person:alain bertho

  • Chroniques de la couleur

    Une grosse recension de textes (et autres médias) sur les Gilets Jaunes.

    Les liens cliquables sont par là :
    http://inter-zones.org/chroniques-de-la-couleur

    –—

    Sophie Wahnich : Les gilets jaunes et 1789 : Résurgences révolutionnaires, 18 Décembre 2018

    Achille Mbembe : Pourquoi il n’y aura pas de gilets jaunes en Afrique, 18 décembre 2018

    Michalis Lianos : Une politique expérientielle – Les gilets jaunes en tant que peuple, 17 décembre 2018

    Fanny Gallot : Les femmes dans le mouvement des gilets jaunes : révolte de classe, transgression de genre, 17 décembre 2018

    Stéphane Zagdanski : Réflexions sur la question jaune, 17 décembre 2018

    Yves Pagès : Bloqueurs de tous les ronds-points, rions jaune… et ne cédons rien, 17 décembre 2018

    Alessandro Stella : Gilets jaunes et Ciompi à l’assaut des beaux quartiers, 16 décembre 2018

    Juan Chingo : Gilets jaunes : Le retour du spectre de la révolution, 16 décembre 2018

    Pierre-Yves Bulteau : À Saint-Nazaire : Je ne suis pas en lutte, je suis une lutte, 15 décembre 2018

    Florence Aubenas : Gilets jaunes : La révolte des ronds-points, 15 décembre 2018

    Sarah Kilani et Thomas Moreau : Gilets jaunes : Pour la gauche, l’antifascisme ne doit pas être une option, 15 décembre 2018

    Anonyme : Danse imbécile ! Danse ! Notes sur le mouvement en cours, 14 décembre 2018

    Jean-Baptiste Vidalou : L’écologie du mensonge à terre, 14 décembre 2018

    Toni Negri : Chroniques françaises, 14 Décembre 2018

    David Graeber : Les gilets jaunes font partie d’un mouvement révolutionnaire plus large, 14 décembre 2018

    Jérôme Ferrari : On fera de vous une classe bien sage, 13 décembre 2018

    Etienne Balibar : Gilets jaunes : Le sens du face à face, 13 décembre 2018

    Jérôme Baschet : Pour une nouvelle nuit du 4 août (ou plus), 13 décembre 2018

    Andreas Malm : Ce que le mouvement des gilets jaunes nous dit du combat pour la justice climatique, 13 décembre 2018

    Collectif : Communiqué de la coordination de Saint-Lazare, 12 décembre 2018

    Michèle Riot-Sarcey : Les gilets jaunes ou l’enjeu démocratique, 12 décembre 2018

    Mathieu Rigouste : Violences policières : Il y a derrière chaque blessure une industrie qui tire des profits, 12 décembre 2018

    Leslie Kaplan : Un monde soudain devenu injustifiable aux yeux de tous, 12 décembre 2018

    Pierre Dardot et Christian Laval : Avec les gilets jaunes : Contre la représentation, pour la démocratie, 12 décembre 2018

    Jacques Rancière : Quelle égalité de la parole en démocratie ? 12 décembre 2018

    Collectif : Gilets jaunes : Une enquête pionnière sur la révolte des revenus modestes, 11 décembre 2018

    Cédric Durand et Razmig Keucheyan : Avec les gilets jaunes, pour une nouvelle hégémonie, 11 décembre 2018

    Cédric Durand : Le fond de l’air est jaune, 11 décembre 2018

    Joshua Clover : Les émeutes des ronds-points, 11 décembre 2018

    Joao Gabriell : À propos du discours de Macron du 10 décembre, 11 décembre 2018

    Femmes en lutte 93 : Acte V Gilets jaunes : La place des femmes et LGBT est dans la lutte, 10 décembre 2018

    Michelle Zancarini-Fournel : Le mouvement des gilets jaunes favorise la cohésion intergénérationnelle des milieux populaires, 10 décembre 2018

    Syllepse : Gilets jaunes : Des clefs pour comprendre, 10 décembre 2018

    Annie Ernaux : Il n’y a pas de nouveau monde, ça n’existe pas, 9 décembre 2018

    Alain Bertho : Il ne s’agit pas d’un simple mouvement social, 8 décembre 2018

    Jérôme Baschet : Lettre à celles et ceux qui ne sont rien, depuis le Chiapas rebelle, 8 décembre 2018

    Raoul Vaneigem : Les raisons de la colère, 8 décembre 2018

    Laurent Mucchielli : Deux ou trois choses dont je suis presque certain à propos des gilets jaunes, 8 décembre 2018

    Les Gilets Jaunes de St Nazaire et leur Maison du Peuple, 7 décembre 2018

    Appel des gilets jaunes de Commercy à la formation d’assemblées populaires, 7 décembre 2018

    Lundimatin : Ici La Réunion ! 7 décembre 2018

    Pierre Bance : L’heure de la commune des communes a sonné ! En soutien à l’appel de Commercy, 7 décembre 2018

    Alèssi Dell’Umbria : Marseille, Debout, Soulève-toi ! 7 décembre 2018

    Eric Hazan : Paris n’est pas un acteur, mais un champ de bataille, 7 décembre 2018

    Rafik Chekkat : À Mantes-la-Jolie, domination policière et humiliation de la jeunesse, 7 décembre 2018

    Etienne Penissat et Thomas Amossé : Gilets jaunes : des automobilistes aux travailleurs subalternes, 6 décembre 2018

    Plateforme d’Enquêtes Militantes : Une situation excellente ? 6 Décembre 2018

    Alain Bertho : Gilets jaunes : Crépuscule du parlementarisme, 6 décembre 2018

    Frédéric Gros : On voudrait une colère, mais polie, bien élevée, 6 décembre 2018

    Danielle Tartakowsky : Les gilets jaunes n’ont rien de commun avec Mai 68, 6 décembre 2018

    Ballast : Gilets jaunes : Carnet d’un soulèvement, 5 décembre 2018

    Frédéric Lordon : Fin de monde ?5 décembre 2018

    Eric Toussaint : Gilets jaunes : Apprendre de l’histoire et agir dans le présent - Des propositions à ceux et celles qui luttent, 5 décembre 2018

    Grozeille, Que leur nom soit Légion : À propos des gilets jaunes, 5 décembre 2018

    Samuel Hayat : Les Gilets Jaunes, l’économie morale et le pouvoir, 5 décembre 2018

    Sophie Wahnich : La structure des mobilisations actuelles correspond à celle des sans-culottes, 4 décembre 2018

    Stefano Palombarini : Les gilets jaunes constituent une coalition sociale assez inédite, 4 Décembre 2018

    Édouard Louis : Chaque personne qui insultait un gilet jaune insultait mon père, 4 décembre 2018

    Chantal Mouffe : Gilets jaunes : Une réaction à l’explosion des inégalités entre les super riches et les classes moyennes, 3 décembre 2018

    Yves Pagès : La façade du triomphalisme macronien ravalée à l’aérosol par quelques bons-à-rien, 3 décembre 2018

    Yannis Youlountas : Cours, gilet jaune, le vieux monde est derrière toi ! 3 décembre 2018

    Les Lettres jaunes, Bulletin de lecture quotidien des Gilets Jaunes, pour aller plus loin ! 3 décembre 2018

    Alain Bihr : Les gilets jaunes : pourquoi et comment en être ? 2 décembre 2018

    Gérard Noiriel : Pour Macron, les classes populaires n’existent pas, 2 décembre 2018

    Temps critiques : Sur le mouvement des Gilets jaunes, 1 décembre 2018

    Zadibao : Climat jaune et changement de gilet, 30 novembre 2018

    Plateforme d’Enquêtes Militantes : Sur une ligne de crête : Notes sur le mouvement des gilets jaunes, 30 novembre 2018

    Lundimatin : Le mouvement des Gilets Jaunes à la Réunion, 29 novembre 2018

    Sophie Wahnich : Postérité et civisme révolutionnaire, 28 novembre 2018

    Le comité Adama rejoint les gilets jaunes : Ce n’est pas une alliance au prix d’un renoncement politique, 27 novembre 2018

    Comité Adama : Si nous voulons changer notre destin, nous devons lutter dans la rue, 26 novembre 26

    Bruno Amable : Vers un bloc antibourgeois ? 26 novembre 2018

    Benoît Coquard : Qui sont et que veulent les gilets jaunes ? 23 novembre 2018

    Félix Boggio Éwanjé-Épée : Le gilet jaune comme signifiant flottant, 22 novembre 2018

    Anshel K. et Amos L. : Les amours jaunes, 21 novembre 2018

    Les Chroniques de La Meute, 18 novembre 2018

    Aurélien Barrau : À propos de la manif du 17 novembre, 15 novembre 2018

  • Auteurs d’un journal satirique, des collégiens sont convoqués devant le TGI d’Albi - 08/06/2018 - ladepeche.fr
    https://www.ladepeche.fr/article/2018/06/08/2814070-quand-humour-collegiens-passe-mal-manque-finir-tribunal-albi.html

    Cinq élèves du collège du Val-Cérou, à Cordes-sur-Ciel, dans le Tarn, ont été convoqués devant le tribunal de grande instance d’Albi suite à une plainte de deux membres du corps enseignant. Au cœur de la discorde  : un petit journal satirique réalisé par les collégiens.

    Peut-on encore rire de tout  ? Des collégiens de l’établissement du Val-Cérou peuvent, pour leur part, répondre que non.

    L’an passé, à la fin du mois de mai 2017, alors qu’ils se trouvent en permanence, des collégiens s’amusent à rédiger un journal satirique. Ils y parlent de politique, de sport ou de culture. Marine Le Pen en prend pour son grade, Emmanuel Macron aussi. L’équipe enseignante est également la cible de leurs critiques et est source d’inspiration pour les adolescents… « Des histoires de gamins », pour le père d’un garçon incriminé, de « l’humour potache », pour le maire de la ville, Paul Quilès.

    Les collégiens ont présenté leurs excuses fin mai 2017
    C’est alors qu’un des surveillants présents intercepte le canard et le photocopie. Le conseiller principal d’éducation (CPE) et le corps enseignant sont mis au courant. Certaines blagues ne passent pas, et les élèves se retrouvent aussitôt dans le bureau du principal, Pascal Précigou. Ceux-ci présentent leurs excuses, et l’un d’eux écrit même une lettre à ses professeurs. Ils assurent que l’exemplaire, unique de surcroît, n’avait pas été diffusé en dehors de leur cercle d’amis, ni publié sur les réseaux sociaux ou internet. Certains parents apprennent l’incident par leurs enfants et pensent alors que cela a été réglé par la réprimande du directeur. D’autres ne le découvriront que plus tard, en recevant la convocation des gendarmes.

    « S’il y a un problème avec un gamin, la moindre des choses pour la direction c’est d’appeler les parents », déplore Frédéric Masselin, le père d’un des enfants convoqués, qui fustige le « manque de communication de la direction ».

    Une plainte déposée pour « injure non publique »
    L’histoire aurait pu s’en arrêter là. Mais au lieu de cela, le CPE et sa belle-sœur, professeur d’allemand au collège, décident de porter plainte pour « injure non publique ». La machine est lancée.

    À la fin du mois de juin 2017, les collégiens reçoivent des convocations à la gendarmerie de Cordes-sur-Ciel pour s’expliquer. Les militaires transmettent le résultat des dépositions au parquet. Et voilà que, près d’un an après, les enfants reçoivent de nouveau une convocation, cette fois du délégué du procureur. Avec pour certains, des rendez-vous la veille de leur examen du brevet.

    Alors que l’affaire est révélée un mercredi par Le Canard enchaîné, un nouveau rebondissement intervient le lendemain.

    « J’ai reçu une annulation de la convocation en date du 1er juin. J’ai appelé le tribunal pour savoir si c’était une annulation définitive ou si c’était juste un report, personne ne peut me répondre », regrette M. Masselin.

    Alain Berthomieux, le procureur de la République d’Albi, explique, quant à lui, avoir fait « annuler les convocations car elles étaient à la veille d’un examen ». Et d’ajouter  : « Ce dossier sera réexaminé ultérieurement ».

    La direction de l’établissement n’a pas souhaité répondre à nos questions. L’inspection académique du Tarn ne communique pas encore. 

