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  • « La pacification de l’Algérie n’a pas été un long fleuve tranquille, bien au contraire » – Salimsellami’s Blog
    https://salimsellami.wordpress.com/2018/11/07/la-pacification-de-lalgerie-na-pas-ete-un-long-fleuve-tranqu

    Mohsen Abdelmoumen : Vous avez écrit « Coloniser. Exterminer ». D’après vous, l’Algérie a-t-elle été un laboratoire colonial ?

    Dr. Olivier Le Cour Grandmaison : Oui, on peut effectivement considérer que l’Algérie a été une sorte de laboratoire pour l’élaboration d’un certain nombre de techniques de la guerre que l’on peut qualifier de guerre contre-révolutionnaire et de techniques répressives, notamment après la nomination de Bugeaud au poste de gouverneur général de l’Algérie en 1840. La nomination a pour objectif de mener à bien ce que les militaires et les responsables politiques de l’époque nomment déjà « la pacification de l’Algérie » et pour ce faire, le général Bugeaud va employer un certain nombre de méthodes de guerre et de techniques répressives parmi lesquelles les razzias dont il faut préciser qu’elles débouchent parfois sur la destruction de villages et d’oasis entiers, l’objectif étant d’expulser les populations « indigènes », comme on le dit à l’époque, et, comme cela se dit aussi très couramment, de procéder ainsi au refoulement des « Arabes », de les chasser des territoires qu’ils occupaient jusqu’à présent de façon à pouvoir faire en sorte que les Européens en général et les Français en particulier, les colons, puissent s’installer dans un environnement « pacifié ». Par ailleurs, on sait, et c’est parfaitement établi, que le général Bugeaud a également contribué à développer des techniques répressives comme l’internement administratif et la responsabilité collective qui vont être utilisés par la suite sous la IIIe République lors de la construction de l’empire entre 1881 et 1912 et enfin lors de la dernière guerre d’Algérie, à partir du 1er Novembre 1954 et jusqu’en 1962. Des officiers supérieurs de l’armée française vont rendre des hommages tout à fait officiels au général Bugeaud qu’ils considèrent comme un père fondateur des guerres coloniales.

    Je trouve qu’il y a une similitude entre le sort du peuple algérien et celui des Amérindiens. Ne pensez-vous pas que les deux ont subi une extermination d’État ?

    Il faut préciser tout d’abord que jusqu’en 1945, le terme « extermination » n’est pas du tout synonyme de « génocide » qui désigne les massacres de masse. Il est utilisé effectivement par des philosophes écrivains et par des écrivains, je pense en particulier à Tocqueville qui parle en effet d’extermination à propos des Indiens d’Amérique. Je pense à Émile Zola qui parle d’extermination à propos de la Commune de Paris. On peut et on doit d’ailleurs établir un parallèle, ce qui ne veut pas dire forcément que tout est similaire, mais effectivement entre les méthodes de conquête coloniale développées par la France en Algérie et le processus d’expansion de la démocratie américaine à l’Ouest des États-Unis, dans les deux cas en effet, les populations autochtones ont été refoulées, exterminées, c’est-à-dire massacrées en masse et privées de tout ou partie de leur territoire.

    Tous vos ouvrages sont extrêmement intéressants et référentiels. Ainsi, dans votre livre La République impériale, vous évoquez le concept d’impérialisation des institutions. Que pouvez-vous nous dire à propos de ce concept ?

    En ce qui concerne le concept d’impérialisation que j’ai forgé, il s’agissait pour moi de rendre compte des effets de la construction de l’empire sur la IIIe République, donc entre 1881 et 1912, sur les institutions à la fois politiques, académiques, et universitaires de la IIIe République, mais aussi sur les différentes sciences qui ont progressivement émergé et notamment ce qui va assez rapidement s’appeler les sciences dites « coloniales ». On s’aperçoit en effet que précisément parce que la France est devenue très rapidement la seconde puissance impériale du monde, il a fallu mettre en place un certain nombre d’institutions politiques et juridiques en métropole, dont la fonction est de gérer les territoires et les populations de l’empire, et il a fallu également développer un droit particulier, le droit colonial, et développer des sciences singulières et spécifiques, les sciences dites coloniales qui sont doublement coloniales, une première fois parce qu’elles prennent pour objet les colonies et les populations qui y vivent, et une seconde fois parce qu’au fond, ces sciences coloniales ont pour objectif d’aider les responsables de la IIIe République de mener à bien la gestion des populations indigènes, comme on le dit à l’époque.

    Ne pensez-vous pas que le Code de l’indigénat est une aberration ?

    Il faut rappeler que le Code de l’indigénat a été mis en place en 1875 et n’a été véritablement aboli qu’à la Libération, et rappeler que c’est un code qui réunit un certain nombre de dispositions d’exception discriminatoires et racistes. C’est évidemment très important de le préciser puisque ce code, comme son nom l’indique d’ailleurs, n’est appliqué qu’aux seuls indigènes algériens, et plus tard aux seuls indigènes de l’empire. Il faut rappeler aussi que son caractère exceptionnel, les contemporains en étaient parfaitement conscients puisque certains d’entre eux, y compris ceux qui étaient favorables à ce code, ont nommé ce Code de l’indigénat « monstre juridique ». Parce qu’effectivement, il contrevient à tous les principes républicains et à tous les principes démocratiques garantis et établis en métropole mais qui, dans les colonies, sont violés de façon substantielle entre autres par ce Code de l’indigénat et un certain nombre d’autres dispositions d’exception du droit colonial.

    Dans votre livre « De l’indigénat : Anatomie d’un monstre juridique », vous introduisez la notion de racisme d’État. Que pouvez-vous nous dire à propos de ce racisme d’État ?

    En ce qui concerne le racisme d’État, il me paraît parfaitement établi d’une part dans le droit colonial qui est un droit de part en part raciste et discriminatoire, qui repose fondamentalement sur une représentation du genre humain hiérarchisée et sur la thèse – partagée par beaucoup – selon laquelle les peuples et les races inférieurs de l’empire ne sauraient être soumis à des dispositions démocratiques et républicaines équivalentes à celles qui sont établies en métropole. Et par ailleurs, pour revenir au Code de l’indigénat, on est parfaitement en droit et l’on peut considérer que l’un des monuments de ce racisme d’État, c’est évidemment le Code de l’indigénat auquel il faut ajouter le principe de la responsabilité collective appliqué jusqu’à la Libération, ainsi que l’internement administratif et toute une série de dispositions qui, une fois encore, sont des dispositions d’exception qui ont été votées par les parlementaires sous la IIIe République et qui ont perduré jusqu’à la Libération et n’ont été abolies qu’à ce moment-là.

    Vous avez aussi écrit « L’empire des hygiénistes » dans lequel vous dites que même la science était mise au service du colonialisme. Pourquoi les scientifiques et les écrivains nous ont-ils refusé d’être des humains et d’avoir une histoire et une civilisation ?

    Effectivement, pour beaucoup de contemporains de la IIIe République, à la fin du XIXe et au début du XXesiècle, qu’ils soient savants, ethnologues, historiens, responsables politiques, tous ou beaucoup d’entre eux partagent une même conviction qui est la suivante : les Arabes et les musulmans appartiennent certes à une civilisation mais à une civilisation qui est considérée non seulement comme inférieure mais également dangereuse, c’est pourquoi il est impossible de lui appliquer des dispositions institutionnelles, politiques et juridiques, équivalentes à celles qui valent en Europe. C’est pourquoi aussi il est nécessaire d’établir un État colonial que l’on peut et que l’on doit qualifier d’état d’exception permanent avec, évidemment, un certain nombre de dispositions juridiques qui sont cohérentes avec cet état d’exception permanent. Et donc, au cœur de l’ensemble de ces représentations et institutions, il y a cette conviction d’un genre humain hiérarchisé, les Arabes et les musulmans se trouvant dans une position intermédiaire, supérieure à ceux que l’on qualifie de « sauvages » – et l’incarnation la plus emblématique du sauvage à l’époque, c’est le noir – et évidemment inférieur aux Européens qui pensent occuper le sommet de la hiérarchie des races, des peuples, et des civilisations.

    L’Algérie revient souvent dans la sémantique pour désigner « l’ennemi ». D’après vous, la France a-t-elle guéri de son passé colonial ?

    Je ne pense pas que la France soit particulièrement guérie de son passé colonial. J’en veux pour preuve notamment, que comparativement à d’autres anciennes puissances coloniales, c’est vrai pour la Grande-Bretagne, c’est vrai pour l’Allemagne, pour une part aussi des États-Unis, du Canada, de la Nouvelle Zélande et de l’Australie, et relativement au sort indigne qui a été réservé aux populations dites autochtones, la France jusqu’à présent, par la voix des plus hautes autorités de l’État, n’a jamais véritablement reconnu les crimes coloniaux commis en Algérie depuis l’occupation d’Alger en 1830, pas plus d’ailleurs que la France n’a reconnu les crimes coloniaux commis dans l’ensemble des territoires de l’empire sous la IIIe République, et de ce point de vue-là, contrairement à l’image que cherchent à donner les responsables politiques de droite comme de gauche, en ces matières, la France n’est pas à l’avant-garde, elle occupe au contraire le dernier wagon de queue.

    La reconnaissance de l’assassinat de Maurice Audin par l’armée française n’est-elle pas une diversion d’Emmanuel Macron pour ne pas reconnaître la souffrance de tout le peuple algérien ?

    En ce qui concerne la reconnaissance par Emmanuel Macron du sort tragique qui a effectivement été réservé à Maurice Audin, arrêté, torturé, et « disparu » par la faute militaire, il faut dire deux choses : d’une part, pour la famille d’Audin, pour la vérité et la justice, c’est évidemment un pas très important, reste effectivement que l’on peut dire qu’il y a, au-delà de la personne de Maurice Audin, des dizaines de milliers, sans doute, de Maurice Audin algériens, français musulmans d’Algérie, pour lesquels, pour le moment, il n’y a aucune déclaration officielle des plus hautes autorités de l’État. Et d’ailleurs, la déclaration d’Emmanuel Macron est tout à la fois contradictoire et oublieuse. Contradictoire justement parce qu’il qualifie la torture en Algérie de systématique, mais si elle est systématique, alors il faut reconnaître qu’elle a été employée bien plus largement et cela exigerait effectivement une déclaration générale relativement à celles et ceux qui ont été arrêtés de façon arbitraire, torturés et qui sont, jusqu’à ce jour, portés disparus. Par ailleurs, cette déclaration est oublieuse aussi parce qu’à aucun moment celles et ceux qui ont rédigé ce texte, et Emmanuel Macron qui en porte la responsabilité politique, n’ont utilisé cette qualification juridique de « crime contre l’humanité » alors même que nous savons que la disparition forcée est bien un crime contre l’humanité. En ce qui me concerne, je pense qu’il ne s’agit pas d’un oubli, il s’agit d’une volonté tout à fait assumée afin d’éviter d’une part un tollé de la droite et de l’extrême-droite, et sans doute aussi d’éviter des actions contre l’État français dans la mesure où l’une des caractéristiques essentielles du crime contre l’humanité, c’est d’être imprescriptible.

    Dans la même semaine où il reconnait l’assassinat de notre camarade Maurice Audin, Emmanuel Macron rend hommage aux harkis. J’ai parlé un jour avec le général Meyer et je lui ai dit que l’affaire des harkis était une affaire franco-française et il m’a concédé que la France avait abandonné ses soldats, les harkis, n’ayant pas l’intention d’embarquer tout le monde. Pourquoi les responsables politiques français nous sortent-ils les harkis – qui ne concernent que la France puisque ce sont des soldats supplétifs qui ont choisi la France – à chaque fois que l’on parle de l’Algérie ?

