person:aldo moro

  • Aldo Moro : la gêne de l’assassin – Fragments sur les Temps Présents
    https://tempspresents.com/2018/11/27/aldo-moro-la-gene-de-lassassin

    Beaucoup de choses ont été dites, écrites, commentées sur « l’affaire Moro ». En ce moment même, une nouvelle commission d’enquête parlementaire est à l’œuvre afin d’éclaircir les zones d’ombre hypothétiquement non résolues de son exécution. S’il est incontestable que le refus de négocier avec les Brigades rouges (BR) décidé par la Démocratie chrétienne (DC) et le Parti communiste italien (PCI) a contribué à l’impasse politique et précipité l’assassinat d’Aldo Moro, il n’en demeure pas moins que la responsabilité de l’acte incombe en totalité aux BR et notamment à celui qui était alors leur chef : Mario Moretti. C’est dans ce biotope politique que s’est joué le sort du leader démocrate chrétien, celui d’une guerre politique et idéologique. Aldo Moro était porteur d’un projet, appelé « compromis historique », qui devait aboutir au gouvernement de solidarité nationale.

    En d’autres termes il s’agissait de gouverner l’État italien avec le PCI et ainsi sortir de la logique du Parti-État représenté par la DC qui gouvernait le pays sans interruption depuis 1947. Le courant droitier de la DC ne voulait pas de ce gouvernement avec les communistes. Les BR n’en voulaient pas non plus, car cela menaçait leurs aspirations révolutionnaires. Ce sont ces obstacles qui ont tué Moro. L’impossible négociation entre les BR et le gouvernement démocrate-chrétien, soutenu par le PCI pendant la crise politique et institutionnelle générée par la captivité d’Aldo Moro, ont réduit l’homme d’État, artisan du compromis historique, au statut de symbole, et l’être humain, père, grand-père et époux, au rang de simple monnaie d’échange.
    Le soldat politique

    Pour analyser les dynamiques qui ont abouti à la revendication de l’exécution de Moro, il faut avoir à l’esprit un élément important : un militant se réfère aux doctrines qui nourrissent ses pensées radicales et il rationalise parfois ses actes par la certitude qu’il agit en tant que « soldat politique ». Ce soldat politique porte atteinte au symbole indépendamment des valeurs intrinsèquement humaines du sujet auquel il fait subir sa violence. C’est une façon de déshumaniser sa victime et donc de rendre plus efficace l’application des décisions parfois funestes qui la concerne, tout en légitimant le processus intellectuel qui conduit à son exécution. Il est difficile de conceptualiser une violence totale produite sans haine. Il est quasi-impossible, si vous n’êtes pas sujet à la radicalité politique ou religieuse, de comprendre que l’on puisse exécuter un être humain, pour lequel on a plutôt de l’estime, mais dont la portée symbolique le place de facto dans le camp ennemi. La nécessité de cette déshumanisation fut parasitée par le temps exceptionnellement long de la séquestration d’Aldo Moro, ainsi que par sa gestion, car le groupe restreint3 de militants des BR qui veillaient à sa rétention a côtoyé l’homme – et non le symbole politique – dans l’appartement de Via Montalcini pendant 55 jours.

  • Les Brigades rouges (BR) italiennes restent l’organisation de lutte armée la plus importante des années 1970. Les BR restent surtout connues pour l’enlèvement d’Aldo Moro, un politicien démocrate-chrétien. Mais les BR s’inscrivent avant tout dans le contexte de l’autonomie italienne. Elles proviennent de la contestation des usines et des quartiers populaires. Elles peuvent s’appuyer sur un important soutien populaire, contrairement à des groupuscules peu implantés dans les luttes sociales.

    http://www.zones-subversives.com/-

    http://www.editionsamsterdam.fr/brigades-rouges
    http://editionslibertalia.com/blog/Brigate-Rosse-une-histoire


    https://seenthis.net/messages/638087
    #brigades_rouges #lutte_armée #autonomie_ouvrière #Mario_Moretti

  • Sébastien Louis : « Les ultras sont les syndicalistes d’un football populaire » - Damien Dole, Libération
    http://www.liberation.fr/sports/2017/12/26/sebastien-louis-les-ultras-sont-les-syndicalistes-d-un-football-populaire

    Sébastien Louis, qui publie un essai sur le sujet, revient sur l’émergence du mouvement né à la fin des années 60 en Italie. Associé à tort à l’apparition de la violence dans les stades, ce supportérisme à l’extrême se mêle d’abord à l’histoire politique.