    Le syndicat des enseignants Unsa, au travers sa secrétaire départementale, Cécile Alibert, souligne que « les faits reprochés aux enfants sont assez graves ».

    Pour autant, relèvent-ils de l’injure non publique et donc, sont-ils constitués juridiquement  ? C’est une autre histoire, dans la mesure où les personnes visées n’étaient pas censées lire le « journal » incriminé, qui n’avait pas pour but de les blesser.

    Quoi qu’il en soit, l’émotion suscitée par sa découverte inoppinée révèle au moins une chose selon la syndicaliste  : « Il y a des collègues qui sont en souffrance. »

    Ce qui a mis le feu aux poudres
    Sur la fameuse double page rédigée par les jeunes, on pouvait par exemple lire  : « La classe de 4e L fait un arrêt cardiaque général suite à l’exercice impossible de géographie ». 

    Un bulletin météo fait état « d’une sévère pluie de grêlons (sperme gelé) "qui" se serait abattue sur le Tarn suite à une éjaculation précoce du CPE ».

     On y parle aussi d’une prof « analphabète » et d’Emmanuel Macron qui « a fait son premier caca à l’Elysée ». 

    Marine Le Pen, devenue « Marine Lapine » y est également évoquée dans une caricature qu’une légende précise  : « Le peuple français a évité le pire. »

    Qu’est-ce qu’une injure non publique ?
    L’injure non publique est celle qui est :

    – soit adressée par son auteur à sa victime sans qu’aucune tierce personne ne soit présente (par exemple, dans un SMS),

    – soit prononcée par son auteur devant un cercle restreint de personnes partageant les mêmes intérêts, en la présence ou en l’absence de la victime.

    Les membres de ce cercle restreint étant tous liés par un même élément, qui peut être la relation professionnelle, ou familiale, ne sont considérés comme des tiers par rapport à l’auteur de l’injure et à la victime. Par exemple, les injures entre conjoints au domicile familial, ou celles prononcées lors d’un comité d’entreprise ne sont pas publiques, car prononcées devant un nombre restreint de personnes appartenant à une même instance.

    Dans certains cas, les injures prononcées sur un réseau social peuvent être considérées comme non publiques. Si l’injure a été diffusée sur un compte accessible uniquement à un nombre restreint d’"amis" sélectionnés par l’auteur des propos, il s’agit d’une injure non publique.

    Source : www.service-public.fr

    #école #collégiens #atelier_d'écriture #humour #injure_non_publique #Justice #vivelafrance

  • La commande vocale, machine à casser les salariés | Alternatives Economiques
    https://www.alternatives-economiques.fr/commande-vocale-machine-a-casser-salaries/00080734

    Un sérieux accroissement des risques pour la santé des salariés. C’est le bilan que l’on peut tirer de l’accentuation des exigences de productivité et des innovations technologiques qui ont accompagné le développement rapide des plates-formes logistiques. L’aspect le plus manifeste de cette dégradation des conditions de travail concerne les atteintes de l’appareil locomoteur, en lien avec l’activité de manutention. Dans les plates-formes, le travail des préparateurs de commandes combine des tâches de « dépalettisation » - prélever des produits en stock - et de « repalettisation » - construire une palette qui correspond à la commande du client. La hauteur de prise et de dépose des colis varie du niveau de la palette, posée au sol, jusqu’à 1,80 m.

    #attention_danger_travail #rage_against_the_machine

    • L’article en entier :

      Conditions de travail La commande vocale, machine à casser les salariés
      Philippe Davezies 29/09/2017


      Un sérieux accroissement des risques pour la santé des salariés. C’est le bilan que l’on peut tirer de l’accentuation des exigences de productivité et des innovations technologiques qui ont accompagné le développement rapide des plates-formes logistiques. L’aspect le plus manifeste de cette dégradation des conditions de travail concerne les atteintes de l’appareil locomoteur, en lien avec l’activité de manutention. Dans les plates-formes, le travail des préparateurs de commandes combine des tâches de « dépalettisation » - prélever des produits en stock - et de « repalettisation » - construire une palette qui correspond à la commande du client. La hauteur de prise et de dépose des colis varie du niveau de la palette, posée au sol, jusqu’à 1,80 m.

      L’intensité du travail a augmenté avec l’introduction de systèmes de guidage par reconnaissance vocale, ou voice picking.

      L’intensité de ce travail a augmenté avec l’introduction de systèmes de guidage par reconnaissance vocale, ou voice picking en anglais : un ordinateur dicte au préparateur les actions qu’il doit effectuer. Ces systèmes visent à « libérer » les mains du préparateur, en le déchargeant de tâches de gestion qu’il assurait antérieurement. Résultat : la part de manutention dans l’activité et le nombre de colis manipulés par heure ont augmenté. L’usage de primes individuelles de productivité contribue aussi à cette accélération. Les préparateurs manipulent communément 200 colis par heure et certains montent à 300, voire plus.

      « Ça casse de ramasser en bas »

      Une telle gymnastique exerce des contraintes majeures sur les régions lombaires et sur les membres supérieurs. Lorsque le corps est penché vers l’avant, la partie antérieure de la colonne - les corps vertébraux et disques intervertébraux - subit des pressions très importantes, qui dépendent du poids de l’objet. Par ailleurs, y compris pour des objets légers, les forces exercées sur les disques lombaires sont considérables si l’objet est ramassé loin en avant. « Ça casse de ramasser en bas, surtout quand c’est au fond », comme l’expriment les préparateurs.

      Une telle gymnastique exerce des contraintes majeures sur les régions lombaires et sur les membres supérieurs.

      Le fait de devoir prendre ou déposer en hauteur impose, au contraire, une accentuation de la courbure lombaire et une augmentation de la pression sur la partie postérieure de la colonne - les petites articulations interapophysaires postérieures. Enfin, les mouvements de rotation du tronc pour assurer les transferts ont un effet négatif sur les structures antérieures et postérieures. Ils exercent sur le disque intervertébral des forces de cisaillement et traumatisent les apophyses postérieures qui tendent à limiter les mouvements de rotation. L’usure de ces régions du corps se traduit par toute une gamme de phénomènes douloureux, dont la plus grande partie échappe à la prise en charge en maladie professionnelle.

      Fidéliser les salariés est un souci des directions des plates-formes logistiques. La pénibilité particulière du travail a pour conséquence un flux important de sorties. Or il faut souvent des mois pour qu’un préparateur de commandes atteigne le niveau de performance souhaité. Dans cette perspective, les femmes constituent une main-d’oeuvre intéressante, car elles sont moins mobiles géographiquement que les hommes. La montée des exigences de productivité et l’augmentation induite de la pénibilité se sont donc accompagnées d’un appel accru à la main-d’oeuvre féminine, afin de pallier la fuite des hommes.

      En raison des différences de force musculaire et de taille, les femmes sont néanmoins plus pénalisées par les contraintes de manutention et elles ont une productivité moindre lorsqu’elles travaillent sur les mêmes circuits que les hommes. "Elles sont plus stables, mais elles s’usent plus vite", confie un responsable. Une moindre productivité est tolérée par la hiérarchie si elle s’accompagne d’une plus grande disponibilité en cas de pointe d’activité. Car cela répond à un besoin de l’encadrement : pouvoir gérer la variabilité du flux quotidien de marchandises, en partie non prévisible, en ayant recours aux heures supplémentaires et, donc, au volontariat.

      Les femmes ont ainsi particulièrement intérêt à se montrer arrangeantes sur ce point. Mais leurs disponibilités temporelles sont très différentes selon qu’elles sont célibataires, mères de famille en couple ou en situation de parent isolé. Dans pareille situation, et lorsque le personnel féminin est dirigé par une maîtrise masculine, le risque est que les arrangements et la disponibilité débordent sur des registres non professionnels. Il faut donc regarder avec beaucoup de méfiance une organisation qui, après les avoir mises dans une position difficile, incite les femmes à tenter individuellement de se concilier la hiérarchie… De fait, des sentiments d’injustice et de jalousie, liés à des relations privilégiées entre la maîtrise et certain(e)s salarié(e)s, sont souvent signalés sur les plates-formes.

      Enfin, les conditions de travail constituent un risque pour la grossesse. La chose est claire pour les contraintes physiques, mais elle reste discutée pour l’exposition aux ondes radio émises par les systèmes de guidage par reconnaissance vocale. Cependant, l’Agence nationale de sécurité sanitaire recommande d’éviter l’exposition des enfants à ces ondes, ce qui vaut a fortiori pour les foetus, et l’Institut national de recherche et de sécurité (INRS) indique que, dans le doute, le retrait est la solution.

      Les épaules sont aussi une zone cible. En effet, il est important, dans les activités de manutention, de pouvoir garder les bras proches du corps. Lorsqu’ils sont levés, l’articulation de l’épaule travaille dans de mauvaises conditions. Les réactions inflammatoires qui peuvent s’ensuivre sont susceptibles d’évoluer vers des pathologies chroniques très invalidantes. Les syndromes du canal carpien et épicondylites du coude, liés à la haute fréquence des gestes de préhension, complètent le tableau des atteintes de l’appareil locomoteur.

      Les accidents de circulation constituent une autre source de lésions pour les salariés. Là aussi, les systèmes de guidage par reconnaissance vocale sont incriminés. Les préparateurs évoquent la crainte d’être focalisés sur le dialogue avec l’ordinateur et de ne pas entendre venir les chariots automoteurs qui circulent dans l’entrepôt. Les caristes qui les conduisent ont, eux, le sentiment que les préparateurs sont « enfermés dans leur bulle ».
      Plus permis d’anticiper

      Enfin, les systèmes de guidage par reconnaissance vocale constituent une source de dégradation de la santé par le biais de leur effet sur le travail du préparateur de commandes. Celui-ci n’a plus connaissance de la commande du client et ne peut plus organiser son parcours dans l’atelier pour structurer sa palette. La voix synthétique de l’ordinateur lui donne les coordonnées du point où il doit se rendre. A l’endroit indiqué, le préparateur lit à haute voix un code dit « détrompeur », qui permet à l’ordinateur de vérifier que le salarié est bien en place. Il lui indique alors la quantité de colis à prendre. Le travailleur confirme le nombre de colis qu’il prélève et l’ordinateur lui fournit les coordonnées du point suivant. Un tel fonctionnement est en complète contradiction avec la dynamique de l’activité.

      L’acquisition du métier - cette compétence qui fait que le professionnel aguerri ne travaille pas comme le novice - passe toujours par le développement de la capacité du salarié à anticiper les actions nécessaires, à les organiser selon une perception moins ponctuelle et mieux structurée. Cette tendance à la proactivité est une caractéristique physiologique fondamentale : toute l’organisation du système nerveux est tendue vers l’anticipation. Comme le résume Alain Berthoz, neurophysiologue et professeur au Collège de France, « le cerveau sert à prédire le futur, à anticiper les conséquences de l’action, à gagner du temps ».


      Chez l’être humain, un comportement purement réactif est anormal. Il n’y a que la machine pour fonctionner de cette façon. De fait, les préparateurs tentent d’échapper à cet assujettissement. Ils poussent à fond la vitesse d’expression de l’ordinateur et apprennent par coeur les codes détrompeurs, afin d’obtenir à l’avance les informations sur le type et le nombre de colis qu’ils vont devoir charger. Cette tendance à se projeter vers l’avant est repérée comme un facteur d’accident : certains conduisent le chariot automoteur en anticipant la descente, une partie du corps à l’extérieur, ou bien descendent avant l’arrêt complet.

      Cette autoaccélération constitue un moyen efficace de lutter contre la souffrance liée à la vacuité du travail. En l’absence de perspective de développement personnel, et si la réalité ne peut pas être transformée, il faut tenter de s’adapter, ne plus penser au gâchis que représente une telle situation. En somme, réprimer sa subjectivité pour barrer la voie à la souffrance. L’auto-accélération permet tout cela, car elle empêche de penser. « Dans ce travail, ça va mieux quand on va vite », déclarent ainsi les préparateurs.

