person:ali benhadj

  • La république des « Fils de… » (1re partie) – Salimsellami’s Blog
    https://salimsellami.wordpress.com/2018/07/29/la-republique-des-fils-de-1re-partie

    Frasques, voracité, prédation, succession… Rejetons conçus dans le dos de la République égalitaire, les enfants terribles de la nomenklatura sont les nouveaux seigneurs de cette« Algérie de papa », la version bâtarde de l’« Etat algérien restauré ». Pour désigner les fils de généraux et hauts gradés de l’armée, des services de sécurité, ministres, pontes de la haute administration…, l’humour populaire est intarissable de génie créatif : ouled al qiada, meqla, qaloi, chouaker, ouled douk douk, qemqoum, les rejetons des pontes font valoir chaque jour leur droit de cuissage sur les ressources du pays. De Toufik Benjedid à Saïd Bouteflika, de Adel Gaïd à Sid Ali Mediene, de Abdelmoumen Khalifa à Farid Bedjaoui, de Rym et Farès Sellal à Amine Zerhouni, de Réda Habour à Khaled Tebboune, des fils de Meziane au fils Ould Kaddour, des fille et fils de Saadani au fils Ould Abbès, de Amel Bouchouareb à Khaldoun et Sina Khelil…, des échantillons représentatifs de la caste de compradores et de fabricants d’hégémonie qui réécrit l’histoire d’un « seul héros, le pouvoir ». Plongée dans les dessous putrides de la reproduction en marche de la classe des dirigeants.

    Ils sont dans l’import-import (60 milliards de factures d’importation), dans l’immobilier (?), dans les « services » (12 milliards/an), dans la com’ et l’événementiel, les bureaux d’études, le consulting, les centres commerciaux et grandes surfaces, le catering, le contrôle et concessions automobiles, les franchises, les sociétés de gardiennage et de sécurité, 7 milliards de dollars que se partagent quelques sociétés appartenant à des généraux à la retraite et/ou en activité, comme celle d’un des fils de Gaïd Salah, Adel, et à des personnalités du gouvernement et de la haute administration, à l’image de Vigie Plus, société à 50 000 agents, apparentée au fils de l’ex-Premier ministre, Abdelmalek Sellal. Aucun créneau juteux, aucune opportunité d’affaires, aucun business florissant n’échappe à leur appétit vorace.

    Shootés à l’argent public, addicts aux privilèges et rente de « l’Etat pompeur », les « fils de » ont un « couloir vert » dans les ports, les tapis rouges des salons d’honneur, occupent des postes (fictifs de préférence, mais rémunérés en devises) dans les grandes compagnies (Air Algérie, Sonatrach…), postés dans les grandes capitales mondiales. Ils sont dans la diplomatie, dans les agences et organismes internationaux. Ils ont des ports secs pour cocaïne pure (fils du général Hamel) et quincaillerie de luxe, des flottes (navires de la Cnan rachetés en partie par Réda Habour).

    Ils sont dans le négoce des matières premières (Sina Khelil…), dans la distribution, souvent en situation de monopole (Mouloud Djebbar, fils du général M’henna Djebbar), « bien nés » et as du trafic d’influence, ils ont les clés des coffres-forts de l’Etat social, dépecés, en bandes organisées, lors des soirées banquet. D’affriolantes saisons algériennes pour une jet-set fâchée avec le Projet national et le principe d’égalité des chances.

    Boucherie du peuple vs caudillo du régime

    Kouba. « Marché des 13 salopards ». « La boucherie du peuple ». Il porte bien son nom, le très « modeste » magasin de Kamel « Le Boucher », gros sous-traitant présumé des cartels de la cocaïne, scellé depuis plus d’un mois. L’homme aux 701 kg de coke a entraîné dans sa chute spectaculaire deux caudillos du régime : Abdelghani Hamel et Menad Nouba, tout puissants patrons de la police et de la gendarmerie.

    Au ministère de la Défense, gros client de la viande importée par « le Boucher », deux généraux-majors, Boudouaour Boudjemaa, le directeur des finances, et Mokdad Benziane, directeur du personnel du MDN, sont éjectés, « admis à la retraite ». Le menu fretin (26 inculpés-1, le fils de l’ex-Premier ministre Tebboune) est envoyé au cachot. L’Algérie, ses attributs de pouvoir, ses autorités régaliennes, flirte dangereusement avec narco-Etat.

