person:adèle haenel

  • Notre-Dame-des-Landes : « Nous, cinéastes, appelons à filmer et à défendre ce territoire qui bat et se bat »
    http://www.lemonde.fr/idees/article/2018/05/17/notre-dame-des-landes-nous-cineastes-appelons-a-filmer-et-a-defendre-ce-terr

    Nous, qui travaillons dans le cinéma, avons entendu l’appel en soutien à la ZAD dans le film Vent d’Ouest, d’abord attribué à Jean-Luc Godard puis salué comme une habile parodie. Cela nous rappelle son manifeste de 1970 intitulé Que Faire ?, dont sont tirées ces phrases très connues : « 1. Il faut faire des films politiques. 2. Il faut faire politiquement des films. »

    Ces deux propositions dialectiques constituent les fondations d’un texte magnifique, qui brouille les frontières entre politique et cinéma tout en affirmant la nécessité de préciser nos positions. Car celles-ci se prennent mais ne s’additionnent pas. On ne peut pas être du côté de la police et des manifestants et manifestantes. Faire 1, c’est croire qu’il y a des vrais et des faux films. Faire 2, c’est savoir que la vérité est dans la lutte.

    Alors, si ce film est un faux de Godard, la vérité c’est que nous y avons entendu un appel. La vérité, c’est qu’il y a des expulsions à Notre-Dame-des-Landes, c’est que des personnes qui luttent auront leurs maisons détruites. Des personnes qui se sont battues, des années durant, contre des aménageurs, un aéroport et leur monde, et qui ont gagné. La vérité, c’est que l’Etat s’acharne à détruire des expériences communes, des tentatives d’organisations qui s’inventent encore et toujours, une nature qui se défend et les vies multiples qui l’habitent. Et nous prenons position, en tant que cinéastes.

    Continuité dans les forces de révolte

    Nous sommes au mois de mai 2018. Cinquante ans après, on commémore Mai 68. Et de commémorations en commémorations, on paralyse l’action en la muséifiant. On ignore les réfugiés et réfugiées, les cheminots et cheminotes, les étudiants et étudiantes, les postiers et postières, le personnel médical et la répression quotidienne dans les banlieues. Lors de sa conférence de presse à Cannes, Godard a établi une continuité dans ces forces de révolte, entre Mai 68 et les zadistes aujourd’hui. Alors, soyons présents et agissons avec nos mains, positionnons-nous avec nos yeux, regardons avec nos pieds et imaginons mille manières de vivre. « Faire 2, c’est savoir se servir des images et des sons comme les dents et les lèvres pour mordre. »

    Nous, cinéastes, appelons donc à « mordre », c’est-à-dire à filmer et à défendre ce territoire qui bat et se bat. Car défendre la ZAD lorsque l’on fait du cinéma, c’est défendre une idée de l’expérimentation, c’est défendre un lieu réel qui lutte pour construire des imaginaires, d’autres imaginaires, pour dessiller le regard et supprimer l’agonie.

    Liste des principaux signataires : Julie Bertuccelli (cinéaste) ; Serge Bozon (cinéaste) ; Jean-Stéphane Bron (cinéaste) ; Dominique Cabrera (cinéaste) ; Lou Castel (acteur) ; Jean-Paul Civeyrac(cinéaste) ; Jean-Louis Comolli (cinéaste, écrivain) ; Catherine Corsini (cinéaste) ; Pedro Costa (cinéaste) ; Marina Déak (cinéaste) ; Yann Dedet (monteur, cinéaste) ; Vincent Dieutre (cinéaste) ; Alice Diop (cinéaste) ; Jean-Pierre Duret (cinéaste, ingénieur du son) ; Victor Erice(cinéaste) ; Esther Garrel (actrice) ; Philippe Garrel (cinéaste) ; Miguel Gomes (cinéaste) ; Robert Guédiguian (cinéaste) ; Alain Guiraudie(cinéaste) ; Adèle Haenel (actrice) ; Clotilde Hesme (actrice) ; Aki Kaurismäki (cinéaste) ; Nicolas Klotz (cinéaste) ; Sophie Letourneur (cinéaste) ; Bertrand Mandico (cinéaste) ; Valérie Massadian (cinéaste) ; Mariana Otero (cinéaste) ; Arnaud des Pallières (cinéaste) ; Joao Pedro Rodrigues (cinéaste) ; Elisabeth Perceval (cinéaste) ;Thierry de Peretti (cinéaste) ; Nahuel Pérez Biscayart (acteur) ; Serge Le Péron (cinéaste) ; Joana Preiss (actrice, cinéaste) ; Ben Rivers(cinéaste) ; Jonathan Rosenbaum (critique) ; Ben Russell (cinéaste) ; Thomas Salvador (cinéaste) ; Claire Simon (cinéaste) ; Pierre Trividic (cinéaste, scénariste) ; Paul Vecchiali (cinéaste) ; Akram Zaatari (cinéaste).

