person:albin michel

  • Les 15 et 16 juin, à La Générale (Paris), le THC Circus (@arno on y retrouvera la Fabrique de Fanzines). Stands de bandes dessinées dites indés, expositions, concerts, cantine pop, rencontres assurées avec des gens chouettes

    comme THC n’a rien branlé pour la promo jusqu’ici, hé bé faut bien s’y coller. La présentation par la Générale même, c’est ça :

    PROGRAMME – STANDS / ATELIER /CONCERTS / EXPO
    STANDS, 17 EXPOSANTS : The Hoochie Coochie, Adverse, Serendip Livres, 3oeil, Flûtiste, Bien Monsieur, J’apprends Magazine, Novland, PCCBA, Factotum, La Hyène, Une Autre Image, Le Trainailleur, Cacahuète, L’Insolante, Les Machines, Hécatombe.
    ATELIER – La Fabrique de fanzines (sans inscription et tout le w.e en continu)
    La Fabrique de Fanzines fabrique des fanzines de A à Z. Tous ceux qui veulent bien participer, dessinent, écrivent, photocopient, plient, agrafent, coupent et lisent des fanzines. Il y a une photocopieuse, un massicot, une agrafeuse, des stylos, du papier, des tables, des chaises, un coin pour lire avec un tapis, des coussins, de la musique. Les originaux sont scotchés au mur, un exemplaire de chaque pend à la corde à linge, des exemplaires gratuits sont offerts dans un boîte.
    2 CONCERTS : Samedi 15 — Prix libre — ouverture des portes à 20h30, début des concerts à 21h
    -- Jenny Abouav (performance solo — modulation granulaire électro-acoustique via capteurs de lumière)
    -- One Lick Less (duo batterie / chant – guitare et double pedal steel home-made : folk-rock avancé / Blues mutant)
    4 EXPO :
    -- Gautier Ducatez La traque de Kenny Martins (The Hoochie Coochie)
    48h, c’est le temps que se donnent Armand et Idrissou pour retrouver l’identité du meurtrier
    de Moussa Kango. Un épisode supplémentaire d’Armand, le polar de Gautier Ducatez, qui
    s’écrit en pastiche de pochettes iconiques de rap. Du 113 à MF Doom, des Gravediggaz à
    IAM
    -- L.L. de Mars Hapax (The Hoochie Coochie)
    Hapax est un livre consacré à une seule question, aussi simple que propre à vous perdre infiniment : qu’est-ce que que « prendre forme » ?
    Des formes rencontrées au cours d’une vie, des œuvres et des idées qu’on intériorise pas à pas, qu’est-ce qui peut prendre corps dans des formes nouvelles sans les subordonner ? Qu’est-ce qui, des formes, et dans les formes, ouvre ou réduit ? Qu’est-ce qui crée, déplie, radote, anéantit ? Le dispositif proposé met en scène le désordre des lignes invisibles qui structurent un travail artistique, dans la forme la plus visiblement subordonnée aux significations, celle de la médiation culturelle et muséale.
    -- Guillaume Chailleux (Adverse)
    En une douzaine de travaux réalisés au format A3, Guillaume Chailleux s’attaque à la question délicate de la « plasticité » de la planche de bande dessinée, particulièrement prégnante dans le cadre d’une exposition dédiée à un art privilégiant l’imprimé.
    Soit un essai critique sous la forme d’une série d’interventions convoquant les avant-gardes picturales du XXe siècle, jouant des problématiques de couleurs, de cadre, d’agencements et de sérialisme.
    Cette exposition accompagne la sortie de Filer, deuxième livre de Guillaume Chailleux qui tente l’épuisement d’une des formes les plus minimales de la bande dessinée, le gaufrier en 4 cases.
    -- Raphaële Enjary, Olivier Philipponneau et ALIS Amimots (3œil – Albin Michel Jeunesse)
    À l’occasion de la sortie d’AMIMOTS dans la collection Trapèze des éditions Albin Michel Jeunesse, l’atelier 3œil présentera une série de 8 sérigraphies grand format et 10 risographies petit format.
    Le mot de l’éditeur : Amimots est à la fois un livre joueur et minutieux. Il met en pratique la malicieuse police de caractères inventée par ALIS : la « police coupable », spécialement dessinée pour permettre des mariages formels entre les mots de la langue française, comme un pêle-mêle aux possibilités infinies. Amimots met à la portée des enfants cette combinatoire typographique amusante : par la magie des similitudes entre les mots, un grillon devient un sphinx, un loir devient un yéti en soulevant le rabat. Cette ambiguïté féconde entre les mots est redoublée par des illustrations en deux tons directs, dans un style minimaliste proche du pochoir. Ces correspondances entre les mots et les images, absolument inédites dans leur double implication, procurent à la fois un vrai divertissement et une méditation sur l’identité des êtres. À partir de 4 ans

    https://www.lagenerale.fr/?p=13191

  • La Réunion : Des députés veulent une commission d’enquête sur les avortements et stérilisations forcés
    https://www.20minutes.fr/politique/2433223-20190126-reunion-deputes-veulent-commission-enquete-avortements-st

    Des milliers de Françaises forcées à avorter, certaines stérilisées dans la foulée, le tout « avec la bénédiction de l’Etat », le scénario d’un film de science-fiction ? Non. Une histoire on ne peut plus vraie, que des députés viennent de sortir de l’oubli.

    Le 19 décembre, le Réunionnais Jean-Hugues Ratenon (LFI) et une trentaine de collègues issus des rangs LR, UDI et GR, notamment, ont déposé une proposition de résolution pour obtenir la création d’une commission d’enquête sur les avortements et stérilisations forcés qui ont eu lieu il y a une cinquantaine d’années sur l’île de La Réunion. Des pratiques révélées en 1970 par « un vieux médecin catholique de Trois-Bassins [ouest de l’île] qui, un soir de mars, est appelé au chevet d’une patiente de 17 ans victime d’une grave hémorragie après un avortement », indiquait Le Nouvel observateur, qui médiatisa l’affaire le 30 novembre de cette année-là.
    « Certaines femmes étaient enceintes de six mois »

    L’enquête démontre alors que ces actes non consentis ont été réalisés par milliers, « parfois sur des femmes enceintes depuis six, sept ou huit mois », précise Le Nouvel observateur, et « depuis au moins 1966 dans une clinique de Saint-Benoît [est de l’île], complètent les députés dans l’exposé des motifs de leur proposition de résolution. En 1971, un procès a lieu pour manœuvres abortives, en première instance, puis en appel, contre trois médecins et un infirmier de la clinique. Les peines prononcées vont de deux ans d’emprisonnement (avec interdiction d’exercer pendant quelques années) à la relaxe. Le directeur de l’établissement hospitalier, lui, est reconnu civilement responsable, mais sans peine. » Puis l’affaire tombe dans l’oubli. Jusqu’à ce que Jean-Hugues Ratenon soit élu député et qu’il ait « les moyens de formuler [lui-même] la demande » de création d’une enquête parlementaire.

    « Je connais des femmes à qui c’est arrivé »

    Le sujet lui tient à cœur. Parce que « je suis né à Saint-Benoît et que je connais des femmes à qui c’est arrivé, confie l’élu du parti La France insoumise à 20 Minutes. Beaucoup de victimes sont encore en vie, car elles étaient jeunes à l’époque et que les faits ne remontent pas à il y a tellement longtemps. Mais elles ne veulent pas témoigner. Cette affaire fait partie, avec celle des “enfants de la Creuse”, des grands tabous réunionnais. Mais pour avancer sereinement, il faut purger tout ça. »

    En demandant la création d’une commission d’enquête parlementaire, les députés espèrent que la lumière sera faite sur ces événements afin d’avoir « une idée précise de l’ampleur des faits (les déclarations de journées d’hospitalisation et les témoignages laissent penser que le nombre de victimes peut s’élever à plusieurs centaines ou milliers de femmes) » et d’évaluer « l’étendue des responsabilités personnelles et institutionnelles ».
    L’Etat mis en cause

    « Il y a eu des arrangements et des complicités, à l’époque, entre les médecins, le conseil départemental d’alors et l’Etat », condamne Jean-Hugues Ratenon. Dans la proposition de résolution des députés est cité l’un des accusés : « La Sécurité sociale, le président du conseil général m’ont donné le feu vert pour les stérilisations (…). Comment expliquer que tous ces actes aient été faits en plein jour et tous remboursés par la Sécurité sociale ? »

    Une politique antinataliste a-t-elle été menée à La Réunion alors que, à cette époque, l’avortement était interdit et criminalisé en métropole ? Françoise Vergès l’affirme. Entre autres politologue et militante féministe, elle a publié en 2017, deux ans après les 50 ans de la loi Veil, Le ventre des femmes : capitalisme, racialisation, féminisme (Albin Michel). Un ouvrage dans lequel elle rend « hommage aux 30 femmes noires avortées et stérilisées de force qui ont eu le courage de témoigner en 1971. Elles ne recevront aucune réparation. » Elle y dénonce aussi la façon dont l’Etat a traité différemment les femmes en fonction de leur territoire. « Les femmes blanches ont été encouragées à faire des enfants, indique-t-elle à 20 Minutes. La publicité pour les contraceptifs était, par exemple, interdite dans l’Hexagone. A La Réunion, en revanche, des campagnes pour le contrôle des naissances et la contraception ont été organisées. » Dans une entrevue donnée à Libération le 14 avril 2017, Françoise Vergès précisait : « D’immenses affiches au bord des routes représentaient des femmes suivies de 8 enfants avec, écrit en gros : “Assez !” »
    Les milieux médicaux « sexistes et racistes » ?

    A ses yeux, la création d’une commission d’enquête parlementaire « permettra, peut-être, de rétablir la vérité. Mais comment réparer toutes ces vies dévastées ? » Selon les recherches juridiques et administratives qu’elle a menées afin de rédiger son ouvrage, « entre 7.000 et 8.000 avortements sans consentement ont été pratiqués chaque année à La Réunion dans les années 1970 ». Mais, « surtout, quelles décisions politiques seront prises à l’issue de cetet enquête ? Le sexisme et le racisme dans les milieux médicaux seront-ils étudiés davantage ? » Ces comportements ne sont pas d’un autre âge, alerte la politologue, qui évoque « la polémique autour du décès de Naomi Musenga, ou encore les accusations de stérilisation forcée de femmes roms ».

    La proposition de résolution a-t-elle des chances d’aboutir ? Elle a en tout cas été renvoyée à la Commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale, qui devrait se prononcer sur la question en séance publique. Quand ? Interrogé en début de semaine, Jean-Hugues Ratenon ne le savait pas, mais promettait de « tout faire pour mettre ce scandale sur la table ». Une façon, aux yeux de Françoise Vergès, de « retourner le sentiment de honte de toute une génération de femmes ».

    #sexisme #racisme #misogynoir #violence_médicales #eugénisme #mutilations_sexuelles

  • « On voudrait une colère, mais polie, bien élevée »
    https://www.liberation.fr/debats/2018/12/06/on-voudrait-une-colere-mais-polie-bien-elevee_1696462

    Dans son dernier livre, Désobéir (Albin Michel, 2017), il cherchait les raisons de notre passivité face à un monde toujours plus inégalitaire. Aujourd’hui, une partie de la population s’insurge et Frédéric Gros, philosophe et professeur à Sciences-Po, analyse l’expression inédite de la colère des gilets jaunes.

    Salariés ou retraités, les gilets jaunes font parfois preuve de violence dans leurs propos ou dans leurs gestes. Comment l’expliquez-vous ?

    Déjà, il y a la part de violences émanant d’une minorité de casseurs ou de groupuscules venant pour « en découdre ». Elle est incontestable, mais il faut comprendre à quel point, en même temps, elle suscite un effroi émotionnel et un soulagement intellectuel. On demeure en terrain connu. Le vrai problème, c’est qu’elle est minoritaire. Elle est l’écume sombre d’une vague de colère transversale, immense et populaire. On ne cesse d’entendre de la part des « responsables » politiques le même discours : « La colère est légitime, nous l’entendons ; mais rien ne peut justifier la violence. » On voudrait une colère, mais polie, bien élevée, qui remette une liste des doléances, en remerciant bien bas que le monde politique veuille bien prendre le temps de la consulter. On voudrait une colère détachée de son expression. Il faut admettre l’existence d’un certain registre de violences qui ne procède plus d’un choix ni d’un calcul, auquel il est impossible même d’appliquer le critère légitime vs. illégitime parce qu’il est l’expression pure d’une exaspération. Cette révolte-là est celle du « trop, c’est trop », du ras-le-bol. Tout gouvernement a la violence qu’il mérite.

    Ce qui semble violent, n’est-ce pas aussi le fait que ce mouvement ne suive pas les formes de contestations habituelles ?

    Le caractère hétéroclite, disparate de la mobilisation produit un malaise : il rend impossible la stigmatisation d’un groupe et le confort d’un discours manichéen. Il a produit une sidération de la part des « élites » intellectuelles ou politiques. Non seulement elles n’y comprennent rien mais, surtout, elles se trouvent contestées dans leur capacité de représentation, dans la certitude confortable de leur légitimité. Leur seule porte de sortie, au lieu d’interroger leur responsabilité, consiste pour le moment à diaboliser ce mouvement, à dénoncer son crypto-fascisme. Cela leur permet de prendre la posture de défenseur de la démocratie en péril, de rempart contre la barbarie et de s’héroïser une nouvelle fois.

    Cette forme de désobéissance, cette violente remise en cause des corps intermédiaires et de la démocratie représentative constituent-elles un danger ?

    Les risques sont grands et ce spontanéisme représente un réel danger social et politique. Mais on ne va quand même pas rendre responsables de la crise de la représentation démocratique les perdants de politiques orientées toutes dans le même sens depuis trente ans. Nous payons la destruction systématique du commun durant ces « Trente Calamiteuses » : violence des plans sociaux, absence d’avenir pour les nouvelles générations, poursuite folle d’une « modernisation » qui s’est traduite par le déclassement des classes moyennes. La seule chose dont on puisse être malheureusement certain, c’est du fait que les victimes des débordements ou des retours de bâton seront les plus fragiles.

    Vous avez travaillé sur la notion de sécurité (1), que pensez-vous de la réponse de l’Etat après les manifestations et les dégradations ?

    De la part, cette fois, des forces de l’ordre, on entend le même discours : « Cette violence est totalement inédite, on n’avait jamais vu ça, un tel déferlement, une telle brutalité. » Il ne faudrait pas que cette mise en avant de la « nouveauté » ne serve d’écran à une augmentation de la répression.
    Dans votre récent livre, Désobéir, vous analysiez les racines de notre « passivité ».

    Que s’est-il passé pour que les gilets jaunes sortent du « confort » du conformisme ?

    Notre obéissance politique se nourrit pour l’essentiel de la conviction de l’inutilité d’une révolte : « à quoi bon ? » Et puis vient le moment, imprévisible, incalculable, de la taxe « de trop », de la mesure inacceptable. Ces moments de sursaut sont trop profondément historiques pour pouvoir être prévisibles. Ce sont des moments de renversement des peurs. S’y inventent de nouvelles solidarités, s’y expérimentent des joies politiques dont on avait perdu le goût et la découverte qu’on peut désobéir ensemble. C’est une promesse fragile qui peut se retourner en son contraire. Mais on ne fait pas la leçon à celui qui, avec son corps, avec son temps, avec ses cris, proclame qu’une autre politique est possible.

    Sommes-nous dans un grand moment de désobéissance collective ?

    Oui, une désobéissance qui a comme repère sûr sa propre exaspération. On a tout fait depuis trente ans pour dépolitiser les masses, pour acheter les corps intermédiaires, pour décourager la réflexion critique, et on s’étonne aujourd’hui d’avoir un mouvement sans direction politique nette et qui refuse tout leadership. Cette désobéissance témoigne profondément de notre époque. Il faut en priorité en interroger les acteurs.

    (1) Le Principe sécurité, Gallimard, 2012.

    #gilets_jaunes

  • Un gros effort sur la typo
    https://nantes.indymedia.org/articles/43689

    Avec mon pote Dupond, on a enfin trouvé le titre et le sous-titre de notre prochain livre. Ça nous a pris un peu de temps, parce qu’avec notre éditeur on voulait quelque chose qui ne soit ni trop anxiogène, ni trop racoleur – on ne mange pas de ce pain-là, on n’est pas chez Albin Michel.

    #Médias #Racisme #Répression #Resistances #Médias,Racisme,Répression,Resistances

  • Déconstruction des mythes fondateurs de la grandeur française René Naba - /oumma.com
    https://oumma.com/deconstruction-des-mythes-fondateurs-de-la-grandeur-francaiseune-lecture-frac
    http://www.les7duquebec.com/7-au-front/deconstruction-des-mythes-fondateurs-de-la-grandeur-francaise

    Une lecture fractale de l’Histoire de France : Réponse à Bruno Gollnisch, Philippe Val, Philippe Douste Blazy et Nicolas Sarkozy

    La scène se passait en juin 1998, il n’y a pas si longtemps, huit ans environ à peine, un mois avant la grande communion multicolore du Mondial, la première victoire de la France bariolée dans le championnat du Monde de Football : Bruno Gollnisch, le successeur potentiel du dirigeant du Front National Jean Marie Le Pen, exhibait, au terme d’une conférence de presse, un attaché-case, dont il révélait le code secret de verrouillage comme un trophée de guerre (1).

    Le code secret par définition doit demeurer secret. Il se conserve comme une sainte relique. Pour M.Gollnisch, cela n’est évidemment pas le cas : le secret est public surtout lorsqu’il s’agit de stigmatiser, surtout lorsqu’il s’agit de glaner un succès à bon compte. Chacun a les satisfactions intellectuelles de son niveau d’éducation.

    Ménageant ses effets, il déclame en public sa combinaison magique de trois chiffres, l’égrenant lentement 7-3-2 dans un mouvement jouissif libérateur. 732. l’effet est assuré. 732, #Poitiers. La victoire controversée de #Charles_Martel sur les troupes arabes d’Abdel Rahman.

    Cela se passait donc en 1998 et #Gollnisch prenait pour référence un événement datant de 1266 ans. 1266 ans de rumination historique. Sans doute la marque manifeste du zèle d’un néophyte. 1266 ans de rumination pour ce Français de la troisième génération, comme l’on désigne en France les petits fils d’immigrés, en l’occurrence un petit fils d’immigrés allemands.


    Correspondant de guerre sur les théâtres d’opérations extérieurs du territoire métropolitain, l’exhibition impudique de Bruno Gollnisch, la passivité des #journalistes présents devant sa vaine et vaniteuse démonstration ont opéré comme un déclic en moi me propulsant dans une navigation sidérante dans le tréfonds de la conscience française, dont je souhaite vous livrer les conclusions sans appétence polémique particulière, dans le droit fil de la thématique de ce colloque « D’une rive à l’autre, Ecrire l’Histoire, Décoloniser les Esprits ».

    L’exercice ne relève ni de la démagogie, ni d’un populisme de bon aloi, de bonne guerre il est vrai, dans ce genre de démonstration. Il vise à apporter une contribution à la clarification sémantique et psychologique du débat post-colonial par le pistage des non-dits de la conscience nationale à travers un voyage dans les méandres de l’imaginaire français.

    Ni populisme, ni démagogie, ni dénigrement non plus. Mais l’application de l’analyse de contenu à de constats qui s’ils sont lapidaires ne sont nullement sommaires ni rudimentaires.

    Une thérapie par électrochocs en somme. Un voyage révélateur des présupposés d’un peuple, des ressorts psychologiques d’une nation et de la complexion mentale de ses dirigeants.

    Embarquons nous donc pour ce voyage de #déconstruction des mythes fondateurs de la #grandeur_française avec un grand merci pour Bruno Gollnisch d’en avoir été, involontairement, l’élément déclencheur.
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    Le Panache français ou le mythe de la grandeur
    Le propos n’est pas anodin. Il correspond à une réalité indéniable : la dernière grande victoire militaire française remonte à deux siècles. Oui deux siècles exactement. #Austerlitz. Certes il y eut #Valmy et le Pont d’Arcole. Puis Austerlitz. Le panache français en somme. Puis. Plus rien….drôle de panache. Ce fut ensuite Waterloo (1815), face aux Anglais, Sedan (1870), face aux Allemands, Fachoda (1898), qui brisa net l’accès de la France aux sources du Nil, au Soudan. Soit près d‘un siècle de désastres militaires ininterrompus, compensés, il est vrai, par les conquêtes coloniales notamment l’#Algérie. A croire que les expéditions coloniales sont d’utiles palliatifs aux désastres nationaux et par transposition au débat contemporain, les immigrés d’indispensables dérivatifs aux difficultés internes.

