to speed on a new topic. ChatGPT can jumpstart your research by providing a foundational understanding of a subject.”

      ChatGPT is a human conversation simulator, not an information system or a knowledge base. It has no understanding of anything: it only outputs plausible responses. Do not ask an intermediary who has no capacity to understand information to explain it to you. Instead, go to your university library and look it up yourself, with the help of your local librarians. Actual information is contained in brains, documents and databases.

      “3. Get a roadmap of relevant sources. ChatGPT can guide your research by suggesting relevant scholars, sources, and search terms. But remember: while it can point you in the right direction, ChatGPT isn’t a substitute for reading primary sources and peer-reviewed articles. And since language models can generate inaccurate information, always double-check your facts.”

      (This is even more contentious than point 1, so we get two full sentences that are probably there for plausible deniability.) Because Chat GPT has no understanding of anything, it does not know what things like “a source” or “a true statement” are. Do not trust its directions. You will waste time and make mistakes. Again, ask a human or search for documents and data in a proper information system.

      “4. Complete your understanding by asking specific questions.”

      Because Chat GPT has no understanding of anything, it does not know actual answers to your questions, only plausible answers. It will generate true and false answers indiscriminately. This will set your learning back. Again, seek humans, documents and data directly instead of asking ChatGPT.

      “5. Improve your flow by getting feedback on structure.”

      Because Chat GPT has no understanding of anything, it does not understand what an “expected” or “improved” text structure is, even if you describe it. It can only upgrade your writing to middling quality, or downgrade it to that same level. Both will result in mediocre grades. To actually improve, ask a teacher, or join a group of students who give each other feedback; if such a group does not exist, get some people together and create it—this will be a useful experience by itself.

      “6. Test your logic with reverse outlining.”

      As an Australian study recently showed, ChatGPT does not know how to summarize, only shorten. So far, summarizing remains something only humans do well. So you should learn it: take a summarizing course from an information skills program. (Also, if you can’t summarize your own writing, something is wrong. Do not reverse outline your writing: outline first, then write.)

      “7. Develop your ideas through Socratic dialogue.”

      This is one suggestion that is related to ChatGPT’s actual function: simulating human communication. However, Socratic dialogue implies that you are conversing with someone who has a superior understanding of the topic and who slowly brings you to their level. And, unfortunately, ChatGPT is not Socrates. Using ChatGPT as a “sparring partner” will constrain you to its level: a machine which produces plausible human sentences. Instead, suggest this exercise to your teachers and fellow students, and do it with someone more knowledgeable than you.

      “8. Pressure-test your thesis by asking for counterarguments.”

      To improve your thinking, you must be able to come up with counterarguments, not just answer them. Using ChatGPT to do half the work will stunt your progress. Instead, come up with counterarguments yourself. And if you must ask for help, do not ask ChatGPT: it can only produce weak reasoning, so it will make you plateau into mediocrity. Ask someone who can create strong arguments to make you think harder.

      “9. Compare your ideas against history’s greatest thinkers.”

      ChatGPT can entertain you but it has no ability to design such a complex exercise so that you may learn from it. Suggest this idea to a teacher instead. This is what they are trained to do.

      “10. Elevate your writing through iterative feedback.”

      This is a variant of point 5 about feedback. Again, using ChatGPT will constrain your work to a machine’s idea of the human average. Instead, go for feedback sessions with teachers and fellow students, and make those iterative if needed.

      “11. Use Advanced Voice Mode as a reading companion.”

      (“Avanced Voice Mode” means ChatGPT listens to you reading something out loud and tries to answer your questions about it.) This is a variant of points 2-4 about information. ChatGPT has no understanding of anything. It will not provide reliable interpretations of what you’re reading. Instead, look up the definitions of words you don’t know; find scholarly work that analyzes the text; ask another student working on the same text if you’re unsure of what you’ve read.

      “12. Don’t just go through the motions—hone your skills. […] Try asking ChatGPT to suggest ways to develop your ability to think critically and write clearly.”

      Again, ChatGPT has no understanding of anything. This includes “critical thinking” and “writing techniques”. Look these things up in your university library catalogue; read what you find; ask your teacher about it; and then practice, practice, practice.
      Final words

      ChatGPT is designed to simulate human conversation. Using a probabilistic model of language, it communicates for communication’s sake, to fool you into thinking it’s human. It’s a bullshit machine. It works as a novelty thing, for entertainment. But it’s not a reliable tool for learning, so I believe students should be wary of it.

      Whenever students ask me about ChatGPT, I mention the following three issues:

      - ethics: most of the models were built on stolen data;
      - cognition: using it makes you more dependent and less smart, as studies have started to show (here’s a link to a French one) ;
      - environment: the energy costs of generative AI are an order of magnitude greater than pre-existing technology (and it’s not even profitable, so we’re burning fuel for nothing).

      It’s usually enough to give most of my students some pause. They’re creative young people, so they empathize with robbed creators. They want tools that help them, not hinder them. And a lot of them are (rightly) concerned about the environment, so they’re shocked to learn that ChatGPT takes ten times the amount of energy Google does to answer the same question, usually worse (but Google is catching up, or down I should say).

      The good news is that, as Jared White puts it:

      “You can literally just not use it. […] you can be a fulfilled, modern, very online, technical expert & creator and completely sit out this hype cycle.”

      If you need more information, I strongly recommend out that you check out Baldur Bjarnason’s Need To Know. It’s a website that provides an accessible summary of his deep literature review of the risks behind using generative AI. It’s a great starting point.

      https://www.arthurperret.fr/blog/2024-11-14-student-guide-not-writing-with-chatgpt.html

  • La carte des pensées écologiques

    La carte des pensées écologiques est enfin disponible !

    Il aura fallu des mois de discussions et de travail collectif pour aboutir à cette #carte qui a l’ambition de représenter dans toute leurs pluralités les pensées de l’#écologie_politique en montrant les liens entre ses principaux courants, penseurs et penseuses, luttes et organisations.

    L’objectif premier est de montrer que l’#écologie est un #champ_de_bataille, un terrain où s’affrontent des #idées. En conséquence figurent sur cette carte des « #écoles » pauvres en apports théoriques mais riches en capitaux et en relais d’influence. Comme toute cartographie également, elle fige des positions par nature dynamiques, des espaces mouvants, et impose une vision qui lui est propre.

    Cette citation d’André Gorz résume bien la situation :

    “Si tu pars de l’impératif écologique, tu peux aussi bien arriver à un anticapitalisme radical qu’à un pétainisme vert, à un écofascisme ou à un communautarisme naturaliste”.

    La carte des pensées écologiques n’aurait jamais vu le jour sans un formidable travail de toute l’équipe du média Fracas. Nous avons décidé de la laisser gratuitement en accès libre. Pour soutenir Fracas et avoir la version poster, vous pouvez acheter leur premier numéro directement sur ce lien. Abonnez-vous pour soutenir la presse indépendante !

    La carte des pensées écologiques

    Voici la carte des pensées écologiques. 8 grandes familles, plus de 150 personnalités représentées :

    Les 8 grandes familles des pensées écologiques

    Pour vous y retrouver plus facilement, voici en détail les 8 grandes familles des pensées écologiques, avec leurs autrices et auteurs clés. Si vous souhaitez aller plus loin, plus de 150 noms sont à retrouver sur la carte, et des sources sont disponibles à la fin de cet article.
    1/ ÉCOLOGIES ANTI-INDUSTRIELLES

    Les #écologies_anti-industrielles rejettent le productivisme et l’hyper-mécanisation du travail issus de l’ère industrielle. Elles développent une approche technocritique tout au long du XXe siècle. Critiques du gigantisme de l’appareil productif et de l’État pour les ravages qu’ils causent aux écosystèmes et à la personne humaine, les écologies anti-industrielles prônent la petite échelle et refusent une certaine idéologie du Progrès.

    Elles critiquent vertement la dépossession des populations de leurs propres moyens de subsistance. Elles encouragent enfin le fait de considérer l’industrie et la technique comme un système avec ses logiques propres, dont on ne peut se contenter de critiquer tel ou tel effet pris isolément.

    Autrices et auteurs clés : #Ivan_Illich, #Jacques_Ellul et #Günther_Anders

    2/ ÉCOLOGIES LIBERTAIRES

    Les #écologies_libertaires s’inscrivent en filiation des traditions du socialisme ouvrier anglais et de l’anarchisme, et entretiennent une grande proximité avec les écologies anti-industrielles. L’idéal d’émancipation et d’autonomie des libertaires se trouve régénéré par une analogie : les dominations de l’homme sur l’homme, de l’homme sur la femme et de l’homme sur la nature ne peuvent être prises séparément, et doivent être combattues d’un bloc.

    En conséquence, elles aspirent à la constitution d’éco-communautés et d’institutions autogérées et démocratiques à l’échelon local et défendent des principes fédératifs contre les dynamiques centralisatrices de l’État. La vision de la société s’articule autour du champ, de l’usine et de l’atelier, et d’une démocratie radicale, parfois exprimée par le recours au tirage au sort.

    Autrices et auteurs clés : #Murray_Bookchin, #Kristin_Ross, #Bernard_Charbonneau

    3/ ÉCOFÉMINISMES

    Né dans les années 1970 sous la plume de Françoise d’Eaubonne, l’#écoféminisme est une famille qui propose une analyse de la catastrophe écologique fondée sur le genre et sur l’oppression des femmes sous le capitalisme patriarcal. Nébuleuse aux contours flous, l’écoféminisme se conjugue dès le départ au pluriel, soulignant la diversité des origines géographiques et des influences idéologiques qui composent ce courant : socialisme, spiritualisme, queer, marxisme, pensées décoloniales, etc.

    Elles partagent pour la plupart le constat que, d’une part, le rôle des femmes a été subordonné à une fonction purement reproductive et, d’autre part, que la nature a été associée à l’image de cette femme dominée, que le capitalisme doit soumettre, exploiter, et même violer.

    Autrices et auteurs clés : #Françoise_d’Eaubonne, #Vandana_Shiva, #Starhawk

    4/ ÉTHIQUES ENVIRONNEMENTALES

    Les #éthiques_environnementales émergent au sein de la philosophie de l’environnement aux États-Unis, et explorent, chacune avec des options parfois radicalement différentes, le lien qu’entretient l’homme avec la « nature ». Certaines écoles défendent que les espaces naturels ont une valeur intrinsèque, d’aucunes qu’on ne peut juger de la nature que par son utilité pour l’homme, d’autres encore que nous devons nous concevoir comme une espèce au sein d’une « communauté biotique ».

    Faut-il préserver des espaces vierges ? Faut-il au contraire être les stewards d’espaces dont l’homme ne s’exclue pas ? Les polémiques et conflits n’ont certainement pas manqué au sein de cette famille…

    Autrices et auteurs clés : #Aldo_Leopold, #Imanishi_Kinji

    5/ #ÉCOSOCIALISME

    La famille écosocialiste émerge comme un prolongement du #marxisme mais s’oppose à ses interprétations productivistes portées notamment par l’URSS. En partant de l’insuffisante prise en considération des écosystèmes dans les traditions socialiste et marxiste, il s’agit alors de les dépoussiérer et les adapter au tournant écologique des sociétés, en portant l’idée que l’oppression sociale et la destruction de la nature ont une même et unique cause : le capitalisme.