    Parce que, fondamentalement, ces affaires de reconnaissance, du point de vue d’Emmanuel Macron et des responsables politiques antérieurs, notamment François Hollande, sont moins un souci de vérité qu’un souci politique visant à plaire à une partie de leur électorat et à ne pas s’aliéner certains électeurs français, d’où cette impression effectivement que le chef de l’État satisfait certains à gauche et satisfait ensuite certains à droite.

    Notamment les Pieds noirs.

    Et ce qui en pâtit à chaque fois, c’est évidemment une reconnaissance plus globale et un souci plus précis et particulier de la vérité historique et de la reconnaissance que cette vérité historique impliquerait.

    C’est-à-dire que la victime de cette instrumentalisation électoraliste est la vérité historique ?

    C’est à la fois la vérité historique et à la fois celles et ceux qui ont été victimes des violences coloniales, leurs descendants et les héritiers de l’immigration coloniale et postcoloniale qui sont bien forcés de constater une fois encore qu’ils sont victimes d’une discrimination mémorielle et commémorielle.

    Vous êtes président de l’association 17 Octobre 1961 contre l’oubli, pensez-vous que cette date est connue du peuple français ?

    Cette date commence à être connue plus largement en effet grâce à la mobilisation de très nombreuses associations de partis politiques et d’organisations syndicales qui, à chaque date anniversaire, le 17 octobre, et encore il y a quelques jours le 17 octobre 2018, se réunissent au Pont St Michel, mais il y a également des rassemblements dans plusieurs villes de banlieue et en province qui ne se contentent pas de commémorer mais d’exiger que des reconnaissances soient faites, d’exiger aussi l’ouverture des archives, exiger enfin la construction d’un lieu de mémoire à la mémoire de ceux qui ont été arrêtés, massacrés, torturés et assassinés le 17 octobre 1961, dans les jours précédents et dans les jours qui ont suivi cette date sinistre, ce qui fait qu’effectivement, une partie de l’opinion publique sait ce qui a été perpétré à l’époque par la police française qui agissait sous les ordres du préfet de police de l’époque Maurice Papon.

    Je n’ai jamais compris pourquoi on nous appelait « les musulmans » au lieu de dire « les Algériens ». Pourquoi la France coloniale nous a-t-elle refusé notre algérianité et nous renvoyait-elle vers une confession ?

    Pour des raisons, me semble-t-il, qui ne sont pas forcément simples mais qui sont aisées à comprendre. Qualifier les populations indigènes et les populations autochtones d’Algériens, comme on l’a vu après 1945, entraînait quasiment immédiatement la reconnaissance du peuple algérien. C’est exactement ce que les responsables de la IVe République, qu’ils soient de gauche ou de droite, ne voulaient pas, d’où effectivement l’appellation tout à fait singulière de « Français musulmans d’Algérie », d’autant plus singulière sous la IVeRépublique que celle-ci venait de rappeler qu’elle condamnait toute discrimination de quelque origine que ce soit, or, à l’évidence, l’appellation « Français musulmans d’Algérie » visait à distinguer au sein de celles et ceux qui vivaient en Algérie, une catégorie particulière, de la distinguer des Français venus de métropole et, au fond, de constituer ces Français musulmans d’Algérie comme un corps spécifique d’exception sur lequel va s’appliquer, après le déclenchement de la Guerre d’Algérie, de nouveau, hélas, des dispositions et des principes d’exception, dispositions juridiques et pratiques d’exceptions relatives à la guerre et contre-révolutionnaires.

    Nous sommes là, je pense, au cœur du concept « racisme d’État ».

    C’est l’une des manifestations, effectivement, du racisme d’État et qui va perdurer sous la IVe et sous la VeRépublique au moins jusqu’à 1962.

    Le colonialisme n’est-il pas une aberration ?

    Ce jugement peut être porté de façon rétrospective sans doute, mais du point de vue des contemporains, le colonialisme n’était pas du tout pour eux une aberration, c’était au contraire un moyen absolument essentiel, et notamment pour les fondateurs de la IIIe République et pour la France en particulier, de rétablir la France comme grande puissance européenne parce que grande puissance coloniale et, pour eux, il s’agissait donc d’une entreprise à laquelle ils accordaient la plus grande importance parce qu’ils étaient convaincus que c’était la seule façon d’éviter une décadence à la fois économique, sociale, politique, de la France, comparativement aux autres États européens et de cela, ils étaient extrêmement fiers puisque ce sont les républicains qui ont permis à la France de devenir la seconde puissance impériale du monde. Et donc, d’un point de vue économique, politique, et géopolitique, pour eux et à leurs yeux, ce n’était absolument pas une aberration mais une nécessité nationale, internationale et géopolitique.

    D’après vous, pourquoi le mensonge est-il structurel dans l’histoire coloniale ?

    Il l’est en partie parce qu’un certain nombre de dispositions juridiques et de dispositions répressives, de techniques de répression et de techniques de guerre sont évidemment absolument contraires aux principes républicains et aux principes démocratiques. D’où la nécessité, pour éventuellement occulter ces contradictions, de forger un grand récit impérial républicain qui est évidemment un grand récit mythologique et, dans les cas les plus graves, de forger ce qu’il faut effectivement appeler un véritable mensonge d’État. Je pense à deux événements particulièrement terribles : les massacres du 8 mai 1945 à Sétif, Guelma et Kherrata et, évidemment, même si les massacres sont beaucoup moins importants, au massacre du 17 octobre 1961 pour lequel va être forgé, effectivement, ce qu’il faut bien appeler un véritable mensonge d’État tendant à accréditer l’idée que ce sont les manifestants pacifiques appelés par le FLN qui portent la responsabilité des morts et à minimiser de façon très spectaculaire le nombre de morts algériens à l’époque, par conséquent, à minimiser aussi la responsabilité de l’État en général et de Maurice Papon en particulier.

    À propos de Maurice Papon, ne pensez-vous pas qu’il est un criminel contre l’humanité ?

    Il faut tout d’abord rappeler que Maurice Papon a effectivement été condamné pour complicité de crimes et de génocide en raison de ses responsabilités pendant la période de Vichy. Relativement au 17 octobre 1961, il faut rappeler et ce sera une façon de lui rendre hommage, qu’un certain nombre d’avocats et notamment Maître Nicole Dreyfus considéraient que les massacres du 17 octobre 1961 étaient constitués d’un crime contre l’humanité et qu’à ce titre, Maurice Papon portait une responsabilité politique, policière et personnelle écrasante et qu’on était en droit effectivement de considérer qu’il avait commis là un crime contre l’humanité.

    La responsabilité de François Mitterrand est aussi établie, notamment dans l’affaire Fernand Iveton, notre camarade qui a été guillotiné. Mitterrand était Ministre de la Justice à l’époque et a refusé sa grâce. N’est-ce pas toute l’administration française qui est impliquée dans la politique répressive ?

    En ce qui concerne le 17 octobre 1961, Mitterrand n’est pas aux affaires. Ceux qui sont impliqués sont le ministre de l’Intérieur Roger Frey, le Premier ministre Michel Debré, mais, vous avez raison, je n’oublie pas les responsabilités de François Mitterrand en tant que ministre sous la IVe République, et qui a déclaré que la France s’étendait de Dunkerque à Tamanrasset et, effectivement, sa responsabilité dans l’exécution d’un certain nombre de militants du FLN et, comme vous l’avez cité précédemment, de Fernand Iveton.

    Aujourd’hui, l’Algérie fait face comme certains autres pays, à un néocolonialisme déchaîné ; je pense à l’attaque de l’OTAN sur la Libye, de la déstabilisation de la Syrie, etc. D’après vous, toutes ces guerres ne sont-elles pas une continuation des guerres coloniales ?

    Il y a effectivement des phénomènes de continuité entre le passé colonial de la France et un certain nombre de ses interventions militaires actuelles assurément, mais il y a aussi des phénomènes de discontinuité et dans un certain nombre d’États africains et anciennes colonies françaises, qui se trouvent dans un état économique, social et financier absolument catastrophique, on ne peut pas exempter les responsables de ces États de leurs responsabilités. Ils portent une responsabilité première et on pourrait ajouter que la France est souvent complice de l’état dans lequel se trouvent ces pays.

    Il y a un courant révisionniste sur les deux rives de la Méditerranée, en France et en Algérie, qui veut blanchir le colonialisme. Ne pensez-vous pas que ces personnalités qui ont pignon sur rue poursuivent l’œuvre de nombreux intellectuels tels que Victor Hugo, par exemple, en prétendant que le colonialisme était un bienfait ? Comment expliquez-vous le retour du révisionnisme en Algérie et en France ?

    Pour ce qui est de la France, il faut rappeler que cette offensive du révisionnisme de l’histoire coloniale débute notamment avec la loi du 23 février 2005, qui est une entreprise politique et juridique de réhabilitation sans précédent du passé colonial français, et rappeler que contrairement à ce que beaucoup pensent encore aujourd’hui, cette loi n’a toujours pas été abrogée et donc, on est en droit de considérer que cette loi est une loi scélérate parce qu’elle porte atteinte à des droits et à des principes démocratiques élémentaires et notamment un principe démocratique élémentaire qui est que l’État, quelle que soit sa nature et à fortiori si c’est un État qui se dit démocratique, ne peut pas et ne doit pas intervenir dans l’Histoire et moins encore chercher à établir une version officielle de l’Histoire en général et de l’histoire coloniale en particulier.

    Que signifie pour vous les insurrections de l’émir Abdelkader, des Bouamama, des Mokrani, etc. et de mes ancêtres, les Abdelmoumen, qui ont tenu le siège de Constantine en 1830 ?

    Contrairement au discours officiel des responsables politiques de l’époque et des militaires, la pacification de l’Algérie n’a pas été un long fleuve tranquille, bien au contraire, puisque, effectivement, les autorités politiques et militaires françaises n’ont pas cessé de se heurter à des résistances, des insurrections, qui prouvent que, contrairement à ce qui est dit parfois, ceux qu’on appelait à l’époque « les indigènes » avec beaucoup de mépris n’étaient pas du tout résignés mais ont cherché, à chaque fois que cela était possible et en dépit des risques qu’ils encourraient pour leur liberté et pour leur vie, à s’opposer à l’entreprise impériale et coloniale française.

    Que signifie pour vous la Révolution algérienne du 1er Novembre 1954 ?

    Cela signifie très clairement que les dirigeants de l’époque ayant acquis la conviction parfaitement établie et légitime que le colonialisme français en Algérie ne céderait pas d’un pouce par la voie pacifique et la voie des négociations, et qu’il était nécessaire de combattre ce colonialisme par la force des armes afin de faire triompher ce qui est pourtant acquis pour cette même république mais refusé aux Algériens, à savoir le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes.

    Comment expliquez-vous que des résistants au nazisme pendant la guerre 39-45 aient pu commettre, pour certains d’entre eux, les crimes du 8 mai 1945, qu’ils soient de gauche ou de droite ?

    C’est effectivement assez difficile à comprendre aujourd’hui, ceux qui avaient pris les armes contre l’occupant ne considéraient pas moins que pour défendre la France, son autorité européenne et son autorité internationale, il fallait défendre coûte que coûte l’empire colonial français en général et l’Algérie française en particulier. Ce qui permet effectivement de comprendre pourquoi des forces de droite comme de gauche, parti communiste compris, se sont engagées pour défendre l’empire au sortir de la Seconde Guerre Mondiale, parce que, encore une fois, par la défense de l’empire, il s’agissait de rétablir la France comme grande puissance européenne et mondiale et de rétablir la France dans le camp des vainqueurs.

    La France d’aujourd’hui ne doit-elle pas cesser de soutenir des régimes africains, y compris le pouvoir algérien, pour ses propres intérêts même si cela va à l’encontre de l’intérêt des peuples ?