    #VERDUN 1916 et Rethondes I (l’armistice du 11 novembre 1918), cent ans après Waterloo refermeront la parenthèse néfaste. Mais là, les Français ne sont pas seuls. Ils ne peuvent plus revendiquer la victoire à leur bénéfice exclusif. C’est une « victoire alliée » qu’ils devront partager avec leurs alliés britanniques et américains mais aussi avec les nouveaux venus de la scène internationale : les #Basanés. 550.449 soldats de l’Outre mer dont 173.000 Algériens, soit 20 pour cent des effectifs et 10 pour cent de la population du pays participeront à l’effort de guerre de la France. 78.116 #ultramarins tomberont sur le champ d’honneur, soit l’équivalent de la totalité de la population de #Vitrolles et d’#Orange prises ensemble, les deux fiefs de l‘extrême droite française contemporaine.

    La pensée peut paraître sacrilège mais elle correspond, là aussi, à la réalité : Verdun est à ce titre autant une victoire française qu’une victoire arabe et africaine. Certes la « chair à canon » était présentée comme étant de peu de valeur face à la qualité des stratèges du Haut commandement. Mais le fait est là aussi démontré : Après Verdun beaucoup avaient cru naïvement que la France s’était réconciliée avec la victoire. Et bien non. 1940 et #Rethondes Bis (la capitulation de #Montoire du 21 juin 1940) apporteront la preuve du contraire. #Monte_Cassino (1944) lavera l’honneur français mais la plus grande victoire française de la Deuxième Guerre mondiale est une victoire mixte : Cent mille (100.000) soldats alliés, contre 60.000 Allemands, ainsi que 4000 ressortissants du #Maghreb auront payé de leur vie cette victoire. 4.000 originaires du Maghreb sur 6.300 tués dans les rangs français, soit les 2/3 des effectifs. Monte Cassino est donc tout autant une victoire alliée, qu’une victoire française, arabe et africaine.

    Le schéma est identique en ce qui concerne le domaine naval. Le dernier fait d’armes français -controversé tout de même- remonte à #Aboukir (1799). Puis ce fut au tour de Trafalgar (1805), Toulon (1942), le Charles de Gaulle et son hélice manquante durant la guerre d’Afghanistan (2001), la première guerre du XXI me siècle, enfin les pérégrinations de l’ancien joyau de la flotte française, le Clemenceau, en 2005. On aurait rêvé meilleur traitement à De Gaulle et à Clemenceau, tout de même deux personnages considérables de l’Histoire de France.

    Victorieuse avec ses anciens colonisés, la France retrouvera le chemin de la défaite lorsqu’elle se dressera contre eux. Carbonisée à #Dien_Bien_Phu (1954) contre le Vietnam, première victoire d’un pays du tiers monde sur un pays occidental, ainsi qu’en Algérie (1954-1962).
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    Le tryptique républicain (#Liberté, #Egalité, #Fraternité), le mythe fondateur de l’exception française.
    A) La liberté : 
La Colonisation est la négation de la Liberté. La #Colonisation n’est pas, loin s’en faut, « la mise en valeur des richesses d’un pays transformé en #colonie » selon la plus récente définition du dictionnaire « Le Petit Robert » Edition -2007

    La liberté et La colonisation sont proprement antinomiques. Car la colonisation est l’exploitation d’un pays, la spoliation de ses richesses, l’asservissement de sa population au bénéfice d’une #Métropole dont elle est, en fait, un marché captif, le réservoir de ses matières premières et le déversoir de son surplus démographique, de sa main d’œuvre et de sa surpopulation, le volant régulateur du chômage et de l’inflation dans les sociétés occidentales.

    Contraire aux idéaux de Liberté, d’Egalité et de fraternité, les principes fondateurs de la Révolution Française, la colonisation est le fossoyeur de l’#idéal_républicain. Elle l’aura été quand bien même d’illustres figures françaises, telles Léon Blum, la conscience morale du socialisme, auront voulu – déjà- en célébrer les bienfaits comme un devoir de faire accéder à la civilisation les peuples primitifs (2).

    Par transposition au débat contemporain, la rhétorique de #Léon_Blum est comparable à celle de la nouvelle conscience de la nouvelle gauche française, le philosophe #André_Glucksman, présentant l’invasion américaine de l’Irak en 2003 comme une contribution occidentale à l’instauration de la démocratie en terre arabe et non comme la mainmise américaine sur les gisements pétroliers de ce pays. « Le fardeau de l’homme blanc », théorisé par l’anglais Kipling, est un alibi commode, le thème récurrent à toutes les équipées prédatrices du monde occidental.
    B ) L’Egalité : 
L’exception française est une singularité : Premier pays à avoir institutionnalisé la terreur comme mode de gouvernement, avec Maximilien de Robespierre, sous la Révolution française (1794), la France sera aussi le premier pays à inaugurer la #piraterie_aérienne, en 1955, avec le déroutement de l’avion des chefs historiques du mouvement indépendantiste algérien Ahmad Ben Bella, Mohamad Khider, Mohamad Boudiaf et Krim Belkacem), donnant ainsi l’exemple aux militants du tiers-monde en lutte pour leur indépendance.

    La récidive dans la singularité est aussi un trait de l’exception française : En effet, ce pays jacobin, égalisateur et égalitaire se singularisera, aussi, en étant le seul pays au monde à avoir officialisé le « #gobino-darwinisme juridique », à avoir codifié en Droit « la théorie de l’inégalité des #races », une codification opérée sans discernement, pour promouvoir non l’égalité, mais la #ségrégation.

    La « Patrie des Droits de L’Homme » et des compilations juridiques modernes -le code civil et le code pénal- est aussi le pays de la codification discriminatoire, le pays de la codification de l’abomination : le pays du« #Code_Noir » de l’esclavage, sous la Monarchie, du « Code de l’#indigénat » en Algérie, sous la République, qu’il mettra en pratique avec les « expositions ethnologiques », ces « #zoos_humains » (3) dressés pour ancrer dans l’imaginaire collectif des peuples du tiers monde l’idée d’une infériorité durable des « peuples de couleur », et, par contrecoup, la supériorité de la race blanche comme si le blanc n’était pas une couleur, même si elle est immaculée, ce qui est loin d’être le cas.

    Un chiffre suffit à démontrer l’inanité de ce principe d’égalité : Trois membres du dernier gouvernement de l’ère chiraquienne présidé par Dominique De #Villepin (2005) ont été affectés à la mise en œuvre de ce principe dans ses diverses déclinaisons : la cohésion sociale (Jean Louis Borloo), la promotion de l’égalité des chances entre Français de souche et Français naturalisés (Azouz Begag) enfin la parité Hommes-femmes (Catherine Vautrin).

    Ce principe d’égalité est pourtant l’un des principes fondateurs de la République, entériné comme bien commun de la nation depuis deux siècles. Que n’a-t-on songé à le mettre en œuvre auparavant ? A croire que la laïcité ce concept unique au monde ne s’est forgé que pour servir de cache-misère à un #chauvinisme récurrent de la société française.

    Les hochets offerts épisodiquement non aux plus méritants mais aux plus dociles, en guise de lot de consolation, loin d’atténuer cette politique discriminatoire, en soulignent la parfaite contradiction avec le message universaliste de la France. Ils l’exposent à de douloureux retours de bâtons.

    C) Fraternité : Le #Bougnoule, la marque de stigmatisation absolue, le symbole de l’ingratitude absolue.
    La fraternisation sur les champs de bataille a bien eu lieu mais la fraternité jamais. Jamais pays au monde n’a autant été redevable de sa liberté aux peuples basanés et pourtant jamais pays au monde n’a autant compulsivement réprimé ses alliés coloniaux, dont il a été lourdement redevable de sa survie en tant que grande nation. De Fraternité point, mais en guise de substitut, la stigmatisation, la #discrimination et la #répression à profusion.

    Par deux fois en un même siècle, phénomène rarissime dans l’histoire, ces soldats de l’avant, les avant-gardes de la mort et de la victoire auront été embrigadés dans des conflits qui leur étaient, étymologiquement, totalement étrangers, dans une « querelle de blancs », avant d’être rejetés, dans une sorte de catharsis, dans les ténèbres de l’infériorité, renvoyés à leur condition subalterne, sérieusement réprimés aussitôt leur devoir accompli, comme ce fut le cas d’une manière suffisamment répétitive pour ne pas être un hasard, à #Sétif (Algérie), en 1945, cruellement le jour de la victoire alliée de la seconde Guerre Mondiale, au camp de #Thiaroye (Sénégal) en 1946, et, à #Madagascar, en 1947, sans doute à titre de rétribution pour leur concours à l’effort de guerre français.

    ((A noter qu’en Grande Bretagne, contrairement à la France, la contribution ultramarine à l’effort de guerre anglais a été de nature paritaire, le groupe des pays anglo-saxons relevant de la population #Wasp (White Anglo Saxon Protestant), -#Canada, #Australie, #Nouvelle Zélande, a fourni des effectifs sensiblement égaux aux peuples basanés de l’empire britannique (indiens, pakistanais etc.). Il s’en est suivi la proclamation de l’Indépendance de l’#Inde et du #Pakistan en 1948, au sortir de la guerre, contrairement, là aussi, à la France qui s’engagera dans dix ans de ruineuses guerres coloniales (#Indochine, Algérie).

    « Bougnoule » tire ainsi son origine de l’expression argotique de cette supplique ante-mortem.
    La revendication ultime préludant au sacrifice suprême -« Aboul Gnoul, apporte l’#alcool »- le breuvage galvanisateur de l’assaut des lignes ennemies, finira par constituer, par un dévoiement de la pensée, la marque d’une stigmatisation absolue de ceux qui auront massivement contribué, à deux reprises, au péril de leur vie, à vaincre, paradoxalement, les oppresseurs de leurs propres oppresseurs.

    Dans les ouvrages français, le calvaire de leur dépersonnalisation et leur combat pour la restauration de leur identité et de leur dignité se résumeront à cette définition laconique : « Le bougnoule, nom masculin apparu en 1890, signifie noir en langue Wolof (dialecte du Sénégal). Donné familièrement par des blancs du Sénégal aux noirs autochtones, ce nom deviendra au XXme siècle une appellation injurieuse donnée par les Européens d’Afrique du Nord aux #Nord-Africains. Synonyme de #bicot et de #raton » (4). Un glissement sémantique du terme bougnoule s’opérera au fil du temps pour englober, bien au delà de l’Afrique du Nord, l’ensemble de la France, tous les « mélanodermes », #arabo-berbères et #négro-africains, pour finir par s’ancrer dans le tréfonds de la conscience comme la marque indélébile d’un dédain absolu, alors que parallèlement, par extension du terme raton qui lui est synonyme, le langage courant désignait par « #ratonnade » une technique de répression policière sanctionnant le délit de faciès.

    Bougnoule finira par confondre dans la même infamie tous les métèques de l’Empire, piétaille de la République, promus au rang de défenseurs occasionnels de la Patrie, qui étaient en fait les défenseurs essentiels d’une patrie qui s’est toujours voulue distincte dans le concert des nations, qui se distinguera souvent d’une façon lumineuse, d’une façon hideuse parfois, traînant tel un boulet, Vichy, l’Algérie, la collaboration, la délation, la déportation et la torture, les pages honteuses de son histoire, peinant des décennies durant à expurger son passé, et, pour avoir tardé à purger son passif, en paiera le prix en termes de magistère moral…….Une revanche posthume du bougnoule, en quelque sorte.
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    La France du triptyque républicain : une vision ethniciste face au phénomène exogène.
    L’affirmation peut paraître péremptoire, n’y voyons aucune malice, mais correspond néanmoins à la réalité historique : Le clivage communautaire a préexisté en France dans l’esprit des autorités et des citoyens du pays d’accueil bien avant qu’il ne prenne corps dans l’esprit des migrants.

    Par transposition du schéma colonial à l’espace métropolitain, l’immigré en France a longtemps été perçu comme un indigène, ce qui faisait paradoxalement de l’immigré, l’indigène de celui qui est étymologiquement l’indigène (5), une main-d’oeuvre relevant de la #domesticité de convenance, dont l’expatriation assurait sa subsistance et l’obligeait par voie de conséquence à un devoir de gratitude envers le pays hôte.

    D’extraction modeste, affecté à des taches subalternes et pénibles de surcroît non valorisantes, l’immigré, parqué en marge des villes, était par définition et par destination un être en marge de la société, un élément #marginal et non une composante de la société française. Il n’avait de ce fait ni droit de cité, ni droit de regard, ni a fortiori droit de parole.

    L’immigré a été d’autant plus occulté qu’il deviendra durant les années 1950-1970 responsable de tous les maux diplomatiques et économiques français : du désastre de Dien Bien Phu, en 1954, à la Guerre d’Algérie, à l’expédition franco-britannique de Suez contre le symbole du nationalisme arabe Nasser, en 1956, à l’affrontement de Bizerte et la décolonisation de l’Afrique, en 1960, à la 3ème guerre israélo-arabe de juin 1967, à la première crise pétrolière, en 1973, autant d’événements qui ont fini par diaboliser l’immigré notamment “#arabo-musulman” dans le regard du français.

    Dans le domaine de l’imaginaire et le champ de la production intellectuelle, l’arabe représentait alors par compensation “le mal absolu” identifié dans le langage courant par cette rodomontade musculatoire : “le bougnoule à qui l’on doit faire suer le burnous”.

    Par un faux effet d’optique, la France se donnera l’illusion de venger ses avatars d’Algérie et, par un philosémitisme actif, l’illusion de sa rédemption, substituant une arabophobie à une judéophobie, en somme une injustice à une autre injustice, feignant par là même d’ignorer que l’injustice ne se combat pas par une autre #injustice.

    Symptomatique de cet état de fait, le #harki, celui-là même qui dans le schéma mental français devait représenter le bon arabe ou le bon immigré puisqu’il s’était rangé de son côté, c’est à dire du bon côté, sera gommé de la conscience nationale et dissimulé dans les recoins arides du pays, dans une démarche symbolique destinée à refouler ce « déchet du colonialisme » dans le tréfonds de la conscience.

    La crispation identitaire française remonte, en fait, sur le plan national, aux premières vagues d’immigration de l’ensemble arabo-musulman, principalement du Maghreb, le ponant du monde arabe, plus précisément à la Première Guerre Mondiale (1914-1918). Avec 1,4 millions de morts, 900 000 invalides, la France déplorera la perte de 11 pour cent de sa population active du fait du premier conflit mondial, à laquelle il conviendrait d’ajouter les dégâts économiques : 4,2 millions d’hectares ravagés, 295 000 maisons détruites, 500 000 endommagés, 4.800 km de voies ferrées et 58.000 km de routes à restaurer et 22 900 usines à reconstruire et 330 millions de m3 de tranchées à combler.

    Les premiers travailleurs immigrés, des #Kabyles, arriveront en France dès 1904 par petits groupes, mais la Première Guerre Mondiale provoquera un effet d’accélérateur entraînant un recours massif aux « travailleurs coloniaux » auxquels se superposeront les renforts des champs de bataille comptabilisés sous une autre rubrique.

    L’indigène lointain cède la place à l’immigré de proximité. De curiosité exotique que l’on exhibe dans les zoos humains pour glorifier l’action coloniale française, le mélanoderme deviendra progressivement une donnée permanente du paysage humain de la vie quotidienne métropolitaine, sa présence vécue comme une contrainte, exacerbée par la différenciation des modes de vie entre immigrés et métropolitains, les fluctuations économiques et les incertitudes politiques du pays d’accueil

    Paradoxalement, dans la période de l’entre-deux guerres (1918-1938), la France va favoriser la mise en place d’une « République Xénophobe » (6), matrice de l’idéologie vichyste et de la « préférence nationale », alors que son besoin en main d’oeuvre est criant. Bien que contribuant à sortir la France de son champ de ruine, les travailleurs immigrés seront tenus en suspicion, pistés au sein d’un grand « fichier central ».

    Soumis pour l’obtention de la carte de séjour à une taxation équivalant parfois à un demi mois de salaire, source de revenus complémentaire pour l’Etat français, ils seront de surcroît perçus comme porteurs d’un triple péril : péril économique pour leurs concurrents français, péril sanitaire pour la population française dans la mesure où l’étranger particulièrement les Asiatiques, les Africains et les Maghrébins étaient présumés porteurs de maladies, péril sécuritaire pour l’Etat français.

    Près de deux cent mille « #travailleurs_coloniaux » (200 000) seront ainsi importés d’Afrique du Nord et du continent noir par de véritables corporations négrières, telle la « Société générale de l’immigration » (#SGI), afin de pallier la main d’oeuvre française principalement dans le bâtiment et l’industrie textile en remplacement des soldats français partis au front. Dans la cohorte de travailleurs immigrés, venus d’abord principalement d’Italie et de Pologne, les Maghrébins feront l’objet d’une attention spéciale de la part des pouvoirs publics.

    Un « Bureau de surveillance et de protection des indigènes nord-africains chargé de la répression des crimes et des délits » est constitué le 31 mars 1925. Un bureau spécial rien que pour les Maghrébins, précurseur du « service des #questions_juives » que le pouvoir vichyste mettra en place en 1940 pour la surveillance des nationaux français de « race ou de confession juive » durant la Seconde Guerre mondiale.
    ((NDLR Citation de l’article de la juriste Danièle Lochak « La race, une catégorie juridique ? »
    (http://www.anti-rev.org/textes/Lochak92a ) :
    « la loi du 3 octobre 1940 portant statut des Juifs dispose : “Est regardé comme juif pour l’application de la présente loi toute personne issue de trois grands parents de race juive ou de deux grands parents de la même race, si son conjoint lui-même est juif”. Cette définition, qui laisse en suspens la question de savoir comment sera déterminée l’appartenance des grands-parents à la race juive, sera remplacée, dans la loi du 2 juin 1941, par une définition plus explicite : “Est regardé comme juif :

    1° celui ou celle appartenant ou non à une confession quelconque, qui est issu d’au moins trois grands-parents de #race juive, ou de deux seulement si son conjoint est lui-même issu de deux grands-parents de race juive. Est regardé comme étant de race juive le grand-parent ayant appartenu à la religion juive ;

    2° celui ou celle qui appartient à la religion juive et qui est issu de deux grands-parents de race juive”. »

    L’intitulé de l’office en dit long quant à l’opinion du gouvernement français et de ses intention à l’égard des « indigènes » d’Afrique du Nord. Le phénomène ira en s’amplifiant avec la Deuxième Guerre Mondiale et les trente glorieuses années de l’après-guerre (1945-1975) qui suivirent la reconstruction de l’Europe, où le besoin de « chairs à canon » et d’une main d’oeuvre abondante à bas prix provoqueront un nouveau flux migratoire égal en importance au précédent.

    Luxe de raffinement, le recrutement s’opérait selon des critères d’affinités géographiques au point de constituer de véritables couples migratoires en particulier entre Renault et l’embauche kabyle, charbonnages de France et les travailleurs du sud marocain, de même qu’en Allemagne, Wolkswagen et les immigrés turcs.

    A l’instar d’une cotation boursière sur un marché de bétail, les travailleurs coloniaux faisaient même l’objet d’une #notation en fonction de leur nationalité et de leur race (7) avec de subtiles distinctions selon leur lieu de provenance notamment au sein des Algériens où les Kabyles bénéficiaient d’un préjugé plus favorable que les autres composantes de la population algérienne. Le Kabyle était invariablement noté 5/20, l’arabe 4/20 et l’Indochinois 3/20. Ho Chi Minh témoin de cette humiliante notation ethnique lors de son séjour parisien, se vengera trente ans plus tard en infligeant à son ancien maître l’une des plus humiliantes défaites militaires du monde occidental, la défaite de Dien Bien Phu en 1954.

    Muettes, les blessures de l’histoire ne cicatrisent jamais.
    La France s’affiche volontiers révolutionnaire mais se révèle, en fait, profondément conservatrice. La France du triptyque républicain a eu un comportement liberticide avec la colonisation, ethniciste dans sa politique migratoire, un comportement sociocide dans sa structuration socio-culturelle et démographique.
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    Le mythe de la politique arabe de la France
    Philipe Val, le directeur conformiste de l’hebdomadaire faussement anarchiste Charlie Hebdo, impute la collaboration vichyste anti-juive à « la politique arabe de la France ». Ce mémorialiste des temps modernes qui se vit en rival contemporain du cardinal de RETZ, s’imagine, par ce raccourci non pas audacieux mais hasardeux, exonérer la France de l’#antisémitisme récurrent de la société française.

    Sauf à prêter aux Arabes une capacité d’anticipation d’une hardiesse rare confinant à un machiavélisme suprême, en vue de soudoyer l’Etat-Major français pour le conduire à faire condamner pour « haute trahison » un officier français de confession juive, le Capitaine Alfred Dreyfus, ou encore à gangrener le haut commandement politico-militaire français en vue de savourer le désastre de 1940, l’antisémitisme en France a préexisté à la présence arabe et musulmane en France.

    Le plus grand déferlement d’Arabes et de Musulmans en France est survenu à l’occasion de la Deuxième Guerre Mondiale, non pour l’appât du gain -« pour manger le pain des Français »-, mais bien pour libérer avec d’autres le pays du joug nazi, pour aider à la défense d’un pays que ses habitants n’ont pas su, pas pu ou pas voulu défendre… C’est-à-dire près de cinquante ans après l’affaire Dreyfus et dans la foulée de la capitulation de Montoire.