      Evidemment, certains ne se plieront pas à ce travail d’autorépression. Ils quitteront la plate-forme dès que possible. Mais d’autres persisteront, surtout si la vie les a déjà maltraités et qu’ils ont déjà appris à « prendre sur eux ». Cette « capacité » à tenir face à la pénibilité est renforcée par le travail sur la plate-forme. Les responsables d’entrepôt le soulignent : celui-ci accroît la capacité des salariés à supporter des conditions de travail dures et en fait des travailleurs recherchés à l’extérieur.
      Enfermement dangereux

      En réalité, ce qui est présenté ainsi comme un avantage recouvre un processus d’enfermement dangereux. La mise à distance par le salarié de ses propres émotions réduit sa capacité à comprendre autrui. Réciproquement, les individus qui répriment leurs émotions bénéficient moins de compréhension et de soutien. En focalisant l’attention sur le dialogue avec l’ordinateur, les systèmes de guidage par reconnaissance vocale tendent à couper les salariés les uns des autres, et la mise à distance de leurs émotions creuse cet isolement.

      Par ailleurs, ce régime de fonctionnement induit à terme une dérégulation du système biologique de réponse au stress, responsable à son tour de l’installation d’un état inflammatoire chronique dit « de bas grade ». Celui-ci favorise le développement de l’ensemble des pathologies chroniques liées au vieillissement. Dès les années 1970, les études de Robert Karasek et Töres Theorell ont démontré que le travail de type taylorien était à l’origine d’une augmentation des maladies cardiovasculaires. Et en 1991, la nécessité d’adapter le travail à l’homme en limitant le travail monotone et le travail cadencé a été inscrite dans les principes de prévention du Code du travail (article L. 4121-2).

      Certains préparateurs disent avoir l’impression que l’ordinateur parle directement dans leur tête Twitter

      Tout cela a été ignoré lors de la mise en place des systèmes de guidage par reconnaissance vocale sur les plates-formes logistiques. Et le taylorisme y a été poussé à l’extrême. Aujourd’hui, certains préparateurs disent avoir l’impression que l’ordinateur parle directement dans leur tête. Le pas suivant va-t-il consister à greffer une puce sur leur cortex cérébral ? Il est plus que temps de faire « machine » arrière et de rechercher des compromis moins destructeurs entre productivité et santé.

      Philippe Davezies est chercheur en médecine et santé au travail. Membre du comité de rédaction de Santé & Travail, il a publié en décembre 2008 l’étude : « Enjeux de santé liés à l’utilisation de la commande vocale sur les plates-formes logistiques. Enquête exploratoire » consultable sur son site.
      Cet article a initialement été publié dans Santé & Travail d’avril 2016 sous le titre Une palette de troubles de santé

  • #ÉMEUTES : "IL Y A UN « LANGAGE DES ACTES », À NOUS DE L’ENTENDRE" Entretien avec l’anthropologue Alain Bertho.

    En diabolisant la #banlieue, puis l’islam, on a dressé une sorte de cordon sanitaire autour des pauvres racisés et à diviser profondément la jeunesse et les classes populaires. Cet isolement est exceptionnellement fort. (...) En #France, on a laissé le débat sur la #Nation se développer sur le mode #colonial : l’injonction d’#intégration ou d’#assimilation lancée à de jeunes français de naissance est une façon de consolider chaque jour l’inégalité de traitement et de légitimer la violence institutionnelle.

    https://lundi.am/Emeutes-Il-y-a-un-langage-des-actes-A-nous-de-l-entendre

    #colonialisme #relégation

  • « La gauche du futur couve déjà dans les mobilisations actuelles »
    http://www.bastamag.net/Gauche-En-quete-d-un-nouveau-recit-commun

    Qu’est-ce qu’être de gauche selon vous ? Y a-t-il encore du sens à se dire de gauche ? Comment voit-on la gauche du futur ? Quelles sont ses valeurs, ses idées, ses projets, ses défis ? #imagineLaGauche, c’est la série lancée par Basta !, pour comprendre, reconstruire, rêver, renouveler, mettre en débat… Salariés, chômeurs, retraités, étudiants, paysans, militants associatifs, syndicalistes, artistes, chercheurs, jeunes et moins jeunes, témoignent.. Aujourd’hui, Alain Bertho, universitaire à Saint-Denis. (...)

    #Inventer

    / #imagineLaGauche

  • Alain Bertho est anthropologue. Il a beaucoup travaillé sur les émeutes en France et dans le monde. Il vient de publier un essai concernant le djihadisme, Les enfants du chaos (Paris, La Découverte, 2016), où il analyse les causes de ce phénomène qui prend désormais une ampleur historique. Par-delà les discours militaristes et chauvins, par-delà l’absence d’analyse et le trop-plein d’images, Bertho tente de saisir les causes de cette terreur. Pourquoi la France est une cible privilégiée ? Quels liens à faire avec les « crises des banlieues », les réseaux sociaux, la crise de légitimité politique ? Comment mettre fin à cette violence ? L’analyse de Bertho est sombre. Elle laisse peu de place à l’angélisme. Le terrorisme est le reflet d’une crise mondiale et historique, voire d’une crise propre à l’Occident, il est le résultat des promesses trahies par la modernité politique et économique.

    https://ricochet.media/fr/1350/enfants-du-chaos-mac

  • Les enfants du chaos
    http://contre-attaques.org/ressources/article/les-enfants-du

    Sorti aux éditions La Déouverte, Les enfants du chaos se veut une réflexion sur les moteurs du désordre #International, à l’heure où la fin du monde semble plus crédible à nombre de jeunes que la fin du capitalisme. Le texte que nous publions est la conclusion d’un ouvrage qui vient de paraître d’Alain Bertho. Il se veut une réflexion d’un auteur se réclamant de la gauche et qui s’interroge sur les impasses actuelles et les possibilités d’une nouvelle radicalité tournée vers l’avenir. Le chaos est bien (...)

    #Ressources

    / #carousel, #Livres_et_revues, International

    « https://blogs.mediapart.fr/marianne-akkouche/blog/070215/lettre-mon-fils-parti-faire-le-djihad »

  • « Le temps presse » : deux intellectuels s’expriment sur les meurtres du 13 novembre
    http://paris-luttes.info/le-temps-presse-badiou-s-exprime-4295

    Badiou s’exprime sur les meurtres de masse du 13 novembre à l’occasion de son séminaire du 23 novembre au Théâtre de La Commune. A la suite, un texte d’Alain Bertho paru sur bastamag. — toute la retranscription du séminaire, Bastamag, L’Occident et les barbares

  • Fractures françaises

    "Dans cette conjoncture mondiale, la France tient une place particulière. Le poids de la colonisation dans son histoire et l’apport de l’immigration issue des colonies et anciennes colonies dans la constitution de sa classe ouvrière la mettent en première ligne de ces enjeux contemporains. Le mouvement ouvrier avait réussi à porter ce paradoxe comme une force, cette diversité comme une dimension supplémentaire de l’universalité républicaine.

    Mais la fin du fordisme dans les années 70-80 suivie de l’effondrement du communisme à la fin du 20° siècle ont annoncé la dislocation de ces classes populaires ouvrières, politisées et bigarrées. Simultanément, au début des années 1980 la banlieue rouge fait place à la banlieue et ses « quartiers difficiles », une partie des ouvriers sont nommés immigrés, l’immigration est nommée comme un problème et le Front national sort de la confidentialité électorale.

    Avec la réponse socialiste des années 1980, la « Politique de la ville », une partie du peuple perd son statut de « profonde base de la démocratie » que lui attribuait Jules Michelet en 1846 et se voit imposer un statut dérogatoire à la République, une discrimination dite « positive » qui a marqué une génération sinon deux. Ceux qui ont grandi dans les quartiers labellisés DSQ puis DSU (développement social urbain) mettront le feu en octobre 1990 à Vaulx-en-Velin, puis en 1991 à Sartrouville (mars) et Mantes-la-Jolie (mai). Dans les trois cas, la mort d’un jeune déclenche l’émeute, comme en 2005 quand leurs enfants ou leurs petits frères mettent cette fois-ci le feu aux voitures dans la France entière.

    Les émeutes d’octobre novembre 2005 ont été un signal puissant que bien peu ont voulu entendre. La tonalité générale des débats qui ont accompagné le dixième anniversaire en 2015 montre à quel point on peut s’obstiner à qualifier de problème social et urbain ce qui fut une rupture majeure du récit républicain. Face aux flammes de la colère, le consensus « républicain » a en effet fonctionné comme une injonction au silence. On a mis cette génération au ban du peuple officiel. Qui se demande aujourd’hui ce que sont devenus les jeunes incendiaires de 2005 ? Combien ont poursuivi leur scolarité ? Combien sont au chômage ? Combien ont été quotidiennement victimes de contrôles au faciès ? Combien ont été incarcérés, à tort ou à raison ? Quels sentiments peuvent-ils avoir aujourd’hui à l’égard d’une République qui, après avoir méprisé leurs parents, a méprisé jusqu’à leur colère ? Qu’est devenue leur rage ? Ce peuple-là est devenu invisible, hors des radars de la gauche politique et son « malheur » n’est plus qu’un « reste muet de la politique » comme disait Michel Foucault.

    La vague de laïcité punitive des années qui ont suivi a parachevé la mise au ban social et politique de cette génération en la confessionalisant, alors même que la référence à l’Islam prenait la place de la politique perdue chez une partie des déshérités. Trente-quatre ans se sont écoulés depuis les rodéos des Minguettes qui ont déclenché la politique de la ville, trente-deux depuis l’émergence électorale du Front national. Une génération a passé. Les classes populaires françaises se trouvent prises en otage entre deux discours identitaires : celui de l’extrême droite islamophobe et xénophobe et celui du Djihad. Ces deux discours ont un point commun : ils mettent en doute l’appartenance des classes populaires musulmanes à la Nation française."

    Alain Bertho

    https://blogs.mediapart.fr/alain-bertho/blog/291215/guerre-urgence-et-decheance-l-etat-desintegrateur

  • Après le 25 novembre #Attentats #Paris #VosGuerresNosMorts :

    La guerre ne nous rend pas plus forts, elle nous rend vulnérables
    Dominique de Villepin, Libération, le 25 novembre 2015
    http://www.liberation.fr/debats/2015/11/25/la-guerre-ne-nous-rend-pas-plus-forts-elle-nous-rend-vulnerables_1416115

    A Saint-Denis, les pauvres n’ont pas le droit d’être traités en victimes
    Sibylle Gollac, Stéphanie Guyon, Julie Pagis, Etienne Penissat, Karel Yon, Libération, le 25 novembre 2015
    http://www.liberation.fr/debats/2015/11/25/a-saint-denis-les-pauvres-n-ont-pas-le-droit-d-etre-traites-en-victimes_1

    BRAVONS L’ETAT D’URGENCE, RETROUVONS-NOUS LE 29 NOVEMBRE PLACE DE LA REPUBLIQUE
    Frédéric Lordon, Directeur de recherche au CNRS, Pierre Alféri, Romancier, poète et essayiste Hugues Jallon, éditeur, écrivain, Ludivine Bantigny, Historienne, Eric Hazan, Editeur, Julien Salingue, Docteur en Science politique, Joelle Marelli, Philosophe, écrivain, directrice de programme au Collège international de philosophie, Jacques Fradin, Mathématicien, chercheur en économie, Ivan Segré, Philosophe, Nathalie Quintane, Poétesse, Christophe Granger, Historien, Nacira Guénif, Sociologue, Serge Quadruppani, Ecrivain, Joss Dray, Auteure-photographe, La parisienne libérée, Chanteuse, François Cusset, Professeur de civilisation américaine, Jean-Jacques Rue, Programmateur de cinéma et journaliste, Libération, le 25 novembre 2015
    http://www.liberation.fr/debats/2015/11/24/bravons-l-etat-d-urgence-manifestons-le-29-novembre_1415769
    https://www.change.org/p/la-rue-bravons-l-etat-d-urgence-retrouvons-nous-le-29-novembre-place-de-la-r