    Si la socialisation des moyens de production et l’autogouvernance démocratique restent au cœur de ce projet, les écosocialismes proposent une variété de réponses allant d’un interventionnisme fort de l’État à des perspectives davantage autogestionnaires. Certains écosocialismes contemporains, dont la branche étatsunienne, ont même rompu avec une perspective anticapitaliste claire et la tradition révolutionnaire.

    Autrices et auteurs clés : #André_Gorz, #Michael_Löwy, #John_Bellamu_Foster

    6/ ÉCOLOGIES DÉCOLONIALES

    Conceptualisée dans les années 1980, les #écologies_décoloniales pointent l’#impensé_décolonial de l’écologie dominante, à la fois libérale et occidentalo-centrée, qui empêcherait la constitution d’une lutte écologiste pleinement libératrice car internationaliste. Par son universalisme « naturaliste » et raciste, sa vision mortifère de la nature, son extractivisme et son colonialisme producteur de natures appauvries (dont la plantation coloniale est l’emblème), l’Occident est en grande partie responsable de la catastrophe en cours.

    De ce point de vue, une écologie de « transition » qui supplanterait les énergies fossiles par des ressources minières au profit d’énergies renouvelables ne serait pas seulement insuffisante : elle ne ferait que trouver de nouvelles formes au colonialisme.

    Autrices et auteurs clés : #Joan_Martinez_Alier, #Malcolm_Ferdinand

    7/ #CAPITALISME_VERT

    La crise écologique fournit chaque jour de nouvelles preuves de la logique mortifère qui se loge au cœur de la dynamique d’accumulation capitaliste. Pour autant, le capitalisme a aussi ses théoriciens, et ceux-ci ont eux aussi tenté d’intégrer les paramètres écologiques dans leur défense de l’ordre en place.

    Dès lors, il s’agit bien souvent de corriger les « excès » ou les « impensés » du capitalisme en intégrant la dimension environnementale aux échanges marchands (taxes, compensation, technologies vertes…). Certains vont jusqu’à vouloir accélérer la dynamique du système capitaliste, y voyant un moyen de contrôler le Système-Terre dans un sens qui ne nuise pas aux intérêts de la classe possédante.

    Autrices et auteurs clés : #Christiana_Figueres, #David_Keith

    8/ ÉCOFASCISMES

    Les #écofascismes, qui ont émergé à bas bruit depuis les années 1980, sont extrêmement fragmentés. En Europe, ils défendent un éco-différentialisme, soit l’idée d’une humanité divisée en différentes « races » ou civilisations non hiérarchisées mais qui doivent rester séparées, car adaptées à leur environnement immédiat : « chacun chez soi » devient « chacun dans son propre écosystème ».

    Aux États-Unis, le néo-malthusianisme et la xénophobie se doublent d’une apologie des grands espaces vierges, de la wilderness, souillée par l’immigration. Cette obsession démographique se traduit souvent par un repli sur des « bases à défendre », dans des logiques « survivalistes ».

    https://bonpote.com/la-carte-des-pensees-ecologiques
    #visualisation #cartographie #infographie #pensée_écologique #épistémologie #pensées_écologiques #décolonial #ressources_pédagogiques

    ping @reka

  • #Paulette_Nardal, pionnière méconnue de la #négritude

    L’histoire a retenu les « pères » de la négritude : Léopold Sédar Senghor, Aimé Césaire et Léon Gontran Damas. C’était oublier le rôle fondamental de Paulette Nardal et de ses sœurs dans l’émergence de la pensée noire francophone.

    La cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques de Paris lui aura offert une #exposition inédite. Ce 26 juillet 2024, la #statue de Paulette Nardal a émergé des eaux de la Seine, seule femme noire parmi ces dix « femmes en or » debout, reconnues par la France sous les yeux du monde entier. L’intellectuelle martiniquaise, au rôle déterminant dans l’histoire de la #pensée_noire_francophone, a pourtant longtemps été oubliée.

    Durant des décennies, les historiographes de la négritude ont mis en lumière les « pères » de ce mouvement littéraire, philosophique, esthétique et politique porté par trois étudiants noirs qui, dans les années 1930, s’étaient rencontrés à Paris : Aimé Césaire, Léopold Sédar Senghor et Léon-Gontran Damas. Dans le tome 3 de ses essais intitulés Liberté, Senghor renvoyait à cette définition de la négritude d’après Césaire : « la simple reconnaissance du fait d’être noir, et l’acceptation de ce fait, de notre destin de noir, de notre histoire et de notre culture ».

    Ainsi, l’importance de Paule dite Paulette Nardal (1896-1985) dans l’émergence de ce mouvement a été éclipsée. Journaliste et femme de lettres, fondatrice, avec d’autres de La Revue du monde noir, elle a animé avec ses sœurs, à l’entre-deux-guerres, un salon littéraire qui a vu défiler, à Clamart, au sud de Paris, toute l’intelligentsia noire installée ou de passage dans la capitale.

    Parfois, on se contentait de l’appeler « la marraine de la négritude » d’après l’expression de l’écrivain martiniquais Joseph Zobel, comme si ses sœurs – Paulette est l’aînée de sept – et elle n’avaient joué qu’ un rôle de lointaines inspiratrices.

    Pourtant, elles écrivaient, discutaient, traduisaient, établissant des ponts entre intellectuels anglophones et francophones dès les années 1920. Les sœurs Nardal, et Paulette en particulier, étaient à la fois des femmes d’action et des penseuses, des battantes pour la « cause noire ».
    Première femme noire diplômée d’anglais à la Sorbonne

    Paulette Nardal est née le 12 octobre 1896, à la Martinique, dans une famille bourgeoise. Naîtront ensuite six filles (Émilie, Alice, Jane, Cécile, Lucie et Andrée), toutes éduquées dans l’amour des lettres « latines » et de la musique. Son père, Paul Nardal, fils d’esclaves, est le premier Martiniquais ingénieur des ponts et chaussées ; sa mère, Louise Achille, est institutrice et professeur de musique. Paulette Nardal sera elle-même institutrice, avant de gagner Paris, en 1920, à l’âge de 24 ans. Elle s’inscrit à la Sorbonne avec sa sœur Jane et y poursuit des études d’anglais.

    Première femme noire diplômée en anglais de la Sorbonne, elle travaille pour son mémoire de fin d’études sur l’écrivaine américaine abolitionniste Harriet Beecher Stowe, autrice de La case de l’oncle Tom.

    Dès son arrivée en métropole, elle est témoin de l’effervescence autour de Batouala, roman du Martiniquais René Maran, premier livre d’un Noir couronné par le prix Goncourt en 1921.

    Elle observe la vie quotidienne à Paris, ville bouillonnante dans l’entre-deux-guerres, où l’on croise des soldats noirs démobilisés, où les « bals nègres » sont à la mode, où de nombreux intellectuels et artistes noirs évoluent – Joséphine Baker triomphe sur scène.

    Paris est alors un carrefour. Les Afro-Américains, les Antillais et les Africains, d’abord méfiants les uns à l’égard des autres, y découvrent leur commune appartenance à une « race » avec, cependant, des différences culturelles notables.
    Au salon de Clamart, débats et mises en réseau

    Il faut souligner l’importance du salon de Clamart, où elle reçoit tous les dimanches avec ses sœurs Jane et Andrée entre la fin des années 20 et le début des années 30. C’est le moment où les trois sœurs ont joué pleinement leur rôle de traductrice et ont participé activement à la mise en réseau des intellectuels noirs, d’où qu’ils viennent. Si Aimé Césaire avoue y passer rarement, on y croise plus fréquemment Léopold Sédar Senghor.

    Elles débattent et créent des passerelles entre anglophones de passage à Paris (intellectuels, poètes, artistes américains et de toutes les diasporas africaines) et francophones, quelles que soient leurs origines et fonctions, conscients de leur appartenance commune à la « condition noire ». Outre René Maran, on y croise les écrivains américains Alain Locke, auteur du manifeste « The New Negro » et Claude McKay, la sculptrice Augusta Savage… On s’y fait écho du « Harlem Renaissance », un mouvement afro-américain porté par les intellectuels et artistes noirs outre-Atlantique, qui a inspiré celui de la négritude.

    L’intellectuelle est aussi journaliste : pour La Dépêche africaine (1928-1932), où sa sœur Jane publie également, pour La revue du Monde noir qu’elle a créé (1931-1932) avec Léo Sajous et René Maran et plus tard pour L’Etudiant noir (créé par Aimé Césaire en 1935, dont il n’y eut que deux numéros). En témoin de son temps, elle donne son opinion sur les différentes formes de colonisations : celle des Français, qui selon elle civilise et éduque, lui semble plus douce. Plus tard, en 1935, elle prendra position contre l’invasion de l’Éthiopie par l’Italie de Mussolini.

    En tout, Paulette Nardal écrit une dizaine d’articles dans La Dépêche africaine (organe du « Comité de défense de la race nègre », fondé par le Guadéloupéen Maurice Satineau en 1928). Pour La revue du monde noir, parution bilingue anglais-français dont elle est secrétaire de rédaction, elle traduit tous les textes. Ses sœurs Jane et Andrée y contribuent, ainsi que son cousin Louis Thomas Achille.

    Dans l’éditorial de La Revue du monde noir de 1931, le cap est clairement fixé :

    « Créer entre les Noirs du monde entier, sans distinction de nationalité, un lien intellectuel et moral qui leur permette de se mieux connaître, de s’aimer fraternellement, de défendre plus efficacement leurs intérêts collectifs et d’illustrer leur Race, tel est le triple but que poursuivra “La revue du monde noir”. »

    Dans le dernier numéro de la même revue, en 1932, elle publie un texte qui fera date : « Éveil de la conscience de race ». Il s’agit pour elle de redonner aux Noirs la fierté d’être des Noirs.

    Paulette Nardal fut aussi assistante parlementaire, auprès du député martiniquais Joseph Lagrosillière ou du député du Sénégal Galandou Ndiaye, à partir de 1934.

    En 1939, elle se trouve sur le bateau Bretagne quand celui-ci est torpillé par les Allemands. Sauvée de justesse, elle gardera à vie des séquelles. Pendant la Seconde Guerre mondiale, elle regagne la Martinique où elle encourage les femmes à exercer leur droit de vote acquis en avril 1944. Elle occupera, un bref moment, un poste à l’ONU.

    En Martinique, elle publie dans le mensuel La femme dans la cité, qu’elle a créé et qu’elle dirige entre 1945 et 1951, dans lequel elle défend toujours la cause des femmes.