    Et, que je sache, le « Bureau des affaires juives », a eu pour précurseur immédiat « le Bureau de surveillance et de protection des indigènes nord-africains » dont la création, en 1925, n’a pas suscité la moindre protestation des Français sans doute trop occupés à l’époque à magnifier leur supériorité dans l’admiration des « zoos humains »

    La thèse de Philipe Val ne résiste pas à une analyse un tant soit peu sérieuse. Mais qui a jamais soutenu que Philippe Val était un analyste ? Sérieux de surcroît ? Elle participe néanmoins d’une falsification de l’Histoire, d’un sournois travail de révisionnisme anti-arabe.

    Une politique se juge sur la durée. A l’épreuve des faits, la politique arabe de la France, dogme sacré s’il en est, se révèle être, par moments, une vaste mystification, un argument de vente du complexe militaro-industriel français. Qu’on en juge. L’histoire en est témoin.

    La contribution des Arabes à l’effort de guerre français en 1914-1918 pour la reconquête de l’Alsace-Lorraine a été franche et massive. Sans contrepartie. La France, en retour, vingt ans après cette contribution, a témoigné de sa gratitude à sa façon…… en amputant la #Syrie du district d’Alexandrette (1939) pour le céder à la Turquie, son ennemi de la Première guerre mondiale.

    Dans la foulée de la Deuxième Guerre mondiale, la France, récidiviste, carbonisera la première manifestation autonomiste des Algériens, à Sétif, le jour même de la victoire alliée, le 9 mai 1945, une répression qui apparaîtra rétrospectivement comme une aberration de l’esprit sans doute unique dans l’histoire du monde, dont les effets se font encore sentir de nos jours.

    Dix ans plus tard, en 1956, de concert avec Israël et la Grande Bretagne, la France se livre à une « expédition punitive » contre le chef de file du nationalisme arabe, Nasser, coupable d’avoir voulu récupérer son unique richesse nationale « le Canal de Suez ». Curieux attelage que cette « équipée de Suez » entre les rescapés du génocide hitlérien (les Israéliens) et l’un de leur ancien bourreau, la France, qui fut sous Vichy l’anti-chambre des camps de la mort.

    Curieux attelage pour quel combat ? Contre qui ? Des Arabes, ceux-là mêmes qui furent abondamment sollicités durant la deuxième guerre mondiale pour vaincre le régime nazi, c’est-à-dire l’occupant des Français et le bourreau des Israéliens. A moins qu’il ne s’agisse d’une forme élaborée de l’exception française, on aurait rêvé meilleure expression de la gratitude.

    Très concrètement, la politique arabe de la France a consisté, historiquement, en une opération de restauration de la souveraineté nationale dans les centres de décision du pouvoir politique français, après la guerre de juin 1967, par la rupture de la relation fusionnelle qui existait qui, au mépris de l’intérêt national, entre services français et israéliens.

    Bon nombre d’entre vous se rappellent peut-être le chef de la mission d’achat militaire israélienne en France disposait, à l’époque, non pas à l’ambassade israélienne, mais au sein même du ministère français des armées, d’un bureau jouxtant celui du directeur de cabinet du ministre, une proximité sans précédent même dans les pays colonisés.

    Bon nombre d’entre vous gardent peut être présent à l’esprit l’implication des services israéliens et français dans l’enlèvement du chef charismatique de l’opposition marocaine #Mehdi_Ben_Barka, en 1965, en plein jour, en plein Paris, ou encore le vol des cinq vedettes de Cherbourg par les Israéliens (Décembre 1969), la plus concrète manifestation sinon de la connivence du moins de la passivité des services français à l’égard des coups de main israéliens.

    L’ouverture de la France vers les pays arabes, en 1967, au terme d’une rupture de onze ans consécutive à l’expédition de Suez, lui a valu un regain de prestige après deux décennies de déboires militaires en Indochine et en Algérie, la conquête des marchés pétroliers, notamment l’#Irak, l’ancienne chasse gardée des Anglais, la percée majeure de la diplomatie gaulliste de la seconde moitié du XXme siècle, ainsi que de fabuleux contrats militaires de l’ordre de plusieurs centaines de millions de dollars, notamment avec l’Irak, la Libye et l’Arabie saoudite,

    L’illustration patente de la disparité de traitement entre Français et Arabes est la première crise de l’#énergie en 1973. A cette date, la France est officiellement le partenaire privilégié du Monde arabe, officiellement épargnée par le boycottage pétrolier anti-occidental, le principal bénéficiaire du boom pétrolier, le principal bénéficiaire des contrats pétro-monarchiques, mais les Français se cramponnent à une xénophobie lancinante, crispés sur un comportement guidé par une psychorigidité nourrie d’une nostalgie de grandeur.

    Tout le monde garde présent à l’esprit les traits d’humour d’une époque où les Français exultaient de compenser leur absence de ressources naturelles par une prétendue supériorité intellectuelle, affichant leur fierté de ne “pas avoir de pétrole mais des idées”, formule qui peut se décrypter de la façon suivante : “pas d’essence, mais la quintessence de l’esprit”, humour que sous-tendait une #arabophobie ambiante dans une période où les arabo-musulmans étaient cloués au pilori pour avoir osé frigorifier les Français avec leur crise de l’énergie.

    Le renchérissement du coût du pétrole était vécu comme un crime de lèse-majesté, alors qu’il s’agissait d’un problème de rajustement des prix du brut, longtemps outrageusement favorables aux économies occidentales.

    La contradiction entre l’ouverture pan-arabe de la diplomatie française et la crispation identitaire de l’opinion française posait déjà à l’époque le problème de la mise en cohérence de la politique française à l’égard du fait arabo-musulman.

    L’universalisme français a pratiqué à destination du monde arabo-musulman une « politique des minorités », contraire à ses principes fondateurs, institutionnalisant et instrumentalisant le confessionalisme et le communautarisme, se servant des Maronites (au Levant) et des Kabyles (au Ponant) comme levier à une re-christianisation de la rive méridionale de la Méditerranée, interdisant aux Algériens sur le sol même de leur patrie, l’usage de leur langue nationale, infligeant à ce pays un dégât plus important que les ravages de 130 ans de la colonisation, le dommage de l’esprit,— l’acculturation—, dont les effets corrosifs et pernicieux se font encore sentir de nos jours et qui expliquent pour une large part les crises cycliques entre les deux pays.

    La politique arabe de la France c’est cela aussi. Muettes et douloureuses, les blessures de la mémoire ne cicatrisent jamais.
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    La France : Aimez- là ou quittez-là ou le mythe de l’excellence française
    Ce mot d’ordre n’a même pas le mérite de l’originalité. IL a été emprunté à #Ronald_Reagan, le président Rambo des Etats-Unis de la décennie 1980 (1980-1988) qui entendait par cette formule neutraliser les critiques contre l’aventurisme américain dans la période post Vietnam (1975-1980).

    Empruntée à Reagan en vue de son application électoraliste en France par le dirigeant de la droite traditionaliste #Philippe_de_Villiers, reprise et amplifiée par…#Nicolas_Sarkozy, ce « Français de la deuxième génération » selon la dénomination en vigueur en France pour les citoyens originaires du tiers monde.

    Le clonage de l’Amérique n’est pas la marque de l’originalité.

    Les basanés de France sont là et bien là. Durablement ancrés dans le paysage politique et social français. Eux dont « le rôle positif » n’a jamais été célébré avec solennité, sinon que d’une manière, incidente quand il n’a pas été plus simplement nié ou controversé.

    En France, non pas leur pays d’accueil, mais leur pays d’élection.

    Déterminés à défendre la haute idée que la France veut donner d’elle-même au Monde.

    A combattre tous ceux qui fragilisent l’économie par une gestion hasardeuse, tous ceux qui discréditent la politique par une connivence sulfureuse,

    Tous ceux qui polluent l’image de la France, à coups d’emplois fictifs et de responsabilité fictive, de rétro-commissions et de frais de bouche, de délits d’initiés et d’abus de biens sociaux

    Ces messieurs des frégates de Taiwan et de Clearstream,
    Du Crédit Lyonnais et de la Compagnie Générale des Eaux,
    D’Elf Aquitaine et d’EADS,
    D’Executive Life et de Pechiney American-Can
    Des marchés d’Ile de France et de HLM de Paris, de la MNEF et d’Urba-Gracco,
    Ceux qui dévalorisent leur justice à coups d’affaires d’#Outreaux, d’écoutes téléphoniques illégales, de tri sélectif et de « #charters de la honte »
    Qui dévalorisent leurs nationaux à coups de bougnoule et de ratonnades, de racaille et de Karcher.

    Contre la « France d’en bas » qui gouverne le pays, la France des basses manoeuvres et des bas calculs, des « zones de non droit et de passe-droits », des nominations de complaisance et des appartements de fonction, la France qui refuse de donner un coup de pouce au SMIC, qui « cristallise », c’est-à-dire, fige à sa portion congrue, les retraites des anciens combattants « basanés » de l’armée française, mais qui relève de 70 pour cent le salaires des ministres nantis, qui gorge de « stock options et de parachutes dorés » les gérants en déconfiture, tels ceux de Vinci et de Carrefour, qui recycle la forfaiture dans l’honorabilité, propulsant au Conseil d’Etat, le temple de la vertu républicaine, en guise de rétribution pour services rendus dans la diversion de la justice, tel ministre de la justice, passé dans l’histoire comme le plus célèbre intercepteur d’hélicoptères des annales judiciaires internationales.

    En un mot contre cette posture du mépris et de l’irresponsabilité la singulière théorie du fusible à la française » qui exonère le responsable de toute responsabilité par une sorte de privilège anti-démocratique tirant sa justification dans une idéologie protofasciste inhérente à un pan de la culture française.

    Contre la criminalisation du politique, cet état de fait symptomatique de la France contemporaine illustré particulièrement par la présidence Chirac, dont la double mandature (1995-2000), douze ans, aura été polluée par de retentissants scandales politico-financiers en rapport avec l’argent illicite, sans pour autant que soit discrédité le chef de l’état français -le parangon de la « fracture sociale », de « l’état modeste » et d’un « siècle de l’Ethique », réélu en dépit des dérives autoritaro-mercantiles de son magistère.

    Le président Chirac précisément et non son prédécesseur François Mitterrand, en application de l’aveu d’un spécialiste du brigandage politique, Jean Montaldo, un chiraquien désabusé qui soutient, paroles d’expert, que « de Mitterrand à Chirac nous sommes passés du stade artisanal au stade industriel », dans le domaine de la corruption (8).

    N’y voyez aucune interférence électoraliste ou partisane : L’histoire d’aujourd’hui est la mémoire de demain et il importe d’être vigoureux dans la dénonciation des dérives contemporaines pour prévenir de douloureuses réminiscences de la mémoire future.

    « Le casier judiciaire de la République » présente ainsi l’édifiant bilan suivant : Neuf cent (900) élus mis en examen soit pour #délinquance financière, soit pour atteintes aux biens et aux personnes y compris les crimes sexuels. Ce bilan porte sur la décennie 1990-2000. Gageons que le bilan de la présente décennie est en passe d’être identique.

    La « #tolérance_zéro » à l’égard de la criminalité en col blanc se devrait d’être pourtant un impératif catégorique de l’ordre républicain en vertu du principe de l’exemplarité de l’Etat.

    La capitulation de Sedan face à l’Allemagne en 1870-71 a donné naissance à la III me République, la capitulation de Montoire (9) face à Hitler en 1940 à la IV me République (1946), celle de Dien Bien Phu et d’Algérie en 1955, à la V me République (1958), avec leurs cortèges de grandes institutions : Sedan à la création de « sciences po », l’Institut des Etudes Politiques de Paris et Montoire à la fondation de l’ENA, l’Ecole Nationale d’Administration (1945). Le pays des « Grandes Ecoles », des concours pépinières des élites, des scribes et des clercs, -cinq millions de fonctionnaires en France en l’an 2.000, le plus fort contingent de l’Union européenne, soit 20 pour cent de la population active- ne tolère pas de retour sur son passé. Il ne conçoit que les perspectives d’avenir. Jamais de rétrospectives, ni d’introspection. toujours des prospectives. Une fuite en avant ?

    Loin de participer d’une hypermnésie culpabilisante, le débat s’impose tant sur la contribution des « peuples basanés » à la libération du sol français, que sur leur apport au rayonnement de leur pays d’accueil, en guise de mesure de prophylaxie sociale sur les malfaisances coloniales dont l’occultation pourrait éclairer les dérives répétitives de la France, telles que -simple hypothèse d’école ?- la correspondance entre l’amnésie sur les « crimes de bureau » de 1940-44 et l’impunité régalienne de la classe politico administrative sur les scandales financiers de la fin du XX me siècle, ou la corrélation entre la déroute de l’élite bureaucratique de 1940 et la déconfiture de l’énarchie contemporaine.

    Cette dérive a été sanctionnée d’ailleurs lors de la première consultation populaire à l’échelon national du XXI me siècle. « Une des plus grandes bévues démocratiques de l’histoire contemporaine de la France », selon l’expression de l’écrivain indo britannique Salman Rushdie, la présidentielle de 2002 qui avait mis aux prises un « superfacho » et un « supermenteur », -selon la formule en vigueur à l’époque-, révélera aux Français et au Monde médusés, le délitement moral d’un pays volontiers sentencieux et le discrédit de son élite non moins volontairement obséquieusement arrogante, incapable d’assumer au terme d’un pouvoir monopolisé par les élites depuis la fin de la Deuxième Guerre Mondiale (1945), au niveau économique, la mutation postindustrielle de la société française, au niveau sociologique, sa mutation #postcoloniale, au niveau de son opinion nationale, sa mutation psychologique, signe de l’échec patent de la politique d’intégration de sa composante afro musulmane. Cinq siècles de colonisation intensive à travers le monde auraient dû pourtant banaliser la présence des « basanés » sur le sol français, de même que treize siècles de présence continue matérialisée par cinq vagues d’émigration conférer à l’Islam

    le statut de religion autochtone en France où le débat, depuis un demi siècle, porte sur la compatibilité de l’#Islam et de la République, comme pour conjurer l’idée d’une agrégation inéluctable aux peuples de France de ce groupement ethnico-identitaire, le premier d’une telle importance sédimenté hors de la sphère européo-centriste et judéo-chrétienne.

    Premier pays européen par l’importance de sa communauté musulmane, la France est aussi, proportionnellement à sa superficie et à sa population, le plus important foyer musulman du monde occidental. Elle compte davantage de musulmans que pas moins de huit pays membres de la Ligue arabe (Liban, Koweït, Qatar, Bahreïn, Emirats Arabes Unis, Palestine, Iles Comores et Djibouti). Elle pourrait, à ce titre, justifier d’une adhésion à l’Organisation de la #Conférence_Islamique (OCI), le forum politique panislamique regroupant cinquante deux Etats de divers continents ou à tout le moins disposer d’un siège d’observateur.

    L’intégration présuppose une conjonction d’apports et non une amputation de la matrice identitaire de base. La troisième génération issue de l’immigration est certes extrêmement sensible à son environnement international comme en témoignent les flambées de violence à caractère confessionnel en rapport avec l’intifada palestinienne, la guerre du Golfe (1990-91) ou encore la guerre d’Afghanistan (2001-2002), la guerre d’Irak et la guerre du Liban (2006).

    Elle n’en demeure pas moins porteuse d’une dynamique interculturelle en raison de ses origines, de son profil culturel et de ses croyances religieuses.
    Facteur d’intermédiation socioculturelle, les bougnoules des temps anciens, #sauvageons des temps modernes, paraissent devoir tenir leur revanche dans leur vocation à devenir de véritables « passeurs de la #Francophonie », l’avant-garde de « l’arabofrancophonie culturelle » (10) que la France s’ingénie tant à mettre sur pied afin de faire pièce à l’hégémonie anglo-américaine et de favoriser le dialogue des cultures par le dépassement de son passé colonial.

    A l’entame du IIIème millénaire, la « patrie de la mémoire courte » souffre d’évidence d’un blocage culturel et psychologique marqué par l’absence de fluidité sociale. Reflet d’une grave crise d’identité, ce blocage est, paradoxalement, en contradiction avec la configuration pluriethnique de la population française, en contradiction avec l’apport culturel de l’immigration, en contradiction avec les besoins démographiques de la France, en contradiction enfin avec l’ambition de la France de faire de la Francophonie, l’élément fédérateur d’une constellation pluriculturelle ayant vocation à faire contrepoids à l’hégémonie planétaire anglo-saxonne, le gage de son influence future dans le monde.
    .
    Conclusion
    Cinq ans après la bourrasque lepéniste aux présidentielles françaises de 2002, alors que la France s’apprête, en 2007, à se choisir un nouveau président, il m’a paru salutaire de pointer les incohérences françaises. De démystifier le discours politique officiel, et, au delà du clivage droite-gauche de la classe politique française, de recentrer le débat sur le fait migratoire en mettant l’imaginaire français à l’épreuve des faits historiques et de la réalité quotidienne nationale en vue d’apporter ma contribution à la mutation post-coloniale de la France.

    L’exception française si hautement revendiquée d’une nation qui se réclame de la grandeur est antinomique d’une culture de l’#impunité et de l’#amnésie, une culture érigée en un #dogme de gouvernement et, à ce titre, incompatible avec la déontologie du commandement et les impératifs de l’exemplarité.

    Mes remerciements renouvelés vont donc en premier lieu à Bruno Gollnisch, Philippe Val, le ministre des Affaires étrangères Philippe Douste Blazy, initiateur, en tant que député de Toulouse, du projet de loi controversé sur le « rôle positif » de la colonisation, ainsi que naturellement à Nicolas Sarkozy, pour leur inestimable contribution à la remise en ordre de ma formation universitaire, un exercice qui m’a permis de prendre conscience du « rôle positif » de la colonisation….. des Colonies par rapport à la Métropole et des colonisés à l’égard de leurs colonisateurs-oppresseurs.

    Merci aussi aux organisateurs de ce colloque qui m’ont donné la possibilité devant un auditoire savant, patient ( et indulgent à mon égard ), de procéder à une « déconstruction des mythes fondateurs de la grandeur française », pour le plus grand bénéfice du débat public contradictoire et de la recherche universitaire.

    Notes
    1) Contribution de l’auteur au colloque de SEPTEMES-LES-VALLONS 6- 7 OCTOBRE 2006, organisé par Festival TransMediterranée (fmed@wanadoo.fr) sur le thème « D’UNE RIVE A L’AUTRE, ECRIRE L’HISTOIRE, DECOLONISER LES MEMOIRES »
    2 Léon Blum invoquera son « trop d’amour » pour son pays « pour désavouer l’expansion de la pensée et de la civilisation française ». « Nous admettons le droit et même le devoir des races supérieures d’attirer à elles celles qui ne sont pas parvenues au même degré de culture », écrira-t-il dans le journal « Le Populaire » en date du 17 juillet 1925) cf « Quand Tocqueville légitimait les boucheries » par Olivier le Cour Grandmaison et « une histoire coloniale refoulée » par Pascal Blanchard, Sandrine Lemaire et Nicolas Bancel- Dossier général sous le thème « Les impasses du débat sur la torture en Algérie »-Le Monde Diplomatique juin 2001. Alexis de Tocqueville légitimera les boucheries considérant « le fait de s’emparer des hommes sans armes, des femmes et des enfants, comme des nécessités fâcheuses auxquelles tout peuple qui voudra faire la guerre aux Arabes sera obligé de se soumettre ». De son côté, Jules Ferry soutiendra dans un discours au Palais Bourbon le 29 juillet 1895 qu’ « il y a pour les races supérieures un droit par ce qu’il y a un devoir pour elle. Elles ont le devoir de civiliser les races inférieures ».
    3) « Zoos humains, de la Vénus Hottentote aux Reality Show » Ed. La Découverte Mars 2002, ouvrage réalisé sous la direction d’un collectif d’historiens et d’anthropologues membres de l’Association connaissance de l’Afrique contemporaine (Achac-Paris),Nicolas Bancel (historien, Université Paris XI), Pascal Blanchard (historien, chercheur CNRS), Gilles Boetsch (anthropologue, Directeur de recherche au CNRS), Eric Deroo (cinéaste, chercheur associé au CNRS) et Sandrine Lemaire (historienne, Institut européen de Florence). De 1877 à 1912, trente spectacles ethnologiques seront donnés au jardin d’acclimatation à Paris, puis aux expositions universelles de Paris de 1878 et de 1889 dont le clou pour celle de 1889 étaient aussi bien l’inauguration de la Tour Eiffel que la visite d’un « village nègre ». Suivront les expositions de Lyon (1894), les deux expositions coloniales de Marseille (1906 et 1922), enfin les grandes expositions de Paris de 1900 (diorama sur Madagascar, 50 millions de spectateurs) et de 1931 dont le commissaire général n’était autre que le Maréchal Lyautey. cf. « Le spectacle ordinaire des zoos humains » et « 1931. Tous à l’Expo » par Pascal Blanchard, Nicolas Bancel et Sandrine Lemaire, Manière de voir N°58 Juillet Août 2001, op cité.
    4 Dictionnaire Le Petit Robert 1996.
    5 « Du Bougnoule au sauvageon, voyage dans l’imaginaire français » René Naba-Editons l’Harmattan-2002
    6 « La République Xénophobe, 1917-1939 de la machine d’Etat au « crime de bureau », les révélations des archives » de Jean Pierre Deschodt et François Huguenin Editions JC Lattès septembre 2001.
    7 « Une théorie raciale des valeurs ? Démobilisation des travailleurs immigrés et mobilisation des stéréotypes en France à la fin de la grande guerre » par Mary Lewis, enseignante à la New York University, in « L’invention des populations », ouvrage collectif sous la direction d’Hervé Le Bras (Editions Odile Jacob).
    8 Jean Montaldo, auteur de deux ouvrages sur la corruption présidentielle : « Chirac et les 40 menteurs » Albin Michel 2006, « Mitterrand et les 40 voleurs » Albin Michel.
    9 l’armistice a été signé le 22 juin 1940 symboliquement à Rethondes au même endroit, dans le même wagon, que l’armistice du 11 novembre 1918. Toutefois l’entrevue de Montoire du 24 octobre 1940 entre Pétain et Hitler a scellé la collaboration entre la France et l’Allemagne nazie. Si l’armistice constituait une cessation des hostilités, la rencontre de Montoire a représenté dans l’ordre symbolique le voyage à Canossa de Pétain et constitué en fait une capitulation dans la mesure où Pétain a cautionné la collaboration avec le régime nazi quand bien même l’Allemagne reniant ses promesses avait annexé l’Alsace-lorraine, août 1940.
    10 « Arabo-francophonie culturelle : l’expression a été forgée en 1995-1996 par Stellio Farangis, ancien secrétaire général du Haut Conseil de la Francophonie.