    Il me semble relativement clair que dans un certain nombre de cas d’anciennes colonies françaises dirigées par des dictateurs ou des régimes autoritaires, la France porte encore aujourd’hui une responsabilité écrasante ne serait-ce que parce que, pour des raisons géopolitiques, économiques, financières, militaires, la France soutient effectivement ces régimes et, une fois encore, se moque des intérêts des peuples concernés.

    Est-ce une continuité de son passé colonial ou est-ce juste par intérêt géopolitique et économique ?

    Je pense qu’il y a des deux en ce sens que la France entretient des relations privilégiées avec un certain nombre d’États au Maghreb et en Afrique noire subsaharienne parce que ce sont des anciennes colonies et donc évidemment ce passé est un passé qui pèse sur les relations franco-africaines, pour le dire très largement, et par ailleurs, il y a aussi des enjeux géopolitiques, économiques, financiers et militaires qui déterminent le maintien de ces relations et le soutien appuyé, y compris militaire, à des régimes notoirement autoritaires et notoirement dictatoriaux.

    Vous êtes un intellectuel engagé et un Juste, je tiens à le préciser, et un porteur de lumière. Ne pensez-vous pas que votre engagement doit être un modèle pour les jeunes générations ? Ne doivent-ils pas s’inspirer des parcours comme le vôtre ?

    Je me garderais bien de conclure en ce sens. Chaque génération doit affronter les problèmes qui sont les siens avec les instruments intellectuels et politiques à sa disposition.

    Avez-vous connu des pressions dans votre travail ?

    Je n’ai eu aucune pression quelconque en ce qui concerne l’élaboration, la rédaction et la publication des ouvrages qui sont les miens.

    En tant qu’anticolonialiste, que pouvez-vous dire à tous les résistants anticolonialistes et anti-impérialistes qui résistent dans le monde ?

    Que la lutte continue pour le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes contre les dictatures et les régimes autoritaires quels qu’ils soient et pour l’émancipation et contre l’exploitation.

    Interview réalisée par Mohsen Abdelmoumen

    Qui est le Dr. Olivier Le Cour Grandmaison ?

    Olivier Le Cour Grandmaison est un politologue et historien français spécialiste des questions de citoyenneté sous la Révolution française et des questions qui ont trait à l’histoire coloniale. Il est professeur de sciences politiques à l’Université d’Évry-Val d’Essonne et a dirigé et animé plusieurs séminaires au Collège international de philosophie.

    Il est président de l’association « 17 octobre 1961 : contre l’oubli » qui préconise la reconnaissance officielle des crimes commis par la Ve République lors du massacre des manifestants pacifiques algériens le 17 octobre 1961 à Paris.

    Il est aussi juge-assesseur désigné par le Haut Commissariat aux réfugiés de l’ONU (HCR), à la cour nationale du droit d’asile (CNDA). Par ailleurs, il appartient au comité de soutien de l’Association Primo Levi à Paris qui est un centre de soins et de soutien aux personnes victimes de la torture et de la violence politique.

    Le Dr. Le Cour Grandmaison est l’auteur de plusieurs ouvrages parmi lesquels « Les Citoyennetés en Révolution (1789-1794) », Paris, PUF, 1992 ; « Les Constitutions françaises », Paris, La Découverte, 1996, « Haine(s) : Philosophie et politique », avant-propos d’Étienne Balibar, Paris, PUF, 2002 ; « Coloniser, exterminer. Sur la guerre et l’État colonial », Paris, Fayard, 2005 (édité en arabe en 2007, Algérie) ; « Le Retour des camps ? Sangatte, Lampedusa, Guantanamo » avec G. Lhuilier et J. Valluy, Autrement, 2007 ; « La République impériale : politique et racisme d’État », Paris, Fayard, 2009 (édité en arabe en 2009, Algérie) ; « Douce France. Rafles, rétentions, expulsions », collectif, Le Seuil/Resf, 2009 ; « De l’indigénat. Anatomie d’un « monstre » juridique : le droit colonial en Algérie et dans l’empire français », Paris, Zones/La Découverte, 2010 (édité en arabe) ; « L’Empire des hygiénistes. Vivre aux colonies », Paris, Fayard, 2014.

     » » https://mohsenabdelmoumen.wordpress.com/2018/10/28/dr-olivier-le-cour-
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  • La coupe & le visa. – Salimsellami’s Blog
    https://salimsellami.wordpress.com/2018/07/19/la-coupe-le-visa

    La finale de la coupe du monde qui s’est jouée en Russie et subie en Algérie a retransmis un match mettant en compétition la France et une autre équipe. Par défaut, à bon escient ou par mérite c’était la Croatie. Vouloir voir avec beaucoup d’état d’âme la France perdre ou la Croatie gagner ; il y avait de l’hystérie des deux options.

    L’ambassadeur de France, à la grande poste

    « C’est bien organisé…l’atmosphère algéroise…et voir ainsi la grande poste, la mer et le ciel bleu » a affirmé l’ambassadeur de France à l’issue de la première mi-temps. L’essence même d’un certain paradis perdu. A l’apparence rien d’anormal de voir son excellence prendre un tabouret et se mêler à l’immense foule, yeux tous fixés sur l’écran géant mis en relief en cette journée si spécifique mondialement. Le spectacle semblait réjouir toute l’assistance. En compagnie de son collègue de la Croatie et du maire d’Alger son sourire diplomatique affichait un air de vainqueur footballistique. Rien que ca. Mais dans la tête de son excellence, il ne peut y avoir uniquement la vision du match. Dans sa belle résidence, l’aisance aurait été toute autre. Mais, là dans les rues d’Alger, dans ces lieux mythiques, en bas de la Casbah, sur le boulevard Didouche, et Larbi Benmhidi aux détours de celui de Benboulaid ou de la place Maurice Audin, l’heure se serait pas réglée sur une rencontre qui se passe très loin, en Russie. L’on sentait là, un désir d’écoute publique, une méthode d’analyse et d’évaluation sonore et visible du sentiment du profond peuple algérien.

    De cette jeunesse algéroise, échantillon suffisamment représentant l’ensemble des jeunes de cette Algérie qui ne s’étend pas de Dunkerque à Tamanrasset, mais de l’Ouarsenis aux Aurès passant par Djurjura et les Babors. En venant, il aurait pensé voir brandir des emblèmes tricolores ou des vivats. Il vrai qu’il s’agissait là d’une rencontre de foot, pas besoin d’aller chercher le résultat dans la mémoire collective ou dans les pages d’une histoire qui se fait encore.

    A la 18 minute , au premier but marqué indirectement au profit de la France, la tristesse arrosait toute l’assistance. L’ambassadeur marquait silencieusement son bonheur. C’est tout à fait légitime et il en a l’extrême droit.

    Il y avait de l’amertume dans ce « ciel bleu » algérois lorsqu’Ivan Perisic à la 28 eme minute a fait brusquement hisser les voix, les bras, les youyous. « Un but qui a déclenché une liesse qui aurait pu faire penser que ces supporters étaient plutôt à Zagreb qu’à Alger. Ou que c’était les Verts qui étaient sur le terrain » relatait un confrère. L’équation était quand bien même difficile à cerner. Vouloir voir la France perdre ou voir la Croatie gagner ?

    Et si la France était alignée en phase finale contre l’Angleterre, quel aurait été le vœu de ces milliers de spectateurs ? A cet instant tout est venu confirmer que l’évaluation est terminée. Le sentiment national algérien est pour la Croatie. Et pas nécessairement contre la France. Chacun ira selon sa grille de lecture. Bravo les deux. Félicitations aux bleus.

    « Allez les bleus » et non pas « vive la France »

    C’est un phénomène qui n’est pas tout à fait nouveau, le fait de voir des drapeaux maghrébins notamment algériens flotter le long des champs Elysées tenus par des mains « françaises ». Du moins juridiquement estampillées telles. L’on aurait fait des lois, des tweets et des campagnes pour faire éliminer ce genre de manifestations, mais rien ne semble résister à des gènes pris pour des intrus et dont les penchants culpabilisés sont favorisés par l’exclusion, la marginalisation et l’inégalité.

    La France d’autrefois, celle d’un peuple féru de liberté, de justice, d’égalité, de fraternité, de solidarité, d’accueil et d’asile n’est plus en cours. Elle se noie dans la quête d’un équilibre international qu’elle ne voit qu’à la traine des Etats unis.

    Si la sélection française a remporté avec brio cette édition de la coupe du monde (je ne connais rien dans les sciences de la balle ronde) et si elle n’a pas vu tous ses résidents, ses nationaux dits et qualifiés maladroitement d’origine étrangère, enfin plus particulièrement du coté maghrébin ; c’est que ce pays vit une crise identitaire. Oui identitaire. Une grande partie qui fait actuellement le peuple français n’a pas comme ancêtres les gaulois. Tenir une carte nationale d’identité française prouve un statut mais pas une matrice. C’est la faute au droit du sol diront les jurisconsultes.

    Les fans de l’équipe de France à Paris ou ailleurs dans la métropole scandent « allez les bleus ». C’est dire que l’amour qu’ils ont pour cet ensemble sportif qui a su donner du bon jeu reste intact et s’accroit au fur et à mesure des titres et des succès. Certains diront que ce slogan est bien réfléchi allusion à la diversité « d’origine » qui constitue le onze. Par contre d’autres soutiendront que scander « vive la France » est encore un point à mettre dans la case d’un pouvoir honni et incapable de réussir à rassembler les français ou à faire aimer cette France. Cette équipe que l’on glorifie est presque sentie en extra-nationalité. Elle ne serait pas française de souche. Elle est avait-on dit la 6eme équipe africaine a se voir qualifier au mondial. Deschamps, l’entraineur et son complexe Benzema ne sont pas indemnes de cette sensation de phobie. Zidane aurait mieux fait pour faire au moins aimer ce tricolore qu’il portait, s’il était à la barre directionnelle.

    Haine de l’équipe ou du pouvoir ?

    Voir tous les pays arabes et bien d’autres supporter la Croatie face à une France mise dans la peau d’un bourreau ou d’un gourou maléfique est une expression de quelque chose. Certains prétendent et s’interrogent sur le pourquoi final de cette haine, d’autres comprennent et se taisent. En Tunisie, où il n’y avait ni ambassadeur dehors ni grande poste, tous étaient cantonnés dans une résidence ; les mêmes interpellations taraudent plus d’un. La penseuse tunisienne Oulfa Youssef, affiche sa révolte et publie sur sa page Facebook « Loin du foot, que le meilleur gagne…À qui profite cette haine de la France ? À qui profitent des jeunes qui n’ont jamais côtoyé Balzac, ni rêvé avec Sagan, ni s’enivrer de Baudelaire, ni aimé en lisant Pascal ? qui n’ont pas vu la Vie en rose avec Piaf, ni regretté leur vingt ans avec Aznavour, ni mourir sur scène avec Dalida …À qui profite le crime ? » . Oui, Madame, ils n’ont jamais lu Balzac et les fleurs de Baudelaire leur font mal, mais ils nourrissent sans avoir lu Emile Zola un cri strident de leur silencieux « j’accuse ». Leur vie n’est pas si rose que la chantait Piaf tout en regrettant amèrement non seulement leurs vingt ans mais toute leur existence sans toutefois connaitre Aznavour.

    Quant à mourir sur scène , ils n’ont pas cette aubaine puisque ils meurent noyés de dégoût dans les vagues de cette maudite Méditerranée qui fait juxtaposer deux mondes et ne les égalise pas. Nos jeunes ne haïssent pas la France, ils aiment le rêve, la beauté, l’art et s’accrochent à la vie. Ils ont par contre une dent contre ce pouvoir frileux qui en les haïssant leur fait les pires embuches pour briser dans l’œuf leurs illusions pour un monde meilleur. De paix et de justice interplanétaires.