    Elle accorde ainsi une grande importance à l’éducation et aux droits des Martiniquaises et écrit un rapport officiel sur le féminisme dans les colonies (1944-1946). En 1954 elle fonde une chorale, « La joie de chanter », où les choristes interprètent des negro spirituals.

    Sa vie durant, Paulette Nardal a vécu en femme indépendante, ne reculant devant aucune difficulté, même si ses positions politiques furent parfois incomprises ou jugées ambiguës à l’égard de la colonisation française, parce qu’elle aimait la France, sa culture et l’accueil qu’elle réservait aux Noirs. Elle était catholique et ne remettait pas en cause l’idée de la civilisation liée à celle de la colonisation. Vu ses positions réformistes modérées, on a pu dire qu’elle défendait une « négritude de droite ».
    « Nous avons balisé la piste pour les hommes »

    Toujours solidaire des femmes et prenant fait et cause pour la « négritude », elle avait l’impression d’avoir été dépossédée de la « maternité » d’une pensée qu’elle forgeait théoriquement et pratiquement depuis les années 1920. Elle le dit clairement, par exemple dans une lettre de 1963, adressée au biographe de Senghor Jacques Louis Hymans, « où elle exprime son amertume – et celle de ses sœurs – d’avoir été spoliées par Césaire, Damas et Senghor », relève Cécile Bertin-Élisabeth :

    « Césaire et Senghor ont repris les idées que nous avions brandies et les ont exprimées avec beaucoup plus d’étincelle. Nous n’étions que des femmes. Nous avons balisé la piste pour les hommes »

    Dans l’histoire des idées, la « domination masculine » est bien présente : le rôle des penseuses est souvent passé sous silence, comme le montre Eve Gianoncelli dans une thèse soutenue en 2016, qui s’appuie notamment sur la trajectoire de Paulette Nardal.

    Quand il s’agit de l’Afrique et de ses diasporas, cette tendance à l’invisibilisation des voix des femmes est encore plus flagrante – ce sont d’abord les hommes qui écrivent, conceptualisent, ont des préfaciers français (ce fut le cas des « pères » de la négritude).

    https://www.youtube.com/watch?v=vxdY68tCA_s&embeds_referring_euri=https%3A%2F%2Ftheconversation.com

    Heureusement, le rôle de Paulette Nardal et de ses sœurs est mieux connu depuis quelques années grâce à de nouvelles recherches, des thèses), des films, une première biographie, un livre d’entretiens et bien d’autres publications.

    La statue de Paulette Nardal est temporairement exposée dans la cour d’honneur de l’Assemblée nationale, aux côtés des autres « femmes en or ». Son châle semble se prolonger par de puissantes racines de fromager, arbre bien connu en Afrique et aux Antilles. Le début d’une mise en lumière officielle.

    https://theconversation.com/paulette-nardal-pionniere-meconnue-de-la-negritude-239579
    #femmes #invisibilisation #historiographie #Martinique

  • Manifeste pour une écologie sociale et libertaire – 1969
    https://ecologiesocialeetcommunalisme.org/2024/07/04/manifeste-pour-une-ecologie-sociale-et-libertaire-196

    Suivi d’une note de l’Atelier sur le thème : #Techniques & #Technologies *** Dans cet extrait du manifeste du groupe Ecology Action East datant de décembre 1969, #Murray_Bookchin montre combien la réponse à la crise écologique ne pourra se limiter à une critique de la technologie et de la croissance démographique mais passera nécessairement […]

    #Articles_d'intérêt_et_liens_divers #[VF] #Ecologie_sociale #Pensée_révolutionnaire


    https://2.gravatar.com/avatar/2e86edb6869ad618f52242644383e9665082817a44ce419d4c36880090934335?s=96&d=

  • Faut-il plus de moyens ou changer l’école ?
    https://radioparleur.net/2024/05/30/faut-il-plus-de-moyens-ou-changer-lecole

    Quand la classe lycéenne s’organise… Contre des mesures autoritaires, contre le Choc des savoirs, la réforme de l’école de Gabriel Attal annoncée en décembre dernier, pour la Palestine, ou encore contre le Service National Universel, les lycéen·nes aussi sont mobilisés. En studio, la MALA, le Mouvement d’action des lycéen·nes autonomes. Dans cet épisode, nous questionnerons […] L’article Faut-il plus de moyens ou changer l’école ? est apparu en premier sur Radio Parleur.

    #Penser_les_luttes_-_L'émission

  • Pour l’IVG, les luttes encore à mener
    https://radioparleur.net/2024/04/22/pour-livg-les-luttes-encore-a-mener

    “La loi détermine les conditions dans lesquelles s’exerce la liberté à la femme d’avoir recours à une interruption volontaire de grossesse”, c’est l’article 34, sur l’ivg, inscrit dans la Constitution depuis le 8 mars dernier. Mais qu’en est-il réellement de l’accès à l’avortement ? Et quels enjeux derrière les termes utilisés ? En studio, Anaïs […] L’article Pour l’IVG, les luttes encore à mener est apparu en premier sur Radio Parleur.

    #Penser_les_luttes_-_L'émission #Une_du_site

  • Lutter contre les lobbies de la pêche industrielle
    https://radioparleur.net/2024/04/08/lutter-contre-les-lobbies-de-la-peche-industrielle

    Quel est l’impact de la pêche industrielle d’un point de vue environnemental et social ? Et comment lutter contre le poids des lobbies de la pêche, à l’échelle nationale et européenne ? En studio, Caroline Roose, députée européenne et membre du groupe Les Verts/ALE, et Swann Bommier, chargé du plaidoyer et des campagnes chez Bloom, […] L’article Lutter contre les lobbies de la pêche industrielle est apparu en premier sur Radio Parleur.

    #Non_classé #Penser_les_luttes_-_L'émission #Une_du_site

  • Elon Musk considère notre planète comme condamnée selon Jonathan Taplin
    https://www.ladn.eu/tech-a-suivre/comment-4-milliardaires-de-la-tech-profitent-du-chaos-pour-imposer-leur-vision-

    Dans son ouvrage The End Of Reality, Jonathan Taplin alerte sur le futur amoral qu’imaginent Elon Musk, Mark Zuckerberg, Marc Andreessen et Peter Thiel.

    On ne présente plus Elon Musk ni Mark Zuckerberg. On connaît moins bien en France l’investisseur Marc Andreessen, qui a financé la plupart des grosses entreprises de la Silicon Valley, tout comme Peter Thiel, fondateur sulfureux de Paypal et de la société de renseignement technologique Palantir. 

    Jonathan Taplin a fait de ces quatre oligarques de la tech ses cibles dans son nouvel ouvrage The End of Reality : How Four Billionaires Are Selling Out Our Future (Public Affairs, septembre 2023). L’ex manager de Bob Dylan et producteur de Martin Scorsese, reconverti en observateur du monde des médias et de la tech, explique que ces quatre « technocrates » imaginent un futur très loin des préoccupations de 90 % de l’humanité (à savoir : le changement climatique et les inégalités sociales, par exemple). Puisque le monde selon Musk et compagnie repose sur des concepts qui nous menacent tous d’un point de vue « moral » et « politique », estime Jonathan Taplin. Il détaille quatre de ces concepts en particulier : le métavers, les cryptomonnaies, le transhumanisme et la colonisation de Mars, que défendent ces hommes, chacun à leur manière. Pour Jonathan Taplin, il y a donc urgence à combattre ces milliardaires. Son livre, qui s’appuie majoritairement sur des faits connus, a le mérite de relater leur pensée de manière claire et incisive. Interview.

    #Pensée_tech #Libertarianisme #Dystopie

  • #Pensez_sauvage

    Pensez sauvage vous propose des graines cousues main, faites dans le respect de l’environnement et du vivant. Des graines de ferme certifiées biologiques, reproductibles et qui sont produites artisanalement.
    Des semis aux sachets, tout est fabriqué à la main et sur la ferme.

    https://pensezsauvage.org
    #graines #catalogue #achat #graines #semences #tomates #fleurs #légumes

  • À quoi sert-il de se mobiliser contre les JOP 2024 ?
    https://radioparleur.net/2024/02/12/a-quoi-ca-sert-de-se-mobiliser-contre-les-jop-2024

    Les Jeux Olympiques et Paralympiques 2024 (JOP 2024) débuteront le 26 juillet à Paris. À quelques mois seulement de la cérémonie d’ouverture, à quoi ça sert de se mobiliser ? En studio avec nous, Jade Lindgaard, autrice de “Paris 2024 : une ville face à la violence olympique” et Pierre, militant à Saccage 2024. Encourager […] L’article À quoi sert-il de se mobiliser contre les JOP 2024 ? est apparu en premier sur Radio Parleur.

    #Penser_les_luttes_-_L'émission #Une_du_site

  • La Cavale :
    « Mon cigare est plus embrouillé que les écheveaux de ma boîte à couture : j’en arrive à redouter les rangements, à reculer la pensée, et je me dope. Je me drogue, avec les corvées du service, avec le mouvement régulier de l’aiguille entraînant le fil, avec le poste – n’importe ce qu’il gueule, l’essentiel est qu’il gueule –, je voudrais vivre soûle… Et, comme j’ai honte de cet état de camée, je soupire bien haut après le dimanche « enfin, je vais pouvoir lire un peu », et je maudis poliment le boulot qu’on m’impose, « c’putain de linge, on n’a jamais fini ».
    Je sais bien que, dimanche, je ne lirai pas, que je bâclerai le courrier officiel qui, depuis qu’on biftonne, fait double emploi ; et que mon unique progrès, au soir de ce dimanche que je simule studieux en déballant autour de moi toute une librairie-papeterie, sera de pouvoir soupirer : « Ouf, encore un de mort… »
    Je veux me casser, car j’ai tiré de la taule tout ce qu’il était possible d’en tirer.
    À essayer d’épuiser la taule, c’est moi qui m’épuiserais : elle est de ces sujets qu’on croit avoir longés d’un bout à l’autre, et qui se révèlent être cycliques : à l’autre bout[…] »

    #pensée #cycle #sortir

  • Faire date autrement, Catherine Hass (10 novembre 2023), via @parpaing
    https://lundi.am/Faire-date-autrement

    ... cette guerre qui détruit avec elle toute possibilité qu’il en soit autrement en détruisant toute politique, anéantirait la possibilité même d’une pensée de la politique. (...) Demeure l’injonction comminatoire à dire son camp même si ce dernier n’existe pas dans les termes de l’injonction.

    [...] C’est donc par un geste purement criminel que la #Palestine fit retour – si l’on considère que ce programme de cruauté à l’endroit des civils caractérise d’ordinaire la besogne des fascistes de tous bords. Rappelons que, historiquement, le faire politique des luttes, loin d’être indifférent, a toujours été crucial pour ces dernières. Ainsi, de quelle émancipation, de quelle figure d’égalité ou de libération, un tel geste peut-il être porteur ? Que pouvait-il fonder outre la dévastation à laquelle nous assistons ?