  • Sourires clonés, eugénisme et totalitarisme médiatique... Les visions de #Beb-Deum inquiètent par leur mise en scène critique et subversive du conflit opposant l’individu à la machine industrielle ou bureaucratique.

    Dessinateur de #bande-dessinée et #illustrateur pour la presse, Beb-Deum a publié plusieurs albums aux Humanoïdes Associés et chez Albin Michel avant une incursion par le Japon pour les éditions Kodansha en 1996, et plus récemment E-Dad et Eloge de la Moue, deux livres parus chez PMJ Editions et que vous pouvez vous procurer dans toutes les librairies dignes de ce nom.

    https://laspirale.org/texte-66-beb-deum-digital-terminal.html


    #laspirale

  • Île Clipperton — Wikipédia
    https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%8Ele_Clipperton

    Les oubliés de Clipperton (1914-1917)En février 1914, un cyclone détruit les potagers de la petite garnison de 11 soldats installés sur place avec femmes et enfants depuis 1906. Le bateau de ravitaillement de mai n’arrive pas. À la fin du mois de juillet, l’USS Cleveland vient secourir l’île, mais le chef de la garnison refuse d’embarquer sur un navire ennemi9. La troupe est alors décimée par la famine et le scorbut. En mai 1915 ils ne sont plus que 3 hommes, 6 femmes et 8 enfants9. 2 des hommes meurent en tentant de rejoindre un navire passant au large9. Le dernier survivant, le gardien du phare fait vivre un calvaire aux autres et se comporte en dictateur. Il est assassiné à coups de marteau par les femmes survivantes le 17 juillet 1917. Le lendemain l’USS Yorktown les sauve ; il était venu vérifier qu’aucun navire allemand ne s’y cache. Certaines encyclopédies ont longtemps indiqué que l’île Clipperton avait une cinquantaine d’habitants, restant à ce chiffre de 1914.

    voir aussi http://clipperton.fr
    Tout ça parce qu’un plugin de SPIP (pays) a oublié d’inclure cette île :)

    #ile #tom #océan_pacifique

    L’histoire des survivantes https://infosmexique.wordpress.com/2009/07/23/lincroyable-histoire-des-naufrages-de-clipperton

    • Tiens, en parlant d’oubliés sur des îles, je découvre l’île de Tromelin et l’histoire relatée dans la BD « Les Esclaves oubliés de Tromelin » par Sylvain Savoia
      http://bdzoom.com/86707/interviews/%c2%ab-les-esclaves-oublies-de-tromelin-%c2%bb-par-sylvain-savoia

      Naufragés sur un îlot de l’océan Indien puis abandonnés par l’équipage d’un navire français, des esclaves malgaches ont survécu 15 ans seuls, sur ce tout petit territoire balayé par les vents.

      #bd

    • A Clipperton :

      En juin 1915, Alicia, Tirsa, Altagracia et Juana, se retrouvent abandonnées à leur sort, avec 6 enfants à leurs charges, et bientôt 8, car Alicia et Tirsa attendent toutes deux un bébé. Femmes et enfants survivent tant bien que mal de la pêche, des crabes et des œufs des oiseaux bobos qui peuplent l’île. Heureusement, l’eau douce ne manque pas, car il pleut fréquemment sur l’île, ce qui permet aux habitants d’assouvir leur soif. Mais un nouvel élément vient bientôt perturber la routine, pourtant déjà difficile des femmes : Victoriano Alvarez, un des soldats de la garnison que tout le monde pensait mort, a en fait survécu au scorbut. Celui-ci se rend compte qu’il est le seul mâle à être encore en vie sur l’île, et au lieu de venir en aide à ses compagnes d’infortune, il décide de mettre à profit la situation et de convertir les femmes en ses esclaves sexuelles. C’est d’abord le tour de Juana, qui meurt assassiné par Victoriano, puis le tour d’Altgracia. Au final, toutes subiront les sévices sexuels de celui qui s’est autoproclamé roi de Clipperton, y compris les enfants. Si l’on en croit le livre de María Teresa Arnaud de Guzmán, seule Alicia aurait échappé à Victoriano, car après 2 ans de sévices, en juillet 1917, Tirsa et Alicia décident dans un ultime accès de colère, d’en finir avec leur bourreau.

      Curieusement, ce même jour, le navire américain Yorktown pose l’ancre à proximité de l’île de Clipperton. Ce n’est pas un hasard. La Première Guerre Mondiale bat son plein, et le capitaine H. P. Perril qui commande le navire, a été chargé par ses supérieurs de réaliser une visite d’inspection à Clipperton, car des rumeurs courent que les Allemands ont installé des bases de sous-marins au large des côtes mexicaines. Quelle sera leur surprise en découvrant, en lieu et place des Allemands, 4 femmes et 8 enfants, vêtus de grossières toiles de navire !

      #sexisme #pédophilie #viols

    • A Tromelin :

      L’ordre règne : blancs et esclaves vivent dans des camps différents. Rapidement, le commandant fait construire une embarcation avec le bois arraché à l’épave. Une forge est même installée à terre. En deux mois, le bateau est achevé. La gazette poursuit ainsi son récit : « On se prépare donc au départ sans délai pendant la nuit du 26 au 27 septembre 1761. Tous les bras s’emploient avec le plus grand empressement... Enfin, on le lance à l’eau, en le retenant avec une ancre à jet qu’on avait retirée des débris. » Mais l’embarcation est trop petite pour que tout le monde y trouve place. « Les cent vingt-deux Français s’embarquent ainsi avec l’espérance, ils sont obligés de s’entrelacer les uns dans les autres, pour pouvoir y être tous contenus avec quelques vivres. Les Noirs, qu’on était forcé de laisser dans l’île, demeurèrent dans un silence accablant. »

      http://www.lepoint.fr/actualites-sciences-sante/2007-01-17/les-naufrages-de-tromelin/919/0/15068

      « Malgré le nombre d’esclaves morts pendant l’aventure, c’est une histoire plutôt positive, estime l’ancien militaire. Les rescapés se sont pris en main, ont recréé une petite société. » Les archéologues ont retrouvé la trace de douze maisons en pierre, un type de construction interdit à l’époque à Madagascar car réservé aux sépultures. Les survivants « sont allés contre leurs habitudes devant la nécessité de survivre », note Max Guérout. Les scientifiques ont aussi retrouvé des bijoux créés sur place, signe d’une « vie normale ». Pour le feu, des briquets et des silex ont été retrouvés. Les habitants utilisaient le bois de l’épave de L’Utile pour l’alimenter.

      https://www.francetvinfo.fr/decouverte/l-histoire-houleuse-de-l-ile-tromelin-perdue-au-milieu-de-l-ocean-indie

      Ce n’est que le 29 novembre 1776, quinze ans après le naufrage, que le chevalier de Tromelin, commandant la corvette La Dauphine, récupère les huit esclaves survivants : sept femmes et un enfant de huit mois.

      https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%8Ele_Tromelin#Naufrag%C3%A9s_de_Tromelin

      Dans les deux cas, il n’y a que des femmes et des enfants survivants !

      #île #île_déserte #bateau #naufrage #racisme

    • merci @sinehebdo ces deux histoires sont assez terrifiantes.
      https://www.tahiti-infos.com/Carnet-de-voyage-Victoriano-Alvarez-le-roi-violeur-de-Clipperton_a1473

      La tragédie de Clipperton a inspiré autant les historiens que les romanciers. Voici quelques livres (essais et romans) ayant pour objet le drame des oubliés de Clipperton.

      – Clipperton l’île tragique, André Rossfelder (Albin Michel)
      – Les Oubliés de Clipperton, Claude Labarraque Reyssac (ED. André Bonne)
      – L’homme de Clipperton, Gil Pastor (Luneau Ascot Editeurs (1987)
      – Le Roi de Clipperton, Jean-Hugues Lime (Le Cherche Midi)
      – Agua verde, Anne Vallaeys (Fayard)
      – L’île aux fous, Ana García Bergua (Mercure de France ; bibliothèque étrangère)

      #survivre #femmes

    • C’est un peu étonnant, parce que dans Hobsbawm je lis que les bonhommes étaient carrément plus petits qu’aujourd’hui :

      « Humanity was smaller in yet a third respect: Europeans were, on the whole, distinctly shorter and lighter than they are today. To take one illustration from the abundance of statistics about the physique of conscripts on which this generalization is based: in one canton on the Ligurian coast 72 per cent of the recruits in 1792–9 were less than 1.50 metres (5 ft. 2 in.) tall. »

      Extrait de : Eric Hobsbawm, Age of Revolution 1789-1848

    • Il s’agit d’un graphique servant à illustrer l’oral de fin de 3e de ma fille. Son sujet est de démontrer que l’image de la femme à travers l’histoire a été biaisée par le fait que les historiens eux-mêmes projetaient leurs préjugés sur les artefacts qu’ils trouvaient. Ma fille avait été frappée lors de la visite des grottes de Pech Merle par le fait que les conservateurs des grottes avaient totalement dû revoir leur vision de la période préhistorique : ce que l’on prenait pour des empreintes de femmes (parce que femmes = petites) étaient en fait des empreintes d’ado de 11-12 ans, qu’une grande partie des œuvres venaient en fait très probablement de femmes et que ce que l’on pensait jusqu’à très récemment de l’organisation sociale ou de la santé des Cro Magnon était probablement faux.

      Par ailleurs, diverses sources convergent pour dire que le Moyen Âge obscur et rétrograde était à la fois une simplification et une falsification écrite par les vainqueurs. Le Moyen Âge, c’est 1000 ans de civilisation occidentale…

    • L’époque qui nous intéresse et qui est signalée — entre autres — par Silvia Federici dans Caliban et la Sorcière, c’est le Moyen Âge central, appelé aussi temps des cathédrales : une période d’une incroyable prospérité en Europe, caractérisée par une forte résistance au féodalisme et des courants contestataires favorables à une société plus égalitaire, y compris entre les hommes et les femmes.
      Ceux qui ont cherché à mettre en place un nouveau monde ont été taxés d’hérésie et impitoyablement pourchassés et exterminés. Même leurs œuvres et témoignages ont été détruits.
      Reste des monuments qui défient encore le temps et des preuves disparates d’une période d’une prospérité ensuite oubliée pendant des siècles.

      Le graphique est la transposition des données anthropométriques collectées au cours du temps dans les sépultures du secteur de Londres → London Bodies : the Changing Shape of Londoners from Prehistoric Times to the present Days, Muséum de Londres, 1998.

      La taille des corps à Londres au cours des temps

      Tout le monde sait qu’aux États-Unis et en Europe, la taille moyenne de la population a beaucoup augmenté pour les générations récentes, un phénomène généralement attribué à une meilleure alimentation au cours de l’enfance et de l’adolescence. […]

      Ces chiffres [de l’étude du musée de Londres] montrent que les femmes furent en moyenne plus grandes durant la période qui va du Xe au XIIe siècle, toutes autres périodes comprises, même aujourd’hui.
      […]
      Un observateur fait sur ces chiffres le commentaires suivant : « les ossements qui ont été exhumés des tombes en Angleterre de personnes autour de l’an 1000 parlent de personnes solides et en bonne santé […] d’une diète simple et saine qui leur donnait des membres solides ainsi que des dents en excellent état »… [par contre], les archéologues qui ont étudié les derniers siècles du Moyen Âge (les XIVe et XVe siècles) disent qu’ils peuvent presque voir la dévastation de la grande peste menaçante devant la preuve de restes de squelettes de plus en plus fragiles et en mauvaise santé »

      Au cœur de la monnaie, Bernard Lietaer, Albin Michel, 2011.
      #stature #taille #femmes #inégalités #histoire

    • @arno : un fait « amusant » quand j’ai cherché des données sur l’évolution de la taille moyenne au cours du temps → la plupart du temps, les données remontent au XIXe siècle. Alors forcément, étant donné qu’on est dans la pire période possible, tout ce qui suit n’est qu’amélioration. Rappelons que dans le Londres industriel de Dickens, la pollution et la malnutrition faisaient tellement rage dans le milieu ouvrier que les gosses étaient trop malingres pour trimer. Du coup, les manufacturiers allaient « recruter » de solides paysans dans le reste du pays pour faire tourner les machines.

    • @mad_meg Il est amusant de noter que ce que notre Histoire a baptisé Renaissance était en fait une période de sombre déclin… sauf pour la bougeoisie marchande et le capitalisme contre-révolutionnaire, réaction à la chute de la féodalité. La renaissance commence avec la Reconquista espagnole par l’Église catholique, l’expulsion des Juifs et des Arabes, le lancement du plus grand féminicide de tous les temps : la chasse aux sorcières. Du point de vue artistique, on se vautre avec complaisance dans des resucées d’une antiquité rêvée un peu moisie et pompeuse et les sciences pondent surtout la hiérarchisation des êtres humains !
      Youpi !

      Le Moyen Âge central peut être qualifié de Petite Renaissance. Mais comparé à ce qui a suivi…

    • Sympas le cours de ta fille. J’aurais adoré apprendre ca en cours d’histoire !

      Pour le mot Renaissance il me semble liée à l’idée de renaissance de l’antiquité (fantasmé par les bourges & curés) et du coup dans toute sa couillerie fasciste avec l’esclavage, culte des vierges, phallosophes, misogynie hardcore ... Je trouve pas les mots naissance et renaissance si positif que ca surtout si c’est pour parlé de naissance et renaissance du fascisme. Je ne préférè pas traité la période la moins inégalitaire du moyen-age de renaissance même petite. On pourrait dire Moyen-age d’Or pour illustré la prospérité dont les femmes ont bénéficié et l’idée de déclin qui suit avec le haut-moyen-age et la renaissance.

    • J’ai vu passer ton billet initial, tu penses !… Si je n’ai pas commenté, c’est que je n’avais en l’état rien à dire. Si ce n’est une petite montagne de questions préalables. En caricaturant à peine, ton « énoncé » est un pur exercice de projection d’idées préconçues ;-)

      Contrairement à l’image qui nous est renvoyée constamment, le statisticien ne trouve pas son bonheur dans les chiffres. Du moins, pas tant qu’il ne sait pas d’où ils sortent et comment ils ont été obtenus. J’ai donc cherché une source pour ses données, qui en manquent dramatiquement, le sous-titre selon des données du muséum de Londres relevant quasiment de la galéjade : on ne trouve rien de tel, ou en tous cas d’aussi synthétique dans les publications ; il y a donc un gros travail de synthèse et de mise en forme de plusieurs publications. À vérifier dans la référence que tu cites, gros bouquin achetable sur les librairies en ligne…

      En revanche, on trouve pas mal de données sur des lieux variés et des époques qui peuvent être lointaines. J’en ai collectées quelques unes dans le fichier Excel sur gg :drive.
      https://drive.google.com/file/d/1iH8xEoe2JzkkTAn2G5js9g7Zsk8PlA8I/view?usp=sharing

      Les préalables :
      • comment s’assurer de la comparabilité de chiffres concernant des époques distantes de deux millénaires. D’un côté, on a des séries depuis, en gros le milieu ou la fin du XIXè en suivant des protocoles plus ou moins décrits (je pense, p. ex. en France, aux données physiques (pour les garçons !…) issues des mensurations effectuées lors du recensement des classes d’âge pour le service militaire (qui ont d’ailleurs abondamment servi à l’époque pour y trouver une validation de théories… de l’époque, … c’est-à-dire plutôt racistes). De l’autre, on estime une taille à partir d’ossements collectés dans des cimetières ou autres sites archéologiques.
      • tu mentionnes toi-même que dans ce cas, la détermination du sexe est en partie liée à la variable étudiée (grand -> garçon,…)
      • la taille d’un adulte résulte de facteurs dont la plupart sont liés à des éléments sociaux (alimentation, travail physique ou pas (y compris dans l’enfance), résidence urbaine ou rurale, …)
      • comment s’assurer que le dépôt d’ossements ne résulte pas d’un processus biaisé aboutissant à une sélection sur des critères inconnus (fosse commune -> pauvres ou épidémie, tumulus de « nobles », caveau familial, périodes d’ensevelissement surreprésentées, remaniements ultérieurs (cf. les catacombes de Paris)…)
      • enfin quelles sont les tailles des différents échantillons et quelle est la dispersion des observations (écarts-types, p. ex.) ?

      Bon, on peut se dire (pur acte de foi) que si les chiffres ont été mis dans un même graphique, c’est qu’ils ont subi un minimum de prétraitements qui les rendent comparables et commentables.

      Dans ce cadre, le premier traitement que j’en fait est de les représenter sur un nouveau graphique permettant de visualiser l’écart, tout en gardant l’enchaînement historique (il y a 2 dimensions chronologiques, donc il n’y a pas trop de problèmes).

  • Esquisse d’une histoire de l’antisémitisme
    https://la-bas.org/5089

    « Une épuration ethnique à bas bruit ». Voilà ce qui serait en train de se passer sous nos yeux d’après les rédacteurs du « Manifeste "contre le nouvel antisémitisme" », paru dans Le Parisien le 22 avril dernier. Ce texte, rédigé par Philippe Val et signé par plus de 250 personnes, parmi lesquels « un ancien président de la République, trois anciens Premiers ministres », a servi de rampe de lancement à un livre sorti quelques jours plus tard, Le Nouvel Antisémitisme en France (Albin Michel, 2018).Continuer la lecture…

    #Vidéo #Mordillat_mord

  • « Les plantes sont beaucoup plus intelligentes que les animaux »

    http://www.lemonde.fr/sciences/article/2018/04/15/les-plantes-sont-beaucoup-plus-intelligentes-que-les-animaux_5285704_1650684

    Le «  neurobiologiste végétal  » Stefano Mancuso étudie les stratégies fascinantes et méconnues développées par les plantes pour survivre sans bouger.

    Professeur à l’université de Florence (Italie), Stefano Mancuso a fondé le Laboratoire international de neurobiologie végétale. Il est l’auteur, avec la journaliste Alessandra Viola, du livre Verde brillante qui, depuis sa ­publication en 2013, a été traduit en une vingtaine de langues. La version française vient de paraître sous le titre L’Intelligence des plantes (Albin Michel, 240 p., 18 €).

    Vous expliquez dans votre livre que les ­plantes sont vues comme des êtres vivants de seconde zone. Qu’est-ce qui explique cela ?

    Il y a une sorte d’aveuglement face au monde végétal. C’est inscrit dans notre fonctionnement cérébral, cela a été étudié, et il existe même une expression en anglais pour cela : plant blindness, la « cécité pour les plantes ». C’est probablement dû au fait que notre cerveau n’est pas très bon pour traiter la quantité immense de données qui transitent par nos yeux. Il filtre donc tout ce qui n’est pas intéressant pour notre survie immédiate et se ­ concentre sur la détection des dangers que peuvent représenter les autres animaux ou les autres humains. Mais pas sur les plantes, au ­milieu desquelles nous avons toujours évolué.