    « Je ne supporte personne, pas même ma propre personne ! »

    A Alger ou dans les autres villes, dans les cafés, dans les lieux publics la jubilation n’était pas au rendez-vous. Pas de klaxons, ni de liesse.

    Seule une frustration généralement et publiquement apparente grisait les grises mines des téléspectateurs. Cependant dans les cœurs, aux fins fonds de soi, il se peut qu’il y ait un autre sentiment. Un homme relativement jeune m’avait confié, me voyant totalement désintéressé du match, accoudé à un comptoir de café prés de chez moi « moi, je ne suis pas hypocrite, je supporte la France, tous mes enfants vivent là-bas » il me semblait gérer difficilement son enthousiasme et s’interdisait de l’afficher. Je le rassurais sur le droit absolu et la liberté qu’il avait de choisir sa tribune de supporter. Réconforté, il croyait trouver en moi un adepte de son camp favori. « Quelle équipe supportez-vous ya El hadj ? » cherchant, sans doute une probable confirmation. Avec une pincette d’humour et un sourire sincère je répliquais machinalement « Je ne supporte personne, pas même ma propre personne ! de surcroit avec cette canicule ». Je me disais silencieusement et s’il n’avait pas d’enfants ou ne pouvait aller leur rendre visite, continuerait-il à ne pas être « hypocrite » ?

    Drôle de positon, drôle de supporter, drôle d’esprit sportif.

    Si les Maghrébins en général et les Algériens en particulier ont soutenu la Croatie , le président Bouteflika voit dans « le succès de la France en Coupe du Monde de football » tout en étant convaincu un « facteur puissant de promotion et de développement des liens entre les jeunes de nos pays et de rapprochement autour des valeurs essentielles de paix, de respect, d’amitié et de solidarité » . Oui, il y a là une grande vérité. Les jeunes de nos pays ont besoin de ce « rapprochement ». Dommage que le sport, la vertu olympique, le fair-play, l’effort et le mérite sont devenus une retro-vision de l’histoire, un dossier de visa, une affaire d’enfants, un sentiment de haine ou d’hypocrisie. Dommage aussi que l’histoire n’arrive pas à faire repentir le crime, que le visa soit pris pour un dispositif de chantage ou un détonateur, que l’amour ne soit plus semer aux deux rives.

    Publié par El-Yazid DIB.

    .       http://www.lequotidien-oran.com/index.php?news=5264165

  • Céline envoie dinguer Hitler, fascisme et modernité (1933)
    http://www.dedefensa.org/article/celine-envoie-dinguer-hitler-fascisme-et-modernite-1933

    Céline envoie dinguer Hitler, fascisme et modernité (1933)

    On a fait de Céline un nazi et on l’insulte du soir au matin. Cette époque de misère ne sait qu’insulter tout le passé pour imposer au monde sa merde morale et culturelle.

    L’homme venait de la gauche libertaire et il était évidemment plus subtil. Son pacifisme l’a rendu enragé comme je l’ai expliqué. Il est facile de lui jeter la pierre quand tout le monde aujourd’hui reconnait le rôle de Netanyahou ou d’Adelson pour pousser Trump et sa clique d’animaux à la guerre d’extermination contre l’Iran.

    Voici ce que Céline écrit en 1933 dans un hommage à Emile Zola qui fourmille de vues passionnantes et vivantes sur notre monde moderne. Comme je l’ai montré dans mon livre, le diagnostic de Céline est terrible et se rapproche de celui des grands chrétiens (...)

  • BnF - Émile Zola
    http://expositions.bnf.fr/zola/grand/229.htm

    Au Bonheur des Dames, coupe du roman de M. Émile Zola
    La Caricature
    Albert Robida.
    BnF, Estampes et Photographie
    © Bibliothèque nationale de France
    Sur un mode parodique, Albert Robida dessine une coupe verticale de « la grande usine à chiffons » qu’est le Bonheur des Dames. Octave Mouret y figure en chauffeur d’une locomotive infernale, et semble orchestrer la ruée des clientes et l’activité trépidante du magasin. En bas, de part et d’autre du magasin, le Vieil Elbeuf et la boutique de Bourras, minuscules, étriquées et sur le point d’être englouties par « le monstre ».
    Zola organise son grand magasin comme une machine à vapeur avec ses rouages que l’on remplace que l’on remplace ou jette au besoin (les employés), ses engrenages et ses circuits (les comptoirs habilement dispersés pour que les clientes soient obligées de traverser le magasin en tous sens et soient tentées d’acheter), son combustible (les clientes, grâce auxquelles sont transformées les marchandises enfournées dans les sous-sols par une glissoire et ressortant, sous forme de paquets à livrer), son bruit, sa trépidation, sa chaleur et son rendement (la recette).

    –---

    Germinal
    http://classes.bnf.fr/bonheurdesdames/grand/bon_507.htm

  • Réaction de #Nicole_Lapierre au #Manifeste_contre_le nouvel_antisémitisme

    En tant que juive

    Or, ce manifeste est pernicieux.

    D’une part, parce qu’il enrôle le combat contre l’#antisémitisme dans une revendication nationaliste et une captation identitaire dont il n’a que faire. Et d’autre part, parce qu’il agite la vieille et dangereuse thématique de la « #concurrence_des_victimes », en opposant deux populations, au nom d’une hiérarchie des #préjudices. D’un côté la lutte contre l’#antisémitisme, juste, nécessaire, dans l’ombre portée de la #Shoah. De l’autre la dénonciation, jugée exagérée, voire injustifiée, de l’#islamophobie, qui « dissimule les #chiffres du ministère de l’Intérieur : les Français juifs ont 25 fois plus de risques d’être agressés que leurs concitoyens musulmans. »

    Las, « la bassesse électorale calcule que le vote musulman est dix fois supérieur au vote juif. » Selon cette comptabilité, cela pourrait empirer, d’où cet « avertissement solennel » selon lequel « La #France sans les Juifs, [ne serait] plus la France ». Et son envers subliminal, mais explicite chez quelques signataires de ce manifeste : la France submergée par le « #grand_remplacement » musulman, ne serait plus la France. Les uns enrichissent le pays, son histoire et sa culture, ce qui est indéniable et a été longtemps nié. Les autres l’envahissent, et cette symétrie inversée est infâme, niant qu’à leur tour ils l’enrichissent.

    Si le poids des chiffres ne suffit pas, on y ajoute le poids des #mots : il s’agit « d’une #épuration_ethnique à bas bruit au pays d’Émile Zola et de Clemenceau ». Bref, il y a de #vraies_victimes, juives, et de #fausses_victimes, musulmanes, parmi lesquelles se recrutent les bourreaux. Ce face à face mortifère ne peut qu’attiser les peurs et les haines en prétendant les combattre. Le #péril est là.

    https://blogs.mediapart.fr/nicole-lapierre/blog/240418/en-tant-que-juive
    #nationalisme #islam #judaïsme #manifeste

  • Tournures & Culs-de-Paris
    https://georgianera.wordpress.com/2018/03/01/false-rumps

    Fashions are continually changing but briefly, during the 1770s and early 1780s, women wore the most amazing items known as false rumps. They were large pieces of cork worn in ‘pockets’ under the straps of their stays, which enhanced the lady’s posterior and made her waist look smaller and more delicate. Think Kim Kardashian: does she know that she would have been the ultimate late eighteenth-century fashion icon, we wonder? False rumps were mocked mercilessly by the press and in satirical caricatures (the old-fashioned way of breaking the internet!), and there was even a suggestion that they should be taxed to raise money for the government.


    Captain Cork Rump. Yale Center for British Art
    Courtesy of Yale Center for British Art

    Surely, they can’t have been comfortable but, on at least one occasion, the wearing of a cork rump acted as a life preserver (Norfolk Chronicle 04 July 1778).

    On Sunday evening a very ludicrous accident happened at Henley upon Thames. A large party from town went after tea to enjoy the coolness of the evening on the banks of the river. Youth and spirits hurried them into such sallies of vivacity, that in running with too much precipitation, a lady’s foot tripped and she fell into the Thames. The consternation was general; but somehow everyone was surprised to see her swim like a fishing float, half immersed, and half above the water. It seems that the lady had been furnished with an immoderate sized cork rump, which buoyed her up so completely that she looked like Venus rising from the water. She was towed to shore by a gentleman’s cane without the least injury but wet petticoats.

    So, fashion it seems did have its uses.


    Chloe’s Cushion, or, the Cork Rump. © The Trustees of the British Museum

    Your fake derriere was also a great place to hide contraband according to a report from Paris:

    The present fashionable protuberances, so much in vogue among the females, have by the adroitness of two dressy fair ones of this capital, been turned to a profitable instead of expensive fashion and gave rise to a laughable adventure: the females in question had contrived to fill bladders with brandy, which they substituted for cork, wool wire etc and thus equipped in the most outré prominence of the mode, they passed several times daily unsuspected through the gates of Paris, smuggling no inconsiderable quantity of brandy. The frequency of their excursions caused suspicion among the officers at the gates, who attempted to touch their garments, but this was resisted by the fair ones with every appearance of affected modesty. However, one of the officers, having sufficient information of what was going on determined to detect them, and providing himself with a sharp pointed instrument, he slyly pierced what nowadays is usually made from cork, when lo! A fountain of brandy played from the orifice to the great diversion of the spectators, and to no small confusion of the fair one. The result was rather serious, as they were both confined; and there are now actually females at the gates, whose business it is as decently as possible, to examine into the protuberances of such ladies as appear to be in outré of the present fashion. What a pity, as there are so few means for females to gain a decent living, that they should not be permitted to dress to advantage when fashion will admit of it.


    The Gates of Paris, or, Brandy Rumps Detected. Lewis Walpole Library

    When a riot broke out in Covent Garden during the hustings for the election of 1784, it was reported that one lady’s cork rump was shot off and an elderly woman, who was not so fashion forward and whose behind was not so well padded, received a bullet in her… ahem, well! We’re sure you can guess!


    The back-biters, or High bum-fiddle pig bow wow. Courtesy of Lewis Walpole Library

    As a fashion accessory, the cork rump was short lived and by the end of the 1780s ‘bum-less beauties’ became all the rage.

    #mode #histoire #mégèrisme

  • Des voix s’élèvent contre la présence de Charles Maurras dans la liste des commémorations officielles 2018
    https://www.francetvinfo.fr/france/des-voix-s-elevent-contre-la-presence-de-charles-maurras-dans-la-liste-

    Elaboré par le Haut-Comité des commémorations nationales, sous la houlette du ministère de la Culture, le Recueil des commémorations nationales 2018 propose de commémorer la naissance, en 1868, de Charles Maurras, qui partie de la « centaine d’anniversaires susceptibles d’être célébrés au nom de la Nation ».

    Je me demande bien comment il a pu se retrouver dans ce document qui doit quand même être relu avant impression ...

    • La commission qui pond ce guide des commémorations est présidé par un académicien femelle. L’académie française est toujours resté fidèle à Maurras plus qu’a la république. Une fois que Maurras à été condamné pour collaboration avec les nazis et incarcéré, son siège est resté vacant en hommage au #grand_homme jusqu’à sa mort. En 2018 l’académie française exprime toujours son mépris pour la république et son amour inconditionnel pour les antisémites et le nazisme.
      Une raison de plus pour vendre l’académie française au Qatar.

      http://www.madmeg.org/p40/#6/0.821/0.101

      #royalisme #action_française #antisémitisme #Académie #historicisation

      Pour cette publication des 100 commémorations faschottes de la manif pour tous je vais voire si je trouve le nombre de femmes membres et commémorées car à mon avis c’est un bel exemple de machine à effacer les femmes de l’histoire.