    [...] Si l’hypothèse selon laquelle « la guerre anéantit aujourd’hui toute possibilité qu’il en soit autrement en détruisant toute politique » [Derrida] est juste, les diverses qualifications du 7 octobre – « terroristes » versus « résistance » – n’engagèrent le plus souvent que des conceptions de la #guerre distinctes selon le « spectre large de ceux qui n’aiment les Arabes que morts ou réduits à l’état de pions qu’ils bougent sur l’échiquier de leurs chimères (...) ». Dit autrement, en France, l’on opposa à la guerre contre le terrorisme, boussole insane des guerres extérieures et de la politique intérieure depuis plus de vingt ans, un logiciel marxiste anti-impérialiste et étatiste périmé identifiant rage politique et criminelle et validant voire glorifiant le meurtre. Les hautes figures de la lutte : le Hamas, le Hezbollah et l’Iran soit la photo de famille – tronquée car il y manque la Russie – de ceux qui donnèrent à el-Assad les troupes et les armes nécessaires pour venir à bout de la révolution syrienne au prix d’une guerre qui fit 600 000 morts. « On a beau s’indigner devant la violence, on a beau déplorer sincèrement [...] le nombre de morts, on ne fera croire à personne que c’est de cela au fond qu’il s’agit. » Faire date autrement et sortir de l’impasse signifierait quitter cet espace comme effondré puisqu’il ne propose qu’une polarisation essentialiste faisant fond sur des catégories idéologiques vides de politique.

    [...] Le déséquilibre du rapport de force entre les deux n’interdit pas l’identité de leur principe : « Je te tue car tu n’as pas à être là, tu ne dois pas être là, quand bien même tu y es, tu y vis, tu es dans ton pays ». Or, rappelons que ce qui caractérisa nombre de luttes populaires passées, armées ou pas, c’était précisément la rupture avec les principes de la politique ennemie. L’État d’#Israël et le Hamas sont donc ici des jumeaux politiques et criminels : la politique de l’un arme celle de l’autre, et vice-versa, chacun échange, tour à tour, le rôle de maître d’ouvrage et de maître d’œuvre dans l’espoir de s’en trouver renforcé politiquement. C’est même de leur négation réciproque qu’est née l’alliance Netanyahou-Hamas comme la nomme le quotidien Haaretz. Haine du possible, concurrence et corruption de l’idée même de politique dès lors qu’elle est entièrement reversée dans la guerre et le crime et se confond avec eux, dès lors qu’elle fait des civils la matière première de la guerre (...)

    [...] la guerre contre le terrorisme n’est pas l’apanage des États occidentaux puisque c’est ce paradigme que el-Assad mobilise dès 2012 pour détruire la révolution syrienne –aidés par des djihadistes revenus d’Irak libérés de prison, du Hezbollah libanais et des Pasdaran iraniens. En rupture avec le droit de la guerre et le droit international humanitaire existant, l’une des caractéristiques de cette guerre est de dénier tout statut aux civils, à moins qu’ils ne soient « innocents » ; l’argument selon lequel les différentes entités combattues ne sont pas assignables à des armées régulières emporte avec lui la possibilité même de leur protection. Ainsi, la densité de la population à Gaza, la dissémination des structures du Hamas en son sein, ne constituent pas un argument à même de proscrire toute intervention militaire car la guerre contre le terrorisme a normalisé ce faire criminalo-guerrier. La guerre ainsi conçue ne peut être qu’une somme de #crimes_de_guerre, à Gaza comme à Idlib. L’armée israélienne ne s’excepte pas de cette norme qui interdit par principe à n’importe quelle armée d’être « morale » puisqu’elle lui en ôte la possibilité même.

    #évènement #politique #pensée #guerre_contre_le_terrorisme #guerre_pour_le_terrorisme #géopolitique #politique

    • Les hautes figures de la lutte : le Hamas, le Hezbollah et l’Iran soit la photo de famille – tronquée car il y manque la Russie – de ceux qui donnèrent à el-Assad les troupes et les armes nécessaires pour venir à bout de la révolution syrienne au prix d’une guerre qui fit 600 000 morts.

      Le Hamas n’était pas dans le camp d’Assad pendant la guerre en Syrie.
      https://orientxxi.info/magazine/quand-le-hamas-retrouve-son-chemin-de-damas,6053

      Sur le plan politique, les deux principaux chefs du Hamas avaient clairement exprimé leur opposition à Assad. Ainsi, Ismaïl Haniyeh avait déclaré lors d’une prière du vendredi à la mosquée Al-Azhar en février 2012 : « Je salue tous les pays du printemps arabe, et je salue le peuple syrien héroïque qui milite pour la liberté, la démocratie et la réforme ». Quant à Khaled Mechaal, il avait brandi le drapeau de la révolution syrienne lors des célébrations du 25e anniversaire de la fondation du mouvement Hamas en décembre 2012 à Gaza, en déclarant : « Nous ne soutenons la politique d’aucun État ni d’aucun régime qui mène une bataille sanglante contre son propre peuple ». Ces positions ont été adoptées après que les leaders du Hamas ont quitté Damas pour s’installer au Qatar.

    • oui, effectivement, et c’était pas sans conséquences, provisoires, sur les alliances du Hamas.

      edit : Hass ne répète pas son erreur sur Hamas/Assad par la suite

      la plupart des actions armées ont vocation à tirer des enseignements de celles qui les ont précédées. dire Idlib/ Gaza c’est aussi concevoir que Israël s’inspire du siège et des bombardements d’Idlib (comme précédent et comme « victoire »), sous la contrainte d’un autre jeu géopolitique qui limite (relativement, bien trop relativement) son action davantage que ne le fut celle du régime syrien.

      #Israel-Palestine

    • Sauf que là non plus les « actions armées » en Syrie ne sont pas directement comparables. Les chiffres varient, mais si on prend ceux de l’Observatoire syrien des droits de l’homme (notoirement pro-opposition), en Syrie le nombre de civils tués a été équivalent au nombre de combattants pro-régime tués. Même en attribuant tous les civils syriens tués au régime d’Assad (facilité à laquelle on assiste depuis le début du conflit), ça fait un ratio très différent du massacre actuel de Gaza (il ne semble pas y avoir 20 à 30 000 soldats israéliens morts en deux mois à Gaza) :
      https://www.la-croix.com/Pres-500-000-morts-recenses-Syrie-decennie-guerre-selon-ONG-2021-06-01-130

      L’Observatoire syrien des droits de l’Homme a fait état mardi 1er juin de 494 438 morts depuis le début de la guerre, dont 159 774 civils – principalement tués par les attaques du régime syrien et de milices alliées – et 168 000 combattants prorégime.

      Et donc un troisième tiers constitué de rebelles et de djihadistes.

      C’est-à-dire qu’en Syrie, on a un mort civil pour un pro-régime tué et un anti-régime tué. C’est certes un massacre épouvantable (et depuis le début, attribuer la responsabilité de tous ces morts au seul régime relève aussi d’une forme de « campisme »), mais les Israéliens sont dans des performances qui sont, pardon, d’une tout autre nature

      Et ne pas oublier Falloujah en 2004, si on veut avoir une référence sur les méthodes de guerre et le déséquilibre absolu des pertes.

    • Circonscrire l’antagonisme, défaire la confusion – D’une alternative entre la guerre et la guerre / Catherine Hass (11 décembre 2023)

      https://lundi.am/Circonscrire-l-antagonisme-defaire-la-confusion

      Ce texte est la version remaniée et annotée de l’intervention de Catherine Hass lors de la rencontre du 2 Décembre 2023 au Consulat, à Paris. Avant le 11 septembre 2001, le « terrorisme » n’est pas assigné par les États à l’espace de la guerre. Il le deviendra par la suite. Alors que lesdits « terroristes » se proclamaient ennemis politiques en guerre contre l’État et son monde ; les États leur adressaient une fin de non-recevoir en les ravalant au rang de simples criminels de droit commun. Après le 11 septembre, une opération inverse a lieu qui vient bouleverser ces anciens régimes de pensée. Désormais, les terroristes ne sont plus des criminels, ils ne sont plus non plus de simples ennemis de l’État - les voilà devenus ennemis d’un mode de vie. Or, à cela, les États répondent par la guerre. La guerre contre la terreur n’a pas toujours existé. Elle n’existera pas toujours. Dans ce laps où s’effondrent les catégories politiques, l’alternative qu’on nous propose devient : la guerre ou bien la guerre.

  • La guerre entre Israël et le Hamas fracture le monde intellectuel
    https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/12/08/la-guerre-entre-israel-et-le-hamas-fracture-le-monde-intellectuel_6204694_32

    #campisme

    La guerre ravage tout sur son passage. Et celle entre Israël et le Hamas ne dément pas ce tragique qui traverse les âges. Mais ce conflit, qui mobilise la communauté internationale, a déjà fait un dégât collatéral. « Cette guerre est aussi en train de fracturer une bonne partie du champ des sciences sociales et de la pensée, peut-être de façon irréversible », s’alarme le philosophe Pierre Charbonnier, professeur à Sciences Po. En effet, dès le 7 octobre, des camps se sont rapidement constitués. D’un côté, on accuse d’« antisémitisme » les manifestants de la cause palestinienne ; et, de l’autre, de « fascisme » les partisans de la guerre menée par Israël. Au point que l’on pourrait parler de « campisme », cette manière de se rallier immédiatement à un camp sans prendre en compte la singularité d’un événement.

    Un campisme de droite condensé dans la célèbre formule de l’officier de la marine américaine Stephen Decatur (1779-1820), « my country, right or wrong », que l’on peut traduire par « mon pays, à tort ou à raison », maxime d’un alignement sur une politique patriotique, qu’elle soit pacifique ou guerrière, juste ou mortifère. « C’est comme si on disait : “Ma mère, ivre ou sobre” », ironisait l’écrivain britannique G. K. Chesterton (1874-1936), qui voyait dans cette expression la manifestation d’un nationalisme primaire, « quelque chose qu’aucun patriote ne devrait dire, sauf dans des cas désespérés ».

    Pour la droite identitaire, la défense inconditionnelle du gouvernement israélien a pris la forme d’une réaction occidentaliste : Israël serait la pointe avancée de l’Occident dans un Orient musulman. Une importation du conflit orchestrée par le national-populisme intellectuel et médiatique qui compare la situation d’Israël au Proche-Orient à celle de la France et ses banlieues « islamisées ».
    « Le campisme est la maladie de la pensée »

    Le campisme de gauche est, quant à lui, un héritage de la guerre froide. C’est un réflexe politique qui démonise un ennemi unique – le plus souvent l’empire américain – et conduit à une incapacité à imaginer d’autres formes d’impérialismes, notamment russe, comme lors du déclenchement de la guerre en Ukraine. Ordonnée par Vladimir Poutine, l’invasion du 24 février 2022 a pourtant enterré « la vision obsolète d’un monde en noir et blanc où toutes les victimes du seul impérialisme – américain – seraient miraculeusement unies contre lui », remarque Dominique Vidal, ancien journaliste au Monde diplomatique et spécialiste du Moyen-Orient.