    "Nous ne céderons pas !"
    AFD International, Agir pour le changement démocratique en Algérie (Acda), Assemblée citoyenne des originaires de Turquie (Acort), Association des Marocains en France (AMF), Association des travailleurs maghrébins de France (ATMF), Association des Tunisiens en France (ATF), Association des universitaires pour le respect du droit international en Palestine (Aurdip), Association française des juristes démocrates (AFJD), Association France Palestine solidarité (AFPS), Association Grèce France Résistance, Association interculturelle de production, de documentation et de diffusion audiovisuelles (AIDDA), Association pour la reconnaissance des droits et libertés aux femmes musulmanes (ARDLFM), Associations démocratiques des Tunisiens en France (ADTF), Attac, Cadac, Cedetim, Confédération générale du travail (CGT), Conseil national des associations familiales laïques (Cnafal), Collectif national pour les droits des femmes (CNDF), Collectif 3C, Collectif des 39, Collectif des féministes pour l’égalité (CFPE), Comité pour le développement et le patrimoine (CDP), Comité pour le respect des libertés et des droits de l’Homme en Tunisie (CRLDHT), Commission islam et laïcité, Confédération syndicale des familles (CSF), Collectif des musulmans de France (CMF), Coordination des collectifs AC !, Droit au logement (Dal), Droit solidarité, Droits devant !!, Emmaüs France, Emmaüs International, Fédération des Tunisiens citoyens des deux rives (FTCR), Fédération nationale de la Libre pensée, Fédération internationale des Ligues des droits de l’Homme (FIDH), Filles et fils de la République (FFR), Fondation Copernic, Fédération syndicale unitaire (FSU), Genepi, Ipam, La Cimade, La Quadrature du Net, Le Mouvement de la paix, Ligue des droits de l’Homme (LDH), Le Gisti, Les Amoureux au ban public, Les Céméa, Maison des potes, Mamans toutes égales (MTE), Médecins du monde, Mrap, OIP - section française, Organisation de femmes égalité, Planning familial, Réseau éducation sans frontières (RESF), Réseau euromaghrébin culture et citoyenneté (REMCC), Réseau Euromed France (REF), SNPES-PJJ/FSU, Snuclias-FSU, Syndicat des avocats de France (Saf), Syndicat national des journalistes (SNJ), Unef, Union des travailleurs immigrés tunisiens (Utit), Union juive française pour la paix (UJFP), Union nationale lycéenne (UNL), Union syndicale de la psychiatrie (USP), Union syndicale Solidaires, L’Humanité, le 25 Novembre, 2015
    http://www.humanite.fr/appel-unitaire-nous-ne-cederons-pas-590848

    Alain Bertho : « Il faut être clair : un monde a pris fin, il n’y aura pas de retour en arrière »
    Interview d’Alain Bertho par Ivan du Roy, Basta, le 26 novembre 2015
    http://www.bastamag.net/Il-faut-etre-clair-un-monde-a-pris-fin-il-n-y-aura-pas-de-retour-en-arrier

    "Pas en notre nom"
    (manifs le 28 novembre 2015 dans toute l’Espagne)
    http://www.noasusguerras.es/francais

    #recension

  • « Il faut être clair : un monde a pris fin, il n’y aura pas de retour en arrière »
    http://www.bastamag.net/Il-faut-etre-clair-un-monde-a-pris-fin-il-n-y-aura-pas-de-retour-en-arrier

    Pour combattre efficacement l’Etat islamique et son offre #Politique de mort et de désespoir, « nous devons réfléchir à la révolte qui est à la racine de ces crimes », suggère l’anthropologue Alain Bertho, qui prépare un livre sur « les enfants du chaos ». A la racine du mal, la fin des utopies, enterrée avec l’effondrement de tous les courants politiques progressistes. Le XXIe siècle aurait oublié l’avenir au profit de la gestion du risque et de la peur, indifférent à la colère des jeunes générations. Entre (...)

    #Décrypter

    / A la une, Politique, #Altermondialisme, Indignés de tous les pays..., #Entretiens, #Classes_populaires, Guerres et résolution des (...)

    #Indignés_de_tous_les_pays... #Guerres_et_résolution_des_conflits

    • Tous connaissent un déclic commun : une conversion, une rupture et la découverte d’une autre discipline de soi pour redonner un sens à leurs vies.
      La réussite d’une telle offre politique, celle de l’État islamique, tient au fait que, pour des gens déstabilisés, elle donne du sens au monde et à la vie qu’ils peuvent y mener. Elle leur donne même une mission.(...)
      Comme dit Slavoj Zizek : « Visiblement, il est plus facile d’imaginer la fin du monde que la fin du capitalisme. » Pour les djihadistes, cette fin est proche dans un monde de chaos politique, moral, économique ou climatique. Le projet politique de Daech donne du sens à leur chemin vers la mort. Il leur propose un destin. À l’espoir de la #libération_individuelle_et_collective qui portait les mobilisations passées, ils ont substitué une problématique de fin du monde et de jugement dernier.
      Leur libération, c’est de mourir en martyr ! (...) « Il n’y a que les martyrs pour être sans pitié ni crainte et, croyez-moi, le jour du triomphe des martyrs, c’est l’incendie universel » , prophétisait Jacques Lacan en 1959. Nous y sommes.(...)

      Ils ne font pas la guerre pour créer un État, comme lors d’une lutte pour l’indépendance : ils créent un « État » pour faire la guerre. L’État islamique n’a aucune vision de la paix sinon le triomphe final du califat contre des ennemis de plus en plus nombreux. Mais depuis 2001, l’idée de « paix comme but de guerre » (vieille conception clausewitzienne) n’a déjà plus cours chez les grandes puissances embarquées dans une « guerre sans fin » contre le terrorisme. Quels sont les buts de guerre ou les objectifs de paix de la coalition en Syrie ou en Irak ? On n’en sait rien. Le djihadisme nous a entraînés sur son propre terrain.(...)
      Avec l’effondrement du communisme et la clôture de toute #perspective_révolutionnaire, c’est l’avenir qu’on a perdu en route. C’est l’idée du possible qui s’est effondrée. Nous ne sommes plus dans une démarche historique. On ne parle plus d’#avenir mais de #gestion du risque et de probabilité. On gère le quotidien avec des responsables politiques qui manipulent le risque et la peur comme moyens de #gouvernement(...)
      A-t-on bien réfléchi à ce que pouvait être la figure d’une révolte sans espoir ? Ces rages radicales sont aujourd’hui devant de telles impasses qu’elles ouvrent la porte à des offres politiques de mort (...)
      La classe politique est complètement investie dans l’espace du pouvoir et de l’#État et coupée du reste de la société, en décalage total, quel que soit le parti. La #politique n’est plus une puissance subjective capable de rassembler et d’ouvrir des possibles.
      Le poids et la force du mouvement ouvrier reposaient sur sa capacité à agréger des populations variées, notamment immigrées, dans un espoir commun. La fin des #collectifs, de la notion de classes sociales, de l’idée qu’il existe un « nous » a presque fait disparaître la conscience commune d’une action encore possible. (...)
      C’est la politique comme mobilisation populaire et construction du #commun que nous avons perdue et qu’il nous faut retrouver. Quitte à provoquer un peu, je dirai que l’urgence, aujourd’hui, c’est moins la « déradicalisation » et l’hégémonie des marches militaires sur le débat politique que la montée d’une autre radicalité, une radicalité d’espérance collective qui tarisse à la source le recrutement djihadiste. Il nous faut retrouver le sens du futur et du possible, et résister au piège de la mobilisation guerrière que nous tendent les terroristes.

      #Alain_Bertho

    • Nous avons un problème avec la clôture du XXe siècle et l’effondrement du communisme. La fin du communisme, ce n’est pas seulement la fin de régimes et d’institutions en Europe de l’Est et en Russie, c’est un ensemble de références culturelles qui s’écroule, communes à tous les courants politiques progressistes. Malgré la réalité policière et répressive des régimes communistes « réels », un changement de société était, à l’époque, encore perçu comme possible et s’inscrivait dans une démarche historique, une idée du progrès. L’avenir se préparait aujourd’hui. L’hypothèse révolutionnaire qui a ouvert la modernité (la Révolution française) a été une référence politique commune à ceux qui voulaient la révolution comme à ceux qui lui préféraient des transitions pacifiques et « légales » Avec l’effondrement du communisme et la clôture de toute perspective révolutionnaire, c’est l’avenir qu’on a perdu en route. C’est l’idée du possible qui s’est effondrée. Nous ne sommes plus dans une démarche historique. On ne parle plus d’avenir mais de gestion du risque et de probabilité [5]. On gère le quotidien avec des responsables politiques qui manipulent le risque et la peur comme moyens de gouvernement, le risque sécuritaire comme le risque monétaire (la dette), qui parlent beaucoup du réchauffement climatique mais sont incapables d’anticiper la catastrophe annoncée.

      Les jeunes, ceux qui incarnent biologiquement, culturellement et socialement cet avenir de l’humanité, font les frais de cette impasse collective et sont particulièrement maltraités. Les sociétés n’investissent plus dans leur futur, l’éducation ou les universités. La jeunesse est stigmatisée et réprimée. Des pays du monde entier, du Royaume-Uni au Chili en passant par le Kenya, sont ainsi marqués depuis des années par des mobilisations étudiantes parfois violentes contre l’augmentation des frais d’inscription dans les universités. Partout, des morts de jeunes impliquant des policiers génèrent des émeutes : regardez les émeutes de Ferguson ou de Baltimore, aux Etats-Unis ; les trois semaines d’émeutes en Grèce, en décembre 2008, après le meurtre par deux policiers du jeune Alexander Grigoropoulos ; ou les cinq jours d’émeutes en Angleterre après la mort de Mark Duggan en 2011. Pour ces quelques émeutes médiatiquement visibles, il y en a des dizaines d’autres (lire notre article « L’augmentation des émeutes : un phénomène mondial »). Une société qui n’arrive plus à s’inventer pousse les gens vers des mobilisations de désespoir et de rage.

  • Après les attentats, la querelle des interprétations, par Joseph Confavreux (Mediapart, 25/11/2015)
    https://www.mediapart.fr/journal/france/251115/apres-les-attentats-la-querelle-des-interpretations?onglet=full

    Toute interprétation manichéenne est frappée d’inanité au moment où l’ampleur de la situation impose un « impératif de complexité », pour reprendre les termes du sociologue Edgar Morin. Comme vient de le souligner un texte aussi solide que précis de la revue en ligne Ballast : « Ceux qui pensent contenir pareils enjeux dans une seule réponse (au choix : "la haine de la liberté et de la civilisation", "le vide spirituel et le matérialisme", "la pauvreté et le désespoir", "le capitalisme mondialisé", "l’impérialisme occidental", "le sionisme", "l’islam", "le système racial", "l’islamophobie d’État") n’élucident rien : ils ne révèlent que l’obsession qui les habite. »
    http://www.revue-ballast.fr/paris

    Déjà, après les attentats de janvier dernier, l’historien Patrick Boucheron et l’écrivain Matthieu Riboulet soulignaient la nécessité de « dédaigner toute parole qui prétendrait, ne serait-ce que furtivement, trouver dans la situation présente la confirmation d’une conviction précédemment formulée ».

    S’interroger sur les cibles choisies par les assaillants reste toutefois nécessaire, puisque comprendre les djihadistes permet non de les excuser, mais de mieux les combattre. Et l’analyse n’est pas du tout la même selon que l’on met l’accent, pour le dire vite, sur les modes de vie ou sur la politique extérieure de la France.

    (…)

    Mais il est évident que la grille de lecture religieuse est insuffisante. Comme l’expliquait récemment Jason Burke, auteur d’un livre important sur l’attrait du djihad pour les jeunes occidentaux : _« Ce que les djihadistes offrent à ces jeunes, c’est ce que la culture du « gangsta rap » offre aussi. Les images postées sur les médias sociaux depuis Raqqa ou Mossoul ressemblent au rap : des jeunes avec des armes qui se présentent comme dangereux. Ce qui distingue l’Etat islamique d’Al-Qaida, c’est qu’il offre aussi des opportunités sexuelles, des mariages, voire des esclaves. Al-Qaida imposait un célibat forcé, avec pour ses membres une très forte probabilité de mourir. L’Etat islamique est différent. Sa base syrienne est bien plus confortable, bien plus accessible, les communications y sont bien meilleures que dans la zone pakistano-afghane.