    • Le e-monde.fr publie une réponse de Jean-Noël Jeanneney et Pascal Ory, deux historiens membres du Haut Comité des commémorations nationales. L’accroche est ; « l’Etat doit rappeler les moments lumineux de notre histoire comme les périodes les plus sombres. »

      L’émotion qui entoure l’inscription de Charles Maurras dans le Livre des commémorations nationales pour 2018 exige une explication simple et claire. La mission confiée au Haut Comité aux commémorations nationales est de contribuer, au hasard des anniversaires, à une meilleure prise de conscience des épisodes majeurs du passé. Il en propose une liste à la ministre, à qui il revient de les agréer si elle le souhaite.

      Françoise Nyssen l’a fait d’abord, en l’occurrence, avant de changer d’avis. Sont concernés les personnalités et les événements dont notre pays peut s’honorer, mais pas eux seulement. Commémorer, ce n’est pas célébrer. C’est se souvenir ensemble d’un moment ou d’un destin. Distinction essentielle : on commémore la Saint-Barthélemy, on ne la célèbre pas. On commémore l’assassinat d’Henri IV par Ravaillac, on ne le célèbre pas. On commémore la Grande Guerre, on ne la célèbre pas.

      http://www.lemonde.fr/idees/article/2018/01/28/commemorer-ce-n-est-pas-celebrer_5248372_3232.html

      C’est rigolo d’apprendre que la naissance de Maurras est une date importante au point d’être comparée à la Saint-Barthélémy. Si c’était pour se souvenir des méfaits de cet homme et de son parti, alors il faudrait choisir une commémoration du 28 janvier 1945 date de sa condamnation à la réclusion à perpétuité et de son indignité nationale ou 1947, date de l’interdiction d’Action Française (qui n’est pourtant plus interdite à ce qu’il me semble).

      Commémorer la naissance de Maurras quel intérêt à part banaliser Action Française et faire un geste amical envers l’extrême droite catholique française de #sens_commun #manif_pour_tous et autres ami·es en marche de Blanquer ? Est-ce qu’on va commémoré la naissance de Laval et de Papon dans la foulée ?

      #action_française #extrême_droite #grand_homme

    • On ne peut que se réjouir de la décision de Françoise Nyssen de retirer Charles Maurras de la liste des commémorations nationales de l’année 2018. On espère que la ministre de la Culture procédera également au retrait du nom de Jacques Chardonne, qui fut comme Maurras un antisémite forcené et un complice actif de la Collaboration. Mais on aimerait surtout que les raisons du retrait soient comprises, retenues — remémorées à l’avenir — et ne soient pas recouvertes par d’étranges sophismes qui circulent et sont repris par des esprits dont on ne l’attendait pas.

      Il y a, bien sûr, ceux dont les réactions ne surprennent pas : les néo-maurrassiens. Jean-Christophe Buisson, directeur adjoint du Figaro Magazine, n’a pas eu peur d’écrire sur Twitter que ceux qui ont dénoncé la présence de Maurras sur la liste des commémorations nationales ne l’ont pas lu. On lui suggérera une autre possibilité : qu’ils l’aient lu plus à fond que lui et qu’ils aient pris au sérieux ce qu’il disait lui-même de sa pensée, à savoir qu’elle était strictement indissociable de la haine des juifs, des protestants, des « métèques » et des francs-maçons. Il est inutile ici de dresser un florilège des textes les plus abjects de Maurras. Rappelons simplement qu’il prôna, jusqu’à la fin de sa vie, un « antisémitisme d’État » qui ramènerait les juifs français au rang de simples « campeurs » sur le territoire. Et qu’il fut un des responsables de l’assassinat de Pierre Worms, cible en tant que juif de la milice de Vichy.

      Il y a ceux qui, tel Yann Moix, oubliant toute décence en même temps que leurs amitiés anciennes, n’hésitent pas à qualifier le refus de commémorer la naissance de Maurras de « révisionnisme » (sic) qui trahirait une volonté d’effacer ou de dissimuler le passé. Comme si le refus d’une commémoration nationale de l’anniversaire d’un homme condamné en 1945 à la dégradation nationale était la même chose que la volonté de passer son importance sous silence.
      « Commémorer, c’est se souvenir »

      Il y a enfin les membres du Haut Comité aux Commémorations nationales qui s’obstinent à justifier leur choix, comme le font Jean-Noël Jeanneney et Pascal Ory dans une tribune publiée par Le Monde, en affirmant que « commémorer n’est pas célébrer ». Commémorer la Saint-Barthélemy ou l’assassinat d’Henri IV, nous disent-ils, ce n’est pas célébrer. C’est « se souvenir ». Cette dernière affirmation est juste et la distinction, pour le coup, n’est pas fallacieuse ; elle est parfaitement légitime en certains contextes. Mais, dans le contexte présent, elle est honteusement sophistique.

      Tout d’abord, parce que « commémorer la naissance de Maurras » ne peut pas avoir le sens de « commémorer un massacre ». Il ne s’agit pas ici de commémorer la naissance de Maurras comme une tragédie, ni de commémorer sa dégradation nationale en 1945. Ce qu’on commémore, c’est quelqu’un qu’on tient pour une figure importante parce qu’on lui reconnaît, comme à Chardonne, des qualités d’écrivain ou d’intellectuel. « Commémorer » ici a inévitablement le sens d’une reconnaissance de grandeur qu’on met en balance avec des méfaits qui se trouvent ipso facto minimisés. La preuve : inscrirait-on Marcel Déat, Jacques Doriot, Pierre Laval, Philippe Henriot sur la liste des commémorations nationales ? Bien sûr que non. Pourtant ils ont la même importance historique que Maurras ou Chardonne. Mais leur nom choquerait davantage, parce qu’on ne peut pas voir en eux le « grand écrivain ». Il suffit de se reporter aux présentations euphémisantes du site des Commémorations nationales pour constater que Maurras et Chardonne y sont traités avec déférence.

      On est loin de l’affirmation avancée par les membres du comité, de vouloir « évoquer officiellement les pages noires de [notre] Histoire ». Car en la matière, de pages noires il n’y a pas dans la brochure éditée. Rien, en ce qui concerne Chardonne, sur son œuvre collaborationniste et ses escapades en Allemagne à l’invitation de Joseph Goebbels. Chardonne qui écrivait en juin 1943 dans un livre hagiographique sur les SS : « Si l’on peut découvrir les secrets de la valeur et vraiment éduquer les êtres, les méthodes du national-socialisme sont incomparables », ou encore : « Quand Israël est roi, un pays est perdu » (Le Ciel de Nieflheim).

      Quant à Charles Maurras, la « page noire » tient en à peine deux phrases. Ce qui fait bien peu concernant un homme dont la pensée a irrigué la « Révolution nationale » et qui dîna régulièrement avec Philippe Pétain, chef de l’État. En revanche, l’une de ces deux phrases nous apprend que Maurras fut « antinazi », rien de moins. De fait, il y aurait là toutes les raisons de commémorer Maurras, bombardé « antinazi ». Antinazi de type particulier certes, lui qui dans les années 1930 dénonçait le « bellicisme juif » face aux tensions croissantes avec l’Allemagne. Un « antinazi » dont le journal n’a cessé de paraître jusqu’à la Libération en ayant comme voisin d’immeuble la Milice française, fondée par des maurrassiens dont bon nombre prêtèrent serment d’allégeance à Adolf Hitler et rallièrent la SS. Curieusement, cette Milice, qui traqua sans relâche les Résistants, ne pensa jamais à inquiéter cet « antinazi ». Il est vrai qu’en matière d’antinazisme, on a connu à l’époque plus engagé, à commencer par De Gaulle, et quelques milliers d’autres qui en juin 1940 ralliaient Londres ou jetaient les bases de la Résistance intérieure.
      Célébrer cette page noire ?

      Sans doute est-ce pour commémorer cette « page noire » que le délégué aux Commémorations nationales et Conservateur général du patrimoine s’est également rendu sur Radio courtoisie afin d’évoquer le sujet, sur les ondes d’une radio qui se déclare ouvertement Action française et dont la présidente est la petite-nièce de Charles Maurras ? Car, contrairement à ce qui est désormais affirmé, il ne s’agit pas de commémorer pour rappeler les pages noires de notre histoire. Qu’on aille lire, sur le site des éditions du patrimoine, la présentation du livre des Commémorations nationales 2018. Celle-ci s’ouvre par cette phrase : « Chaque année, le Haut Comité des commémorations nationales sélectionne et propose à l’agrément du ministre de la Culture et de la Communication une centaine d’anniversaires susceptibles d’être célébrés au nom de la Nation. »

      « Célébrer au nom de la Nation » : est-il possible d’être plus clair ? Les commémorations ne concernent pas seulement le passé, elles engagent aussi le présent. Aujourd’hui, ce serait Maurras et Chardonne qu’on pourrait célébrer avec les réserves d’usage, comme on apprécie un alcool avec modération. Il y a quelques semaines, de nombreuses voix, dont celles du Premier ministre, affirmaient qu’une réédition grand public des pamphlets racistes et antisémites de Céline ne posait aucun problème dès lors qu’elle était pourvue de notes de bas de page. Que la compréhension du présent exige la connaissance du passé, et que celle-ci puisse requérir l’édition scientifique de textes criminels ou répugnants, personne ne le conteste. Mais cela ne peut pas signifier qu’il faille encourager les éditeurs à faire de l’argent en commercialisant les crachats que lancèrent des écrivains célèbres sur ceux que les nazis s’apprêtaient à exterminer sous leurs applaudissements. L’étude historique n’a pas besoin que ces crachats sanglants, enrobés sous une couverture prestigieuse, soient vendus comme des pralines offertes à la dégustation de pseudo-esthètes.

      Il n’y a pas un an, la victoire de l’extrême droite était une possibilité concrète dans ce pays, comme ailleurs en Europe où elle parvient par endroits au pouvoir. Prétendre la combattre en banalisant ses maîtres à penser les plus radicaux, ou en les célébrant officiellement, est une contradiction difficilement tenable pour ceux qui ont été élus contre cette menace.

      Une réflexion de fond est désormais urgente quant à la définition de la mission du Haut Comité et quant aux possibles dysfonctionnements qui l’ont conduit à inviter à « célébrer au nom de la Nation » la naissance de deux de ses ennemis les plus féroces — ennemis non seulement de la République, mais de l’idée même d’une humanité commune.