    #ZAD #NDDL #Notre-Dame-des-Landes #territoires #cinéma #cinéma_militant

  • J – 19 : C’est dimanche soir dans le monde, une lumière orgiaque de fin de journée dessine de très belles lumières sur le haut des immeubles de la place de la mairie. Sophie Agnel traverse devant moi sans s’en rendre compte, je me porte à sa hauteur, descend mon carreau et fait mine de lui demander le chemin du cinéma, tête de Sophie Agnel qui reprend rapidement ses esprits, un certain talent pour l’improvisation sans doute, et qui me renseigne, le cinéma c’est plus loin. Seul à la maison en ce dimanche soir, j’ai eu envie d’aller voir un film, le seul pas encore vu, et qui faisait un peu envie, sorte de cinéma du dimanche soir, c’était le dernier film d’Arnaud des Pallières, Orpheline .

    Film laborieux. Film prétentieux. Film ennuyeux.

    Laborieux, il faut quasiment une heure à Arnaud des Pallières pour installer véritablement son intrigue - est-ce qu’il n’essaierait pas de nous faire faussement croire à une inexistante complexité de son récit, je suis sans doute bien soupçonneux, peut-être est-il juste pas très fort pour raconter un récit ? -, il faut dire il lui aura fallu beaucoup de temps pour détacher son regard (et le nôtre) des poitrines de ses trois jolies actrices sensées incarner le personnage de Karine/Sandra/Renée, puisque finalement c’est à se demander si ce n’est pas à cela que lui sert ce recours à trois actrices différentes pour interpréter la même femme aux âges de 15, 20 et 30 ans (Solène Bigot, Adèle Exarchopoulos, et Adèle Haenel). On aurait un peu envie de lui offrir une copie téléchargée de La Vie d’Adèle d’Abdellatif Kechiche pour lui montrer que dans ce trio d’actrices, il y en a une qui a déjà fait cela, la traversée des âges, très bien - mais une telle leçon de cinéma ne serait pas très charitable. Quant à l’enchâssement des flashbacks , c’est une véritable montagne qui accouche d’une souris, d’une toute petite souris de rien du tout : une petite fille de sept ou huit ans est témoin, plus ou moins tenue à distance, de la disparition de deux autres enfants disparus lors d’une partie de cache-cache, ses parents immatures ne sauront pas la protéger de cet épisode, la mère abandonnera le foyer, sans doute pour se soustraire à l’alcoolisme et à la violence de son compagnon, la petite fille va grandir, apparemment à l’adolescence cela va être très tumultueux - étonnant non ? -, le début de la jeunesse hyper rock’n’roll - les surprises de la vie sans doute -, au point que, plus tard, elle ne parviendra pas vraiment à se ranger des voitures, poursuivie, et rattrapée, qu’elle sera par une affaire ancienne. Et c’est à peu près aussi complexe que cela, alors vous dire pourquoi cela doit prendre deux heures, je ne saurais pas vous dire, pas plus que de vous expliquer pourquoi pour les personnages masculins on peut n’employer qu’un seul acteur pour plusieurs périodes, mais pas pour le personnage féminin aux si jolies poitrines - je m’excuse pour ce bilan un peu comptable, mais dans le film on pourra voir, en pleine lumière, les poitrines des trois jeunes femmes interprétant le rôle principal, plus celle du personnage de Tara, et sans compter celle de la doublure d’Adèle Haenel, les fesses nues d’Adèle Exarchopoulos, et par deux fois Solène Rigot aura l’immense honneur, une distinction sans doute dans une carrière de comédienne, de mimer une fellation, la contrepartie comptable masculine est plus maigre, un demi-fessier et un entrejambe éclair dans une pénombre à couper au couteau.

