Le billet d’Yves Gonzalez-Quijano sur le feuilleton Omar, au travers du prisme du « nationalisme religieux » est tout à fait passionnant :
►http://cpa.hypotheses.org/3706
Yves commence par rappeler l’alliance entre le Qatar et l’Arabie séoudite pour armer la rébellion en syrie, et il écrit :
Aujourd’hui, tout à leur zèle révolutionnaire, les deux puissances pétrolières ont donc imaginé une nouvelle alliance dans le domaine de la diplomatie d’influence en coproduisant (via QatarTV et la chaîne MBC) cette énorme « machine de guerre » médiatique qu’est la superproduction de ramadan sur la vie d’Omar ibn al-Khattab, le second calife.
Il indique que le feuilleton est assez transparent sur le fait qu’il utilise un personnage religieux pour promouvoir un « nationalisme religieux » contemporain :
Tandis que la toute-puissante voix publicitaire qui débite le commentaire de la vidéo ouvre son message par la nécessité, très politique, d’écrire soi-même son Histoire, conseil qui bien évidemment s’adresse moins aux musulmans (sans majuscule, ce n’est pas un peuple) qu’aux Arabes, les divers éléments narratifs (images, voix off, incrustations textuelles, montage…) multiplient les références strictement islamiques…
voix off qui dit très explicitement :
Plus que jamais, nous avons besoin de pareilles sources d’inspiration, et il ne s’agit pas de laisser le soin à d’autres d’écrire cette Histoire…
Mais qui sont ces « autres » qui seraient tentés d’« écrire cette Histoire » ? Qui donc serait tenté d’écrire l’histoire du deuxième calife (à la place du calife ?).
Yves suggère bien que la série aura du mal à toucher les non-musulmans, il évoque « ces pays de mosaïques confessionnelles fragiles, avec notamment d’importantes minorités chrétiennes ». Mais le problème d’une série sur Omar ibn al-Khattâb n’est pas qu’elle ne s’adresse pas aux chrétiens, mais que le personnage est au cœur du clivage entre chiites et sunnites.
On n’est pas du tout dans la grande série fédérant les musulmans pour le ramadan, mais dans un sujet qui divise à coup sûr chiites et sunnites. Pas seulement en provoquant le rejet chiite (qui ne se reconnaissent pas dans Omar), mais aussi du côté sunnite, qui sont abreuvés de dénonciations des chiites (au motif justement que ceux-ci détesteraient Omar). Les forums sunnites intégristes sont bourrés de textes hystériques sur le sujet (la « haine » des chiites pour Omar et Aïcha). On est dans le sujet ultra-clivant par excellence.
À qui ne faudrait-il pas laisser le soin d’« écrire cette Histoire » d’Omar, si ce n’est justement aux chiites ? Qui d’autre que des chiites et des sunnites seraient « tentés » de le faire ?
La limite de cette série n’est donc pas qu’elle propose un nationalisme qui écarte les arabes non musulmans, mais carrément qu’elle propose un nationalisme purement sunnite, basé sur un personnage qui provoque systématiquement la dénonciation de l’« hérésie » chiite. Difficile d’imaginer pire sujet pour provoquer de l’agitation confessionnelle.
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Pour revenir au premier paragraphe du billet de CPA, qui rappelle que les deux pays producteurs de cette série, le Qatar et l’Arabie séoudite, sont aussi ceux qui arment la rébellion syrienne, il n’est pas inintéressant de noter que le surnom donné par les sunnites au calife Omar est « Al Farouq ».
Et « Al Farouq » est le nom d’une des principales brigades de l’Armée syrienne libre (logo avec deux sabres et un lettrage blanc sur fond noir). Brigade qui combat l’« hérésie » alaouite (systématiquement considérée comme chiite) en Syrie…