      Les signataires : Tal Bruttmann, historien ; Catherine Coquio, professeure de littérature à l’université Paris-Diderot ; Frédérik Detue, enseignant-chercheur en littérature, Université de Poitiers ; Antoine Germa, scénariste ; Antonin Grégoire, sociologue ; François Heilbronn, Professeur des universités associé à Sciences-Po ; Charlotte Lacoste, enseignante-chercheuse en littérature, Université de Lorraine ; Nadia Méziane, militante antiraciste ; Marie Peltier, historienne ; Jean-Yves Pranchère, professeur de théorie politique à l’Université libre de Bruxelles (ULB) ; Christophe Tarricone, historien.

      http://www.liberation.fr/debats/2018/02/01/maurras-commemorer-n-est-pas-celebrer-un-insupportable-sophisme_1626536

    • https://bibliobs.nouvelobs.com/actualites/20180125.OBS1238/la-france-doit-elle-celebrer-charles-maurras-en-2018.html

      Commémorer Mai-68, pourquoi pas, mais il y a d’autres anniversaires dans la vie. Le détail semble avoir pour l’instant échappé à 99,99% de nos compatriotes, mais 2018 pourrait bien être aussi l’année Charles Maurras (1868-1952). La preuve, le fameux théoricien du « nationalisme intégral » figure, en même temps que Paul Claudel et le philosophe Alain, dans le très officiel « Recueil des Commémorations nationales 2018 », dûment préfacé ici par notre ministre de la Culture :

      "À vous qui aimez l’histoire de France, à vous qui aimez la voir reprendre vie, je conseille chaleureusement la lecture du Livre des Commémorations nationales de 2018. II vous apportera, j’en suis sûre, un grand plaisir et de belles émotions ! »"

      Quand on se souvient un peu du barouf qu’avait déclenché l’inscription de Louis-Ferdinand Céline, en 2011, dans le même calendrier, il y a pourtant de quoi redouter que tout le monde ne partage pas ce joyeux enthousiasme ministériel. Et se demander si Françoise Nyssen avait vraiment en tête la liste des cent et quelques anniversaires répertoriés par ses services avant de signer son petit texte.

      https://francearchives.fr/commemo/recueil-2018

      Avant-propos

      L’intérêt grandissant pour l’histoire, le besoin d’explorer sa mémoire et le goût de la fête expliquent le succès des anniversaires et des commémorations. Cependant, les Commémorations nationales ont ceci de particulier qu’elles ne s’adressent pas uniquement à quelques personnes, initiées et privilégiées, mais à tous ; et chacun est invité ! Pour illustrer la mémoire collective, les événements qui la jalonnent et les personnages qui l’animent, les Commémorations nationales ont fait appel, au titre de 2018, à plus de cent spécialistes enthousiastes. Ils vous entraînent à la découverte de Mai 68, de Roland Garros, de Gounod, de Couperin, de Chateaubriand, de l’hôtel d’Évreux (aujourd’hui palais de l’Élysée) et de bien d’autres ! Je salue le travail réalisé pour cette 31e édition des Commémorations nationales, qui évoluent pour s’adapter à leurs publics. Parallèlement à l’ouvrage, les supports de diffusion se diversifient grâce à l’informatique et au numérique, qu’il s’agisse des tweets quotidiens sur @FranceArchives ou des recueils des années 1999 à 2017, qui sont également disponibles et consultables sur le portail FranceArchives. Ce site Internet assure un rôle de relais et de veille grâce aux « liens » qui renvoient directement aux ressources documentaires et aux manifestations organisées partout en France (théâtre, expositions, concerts, colloques). À vous qui aimez l’histoire de France, à vous qui aimez la voir reprendre vie, je conseille chaleureusement la lecture du Livre des Commémorations nationales de 2018. II vous apportera, j’en suis sûre, un grand plaisir et de belles émotions !

      Françoise Nyssen
      ministre de la Culture

  • Le répertoire théâtral français du domaine public — Enseigner avec le numérique
    http://eduscol.education.fr/numerique/tout-le-numerique/veille-education-numerique/mars_2017/lrepertoire-theatral-francais-domaine-public

    Le site Libre Théâtre met en ligne un ensemble d’œuvres théâtrales du domaine public téléchargeables gratuitement au format PDF. On retrouve bien sûr les pièces de théâtre les plus célèbres du répertoire français, « mais aussi des œuvres originales moins connues mais remarquables par leur empreinte dans l’histoire du théâtre, par les thématiques évoquées, leur esthétique ou leur dramaturgie ». La sélection comporte 125 auteurs français, de Alphonse Allais à Émile Zola. La liste des œuvres est également directement accessible : le texte intégral de chaque pièce est retraité par Libre Théâtre ou être consulté via des éditions numérisées (Gallica, Archives.org, Wikisource).

    #oeuvres_théâtres_ #domaine_public

  • Émile Zola interviewé sur l’interview | Retronews
    http://www.retronews.fr/actualite/%C3%A9mile-zola-interview%C3%A9-sur-linterview

    « — C’est une chose excessivement grave qui, pour être bien faite, exige d’énormes connaissances. Il faut avoir l’usage de la vie, savoir où l’on va, connaître – au moins par ses œuvres – l’homme chez qui l’on se rend, approfondir la question qu’on doit lui soumettre, savoir écouter, prendre tout ce que l’on vous dit, mais dans le sens où on le dit, interpréter avec sagacité et ne pas se contenter de reproduire textuellement. […] Non, l’interviewer ne doit pas être un vulgaire perroquet, il lui faut tout rétablir, le milieu, les circonstances, la physionomie de son interlocuteur, enfin faire œuvre d’homme de talent, tout en respectant la pensée d’autrui. »

    #journalisme

    http://zinc.mondediplo.net/messages/48128 via BoOz

  • La morgue du quai de l’Archevêché - Histoires de Paris
    http://www.histoires-de-paris.fr/morgue-quai-archeveche

    La morgue de l’Archevêché, une attraction parisienne de la seconde moitié du XIXe siècle

    Comme celle du Marché Neuf, la morgue de l’Archevêché devint vite une attraction pour le Paris de la seconde moitié du XIXe siècle. Ouvriers, jeunes, femmes du centre ville… tous viennent faire la queue pour voir les derniers arrivés de la salle des expositions.

    En août 1866, le journal La Liberté décrit l’ambiance autour de la morgue de l’Archevêché suite à la découverte d’une enfant tuée dans la rue du Vertbois :

    « La foule se porte plus que jamais en masse à la Morgue, et, malgré les efforts de la police, de vrais scandales se produisent ; la populace se rue sur les portes en poussant des cris sauvages ; les chapeaux tombés sont foulés aux pieds ; les ombrelles et les parapluies sont brisés, et hier, des femmes se sont trouvées mal, étant étouffées à moitié. M. Pierre, greffier de la Morgue, fait tout ce qu’il peut pour remédier à cet état de choses ; malheureusement, c’est pour ainsi dire impossible, bien qu’il ait pris la précaution de ne laisser entrer les « curieux que par fournées. A un moment même, la place encombrée, les agents ont eu maille à partir avec des individus appartenant à la plus basse populace, ils ont dû échanger des coups de poings. Il est regrettable, que l’on tolère la présence sur la place de marchands de fruits et de camelots. Cela ne contribue pas peu à rendre impossible la circulation. »

    Emile Zola décrivit lui aussi l’activité de la morgue. Dans Thérèse Raquin, il écrit : « un spectacle à la portée de toutes les bourses que se paient gratuitement les passants pauvres ou riches, la porte est ouverte, entre qui veut, il y a des amateurs qui font un détour pour ne pas manquer une de ces représentations de la mort. Lorsque les dalles sont nues, les gens sortent désappointés, volés, murmurant entre leurs dents ; lorsque les dalles sont bien garnies, lorsqu’il y a un bel étalage de chair humaine, les visiteurs se pressent, se donnent des émotions à bon marché, s’épouvantent, plaisantent, applaudissent ou sifflent comme au théâtre et se retirent satisfaits en déclarant que la Morgue est réussie ce jour-là »

  • « #Demi-sang », pas la moitié d’un conte
    http://bandedessinee.blog.lemonde.fr/2016/07/31/demi-sang-pas-la-moitie-dun-conte/#xtor=RSS-32280322

    L’entreprise pourrait faire penser à celle d’Émile Zola. Entre autres confidences autour de la « marche de l’œuvre » des Rougon-Macquart, l’écrivain affirmait vouloir « dire la vérité humaine, démonter notre machine, en montrer les secrets ressorts par l’hérédité et faire voir le … Continuer la lecture →

    #Bande_dessinée #Illustrations #Bertrand_Gatignol #Hubert #Petit

  • Projets miniers : L’Hexagone à la foreuse

    par Sébastien Navarro, illustré par Etienne Savoye

    http://cqfd-journal.org/Projets-miniers-L-Hexagone-a-la

    Depuis 2012, on ne compte plus les projets d’extraction minière en France. Liftée façon greenwashing, la mine dite « responsable » n’aurait plus rien à voir avec un sombre tableau à la Émile Zola. Petit tour d’horizon de cette nouvelle fièvre qui promet de désastreux coups de grisou.

  • Un lanceur d’alerte harcelé et licencié pour avoir prévenu les dirigeants du Conseil Régional Nord-Pas-de-Calais d’un détournement de subvention régionale

    « J’ai été licencié le 27 mars 2015 du calendrier grégorien soit au mois de Germinal du calendrier révolutionnaire.

    Germinal est aussi le titre choisi par Emile Zola pour son œuvre qui dénonce la violence du patronat paternaliste des mines du Nord de la France. Le lecteur comprendra ce choix de titre pour cet article. Loin de moi l’envie de m’identifier à Étienne Lantier qui risquera sa vie. Cependant, il m’aura quand même inspiré pour sa pugnacité et la résilience qu’il fera de son combat. On ne choisit pas ses modèles, ils viennent à nous quand tout fout le camp. »

    http://www.osere.eu/2015/10/07/germinal

    #UniversitéCatholiquedeLille #hautsdefrance #anticor #lanceurdalerte #institutsocialdelille

  • Frémir plutôt que réfléchir
    La stratégie de l’émotion
    Anne-Cécile Robert

    Illustration : Jean-Baptiste Greuze. - « Une jeune fille, qui pleure son oiseau mort », 1765 Bridgeman Images - Scottish National Gallery, Edinburgh

    Il en est de la démocratie comme des grenouilles. Une grenouille jetée dans une bassine d’eau bouillante s’en extrait d’un bond ; la même, placée dans un bain d’eau froide sous lequel le feu couve, se laisse cuire insensiblement. De multiples phénomènes se conjuguent pour « cuire » insidieusement les démocraties, à rebours de l’effet que produit un coup d’Etat avec ses militaires et ses arrestations d’opposants sur fond de Sambre-et-Meuse tournant en boucle à la radio. Tel l’innocent frémissement d’une eau qui bout, les dégâts occasionnés n’apparaissent jamais qu’au fil d’une juxtaposition dédramatisante. Les combustibles qui alimentent le feu sous la marmite ont été abondamment décrits ici et là (1). On s’est, en revanche, assez peu arrêté sur le rôle que joue l’invasion de l’espace social par l’émotion. Les médias y contribuent abondamment, sans qu’on mesure toujours ce que ce phénomène peut avoir de destructeur pour la démocratie et la capacité de penser.

    Il suffit de taper « l’émotion est grande » sur un moteur de recherche pour voir défiler une infinité de nouvelles, du banal fait divers aux attentats qui ont récemment ensanglanté l’actualité de Beyrouth à Ouagadougou. Ainsi, « l’émotion est grande » dans le monde après les crimes du 13 novembre dans la capitale française ; mais elle l’était aussi quelque temps auparavant à Petit-Palais-et-Cornemps après l’accident de bus qui a coûté la vie à 43 personnes (FranceTV Info, 24 octobre 2015), à Calais lors de la démolition des bâtiments du vieil hôpital (France 3, 20 novembre 2015) ou encore à Epinac, d’où est originaire Mme Claudia Priest, enlevée en Centrafrique début 2015 (Journal de Saône-et-Loire, édition d’Autun, 21 janvier 2015). Elle l’était également en fin d’année « pour Brigitte, enfin locataire d’un appartement, qu’elle a pu meubler grâce aux clubs de services du Mont-Dore » (Les Nouvelles calédoniennes, 6 janvier 2016).

    On pourrait prolonger à l’infini une liste d’exemples qui ne traduit aucune hiérarchie autre que celle du ressenti réel ou supposé des populations et de ceux qui les observent. Les médias ne sont pas seuls à jouer de l’accordéon émotionnel. Les responsables politiques s’y adonnent également, notamment lorsqu’il s’agit de masquer leur impuissance ou de justifier, comme si elles relevaient de la fatalité, les mesures qu’ils s’apprêtent à prendre. Il en est ainsi en matière migratoire, où la précaution compassionnelle est de mise avant de se lancer dans l’explication alambiquée de l’impuissance européenne. De M. François Fillon, député du parti Les Républicains, au premier ministre Manuel Valls, « insoutenable » fut sans doute le mot le plus employé pour qualifier l’image du petit réfugié syrien Aylan Kurdi gisant sans vie sur une plage de Turquie, le 2 septembre 2015, avant qu’on décide de ne rien faire pour tarir les sources du désespoir migratoire. Dans un registre moins tragique, les commentateurs ont souligné l’« émotion » du ministre des affaires étrangères Laurent Fabius scellant, des larmes dans la voix, un accord pourtant bien fragile à la fin de la 21e conférence des Nations unies sur le climat (COP21) à Paris (2). Enfin, devant les maires de France, le 18 novembre 2015, le président François Hollande eut un lapsus révélateur : il évoqua « les attentats qui ont ensangloté la France ».