    Prétentieux, non content d’accoucher narrativement d’une souris, toute petite souris de rien du tout, Orpheline est un film esthétisant, dont tous les plans et leurs lumières sont léchés, avec force bourrage dans les côtes, vous avez vu comme on est forts, et tel effet de faible profondeur de champ, et telle composition de cadrage, et tel effet de contrejour difracté, une véritable panoplie, par ailleurs coupable de glamorisation des bas-fonds, de la violence aussi, si possible envers les femmes parce que quand même c’est nettement plus photogénique - un parieur endetté reçoit la visite d’un de ses créanciers mafieux, et ce n’est qu’affaire de regards, la jeune femme aux prises avec le même homme s’en prend deux en plein visage (et naturellement elle en redemande et tout aussi naturellement se rue sur la braguette de l’homme qui vient de la frapper deux fois au visage, les femmes, c’est bien connu, aiment, par-dessus tout, qu’on les frappe, ça les rend folles, après vous en faites ce que vous voulez). Naturellement, il y a foison de gros plans avec cadrages à l’avenant, notamment sur les poitrines des jeunes actrices. Je présume que l’emploi des trois actrices pour le même personnage, quatre avec la petite fille, mais là, tout de même, on peut comprendre le recours à une véritable enfant de six-sept ans, a la volonté de nous montrer à quel point les différentes périodes d’une existence sont autant de moi aux formes méconnaissables - j’ai lu quelque part une critique cinématographique officielle qui, sur ce point, prêtait à Arnaud des Pallières des intentions proustiennes, rien que cela, Arnaud des Pallières ne doit plus se sentir, cela aura eu le mérite de me faire pouffer, en ce moment ce n’est pas tous les jours que je pouffe à la lecture de la presse, Marcel Proust et Arnaud des Pallières, les deux grands conteurs du récit interne, François Mauriac lui-même ne s’y serait pas trompé, les critiques officielles des fois.

    Ennuyeux au point de me pousser à regarder ma montre de temps en temps, c’est comme cela que j’ai compris qu’il avait fallu un peu plus d’une heure à Arnaud des Pallières d’installer son intrigue, et d’en faire, finalement, si peu : une femme en proie à des sentiments abandonniques, dont on peut raisonnablement penser qu’ils sont dus à la désertion du foyer par sa mère, à l’âge de six-sept ans, reconduit cette logique d’abandon, heureusement qu’il y a des réalisateurs d’avant-garde comme Arnaud des Pallières pour nous fournir des œuvres de vulgarisation freudienne, sans ça c’est sûr, on comprendrait mal, c’est, j’imagine, pour cette raison aussi que de nombreux passages du récit sont soulignés trois fois en rouge pour être sûr qu’on capte bien, qu’on repère bien les signes avant-coureurs de ce récit tellement maigre au point d’être famélique.

    Et je m’excuse d’en remettre une couche, mais, quand même, est-ce normal que tous les personnages de femmes, les trois âges adultes notamment du personnage principal, soient entièrement dépendantes des hommes et qu’elles soient aussi systématiquement contraintes à faire commerce de leurs corps et de leurs caresses pour pouvoir passer à t’étape suivante de l’existence ? Non, parce que je demande cela dans le but de tenter de faire la différence entre ce film-là et un film érotique des années septante, dans lequel on voit bien que la psychologie des personnages n’a pas été aussi fouillée que les recherches formelles sur le galbe des poitrines des actrices. Et, à vrai dire, j’ai bien du mal à opérer un distinguo.

    Film laborieux. Film prétentieux. Film ennuyeux et, donc, vaguement pornographique. Un enchantement. Vraiment. Si j’osais je dirais que c’est bien un film de dimanche soir que je suis allé voir, mais de deuxième partie de soirée.

    #qui_ca

  • J – 179 : Les frères Dardenne sont des pervers.