    Cet aveuglement s’est transposé sur le plan culturel, par exemple dans l’histoire biblique de Noé : Dieu va tout détruire et dit à Noé d’emporter sur l’arche un couple de toutes les espèces vivantes. Et toutes ces créatures sont… des animaux, il n’y a pas de plantes ! Beaucoup plus récemment, dans Soudain dans la forêt profonde, l’écrivain israélien Amos Oz raconte la malédiction qui a frappé un village, d’où tous les animaux ont disparu. Il est dit que ce sont « toutes les créatures vivantes » qui ont été emportées… alors que les plantes sont partout. Nous avons l’habitude d’associer le concept d’êtres vivants à celui d’animaux, mais ceux-ci représentent moins de 1 % de la biomasse terrestre.

    Pour vous, nous sommes dans une vision pré-copernicienne de la biologie…

    Avant Copernic et Galilée, nous pensions que la Terre était le centre de l’Univers. Depuis, elle est devenue une petite planète tournant autour d’une étoile naine, à la périphérie d’une galaxie secondaire… Telle est notre véritable position et cela a été une révolution, utile pour comprendre ce qu’était vraiment le cosmos. En biologie, nous estimons toujours que nous autres, ­humains, sommes au centre de l’univers du ­vivant et que tout tourne autour de nous. Or nous ne sommes qu’une partie secondaire et négligeable du vivant, et nous avons besoin d’une révolution copernicienne pour nous aider à le comprendre. Il est urgent pour nous de saisir que nous faisons partie de la nature et que notre vie est reliée à celle des autres êtres vivants. Nous dépendons des plantes de ­manière absolue, nous ne pouvons pas vivre sans elles : elles produisent toute la nourriture que nous mangeons, l’oxygène que nous respirons et elles ont produit nos énergies fossiles.

    Au cours des dernières années, il y a eu ­beaucoup de découvertes sur la sensibilité des plantes à leur environnement. Mais que sont-elles capables de faire ?

    J’ai l’habitude de dire que les plantes ont les mêmes comportements que les animaux, mais qu’elles font les choses différemment, sans se déplacer. Elles ont suivi une sorte d’évolution parallèle à celle des animaux et c’est pourquoi nous avons tant de mal à les comprendre, parce qu’elles sont si différentes de nous. Prenons l’exemple de la mémoire. C’est quelque chose que, normalement, nous n’associons pas aux plantes. Mais elles sont ­capables de mémoriser divers stimuli et de faire la différence entre eux.

    Un de mes récents articles était consacré à la sensitive (Mimosa pudica). Ses folioles se ­ replient quand on les touche. Je me suis ­rappelé cette expérience qu’avait menée ­Lamarck : il avait fait transporter des plants de sensitive en carrosse par les rues pavées de ­Paris. Au début, à cause des cahots de la route, leurs feuilles se rétractaient, puis se rouvraient, puis se fermaient de nouveau, etc. Mais, à un certain point, elles cessaient de se refermer. J’ai répété l’expérience avec 500 pots de Mimosa pudica en les faisant tomber de 3 cm de haut. Au début, les feuilles se referment à chaque fois. Après quelques répétitions, elles restent ouvertes. On peut se dire que c’est parce qu’elles sont fatiguées et n’ont plus d’énergie. Mais non : si vous les touchez, elles se referment immédiatement. En fait, les plantes ont mémorisé que ce stimulus spécifique, la petite chute, n’est pas dangereux. Après cet apprentissage, on les a laissées tranquilles dans une serre. Deux mois après, on les a ­ soumises au même stimulus et elles s’en sont souvenues : elles ne se sont pas refermées.

    Vous travaillez aussi sur la communication des plantes…

    On sait aujourd’hui que les végétaux partagent beaucoup d’informations. Ce sont des êtres sociaux. Dans mon tout dernier article, nous avions deux groupes de plantes. Au pied du premier nous avons mis du sel, qui est très stressant pour les plantes. Après deux semaines, nous avons regardé les effets sur le second groupe, dans le sol duquel il n’y avait pas de sel du tout : elles avaient pourtant développé une résistance au sel. Elles avaient reçu un message des autres et se préparaient au sel.

    Les végétaux s’échangent des informations sur la qualité de l’air, du sol, sur la présence de pathogènes, sur une agression par des insectes. C’est une communication réelle. Un de mes doctorants est allé en Californie pour ­étudier des populations de sauge qui y vivent à l’état sauvage. Il s’est aperçu qu’elles pouvaient toutes communiquer entre elles mais aussi que l’efficacité de cette communication était plus importante au sein d’un même groupe qu’entre différents groupes. Cela signifie qu’il y a en quelque sorte des dialectes chimiques, de petites variations dans les composés organiques volatils qu’elles émettent. C’est stupéfiant.

    Elles communiquent aussi avec des animaux…

    Oui, et on le voit bien avec la pollinisation. Mais, dans de nombreux cas, les plantes sont même capables de manipuler des animaux avec les substances chimiques qu’elles produisent. Un exemple avec les relations que beaucoup de végétaux entretiennent avec les fourmis : quand des insectes les mangent, les plantes émettent des composés volatils pour appeler les fourmis à l’aide. Celles-ci viennent parce que la plante fabrique du nectar plein de sucre. Elles le boivent et défendent la plante contre ses ennemis. Mais ce qui a été découvert ­ récemment, c’est qu’il ne s’agit pas d’un simple échange « défense contre nourriture » : dans le nectar, il y a aussi des substances neuroactives. Des drogues. Qui rendent les fourmis « accro » et les obligent à rester là. Et la plante module ses sécrétions de composés neuroactifs en fonction de ce qu’elle veut obtenir chez les fourmis : qu’elles aient un comportement agressif, qu’elles patrouillent, etc.

    Votre livre s’intitule en français « L’Intelligence des plantes ». N’est-ce pas provocateur ?

    Je ne veux pas être provocateur, je pense réellement que les plantes sont intelligentes. Tout dépend de la définition qu’on donne de l’intelligence. C’est un problème majeur en biologie car, si vous interrogez cent chercheurs, vous aurez cent définitions différentes de l’intelligence ! Pour moi, c’est la capacité à résoudre des problèmes et, de ce point de vue, c’est inhérent à toute forme de vie. Maintenant je vais être provocateur en disant que les plantes sont les seuls organismes à régler réellement leurs problèmes, parce que nous autres animaux pensons résoudre nos problèmes mais, en fait, nous utilisons en général le mouvement pour les éviter : il fait froid, alors nous allons dans un endroit plus chaud et vice versa ; s’il y a un prédateur, nous nous sauvons ; s’il n’y a plus de nourriture, nous nous déplaçons. Les plantes sont confrontées aux mêmes problèmes mais doivent les résoudre sans l’aide du mouvement. Elles sont donc beaucoup plus intelligentes que les animaux !

    Le fait que les plantes n’aient pas de cerveau n’est donc pas gênant ?
    Que sont les neurones ? Juste des cellules ­capables de produire et de transporter des ­signaux électriques. Chez les animaux, ce type de cellule se retrouve dans le système nerveux central. Alors que, chez les plantes, chaque ­cellule du corps a ces propriétés. De ce point de vue, nous pourrions envisager la plante comme une sorte de « cerveau diffus ».

    Je suis en profond désaccord avec ceux qui voient les plantes comme des machines automatiques, et ce pour deux raisons. D’abord parce qu’il y a beaucoup de preuves que les plantes ne répondent pas à leur environnement de manière automatique et qu’elles font des choix. Et voici la seconde raison : si vous me dites que les plantes sont des machines, vous devez me convaincre que nous autres, humains, n’en sommes pas ! L’approche que certains emploient pour qualifier les plantes de machines peut nous être transposée : qu’est-ce qui me dit que les questions que vous me posez ne sont pas la seule possibilité que vous imposent votre physiologie, votre histoire et votre environnement ?

    • L’histoire de la fièvre puerpérale est longuement détaillée dans l’ouvrage d’Hempel « Éléments d’épistémologie » dans son chapitre sur la formulation des hypothèses scientifiques, notamment dans la définition de la demarche empirique, la partie consacrée à Semmelweiss qui a été confronté à ce problème dans les services de maternité de son hopital.

    • Sur le cairn il y a ceci que j’ai pas encore lu :
      https://www.cairn.info/revue-spirale-2010-2-page-21.htm
      La tragédie des maternités hospitalières au xixe siècle et les projets de réaménagement
      parScarlett Beauvalet, historienne, professeur d’histoire à l’université de Picardie.
      Il y a peut être la ref que tu cherche dans les notes :

      Notes
      [1]

      E. et J. de Goncourt, Germinie Lacerteux (1865), Le Livre de poche, 1990, p. 100-101.
      [2]

      P. Peu, Pratique des accouchements, Paris, 1682, p. 268.
      [3]

      J. Tenon, Mémoire sur les hôpitaux, Paris, 1788.
      [6]

      S. Beauvalet, La population à l’époque moderne. Démographie et comportements, Paris, Belin, 2008, p. 196.
      [7]

      J.-M. Audin-Rouvière, Essai sur la topographie physique et médicale de Paris, Paris, 1794.
      [8]

      P.J.G. Cabanis, Observations sur les hôpitaux, Paris, 1789-1790.
      [9]

      S. Beauvalet, Naître à l’hôpital au xixe siècle, Paris, Belin, 1999, p. 233.
      [10]

      S. Tarnier, Recherches sur l’état puerpéral et les maladies des femmes en couches, thèse de médecine, Paris, 1857.
      [11]

      A. Husson, Étude sur les hôpitaux considérés sur le rapport de leur construction, de la distribution de leurs bâtiments, de l’ameublement, de l’hygiène, Paris, 1862, p. 7.
      [12]

      E. Hervieux, « Étiologie et prophylaxie des épidémies puerpérales », Gazette médicale de Paris, 1865, pp. 713-716 ; 762-765 ; 799-803 ; 813-820. Il s’agit d’un mémoire lu à la Société des hôpitaux le 23 août 1865.
      [13]

      S. Beauvalet et P. Boutouyrie, « Du geste qui tue au geste qui sauve. Épidémies et procédures médicales invasives à Paris au xixe siècle : l’exemple de la maternité de Port-Royal », Annales de Démographie Historique, 1997, p. 135-156.
      [14]

      E. Hervieux, « Étiologie et prophylaxie des épidémies puerpérales », op. cit., p. 715.
      [19]

      G. Ancelet, « Hygiène des maternités. Conditions générales d’hygiène que doit remplir une maternité modèle », dans Annales d’hygiène publique et de médecine légale, 3e série, tome XXXVI, 1896, p. 216-246. Ancelet est l’auteur d’une thèse sur la question : Essai historique et critique sur la création et transformation des maternités à Paris, thèse pour le doctorat en médecine, Paris, 1896.
      [20]

      Ancelet citant Tarnier et Potocki, De l’aspsie et de l’antisepsie en obstétrique, Paris, 1894.
      [21]

      G. Ancelet, « Hygiène des maternités… », op. cit., p. 245-246.
      [22]

      A. Pinard, « Du fonctionnement de la Maison d’accouchement Baudelocque, clinique de la faculté, depuis sa création jusqu’au 1er janvier 1904 », Bulletin de l’académie de médecine, 1904, tome 1, p. 63-76.

      peut être qu’il y a la ref que tu cherche dans la bibliographie de
      Sorcières, sages-femmes et infirmières. Une histoirE des femmes soignantes par Ehrenreich, English
      https://www.cambourakis.com/spip.php?article550

  • #Jean_Ehrard, Lumières et esclavage. L’esclavage et l’opinion publique en France au XVIIIe siècle compte-rendu de Alessandro Tuccillo dans Lectures critiques 2010 - printemps 2012
    http://montesquieu.ens-lyon.fr/spip.php?article943

    Dans le pre­mier cha­pi­tre (« Les #Lumières en pro­cès »), J. Ehrard entame son dis­cours en pre­nant posi­tion sur le « pro­cès aux Lumières », c’est-à-dire sur les atta­ques que les phi­lo­so­phes du XVIIIe siè­cle ont subies tan­tôt de la part du monde catho­li­que, tan­tôt de la part des milieux anti­co­lo­nia­lis­tes. D’ailleurs, dès son intro­duc­tion, J. Ehrard déclare vou­loir écrire « un plai­doyer en défense, un essai de réponse au réqui­si­toire anti-Lumières » (p. 17). Cette défense du patri­moine des idées des Lumières, à rai­son, ne se confronte pas avec les cri­ti­ques réac­tion­nai­res qui vou­draient revi­ta­li­ser les posi­tions anti­ré­vo­lu­tion­nai­res du XIXe siè­cle. Le dia­lo­gue serait impos­si­ble. Elle s’adresse plu­tôt aux cri­ti­ques d’ori­gine marxiste ou sen­si­bles aux dis­cours des écoles de Francfort et de Foucault qui voient dans l’#uni­ver­sa­lisme des Lumières la racine cultu­relle de l’#impé­ria­lisme et de sa rhé­to­ri­que de la civi­li­sa­tion. Cette accu­sa­tion était déjà pré­sente dans les études fon­da­men­ta­les de #Michèle_Duchet (Anthropologie et his­toire au siè­cle des Lumières, 1971 ; rééd. Albin Michel, 1995) et de #Carminella_Biondi (Ces escla­ves sont des hom­mes. Lotta abo­li­zio­nista e let­te­ra­tura negro­fila nella Francia del Settecento, 1979). Dans les livres de #Pierre_Pluchon (Nègres et juifs au XVIIIe siè­cle. Le racisme au siè­cle des Lumières, 1984) et de #Louis_Sala-Molins (Le Code noir ou le cal­vaire de Canaan, 1987 et Les Misères des Lumières. Sous la rai­son, l’outrage, 1992), cette accu­sa­tion se trans­forme, d’après J. Ehrard, en sim­ple déni­gre­ment ten­dan­cieux. C’est donc « à contre-cou­rant d’une mode récente de déni­gre­ment du siè­cle de Voltaire » (p. 17), qui nie tout lien entre la pen­sée #anties­cla­va­giste des Lumières et l’#abo­li­tion de l’escla­vage de 1794, que Jean Ehrard réaf­firme l’impor­tance de l’« héri­tage des Lumières » : bien que la conjonc­ture révo­lu­tion­naire ait été essen­tielle pour le décret de plu­viôse, la « convic­tion idéo­lo­gi­que » des dépu­tés de la Convention natio­nale « n’a pu tom­ber du ciel, sinon du ciel de la rai­son des Lumières » (p. 15). L’élaboration de la culture cri­ti­que anties­cla­va­giste au XVIIIe siè­cle ne pou­vait être sans hési­ta­tions puis­que cette cri­ti­que devait bri­ser une lon­gue tra­di­tion de légi­ti­ma­tion théo­ri­que de l’escla­vage qui, aupa­ra­vant, n’avait jamais été mise en ques­tion en ces ter­mes. Selon J. Ehrard, ceux qui sou­li­gnent avec stu­pé­fac­tion les ambi­guï­tés des phi­lo­so­phes face à l’escla­vage rai­son­nent « comme si les Lumières étaient un état, non un mou­ve­ment ; comme si leurs pro­mo­teurs n’avaient pas eu à sou­le­ver et réin­ven­ter le monde pour inven­ter les droits de l’homme » (p. 16). Un contexte hos­tile expli­que aussi les pro­po­si­tions gra­dua­lis­tes des abo­li­tion­nis­tes qui ne peu­vent être inter­pré­tées comme des ten­ta­ti­ves de reforme de l’ins­ti­tu­tion vouées, de fait, à la conso­li­da­tion de l’ordre escla­va­giste (c’était la thèse, entre autres, de M. Duchet). Ce gra­dua­lisme par­ti­cipe du dis­cours civi­li­sa­teur, uni­ver­sa­liste et cos­mo­po­lite du XVIIIe siè­cle auquel Ehrard ne fait pas mys­tère de vou­loir reconnai­tre sa « noblesse » (p. 16). La nier signi­fie­rait défor­mer l’ana­lyse sur la base des cri­mes de la colo­ni­sa­tion du XIXe siè­cle.

  • Jacques-Armand Cardon, né en 1936, au Havre (France), commença par travailler dans les arsenaux de la marine. En 1958, l’occasion lui fut offerte de fréquenter l’École des beaux-arts de Toulon, où il étudia la lithographie ; il pratiqua ensuite la gravure et la sculpture.
    .
    Il publia ses premiers dessins en 1961, dans Bizarre, éditions Jean-Jacques Pauvert. Dès 1962, il collabora à Siné-Massacre, France-Soir (il publia entre autres : Le Crime ne paie pas), à L’Humanité, à la revue du SNESUP (Syndicat National de l’Enseignement Supérieur). En 1968, célèbre année, il collabora à L’Action, publia des dessins dans L’Enragé (avec Siné, Gébé, Wolinski, Topor, etc). De 1970 à 1978, il fit paraître des bandes dessinées dans Charlie, L’Écho des Savanes, et des bandes dessinées politiques dans Politique-Hebdo — pour L’Humanité-Dimanche jusqu’en 1979. Il participa à la série télévisée de Jean Frapat, « Tac au Tac » ; il dessina pour un ballet de Paul-André Fortier, à Montréal, en 1981. Il réalisa un dessin animé L’Empreinte (Prix de la 1re oeuvre au Festival d’Annecy, sélection pour le Festival de Cannes, 1974). Il créa la revue Le Père Denis avec Kerleroux, Vasquez de Sola et Grandrémy. Parution de dessins dans l’Anthologie Planète, L’Humour Noir de Jacques Sternberg (1967) ; création de La Condition humaine dans Satirix (1972) ; publication des albums Ligne de Fuite, éditions Albin Michel, de La Véritable histoire des compteurs à air, éditions de la Courtille (1973), du recueil Comment crier et quoi (1986) ; en 1995, dessins pour Les Sursitaires d’Elias Canetti ; en 2001, dessins dans l’Anthologie Tout l’humour du monde, éditions Glénat.
    .
    Il collabore régulièrement au Monde et au Canard Enchaîné. Parallèlement, il expose ses dessins en France, en Allemagne et dans d’autres pays européens.

    http://www.editions-du-heron.com/2_parutions_bx_livres_cardon_couv_et_coffret_2_A.html
    http://lecanardenchaine.free.fr/equipe.html
    https://www.babelio.com/auteur/Jacques-Armand-Cardon/68709
    https://www.youtube.com/watch?time_continue=365&v=bLRzwwAZ26o


    #Cardon Jacques-Armand #Dessin

  • Hé seenthis, tu peux peut-être m’aider !
    Je recherche les sources d’une #BD que j’ai lue il y a bien longtemps, et dont j’ai les souvenirs (confus) suivants :

    Parution aux alentours de 1975/1980
    Peut-être dans Pilote, Métal ou l’écho des savanes
    En noir et blanc
    Probablement auteur français
    L’histoire futuriste parle de gens qui conduisent à longueur de temps des espèces de moissonneuses le long de voies rectilignes, et dont l’un finira happé par la machine ...

    À moins que j’ai rêvé cela ?

    (édition du 14/02/2018) : ayé, trouvé, voir plus bas pour la réponse.

    • Le vent était au nord et les avions tournaient, les magasins étaient ouverts à l’amour de toutes choses, les militaires par quatre et la police par trois patrouillaient dans la rue.

      Il n’y a pas beaucoup de poésie en ce moment, j’ai dit à mon père.

      J’ai dit ça comme une impression ou peut-être un avis et pas comme une idée, enfin rien qui s’impose, c’était pour que mon père apprécie avec moi quelque chose d’amusant dans cette ambiance nouvelle, il faut dire que j’étais sous l’influence de livres et l’empire de la drogue, j’avais fumé en lisant Klemperer et j’avais lu Kraus en mangeant des bananes et relu Klemperer en refumant pas mal, son journal en entier et surtout LTI, la langue du IIIe Reich, dans Klemperer j’avais fixé longtemps sur un seul instant de tout le IIIe Reich, dès le début, en fait, résumé par une phrase que j’ai lue et relue pour saisir l’amplitude, Il règne en ce moment quelque durcissement
      qui influe vraiment sur tout le monde.

      Mon père était dans son 4 × 4, assis noblement au-dessus de l’ordinaire, il réglait son rétro à sa hauteur de vue, il dirigeait en même temps un concerto en do dièse mineur, il codait des résultats de séquençage du génome, il discutait des fondements de la valeur, il retournait la terre avec des paysans de l’Ardèche, il rédigeait son essai sur la philosophie scholastique, il rendait visite à des enfants cancéreux, il sauvait des humains de la noyade en Méditerranée, il regardait la télé en caleçon, il donnait son sang universel, il se coupait les ongles en lisant du Sophocle, il était digne et beau, finalement il a dit

      -- Comment peux-tu savoir s’il y a de la poésie ou pas, beaucoup ou pas beaucoup ? Tu veux mesurer la quantité de poésie mais sais-tu au moins ce qu’est la poésie ?

      -- Peut-être pas, Papa

      -- Comment peux-tu savoir s’il y a de la poésie ou pas, beaucoup ou pas beaucoup ? Tu veux mesurer la quantité de poésie mais sais-tu au moins ce qu’est la poésie ?

      -- Peut-être pas, Papa

      -- Et même si des experts en poésie pouvaient évaluer un taux de poésie et constater une tendance à la baisse, comment peux-tu établir que cette baisse tendancielle du taux de poésie a un quelconque rapport avec ce qui se passe en ce moment ?