    Foules mutiques des marches blanches

    Paravent de l’impuissance ou de la lâcheté politique, le recours à l’émotion peut avoir des conséquences dramatiques immédiates. Ainsi, l’avocat de M. Loïc Sécher, Me Eric Dupont-Moretti, a qualifié de « fiasco dû à la dictature de l’émotion » l’erreur judiciaire dont a été victime son client. Ouvrier agricole, M. Sécher avait été accusé de viol par une adolescente. Après des années d’emprisonnement, il s’est finalement vu innocenter par le témoignage de celle-ci, devenue majeure, qui a reconnu avoir tout inventé. Comme dans l’affaire d’Outreau, la justice a rencontré les plus grandes difficultés à revenir sur une décision erronée, prise sous l’empire de récits aussi imaginaires que spectaculaires et du souci, bien légitime, de protéger des mineurs de mauvais traitements. Les simplifications médiatiques, le culte du « temps réel », les réseaux sociaux n’encouragent pas la sérénité dans ces affaires délicates.

    Au-delà de la simple sortie de route politico-médiatique, l’émotion devient l’un des ressorts majeurs de l’expression sociale et du décryptage des événements. Même les chefs d’entreprise sont incités à faire de leur « intelligence émotionnelle » un outil de management, tandis que leurs salariés peuvent y recourir pour obtenir une augmentation (3). L’un des symboles les plus visibles de l’invasion de l’espace public par l’émotion est le phénomène grandissant des marches blanches. La plupart du temps spontanées, celles-ci rassemblent, à la suite d’un accident ou d’un crime particulièrement odieux, des foules parfois immenses à l’échelle des villes et des villages où elles se déroulent. La première eut lieu en 1996 en Belgique, lors de l’arrestation du pédophile Marc Dutroux. Elles sont dites « blanches » car elles renvoient à la non-violence et à l’idéal de paix. Elles expriment l’indignation face à des agissements aussi insupportables qu’incompréhensibles.

    Aucun slogan, aucune revendication ne les accompagne. Des foules délibérément mutiques s’ébranlent, plaçant souvent en tête de cortège des enfants, symboles d’innocence et de foi dans l’avenir, portant parfois des bougies. Le philosophe Christophe Godin y voit l’expression d’une « crise de société » caractérisée par l’« empire des émotions » auquel « cette pratique donne un écho considérable » (4). Ces processions des temps nouveaux sont à rapprocher de la valorisation omniprésente de la figure de la victime, parée de toutes les vertus et à laquelle on rend un hommage absolu, sans s’interroger, par un processus d’empathie. « Cela aurait pu être moi », répètent significativement les personnes interrogées sur un fait divers tragique ou criminel. Toute catastrophe s’accompagne ainsi du déploiement théâtral de cellules d’aide psychologique. Les procès de la Cour pénale internationale prévoient désormais des espaces de parole pour les victimes, sans lien avec les nécessités de la manifestation de la vérité dans une affaire donnée, ni interrogation sur les chocs préjudiciables à la sérénité des délibérations que peuvent provoquer ces témoignages souvent aussi sensationnels qu’inutiles.

    Le culte de la victime a trouvé en France une illustration symptomatique dans le projet - finalement abandonné - de transfert au Panthéon des cendres d’Alfred Dreyfus, objet d’une campagne antisémite d’une rare violence dans les années 1890. Ne confond-on pas ici victime et héros ? Le capitaine n’a fait que subir douloureusement les événements ; à aucun moment il n’a agi d’une manière qui le distingue. A l’opposé, le lieutenant-colonel Georges Picquart, congédié du ministère de la guerre et radié de l’armée pour avoir dénoncé le complot ourdi contre Dreyfus, pourrait bénéficier à bon droit de l’attention des panthéonisateurs les moins regardants et rejoindre Emile Zola. Autre exemple de confusion victimaire : le choix de rendre hommage aux victimes des attentats de Paris dans la cour des Invalides, lieu pensé par Louis XIV pour les soldats blessés au front. La cérémonie a accordé une large place à l’émotion, mise en scène devant les caméras. Le psychologue Jacques Cosnier va jusqu’à parler d’une société « pathophile (5) ». La philosophe Catherine Kintzler s’inquiète quant à elle de la « dictature avilissante de l’affectivité (6) ».

    L’émotion pose un redoutable défi à la démocratie, car il s’agit, par nature, d’un phénomène qui place le citoyen en position passive. Il réagit au lieu d’agir. Il s’en remet à son ressenti plus qu’à sa raison. Ce sont les événements qui le motivent, pas sa pensée. Les marches blanches n’ont aucune conséquence pratique : la justice demeure sans moyens, la société continue de se décomposer. D’ailleurs, on n’a encore répertorié aucune marche blanche pour le suicide d’un chômeur ou l’assassinat d’un inspecteur du travail. « L’émotion est subie. On ne peut pas en sortir à son gré, elle s’épuise d’elle-même, mais nous ne pouvons l’arrêter, écrivait Jean-Paul Sartre. Lorsque, toutes voies étant barrées, la conscience se précipite dans le monde magique de l’émotion, elle s’y précipite tout entière en se dégradant (...). La conscience qui s’émeut ressemble assez à la conscience qui s’endort (7). »

    A la « stratégie du choc (8) » décryptée par Naomi Klein, faut-il ajouter une « stratégie de l’émotion » ? La classe dirigeante s’en servirait pour dépolitiser les débats et pour maintenir les citoyens dans la position d’enfants dominés par leurs affects. L’émotion abolit la distance entre le sujet et l’objet ; elle empêche le recul nécessaire à la pensée ; elle prive le citoyen du temps de la réflexion et du débat. « L’émotion s’impose dans l’immédiateté, dans sa totalité, nous explique M. Claude-Jean Lenoir, ancien président du cercle Condorcet-Voltaire. Elle s’impose au point que toute conscience est émotion, est cette émotion. L’émotion demeure l’ennemie radicale de la raison : elle n’essaie pas de comprendre, elle "ressent". On doit cet état de fait contemporain sans doute aussi à l’influence et à l’émergence des réseaux sociaux. De distance, aucune ! On "tweete", on "gazouille" à tour de bras. Se dégradent le sens critique, la culture, la recherche de la vérité. On "balance". »

    La valorisation de l’émotion constitue ainsi un terreau favorable aux embrigadements guerriers des philosophes médiatiques toujours prêts à soutenir une guerre « humanitaire », à l’instar d’un Bernard- Henri Lévy dans l’expédition de Libye en 2011. Mais aussi un terreau plus quotidiennement favorable aux mécaniques du storytelling (9) et aux fausses évidences du populisme. A la veille de l’élection présidentielle de 2002, l’agression du retraité Paul Voise, montée en épingle par les médias, avait suscité un déluge de discours réactionnaires sur la « lutte contre la délinquance ». Dans son fameux discours de Dakar, en 2008, M. Nicolas Sarkozy avait pu affirmer : « Je crois moi-même à ce besoin de croire plutôt que de comprendre, de ressentir plutôt que de raisonner, d’être en harmonie plutôt que d’être en conquête... »

    Mais la marche blanche vient aussi combler un vide laissé par les formes collectives d’action, comme le syndicalisme ou le militantisme politique. Il n’est sans doute pas anodin, d’ailleurs, que le phénomène soit né en Belgique, aux grandes heures de la décomposition de l’Etat central, et qu’il se soit particulièrement développé dans le nord de la France, où la désindustrialisation a eu des conséquences dévastatrices sur le tissu social. Face aux souffrances et à la crainte de l’avenir, l’émotion réhumanise ; elle s’oppose au cynisme. Elle fait aussi du bien. Elle soulage d’autant plus qu’elle est partagée, comme lors d’une cérémonie aux Invalides. Elle conjure brièvement le sentiment pesant de l’impuissance en permettant une communion, certes un peu primitive, face à la dureté des temps. « Un téléspectateur ému chez lui par un crime ou par le massacre de Charlie Hebdo est seul, explique encore Godin. La marche blanche lui permet de partager son émotion. Le phénomène est évidemment social. Et en même temps très équivoque. » En ce sens, l’émotion ne traduit-elle pas un désir confus de « (re)faire société », de retisser le lien social ?

    Interrogée sur l’absence de processus révolutionnaire dans une France pourtant en pleine régression sociale et politique, l’historienne Sophie Wahnich explique (10) que la révolution de 1789 peut aussi s’analyser comme l’aboutissement d’un long processus de politisation de la société, entamé au sein des assemblées communales de l’Ancien Régime. Les Français avaient pris l’habitude d’y échanger d’abord sur les affaires locales ; ils perpétuèrent cette habitude lors des événements liés à la convocation des états généraux durant l’année 1789. La profondeur de la crise politique actuelle tient aussi au fait que cet espace public a progressivement disparu.

    Si donc la marche blanche est en quelque sorte le stade primaire du ravaudage du tissu politique, la perspective change. Elle est ainsi « implicitement politique », selon Godin ; il y voit une récrimination non dite contre la puissance publique qui « ne protège plus ». On se souvient que la première marche, en Belgique, avait aussi pour but de protester contre l’incurie de la police et de la justice dans la poursuite d’un criminel qui avait échappé à leur vigilance. Pour contribuer à la reconstruction de la démocratie, le processus devrait alors prolonger les liens tissés dans l’émotion et mener à leur politisation progressive.

    La métaphore de la grenouille trouve d’ailleurs un pendant chez Voltaire, qui racontait l’histoire de deux d’entre elles tombées dans une jatte de lait. La première se met à prier sans bouger, finit par s’enfoncer et se noie ; la seconde se débat tant et si bien que le lait devient beurre. Elle n’a plus alors qu’à prendre appui sur cet élément solide pour sauter hors de la jatte.

    Note(s) :

    Jean-Baptiste Greuze. - « Une jeune fille, qui pleure son oiseau mort », 1765 Bridgeman Images - Scottish National Gallery, Edinburgh
    (1) Lire par exemple Jean-Jacques Gandini, « Vers un état d’exception permanent », Le Monde diplomatique, janvier 2016.
    (2) Lire Philippe Descamps, « Le pari ambigu de la coopération climatique », La valise diplomatique, 19 décembre 2015.
    (3) Cf. David Goleman, L’Intelligence émotionnelle, J’ai lu, coll. « Bien-être », Paris, 2003. Lire Manière de voir, no 96, « La fabrique du conformisme », décembre 2007-janvier 2008.
    (4) Christophe Godin, « "La marche blanche est un symptôme d’une société en crise" », L’Obs, Paris, 26 avril 2015.
    (5) Jacques Cosnier, Psychologie des émotions et des sentiments, Retz, Paris, 1994.
    (6) Catherine Kintzler, « Condorcet, le professeur de liberté », Marianne, Paris, 6 novembre 2015.
    (7) Jean-Paul Sartre, Esquisse d’une théorie de l’émotion. Psychologie, phénoménologie et psychologie phénoménologique de l’émotion, Hermann, Paris, 1938 (rééd. : Le Livre de poche, Paris, 2000).
    (8) Naomi Klein, La Stratégie du choc. La montée d’un capitalisme du désastre, Actes Sud, Arles, 2008.
    (9) Lire Christian Salmon, « Une machine à fabriquer des histoires », Le Monde diplomatique, novembre 2006.
    (10) Conférence publique à l’université de Nancy, 26 octobre 2015.