    Ce campisme continue toutefois d’imprégner certaines franges de l’anticapitalisme. « Un logiciel marxiste anti-impérialiste et étatiste périmé identifiant rage politique et criminelle, et validant, voire glorifiant, le meurtre », analyse la politologue Catherine Hass sur le site Lundimatin. Une logique selon laquelle « les ennemis de mes ennemis sont mes amis » qui transforme des exactions contre des civils en actes de résistance, des crimes de guerre en luttes de libération et le Hamas en mouvement progressiste. « Le campisme est la maladie de la pensée », résume Dominique Vidal. Une polarisation qui empêche bien souvent de passer du réflexe à la réflexion. « Le temps de la pensée est écrasé par la tempête de la guerre et de ses atrocités, la réflexion n’est plus d’actualité », résume, de son côté, le philosophe Ivan Segré.

    • « Il est politique d’ôter à la haine son éternité. »
      Catherine Hass (26 novembre 2023)

      https://lundi.am/Faire-date-autrement

      La facilité avec laquelle nous recodons les événements pour en extraire des clivages factices est consubstantielle au mouvement qui abolit ou suspend la politique - le « faire politique ». La sanglante séquence initiée le 7 octobre n’échappe pas à ce fait. Dans cet excellent texte, Catherine Hass, autrice de Aujourd’hui la guerre et de République et Châtiment, s’inscrit en faux vis-à-vis de l’injonction à camper d’un côté ou de l’autre. Ce n’est pas qu’elle refuse naïvement toute division. Elle refuse cependant toute division naïve. Elle fait en sorte de la rendre éminemment politique. Car la politique commence d’abord lorsque l’on sort des pièges et des cycles infinis tendus par la logique de terreur.

    • cette guerre qui détruit avec elle toute possibilité qu’il en soit autrement en détruisant toute politique, anéantirait la possibilité même d’une pensée de la politique. (...) Demeure l’injonction comminatoire à dire son camp même si ce dernier n’existe pas dans les termes de l’injonction.

      Hass date son texte du 10 novembre. Le découvrant, je trouve dommage qu’il vienne à la suite de cet état des lieux intellectuels franco-centriste où le crevard carriériste Pierre Charbonnier donne le la et lui dédie un seen spécifique.
      #politique #évènement #pensée

  • Adrian Daub, La Pensée selon la tech. Le paysage intellectuel de la Silicon Valley | Cairn.info
    https://www.cairn.info/revue-questions-de-communication-2023-1-page-441.htm

    La Pensée selon la tech est un livre passionnant pour qui s’intéresse aux influences intellectuelles et philosophiques des gourous de la tech américaine et aux stratagèmes des entreprises du secteur de la Silicon Valley. Il montre par quels procédés communicationnels la Silicon Valley transforme à son avantage une réalité souvent peu brillante. Elle n’invente pas nécessairement les idées mais les absorbe de manière très superficielle pour servir ses intérêts. Des lieux communs teintés d’académisme s’enracinent dans des traditions américaines anciennes et le tissu local. Leur banalité facilite leur recyclage, tandis que la passivité dispense de toute discussion. Entrepreneurs, bailleurs de fonds, leaders d’opinion, journalistes continuent à exporter les théories et le style de la Silicon Valley, grâce aux enseignements de la contre-culture des années 1960.


    19
    Observateur clairvoyant, A. Daub livre un témoignage vivant issu de son vécu professoral dans le campus de Stanford. Des anecdotes servent d’accroches à des propos plus généraux tout en les illustrant. Le lecteur est fréquemment pris à partie. L’essai tire sa dynamique de ces effets de style et de sa liberté de ton. Il est loin d’être neutre : l’auteur livre un regard sans concession sur des pratiques qui ont droit de cité mais qui sont tout sauf égalitaires. On devine une certaine indignation sous la dénonciation de la casse sociale qui touche les femmes et tout un pan invisibilisé de travailleurs démunis. C’est pourquoi A. Daub montre la voie vers une pensée critique sur cette partie du monde que beaucoup de pays envient et cherchent à copier sans prendre garde à ses spécificités et ses côtés sombres. Son livre sonne comme un avertissement à ne pas reproduire le modèle tel quel. Il pousse à faire évoluer la représentation que l’on s’en fait et la vision des professionnels du secteur.

    #Adrian_Daub #Pensée_tech #Silicon_Valley

  • #Andrée_Michel : une résidence étudiante à son nom
    https://joellepalmieri.org/2023/10/15/andree-michel-une-residence-etudiante-a-son-nom

    Le 7 octobre 2023, le maire de Montreuil-sous-Bois, Patrice Bessac, inaugurait la résidence sociale étudiante Andrée-Michel. Située dans le quartier de la Boissière, au 7 rue René Vautier, ce lieu, ouvert début septembre, accueille cent cinquante étudiant·es d’une dizaine de nationalités. Une plaque rendant femmage à la sociologue a été posée. Elle reprend un texte … Continuer de lire Andrée Michel : une résidence étudiante à son nom

    #Portraits #Féminisme #Guerre #Israël #Militarisation #Palestine #Pensée


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  • Über die allmähliche Verfertigung
    der Gedanken beim Reden
    Heinrich von Kleist an R[ühle] v. L[ilienstern]
    http://www.zeno.org/Literatur/M/Kleist,+Heinrich+von/%C3%84sthetische,+philosophische+und+politische+Schriften/%C3%9Cber+die+allm%C3%A4hliche+Verfertigung+der+Gedanken+beim+Reden?hl=kleist+

    A propos de la relation de la pensée et du discours public, avec des références à Honoré-Gabriel Riqueti de Mirabeau et Jean de La Fontaine

    Wenn du etwas wissen willst und es durch Meditation nicht finden kannst, so rate ich dir, mein lieber, sinnreicher Freund, mit dem nächsten Bekannten, der dir aufstößt, darüber zu sprechen. Es braucht nicht eben ein scharfdenkender Kopf zu sein, auch meine ich es nicht so, als ob du ihn darum befragen solltest: nein! Vielmehr sollst du es ihm selber allererst erzählen. Ich sehe dich zwar große Augen machen, und mir antworten, man habe dir in frühern Jahren den Rat gegeben, von nichts zu sprechen, als nur von Dingen, die du bereits verstehst. Damals aber sprachst du wahrscheinlich mit dem Vorwitz, andere, ich will, daß du aus der verständigen Absicht sprechest, dich zu belehren, und so könnten, für verschiedene Fälle verschieden, beide Klugheitsregeln vielleicht gut nebeneinander bestehen. Der Franzose sagt, l’appétit vient en mangeant, und dieser Erfahrungssatz bleibt wahr, wenn man ihn parodiert, und sagt, l’idée vient en parlant. Oft sitze ich an meinem Geschäftstisch über den Akten, und erforsche, in einer verwickelten Streitsache, den Gesichtspunkt, aus welchem sie wohl zu beurteilen sein möchte. Ich pflege dann gewöhnlich ins Licht zu sehen, als in den hellsten Punkt, bei dem Bestreben, in welchem mein innerstes Wesen begriffen ist, sich aufzuklären. Oder ich suche, wenn mir eine algebraische Aufgabe vorkommt, den ersten Ansatz, die Gleichung, die die gegebenen Verhältnisse ausdrückt, und aus welcher sich die Auflösung nachher durch Rechnung leicht ergibt. Und siehe da, wenn ich mit meiner Schwester davon rede, welche hinter mir sitzt, und arbeitet, so erfahre ich, was ich durch ein vielleicht stundenlanges Brüten nicht herausgebracht haben würde. Nicht, als ob sie es mir, im eigentlichen Sinne sagte; denn sie kennt weder das Gesetzbuch, noch hat sie den Euler, oder den Kästner studiert. Auch nicht, als ob sie mich durch geschickte Fragen auf den Punkt hinführte, auf[453] welchen es ankommt, wenn schon dies letzte häufig der Fall sein mag. Aber weil ich doch irgendeine dunkle Vorstellung habe, die mit dem, was ich suche, von fern her in einiger Verbindung steht, so prägt, wenn ich nur dreist damit den Anfang mache, das Gemüt, während die Rede fortschreitet, in der Notwendigkeit, dem Anfang nun auch ein Ende zu finden, jene verworrene Vorstellung zur völligen Deutlichkeit aus, dergestalt, daß die Erkenntnis, zu meinem Erstaunen, mit der Periode fertig ist. Ich mische unartikulierte Töne ein, ziehe die Verbindungswörter in die Länge, gebrauche auch wohl eine Apposition, wo sie nicht nötig wäre, und bediene mich anderer, die Rede ausdehnender, Kunstgriffe, zur Fabrikation meiner Idee auf der Werkstätte der Vernunft, die gehörige Zeit zu gewinnen. Dabei ist mir nichts heilsamer, als eine Bewegung meiner Schwester, als ob sie mich unterbrechen wollte; denn mein ohnehin schon angestrengtes Gemüt wird durch diesen Versuch von außen, ihm die Rede, in deren Besitz es sich befindet, zu entreißen, nur noch mehr erregt, und in seiner Fähigkeit, wie ein großer General, wenn die Umstände drängen, noch um einen Grad höher gespannt. In diesem Sinne begreife ich, von welchem Nutzen Molière seine Magd sein konnte; denn wenn er derselben, wie er vorgibt, ein Urteil zutraute, das das seinige berichten konnte, so ist dies eine Bescheidenheit, an deren Dasein in seiner Brust ich nicht glaube. Es liegt ein sonderbarer Quell der Begeisterung für denjenigen, der spricht, in einem menschlichen Antlitz, das ihm gegenübersteht; und ein Blick, der uns einen halbausgedrückten Gedanken schon als begriffen ankündigt, schenkt uns oft den Ausdruck für die ganze andere Hälfte desselben. Ich glaube, daß mancher große Redner, in dem Augenblick, da er den Mund aufmachte, noch nicht wußte, was er sagen würde. Aber die Überzeugung, daß er die ihm nötige Gedankenfülle schon aus den Umständen, und der daraus resultierenden Erregung seines Gemüts schöpfen würde, machte ihn dreist genug, den Anfang, auf gutes Glück hin, zu setzen.