    Dans le Vieux Kouba, c’est encore la consternation. La colère. De l’incompréhension aussi. « Kouba, ce sont toutes ces personnalités qui ont fait l’histoire. De Ferhat Abbas qui y a vécu (en résidence surveillée) au colonel Mohamedi Saïd, de Cheikh Soltani à Ali Benhadj et j’en passe. Mais des ”cavés” comme ça, on en avait pas. » Yazid, spécimen de cette petite bourgeoisie de Kouba qui se sent « salie » par l’érection dans son paysage de ce sulfureux personnage. « Ce berani (étranger) qui a débarqué ici presque avec son seul vélo et qui s’achètera, en un temps record, pas moins de 26 villas. »

    A Alger, les gendarmes de la section de recherches ont mis au jour 22 promotions immobilières, dont les appartements de standing sont cédés à des hauts fonctionnaires de l’Etat. « L’homme aurait juré de raser toute la ville et de ne laisser au peuple de Kouba que l’Hôtel de la mairie pour ses papiers d’identité. » Au chemin Calvaire, dans le bas Kouba, il aurait offert quelque 130 milliards pour s’adjuger un djenane de 6000 m2. « La famille, une grande famille de militants nationalistes qui y résidait depuis plusieurs générations, voulait préserver la valeur patrimoniale de la résidence.

    Le Boucher ne voulait rien savoir. ”Dites-moi plutôt combien elle fait en longueur, combien en largueur et combien vous en voulez !” » Le Boucher a, selon ce riverain, mis tout le monde dans sa poche, « distribuant des cadeaux et liasses de billets par-ci, des kilos de viande par-là, offrant une voiture au commissaire, de petits pécules pour les fonctionnaires des mairies, de la daïra et de la wilaya et même des omra aux fidèles de la mosquée ».

    Le « gueux » quadra, fils d’un boucher venu de sa « gueuse » province de Palestro (Lakhdaria), s’est blanchi sous le harnais du pouvoir et de ses camorra. Sa résidence à Kouba, située en face du commissariat de police (qui n’a rien vu) ; les bureaux de ses sociétés à La Croix et à Aïn Naâdja ne désemplissaient pas de visiteurs de haut rang qui lui mangeaient avidement dans la main. « Les magistrats sont en train de compiler les écoutes téléphoniques et quelque 3 ans de vidéo-surveillance », rapporte la journaliste Salima Tlemçani, qui enquête sur l’affaire.

    Des enregistrements « compromettants pour la longue liste de personnalités civiles et militaires qui y apparaissent ». 30 ans après le scandale impliquant un des fils du président Chadli – en association avec un roturier du quartier La Montagne (Bourrouba) – dans la ruine d’une banque publique, l’affaire dite « Testosa » – du nom de la célèbre Ferrari Testarossa – a fait des « petits ». Beaucoup de « petits ».

    La patri Mohand Aziri e pour les riches, le patriotisme pour les pauvres

    Portrait d’un fils de… De l’élevage ovin dans les Hauts-Plateaux à la technologie de pointe, Lotfi Nezar est un entrepreneur aussi polyvalent que coriace. « Il est impitoyable en affaires », témoigne HKM*, un employé de SLC (Smart Link Communication), la « petite » boîte familiale devenue grande (plus de 150 employés), nichée au chemin Gadouche (Ben Aknoun) sur le domaine d’une ancienne coopérative militaire.

    PDG de la société, Lotfi, l’aîné, y est actionnaire au même titre que sa fratrie et son généralisme paternel, aussi président de son conseil d’administration. Pionniers dans la technologie wimax (solution internet haut débit par ondes hertziennes), les fils du général affichaient un carnet de commandes plein.