    Il y a des voitures de luxe où ses combattants adoptent la pose classique des gangsters. On peut aussi imaginer qu’on y protège les faibles, ou qu’on obéit à une injonction religieuse. Au lieu d’avoir une vie relativement peu intéressante quelque part en Europe, vous devenez « Abou Omar al Britani » ou que sais-je. Vous avez un statut qui ne se serait jamais offert à vous auparavant. Ce qui est très clair aussi, c’est que le djihadisme version Etat islamique est très peu exigeant en termes religieux. Vous ne devez renoncer à presque rien, à part peut-être l’alcool. Il ne demande rien de difficile en termes d’apprentissage religieux, de voyage spirituel que la foi véritable exige. Il y a très peu de foi, de spiritualité là-dedans. »_

    • Après les attentats, changer d’imaginaire, par Christian Salmon (Mediapart, 22/11/2015)
      https://www.mediapart.fr/journal/france/221115/et-maintenant-changer-d-imaginaire?onglet=full

      On le sait depuis le 11 septembre 2001, le défi du terrorisme n’est pas militaire, il ne vise pas à établir un rapport de force stratégique, il n’est pas essentiellement religieux non plus, contrairement aux apparences. Est-il idéologique ? Pas davantage, si l’on entend par idéologie une vision cohérente du monde, un corpus de doctrines ou de concepts que l’on s’efforce de transmettre par l’éducation ou la propagande. Son défi essentiellement est narratif.

      (…)

      Une remarquable enquête du Washington Post auprès de défecteurs de Daech emprisonnés au Maroc décrit l’appareil de propagande comme une superproduction d’une émission de téléréalité. « Des équipes de tournage se déploient à travers le califat tous les jours, les scènes de bataille et de décapitations publiques sont scénarisées et mises en scène à tel point que les combattants et les bourreaux effectuent souvent plusieurs prises successives d’une même scène. Appareils photo, ordinateurs et autres équipements vidéo arrivent régulièrement de Turquie. Ils sont livrés à une division de médias dirigée par des étrangers traités comme des “émirs” à égalité de rang de leurs homologues militaires. Ils sont directement impliqués dans les décisions sur la stratégie et le contrôle du territoire... Vidéastes, producteurs et éditeurs forment une classe privilégiée dont le statut, les salaires et les conditions de vie sont enviés par des combattants ordinaires. »

      L’article poursuit : « Rejetant les codes de lectures utilisée par Al-Qaïda, les vidéos de l’État islamique sont cinématographiques et mettent l’accent sur des scènes dramatiques, des transitions stylisées et des effets spéciaux. “Le groupe est très soucieux de son image”, selon un responsable américain du renseignement impliqué dans le suivi des opérations médias de l’État islamique. Son approche obéit aux principes de la construction d’une marque au même titre que Coca-Cola ou Nike. »

      #jeux_vidéo #néolibéralisme #individu

      Ca va aussi dans le sens d’Olivier Roy (on assiste « non pas une #radicalisation de l’islam mais une islamisation de la radicalité », Salmon dirait un « #storytelling islamisant ») : http://seenthis.net/sites/828567

      Cf. aussi, cité par Salmon, « La métamorphose opérée chez le jeune par les nouveaux discours terroristes »
      http://www.bouzar-expertises.fr/metamorphose

    • Vont dans le même sens que Salmon et Roy, à bien des égards :
      Alain Bertho http://www.bastamag.net/Il-faut-etre-clair-un-monde-a-pris-fin-il-n-y-aura-pas-de-retour-en-arrier

      Nous ne sommes plus dans une démarche historique. On ne parle plus d’avenir mais de gestion du risque et de probabilité. On gère le quotidien avec des responsables politiques qui manipulent le risque et la peur comme moyens de gouvernement, le risque sécuritaire comme le risque monétaire (la #dette), qui parlent beaucoup du réchauffement climatique mais sont incapables d’anticiper la catastrophe annoncée.

      Peter Harling http://orientxxi.info/magazine/tuer-les-autres-se-tuer-soi-meme,1103

      Il est relativement facile de se rendre en Syrie pour rejoindre les rangs d’un « djihad » en forme de questionnaire à choix multiples. Les candidats peuvent cocher les cases suivantes : look combattant, propos virils, maniement des armes, construction d’une image valorisante sur les réseaux sociaux, retournement des stigmates habituels en emblèmes et réalisation de soi instantanée à travers une forme d’héroïsme très moderne malgré les références superficielles au Prophète de l’islam.

      Cette nouvelle identité clef en main, mâtinée de jeux vidéos et de télé réalité, se construit dans une érotisation de la violence dont l’OEI est davantage le produit que l’origine. Cette pornographie se donne à voir dans le culte de la sécurité qui s’approfondit dans la sphère culturelle et politique américaine, par exemple, où les notions de justice, de droit, de défense et d’intérêt national sont de plus en plus associées à des corps « bodybuildés », des discours dopés à la testostérone, des armes qui relèvent du fantasme et des orgies de violence qui sont censées tout régler. Et la virilisation de la politique intérieure et étrangère est un phénomène éminemment contagieux, une épidémie globale.

  • Le djihadisme est une révolte générationnelle et nihiliste

    La France en guerre ! Peut-être. Mais contre qui ou contre quoi ? Daech n’envoie pas des Syriens commettre des attentats en France pour dissuader le gouvernement français de le bombarder. Daech puise dans un réservoir de jeunes Français radicalisés qui, quoi qu’il arrive au Moyen-Orient, sont déjà entrés en dissidence et cherchent une cause, un label, un grand récit pour y apposer la signature sanglante de leur révolte personnelle. L’écrasement de Daech ne changera rien à cette révolte.

    Le ralliement de ces jeunes à Daech est opportuniste : hier, ils étaient avec Al-Qaida, avant-hier (1995), ils se faisaient sous-traitants du GIA algérien ou pratiquaient, de la Bosnie à l’Afghanistan en passant par la Tchétchénie, leur petit nomadisme du djihad individuel (comme le « gang de Roubaix »). Et demain, ils se battront sous une autre bannière, à moins que la mort en action, l’âge ou la désillusion ne vident leurs rangs comme ce fut le cas de l’ultragauche des années 1970.

    Il n’y a pas de troisième, quatrième ou énième génération de djihadistes. Depuis 1996, nous sommes confrontés à un phénomène très stable : la radicalisation de deux catégories de jeunes Français, à savoir des « deuxième génération » musulmans et des convertis « de souche ».

    Le problème essentiel pour la France n’est donc pas le califat du désert syrien, qui s’évaporera tôt ou tard comme un vieux mirage devenu cauchemar, le problème, c’est la révolte de ces jeunes. Et la vraie question est de savoir ce que représentent ces jeunes, s’ils sont l’avant-garde d’une guerre à venir ou au contraire les ratés d’un borborygme de l’Histoire.

    Quelques milliers sur plusieurs millions

    Deux lectures aujourd’hui dominent la scène et structurent les débats télévisés ou les pages opinions des journaux : en gros, l’explication culturaliste et l’explication tiers-mondiste. La première met en avant la récurrente et lancinante guerre des civilisations : la révolte de jeunes musulmans montre à quel point l’islam ne peut s’intégrer, du moins tant qu’une réforme théologique n’aura pas radié du Coran l’appel au djihad. La seconde évoque avec constance la souffrance postcoloniale, l’identification des jeunes à la cause palestinienne, leur rejet des interventions occidentales au Moyen-Orient et leur exclusion d’une société française raciste et islamophobe ; bref, la vieille antienne : tant qu’on n’aura pas résolu le conflit israélo-palestinien, nous connaîtrons la révolte.

    Mais les deux explications butent sur le même problème : si les causes de la radicalisation étaient structurelles, alors pourquoi ne touche-t-elle qu’une frange minime et très circonscrite de ceux qui peuvent se dire musulmans en France ? Quelques milliers sur plusieurs millions.

    [...]

    Islamisation de la radicalité

    Presque tous les djihadistes français appartiennent à deux catégories très précises : ils sont soit des « deuxième génération », nés ou venus enfants en France, soit des convertis (dont le nombre augmente avec le temps, mais qui constituaient déjà 25 % des radicaux à la fin des années 1990). Ce qui veut dire que, parmi les radicaux, il n’y a guère de « première génération » (même immigré récent), mais surtout pas de « troisième génération ». Or cette dernière catégorie existe et s’accroît : les immigrés marocains des années 1970 sont grands-pères et on ne trouve pas leurs petits-enfants parmi les terroristes. Et pourquoi des convertis qui n’ont jamais souffert du racisme veulent-ils brusquement venger l’humiliation subie par les musulmans ? Surtout que beaucoup de convertis viennent des campagnes françaises, comme Maxime Hauchard, et ont peu de raisons de s’identifier à une communauté musulmane qui n’a pour eux qu’une existence virtuelle. Bref, ce n’est pas la « révolte de l’islam » ou celle des « musulmans », mais un problème précis concernant deux catégories de jeunes, originaires de l’immigration en majorité, mais aussi Français « de souche ». Il ne s’agit pas de la radicalisation de l’islam, mais de l’islamisation de la radicalité.

    Qu’y a-t-il de commun entre les « deuxième génération » et les convertis ? Il s’agit d’abord d’une révolte générationnelle : les deux rompent avec leurs parents, ou plus exactement avec ce que leurs parents représentent en termes de culture et de religion. Les « deuxième génération » n’adhèrent jamais à l’islam de leurs parents, ils ne représentent jamais une tradition qui se révolterait contre l’occidentalisation. Ils sont occidentalisés, ils parlent mieux le français que leurs parents. Tous ont partagé la culture « jeune » de leur génération, ils ont bu de l’alcool, fumé du shit, dragué les filles en boîte de nuit. Une grande partie d’entre eux a fait un passage en prison. Et puis un beau matin, ils se sont (re)convertis, en choisissant l’islam salafiste, c’est-à-dire un islam qui rejette le concept de culture, un islam de la norme qui leur permet de se reconstruire tout seuls. Car ils ne veulent ni de la culture de leurs parents ni d’une culture « occidentale », devenues symboles de leur haine de soi.

    La clé de la révolte, c’est d’abord l’absence de transmission d’une religion insérée culturellement. C’est un problème qui ne concerne ni les « première génération », porteurs de l’islam culturel du pays d’origine, mais qui n’ont pas su le transmettre, ni les « troisième génération », qui parlent français avec leurs parents et ont grâce à eux une familiarité avec les modes d’expression de l’islam dans la société française : même si cela peut être conflictuel, c’est « dicible ».

    [...]

    Des jeunes en rupture de ban

    Les jeunes convertis par définition adhèrent, quant à eux, à la « pure » religion, le compromis culturel ne les intéresse pas (rien à voir avec les générations antérieures qui se convertissaient au soufisme) ; ils retrouvent ici la deuxième génération dans l’adhésion à un « islam de rupture », rupture générationnelle, rupture culturelle, et enfin rupture politique. Bref, rien ne sert de leur offrir un « islam modéré », c’est la radicalité qui les attire par définition. Le salafisme n’est pas seulement une question de prédication financée par l’Arabie saoudite, c’est bien le produit qui convient à des jeunes en rupture de ban.

    [...]

    En rupture avec leur famille, les djihadistes sont aussi en marge des communautés musulmanes : ils n’ont presque jamais un passé de piété et de pratique religieuse, au contraire. Les articles des journalistes se ressemblent étonnamment : après chaque attentat, on va enquêter dans l’entourage du meurtrier, et partout c’est « l’effet surprise : « On ne comprend pas, c’était un gentil garçon (variante : “Un simple petit délinquant”), il ne pratiquait pas, il buvait, il fumait des joints, il fréquentait les filles… Ah oui, c’est vrai, il y a quelques mois il a bizarrement changé, il s’est laissé pousser la barbe et a commencé à nous saouler avec la religion. » Pour la version féminine, voir la pléthore d’articles concernant Hasna Aït Boulahcen, « Miss Djihad Frivole ».

    [...]

    La violence à laquelle ils adhèrent est une violence moderne, ils tuent comme les tueurs de masse le font en Amérique ou Breivik en Norvège, froidement et tranquillement. Nihilisme et orgueil sont ici profondément liés.