    Fin octobre, des supporteurs marqués à l’extrême droite de la Lazio Rome affublaient une photo d’Anne Frank, symbole du martyr juif, d’un maillot de l’AS Roma, adversaire honni : le genre de scandale auquel on réduit depuis des lustres le phénomène des supporteurs italiens ultras autrement complexe et profond, puisant ses racines dans la nuit des temps du foot et se nourrissant de tout le reste. En 2004, par exemple, le Cri, le tableau d’Edvard Munch, est volé en Suède. Trois semaines après se déroule le derby entre le Milan AC et l’Inter. La Fossa dei Leoni, groupe ultra des rouge et noir, reproduit le tableau dans une scénographie spectaculaire. Où l’homme qui crie porte un maillot de l’Inter. En dessous, est écrit : « Interiste, tu vas devenir fou. »

    Inculte, le fan de foot ? Agité ? Extrémiste ? Les ultras fascinent autant qu’ils effraient. Contrairement aux hooligans, ces fans sont des acteurs à part entière des stades, participant au soutien de l’équipe, luttant contre le foot business et offrant un motif de fierté à certaines villes abandonnées. Historien à l’université du Luxembourg, Sébastien Louis vient de publier Ultras, les autres protagonistes du football (Editions Mare & Martin), une « bible » sur le phénomène en Italie, berceau de cette culture. Au fil des pages, on découvre que le mouvement ultra dit autant du football que de la société italienne, de la jeunesse et des évolutions politiques, sociales et culturelles du pays.

    Vous dites que le mot « ultra » est d’abord utilisé en Italie pour désigner les militants luttant contre l’armée française dans la guerre d’Algérie…
    Oui, et dans un autre contexte, quelques journalistes sportifs l’utilisent au cours des années 60 pour désigner les supporteurs excessifs, après des débordements ou des manifestations de leur passion. Cependant, dans la presse, les « ultras » désignent avant tout des extrémistes qui ont des objectifs politiques. Lors de la saison 1970-1971, une bande de jeunes supporteurs de la Sampdoria de Gênes se cherche un nouveau nom. Ils considèrent que les tribunes sont trop calmes et vont donc adopter le mot « ultras », qui correspond à ce qu’ils veulent être, c’est-à-dire des extrémistes de l’équipe génoise.

    Quand naît le mouvement ultra ?
    Entre 1967 et 1972. Il n’y a pas de date précise car les premiers ultras n’ont pas conscience qu’ils sont en train de créer une nouvelle manière de concevoir le supportérisme, en mettant des banderoles avec des termes belliqueux comme « commando », une iconographie contestataire avec des têtes de mort par exemple. Cela démontre qu’une culture émerge dans les tribunes et qu’elle est liée à une génération, celle de 1968. Les enfants du baby-boom remettent en cause les structures traditionnelles des clubs de tifosi, qui dominent jusqu’alors dans les tribunes italiennes. Ils se créent leurs propres espaces.

    Quelles sont les premières inspirations des ultras ?
    Il s’agit d’abord de l’Angleterre, patrie des sous-cultures juvéniles. A partir de la saison 1966-1967, les hooligans émergent outre-Manche. A la même époque, les pratiques des fans se transforment. Les équipes anglaises dominent l’Europe dans les années 70 et viennent souvent en Italie. La télé filme leurs supporteurs, et les jeunes Italiens voient une marée d’écharpes, entendent le kop de Liverpool reprendre des chansons des Beatles - avant les ultras, il n’y a pas d’ambiance dans les stades en Italie. Des jeunes vont se demander pourquoi les anciens groupes de fans leur enjoignent de rester calmes et de ne pas se lever pendant le match. Certains s’en détachent, prennent d’autres noms et vont s’émanciper. Les pionniers ultras adoptent souvent des anglicismes : Boys de l’Inter, Teddy Boys de l’Udinese. De plus, l’agressivité caractérisant les hooligans séduit particulièrement les ultras.

