person:akim oualhaci

  • Akim Oualhaci, « Se faire respecter. Ethnographies de sports virils dans des quartiers populaires en France et aux États-Unis »
    http://journals.openedition.org/lectures/22350

    Les regards socio-anthropologiques sur les activités physiques et sportives sont armés de nombreuses enquêtes de terrain, en France et ailleurs dans le monde, depuis une cinquantaine d’années au moins. Les théories mobilisées sont désormais plurielles, après avoir longtemps prolongé, pour l’essentiel en France, les approches bourdieusiennes ou relevant d’une critique radicale. Dans cet ouvrage qui propose une ethnographie multi-site, Akim Oualhaci explore, largement dans le sillage de Loïc Wacquant mais pas uniquement, les dispositions d’engagement de jeunes adultes résidant dans des quartiers populaires dans des pratiques de #boxe anglaise et de bodybuilding aux USA, et de boxe thaïlandaise en France. Trois salles ad hoc ont été l’objet d’une observation, deux à New York et une en banlieue parisienne. Trois parties égrènent la restitution d’un travail réalisé dans le cadre d’une thèse soutenue en 2011.

    La première partie se centre sur les #corps masculins modifiés et stylisés par les pratiques de combat et de renforcement musculaire hyperbolique. Dans « ces quartiers urbains marginalisés [sic] », la #virilité populaire gagne une respectabilité tout d’abord locale, entre pairs, pour éventuellement s’étendre hors du quartier par l’intermédiaire des rencontres sportives. La place des femmes y est réduite, et le rapport au corps devient le vecteur d’une construction identitaire positive à force de rigueur, de codes valorisant le respect du travail, des partenaires d’entrainement et des adversaires.

    La seconde partie explore les rapports de domination et la prise d’autonomie via la carrière combattante, qu’elle soit professionnelle ou amateure. Selon l’auteur, paradoxalement, les transformations corporelles naturalisent les stéréotypes raciaux (les Noirs des ghettos américains sont musculeux alors que les Noirs-Maghrébins banlieusards français sont violents). Le travail corporel effectué avec ardeur par ces jeunes adultes vise à les rendre respectables, voire estimables, au moins dans l’entre-soi populaire. La #violence y est fortement contrôlée, éloignant d’autant les bagarres de rue et les comportements déviants fortement stigmatisés à l’intérieur des espaces enquêtés. Comme le défend Stéphane face à l’enquêteur : « J’essaye de leur faire comprendre, à ceux qui pensent que la boxe thaï est un sport de voyous, que c’est un sport avec des codes et beaucoup de respect… choses que les voyous ne connaissent pas ».

    La dernière partie de l’ouvrage, dont la lecture est agréable, défend la thèse d’une conformisation aux normes légitimes de ces populations populaires, notamment de cette jeunesse considérée indûment comme violente et déviante, par l’œuvre des entraineurs ou des anciens combattants qui leur transmettent des connaissances techniques mais aussi éthiques, patiemment et fermement. Les ethnographies montrent comment l’engagement de ces jeunes hommes dans des pratiques corporelles qui forgent à donner et recevoir des coups, à prendre une carapace musculaire plus importante (vecteur d’une place sociale désirée), devient progressivement, à force de méthode et de rigueur, une véritable école de la vie… dominée.