    Cet individualisme forcené se retrouve dans leur isolement par rapport aux communautés musulmanes. Peu d’entre eux fréquentaient une mosquée. Leurs éventuels imams sont souvent autoproclamés. Leur radicalisation se fait autour d’un imaginaire du héros, de la violence et de la mort, pas de la charia ou de l’utopie. En Syrie, ils ne font que la guerre : aucun ne s’intègre ou ne s’intéresse à la société civile. Et s’ils s’attribuent des esclaves sexuelles ou recrutent de jeunes femmes sur Internet pour en faire des épouses de futurs martyrs, c’est bien qu’ils n’ont aucune intégration sociale dans les sociétés musulmanes qu’ils prétendent défendre. Ils sont plus nihilistes qu’utopistes.

    Aucun ne s’intéresse à la théologie

    Si certains sont passés par le Tabligh (société de prédication fondamentaliste musulmane), aucun n’a fréquenté les Frères musulmans (Union des organistions islamiques de France), aucun n’a milité dans un mouvement politique, à commencer par les mouvements propalestiniens. Aucun n’a eu de pratiques « communautaires » : assurer des repas de fin de ramadan, prêcher dans les mosquées, dans la rue en faisant du porte-à-porte. Aucun n’a fait de sérieuses études religieuses. Aucun ne s’intéresse à la théologie, ni même à la nature du djihad ou à celle de l’Etat islamique.

    Ils se radicalisent autour d’un petit groupe de « copains » qui se sont rencontrés dans un lieu particulier (quartier, prison, club de sport) ; ils recréent une « famille », une fraternité. Il y a un schéma important que personne n’a étudié : la fraternité est souvent biologique. On trouve très régulièrement une paire de « frangins », qui passent à l’action ensemble (les frères Kouachi et Abdeslam, Abdelhamid Abaaoud qui « kidnappe » son petit frère, les frères Clain qui se sont convertis ensemble, sans parler des frères Tsarnaev, auteurs de l’attentat de Boston en avril 2013). Comme si radicaliser la fratrie (sœurs incluses) était un moyen de souligner la dimension générationnelle et la rupture avec les parents. La cellule s’efforce de créer des liens affectifs entre ses membres : on épouse souvent la sœur de son frère d’armes. [...]

    Les terroristes ne sont donc pas l’expression d’une radicalisation de la population musulmane, mais reflètent une révolte générationnelle qui touche une catégorie précise de jeunes.

    Pourquoi l’islam ? Pour la deuxième génération, c’est évident : ils reprennent à leur compte une identité que leurs parents ont, à leurs yeux, galvaudée : ils sont « plus musulmans que les musulmans » et en particulier que leurs parents. L’énergie qu’ils mettent à reconvertir leurs parents (en vain) est significative, mais montre à quel point ils sont sur une autre planète (tous les parents ont un récit à faire de ces échanges). Quant aux convertis, ils choisissent l’islam parce qu’il n’y a que ça sur le marché de la révolte radicale. Rejoindre Daech, c’est la certitude de terroriser.

    Olivier Roy

    http://www.lemonde.fr/idees/article/2015/11/24/le-djihadisme-une-revolte-generationnelle-et-nihiliste_4815992_3232.html

    • Deux petites questions :

      1) « Daech n’envoie pas des Syriens commettre des attentats en France pour dissuader le gouvernement français de le bombarder ». Même si j’apprécie beaucoup le reste de l’article, je ne vois pas en quoi le fait que Daech envoie des Français plutôt que des Syriens rend cette hypothèse ("pour dissuader le gouvernement français de le bombarder") fausse ?

      2) Quelles sont les différences fondamentales (autres que politiques ou religieuses bien sûr, plutôt du côté psychologique ou social entre autres) entre un jeune qui aujourd’hui s’engage dans Daech et un jeune qui dans les années 1970 s’engageait dans la bande à Baader ?

    • Quelles sont les différences fondamentales (autres que politiques ou religieuses bien sûr, plutôt du côté psychologique ou social entre autres) entre un jeune qui aujourd’hui s’engage dans Daech et un jeune qui dans les années 1970 s’engageait dans la bande à Baader ?

      Le niveau de décomposition de la synthèse sociale capitaliste.

      Au-delà et en-deçà des phénomènes « économiques » (chômage de masse, crise environnementale, démantèlement de l’état-providence...) la synthèse sociale capitaliste produit aussi une certaine forme de sujet qui lui est propre et dont les évolutions sont liées à sa décomposition.

      Historiquement, le capitalisme a d’abord forgé le sujet autoritaire, dans lequel des dimensions pré-capitalistes ont été reprises et re-déterminées par les nécessites de la valorisation du capital (c’est le capitalisme de caserne vécu, subi, mais aussi souvent promu aussi bien par l’État, les patrons que par les organisations ouvrières)

      Et puis, au tournant des années 1970, le capitalisme ne peut plus reproduire sa forme de vie sur ses propres base. Le travail productif, pfuitt, disparait à un rythme qui ne peut plus être contré par des tendances compensatrices. Sous les coups de butoir du capitalisme lui-même, sa course à la productivité le mine, contradiction interne qui l’anime et le condamne tout à la fois.

      Du coup, le noyau profond du sujet capitaliste émerge, raboté par l’éviction des dernières scories pré-capitalistes. C’est le règne explicite, au grand jour, du sujet narcissique, du sujet évidé, sans contenu propre (et par là bien conforme aux besoins du capitalisme qui a besoin de personnalités fluides, mais par là-même fragile, prête à s’effondrer à tout moment)

    • Peut-être aussi des parallèles à faire avec la politisation des skinheads dans les années 80... Lumpenproletariat flirtant avec la délinquance et embrigadé comme milice... Et plus loin on peut penser à une partie du vivier de recrutement des Sturmabteilungen.

    • Effectivement, il répond en partie... alors que cette interview date d’il y a un an !!! Merci ! (bon, sauf qu’à l’époque, Olivier Roy différencie Al Qaida de Daech, par le fait que Daech n’intervient pas en occident, tout en reconnaissant que ça peut encore dégénérer, ce en quoi il n’avait pas tort, et en donnant des pistes pour l’éviter, mais il n’a pas été écouté...)

      http://www.franceinter.fr/emission-le-79-olivier-roy-les-jeunes-djihadistes-sont-fascines-par-la-v

    • Effectivement, on ne peut pas mettre la R.A.F. et Daesh dans le même sac d’une « radicalité en soi », se fourvoyant ad nauseam dans une violence nihiliste et non interrogée. C’est la limite de l’analyse de Roy, de faire de la radicalité une catégorie stable à promener d’une époque à l’autre en la rhabillant avec les frusques du moment. Le sujet « radical » est ajusté à chacune des phases et, loin d’être un sujet inchangé dans le fond, qui ferait juste le choix opportuniste de telle ou telle « cause », il exprime l’état courant de la synthèse sociale. A ce titre, le terroriste du 13 novembre est plus proche d’un Andreas Lubitz que d’une Ulrike Meinhof

    • je plussoies sur l’intervention de @ktche
      et ajoute, oui, il y a islamisation, mais il n’y a aucune radicalité dans cette affaire, le soit disant retour aux soit disant racines de l’islam n’est pas une #radicalité, sauf pour les journalistes et autres pense mou, selon eux, ce qui est violent serait radical, voilà ce qui tient pour eux lieu de définition, comme si un #attentat_massacre se devait d’être radical, comme si une bastonnade de babas par la FNSEA était radicale, et les coups de matraques de gazeuses, de flash ball de la police sont-ils radicaux ? ah ben non, c’est les forces de l’odre. Au prie c’est un mauvais emploi de la force.
      ces tueurs ne prennent rien à la racine, ils retournent à la racine pour se chosifier et chosifier, le soit retour aux origines est pas radical, il est conservateur.

    • Des meurtres de masse, Alain Badiou
      http://la-bas.org/la-bas-magazine/textes-a-l-appui/alain-badiou-penser-les-meurtres-de-masse-du-13-novembre-version-texte#III-L

      Ces jeunes se voient donc à la marge à la fois du salariat, de la consommation et de l’avenir. Ce qu’alors leur propose la #fascisation (qu’on appelle stupidement, dans la propagande, une « radicalisation », alors que c’est une pure et simple régression) est un mélange d’héroïsme sacrificiel et criminel et de satisfaction « occidentale ». D’un côté, le jeune va devenir quelqu’un comme un mafieux fier de l’être, capable d’un héroïsme sacrificiel et criminel : tuer des occidentaux, vaincre les tueurs des autres bandes, pratiquer une cruauté spectaculaire, conquérir des territoires, etc Cela d’un côté, et de l’autre, des touches de « belle vie », des satisfactions diverses. Daech paye assez bien l’ensemble de ses hommes de main, beaucoup mieux que ce qu’ils pourraient gagner « normalement » dans les zones où ils vivent. Il y a un peu d’argent, il y a des femmes, il y a des voitures, etc. C’est donc un mélange de propositions héroïques mortifères et, en même temps, de corruption occidentale par les produits. (...) Disons que c’est la fascisation qui islamise, et non l’Islam qui fascine.

    • Réponse à Olivier Roy : les non-dits de « l’islamisation de la radicalité », François Burgat
      http://rue89.nouvelobs.com/2015/12/01/reponse-a-olivier-roy-les-non-dits-lislamisation-radicalite-262320

      Dans les rangs de Daech, après avoir annoncé par deux fois leur disparition, Roy ne pouvait donc logiquement plus accepter de voir des islamistes, ni même des acteurs politiques. Il botta donc en touche en déclarant n’y voir que des « fous » à qui il ne donna... « pas un an ».

      Aujourd’hui, j’ai pour ma part beaucoup de difficulté à ranger les frères Kouachi, fort construits dans l’expression de leurs motivations, dans la catégorie de simples paumés dépolitisés – et de reconnaître chez Coulibally (auteur de l’attaque contre l’Hyper Cacher) quelqu’un qui, entre autres, « ne s’intéresse[nt] pas aux luttes concrètes du monde musulman (Palestine) ».

      Disculper nos politiques étrangères

      Si une telle hypothèse permet à Roy de demeurer cohérent avec la ligne de ses fragiles prédictions passées, elle n’apporte en fait qu’une nouvelle pierre (celle de la pathologie sociale, voire mentale) à une construction qui reproduit le même biais que l’approche culturaliste qu’elle prétend dépasser : elle déconnecte d’une façon dangereusement volontariste les théâtres politiques européen et proche-oriental.

      La thèse qui disculpe nos politiques étrangères a donc tout pour séduire tant elle est agréable à entendre.

    • du même texte de Burgat :

      cette thèse de « l’islamisation de la radicalité » ne s’en prend pas principalement à la lecture culturaliste. Elle condamne surtout, avec dédain, en la qualifiant de « vieille antienne » « tiers-mondiste », une approche dont – sans en reprendre la désignation péjorative – nous sommes nombreux à considérer que, bien au contraire, elle constitue l’alpha et l’oméga de toute approche scientifique du phénomène djihadiste.

      Le discrédit du « tiers-mondisme » consiste ici ni plus ni moins qu’à refuser de corréler – si peu que ce soit – les conduites radicales émergentes en France ou ailleurs avec... selon les termes mêmes de Roy, « la souffrance post-coloniale, l’identification des jeunes à la cause palestinienne, leur rejet des interventions occidentales au Moyen-Orient et leur exclusion d’une France raciste et islamophobe ».

    • S’il faut mettre en lumière les corrélations, comme le propose Burgat, il faut aussi être en mesure d’expliquer les différences d’une façon qui soit ni contingente, ni déterministe.

      Si Burgat esquisse parfois un lien avec l’économie (L’islamisme à l’heure d’Al-Qaida , p.29), il n’y voit qu’un effet « adjuvant » (op. cit. p.83). Mais l’économie n’est pas une sphère juxtaposée à celles de la politique ou de la culture, c’est une forme sociale totale. La « troisième temporalité de l’islamisme » proposée par Burgat peut alors être aussi bien interprétée comme une réaction à la modernisation (une tentative de freiner ou de retourner en arrière) qu’une sorte d’accompagnement de la décomposition de la synthèse sociale capitaliste (sans perspective d’émancipation), avec des variations résultant des stades différenciés dans lesquels cette synthèse sociale s’est trouvée au moment où cette décomposition devient manifeste.

      http://seenthis.net/messages/328965

  • Une islamisation de la révolte radicale ?
    http://blogs.mediapart.fr/blog/alain-bertho/130515/une-islamisation-de-la-revolte-radicale ?