    Le deuxième modèle, ce sont les extrémistes politiques ?
    Oui. Le contexte politique de la péninsule est alors extrêmement agité. La contestation étudiante est à peine terminée que les premiers attentats secouent le pays. Les tensions et le conflit s’emparent des places publiques, où les militants s’affrontent violemment. Parmi les deux fondateurs des Brigate Gialloblu de l’Hellas Vérone, en 1971, l’un est sur des positions d’extrême gauche. Ce n’est pas un militant politique, mais il est jeune et fasciné par les Brigades rouges qui émergent, même si ce qui compte, c’est d’aller voir Vérone, de défendre sa ville. Il dit : « Nous, on va être comme les brigadisti, on va défendre une cause jusqu’au bout, jusqu’à la mort, mais on sera les brigades jaune et bleu. »

    Plus au sud, en 1972, un groupe de l’AS Rome se baptise les Fedayin, du nom des francs-tireurs palestiniens. Les pionniers ultras sont fascinés par ces militants politiques, notamment ceux qui prennent les armes. Comme l’extrême gauche est la plus forte à cette époque, elle va imposer en partie ses codes dans les tribunes : les vêtements (parkas militaires, passe-montagne), les emblèmes (l’étoile rouge, la clé anglaise, le poing fermé) ou des pratiques, par exemple le fait d’aller en cortège au stade comme dans les manifs, avec leurs banderoles, les slogans aussi. A Vicence par exemple, à la fin des années 70, les ultras locaux chantent contre les spectateurs de la tribune présidentielle : « Vicence rouge, rouge, rouge, Vicence rouge. Bâtards de bourgeois, vous finirez comme Aldo Moro », le chef de la Démocratie chrétienne enlevé et tué par les Brigades rouges.❞

    #ultras #football #politique #culture_populaire #foot_business Teddy_Boys_en_Italie

    Un peu avant :

    On a appellé Teddy boys en Italie des groupes de jeunes gens apparus brièvement en 1960-61 dans plusieurs villes du Nord de l’Italie. Provenant pour la plupart des quartiers périphériques, ils reprenaient dans leur tenue vestimentaire certains éléments (blouson de cuir noir, jeans, foulard) du film L’Équipée sauvage [The Wild One, de László Benedek sorti en Italie en 1954 sous le titre Il selvaggio]. Curieusement, leur nom est emprunté à une bande de jeunes anglais qui pratiquait au contraire une élégance de type classique-edwardien

    http://ordadoro.info/?q=content/1-au-commencement-il-y-avait-les-villes-les-jeunes-les-ouvriers#footnote2

  • « On nous cache tout ! »
    http://cqfd-journal.org/On-nous-cache-tout

    Ils sont partout !… dans les transports en commun, au bureau, au fond de la salle de classe du lycée, dans les manifestations, et surtout, la majeure partie du temps, rivés derrière leur écran d’ordinateur. « Ils », ce sont les conspis. En apparence, rien ne les distingue foncièrement du reste de la population. « On nous cache tout » est le refrain entêtant, accompagné d’une abondance de liens, qu’ils font circuler exponentiellement sur Internet, distillant de « petites idéologies malodorantes qui rivalisent aujourd’hui pour le contrôle de notre âme (Orwell) ». Pour les plus malins, les théories du complot sont même devenues de lucratifs fonds de commerce. (...) Source : (...)