    Source : Le Monde diplomatique - Février 2016, p. 3

    #démocratie

  • Radio Panik---Rencontre avec Daniel Mermet - La chronique économique le matin à la radio - Aujourd’hui, nous sommes le 13 janvier 2016
    http://www.radiopanik.org/emissions/panik-sur-la-ville/aujourd-hui-nous-sommes-le-13-janvier-2016

    ... Mais que s’est-il passé, quelques dizaines d’années plus tôt ? Fil rouge inspiré de la date anniversaire de la publication de la lettre d’Emile Zola dans « l’Aurore » il y a 118 ans. Ce soir, c’est un j’accuse collectif pour rendre hommage au courage de Zola de braver le droit et la (...)

  • « C’est Charlie, venez vite, ils sont tous morts »
    http://www.lemonde.fr/societe/article/2015/01/13/c-est-charlie-venez-vite-ils-sont-tous-morts_4554839_3224.html

    Sur la table, devant elle, Sigolène Vinson avait posé sa lecture du moment : La Faute de l’abbé Mouret, d’Emile Zola, l’histoire d’un prêtre déchiré entre sa vocation religieuse et l’amour d’une femme. Ce mercredi 7 janvier, peu après 10 heures, chacun s’est embrassé en se souhaitant la bonne année. C’était jour de rentrée pour l’équipe de Charlie Hebdo, la première conférence de rédaction de 2015. Source : Le Monde

  • Autour de Germinal d’Emile Zola (Le rouge et le noir dans Germinal), PAE lycée Gambier de Lisieux
    http://www.bmlisieux.com/litterature/gambier/gambie12.htm

    A part quelques objets de couleur très particulière (la boîte rose, cadeau de Maheu à la Maheude, objet précieux par sa valeur sentimentale), les deux couleurs dominantes dans le roman sont le rouge et le noir. Ces deux couleurs ont déjà fondé un système romanesque, celui de Stendhal (1830 le Rouge et le noir), Zola va les réutiliser dans Germinal en leur donnant des valeurs nouvelles. Ainsi, pour mieux marquer l’emprise de ces deux couleurs dans son roman, Zola les associe lorsqu’il s’agit d’évoquer le paysage qui sert de cadre à la narration : « La route déroulait ses deux lieux de pavé, qui filaient droit comme un ruban trempé de cambouis, entre les terres rougeâtres »(II, 2), « Et ce village, bâti d’un coup au milieu du vaste plateau, bordé de ses routes noires comme d’un liseré de deuil, n’avait d’autre gaieté que les bandes régulières de ses tuiles rouges, sans cesse lavées par les averses. » (II, 3).
    Après l’émeute des ouvriers, le paysage se teinte encore de ces couleurs tragiques : « La plaine se noyait sous l’épaisse nuit, il n’y avait plus que les hauts fourneaux et les fours à coke incendiés au fond du ciel tragique. » (V, 6).
    Nous analysons d’abord les différentes valeurs que prend la couleur noire, avant d’examiner celle du rouge.

    #rouge_et_noir #tm

  • Quand la lumière et l’eau se rencontrent au coeur d’un objectif photo | epimae
    http://reflets.info/quand-la-lumiere-et-leau-se-rencontrent-au-coeur-dun-objectif-photo

    A mon avis, vous ne pouvez pas dire que vous avez vu quelque chose à fond si vous n’en n’avez pas pris une photographie. Emile Zola En pleine période de JO londoniens, les images de toute sorte fusent tout autour de la planète. Colorées, prises sur le vif, vivantes ou au contraire désespérées, elles nous montrent les exploits ou les contre exploits des Dieux du Stade. Il ne s’agit pas aujourd’hui de raviver les vives polémiques entourant cet évènement mondial mais tout simplement de découvrir un captureur de lumière qui a su transcender les images sportives et ainsi montrer la beauté des corps dans l’effort. La photographie sportive demande une technique irréprochable. Les conditions de prise de vue difficiles, la rapidité de l’instant, les données climatiques, la lumière aucunement transformable sont autant de difficultés avec lesquelles le professionnel doit mettre en valeur l’exploit sportif et l’unicité du moment. Certes les appareils d’aujourd’hui permettent des shoots rapides et automatiques mais bien souvent cette performance technique ne suffit pas pour réaliser des photos de qualité et l’amateur va voir, à son grand désespoir, arriver des flous disgracieux, des clichés imprécis, voire il va rater LE moment. Adam Pretty a une maîtrise technique (...)

  • Les beautés classiques passées à Photoshop comme des Top modèles modernes
    http://www.ufunk.net/artistes/beautes-classiques-a-photoshop

    Et si les canons de la beauté moderne étaient appliqués aux beautés classiques des peintures des grand maitres ? Et si les femmes de ces tableaux recevaient le même traitement photoshop que les top modèles modernes ? Le « Venus Project » de l’artiste italienne Anna Utopia Giordano apporte un début de réponse…


    #publicité

    • Le photoshoppeur diminue toutes les courbes, sauf celles des seins qui sont revalorisées. Je pense que ça rentre dans les canons du moment, peut-être. beau travail en tout cas même si je préfère quand même bien souvent l’esthétique et l’équilibre (surtout) de l’oeuvre originale.

    • Pas forcément convaincu. Je trouve que ça relève plus du gag que d’autre chose. Là, on applique ce qui relèverait des stéréotypes actuels de la beauté sur ce qui, en fait, relève déjà des stéréotypes de beauté de leur époque. Du coup, on serait amené à s’interroger sur « nos » stéréotypes, mais en oubliant les stéréotypes d’origine.

      Par exemple, questions idiotes :
      – Pourquoi de la nudité dans des scènes mythologiques bourrées de symboles qui nous échappent quasiment tous ?
      – Pourquoi ces femmes si « naturelles » n’ont-elles ni poils ni sexes ?
      – Pourquoi les femmes des tableaux classiques sont-elles différentes des femmes des sculptures classiques ?
      – Est-ce que les femmes de l’époque étaient toutes comme celles représentées ? Est-ce qu’à l’époque déjà les femmes carrément dodues étaient représentées nues dans les tableaux ?
      – Est-ce que les femmes nues des tableaux classiques étaient peintes par de riches et célèbres peintres femmes, ou uniquement, systématiquement, par des hommes ?
      – Les hommes nus représentés dans les tableaux classiques correspondent-ils à une représentation objective de ce qu’est un homme qui ne passerait pas 8 heures par jour à soulever de la fonte ?
      – Les femmes, dans les sociétés qui ont produit ces tableaux, étaient-elles plus libres qu’aujourd’hui ? Étaient-elles moins réduites à leur rôle sexuel que les femmes d’aujourd’hui ?

      Je trouve donc ce travail plutôt superficiel, et destiné essentiellement à provoquer un « c’était mieux avant » carrément simpliste.

      Sinon, site officiel :
      http://www.annautopiagiordano.it/venus-eng.html

    • Tout comme pour nous, les œuvres iconographiques anciennes représentent les physiques auxquels les gens aspiraient, les standards de la beauté qui ont souvent comme caractéristique principale de représenter la rareté et la distinction. À savoir que les canons de la beauté sont souvent émis par la classe dominante, laquelle a à cœur de se distinguer de la masse des dominés. Quand le peuple est halé par les travaux des champs et amaigri par les privations, l’idéal féminin se doit d’échapper aux vicissitudes du commun et donc d’être pâle et gras.
      En gros, la beauté dans l’art représente souvent ce que l’on aspire à être ou a posséder, à contrario de la cruelle réalité de la vie.
      http://blog.monolecte.fr/post/2005/01/16/39-regimes-totalitaires-enjeux-du-corps-social

    • @arno sauf que les nus « classiques » ont été faits dans un contexte particulier : la renaissance, avec des scènes et des sujets mythologiques donc forcément fantasmatiques, prétexte à l’émancipation du contrôle ecclésial. Je ne pense pas que ce travail soit superficiel, simplement parce que ce n’est pas le travail en lui-même qui est intéressant mais, effectivement, les questions qu’il pose dans notre rapport aux canons.

    • @allergie Oui, mais je lis l’interview de l’auteur sur son site, et sans aucune surprise, ça parle de l’anorexie (des canons d’aujourd’hui). J’y vois donc bien une lecture simpliste, avec condamnation des canons d’aujourd’hui, sans trop d’interrogation sur ceux de l’époque et leur évolution.

      Ce que dit Agnès est tout de même beaucoup plus intéressant.

      Les femmes de l’époque ne sont pas athlétiques, parce que ce sont les paysannes qui font des efforts physiques toute la journée, elles ne sont pas bronzées, parce que là encore les paysannes passent leurs journées dehors. Aujourd’hui, la femme des classes laborieuses est urbaine, travaille assise enfermée dans un bureau, n’a pas le temps de soigner son alimentation, ne peut pas se payer les crèmes antirides de luxe… Donc la représentation de la femme idéale (donc pas laborieuse) se pose assez naturellement à l’inverse : elle a du temps et les moyens pour s’occuper d’elle-même, donc elle est bronzée, athlétique, avec un régime alimentaire contrôlé, et des crèmes régénérantes qui vont bien.

      Les représentations de l’époque ne sont en rien « naturelles ». Elles sont socialement construites, et pas forcément pour le mieux. Or ce que je lis sur ce travail (et les histoires d’anorexie), ça repose très largement sur l’idée de l’opposition entre femmes « naturelles » de l’époque, et « anorexiques » d’aujourd’hui.

    • Ça me rappelle quand dans Germinal (#Émile_Zola), le vieux Bonnemort étrangle la fille des propriétaires de la mine qui lui rend visite en lui offrant de vieilles chaussures qu’il ne peut même plus porter. Zola décrit en une seule phrase leur condition sociale :

      Attirés, tous deux restaient l’un devant l’autre, elle florissante, grasse et fraîche des longues paresses et du bien-être repu de sa race, lui gonflé d’eau, d’une laideur lamentable de bête fourbue, détruit de père en fils par cent années de travail et de faim.

      http://fr.wikisource.org/wiki/Page%3AZola_-_Germinal.djvu/552

    • A me relire, je pense que j’ai été un peu (trop) concis. Ce que je trouve génial, c’est de montrer par ce biais à quel point la photoshoperie est une nazerie normalisatrice. Il ne m’avait pas échappé que l’œuvre originale est aussi une représentation donc aussi un truc normalisé selon les standards de son époque. Simplement, la réapplication du photoshop là-dessus met à mon goût très bien en perspective la caractère irréel et puissant du photoshopmonde.

      Par ailleurs, ce n’était pas mieux avant amha (mais pas sûr que ce soit mieux maintenant non plus) et je n’apprécie pas beaucoup l’œuvre représentée ci-dessus (mais je crois qu’on s’en bat les sourcils :-p ).

  • L’Europe se remet au charbon | Presseurop (français)
    http://www.presseurop.eu/fr/content/article/831071-l-europe-se-remet-au-charbon

    Le charbon revient, celui qui noircissait les épais brouillards de la révolution industrielle, celui des romans réalistes d’Émile Zola, des cauchemars des petits hommes qui, en Wallonie comme en Sardaigne, descendaient dans le ventre de la terre. Il semblait destiné à l’exil. Et puis l’accident de Fukushima a réécrit l’histoire, relançant une ressource dont il y il a seulement un an l’Europe demandait le bannissement d’ici aux années 2050.

    Toutes les puissances mondiales refont maintenant leurs comptes et leurs plans pour réduire la part du nucléaire parce que l’opinion publique le demande et, en attendant que les énergies renouvelables deviennent vraiment rentables, elles en se tournent à nouveau vers le premier or noir qui, bien que considéré comme une énergie obsolète, éclaire encore aujourd’hui une ampoule électrique sur deux.