      -- Je ne peux pas, Papa

      -- Tu ne crois pas que c’est un peu déplacé de parler de poésie justement en ce moment ?

      -- Si, Papa

      -- Est-ce qu’il n’y a pas des problèmes plus urgents ?

      -- Oui Papa

      -- L’archiduc François-Ferdinand, après avoir tué pas loin de 300 000 bêtes plus ou moins féroces dont des milliers de mouettes et quelques centaines de kangourous, a emmené tout le monde à la guerre mondiale en se faisant lui-même tirer comme un lapin. Et toi tu t’inquiètes de la poésie

      -- Je ne m’inquiète pas, Papa

      -- La poésie qu’est-ce que ça peut bien faire alors que des dingues remplis de haine mondiale se font sauter le buffet en plein milieu des foules ?

      -- En effet, Papa

      -- Alors que les guerres lointaines arrivent à nos portes ? Alors que l’Europe est assaillie par le doute et les dettes de la Grèce ?

      -- Ça aussi, Papa

      -- Est-ce qu’il ne faut pas avant tout sécuriser cette Liberté dont nous avons besoin pour exercer nos droits fondamentaux, dont le droit, par exemple, de faire de la poésie si ça nous chante ?

      -- Mais c’est qui, nous, Papa ? De qui tu parles ? Des habitants d’ici ? Des amis de la patrie ? Des citoyens moyens ?

      -- Réfléchis par toi-même !

      S’il voulait dire que tout était devenu grave et que par conséquent la poésie on s’en foutait pas mal, j’étais assez d’accord vu que les poètes m’emmerdent pour la plupart, j’aurais donc préféré ne pas en discuter mais mon père commençait seulement à s’amuser avec sa mauvaise foi d’unité nationale tout en feuilletant Le Progrès de la bonne ville de Lyon.

      #livre #Noémi_Lefebvre

    • Claro embauche l’auteure de « Poétique de l’emploi », Noémi Lefebvre, sur le champ, Monde des livres

      L’air du temps est-il ­soluble dans la prose ? Pour certains écrivains, c’est une évidence, il suffit de transformer le livre en poste de radio ou en photocopieuse, de retransmettre ou de reproduire, bref, de ménager un espace aux informations qui, paraît-il, font le réel. Ce qui se passe dehors n’a qu’à passer sur la page, y déposer au mieux son ombre, quelques plis suffiront pour donner l’impression que tout n’est pas lisse alors même qu’on décalque. D’où, souvent, à la lecture des romans épris de contemporain, une impression de pénible transfusion, le sentiment d’un compromis bâclé et malhabile entre toile de fond et coup de crayon. On ressent un malaise dans l’écriture là où on espérait une écriture du malaise.

      L’air du temps ? Dira-t-on qu’il est toxique, névrotique, fasciste ? Qui le dira ? Un personnage ? Une voix soigneusement tendue entre deux guillemets ? Fabrice del Dongo ou Bardamu ? Plutôt que de trancher tout de suite, faisons comme Noémi Lefebvre dans Poétique de l’emploi et partons gaiement de la constatation suivante : « Il règne en ce moment quelque durcissement qui influe sur tout le monde. » C’est une phrase écrite par le philologue Victor Klemperer (1881-1960), extraite de son livre LTI, la langue du IIIe Reich (Albin Michel, 1996). Mais c’est désormais une phrase de Poétique de l’emploi, un énoncé qui refuse de se dissoudre, une indispensable arête coincée dans la gorge du livre. Qui n’empêche ni de rire ni de penser, loin de là. Bon, il est temps d’aller à Lyon, où un dialogue entre père et fille nous attend.

      « Il n’y a pas beaucoup de poésie en ce moment, j’ai dit à mon père. » C’est le deuxième constat, mais c’est sans doute le même que faisait Klemperer. Et ce qu’essaie de dire la narratrice à son père. Il n’y a pas beaucoup d’emploi non plus. En revanche, l’injonction à travailler plus pour gagner moins se porte bien – mais passe mal. Des gens manifestent. Ils vont dans la rue. Mais la liberté, apparemment, a changé de camp. Elle est sous la protection de l’armée et de la police. Est-ce la guerre ? Oui et non, dit le père qui a bu, et pas que de la ciguë, au cours d’un dialogue crypto-socratique destiné à obtenir le salut par le doute. « Mon père dit sans doute quand il doute, c’est une façon de me faire douter en exprimant la sobre et sage inquiétude que dégage parfois, dans une ambiance nouvelle, la lucidité des esprits rares qu’on appelle critiques. » La narratrice, elle, se méfie un peu du doute comme arme d’instruction massive. Elle aussi a sa claque de la compétence et de ses lois. Elle « souffre (…) d’une incapacité corporelle au social ». L’indifférence et le désintéressement du père, non merci. Mais le « plein épanouissement physique et moral », eh bien, ce n’est pas gagné non plus, surtout quand il est exigé par la société.

      A ce stade du livre de Noémi Lefebvre, on commence à comprendre qu’il ne s’agit pas de donner des leçons, mais de parler entre les leçons, de laisser la parole aller et venir au milieu. De rendre la liberté à sa phrase mais en la laissant s’égailler en milieu hostile, pour voir ce qui se passe. De faire flâner la phrase : « Entre novembre et mars, est-ce que c’était décembre, de Fête des lumières il n’y en avait pas ça c’était déjà sûr, je m’en foutais pas mal, les feuilles étaient mortes et les fleurs étaient moches, le marché des quais de Saône était gardé par des parachutistes, j’étais dans l’angoisse de trouver un travail pour avoir un métier parce que, comme on dit, les métiers sont refroidis et sans rapport avec la vie et véritablement une chose étrangère à la grande variété de nos aspirations, j’avais regardé les offres pour poète, j’avais eu cette idée d’un emploi dans rien sous le contrôle de personne, ça me semblait correspondre à un manque de profil difficile à cerner dans le bilan de compétences, en réponse à poète il y avait un poste de rédacteur technique e-learning pour une entreprise industrielle leader sur son marché et des annonces rédigées en vers publicitaires pour devenir humain avec le regard clair et un air solide au milieu du désert (…). » Phrase rhizome, qui décale sa propre danse pour mieux casser la coque du discours. Phrase qui se glisse dans le mode d’emploi du monde de l’emploi, tels Charlot ou Keaton dans la foule des flics, pour faire trembler les rapports de force.

      A première vue, Poétique de l’emploi semble faire la part belle à l’aveu d’impuissance. L’inquiétude d’être en porte-à-faux, et pour tout dire un léger pli dépressif, font que page après page on pourrait se croire en quête de désertions. Mais le soliloque déployé par la narratrice est tout sauf un exercice de noyade assistée. Face à la novlangue pseudo-républicaine qui joue du tonfa à tout bout de rue et voudrait que la narratrice reste « bêtement à [se] faire assommer par la sécurité au nom de la Liberté en angoissant de chercher un travail et d’en avoir un si jamais [elle] en trouvai[t] », Noémi Lefebvre fourbit une forme de résistance poétique essentielle et libère in fine, avec l’aide des grands K (Klemperer, Kraus, Kafka), un étrange animal politique et subversif, mi-orang, mi-outang. A la fois fluide et fiévreux, Poétique de l’emploi fait, littéralement, un bien fou.

    • C’est vrai que je vois du fascisme partout depuis qu’il y en a de plus en plus

      poétique de l’emploi a aussi été le nom d’une brève vidéo https://www.youtube.com/watch?v=7A9Y0idAudk

      une part des réparties et leur provenance

      « Il faut dépasser le statut littéraire du poème pour en faire un acte, un geste qui aura son efficacité propre dans le monde » Serge Pey

      La poésie est « l’expression, par le langage humain ramené à son rythme essentiel, du sens mystérieux des aspects de l’existence » Stéphane Mallarmé

      « Le langage contient des ressources émotives mêlées à ses propriétés pratiques et directement significatives » Charles Baudelaire

      La poésie « est une province où le lien entre son et sens, de latent, devient patent, et se manifeste de la manière la plus palpable et la plus intense » Roman Jacobson

      « La poésie c’est l’art de mettre en mouvement le fond de l’âme » Novalis

      « les mots sont assurément la révélation extérieure de ce royaume intérieur de forces » Novalis

      "Le poète se consacre et se consume donc à définir et à construire un langage dans le langage"Paul Valéry

      « Le poète nous entraîne vers un usage visionnaire de l’imagination qui nous livre le monde dans sa réalité profonde et chaque être dans sa liaison à l’unité du tout. » Emmanuel Mounier"

      « Le domaine de la poésie est illimité » Victor Hugo

      « C’est qu’un poète, ça ne se fait pas en une civilisation » Louis Calaferte

      « Le seul devoir du poëte est le jeu littéraire par excellence » Stéphane Mallarmé

      #vidéo #poésie

    • « Poétique de l’emploi » un livre ébouriffant !
      https://le-clairon-nouveau.fr/wordpress/blog/2018/02/23/la-poetique-de-lemploi-un-livre-ebouriffant

      La Poétique de l’emploi est un livre écrit au « je ». Le personnage, indéterminé, se veut poète et il dit ceci :

      « J’évitais de penser à chercher un travail, ce qui est immoral, je ne cherchais pas à gagner ma vie, ce qui n’est pas normal, l’argent je m’en foutais, ce qui est inconscient en ces temps de menace d’une extrême gravité, mais je vivais quand-même, ce qui est dégueulasse, sur les petits droits d’auteur d’un roman débile, ce qui est scandaleux, que j’avais écrit à partir des souvenirs d’une grande actrice fragile rescapée d’une romance pleine de stéréotypes, ce qui fait réfléchir mais je ne sais pas à quoi. »
      La Poétique de l’emploi commence par : Il n’y a pas beaucoup de poésie en ce moment, j’ai dit à mon père.
      Et finit par : Il y a pas mal de poésie en ce moment, j’ai dit à mon père. Il n’a pas répondu.

      Que s’est-il passé pour opérer ce changement d’appréciation sur le monde ?
      Ce début et cette fin du livre sont constitués par ces deux paroles de dialogue entre un père « établi socialement » qui possède un surmoi développé, scientifique, rationnel, mais qui assène des aphorismes quand il a bu, et un narrateur ou une narratrice – on ne sait pas – marginal(e), poète à la recherche d’un emploi.

      Pour donner une idée de ce livre de littérature inclassable, qui allie humour, charge politique, poésie et réflexion sur l’existence et la société, voici un résumé de ces dix leçons.

      Leçon numéro 1 : Poètes, ne soumettez personne à la raison du père.
      Et suit la démonstration sur La raison d’un père est de toutes les raisons la plus contraire à la poésie.
      Sachant que la sincérité est une fiction américaine, a dit mon père un jour où il avait bu…

      Leçon numéro 2 : Poètes, ne cherchez pas la sincérité en poésie, il n’y a rien dans ce sentiment américain qui puisse être sauvé.
      En vérité chaque fois que j’ai voulu être sincère, je n’ai jamais rien fait que croire à ce que je croyais depuis moi vers le monde et du monde vers moi, comme si le monde et moi c’était du même tonneau.

      Leçon numéro 3 : Poètes, écrivez des poèmes nationaux, c’est ce qu’il y a de plus sécurisé
      Commentaire : La mort dans l’âme est peut-être l’envers de la fleur au fusil (p.46).

      Leçon numéro 4 : Poètes, n’espérez pas beaucoup d’exemplaires, un seul c’est déjà trop.

      Leçon numéro 5 : Poètes, si écrire vous est défendu, essayez déjà de vous en apercevoir.
      Aphorisme : Le secteur culturel est un cimetière pour le repos de l’âme, a dit mon père un jour où il avait bu.

      Leçon numéro 6 : Poètes, écrivez si vous voulez des poèmes d’amour en simple liberté sans vous demander si c’est trop difficile.
      Aphorisme : Si on y pense trop on ne peut plus réfléchir, a dit mon père un jour où il avait bu.

      Leçon numéro 7 : Poètes, évitez de vous faire assommer au nom de la Liberté, prenez un bain ou regardez un Simpson ou si ça va pas mieux lisez la page 40 de LTI, la langue du IIIe Reich, de Victor Klemperer. « La langue ne se contente pas de poétiser et de penser à ma place, elle dirige aussi mes sentiments, elle régit tout mon être moral d’autant plus naturellement que je m’en remets inconsciemment à elle. Et qu’arrive-t-il si cette langue est constituée d’éléments toxiques ou si l’on en a fait le vecteur de substances toxiques ? » Question de Klemperer.

      Leçon numéro 8 : Poètes, ne laissez pas empoisonner les mots et tenez-vous loin de la littérature.

      Leçon numéro 9 : Poètes, si vous êtes dans une prison, dont les murs étouffent tous les bruits du monde, ne comptez pas à 100 % sur votre enfance pour vous sortir de là.
      Aphorisme : Tout est dans Platon a dit mon père un jour où il avait bu.

      Leçon numéro 10 : Poètes, laissez tomber les alexandrins, sauf si c’est pour vous payer de quoi manger.
      Aphorisme : Les alexandrins ça se vend par douzaines, a dit mon père un jour où il avait bu.

      Et pour finir, des propos de sa mère sur Schiller :

      L’utilité limite l’imagination.
      L’utile est contraire à l’idéal.
      Travail salarié au service de l’utile
      La liberté est du côté de l’idéal inutile
      L’éducation esthétique est une éducation anti-industrielle.
      Ne pas oublier que Schiller est citoyen de son temps.
      Bientôt, le mois de mars célèbre chaque année le « Printemps des poètes » ; et Noémi Lefebvre nous rappelle que :
      « Le poète se consacre et se consume donc à définir et à construire un langage dans le langage » (Paul Valéry).

      On ne saurait que trop encourager à la lecture de ce livre ébouriffant.

    • Noémi Lefebvre envoie les poètes à Pôle emploi, ERIC LORET (EN ATTENDANT NADEAU)
      https://www.mediapart.fr/journal/culture-idees/170318/noemi-lefebvre-envoie-les-poetes-pole-emploi

      Dans le monde dont Lefebvre nous fait rire jaune à chacun de ses livres, on n’a finalement le droit de vivre que si l’on est « employable ». La question de l’emploi renvoyant à celle de la liberté, quand il s’agit de l’emploi des poètes, Kafka n’est pas loin.

      Noémi Lefebvre écrit à partir d’un point existentiel, ce moment où l’on se transforme en objet pour soi-même, comme si l’on avait été transporté dans le regard d’un autre, comme si l’on prenait forme sous la pression de ce qui nous entoure et nous maltraite, mais aussi nous culpabilise : « Le vent était au nord et les avions tournaient, les magasins étaient ouverts à l’amour de toutes choses, les militaires par quatre et la police par trois patrouillaient dans la rue. Il n’y a pas beaucoup de poésie en ce moment, j’ai dit à mon père. »

      Ainsi s’ouvre Poétique de l’emploi, en proie à un surmoi faussement familier, dans « la bonne ville de Lyon » sous emprise policière. Il n’y a pas beaucoup de poésie et le père rétorque que c’est aussi bien, car il y a plus important : « – Tu ne crois pas que c’est un peu déplacé de parler de poésie justement en ce moment ? – Si, Papa […] – Est-ce qu’il ne faut pas avant tout sécuriser cette Liberté dont nous avons besoin pour exercer nos droits fondamentaux, dont le droit, par exemple, de faire de la poésie si ça nous chante ? » Le narrateur (sans âge et sans genre) est en butte dès le début à la censure sécuritaire du moment : pour préserver la liberté, y compris d’expression, commençons par la réduire. C’est un personnage volontairement « idiot », au sens de Clément Rosset : l’idiotie opère la « saisie comme singularité stupéfiante, comme émergence insolite dans un champ de l’existence » d’« une chose toute simple », explique le philosophe dans son Traité de l’idiotie. Il compare cette saisie à celle de l’alcoolique qui s’extasie devant une fleur comme s’il n’en avait jamais vu auparavant : « Regardez là, il y a une fleur, c’est une fleur, mais puisque je vous dis que c’est une fleur… » Or, ce que voit surtout l’ivrogne, explique Rosset, c’est que « son regard restera, comme toute chose au monde, étranger à ce qu’il voit, sans contact avec lui ».

      Ce qui, du monde capitaliste tardif, reste ici sans contact avec le personnage, c’est en particulier la question de « l’emploi » et donc celle, connexe, de la liberté. Car dans ce monde dont Lefebvre nous fait rire jaune à chacun de ses livres, on n’a finalement le droit de vivre que si l’on est « employable » – mais pas à n’importe quoi : « Ça voulait dire que les poètes avaient des devoirs nouveaux, qu’ils étaient eux aussi mis à contribution, écriraient désormais dans le cadre sacré de la défense nationale de l’Europe libérale, ça voulait dire que la poésie était priée de défendre librement la liberté de l’économie de marché et d’abord de la France dans la course mondiale du monde mondialisé. » Ce texte résonne ainsi avec une série de livres qui interrogent l’employabilité du poète (c’est-à-dire l’écrivain qui invente des textes, pas l’écrivant qui en fabrique comme on suivrait une recette de pizza) : depuis les Années 10, de Nathalie Quintane (La Fabrique, 2014), jusqu’à l’Histoire de la littérature récente, d’Olivier Cadiot (P.O.L., deux tomes parus en 2016 et 2017), en passant par Réparer le monde, d’Alexandre Gefen (José Corti, 2017), ou Le poète insupportable et autres anecdotes, de Cyrille Martinez (Questions théoriques, 2017). On trouverait chez les uns et les autres à peu près le même constat : sommé de répondre à la question productiviste « à quoi tu sers ? » (soit le niveau zéro du pragmatisme), l’écrivain n’est accepté que s’il fournit du pansement et de la consolation immédiates – en évitant surtout d’interroger les causes de la douleur et de la maladie. Faute de quoi, il est accusé de « faire de la politique » et, comme l’écrit Lefebvre, de s’« accrocher à une conception romantique et dépassée de cette non-profession inutile et sans le moindre avenir ».

      Poétique de l’emploi n’est pas pour autant, on s’en doute, un plaidoyer en faveur de l’art pour l’art. Dans la vidéo ci-dessous (visible également sur YouTube), réalisée par l’auteure et le musicien Laurent Grappe sous le label Studio Doitsu, Lefebvre y joue une conseillère de Pôle emploi et Grappe un poète au chômage qui souhaite faire du poème « un geste qui aurait son efficacité propre dans le monde ».

      Dans le dialogue de sourds qui s’instaure, on ne sait plus s’il faut rire ou pleurer car, certes, chacun de nous désire instaurer « un usage visionnaire de l’imagination qui nous livre le monde dans sa réalité profonde et chaque être dans sa liaison à l’unité du tout », mais chacun sait aussi, comme le suggère la conseillère Pôle emploi, que « gardien d’immeuble » est encore le poste le plus adapté pour réaliser ce projet. En somme, on se rappelle qu’on peut être employé (et reconnu socialement) sans travailler ou presque, mais aussi qu’on peut travailler toute sa vie très dur et, faute d’avoir un « emploi » (parce qu’on est précarisé, ubérisé, etc.), n’avoir qu’un pont pour perspective de fin de vie. Néanmoins, le livre propose dix « leçons » à l’usage des poètes, qui sont tantôt des avertissements politiques, tantôt des conseils de réussite cyniques, tels « Poètes, ne cherchez pas la sincérité en poésie, il n’y a rien dans ce sentiment américain qui puisse être sauvé » (leçon numéro 2) ou « Poètes, si écrire vous est défendu, essayez déjà de vous en apercevoir » (leçon numéro 5).

      Les alentours de cette leçon-là traitent, comme ailleurs, de l’échec, mais en réinscrivant Poétique de l’emploi plus profondément dans le reste de l’œuvre de Lefebvre, à savoir le rapport entre l’individu et l’espèce humaine : « Je voulais montrer ma conscience collective, ainsi je me lançais dans des engagements avec l’intention de dire une vérité sur l’humain qui nous concerne par notre humanité. » Mais rien à faire, le misérabilisme l’atteint quand il (elle) tente de raconter les malheurs d’autrui : « Ça me faisait pleurer d’empathie africaine, de douleur maritime, d’odyssée migratoire, de drames sanitaires. » Le personnage et son surmoi se moquent de conserve : « Fuck that fake, la misère humaine m’a filé un rhume qui m’a duré des jours, mon père se marrait. » D’ailleurs, il (elle) n’a rien su faire face à « un humain qui se fait écraser et traîner par terre et bourrer de coups de pied en pleine impunité » par des policiers. La honte recouvre son existence.