    Mir fällt jener »Donnerkeil« des Mirabeau ein, mit welchem er den Zeremonienmeister abfertigte, der nach Aufhebung der letzten monarchischen Sitzung des Königs am 23. Juni, in welcher dieser den Ständen auseinanderzugehen anbefohlen hatte, in den Sitzungssaal, in welchem die Stände noch verweilten, zurückkehrte, und sie befragte, ob sie den Befehl des Königs vernommen hätten? »Ja«, antwortete Mirabeau, »wir haben des Königs Befehl vernommen« – ich bin gewiß, daß er bei diesem humanen Anfang, noch nicht an die Bajonette dachte, mit welchen er schloß: »ja, mein Herr«, wiederholte er, »wir haben ihn vernommen« – man sieht, daß er noch gar nicht recht weiß, was er will. »Doch was berechtigt Sie« – fuhr er fort, und nun plötzlich geht ihm ein Quell ungeheurer Vorstellungen auf – »uns hier Befehle anzudeuten? Wir sind die Repräsentanten der Nation.« – Das war es was er brauchte! »Die Nation gibt Befehle und empfängt keine« – um sich gleich auf den Gipfel der Vermessenheit zu schwingen. »Und damit ich mich Ihnen ganz deutlich erkläre« – und erst jetzo findet er, was den ganzen Widerstand, zu welchem seine Seele gerüstet dasteht, ausdrückt: »so sagen Sie Ihrem Könige, daß wir unsre Plätze anders nicht, als auf die Gewalt der Bajonette verlassen werden.« – Worauf er sich, selbst zufrieden, auf einen Stuhl niedersetzte. – Wenn man an den Zeremonienmeister denkt, so kann man sich ihn bei diesem Auftritt nicht anders, als in einem völligen Geistesbankrott vorstellen; nach einem ähnlichen Gesetz, nach welchem in einem Körper, der von dem elektrischen Zustand Null ist, wenn er in eines elektrisierten Körpers Atmosphäre kommt, plötzlich die entgegengesetzte Elektrizität erweckt wird. Und wie in dem elektrisierten dadurch, nach einer Wechselwirkung, der ihm inwohnende Elektrizitätsgrad wieder verstärkt wird, so ging unseres Redners Mut, bei der Vernichtung seines Gegners, zur verwegensten Begeisterung über.

    Vielleicht, daß es auf diese Art zuletzt das Zucken einer Oberlippe war, oder ein zweideutiges Spiel an der Manschette, was in Frankreich den Umsturz der Ordnung der Dinge bewirkte. Man liest, daß Mirabeau, sobald der Zeremonienmeister sich entfernt hatte, aufstand, und[455] vorschlug: 1) sich sogleich als Nationalversammlung, und 2) als unverletzlich, zu konstituieren. Denn dadurch, daß er sich, einer Kleistischen Flasche gleich, entladen hatte, war er nun wieder neutral geworden, und gab, von der Verwegenheit zurückgekehrt, plötzlich der Furcht vor dem Chatelet, und der Vorsicht, Raum. – Dies ist eine merkwürdige Übereinstimmung zwischen den Erscheinungen der physischen und moralischen Welt, welche sich, wenn man sie verfolgen wollte, auch noch in den Nebenumständen bewähren würde. Doch ich verlasse mein Gleichnis, und kehre zur Sache zurück. Auch Lafontaine gibt, in seiner Fabel: Les animaux malades de la peste, wo der Fuchs dem Löwen eine Apologie zu halten gezwungen ist, ohne zu wissen, wo er den Stoff dazu hernehmen soll, ein merkwürdiges Beispiel von einer allmählichen Verfertigung des Gedankens aus einem in der Not hingesetzten Anfang. Man kennt diese Fabel. Die Pest herrscht im Tierreich, der Löwe versammelt die Großen desselben, und eröffnet ihnen, daß dem Himmel, wenn er besänftigt werden solle, ein Opfer fallen müsse. Viele Sünder seien im Volke, der Tod des größesten müsse die übrigen vom Untergang retten. Sie möchten ihm daher ihre Vergehungen aufrichtig bekennen. Er, für sein Teil gestehe, daß er, im Drange des Hungers, manchem Schafe den Garaus gemacht; auch dem Hunde, wenn er ihm zu nahe gekommen; ja, es sei ihm in leckerhaften Augenblicken zugestoßen, daß er den Schäfer gefressen. Wenn niemand sich größerer Schwachheiten schuldig gemacht habe, so sei er bereit zu sterben. »Sire«, sagt der Fuchs, der das Ungewitter von sich ableiten will, »Sie sind zu großmütig. Ihr edler Eifer führt Sie zu weit. Was ist es, ein Schaf erwürgen? Oder einen Hund, diese nichtswürdige Bestie?« Und: »quant au berger«, fährt er fort, denn dies ist der Hauptpunkt: »on peut dire«, obschon er noch nicht weiß was? »qu’il méritoit tout mal«, auf gut Glück; und somit ist er verwickelt; »étant«, eine schlechte Phrase, die ihm aber Zeit verschafft: »de ces genslà«, und nun erst findet er den Gedanken, der ihn aus der Not reißt: »qui sur les animaux se font un chimérique empire.« –[456] Und jetzt beweist er, daß der Esel, der blutdürstige! (der alle Kräuter auffrißt) das zweckmäßigste Opfer sei, worauf alle über ihn herfallen, und ihn zerreißen. – Ein solches Reden ist ein wahrhaftes lautes Denken. Die Reihen der Vorstellungen und ihrer Bezeichnungen gehen nebeneinander fort, und die Gemütsakten für eins und das andere, kongruieren. Die Sprache ist alsdann keine Fessel, etwa wie ein Hemmschuh an dem Rade des Geistes, sondern wie ein zweites, mit ihm parallel fortlaufendes, Rad an seiner Achse. Etwas ganz anderes ist es wenn der Geist schon, vor aller Rede, mit dem Gedanken fertig ist. Denn dann muß er bei seiner bloßen Ausdrückung zurückbleiben, und dies Geschäft, weit entfernt ihn zu erregen, hat vielmehr keine andere Wirkung, als ihn von seiner Erregung abzuspannen. Wenn daher eine Vorstellung verworren ausgedrückt wird, so folgt der Schluß noch gar nicht, daß sie auch verworren gedacht worden sei; vielmehr könnte es leicht sein, daß die verworrenst ausgedrückten grade am deutlichsten gedacht werden. Man sieht oft in einer Gesellschaft, wo durch ein lebhaftes Gespräch, eine kontinuierliche Befruchtung der Gemüter mit Ideen im Werk ist, Leute, die sich, weil sie sich der Sprache nicht mächtig fühlen, sonst in der Regel zurückgezogen halten, plötzlich mit einer zuckenden Bewegung, aufflammen, die Sprache an sich reißen und etwas Unverständliches zur Welt bringen. Ja, sie scheinen, wenn sie nun die Aufmerksamkeit aller auf sich gezogen haben, durch ein verlegnes Gebärdenspiel anzudeuten, daß sie selbst nicht mehr recht wissen, was sie haben sagen wollen. Es ist wahrscheinlich, daß diese Leute etwas recht Treffendes, und sehr deutlich, gedacht haben. Aber der plötzliche Geschäftswechsel, der Übergang ihres Geistes vom Denken zum Ausdrücken, schlug die ganze Erregung desselben, die zur Festhaltung des Gedankens notwendig, wie zum Hervorbringen erforderlich war, wieder nieder. In solchen Fällen ist es um so unerläßlicher, daß uns die Sprache mit Leichtigkeit zur Hand sei, um dasjenige, was wir gleichzeitig gedacht haben, und doch nicht gleichzeitig von uns geben können, wenigstens so[457] schnell, als möglich, aufeinander folgen zu lassen. Und überhaupt wird jeder, der, bei gleicher Deutlichkeit, geschwinder als sein Gegner spricht, einen Vorteil über ihn haben, weil er gleichsam mehr Truppen als er ins Feld führt. Wie notwendig eine gewisse Erregung des Gemüts ist, auch selbst nur, um Vorstellungen, die wir schon gehabt haben, wieder zu erzeugen, sieht man oft, wenn offene, und unterrichtete Köpfe examiniert werden, und man ihnen ohne vorhergegangene Einleitung, Fragen vorlegt, wie diese: was ist der Staat? Oder: was ist das Eigentum? Oder dergleichen. Wenn diese jungen Leute sich in einer Gesellschaft befunden hätten, wo man sich vom Staat, oder vom Eigentum, schon eine Zeitlang unterhalten hätte, so würden sie vielleicht mit Leichtigkeit durch Vergleichung, Absonderung, und Zusammenfassung der Begriffe, die Definition gefunden haben. Hier aber, wo diese Vorbereitung des Gemüts gänzlich fehlt, sieht man sie stocken, und nur ein unverständiger Examinator wird daraus schließen daß sie nicht wissen. Denn nicht wir wissen, es ist allererst ein gewisser Zustand unsrer, welcher weiß. Nur ganz gemeine Geister, Leute, die, was der Staat sei, gestern auswendig gelernt, und morgen schon wieder vergessen haben, werden hier mit der Antwort bei der Hand sein. Vielleicht gibt es überhaupt keine schlechtere Gelegenheit, sich von einer vorteilhaften Seite zu zeigen, als grade ein öffentliches Examen. Abgerechnet, daß es schon widerwärtig und das Zartgefühl verletzend ist, und daß es reizt, sich stetig zu zeigen, wenn solch ein gelehrter Roßkamm uns nach den Kenntnissen sieht, um uns, je nachdem es fünf oder sechs sind, zu kaufen oder wieder abtreten zu lassen: es ist so schwer, auf ein menschliches Gemüt zu spielen und ihm seinen eigentümlichen Laut abzulocken, es verstimmt sich so leicht unter ungeschickten Händen, daß selbst der geübteste Menschenkenner, der in der Hebeammenkunst der Gedanken, wie Kant sie nennt, auf das meisterhafteste bewandert wäre, hier noch, wegen der Unbekanntschaft mit sei nem Sechswöchner, Mißgriffe tun könnte. Was übrigens solchen jungen Leuten, auch selbst den[458] unwissendsten noch, in den meisten Fällen ein gutes Zeugnis verschafft, ist der Umstand, daß die Gemüter der Examinatoren, wenn die Prüfung öffentlich geschieht, selbst zu sehr befangen sind, um ein freies Urteil fällen zu können. Denn nicht nur fühlen sie häufig die Unanständigkeit dieses ganzen Verfahrens: man würde sich schon schämen, von jemandem, daß er seine Geldbörse vor uns ausschütte, zu fordern, viel weniger, seine Seele: sondern ihr eigener Verstand muß hier eine gefährliche Musterung passieren, und sie mögen oft ihrem Gott danken, wenn sie selbst aus dem Examen gehen können, ohne sich Blößen, schmachvoller vielleicht, als der, eben von der Universität kommende, Jüngling gegeben zu haben, den sie examinierten.

    (Die Fortsetzung folgt.)