    • #complotisme #conspirationnisme

      Dossier intéressant de @cqfd, notamment ces deux brèves, in. http://cqfd-journal.org/Conspirationnisme-en-breves

      « La faute aux banquiers juifs »

      Cela fait un moment déjà que les disciples d’étienne Chouard ou de Soral et Dieudonné parviennent à s’infiltrer dans les milieux d’extrême gauche (le dernier cas en date étant celui du festival Alternatiba-Lille). Au-delà de l’habileté particulière de ces gens-là, comment expliquer un phénomène désormais récurrent ? La réponse réside peut-être dans le concept d’anticapitalisme tronqué, développé depuis le milieu des années 1980 par les théoriciens de la « critique de la valeur ». Sous ce nom sont regroupés des auteurs tels que Moishe Postone, Robert Kurz ou Anselm Jappe, qui, rejetant le marxisme traditionnel, proposent une nouvelle lecture de Marx en vue de relancer la critique du capitalisme. L’anticapitalisme tronqué, selon eux, c’est l’attitude qui consiste à concentrer les attaques sur la finance, les banques, les spéculateurs, censés « vampiriser » le peuple, la classe ouvrière, les travailleurs, etc. – un penchant qui est effectivement très répandu à l’extrême gauche. Le problème est qu’en attribuant les problèmes sociaux à des catégories particulières de population, cette extrême gauche se place d’emblée sur le terrain du conspirationnisme, qui cherche toujours à « personnifier » la domination, et elle échoue à remettre en question les structures du capitalisme. La critique de ce dernier doit donc se porter à un niveau systémique, celui des logiques sociales et des rapports sociaux dominants, plutôt que de cibler des acteurs spécifiques.

      Mais cet anticapitalisme défectueux est aussi défini comme tronqué dans la mesure où il oppose au « capital fictif », mobile et volatil, les richesses « concrètes » produites dans les usines qu’il s’agirait simplement de redistribuer entre tous. Ce faisant, le travail et la production industrielle apparaissent comme un processus créateur, séparable des rapports sociaux capitalistes, tandis que le capital est identifié au seul capital financier. Outre l’aveuglement qu’elle implique sur une organisation du travail, des technologies et une manière de produire qui sont intrinsèquement liées au capitalisme, cette approche recèle un danger politique immédiat : celui de peindre le capital sous la forme d’une puissance parasitaire, dont la force réside dans son caractère fuyant et sa capacité à se jouer des frontières nationales… Soit autant de caractéristiques qui ont été attribuées au peuple juif par les mouvements antisémites du XIXe et du XXe siècle  ! Résultat  : dans ce type d’analyses, explique Postone, il n’y a rien d’étonnant à ce que « l’insaisissable domination mondiale, abstraite, du capital [soit] comprise comme l’insaisissable domination mondiale, abstraite, des Juifs ». En rester à un anticapitalisme tronqué, c’est donc rendre possible des rapprochements objectifs – et peut-être même subjectifs – avec l’extrême droite conspirationniste et antisémite, tout en se privant d’une compréhension globale du capitalisme comme phénomène social multidimensionnel. — Patrick Marcolini

      Et

      Strategia della tensione

      S’il est un pays où politique rime avec complot, c’est bien l’Italie de la période incandescente des années de plomb. Au pays des Ides de Mars, des Borgia, de Machiavel et de la Loge P2, la conspiration s’insinua dans tous les coins. Le bilan de ces années établit que l’ultra-droite a été responsable de plus des trois quarts des actes de violence politique des années 1970. Elle aura provoqué de véritables meurtres de masse – de l’attentat de la piazza Fontana à Milan en 1969 à celui de la gare de Bologne en 1980 – dans une volonté de précipiter l’instauration d’un régime néo-fasciste et avec la bénédiction d’officines des services secrets et de l’Otan à travers les réseaux Gladio. Pourtant, c’est le souvenir de la violence révolutionnaire qui traumatise encore la péninsule, toujours paralysée à l’idée d’une amnistie. Après l’assassinat d’Aldo Moro, les Brigades rouges vont subir une répression féroce mais aussi un puissant discrédit populaire, dès lors qu’elles voulurent rivaliser avec l’état en lui contestant le monopole de la terreur. — Mathieu Léonard