      Ce n’est qu’en lisant le récit d’une plainte pour viol, sur feminin.com, qui aboutit à l’arrestation du criminel que « ça se me[t] à bouger quelque chose » : « [C]omme si d’un coup la vulnérabilité devenait la raison même d’une souveraine beauté, ce que je me disais en lisant ce message qui m’a retourné l’âme et sa mort dedans. » Voilà la poésie, se dit-il (-elle), puis : « Je pense qu’on peut dire que j’étais un peu en dépression. Après j’ai dû passer des mois à lire Klemperer et Kraus en mangeant des bananes et relire Klemperer en refumant pas mal. […] Je lisais Klemperer pour tout exagérer, parce que la survie d’un philologue juif sous le IIIe Reich est tout de même incomparablement plus terrible que celle de no-life même sous état d’urgence dans la bonne ville de Lyon. » La dépression et l’histoire, c’était déjà le sujet de L’Enfance politique (2015), qui précède Poétique de l’emploi. L’écriture de Lefebvre met régulièrement en scène un personnage aux prises avec son surmoi, dès son premier récit, L’Autoportrait bleu (2009), publié comme les autres chez Verticales : « Il va falloir modifier ta façon de parler ma fille, je me disais en allemand, en français, puis de nouveau en allemand, puis en français et comme si j’étais ma propre mère. »

      Cette fois, c’est toute la société bien portante et pensante qui prend chair sous la forme du paternel : « Mon père était dans son 4 × 4, assis noblement au-dessus de l’ordinaire, il réglait son rétro à sa hauteur de vue, il dirigeait en même temps un concerto en do dièse mineur, il codait des résultats de séquençage du génome, il discutait des fondements de la valeur, il retournait la terre avec des paysans de l’Ardèche, il rédigeait son essai sur la philosophie scolastique, il rendait visite à des enfants cancéreux, il sauvait des humains de la noyade en Méditerranée, il regardait la télé en caleçon, il donnait son sang universel, il se coupait les ongles en lisant du Sophocle, il était digne et beau. » C’est que le malaise et la dépression dans laquelle nous sommes plongés sont le résultat, explique la narratrice de L’Enfance politique, d’un « viol politique dont [elle] ne me souvien[t] pas ». Toute la structure de la société est en jeu, aussi traite-t-on l’héroïne au pavillon de « sociothérapie » de l’hôpital psychiatrique. Poétique de l’emploi dit un peu la même chose autrement : « Je souffre par mon père d’une incapacité corporelle au social. » Il s’agit d’arriver, malgré ce social utilitariste et violeur, à travailler sans être employé. À la fin, le personnage lit la Lettre au père, de Kafka et conclut : « Il est excellent, ce Kafka, personne n’est comme lui dans toute l’humanité de ce grand peuple outang auquel j’appartiens. » Sans doute a-t-il lu aussi Communication à une académie, où un humain anciennement singe a renoncé à la liberté : « Je le répète : je n’avais pas envie d’imiter les hommes, je les imitais parce que je cherchais une issue. »(2)

  • #Frédéric_Gros : « C’est confortable d’#obéir »

    Après avoir inauguré nos discussions de cette année par une réflexion sur le tueur de masse, Frédéric Gros complétera cette matière à penser en tant que philosophe. Il s’interroge en effet dans son dernier livre (#Désobéir, Albin Michel) sur l’acte d’obéir, ou mieux, de #surobéir, c’est-à-dire d’anticiper le désir du maître. Il trace la voie fragile - mais la seule qui puisse convenir à un homme démocratique - d’une obéissance à soi qui ne se confond pas avec le désir.

    https://www.franceculture.fr/emissions/matieres-penser-avec-antoine-garapon/frederic-gros-cest-confortable-dobeir


    #obéissance #désobéissance

  • Réédition d’un manuel écrit par des femmes, pour les femmes
    https://www.helloasso.com/associations/notre-corps-nous-memes/collectes/reedition-de-notre-corps-nous-memes

    Aux États-Unis, en 1970, un collectif de femmes formé à Boston commence à diffuser une brochure intitulée Our bodies, ourselves

    Pour ces femmes, il s’agit alors de s’approprier leur corps pour mieux le connaître, dans toutes les étapes de la vie, de ne plus abandonner cette connaissance au seul monde médical ; et de s’adresser à l’ensemble des femmes. Ce qui n’était d’abord qu’une brochure devient un livre, réédité plusieurs fois : la dernière version américaine date de 2011.
    En France, en 1977, un autre collectif de femmes tente de le traduire avant de conclure que le contexte américain est trop loin de ce qu’elles vivent : il faut le réécrire, l’adapter

    Elles utilisent la même méthode (partir de leur propre vécu et des témoignages qu’elles récoltent) pour rapporter une multiplicité de voix et d’expériences. Ainsi, personne ne se place en surplomb, décrétant ce qui est normal et ce qui ne l’est pas, ou ce qui est moral ou ne l’est pas. Le livre sera publié en 1977, chez Albin Michel, sous le titre Notre corps, nous-mêmes.
    Réimprimé plusieurs fois, il reste un grand classique féministe, présent dans de nombreux plannings familiaux et transmis de mères en filles. Mais il est épuisé depuis bien trop d’années et n’a jamais été actualisé.

    Nous avons décidé d’adapter ce livre au contexte actuel

    Lorsque le livre est sorti en 1977, on ne parlait pas encore du sida, l’homosexualité était classée comme une maladie mentale, le terme « violences obstétricales » n’existait pas et le viol conjugal n’était pas reconnu. Aucune actualisation n’a été faite au fil du temps, sans doute avant tout parce qu’elle aurait représenté un travail immense pour des auteures quasiment bénévoles. Puis, dans les années 1980, on a vu fleurir des livres et manuels d’un autre genre, des « conseils santé » écrits par des experts et des médecins, qui ont peu à peu remplacé cette parole des femmes. Enfin, sont apparus les forums en ligne où il n’est pas toujours aisé de trouver une information fiable et dépourvue de jugement.

    Aujourd’hui, nous avons envie de rendre accessible une information fondée et bienveillante, de reconquérir ce terrain, de disposer d’un livre de confiance, qui soit transmissible à nos filles, nos sœurs, nos mères, nos amies, nos compagnes… dès l’adolescence et jusqu’à la vieillesse.

    Nous avons formé un collectif de dix femmes en variant les origines, les âges, les contextes sociaux, les orientations sexuelles et les vécus. Depuis un an, nous nous réunissons régulièrement pour écrire une nouvelle version de ce livre, qui aura pour ambition d’accompagner toutes les femmes dans les différentes expériences de leur vie (règles, sexualités, accouchements, ménopause, prise de conscience de son corps, choix de vie, travail...) et de les aider à se défendre contre les violences auxquelles elles pourraient faire face.

    Le livre paraîtra en septembre 2019 chez une nouvelle maison d’édition indépendante et féministe, Hors d’atteinte, dont les premiers titres sortiront dans un an.

    Mais pour ce travail colossal, nous avons besoin de votre soutien !

    Pour adapter le livre dans de bonnes conditions, nous avons besoin de moyens. Nos réunions mensuelles ont un coût, qui varie en fonction de nos lieux de résidence et de nos conditions matérielles d’existence, diverses. Le fait que nous soyons dix personnes démultiplie les frais, mais c’est le collectif qui fait la force de ce travail. Nous comptons donc sur votre soutien pour pouvoir avancer l’esprit libre...

  • Faut-il vraiment limiter la population mondiale pour sauver la planète ? - Basta !
    https://www.bastamag.net/Faut-il-vraiment-limiter-la-population-mondiale-pour-sauver-la-planete

    C’est une alerte solennelle qui permet de remettre l’urgence climatique au cœur des débats. Le 13 novembre, plus de 15 000 scientifiques de 184 pays ont publié un cri d’alarme sur l’état de la planète pointant la « trajectoire actuelle d’un changement climatique potentiellement catastrophique » et un « phénomène d’extinction de masse » [1]. Si ce texte, largement relayé par les médias, souligne l’échec des gouvernements à réévaluer le rôle d’une économie fondée sur la croissance, il met surtout l’accent sur « la croissance démographique rapide et continue » perçue comme « l’un des principaux facteurs des menaces environnementales et même sociétale ». Qu’en est-il vraiment ?

    Le principal problème n’est pas l’accroissement de la population mondiale mais la tendance « croissante » qu’ont certaines populations à adopter le mode de vie consumériste « occidental » érigé en modèle par de nombreux médias.
    Donc pas la peine de hurler : « Sauvons la planète : tuons-les tous ! (et Dieu reconnaîtra les siens, comme d’hab ...) »

  • « Le macronisme ou le spectre de l’#épistocratie »
    http://www.lemonde.fr/idees/article/2017/10/18/le-macronisme-ou-le-spectre-de-l-epistocratie_5202341_3232.html

    Emmanuel Macron a dû se résoudre, dimanche 15 octobre, à se soumettre à l’exercice démocratique de l’interview télévisée pour tenter de redresser l’image condescendante que son vocabulaire et sa posture jupitérienne, faite de parole rare et distante, ont pu générer dans l’opinion.

    Il a dû, chemin faisant, déroger à un principe qu’il s’était fixé en estimant, à l’occasion du défilé du 14-Juillet, que la « pensée complexe » dont il est porteur, ni de gauche ni de droite, ne saurait se prêter au jeu médiatique habituel.

    Cette esquive, qu’il ne pourra donc pas toujours pratiquer – comme en atteste sa récente confrontation avec trois journalistes –, est révélatrice d’un trait caractéristique du macronisme dont on a encore peu parlé et qui est de nature à susciter d’inquiétantes interrogations sur l’évolution contemporaine de nos sociétés démocratiques.

    Ni de droite ni de gauche, le libéralisme qu’incarne Emmanuel Macron est le nom d’une forme de gouvernement qui se présente comme un défi à la démocratie : dans la doctrine politique anglo-saxonne, on l’appelle « épistocratie ».

    Le terme « épistocratie » est un néologisme très peu usité. Il désigne un mode de gouvernement au sein duquel le pouvoir serait confié aux savants. L’idée n’est pourtant pas totalement neuve. Platon en rêvait en écrivant La République et en estimant souhaitable de confier le pouvoir aux philosophes.

    #paywall

    • Dans une tribune au « Monde », le constitutionnaliste Alexandre Viala avance que le président incarne une nouvelle forme de gouvernement qui confie la conduite des affaires aux experts. Mais cet exercice du pouvoir, en délégitimant toute opposition, met en danger la démocratie.

      Emmanuel Macron a dû se résoudre, dimanche 15 octobre, à se soumettre à l’exercice démocratique de l’interview télévisée pour tenter de redresser l’image condescendante que son vocabulaire et sa posture jupitérienne, faite de parole rare et distante, ont pu générer dans l’opinion.

      Il a dû, chemin faisant, déroger à un principe qu’il s’était fixé en estimant, à l’occasion du défilé du 14-Juillet, que la « pensée complexe » dont il est porteur, ni de gauche ni de droite, ne saurait se prêter au jeu médiatique habituel.

      Cette esquive, qu’il ne pourra donc pas toujours pratiquer – comme en atteste sa récente confrontation avec trois journalistes –, est révélatrice d’un trait caractéristique du macronisme dont on a encore peu parlé et qui est de nature à susciter d’inquiétantes interrogations sur l’évolution contemporaine de nos sociétés démocratiques.

      Ni de droite ni de gauche, le libéralisme qu’incarne Emmanuel Macron est le nom d’une forme de gouvernement qui se présente comme un défi à la démocratie : dans la doctrine politique anglo-saxonne, on l’appelle « épistocratie ».

      Le terme « épistocratie » est un néologisme très peu usité. Il désigne un mode de gouvernement au sein duquel le pouvoir serait confié aux savants. L’idée n’est pourtant pas totalement neuve. Platon en rêvait en écrivant La République et en estimant souhaitable de confier le pouvoir aux philosophes.

      Cette idée a connu une forme d’illustration dans la Chine confucéenne à travers le système du mandarinat. Et, d’une certaine manière, on en trouve un peu l’esprit dans la position hégémonique qu’occupent, au cœur des démocraties occidentales et au service du « Prince », les hauts fonctionnaires issus des grandes écoles.

      Mouvement mondial

      La composition du deuxième gouvernement d’Edouard Philippe, consécutive à la large victoire de La République en marche (LRM) aux élections législatives, respire cette culture épistocratique en raison de la forte présence de personnalités au profil technicien, à l’instar de Nicole Belloubet (justice) ou Jean-Michel Blanquer (éducation nationale), issus d’un univers qui relève davantage de l’expertise que de la politique.

      Le comte de Saint-Simon, au début du XIXe siècle, érigea l’épistocratie en idéal de gouvernement avec le secret espoir de confier le pouvoir aux plus compétents, parmi lesquels il faisait figurer les scientifiques et les industriels. La sociologie de la nouvelle Assemblée nationale, composée d’un nombre significatif de cadres du secteur privé, réhabilite d’ailleurs cet idéal saint-simonien.

      Le gouvernement épistocratique fait également son chemin partout dans le monde, depuis qu’à la faveur de la globalisation du droit, de l’épuisement des grands récits idéologiques et de la technicisation des problématiques auxquelles est confrontée la société, le pouvoir s’appuie de plus en plus, avant de prendre ses décisions, sur l’éclairage scientifique des experts.

      La montée du populisme dans certaines démocraties européennes et les récentes surprises électorales comme le Brexit ou l’accession du climato-sceptique Donald Trump à la Maison Blanche ont conduit certains auteurs, notamment anglo-saxons (l’économiste Bryan Caplan, le philosophe Jason Brennan), à s’interroger, à l’heure de la post-vérité, sur les failles du vote populaire. Leur mise en garde consiste à mettre en cause la fonction épistémique de la démocratie et à se demander si le peuple est suffisamment éclairé pour pouvoir décider rationnellement.

      Moment post-politique

      Alors ministre de l’économie, Emmanuel Macron affirmait que « l’autre politique », celle qui ne s’inscrit pas dans le paradigme ordo-libéral qu’impose la Commission de Bruxelles aux pays membres de l’Union européenne, était une « illusion ».

      Voici que « l’autre politique » se voit implicitement assigner le statut pragmatique d’erreur scientifique, au détour d’une phrase symptomatique d’une culture qui nie l’essence du politique au sens que lui prêta le philosophe et sociologue Julien Freund, pour qui, à l’inverse de la sphère privée dominée par la nécessité, la sphère publique est normalement le lieu de l’échange, de la liberté voire de l’irrationalité (Julien Freund, L’Essence du politique, 1965).

      La conversion des majorités gouvernementales au social-libéralisme et la relégation de l’opposition dans les marges du populisme, de droite comme de gauche, sur fond d’épuisement de l’alternance entre la droite et la gauche de gouvernement (que Jean-Claude Michéa qualifia d’« alternance unique ») signeraient-elles l’avènement subreptice d’une épistocratie qui afficherait, sous la bannière de la Raison, la prétention de prendre les bonnes décisions ?

      De là à abolir le suffrage universel, à instaurer un suffrage capacitaire ou à confier un vote plural aux diplômés ou aux habitants des grandes métropoles – comme d’aucuns l’ont suggéré au lendemain du Brexit avec un sens de la provocation qui n’était pas dénué de sincérité –, il n’y a qu’un pas, qu’accompliraient volontiers les esprits nostalgiques du despotisme éclairé, quand bien même le suffrage démocratique, fort heureusement, reste un tabou que nul n’oserait bafouer.

      Quoi qu’il en soit, la victoire de LRM aux élections de juin sur les décombres d’un système bipartisan à bout de souffle est particulièrement révélatrice de ce moment post-politique par lequel le conflit entre le pouvoir et l’opposition est en train de changer de nature.

      Comme l’a écrit la philosophe Chantal Mouffe dans ses travaux récents sur le libéralisme (L’Illusion du consensus, Albin Michel, 2016), cette compétition avait jusqu’à présent pris la forme, entre la droite et la gauche, d’un conflit agonistique entre valeurs démocratiques qui se disputaient, de manière égale et alternative, le marché des idées : mues par des valeurs qui ne sont ni vraies ni fausses, les deux camps s’opposaient de façon irréconciliable, tout en se considérant respectivement comme légitimes.

      Impasse populiste

      Désormais, à la faveur de cette quête social-libérale du consensus qu’incarne en France le macronisme, le conflit entre la droite et la gauche s’efface au profit d’un conflit antagonistique. Celui-ci n’oppose plus deux visions de la société aux prétentions relatives mais installe, au centre de l’offre politique, une rationalité libérale (de droite comme de gauche), qui se pare d’une prétendue objectivité scientifique dans le but non avoué d’imposer l’évidence d’une seule vision du monde face à laquelle les oppositions, désormais morcelées, se trouvent reléguées dans le camp de ceux qui ont tort – et n’ont dès lors d’autre perspective, pour exister, que de se radicaliser.

      Tout se passe comme si le pouvoir était capable d’adopter les « bonnes décisions », cautionnées par la Raison. Cette illusion cognitiviste – aux termes de laquelle le politique serait en mesure de connaître la réponse juste – est le moteur de l’idéal épistocratique, qui s’évertue à soustraire le gouvernant, réputé connaître et non vouloir, à l’épreuve de la discussion.

      Le représentant, en France, de ce nouveau pouvoir se plaît d’ailleurs à définir ses opposants comme constitutifs de « l’ancien monde ». Fort habile, l’étiquette permet au chef de l’Etat d’éluder la controverse démocratique, en faisant pénétrer dans les esprits l’idée selon laquelle le programme qu’il porte ne peut avoir d’alternative, dans la mesure où il exprimerait, pour utiliser le vocabulaire de Michel Foucault, un épistémè, qui est une parole désignée par son temps comme l’expression de la vérité.

      Le discours macronien consistant à substituer au clivage gauche-droite la frontière entre l’ancien et le nouveau monde relègue dans le temps une opposition qui n’occupe désormais plus l’espace. Celle-ci n’est plus à droite ni à gauche. Elle est d’hier, et le nouveau pouvoir fait tout pour se présenter, à l’image du progrès scientifique, comme tourné vers le futur.

      La montée en puissance de l’économisme, le développement des logiques comptables et des structures technocratiques en amont de la fabrication des lois entourent cet épistémè, au point de délégitimer le suffrage démocratique, peu à peu considéré comme inutile, et de provoquer dans les urnes, par voie de conséquence, l’abstention ou la tentation populiste, dont Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon offrent deux versions concurrentes.

      Telle est l’impasse dans laquelle le spectre épistocratique est susceptible de conduire le peuple. Seule la revitalisation du clivage entre une droite et une gauche de gouvernement, proposant deux alternatives irréductibles l’une à l’autre, pourrait déjouer ce scénario que la « révolution » issue des urnes du printemps est en train d’écrire au péril de la démocratie, dont le ressort intime n’est pas le consensus, faussement auréolé de la caution des experts, mais l’alternance franche et politique.

    • J’aurais plutot dit que le gouvernement Macron est un « épisiocratie » c’est à dire un gouvernement fondé sur l’art de te couper la parois entre le vagin et l’anus afin de te provoqué des fistules anales jusqu’à la fin de ta vie. Le boulot de "savants" dans ce contexte consiste à te recoudre plus serré pour que Jupiter prenne son pied quant il est d’humeur Rome-antique.

  • « Il faut désobéir par souci de soi, comme disaient les Anciens » Frédéric Gros | L’Humanité
    https://www.humanite.fr/il-faut-desobeir-par-souci-de-soi-comme-disaient-les-anciens-frederic-gros-

    Frédéric Gros, philosophe français, spécialiste de Michel Foucault. Il est professeur de pensée politique à l’Institut d’études politiques de Paris. Paris, le 25 mai 2016 ©Frédéric STUCIN service de presse

    Dans un essai profond et salutaire ( Désobéir, Albin Michel), le philosophe Frédéric Gros, professeur de pensée politique à l’Institut d’études politiques de Paris et spécialiste de l’œuvre de Michel Foucault, interroge les raisons et les racines de la désobéissance. Au fil de sa démonstration, il puise aussi bien dans la philosophie que la littérature.

    Votre essai s’ouvre de façon originale, forte, avec un « poème fantastique » extrait des Frères Karamazov de Dostoïevski, qui nous a habitués à des textes littéraires où l’on peut puiser un fond philosophique. Ce passage qui revisite le retour du Christ parmi nous s’est-il imposé à vous comme une allégorie de la désobéissance ?

    Frédéric Gros Oui, je voulais en ouverture faire entendre cette provocation portée par le récit fantastique imaginé par Ivan Karamazov, celui du Christ revenant dans la Séville du XVe siècle et fait prisonnier par le Grand Inquisiteur, lequel lui reproche amèrement son retour parmi les hommes. C’est dans ce texte en effet que Dostoïevski pose une question terrible : celle de la profondeur de notre désir de liberté. On ne cesse de répéter comme une évidence que la liberté serait l’objet de notre volonté la plus forte, que toute notre dignité s’y résume. Mais est-ce que précisément elle ne fait pas peur cette liberté, est-ce qu’elle ne constitue pas pour chacun un vertige insoutenable, un insupportable fardeau ? Car, au fond, être libre, c’est devoir porter seul le poids de ses décisions, c’est avoir à se faire son propre jugement, et il est tellement plus confortable de réciter la leçon des autres ou de se contenter d’exécuter des ordres. On s’est demandé pendant longtemps, dans une perspective morale et pédagogique, pourquoi il pouvait être si difficile d’obéir. On entendait alors par « obéir » le fait de suivre la règle commune, d’accepter les consignes, de ne pas se laisser entraîner par son égoïsme, ses pulsions. Mais, dans une perspective évidemment plus politique, il faut reconnaître aussi qu’il est difficile de désobéir quand l’obéissance est devenue une habitude, ou même parfois un refuge pour la lâcheté.