    Regards. Comment avez-vous interprété les attaques terroristes du début d’année à Paris ?

    Alain Bertho. Quelques jours après les attentats des 7 et 9 janvier, j’ai lu Underground. Dans ce livre basé essentiellement sur des entretiens, le romancier japonais Haruki Murakami tente de comprendre l’attaque meurtrière au gaz sarin perpétrée par la secte Aum dans le métro de Tokyo en 1995. Il a pour cela interrogé des victimes, dont il restitue les témoignages singuliers, et des membres de la secte. Son travail montre à quel point, dans ce genre de situations, deux expériences subjectives irréconciliables sont en concurrence sur le sens de l’événement : celle des victimes et celles des meurtriers. En réalité, l’expérience des victimes est celle d’un pourquoi sans réponse. La répétition en boucle des témoignages et de l’extrême douleur ne produit pas de sens. Cette expérience de souffrance physique et subjective est la matière première possible pour construire des énoncés sur la période qui s’ouvre. On l’a vu en janvier en France, on l’a revu à Tunis en mars. Quand « les mots ne suffisent plus », voire quand « il n’y a pas de mots » pour le dire, c’est que l’événement est au sens propre "impensable". C’est ce que nous montre Haruki Murakami dans les deux tiers de son livre consacrés aux passagers du métro dont la vie a été bouleversée, voire anéantie par l’attentat. Mais ce qui fait le sens de l’acte et assure sa continuité subjective avant, pendant et après, c’est ce que pensent ceux qui en ont été les acteurs ou auraient pu l’être. C’est ce qu’interroge Haruki Murakami en donnant la parole à des membres d’Aum. Il nous donne à lire une intellectualité en partage entre quelques assassins et de beaucoup plus paisibles Japonais au nom desquels les meurtres ont été commis. Il nous montre comment, si le passage à l’acte est toujours exceptionnel, il s’enracine dans une vision du monde et une expérience partagée. C’est l’élément qui nous manque aujourd’hui pour comprendre complètement les 7-8-9 janvier 2015.

    Regards. Comment reconstituer, compléter le tableau ?

    À notre tour, nous devons faire ce travail et comprendre le sens des meurtres de Paris. Notre subjectivité, et on peut le comprendre, s’y est refusée. Nous avons été sidérés, choqués. Pour faire le deuil de ce traumatisme, il a été nécessaire de construire un récit qui n’est pas celui des meurtriers. Mais malgré l’horreur que cela nous inspire, il faut pourtant comprendre le sens qu’ils ont donné à leur acte. Le qualificatif de terroriste est beaucoup trop général et générique. Nous avons affaire à la rencontre d’expériences personnelles et d’une figure contemporaine et mortifère de la révolte que la seule logique policière et militaire ne parviendra pas à anéantir. Les actes d’Amedy Coulibaly et des frères Kouachi, comme ceux de Mohammed Merah, viennent au terme d’histoires singulières, d’histoires françaises. Comme celles des quelque mille jeunes français partis en Syrie. Comme celle de ceux, bien plus nombreux, qui ne regardent pas forcément avec autant d’horreur que nous cette guerre annoncée contre l’occident corrupteur. De la même façon, les salafistes tunisiens dont sont issus les meurtriers du Bardo sont particulièrement bien implantés à Sidi Bouzid et Kasserine, dans le berceau de la révolution de décembre 2010-janvier 2011. Pire : nombre d’entre eux ont été les acteurs de cette révolution et n’étaient pas salafistes à l’époque.

    Regards. Est-ce que des événements passés peuvent aider à comprendre ce qui s’enracine ici et maintenant ? Comment comprenez-vous la conversion à l’Islam de jeunes sans rapport aucun avec la culture arabe, parfois issus de milieux très engagés à gauche ?

    Je pense qu’il nous faut comprendre que nous n’avons pas affaire à un phénomène sectaire isolé, et surtout que nous n’avons pas affaire à une "radicalisation de l’Islam", mais plutôt à une islamisation de la révolte radicale. Alors que les salafistes tunisiens actuels les plus actifs ne l’étaient pas lorsqu’ils étaient mobilisés contre Ben Ali, on sait que les candidats français au djihad sont bien souvent des convertis ou, à l’instar de Coulibaly et des frères Kouachi, des pratiquants tardifs. La vérité de leurs mobiles et de leur pensée ne doit pas tant être cherchée dans la théologie, de l’Islam en général ou du wahhabisme en particulier, mais bien dans la cohérence contemporaine des propositions politiques qu’ils portent. Si la confessionnalisation du monde et des affrontements est bien au cœur de ces propositions, ils sont loin d’en avoir le monopole aujourd’hui. Cette confessionnalisation en a mobilisé d’autres, en France ou ailleurs, dans la rue (la "Manif pour tous") comme dans les gouvernements. L’événement majeur qui nous a conduits là est sans aucun doute l’effondrement des États communistes et du communisme à la fin du 20e siècle et, de proche en proche, l’effondrement de la figure moderne de la politique qui faisait de la conquête du pouvoir le levier des transformations collectives. Nous avons perdu dans le même mouvement l’espoir révolutionnaire et le sens de la représentation élective. Nous avons perdu en même temps un certain rapport populaire et politique au temps historique, dans lequel le passé permettait de comprendre le présent et le présent de préparer l’avenir.

    Regards. Quelles formes prend la rupture de ce lien ?

    Pour toute une génération qui arrive aujourd’hui à l’âge adulte, une évidence s’impose : au bout du chemin emprunté par leurs parents, qu’ils aient immigré pour une vie meilleure, milité pour des lendemains qui chantent ou œuvré à leur propre "réussite", il y a une impasse. Plus d’espoir collectif de révolution ou de progrès social et peu d’espoir de réussite individuelle. Le compte à rebours de la planète semble commencé sans que rien n’arrête la course à la catastrophe. Avec la mondialisation financière, la vie publique est dominée par la corruption des États et le mensonge des gouvernements. Dans ces conditions, les valeurs de la République peuvent apparaître quelque peu désincarnées. La référence obsessionnelle à la mémoire s’est substituée à la réflexivité du récit historique. Et nous avons perdu le sens du passé parce que nous n’avons plus de subjectivité collective de l’avenir. Tout ceci, nous le savons peu ou prou. Mais il nous faut en réfléchir les articulations et les conséquences. Qu’est-ce qu’une révolte qui n’a plus ni avenir ni espoir ? Quand on a cela en tête, on comprend mieux la puissance subjective des propositions djihadistes. Le seul avenir proposé est la mort : celle « des mécréants, des juifs et des croisés » comme celle des martyres qui finiront au paradis en emmenant avec eux soixante-dix personnes. Quand on a cela en tête, on comprend mieux aussi la publicité faite par Daech autour des destructions des vestiges du passé et du patrimoine culturel. Si ce passé nous a menti sur notre avenir, il ne nous servirait plus qu’à mentir encore.

    Regards. Le problème est que ce choix se tourne vers un islam des plus rétrogrades, des plus intrusifs…

    En effet… Le salafisme, puisque c’est de lui qu’il s’agit, repose sur un sens donné à la vie qui ne laisse aucune place à la liberté. C’est l’islam dans une version des plus totalisantes. Un de ses attraits repose sur sa maîtrise de l’intime, la répression des désirs et des plaisirs, un cadre proposé pour tous les actes et les moments de la vie comme un acte de résistance au capitalisme et à « l’occident corrupteur ». Dans toute organisation de la révolte, il y a une figure de la libération possible et une contrainte de lutte, une discipline, et une éthique. Nous vivons l’effondrement des constructions qui ont associé ces deux dimensions à la fois libératrices et contraignantes. Le communisme a été au 20e siècle sa forme majeure. Il donnait sens à la souffrance, à la vie quotidienne en même temps qu’il proposait une subversion. Nous sommes toujours dans ce moment qui suit l’effondrement du communisme, mais aussi celui du tiers-mondisme. Le cycle politique des 19e et 20e siècles se clôt.

    Regards. La demande ne s’exprime pas que sur le terrain spirituel ou religieux. Elle prend des formes politiques explicites, par exemple avec EI, l’État islamique.

    Il y a une demande de politique et de cadre qui se retrouve dans le nom que se donne ce mouvement radical, l’État islamique. Il n’a rien d’un État au sens moderne du terme : il ne garantit ni la paix ni le respect de l’altérité. Il est au contraire entièrement fondé sur la guerre et le massacre de l’autre. Il n’est ni national ni territorial, mais à vocation universaliste et multi-situé avec le jeu des "allégeances" qui ne vont que se multiplier. Mais c’est une puissance de combat au service de cette radicalité mortifère, une puissance qui – à l’instar de la puissance malfaisante du Cinquième élément de Luc Besson – se renforce et gagne en influence quand on l’attaque.

    Regards. Peut-on faire un parallèle entre l’extrême gauche hyperpolitisée passée au terrorisme dans les années 1970 et ces actes individuels sans revendication ?

    L’effondrement de la catégorie d’avenir dont nous avons parlé, et que l’anthropologue Arjun Appadurai a mis au centre de son dernier livre The Future as Cultural Fact : Essays on the Global Condition, est sans doute une des dimensions de la vague émeutière qui a touché le monde entier depuis le début du siècle. Ces dernières années, cette vague a été prolongée par de grandes mobilisations collectives comme ce que l’on a appelé le printemps arabe, la mobilisation brésilienne contre la Coupe du monde, la mobilisation turque contre le projet urbain de la place Taksim… Nous venons de vivre une séquence mondiale d’affrontements entre les peuples et les pouvoirs, équivalente du "Printemps des peuples" de 1848, des révolutions communistes d’après la première guerre mondiale, de 1968. Il y a deux devenirs possibles à ses séquences : la construction d’une figure durable de la révolte et de l’espoir qui s’incarne dans des mouvements politiques organisés et des perspectives institutionnelles, ou la dérive vers le désespoir et la violence minoritaire. Après 1968, on a connu les Brigades rouges, la Bande à Baader, des dérives terroristes au Japon. Pendant ces dix dernières années, une génération s’est révoltée. Si rien ne semble bouger, comment s’étonner que certains décident de passer à la "phase 2" ? C’est l’expérience biographique des meurtriers de janvier. Le 17 septembre 2000, Amedy Coulibaly, qui a alors dix-huit ans, vole des motos avec un copain, Ali Rezgui, dix-neuf ans. Ils sont poursuivis par la police… qui tire, et Ali meurt dans ses bras sur un parking de Combs-la-Ville. Aucune enquête n’est ouverte sur la bavure. Cela provoque deux jours d’émeute à la Grande-Borne. Où sont aujourd’hui tous les acteurs des émeutes de 2005 ? Et tous ceux qui les ont regardés faire avec sympathie ? Comment regardent-ils la vie et la politique ? Quel regard ont-ils porté sur les événements de janvier ? On ne les a pas écoutés avant, ni pendant, ni après, ni depuis le 7 janvier. Le 8 au soir, je ne me suis pas rendu à la République, mais au rassemblement devant la mairie de Saint-Denis, ville où j’habite. J’ai rarement vu autant de monde, aussi ému. Mais en même temps, j’y ai rarement vu aussi peu "tout le monde". Il y avait certainement là tous les réseaux des militants. Mais si peu de gens ordinaires, d’inconnus, de gens et de jeunes "des quartiers", comme on dit. Pris dans notre émotion collective, avons-nous été attentifs au clivage silencieux qui était en train de prendre forme ?

    Regards. Comment avez-vous vécu la grande manifestation du 11 janvier ?