    Cela fait des années qu’ils suivent obstinément des jeunes femmes, plutôt jolies d’ailleurs, caméra à l’épaule, jeunes femmes, personnages féminins, qui sont de tous les plans de Rosetta (Emilie Duquesnes), le Silence de Lorna (Arta Dobroshi), le Gamin au vélo (Cécile de France), Deux jours et une nuit (Marion Cotillard) et enfin la Fille inconnue (Adèle Haenel), on verra pour les suivants, — profitant, sournoisement, du petit verre sympathique post rencontre au Kosmos suite à la projection de la Fille inconnue , j’ai abusé de la situation pour leur glisser le nom de deux actrices que j’aime bien, Amira Casar et Vimala Pons, des fois que cela leur donne des idées, n’empêche Amira Casar faisant l’accent liégeois dans un film des frères Dardenne, cela aurait de la gueule, pour Vimala Pons ma fascination est toute récente, alors je ne sais pas encore, je visualise pas encore très bien, encore que pour Vimala Pons, je pense qu’elle ferait un très bon duo avec Jérémie Régnier, une autre constante des Dardenne Bros , des personnages masculins troubles, interprétés invariablement par Olivier Gourmet (qui pourrait cumuler dans le même film, son talent n’a pas de limite, d’être à la fois l’amant attentionné d’Amira Casar et le père abusif de Vimala Pons), Jérémie Régnier ou encore Fabrizio Rongione (qui lui ferait un duo impeccable avec Amira Casar) qui poursuivent, de surcroît, de leurs assiduités des personnages féminins qui ont déjà fort à faire pour se soustraire de la poursuite opiniâtre de la caméra. En revanche, passé les hauts de cœur que nécessairement provoque une telle perversion harcelante de ces jeunes comédiennes, on est obligé de se rendre compte, cette fois encore, qu’on peut raconter bien des récits, et une grande variété de ces récits, avec cette forme un peu particulière de cinéma harcelant de ses jeunes comédiennes. J’ai l’air de dire cela en rigolant — un peu quand même — mais chères Amira et Vimala, lorsque que vous allez bientôt recevoir, suite à mon insistance l’autre soir au Kosmos , les propositions de rôles des Dardenne, faudra être en forme, vous serez de tous les plans et tout le film reposera sur vos épaules — et d’ailleurs ils sont où les autres cinéastes contemporains qui misent pareillement tout sur leurs personnages féminins ?

    Et c’est quand même extraordinaire ce qu’ils arrivent à dire avec cette seule forme, ce qu’ils arrivent à dire du contrat social contemporain, de sa déliquescence, de la justice et de l’injustice, de la culpabilité et de la part de soi qui construit cette culpabilité, de la détermination de chacun, de son libre arbitre et des choix que l’on fait, de ce que c’est le vivre-ensemble et ce que cela suppose de renoncements, d’efforts mais aussi de pertes et de ce qu’on y gagne aussi, au-delà de la nécessité, de la différence aussi, c’est un vrai cours de philosophie en fait, sans avoir d’ailleurs à beaucoup apprendre la leçon, la leçon est tellement magistrale qu’elle agit quasiment à nos dépens, ce serait dangereux si cette leçon n’était pas profondément humaine et humaniste.

    Il y a décidément dans l’écriture des frères Dardenne une dramatique admirable dont la toile de fond, en plus de cette forme un peu particulière dans son point de vue harcelant du personnage principal, est constante, les faubourgs de Liège, dont, quand les frères Dardenne auront achevé leur carrière, le plus tard possible, leurs spectateurs disposerons d’une radiographie parfaite de cet environnement, les usines, ses marges, la pègre locale, les tribunaux, le salon de coiffure, l’orphelinat, la grande distribution et les grands ensembles qui accueillent les employés, le cabinet du médecin, le commissariat de police, et au-delà de cet environnement, les personnes qui le peuplent, tous irréductibles, aucun que l’on pourrait mettre de côté impunément, même pas une réfugiée condamnée à la prostitution, et dont personne ne connait l’identité, tous comptent, et d’une force, cette force qui est propre aux frères Dardenne qui ne néglige personne, chaque personnage fouillé, parfaitement justifié. Etonnant de voir à quel point une somme, un corpus, de fictions, finit par constituer une œuvre quasi documentaire, historique presque, ce qui n’est pas rien pour une œuvre de fiction.

    Exercice #28 de Henry Carroll : Ajoutez une photographie à la série les Américains de Robert Frank (sic)

    Ce n’est pas tellement le choix d’une telle image qui serait difficile à faire, j’ai, en effet, le sentiment que presque toutes les photographies que j’ai prises aux Etats-Unis répondent à cet exercice, j’imagine que la vraie difficulté ce serait de trouver à quel endroit de la séquence des Américains on peut intercaler de telles images.

    #qui_ca