    Quelle: Heinrich von Kleist: Werke und Briefe in vier Bänden. Band3, Berlin und Weimar 1978, S. 385,460.
    Permalink: http://www.zeno.org/nid/20005169518
    Lizenz: Gemeinfrei #CC0
    Kategorien: #Deutsche_Literatur #Theoretische_Schrift

    Honoré-Gabriel Riqueti de Mirabeau
    https://fr.wikipedia.org/wiki/Honor%C3%A9-Gabriel_Riqueti_de_Mirabeau

    #Germanistik #Sprachwissenschaft #lettres #réthorique #pensée #révolution

  • La pensée selon la tech - Un Spicilège
    https://unspicilege.org/index.php?post/La-pens%C3%A9e-selon-la-tech

    En sa qualité de professeur en littérature comparée, universitaire renommé, Adrian Daub nous livre ici un essai sur les influences littéraires et philosophiques des grands noms de la tech. Divisé en 7 sections, chacune d’entre elles aborde un courant de pensée précis et la manière dont il est perçu et utilisé dans la Silicon Valley.
    Nous volons donc des théories de McLuhan sur l’importance de posséder un média plutôt que son contenu à celles de René Girard sur les désirs mimétiques en passant par le randianisme (objectivisme) ou l’échec selon Samuel Beckett.

    L’esthétique du génie qui règne sur le secteur de la tech repose encore et toujours sur cette espèce de courage purement gestuel, sur le déguisement des petites choses du quotidien en grands actes de non-conformisme, voire de résistance. Vous répétez ce que les gens disent autour de vous et vous pouvez qualifier cela de libre-pensée. Vous investissez l’argent de certaines personnes pour exploiter le travail d’autres personnes, et vous pouvez qualifier cela de prise de risques.

    Comme il est facile de s’en rendre compte, La pensée selon la tech est un ouvrage assez pointu faisant appel à des références soutenues qui rendent parfois difficile l’accès aux thèses défendues. Cependant, avec un peu de concentration et de persévérance, porté par l’humour et les capacités littéraires de son auteur, il permet de dresser un portrait assez édifiant des grandes valeurs guidant les choix des acteurs-clés du secteur.
    Si ça n’est pas une surprise de se rendre compte qu’ils recyclent beaucoup d’idées conservatrices en leur donnant un look novateur, si leur storytelling autour de la valorisation de l’échec ou de la disruption n’est pas un coup de théâtre, en savoir plus sur les origines de ces idées éclaire beaucoup sur le fond de leurs pensées (le chapitre sur le randianisme ayant pour moi été le plus parlant).

    Au-delà d’un pamphlet, La pensée selon la tech est autrement plus éclairant pour se faire une opinion sur l’idéologie qui guide ceux qui tiennent une bonne partie de nos vies entre leurs mains. La mienne est faite.

    N’oubliez pas d’éteindre...

    #Adrian_Daub #Pensée_tech

  • #Racisme_anti-noirs dans le monde arabe : le difficile dévoilement d’un #tabou

    Le 1er juillet, #Fati_Dasso et sa fille Marie, respectivement âgées de 30 ans et de 6 ans, sont retrouvées mortes, la tête enfouie dans le sable à la frontière entre la Tunisie et la Libye. Comme des milliers de migrants venus de l’Afrique subsaharienne, elles ont été raflées, puis abandonnées dans le désert. Ce drame est survenu dans le cadre d’une campagne massive d’arrestation et d’expulsion de migrants menée par la Tunisie de Kaïs Saïed depuis le début de l’été. Interpellés et battus par les forces de police à Sfax, les migrants subsahariens sont relâchés dans le désert situé entre la Tunisie et la Libye où une morte lente et douloureuse les attend.

    L’épisode n’est malheureusement pas un fait divers isolé ni tout à fait nouveau dans la région. Le drame de cet été a focalisé l’attention sur la #Tunisie mais la question semble concerner tout le #Maghreb et même une bonne partie du monde arabe. Ainsi, en mars dernier, l’ONG Médecins sans frontières (MSF) dénonçait l’abandon de milliers de migrants subsahariens par l’Algérie à la frontière nigéro-algérienne dans des conditions « sans précédents ». En 2017 déjà, la chaîne américaine CNN révélait dans un documentaire l’existence de trafics de migrants subsahariens en Libye, non loin de la capitale Tripoli.

    Ces #violences envers les migrants s’accompagnent du déferlement d’une #parole_raciste à leur encontre, prononcée parfois jusqu’au sommet de l’Etat. Dans un discours récent, donné en février 2023, le président tunisien #Kaïs_Saïed a assimilé la présence migratoire à « une volonté de faire de la Tunisie seulement un pays d’Afrique et non pas un membre du monde arabe et islamique ». Mais ce #racisme ne concerne pas que les personnes exilées. Maha Abdelhamid, chercheuse associée au Centre arabe de recherches et d’études politiques de Paris (Carep) et cofondatrice du collectif Voix des femmes tunisiennes noires (VFTN), explique que « les #noirs sont une minorité dans les pays arabes et subissent chaque jour le racisme verbal, institutionnel, social et économique. Ils subissent un #rejet fort de leur part ». La faute, selon elle, à une #mémoire_historique encore trop peu documentée et à des #constructions_identitaires figées par le #nationalisme.

    « L’organisation économique est en partie héritière de la structure esclavagiste »

    Le maintien d’un système de #discrimination envers les personnes noires semble aller de pair avec une forme de gêne autour de la question de la #traite transsaharienne – qui concerne principalement, mais pas exclusivement des personnes d’origine subsaharienne – pratiquée du VIIe siècle jusqu’à la fin du XIXe siècle au Maghreb et au Moyen-Orient : « Parler de l’esclavage consiste à reconnaître que l’organisation économique actuelle est en partie héritière de la #structure_esclavagiste », argumente Shreya Parikh, doctorante en sociologie à Sciences-Po Paris qui travaille sur les processus de #racialisation en #Afrique_du_Nord. Elle prend ces femmes et ces hommes principalement noirs exploités dans le milieu travail agricole à #Sfax ou aux environs de #Tataouine.

    Sur le plan universitaire, des productions scientifiques autour de la #traite_arabe ont émergé ces dix dernières années, non sans difficultés. Salah Trabelsi, professeur des universités en histoire et civilisation du monde arabe et musulman à l’université de Lyon-2 évoque un colloque qu’il a coorganisé en 2009 à Tozeur et notamment consacré à l’esclavage dans le monde arabo-musulman : « Nous avons dû changer le titre en les “Interactions culturelles entre le Maghreb et l’Afrique subsaharienne” pour le faire financer », dit-il en souriant.

    A la fin de ce même colloque, aucun des intervenants – hormis l’auteur Edouard Glissant, l’historien Abdelhamid Larguèche et le professeur Trabelsi – n’ont accepté de signer une charte signalant une volonté de faire figurer l’#histoire de l’esclavage dans les #manuels_scolaires tunisiens. « L’histoire de l’esclavage n’apparaît pas dans les manuels scolaires. Dans le secondaire, il n’est pas encore possible d’aborder des faits historiques avec un positionnement critique. Ce déficit intellectuel est, en tous les cas, aggravé par un aveuglement politique et moral, reléguant les noirs au rang de citoyens de seconde zone », poursuit Salah Trabelsi.

    Les productions scientifiques ou littéraires – encore timides sur le sujet – doivent aussi faire face à des problèmes de diffusion : « Il existe un grand nombre de productions contemporaines, de romans notamment comme “l’Océan des Britanniques” [non traduit en français] de Fareed Ramadanparu à Beyrouth en 2018, qui parlent de ces questions. Bien sûr, cela touche un public restreint car tout le monde ne lit pas des romans ou des essais tirés de thèses universitaires », note M’hamed Oualdi, professeur des universités à Sciences-Po Paris et spécialiste de l’histoire du Maghreb.

    Cette éclosion difficile de la #mémoire de l’esclavage s’explique également par une vision apologétique de la traite arabe dont la #violence est minorée : « Pour se donner bonne conscience, certains vont parler “d’esclavage familial et intégrateur”, qui serait différent de la #traite_transatlantique. C’est un #déni d’histoire. Les sources nous apprennent que l’une des plus grandes révoltes de l’histoire de l’esclavage a eu lieu dans le sud de l’Irak au IXe siècle. Elle a duré un an et s’est soldée par la mort de 50 000 de personnes à deux millions de personnes. Elles travaillaient dans les marécages du sud de Bassora pour dégager le sel et revivifier les terres pour qu’elles deviennent des domaines pour l’aristocratie musulmane. On ne peut pas dire que ce n’est pas un esclavage de travail », rapporte Salah Trabelsi.

    Années 2010 : un tournant dans l’appréhension des inégalités sociales et raciales

    Par ailleurs, le tabou se maintient également par une pression religieuse : « Parlez de l’esclavage dans le monde arabe, on vous opposera l’islam, comme si l’esclavage était un fait religieux et non un phénomène social qui a perduré dans le monde arabe durant plus de quatorze siècles », explique Salah Trabelsi, avant de rappeler que la traite arabo-musulmane s’est principalement déroulée dans les régions du Moyen-Orient, de l’Afrique du Nord et de l’Afrique de l’Est. Evoquer l’esclavage qui s’est déroulé sur ces terres peut être perçu comme une remise en question du rôle de l’#islam en tant que rempart contre l’esclavage.

    Cette mémoire apparaît comme secondaire d’autant plus que les discours portant sur la nécessité de construire une #unité_arabe sont depuis les années 60 considérés comme indispensables afin de lutter contre la présence coloniale et forger une #identité politique et sociale fortes : « Les régimes nationalistes dans le monde arabe n’ont pas accepté et n’acceptent pas les divergences autour des questions identitaires car ces mêmes dissensions ont été utilisées par le régime colonial pour créer des oppositions par exemple entre arabophones et berbérophones. Depuis, toute division paraît dangereuse », explique M’hamed Ouldi. La #pensée_panarabe vient alors imposer l’idée d’une #identité_arabe forcément musulmane, invisible et imperméable à toutes reconnaissances d’une #altérité et de revendication identitaires.

    Bien qu’en marge du débat, le racisme anti-noirs n’est pourtant pas totalement ignoré. Les années 2010, grâce aux printemps arabes, ont constitué un tournant dans l’appréhension des inégalités sociales et raciales : « En Tunisie, certains ont vécu la révolution comme une opportunité pour rompre avec la #tunisianité – une identité homogène imposée par l’Etat qui n’avait laissé aucune place à ceux qui étaient minorisés », rapporte Shreya Parikh. En 2018, la Tunisie adoptait une loi inédite, la première dans le monde arabe, pénalisant la #discrimination_raciale. L’#Algérie adoptera en 2020 un dispositif législatif similaire.

    Depuis, les débats et les contestations sont principalement concentrés sur les réseaux sociaux et portés par une jeune génération : la #chasse_aux_migrants en Algérie où le meurtre en 2013 d’un Sénégalais au Maroc ont donné lieu à de vives indignations. En juin 2020, la vidéo de l’actrice et réalisatrice palestinienne noire Maryam Abou Khaled dénonçant les #discriminations_raciales dans la région, avait dépassé le million de vues.