    C’est un événement complexe. Je ne sais pas si nous avons déjà connu dans l’histoire une mobilisation aussi massive, construite sur du désarroi. Je l’ai un peu vécue comme une marche funèbre, l’enterrement de la génération de 68. C’est sur ce désarroi que l’État a pu construire un sens auquel il a donné un nom : "l’esprit du 11 janvier". Il y a dans l’expression "Je suis Charlie" au moins deux choses qu’il nous faut éclaircir. D’abord le "je" qui n’est pas d’emblée un "nous" sommes Charlie. Car le nous ne préexiste pas au désarroi, il se construit dans le partage de l’émotion et dans les rassemblements. C’est pourquoi il est idéologiquement plastique. Ensuite il y a Charlie. Car il y a eu trois catégories de victimes : les "mécréants" (Charlie), les juifs (l’Hypercacher) et les "croisés" (le policier du 11e arrondissement et la policière de Montrouge). Mohammed Merah s’en était déjà pris aux juifs et aux "croisés" sans susciter tant d’émotion. Et gageons que si Coulibaly avait agi seul et si les frères Kouachi n’avaient pas attaqué Charlie, la mobilisation n’aurait absolument pas été la même. Quelque chose s’est noué autour de l’attaque d’un journal peu connu et peu lu, devenu plus sûrement le symbole d’une liberté collective que ne l’aurait été peut-être un autre organe de presse ayant beaucoup plus pignon sur rue. C’est aussi à une butte témoin des années 60-70 que s’en sont pris, sans le savoir, les assassins, à des souvenirs d’enfance et de jeunesse, aux dernières traces d’une révolte juvénile d’un autre âge. Car pour une part, comme l’ont dit des collégiens à leurs enseignants, on a aussi assassiné des "papys". Mais une part du malentendu national est là. D’une certaine façon, une équipe héritière de mai 68 a mené jusqu’au bout des batailles devenues décalées par rapport aux enjeux d’aujourd’hui. Charlie a inscrit son irrévérence face à l’islam dans la lignée de son opposition aux églises et aux dogmes qui bloquent la libération de la société. Ils n’ont pas pris la mesure qu’en France au 21e siècle, s’en prendre ainsi à l’Islam, c’était aussi blesser les gens dominés dont c’était un point d’appui éthique pour faire face à la souffrance sociale.

    Regards. "L’esprit du 11 janvier" n’a pas opéré sur vous…

    Une fois encore, qui maîtrise le sens de l’événement ? Qui le construit ? C’est le pouvoir qui parle de "l’esprit du 11 janvier". Je le redis, le consensus de l’émotion s’est construit sur un non-dit. Les incidents autour de la minute de silence ont été révélateurs de ce non-dit. Et plutôt que d’entendre le malaise qui s’exprimait alors, ils ont été au sens propre "réduits au silence", soumis à l’opprobre général, voire judiciarisés. On est ainsi passé de l’émotion partagée à l’émotion obligatoire. Pense-t-on inculquer par autorité les valeurs de la République ? On sait bien, depuis au moins une génération, que ces valeurs sont aussi des promesses non tenues. L’obligation d’y adhérer est une violence de plus. L’une des grandes faiblesses du monde institutionnel est de penser que l’on peut répondre par les valeurs du passé, par la transmission. Les vraies valeurs d’une génération sont celles qu’elle se construit en retravaillant le passé à l’épreuve de sa propre expérience. La transmission n’y suffit pas. Le propre des valeurs est de donner un sens éthique à l’expérience. C’est hélas ce qui fait, pour certains, le sens du djihad et son attrait.

    Regards. Quel rapport entre les djihadistes d’ici, qui partent en Syrie, et ceux qui ont contesté la minute de silence ?

    Nous sommes face à des trajectoires subjectives diverses et pour une part disjointes. C’est une erreur grossière d’assimiler ceux qui ont contesté la minute de silence à des candidats au djihad, ou même à ses thuriféraires. Et même tous ceux qui partent en Syrie ne sont pas forcément voués au meurtre individuel. Il y a dans ce passage à l’acte ultime une part de décrochage irrationnel. Mais il y a un contexte, des vécus en écho sinon en partage. Comme à d’autres époques, ce contexte est aujourd’hui assez puissant pour polariser des décrochages psychiques, voire donner un sens contemporain à la folie. Pour les jeunes de la Grande Borne, Amédy Coulibaly est identifié comme "perché", autrement dit un peu cassé dans sa tête. De quel contexte subjectif est-il question ici ? Il s’agit d’une expérience en partage, un désarroi et une révolte face à un monde politique, médiatique, institutionnel qui ne prend pas en compte le malaise ou la souffrance d’une partie des classes populaires, qui les confessionnalise et les stigmatise. C’est plus que l’expérience d’une "exclusion" objective. C’est l’expérience collective d’une négation subjective. Ce qu’ils ressentent n’a pas d’existence officielle.

    Regards. Quelles sont les conséquences de ce déni d’existence ?

    Il ne faut pas sous-estimer les effets dévastateurs de cette expérience populaire : l’expérience du mensonge permanent des discours politiques et journalistiques à leur propre endroit. Cette expérience est destructrice des repères sur la notion même de vérité et alimente toutes les rumeurs et tous les complotismes dont se repaissent Alain Soral et ses amis. Si le "système" gouverne avec le mensonge, toute parole autorisée fut-elle scientifique peut être frappée du sceau du soupçon. D’autre part, la négation de la souffrance alimente toutes les mises en concurrence victimaires. De ce point de vue, l’influence de Dieudonné comme héro “anti-système” aurait dû être davantage regardée comme un symptôme plus global et pas une dérive morale solitaire. Mais l’indifférence générale à l’islamophobie a aussi ouvert la voie à un un renouveau antisémite bien au-delà de ceux qui en étaient les victimes. N’en déplaise au président du Crif, les profanateurs du cimetière de Sarre-Union en février n’étaient pas musulmans. Le résultat, aujourd’hui, est que si l’islamophobie progresse, l’antisémitisme aussi. En vis-à-vis de l’extrême droite officiellement islamophobe du FN, un terreau est aujourd’hui prêt pour une autre extrême droite, “révolutionnaire” comme on disait, populaire et antisémite.

    Regards. Et maintenant ?

    Une période s’achève… La conversion au djihadisme est aujourd’hui une figure possible de la révolte. La réponse à ce drame n’est certainement pas une figure de l’ordre, fût-elle républicaine. La réponse viendra d’une figure alternative et contemporaine de la révolte, une révolte qui ne se place pas sur le terrain de la négation de l’avenir, de la négation du passé et de la haine de la pensée. Les deux questions clefs qui sont devant nous sont celle du possible et celle de la paix. « Podemos », nous dit le mouvement d’Iglesias en Espagne. Quand la financiarisation au pouvoir nous enferme dans des calculs de probabilités et de risques, il est urgent d’ouvrir des possibles sans lesquels l’avenir n’est qu’un mot creux. Et quand la guerre ou la menace de guerre (ou de terrorisme) tend à devenir un mode de gouvernement, il est temps de redonner un sens à une perspective de paix collective qui ne passe pas par une politique sécuritaire ni par des frappes aériennes un peu partout dans le monde. C’est peut-être aussi cela que nous ont dit les manifestants du 11 janvier. Je ne suis pas sûr qu’ils aient été bien entendus sur ce point.

  • Le temps de l’enfant, le temps de sa construction (Café Pédagogique)
    http://www.cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2012/01/06012012_CollotTemps.aspx

    Il ne vient jamais à l’esprit d’un parent de penser « je lui ai appris à parler ». L’apprentissage dont la source et l’auteur n’est que l’enfant s’effectue dans l’interaction et l’interrelation avec son entourage. Si celui-ci y contribue, c’est également dans un tâtonnement constant d’encouragements, de rectifications, de sollicitations, de propositions… Enfin, sauf cas pathologiques rares, tous les enfants apprennent à parler !
    […] Le découpage du temps c’est aussi celui des espaces et des temps de vie soigneusement cloisonnés. Il brise l’unicité de la personne et la continuité de sa construction. J’entre à l’école, je quitte mon habit d’enfant et j’endosse ma veste d’élève, d’apprenti, et je dois oublier ce qui me constituait avant de franchir la grille. Cognitivement et affectivement, c’est impossible.
    […] Il n’y a pas que le problème des rythmes scolaires qui est insoluble dans la conception de l’école telle elle est encore. Tous ceux évoqués ces dernières décennies relèvent de la même quadrature du cercle : programmes, évaluation, violence, motivation, méthodes… échec… de l’institution. Si on fait l’impasse sur les arrière-pensées politiques qui induisent l’instauration et surtout le maintien des systèmes sociaux, il n’empêche que nous sommes toujours prisonniers de nos représentations, de ce que Castoriadis appelle l’imaginaire collectif et qui nous transforme en individus hétéronomes. Plus qu’une révolution scolaire, c’est un changement de paradigme éducatif que nous devons urgemment réaliser.

    Et une définition de la #simplexité

    C’est ce qu’Alain Berthoz appelle la simplexité : en se centrant sur une conception et une mise en œuvre simples, celle de la construction des langages, on élimine la complication mais on permet la complexité.

    #éducation #temps #école_du_3ème_type #pédagogie #élèves #apprentissages #réforme

  • Mouvement des Indignés : « En France, c’est chacun dans son coin » | Alain Bertho (20minutes.fr)
    http://www.20minutes.fr/societe/815468-mouvement-indignes-en-france-chacun-coin

    Les nombreux mouvements de protestations et d’émeutes dans le monde concernent pour l’essentiel des jeunes, qui sont face à l’absence de revenus, de travail et d’avenir. Dans certains pays, la jeunesse entière se retrouve à un moment réunie ensemble autour d’un mouvement de protestation, et agrège ensuite des gens très différents. Ça a été le cas dans la révolte tunisienne et même en Grèce. Dans le nord de l’Europe, du moins en Angleterre ou en France, c’est plutôt chacun dans son coin. Les étudiants et les jeunes universitaires d’un côté et les jeunes des quartiers populaires de l’autre. Chacun des mouvements se confronte au pouvoir mais ne se sent pas concernés par les revendications de l’autre. Ça a été le cas en 2005, où il y a eu les émeutes en banlieues et ensuite le fort mouvement de protestation contre le CPE. Les deux mouvements ne se sont d’ailleurs pas très bien entendus. (...) Source : 20minutes.fr

  • Mouvement des Indignés : « En France, c’est chacun dans son coin » - 20minutes.fr
    http://www.20minutes.fr/societe/815468-mouvement-indignes-en-france-chacun-coin

    Ce serait parce que le discours des indignés pourrait avoir un débouché politique avec certains hommes politiques, comme Arnaud Montebourg ou Jean-Luc Mélenchon que le mouvement est moins fort ?
    Je ne pense pas qu’il faut parler de débouché politique. Ce n’est pas ce que cherchent ces mobilisations qui portent une méfiance profonde à l’égard vis-à-vis du système politique et des partis. La lutte contre la corruption des partis et des pouvoirs est le point n°1 de l’appel des Indignados espagnols. Il y a parfois un écho des positions de ce mouvement chez certains hommes politiques. Mais je crains que cela ne reste qu’un écho. En France, il faut peut-être donner rendez-vous au mouvement des Indignés en septembre 2012.

  • L’augmentation des émeutes : un phénomène mondial | Ivan du Roy (Basta !)
    http://www.bastamag.net/article1717.html

    Certaines débouchent sur des revendications, voire des révolutions. La plupart s’éteignent aussi vite qu’elles se sont allumées. Une chose est sûre : de Londres à Sidi Bouzid en Tunisie, de Santiago du Chili à Villiers-le-Bel, les émeutes sont devenues un phénomène global. En 2011, on en recense plus de trois par jour. Décryptage avec Alain Bertho, professeur d’anthropologie à l’université Paris 8. (...)

  • « Les émeutes mettent en lumière la pensée populaire » (côté quartiers)
    http://quartierspop.over-blog.fr/article-les-emeutes-mettent-en-lumiere-la-pensee-populaire-84

    Alain Bertho est professeur d’anthropologie à l’Institut d’Etudes Européennes et directeur de l’école doctorale de Sciences sociales de l’Université de Paris 8-Saint-Denis. Il est l’auteur de « Le temps des émeutes » aux éditions Bayard. Il analyse la portée politique des émeutes, l’invisibilité populaire qu’elles traduisent, et les relie aux soulèvements récents des Indignés d’Espagne, de Grèce, du Sénégal et aujourd’hui d’Israël… Grand entretien. (...)

  • Émeutes de Londres : une exaspération mondiale, entretien avec Alain Bertho
    http://rebellyon.info/Emeutes-de-Londres-une.html

    Alain Bertho s’était déplacé à Lyon pour y présenter son film « les raisons de la colère » et son travail universitaire sur les émeutes. Il a répondu à des questions intéressantes de Médiapart sur les émeutes actuelles en Angleterre. L’article étant uniquement accessible sur abonnement, le voici à disposition ici.

    #UKriots