    Ses abonnés clients allant des ministères de la Défense, de la Santé, de l’Enseignement supérieur aux compagnies pétrolières (Becker, Schlumberger, Sonatrach…), les banques (BNP Paris Bas…), Alstom, Peugeot. « Une véritable machine à cash dont une partie des revenus générés est perçue en devise, en Espagne, notamment », décrit la gorge profonde. Le pouvoir, la réputation du père, le général Khaled Nezzar (sauveur de la République ou fossoyeur de son peuple, c’est

    selon), parmi les premiers promus sous Chadli au grade d’officier général, a fait exploser littéralement le plan de charge de la SPA, créée en 1997. « Aujourd’hui, les affaires tournent de moins en moins bien. A cause de la concurrence soutenue par deux autres fournisseurs de services, Anwar Net et Icosnet, tout aussi puissants et adossés à des pontes mais surtout à cause des déboires de la famille avec le clan présidentiel. » Le général a dû, selon la même source, rembourser quelque 40 milliards de crédits alors que d’autres ont vu leurs ardoises effacées. La patrie pour les riches, le patriotisme pour les pauvres.

    « Hna fi hna, el barani yasamhna »

    Déclinaison locale de « Entrepreneurs de progrès », la devise chère au FCE, le cercle des bonnes affaires sis à El Mouradia, au fond d’une impasse, rue Sylvain Fourastier, du nom du maire de Bir Mourad Raïs dans les années 1940. C’est ici, dans la proximité charnelle du pouvoir et de l’argent, à quelques centaines de mètres du Palais présidentiel, que se trouve la fine fleur du CAC 40 algérien, les Kouninef, Bairi, Mazouz, Benabdeslam, Benamar, Tahkout et consorts, empires biberonnés aux marchés publics.

    « 150 millions pour réserver sa place à la table du Premier ministre. » H. Imad*, témoin ulcéré par les turpitudes de cette business class « made in bladi », jeune loup de la finance, a été dans le staff de Ali Haddad, le président du Forum des chefs d’entreprise, le FCE. « Self made man » comme sait en « fabriquer » à la chaîne le cercle présidentiel, le patron du groupe ETRHB, petite société de BTP fondée en 1997, est propulsé, 20 ans après, à la tête d’un empire engrangeant quelque 400 millions de dollars de revenus annuel (Forbes). « Rebrab ? C’est rien. Mon chiffre d’affaires à moi, c’est 5 à 6 fois plus », se vanterait Ali Haddad.

    Le groupe Cevital, propriété d’Issad Rebrab, affiche un chiffre d’affaires de 3,5 milliards de dollars. Agence parapublique orientée vers la captation des contrats publics, le FCE possède sa version « fils de ». Jil FCE, ce pouls de jeunes entrepreneurs connectés aux centres de décisions. Comme Allégories, la boîte de com’ et événementiel, drivée par le tandem Lourari/Marhoun Rougab, fils de Mohamed Rougab, secrétaire particulier du président Bouteflika.

    C’est Allégorie qui, le 3 décembre 2016, a organisé, pour le compte du FCE, le Forum africain d’investissements et d’affaires au Centre international de conférences (CIC) et qui a tourné au fiasco. Ce jour-là, le gouvernement Sellal, arguant les « entorses au protocole », se retira, sous les regards médusés de centaines d’invités étrangers. « Tout n’a pas été dit sur cette affaire du CIC, raconte Imad. Il y avait une forme de mise en scène, puisque le gouvernement était la veille en possession du programme des interventions et aurait pu décliner sa participation. »

    Les enjeux se superposaient, selon lui. Dans les coulisses du CIC, aux manettes, ce fut Saïd Bouteflika, tout puissant frère et conseiller plénipotentiaire du Président. « Il fallait à la fois happer le destin de Lamamra, le MAE qui était présidentiable, saper l’autorité du gouvernement au profit d’un patronat paraissant tout puissant, et troisio, renverser la table des négociations des contrats qui s’amorçaient dans la salle (…). »

    Jeunesse dorée, jeunesse offshore

    De SwissLeaks à Panama Papers, une orgie à coups de centaines de millions de dollars. Les listings des propriétaires algériens de comptes dans les banques suisses (HSBC) et de sociétés offshore au Panama renseignent sur la fraude à grande échelle et sur les pratiques des faunes au pouvoir. Le scandale planétaire des Panama Papers est aussi celui de cette caste d’Algériens dont les fortunes mal acquises transhument à travers les paradis fiscaux, lavées, blanchies, « réinvesties ».