    #livre via @prac_6

    • Non ce n’est pas vraiment expliqué et je ne vois toujours pas le rapport avec le masculinisme. Si on le définit grosso modo comme un anti-féminisme militant c’est quoi le rapport ?
      Que tu parles de domination masculine comme elle existe partout certes, même si ça ne semble pas être le propos du livre (je peux me tromper étant donné que je ne l’ai pas lu). Mais parler de « masculinisme » WTF !
      Le milieu des sports de combat et des arts martiaux est un milieu que je connais et côtoie en tant que pratiquante depuis des années, qui plus est dans les quartiers populaires. Les motivations profondes qui traversent ces pratiques ne sont pas liées de façon prégnante à la question de la domination femmes/hommes. Les hommes ne s’entraînent pas à taper sur des sacs pour mieux défoncer leur meuf, il n’y a pas un projet derrière tout ça. Les conséquences sur ces relations peuvent paradoxalement aussi être des relations de rencontre, de séduction à la marge, autour des événements organisés par les clubs, autour des entraînements en commun, même si les gars sont toujours majoritaires en nombre.
      Les clubs sont incités à avoir une mixité de genre par les municipalités (ce qui favorise les subventions) tout comme pour les combattantes compétitrices. C’est logique : le discours politique présente toujours les mecs des cités comme des gros sexistes violents donc ces clubs ont des coercitions qui n’existent pas pour les clubs des autre types de quartiers.
      Après, ça arrive que quand tu débarques dans un cours au début les gars ne veulent pas s’entrainer avec toi, tout comme avec un gars débutant qui a l’air pas doué mais pour les meufs c’est pour toutes quel que soit leur niveau. C’est forcément lié à du mépris de genre mais j’ai connu la même chose quand j’ai fait une formation en informatique où il y avait très peu de meufs : c’est toujours comme ça quand tu es dans un milieu majoritairement masculin, ce n’est en rien spécifique au milieu des sports de combat.
      Tout ceci rend les choses beaucoup plus complexes que ça en a l’air.
      Fondamentalement ce type de questions devrait être traité par une meuf qui ferait une recherche sur le terrain en interrogeant d’autres meufs. Mais la problématique serait différente, ça ne parlerait pas du même sujet.
      J’ai l’impression qu’il y a un gros problème ici parmi certaines de vous dès qu’il y a un sujet abordé et que les relations de domination hommes/femmes n’y sont pas forcément évoquées. Moi j’en ai rien à battre en tant que féministe que les gars qui font une recherche ne parlent pas des relations avec les femmes, je préfère même qu’ils n’en parlent pas. C’est à nous de prendre la parole sur nous mêmes, les premières concernées. Pourquoi attendez-vous que ce soit les mecs qui mettent nos problématiques au centre ?
      Quand dans sa critique, Carine Guérandel dit que le livre « n’aborde pas la question des relations quotidiennes entre les hommes et les femmes » (qui est un sujet totalement différent d’ailleurs) ben ça ne m’étonne pas et ça ne me choque absolument pas. J’irais même dire que ça me rassure quelque part. À chacun·e son taf !

    • Tiré d’une interview d’Elsa Dorlin dont je n’ai pas lu le livre Se défendre, une philosophie de la violence :

      En France, vous avez repéré des mouvements d’autodéfense dans les quartiers ?
      Il y a une grande pratique de l’autodéfense et de l’ascèse martiale dans les quartiers ségrégués visés par le harcèlement policier : des corps s’entraînent, s’entraînent, s’entraînent… On adopte des postures corporelles très affirmées. Les arts martiaux ont une place importante dans la culture populaire. Le fait même de rester calme quand on est contrôlé trois fois par jour, c’est de l’autodéfense. Tout est fait pour cantonner ces corps qui s’entraînent et, surtout, éviter la confrontation. On a souvent décrit des régimes de domination qui ont pour modalité la répression sur les corps. Mais il y a une autre modalité de répression : différer sans cesse l’affrontement. Que ce soit par l’isolement géographique, par la mise en place de terrains de foot comme seules infrastructures publiques, d’exutoire. L’entraînement est une forme de ressassement mais c’est aussi une forme d’ascèse, c’est cultiver la révolte, se remodeler soi-même comme sujet politique. Refaire corps, c’est déjà de l’autodéfense.

      http://www.liberation.fr/debats/2017/12/08/elsa-dorlin-le-ju-jitsu-est-utile-contre-la-police-contre-les-maris-les-p

  • Sports virils et hommes « respectables » dans les quartiers populaires - Métropolitiques
    http://www.metropolitiques.eu/Sports-virils-et-hommes-respectables-dans-les-quartiers-populaires.h

    C’est tout l’intérêt de l’ouvrage que de faire la démonstration empirique de l’ambivalence des effets de la #socialisation sportive de cette jeunesse masculine des quartiers paupérisés et stigmatisés. En décrivant finement la manière dont « les pratiques étudiées oscillent entre #émancipation et ajustement à la position dominée » (p. 106), l’enquête menée par Akim Oualhaci montre bien qu’il existe au sein de ces espaces sportifs une tension entre la culture populaire et la culture légitime. Perçues par les enquêtés comme des « écoles de la vie », les pratiques sportives étudiées sont à la fois des « bastions de sociabilité masculine populaire au moment où le mouvement ouvrier et ses institutions se désagrègent et se “privatisent” » (p. 322) et des espaces où se desserre « l’étau d’un destin social cloisonné » (p. 9). Autrement dit, elles valorisent la force physique et les valeurs de #virilité – par ailleurs disqualifiées, voire racialisées – et, dans le même temps, elles permettent l’acculturation des pratiquants à une culture légitime par l’intériorisation de certaines normes, en introduisant notamment un nouveau rapport au corps, à la santé, à l’esthétisme des techniques et à l’avenir. Pour autant, les pratiquants se heurtent au manque de légitimité des capitaux accumulés dans les autres sphères du social, comme sur le marché de l’emploi. La socialisation sportive contribue ainsi à la construction d’un capital culturel incorporé et d’un capital social qui tend à maintenir ces jeunes sportifs à distance de la « rue » et participe de leur autonomie, tout en restant ajustée à leur « culture populaire ». En ce sens, elle favorise avant tout la « réorganisation des formes de sociabilité populaire mises à mal par la désindustrialisation » (p. 322).