    Le XXe siècle a connu des « monstres d’obéissance » , tels Eichmann ou Douch, pour citer les cas les plus terribles et spectaculaires. L’obéissance à laquelle on prépare les esprits aujourd’hui, vis-à-vis du supportable comme de l’intolérable, ne tire-t-elle pas sa force du fait qu’elle dicte en nous sa loi de manière plus sourde, moins démonstrative ?

    Frédéric Gros Notre modernité très certainement a inventé des formes d’obéissance sournoises, subtiles, presque invisibles, on pourrait même dire « douces ». Au fond, on nous fait obéir de plus en plus en nous rendant prisonniers de notre propre désir (le nouveau paradigme pour penser l’aliénation, ce n’est plus l’exploitation, mais l’addiction), de telle sorte que c’est en cherchant à satisfaire ses propres envies, constamment sollicitées, que chacun se révèle le plus docile. Je crois qu’on a là le secret de la gouvernementalité libérale : on ne gouverne plus en imposant de force des décisions à des volontés qui s’efforcent de leur résister, mais en prenant appui sur les désirs de chacun. Ou on pourrait dire encore : il ne s’agit plus de « vouloir qu’on fasse », mais de « faire qu’on veuille », c’est-à-dire qu’on aménage un milieu pour favoriser tel ou tel comportement. C’est quand chacun croit dévaler sa pente personnelle qu’il obéit le mieux.

    Le rapport des philosophes à l’obéissance est complexe, voire ambivalent. La philosophie est-elle tenaillée entre culte du libre arbitre et conformisme ? Faut-il choisir entre Kant, pour lequel « la vraie désobéissance, c’est la critique (théorique) » , et Thoreau, pour qui « la vraie critique, c’est la désobéissance (pratique) » ?

    Frédéric Gros Il me semble en effet qu’on peut dresser une opposition intéressante entre Kant et Thoreau, parce qu’elle se trouve au cœur du problème de la légitimité des actes de désobéissance en démocratie. Dans un premier temps, la définition par Kant des Lumières peut paraître très exaltante : il s’agit, écrit-il dans son opuscule (Qu’est-ce que les Lumières ?), de s’efforcer de penser par soi-même, il s’agit d’avoir le courage de se gouverner soi-même. Mais on comprend vite que, pour Kant, cette autonomie qui peut mener à la désobéissance doit rester au niveau du discours, un discours critique, contestataire sans doute, mais soigneusement canalisé et qui doit se cantonner dans certaines formes d’expression (c’est ce qu’il appelle « l’usage public de la raison »). Surtout, ce discours doit s’accompagner d’une obéissance pratique. On rejoint l’idée d’une conformité à la loi – Kant ne pose pas ici la question de savoir si on doit obéir à des lois qui seraient ouvertement injustes, iniques. Donc : critiquez tant que vous voulez, mais obéissez. Chez Thoreau, l’acte de désobéissance est au contraire immédiatement pratique. Il s’agit de désobéir à des lois qu’on trouve mauvaises ou de refuser d’apporter sa caution à un gouvernement qu’on juge injuste, fondamentalement pour demeurer en accord avec sa conscience. Il me semble en effet que ces deux options constituent une alternative forte : soit on se reconnaît le droit de critiquer, mais accompagné du devoir d’obéir aux lois, par respect de l’ordre public ; soit on est saisi essentiellement par le devoir de désobéir, le cas échéant, pour mieux respecter sa propre lumière intérieure.

    Vous traitez de la soumission, un des terrains sur lequel se développe l’obéissance, comme d’une « évidence première » , d’un « paradigme initial » . Pourquoi, au fond, demeurons-nous soumis ? Refusons-nous de payer le prix trop élevé de la désobéissance ou notre éducation l’étouffe-t-elle en chassant de la culture ce possible ?

    Frédéric Gros Il me semble que la soumission est le paradigme le plus écrasant et au fond le plus ambigu de l’obéissance. Il s’agit en effet de désigner par là une obéissance contrainte, forcée : j’obéis parce qu’il m’est impossible de désobéir, parce que je suis prisonnier d’un rapport de forces. On peut bien supposer que les individus consentent librement, mais c’est le plus souvent de l’hypocrisie : en fait il n’y a derrière l’obéissance que de la violence brutale et du rapport de forces. Le problème, une fois qu’on a fait ce constat, c’est de savoir jusqu’à quel point la dureté de ce rapport de soumission ne constitue pas aussi une excuse : j’exagère le coût de ma désobéissance pour excuser secrètement ma lâcheté.

    Vous analysez le moment de désobéissance d’Antigone, la déviance envers son oncle impitoyable, Créon, qui lui valut condamnation à mort. Vous relevez que sa subversion, sa révolte, ses refus, font « trembler l’idée même d’un ordre (…), dans la désobéissance peut entrer une part de transgression pure : c’est l’éclat d’Antigone » . La désobéissance nous condamne-t-elle à un dénouement tragique et à la solitude, fut-elle sublime ?

    Frédéric Gros Le risque de la désobéissance est effectivement la solitude. C’est, au fond, le grand problème de la politique : l’être-ensemble s’apprend prioritairement dans l’obéissance partagée, les communautés se forment dans l’adoration et l’abnégation. Antigone désobéit seule, elle affronte le tragique de la transgression. Il existe évidemment d’autres issues à la désobéissance que la mort, mais Antigone illustre, je crois, cette dimension du courage : pour désobéir, il faut du courage. Le conformisme passif est toujours la facilité.

    Vous soulevez, avec l’étude des rapports qu’entretiennent dialectiquement liberté, obéissance et responsabilité, un problème vertigineux mais passionnant. Qui d’autre que moi se soumet quand je consens à l’obéissance ? « La neutralité est un choix » , affirmez-vous avec justesse. Portons-nous, ainsi, l’obéissance sur nos épaules pour paraphraser Sartre ?

    Frédéric Gros J’essaye précisément d’articuler les concepts de désobéissance et de responsabilité. Il s’agit de dire que personne ne peut nous remplacer pour désobéir. Le sujet de l’insurrection politique, c’est celui qui se découvre irremplaçable, mais pour se mettre au service des autres. Être responsable, c’est répondre présent, c’est faire l’expérience, face à une injustice, de l’impossibilité de se défausser. On croit botter en touche en obéissant, en se disant qu’après tout je ne suis qu’un exécutant, et qu’un autre décide à ma place. Mais c’est librement que je m’en remets aux décisions d’un autre.

    À rebours d’une certaine doxa, vous écrivez que « les mouvements de désobéissance civile (…) peuvent se lire comme des mouvements de réactivation du contrat social, des expressions de la démocratie transcendantale » . Les désobéissants, qu’ils soient actifs ou soumis « ascétiques » , offriraient-ils la chance d’affirmer ce que vous nommez « démocratie critique » ? Cette démocratie est-elle plus authentiquement démocratique ?

    Frédéric Gros Le problème de notre modernité politique, c’est qu’elle propose, dans le prolongement de Hobbes et de Rousseau, une version conservatrice du contrat social puisqu’il s’agit de dire : nous avons depuis toujours déjà accepté d’obéir. De sorte que, face à n’importe quel mouvement de contestation, un gouvernement démocratiquement élu rétorquera : il est trop tard. Mais le vrai contrat social, c’est la capacité d’un collectif à se demander : comment voulons-nous être gouvernés ? Le contrat social n’inclut pas de clause d’obéissance, il est juste une décision commune de faire société. Or c’est cette puissance de faire société, de « faire peuple » face au gouvernement qui s’exprime dans la désobéissance civile. La démocratie, ce n’est pas seulement un système de règles et de procédures pour parvenir à des décisions. C’est aussi une exigence au cœur du citoyen qui l’oblige à la vigilance critique.

    Repérez-vous dans la modernité ou chez certains de nos contemporains des formes de désobéissance qui vous paraissent salutaires ou, disons, des figures de bon augure ?

    Frédéric Gros On arrive certainement à la fois au bout d’un cycle et au bord d’un désastre. Les inégalités sociales sont devenues de plus en plus abyssales, insupportables, tandis que le désastre écologique qui s’annonce fait paraître de nouvelles solidarités : nous sommes tous habitants de la Terre. Cette prise de conscience développe un nouveau sens critique sur fond de catastrophe imminente, elle engage à retrouver l’intensité perdue des collectifs politiques.

    Dans les pas d’Alain, qui estimait qu’ « obéir, c’est aussi, c’est surtout, en disant oui à l’autre, se répéter sans cesser non à soi-même », vous considérez que « désobéir, c’est donc, suprêmement, obéir. Obéir à soi » . La désobéissance serait donc un retour inattendu, exigeant, contraignant, lumineux à soi ?

    Frédéric Gros J’essaye de cerner une dimension sens précise de la désobéissance, un sens intempestif qui suppose de la part du sujet un engagement complet. Car s’il s’agissait simplement de désobéir pour désobéir, l’insoumission ne serait jamais qu’une posture ou, pire, un nouveau mot d’ordre. Il faut désobéir par « souci de soi » comme disaient les Anciens. Le « souci de soi », ce n’est pas une forme de narcissisme complaisant ou d’individualisme égoïste. Se soucier de soi, c’est accepter de ne faire que ce avec quoi on est d’accord, c’est refuser de mettre sa conscience en berne, c’est considérer qu’on a des devoirs pratiques envers ses principes et sa pensée. Ce retour à soi dont vous parlez n’a en fait rien de psychologique : il ne s’agit pas de partir à la conquête d’un soi « authentique », sous le vernis social, mais de faire l’expérience de sa subjectivité politique en prenant souci du monde et des autres. C’est la leçon de Socrate.
    Désobéir, de Frédéric Gros, Albin Michel, 19 euros, 270 pages.
    Le philosophe qui traque l’esprit de l’époque

    Dans les pas de Michel Foucault, dont il est, en France, un des meilleurs spécialistes et le maître d’œuvre de « la Pléiade », Frédéric Gros est un philosophe critique qui s’intéresse aux visages multiples de la domination et aux formes nouvelles de l’aliénation. C’est un chercheur et un marcheur qui a questionné la punition, tracé les transformations de la guerre, analysé l’esprit sécuritaire… avant de scruter récemment la désobéissance. Cet homme aime les idées autant que les mots, ainsi faisait-il son entrée en littérature, l’année dernière, avec un roman, Possédées (Albin Michel), salué ici.
    Nicolas Dutent

    #désobéir #soumission #démocratie

  • Yuval Noah Harari : “Soon, books will read you while you are reading them”
    https://www.sciencesetavenir.fr/archeo-paleo/evolution/an-interview-with-yuval-noah-harari-author-of-homo-deus_116575?xtor

    Yuval Noah Harari is the author of Homo deus, a brief history of tomorrow (Albin Michel). He answered by mail a number of questions sent by Sciences et Avenir. See also our Hors-Série « 9 Révolutions scientifiques », available since september 28th.

  • Seuil rejoindra Dupuis : “La concentration de l’édition s’aggrave sans cesse”
    https://www.actualitte.com/article/monde-edition/seuil-rejoindra-dupuis-la-concentration-de-l-edition-s-aggrave-sans-cesse/84947?origin=newsletter

    L’édition sera toujours plus concentrée avec, maintenant, quatre groupes de Hachette à Gallimard en passant par Editis et Média-Participations, quelques maisons de belle taille derrière avec leurs satellites, Albin Michel, Actes Sud et quelques autres, et enfin une ribambelle de structures qui ne peuvent pas lutter sur le même plan et qui ne peuvent s’en sortir que par le talent, l’inventivité, la créativité.

    Olivier Bessard-Banquy : Les maisons les plus douées qui ont su se développer fortement dans les périodes d’expansion économique passées comme Hachette, puis Flammarion et tant d’autres sans oublier Gallimard ont pris une avance, sinon irrattrapable, en tout cas suffisamment forte depuis près de deux siècles pour les plus anciens afin d’avoir des moyens écrasants que les autres n’ont pas. Pour s’en sortir, ceux qui ne veulent pas faire de la figuration ou vivoter n’ont d’autre choix que de se vendre ou s’associer comme Le Seuil a fait avec La Martinière.
    Toutes les maisons moyennes qui voudront demain assurer leur avenir n’auront guère le choix que de trouver des solutions du même genre, aggravant sans cesse la concentration de l’édition en France.

    #Edition #Concentration

  • Comment l’alcool détruit la jeunesse
    https://www.franceinter.fr/emissions/l-interview/l-interview-16-septembre-2017

    Le professeur Amine Benyamina et la journaliste Marie-Pierre Samitier lance un cri d’alarme dans l’ouvrage « Comment l’alcool détruit la jeunesse » (Albin Michel).

    Le professeur revient sur les failles de la loi Evin, le rôle des lobbies de l’alcool, ce que change la « loi Macron », comment les jeunes sont ciblés par les publicités d’alcools, les seuils à ne pas franchir selon l’OMS, et son mode de communication. Amine Benyamina met en évidence un paradoxe. Le budget de l’alcoolodépendance est dix fois supérieur aux rentrées de l’alcool : 130 milliards de dollars, contre des taxes qui rapportent 3,5 milliards.

    #alcool #drogue #lobby #santé #jeunes

  • La face cachée des cartes - Sciencesconf.org

    https://cartocachee2017.sciencesconf.org

    La thématique de « La face cachée des cartes » n’a guère été abordée si ce n’est par le biais des « mensonges » (Monmonier, 1991), de la propagande (Bord, 2003) ou du pouvoir des cartes (Harley, 1995).

    Mais il s’agit ici d’aller plus loin dans la réflexion. La carte est d’abord un objet à voir (Bertin, 1967), un instrument de communication (Jacob, 1992), une interprétation du monde qui témoigne de (des) vision(s) de son (ses) auteur(s), mais nombre d’opérations et de gestes participent à sa réalisation.

    Cette succession d’ajustements et de bricolages est bien souvent de l’ordre du « caché », volontairement ou non, c’est-à-dire de boîtes noires qui sont indispensables, certes, inévitables dans les étapes de la construction avec des choix multiples à opérer, mais qui restent encore peu explorées. C’est cette « partie cachée » de la représentation cartographique que l’on se propose de mettre à jour, d’expliciter et d’interroger. Il s’agira de mettre en lumière et contextualiser les choix cartographiques, conscients ou non, revendiqués, assumés ou occultés.

    A l’heure où le rôle des cartes ne cesse de croître dans un monde de communication et d’échanges instantanés, une approche critique de la cartographie et de ses usages, à travers ses acteurs, leurs relations passées et actuelles, le poids des héritages, peut s’avérer utile. Les inévitables distorsions entre réalités, faits géographiques et les cartes réalisées pour rendre compte de ces faits peuvent-elles être analysées comme des opérations de « traduction » et les cartes comme des « artefacts », voire comme des « acteurs » dans le sens donné à ces termes par Akrich, Callon, Latour (2006) ?

    Ces distorsions, matérialisées et territorialisées dans les cartes, peuvent répondre à des objectifs précis qui orientent alors les choix cartographiques en amont de la réalisation des cartes. Elles peuvent être liées à des contraintes techniques et matérielles ou se construire peu à peu en fonction des jeux d’acteurs et des contextes scientifiques, politiques, sociétaux. Mais ces distorsions, liées aux choix cartographiques, peuvent également en retour influencer les représentations que les différents acteurs (scientifiques, gestionnaires, élus, décideurs, grands organismes internationaux, ONG, opinions publiques…) se font du monde ou de tel ou tel phénomène cartographié. En cela, elles peuvent être amenées à peser sur des décisions scientifiques, politiques, sociétales ; accélérer ou ralentir des prises de conscience, faciliter ou non des processus d’instrumentalisation…

    Au-delà de la carte « traditionnelle » (sur supports papier ou numérique), on souhaite intégrer à la réflexion les représentations visuelles utilisées aujourd’hui couramment : Géoportails, images satellites avec Google par exemple, Système d’Information Géographique, etc. On peut ainsi interroger le développement de nouveaux outils ou interfaces cartographiques liés à de nouveaux usages (cartographies en temps réel pour gestionnaires de crise, cartographies inédites de certains territoires vécus, perçus…). Les nouvelles formes de cartes sont à relier aux nouvelles formes d’échanges (mondialisés, en temps réel, etc.) entre ceux qui les font, ceux qui les lisent et les voient, ceux qui les utilisent. Quelle articulation entre ces nouveaux outils, ces nouvelles pratiques et des difficultés anciennes toujours d’actualité, comme le passage d’une échelle à une autre, l’intégration et la structuration des données-source et des métadonnées, la qualité des données, la gestion de l’incertitude ?

    Akrich Madeleine, Callon Michel, Latour Bruno, « Sociologie de la traduction », Ed. Mines-ParisTech, 2006, 304 p.

    Bailly Antoine et Gould Peter, textes édités par, « Le pouvoir des cartes – Brian Harley et la cartographie », Paris : Economica, 1995, 120p.

    Bertin Jacques, « Sémiologie graphique : les diagrammes, les réseaux, les cartes », Paris/La Haye, Éd. Gauthier-Villars/Mouton, 1967, 431p. (La Sémiologie graphique a été écrite en 1965, publiée en 1967, rééditée en 1973, 3e édition en 1999, Paris, Les réimpressions des Éditions de l’École des hautes études en sciences sociales, 444 p. Ouvrage traduit en allemand, 1974, en anglais, 1983).

    Bord Jean-Paul, « Cartographie, géographie et propagande. De quelques cas dans l’Europe de l’après-guerre », Vingtième Siècle. Revue d’histoire, 4/2003 (no 80), p. 15-24.

    Jacob Christian, « L’empire des cartes – Approche théorique de la cartographie à travers l’histoire », Paris : Albin Michel, 1992, 537p.

    Monmonier Mark, « Comment faire mentir les cartes – Du mauvais usage de la géographie », University of Chicago Press, 1991 [Traduction française Paris : Flammarion, 1993, 233p.]

    #cartographie #propragande #manipulation

    • Montpellier, 18-19/12/2017 …

      il y a des choses alléchantes !
      extraits perso :

      l’intitulé de la 2ème session

      La carte dans l’illusion de scientificité et l’emprise de la technique

      et au hasard :-) dans les sujets de communication

      • Le triple jeu de l’officier-cartographe. Pricot de Sainte-Marie et la carte de la Régence de Tunis au XIXe siècle
      • La toponymie cartographique : une autre face cachée des cartes ? Le monde arabe en exemple
      • Découpages et recomposition(s) de l’espace au Moyen-Orient : quelles convergences entre les représentations cartographiques, les discours et les textes ?
      • La carte des aléas littoraux : Risque (naturel) de perte de sens d’une politique publique

      https://cartocachee2017.sciencesconf.org/data/pages/Programme_colloque_La_face_cachee_des_cartes.pdf

  • Les adultes surdoués – | Une sociologue chez le coiffeur
    https://systemececilia.wordpress.com/2013/11/02/les-adultes-surdoues-comparaison-des-ouvrages-sur-le-sujet

    Partie 1 : présentation des ouvrages et considérations scientifiques et sémantiques
    https://systemececilia.wordpress.com/2013/11/02/les-adultes-surdoues-comparaison-des-ouvrages-sur-le-sujet

    Partie 2 : caractéristiques des surdoué-e-s
    https://systemececilia.wordpress.com/2013/11/17/les-adultes-surdoues-comparaison-des-ouvrages-sur-le-sujet

    Partie 3 : quel ouvrage choisir ?
    https://systemececilia.wordpress.com/2013/11/17/les-adultes-surdoues-comparaison-des-ouvrages-sur-le-sujet

    Entre 2008 et 2012 sont parus au moins quatre ouvrages vulgarisateurs sur les « adultes surdoués »[1]. C’est un sujet qui m’intéresse, je me suis donc précipitée dessus lors de leur parution en librairie. Mais en bonne perfectionniste, j’étais ennuyée : comment en lire un sans les lire tous, de peur de manquer un élément important ? D’un autre côté, est-ce vraiment utile de lire ces quatre ouvrages pour comprendre ce dont il est question ? Pour éviter à quelqu’un d’autre cet effroyable dilemme, j’ai décidé d’établir une petite comparaison de ces quatre ouvrages, afin d’y voir plus clair :
    – Siaud-Facchin Jeanne, Trop intelligent pour être heureux ? – l’adulte surdoué, Odile Jacob, 2008 (1)
    – de Kermadec Monique, L’adulte surdoué – apprendre à faire simple quand on est compliqué, Albin Michel, 2011 (2)
    – Petitcollin Christel, Je pense trop – comment canaliser ce mental envahissant, Guy Trédaniel Editeur, 2012 (3)
    – Bost Cécile, Différence & souffrance de l’adulte surdoué, Vuibert pratique, 2011 (4)