    Des Îles Vierges britanniques au Panama, des îles Caïman à la République suisse, de la Barbade à Maurice, de Hong Kong à Dubaï, la toute nouvelle plaque tournante du blanchiment de l’argent algérien. Aux Emirats, une société offshore, c’est 30 000 dollars de capital avec droit de succession garanti pour les ayants droit en cas de décès du propriétaire.

    Dans les Panama Papers, les Algériens y sont souvent en famille : les Khelil (Chakib), père, épouse et fils, les Sellal (père et fille), les Bouchouareb, les Habour, les Chadli, les frères Bedjaoui, les Zerhouni – entre autres cités –, paraissant en qualité de propriétaires, bénéficiaires et/ou ayants droit de sociétés offshore. Journaliste d’investigation, membre du réseau ICIJ – le Consortium international des journalistes d’investigation qui révéla le scandale Panama Papers –, Lyès Hallas a eu accès à certains documents fuités de la société fiduciaire panaméenne Mossack Fonseca.

    Ne se distinguant ni par des « compétences reconnues » ni par un « savoir-faire particulier », les « fils de », observe le journaliste, excellent par contre dans la « fructification des carnets d’adresses » de leurs parents, dans la mise en relation d’affaires d’entreprises étrangères intéressées par le marché algérien. Ils sont dans « l’intermédiation internationale ».

    Farid Bedjaoui, neveu de l’ancien ministre des Affaires étrangères, est de ceux-là. « Ce ne sont certainement pas les 75 000 dollars canadiens de revenus annuels générés par son ancienne société de négoce qui ont permis à Bedjaoui de s’offrir des tableaux de Salvador Dali ou des biens immobiliers à Montréal et à New York, mais, les placements de Sonatrach.

    Pourquoi n’a-t-il pas pu décrocher la gestion des portefeuilles de BP ou ExxonMobil, génie en placements financiers qu’il est ? » Impliqué dans les affaires Saipem, Sonatrach, SNC Lavalin (suit une longue liste), Farid Bedjaoui passe pour celui qui sait ouvrir les portes blindées des décideurs algériens, sécurisant, via un système de commissions/rétro-commissions, les gros contrats de compagnies étrangères.

    « Le drame de ce pays est que son élite dirigeante n’imagine pas son avenir, l’avenir de ses enfants, en Algérie. Son principal souci est de trouver des alternatives pour financer l’éducation, les soins ou s’offrir une douce retraite à l’étranger, parce que les salaires perçus ne sont pas en mesure de prendre en charge son train de vie. Comment un Pdg de Sonatrach qui touche 300 000 DA de salaire mensuel pourrait s’acheter une résidence à Neuilly-sur-Seine ? »

    Les Gated communities du Mont Sidi Yaya

    Mont Sidi Yaya… Hydra. Le « Beverly Hills » algérois, une houma branchée au grille-pain et à la compteuse à billets, n’a rien d’un quartier pour ouled bouchia. Gosses de riches, gosses de maqla (pontes) et résidus du lumpenprolétariat s’y côtoient intimement dans ce lit d’oued (oued Hydra) où la jet-set s’est offert, par flots d’argent ininterrompus, son quartier de « luxe »…

    Enfant de la cité Sellier, populace suspendue aux flancs des Crêtes, Nadir a vu le quartier se transfigurer. En seulement quelques années d’économie de bazar. « Vous voyez ce pâté de villas, désigne-t-il de la main. Elles appartiennent toutes à des généraux. Le terrain sur lequel elles sont construites devait accueillir à l’origine une coopérative pour enseignants. » Banques étrangères, restaurants sélects, magasins de grandes marques, Sidi Yahia est le quartier des affranchis du pouvoir et des franchises qui prolifèrent.