    • Par ailleurs, l’auteur, s’il étudie la construction de la virilité dans des sports majoritairement investis par des hommes et les effets de la présence de quelques femmes sur les sociabilités populaires, n’aborde pas la question des relations quotidiennes entre les hommes et les femmes. Or « la masculinité » [5] – à comprendre de manière relationnelle et comme constitutive des rapports sociaux de genre (Connell 2014) – génère un certain rapport aux femmes qui s’exprime aussi dans les interactions avec l’autre groupe de sexe (Goffman 2002).

      Comme d’habitude dans l’étude « des masculinités », la domination des hommes sur les femmes est effacée. Ici le reproche fait à la culture viril du sport c’est que ca normalise la hiérarchie intramasculine.
      #virilité #domination_masculine #classisme #racisme #mâle-alphisme

    • C’est exactement pour cela que j’ai référencé ce papier : l’invisibilisation des femmes dans ce processus me semblait monstrueusement porteuse de sens, comme le fait que la virilisation des pratiques sportives impliquent le surinvestissement dans les infrastructures dédiées aux sports « masculins » et donc la minoration des espaces « féminins », non seulement dans les pratiques du corps, mais carrément dans toute la structure de la ville.

  • De l’usine au ring, le rituel de la virilisation - Libération
    http://www.liberation.fr/sports/2017/10/14/de-l-usine-au-ring-le-rituel-de-la-virilisation_1602999

    Pourquoi les sports dits « virils » connaissent le succès dans les quartiers populaires ? Ils ont remplacé l’usine, avance le sociologue Akim Oualhaci.

    (...) dans l’espace des salles où j’ai enquêté, les pratiquants peuvent se transformer assez rapidement en véritables ascètes. Très vite, des jeunes, sans être compétiteurs, s’astreignent à une rigueur extrême, tant au niveau corporel (cadence d’entraînement, travail musculaire, alimentation, footing) qu’au niveau mental (courage, endurance, persévérance) en basculant d’un mode de vie peu contraint à une routine ultracadrée. Indéniablement, il y a une volonté de donner un sens au contexte de vie et aux conditions socio-économiques plus difficiles que dans des milieux plus aisés – une recherche de dignité et de reconnaissance qu’il est possible de trouver dans une salle de sport. Dans les quartiers populaires, l’ascétisme – c’est une hypothèse à creuser – pourrait aussi être lié à la figure du père. Le papa ouvrier dur au mal, qui bosse toute sa vie, qui souffre en silence, qui s’octroie peu de plaisirs. Un héritage de la culture ouvrière d’antan et surtout, de la représentation que les plus jeunes s’en font : pour être un homme, il faudrait savoir souffrir.

    (...) Vos travaux rendent aussi compte d’une tendance : à certains égards, la culture populaire, à travers l’exemple des sports de combat, tend à se gentrifier…

    Cette tendance s’observe à travers un nouveau rapport au corps et à la santé. Il y a vingt ans, après l’entraînement, les pratiquants allaient dans la foulée manger un frites-merguez en France ou du fried chicken aux Etats-Unis sans se focaliser sur leur bedaine. Dans les clubs où j’ai enquêté, on entend désormais des propos assez réfléchis sur ce qu’il faut avaler avant et après les entraînements (pas de gâteaux, pas de boissons gazeuses, etc.), y compris dans la bouche de novices. Ces considérations étaient auparavant réservées aux compétiteurs. Idem pour les motivations : avant, on allait à la salle pour cogner dur. Dorénavant, il est de plus en plus question de bien être, de ligne, de souplesse, de cardio. Depuis le début des années 2000, le profil des pratiquants a évolué. Ils sont plus diplômés, sortent beaucoup plus facilement du quartier. Certains ont déjà un emploi voire, pour les plus âgés, sont en ménage.

    L’essort de la pratique de la musculation, une activité (propédeutique ?) de taulard ? Le passage par ce lieu disciplinaire étant programmé, un aléa probable qui exige préparation.

    #sport #boxe #masculinité #corps_et_âme #culture_populaire #virilisation #violence_sociale