    Au Maghreb, l’augmentation du nombre de #migrants_subsahariens ces dernières années semble avoir provoqué un effet ambivalent entre déferlement de la parole raciste – accusant les exilés d’accroître les difficultés économiques du pays – tout en permettant de lancer une discussion autour du racisme latent dans cette région du monde. Mehdi Alioua, professeur de sociologie à Sciences-Po Rabat, assume lui « une révolution épistémique » sur ces questions : « En Tunisie ou au Maroc, des débats télévisés portent sur le racisme. Dans le même temps, on constate également un backlash avec des discours réactionnaires, racistes et figés sur l’identité. C’est deux pas en avant et deux pas en arrière. »

    https://www.liberation.fr/idees-et-debats/racisme-anti-noirs-dans-le-monde-arabe-le-difficile-devoilement-dun-tabou

    #identité #esclavage

    ping @_kg_

  • La pensée décoloniale est-elle soluble dans l’État Vénézuelien ?
    https://lundi.am/La-pensee-decoloniale-est-elle-soluble-dans-l-Etat-Venezuelien

    « Après la création du Ministère des Mines Écologiques, le Gouvernement-des-oxymores a annoncé la création d’un “Institut National de la Décolonisation du Venezuela” »
    paru dans lundimatin#164, le 8 novembre 2018

    Du 22 au 26 octobre [2018], s’est tenu à la Bibliothèque Nationale du #Venezuela un colloque ayant pour sujet « la IIIe école de la pensée décoloniale critique : processus étatiques et constitutifs ». Ramon Grosfoguel, Enrique Dussel et Houria Bouteldja y étaient notamment présents. Profitant de la présence d’intellectuels et de militants décoloniaux venus de différents pays, #Nicolas_Maduro, a reçu les différents participants au Palais présidentiel pour inaugurer le nouvel « Institut de la pensée décoloniale ». Si le projet est porté de longue date par des penseurs comme Ramon Grosfoguel et Enrique Dussel, le responsable de cet Institut, à savoir Ernesto Villegas, ministre de la Culture, a été désigné par le président Maduro, « afin de donner cohérence, articulation et pouvoir avancer dans l’ensemble de ce processus pour consolider une indépendance absolue du pays. »

    Par cette opération politique grossière, en présence de militants internationaux, le régime vénézuélien semble tenter de redorer son blason. Il semble pourtant difficile, même sous couvert de « décolonisation » de faire oublier la politique menée au profit des métropoles contre les populations autochtones, ainsi que la baisse du niveau de vie, liée à la structuration de toute une économie autour du cours du pétrole. Encore plus difficile serait de cacher les révoltes qui ont secoué le Venezuela ces dernières années. A ces révoltes, le régime a répondu par la répression contre les manifestants, à savoir 150 morts dans les manifestations en 2017 selon Human Rights Watch (dont plus de 70 attribuées à coup sûr aux forces de police), des milliers d’arrestations (4500 d’opposants arrêtés selon l’ONG Foro Penal, dont 1 000 placements en détention, avec 350 personnes encore détenues), des cas de torture reconnus par Tarek William Saab, le « Défenseur du peuple » (équivalent de notre « Défenseur des droits »), ainsi que par une politique de guerre civile menée dans les quartiers pauvres, majoritairement contre les Noirs. Selon Amnesty International, entre 2015 et juin 2017, 8 200 personnes ont été victimes d’« exécutions extrajudiciaires » de la part de la police et de l’armée. Dans un rapport publié en septembre 2018, l’ONG reproche au régime de Maduro d’« utiliser la force meurtrière dans l’intention de tuer les personnes les plus vulnérables et les plus exclues ». Selon les mots d’Amnesty International, le régime « viole leurs droits et les traite comme des criminels en raison de leurs conditions de vie, alors qu’il devrait mettre en œuvre des politiques de lutte contre la criminalité basées sur la prévention et conformes aux normes internationales ».

    Nous pourrions nous borner à ironiser sur ce que signifie « faire de la politique » pour #Houria_Bouteldja et le #PIR, ou sur les grilles de lecture de ceux qui prétendent s’émanciper de la « gauche blanche » tout en ayant à propos de la situation vénézuélienne le même discours que Mélenchon et le PCF. Nous préférons nous saisir de l’occasion pour nous attarder sur la grille de lecture anti-impérialiste qui guide la mouvance décoloniale qui soutient Maduro.

    #intellectuels #anti_impérialisme #courant_décolonial #pensée_décoloniale

  • La peste noire, Patrick Boucheron
    https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/serie-la-peste-noire

    #Patrick_Boucheron propose une grande enquête interdisciplinaire autour de la pandémie de peste au milieu du XIVe siècle.

    « Nous sommes confrontés à un #événement de #longue_durée, et il serait bien naïf de prétendre confiner notre conception de la peste noire à une chronique des années 1347 à 1352 en Europe occidentale » (...) « Les progrès conjoints de l’archéologie funéraire et de l’anthropologie, poursuit l’historien, mais aussi de la microbiologie et des sciences de l’environnement, ont révolutionné l’approche de cette pandémie ».

    j’écoute tardivement cette série de 2020-2021, extraordinaire d’érudition (et pas trouvée ici, à ma grande surprise ; pour ma part, lambin, elle était dans une pile « à écouter » depuis longtemps)

    « L’hypothèse, indique Patrick Boucheron, ne consiste pas seulement à réévaluer le rôle des réseaux vénitiens de Tana dans la propagation de la peste, il est de renverser le catastrophisme apocalyptique de la vision du siège de Caffa pour comprendre que l’épidémie n’est pas fille de la guerre mais de la paix, et qu’elle peut remonter les circuits des échanges et des alliances. »

    [...]

    « C’est donc bien à l’histoire décloisonnée d’un monde interconnecté qu’elle nous convie, nous dit Patrick Boucheron, un monde dont le cœur battant n’est pas en Europe, où se situent seulement les terminaux périphériques des réseaux marchands, mais plus à l’est, en ce centre de gravité de l’Eurasie alors dominée par la Horde d’or. »

    https://www.radiofrance.fr/s3/cruiser-production/2021/09/17721348-2539-43c8-9e8f-f3983ba097ed/860_loiseau-cartepestexivesiecle.webp

    Carte de Julien Loiseau, intitulée, « Les routes de la peste noire », dans « l’Atlas Global » de Gilles Fumey, Christian Grataloup et Patrick Boucheron, en 2014. - Julien Loiseau / Les arènes

    #peste #Marseille #histoire #histoire_des_sensibilités #imagination #historiographie #mort #mort_de_masse #déni #travail_des_femmes #médecine #épidémie #histoire_environnementale #santé_globale #démographie #catastrophe_démographique #littérature #théâtre #peinture #archives #théorie #pensée #narration #rats et #marmottes_alpines #paléogénomique #Horde_d'or #Inde #Mandchourie #l'impossible_sépulture démentie par l’#archéologie_funéraire ... #exotisme_épidémiologique

    • cette série là, tu n’hésiteras pas, @arno, à ne pas la faire écouter aux enfants, sauf dispositions spéciales. c’est une version lettrée, avec une forte dimension historiographique, de Periclès « qui n’est pas un collègue » (Loraux) à la critique du matriciel Ariès (histoire des sensibilités), le tout truffé de références effectivement pluridisciplinaires. non sans légèreté. dans le premier épisode, par exemple, il reprend la lecture de Freud pour mettre en cause les gargarismes contemporains sur le « travail du deuil ». ailleurs il a la coquetterie de citer l’avènement de Trump comme un évènement sans doute lui aussi de longue durée quant au devenir de la véridicité.

      (qu’il ait fait le macronard illustre la force du légitimisme centriste ?)

      Ça tombait bien, trop bien : ça tombait mal. Face au curieux hasard qui plaçait l’épidémie de Covid-19 sur sa route au moment où il devait entamer, au Collège de France, son cours sur la peste noire, l’historien Patrick Boucheron a failli renoncer. Rien de plus trompeur, explique-t-il en effet, que la fausse évidence de la « concordance des temps », rien de plus hasardeux que la recherche d’écho et de similitudes qui rendraient le passé moins lointain, le présent moins opaque. Puisque les rapports existent néanmoins, puisque ça a à voir malgré tout, que peut dire l’historien du coronavirus, et de quoi l’histoire de la peste est-elle faite ? Que nous apprend la #science, et que transporte l’#imaginaire ? C’est à un regard neuf et à une histoire globale que Patrick Boucheron nous invite.

      https://www.lepoint.fr/editos-du-point/sebastien-le-fol/patrick-boucheron-la-peste-c-est-un-mal-qu-on-ne-peut-pas-dire-31-01-2021-24
      #paywall

    • il est possible d’éviter la rebutante intro de Radio F/ Collège de France en utilisant la version de fr Q disponible parmi les podcasts L’été du Collège de France dont la mise en onde est digne de l’objet et de son traitement je pige pas pourquoi il faut donner sur RF une version dégradée

  • Oblique-s
    http://www.oblique-s.org/?page=documentation

    « Voici un livre sur l’histoire des idées d’un monde qui aime faire croire que ses idées n’ont pas d’histoire (…) et sont présentées comme inévitables. »
    Professeur de littérature comparée à Stanford, Adrian Daub déconstruit la narration marketing de la Silicon Valley, ses figures, ses principes et ses « entreprises qui finissent par reconfigurer vos idéaux pour justifier leur modèle économique. »
    L’enjeu est de se pourvoir en outils analytiques pour répondre à la puissance de l’amnésie et d’une soit-disante loi naturelle.
    Daub met en avant plusieurs figures historiques incontournables des années 60 (Marshall McLuhan, Richard Buckminster Fuller, Ayn Rand, Stewart Brand) qui ont fait converger contre-culture et business plan en réponse aux pouvoirs de l’État, remis partout en question à l’époque. L’informatique avait alors tous les atouts d’un outil de liberté.
    McLuhan écrivait déjà : « tout le monde doit vivre dans la proximité maximale créée par notre implication électrique dans la vie d’autrui. »
    Ayn Rand, autrice et philosophe, prônait l’individualisme héroïque avec comme figure centrale l’entrepreneur visionnaire, quasi-messie. C’est particulièrement vrai dans La Grève, œuvre essentielle pour comprendre ce qui peut passer par la tête de Zuckerberg, Thiel ou Musk.
    Plus étonnant, on trouve comme influence le français René Girard mais dont la pensée chrétienne a bon dos pour justifier la mainmise de quelques uns sur tous.
    Daub s’attaque à quelques concepts idiots comme la disruption qui prétend au radicalisme socio-économique en réduisant la pensée de Schumpeter dans Capitalisme, socialisme et démocratie en 1942 à une formule : la destruction créatrice qui justifierait tout alors qu’elle est la fin d’un système.
    « La Silicon Valley traduit des concepts informatiques en théories psychologiques et platitudes du développement personnel » écrit Daub.

    En conclusion : « Est-il possible que cette histoire ne se résume pas à une bande de geeks ne comprenant rien à la philosophie ? »

    Autres livres que je conseille : Aux sources de l’utopie numérique de Fred Turner et Du satori à la Silicon Valley de Theodore Roszak
    (Trad. Annie Lemoine)

    https://www.adriandaub.com

    C&F éditions

    #Pensée_tech #Adrian_Daub