    Malgré les nombreux interdits dressés par la Banque d’Algérie qui proscrit le transfert des royalties au franchiseur (la maison mère détentrice de la marque). Comment s’y prennent-elles ? « D’abord, elles appartiennent toutes à de hauts responsables et/ou à leurs enfants, ensuite, elles contournent les obstacles de la BA en gonflant le prix d’achat ou en transférant les devises sous le prétexte de l’assistance technique. »

    Tout autour du quartier chic, des résidences gardées. Un phénomène urbanistique en pleine expansion. Des Gated Communities où gent aisée et gent du pouvoir s’inventent un « entre-soi », loin des masses qui menacent. Safar Zitoun Madani, spécialiste en sociologie urbaine, ne hurle pas au loin pour autant. Les Gated Communities sont un phénomène « universel ». De la Chine « communiste » à l’Afrique du Sud, du Maroc aux Etats de l’Amérique latine. Une tendance mondiale. L’implantation de ces bunkers hautement sécurisés renseigne toutefois sur les inégalités qui s’accroissent dans un pays. Des inégalités qui ne sont pas toujours justifiées d’un point de vue économique.

    Des « inégalités un peu honteuses » et un « enrichissement pas très transparent ». « Dans le cas algérien, dit le sociologue, il faut un peu le relativiser. Car ce qui le caractérise, c’est qu’avant l’indépendance, nos villes étaient extrêmement inégalitaires du point de vue de la répartition des populations dans l’espace. Il y avait d’un côté les quartiers européens, les quartiers mixtes et les quartiers musulmans où résidaient la majorité des Algériens.

    A l’indépendance, cette structure ségrégationniste, inégalitaire, a complètement explosé. Nos villes se sont mélangées, des populations d’origines modeste, moyenne, ont occupé des habitations situées dans les quartiers européens. Aujourd’hui, ce que l’on constate, c’est que les élites, notamment celles qui disposent des ressources, ne se retrouvent plus dans ce mélange. Alors, elles inventent des espaces d’entre-soi.

    On revient, en quelque sorte, contre l’absence de ségrégation, et par des formes inédites, à une nouvelle façon de ségréguer, de se séparer des autres. » Loin du Fahs algérois, la proche campagne d’Alger, naguère prisée par les bourgeoisies coloniales, ottomane et française, les quartiers de l’ancienne plaine de la capitale sont en plein dans le processus de « gentrification », mot désignant ces quartiers de la noblesse anglaise qui étaient à l’origine des quartiers populaires d’origine sociale modeste.

    Les opérations de relogement, de résorption de l’habitat précaire, menées au pas de charge, sur fond de spéculation foncière, immobilière, vident le Vieil Alger de sa population, au profit d’une autre. « Ce sont des processus sociologiques très courants. Ces quartiers, pour des raisons pratiques, leurs positions dans la ville, la présence d’opportunités, attirent une clientèle qui prend une coloration sociale bien particulière (…).

    Progressivement donc, il y a un remplacement de population. » Dans ce processus, précise le spécialiste, l’Etat n’y est pour rien : « Il n’y a pas de volonté derrière, pas de deus ex machina, pour délimiter les quartiers des riches des quartiers pauvres. Ce sont des processus objectifs. » Dans le plan d’urbanisme d’Alger, explique-t-il, qui n’est pas « ségrégatif », la volonté de vider les quartiers populaires n’y est pas.

    « Même si derrière un certain vocabulaire très technique, il y a la possibilité de comprendre que telle zone, par exemple, est destinée à une population fortunée. Mais il n’y a pas de volonté de déloger les gens du centre-ville, les populations pauvres et modestes pour la périphérie. Dans les plans, il n’y a rien de cela, dans la pratique, avec les opérations de relogement en cours. Effectivement, pour certains bidonvilles du centre-ville d’Alger, les populations sont relogées en périphérie. Est-ce qu’il y a une volonté de déportation de ces populations ? (…) »                                                                                                    Mohand Aziri                                                                                                                                                               https://www.elwatan.com/edition/actualite/la-republique-des-fils-de-1re-partie-28-07-2018

  • Merci à Samir Hchicha pour cet extrait partagé. A lire
    Témoignage d’un ancien haut gradé de la SM et du DRS par la suite. Il raconte comment s’est déroulée la grande manipulation durant les années 1990 91 92 ...en Algérie

    NB : si d’aventure quelque orientaliste se poserait béatement la question de savoir pourquoi nous faisons les liens entre Daech et la secte Hijra w Takfir, qu’il lise ceci

    >> Faux tracts islamistes

    À l’époque, il est vrai, les islamistes se distinguaient par les prêches incendiaires de Ali Benhadj chaque vendredi (en alternance dans les mosquées de Kouba et de Bab El Oued). Les marches imposantes réunissant plusieurs dizaines de milliers de sympathisants du FIS qu’ils organisaient chaque jeudi à Alger mettaient en valeur les capacités mobilisatrice de ce parti et faisaient peur aux militaires. Ces démonstrations de force devenaient une menace certaine pour les intérêts de la caste au pouvoir. (Bien avant le contexte de la guerre du Golfe et profitant de la faiblesse des pouvoirs publics, les leaders du FIS développaient un discours violent comme en témoigne l’interview de Ali Benhadj, parue dans le quotidien l’Horizondaté du 23 février 1989 dans laquelle il déclare : « si le pluralisme permet à des partis politiques de propager des idées et des opinions en contradiction avec les croyances de l’Islam, il sera mit fin à cette pratique démocratique. Le musulman ne peut admettre l’apparition de partis qui prônent la contradiction avec l’Islam, tout en refusant la vision occidentale du multipartisme » ou celle de Abbassi Madani, parue dans l’hebdomadaire Algérie Actualitésdaté du 24 décembre 1989, affirmant, je cite : « Si la démocratie est un cadre de dialogue et de respect de l’opinion, nous sommes d’accord avec ce concept, par contre nous n’acceptons pas que l’élu soit en contradiction avec l’Islam, sa charia et ses valeurs ».

    Le FIS qui avait en effet pris cause pour l’Irak en reprochant aux dirigeants algériens leur manque d’engagement aux cotés des irakiens, était monté au créneau contre le régime jugé trop « laïc » et trop « détaché de l’Islam »)

    Cette période coïncidait aussi avec l’apparition de l’activisme de la secte d’El Hidjra oua Takfir, une organisation extrémiste, dont l’idéologie est importée par certains moudjahidine « afghans » de retour en Algérie et qui fait référence au courant salafiste, apostasiant tous ceux qui ne font pas référence à leur doctrine. Cette secte minoritaire et nullement en rapport avec nos traditions séculaires autorisait même le meurtre du père, de la mère, du frère ou de la sœur si celui ci ou celle ci ne se conformait pas aux lois islamiques. Toute transgression est punie par la mort.
    La secte d’El Hidjra oua Takfir gagnait certes du terrain mais pas au point d’être considérée comme une menace sérieuse. Avec une meilleure sensibilisation des responsables des partis islamiques et avec plus de rigueur, les services de sécurité et la justice auraient pu facilement éradiquer ce fléau. Hélas ces mesures ne cadraient pas avec le programme des généraux.

    Au même moment où apparaissait au grand jour la secte d’El Hidjra oua Takfir, les services secrets algériens s’attelaient à reconstituer le MIA (mouvement islamique armé, voir les détails sur cette affaire plus loin). D’où la volonté délibérée des généraux de faire l’amalgame autour du FIS, parti en plein essor.

    Pour contrer cet activisme du FIS, nous fûmes amener à exploiter les dissensions qui existaient à l’intérieur de ce parti et à recourir à la presse « indépendante » pour sensibiliser l’opinion sur le danger de la « menace » islamique, en exploitant les propos excessifs de certains dirigeants du FIS, et en encourageant les « intellectuels » à dénoncer l’extrémisme islamique.

    En somme le DRS mettait de « l’huile sur le feu » pour donner l’impression que le FIS est un parti qui cherche à imposer une dictature islamique.

    Mes officiers se chargeaient même de la distribution (auprès des journalistes, des associations féministes, …) et de l’affichage (dans les mosquées, les cités universitaires de Bouzareah, Delly-Brahim, les campus des universités de Bab Ezzouar, la fac centrale…) de tracts et communiqués signés au nom du FIS, que rédigeait en fait le capitaine Djaafar Khelifati. Cet officieux originaire d’El Harrach, très pieu, qui recevait directement ses instructions du colonel Smaïn Lamari via le commandant Amar Guettouchi, aurait (selon un rapport que m’avait fait parvenir le capitaine Chetibi Farouk en mars 1991, mais auquel je n’ai accordé aucune suite) un lien familial avec Ali Benhadj.

    Ces faux communiqués créaient la zizanie chez les dirigeants islamistes (le but initial était de créer un conflit entre Abbassi Madani et Ali Benhadj sur l’auteur des tracts, l’un suspectant l’autre de rédiger des communiqués sans consultation ou concertation préalable) car les « fetwas » (décrets religieux) contenues dans les faux communiqués de la DCE appelaient les fidèles à se débarrasser des « taghouts » (mécréants), à refuser la démocratie « occidentale et décadente », et incitaient les gens à la peur.

    Souvent les faux communiqués contenaient des appels au Djihad, à la désobéissance ou au soulèvement et à prendre les armes contre le pouvoir si la loi électorale ou le découpage électoral ne respectaient pas la volonté populaire, l’ouverture de camps d’entraînement aux militants du FIS désirant aller combattre auprès des troupes irakiennes lors de la guerre du Golfe, l’instauration d’un régime théocratique, l’application de la charia (la loi coranique) …

    Par la suite et dès la fin 1992 ce fut au nom du GIA que les écrits concoctés par nos services commencèrent à être diffusés, soit pour s’attaquer au FIS et à ses dirigeants, soit pour revendiquer des attentats ou des assassinats, soit pour imposer le couvre feu dans les zones islamiques comme Blida, Médéa, Aïn-Defla…, ou encore pour exiger le départ des étrangers ou pour menacer les intérêts français.

    C’est en rendant une visite de courtoisie au responsable du CPO pour saluer mes anciens officiers, lors de mon séjour en Algérie en 1993, que je prie connaissance de ce qui se poursuivait. Le capitaine Djaafar Khelifati a été secondé du lieutenant Djerafi Abdelaziz, un officier originaire du Khroub, qui était sous mes ordres à Constantine durant les années 1980 et que j’avais aidé pour qu’il soit nommé en tant que chef de BSS à Jijel puis à Tébessa.

    Cet officier, qui était un bon ami, avait partagé la même chambre que moi lors du stage de six mois que nous avons effectués à Moscou. Voilà pourquoi rien ne m’a été caché lors de mes visites. Par honnêteté aussi je dois dire que ces officiers faisaient ce sale boulot à contrecœur et non pour faire plaisir au chef de la DCE.

    Un sceau du FIS a été confectionné et permettait de donner une « authentification » à ces faux tracts. Le style des responsables du FIS était parfaitement imité puisque chaque tract débutait et était clôturé par un verset du Coran. Après l’emprisonnement des chouyoukhs, l’apparition des faux communiqués s’est poursuivie, les orientations qui y étaient contenue obéissaient au développement de la situation et au gré des responsables du DRS. Au début c’était au nom de la direction du FIS qu’étaient signés ces faux tracts, ensuite aux noms de la « direction légitime », des « fidèles », des groupes prônant la « continuité », organisation islamique X, groupe Y, mouvement Z.etc, jusqu’à l’apparition des groupes armés qui appelaient à combattre le pouvoir mécréant, revendiquaient des attentats, refusaient le dialogue, et même condamnaient les leaders du FIS.

    Dès janvier 1991, de nombreux « faux » communiqués attribués au FIS furent même lus pendant le journal télévisé de 20 heures. Brouiller les pistes et créer la suspicion au sein même des militants du FIS a permis à la SM de faire de ce parti une sorte de nébuleuse. Ces faux tracts incitaient à faire croire et à démontrer que le FIS est traversé par plusieurs courants, que sa direction n’était pas homogène et que Abbassi Madani et Ali Benhadj n’étaient pas en mesure de contrôler leur troupe, tout comme ils n’avaient aucune maitrise sur les éléments de El Hidjra oua Takfir ou sur les « Afghans » (islamistes de retour d’Afghanistan qui n’ont pourtant pas rejoint le FIS) ou sur le noyau du MIA (puisque ni Abdelkader Chebouti ni Mansouri Miliani n’ont adhéré au FIS).

    Pour nos chefs, dès cette époque, l’objectif était clair (et nos instructions l’étaient tout autant) : la diabolisation du FIS visait à faire de ce parti un « épouvantail », dans le but de constituer contre lui un « front » civil qui légitimerait plus tard l’intervention de l’armée.

    En décembre 1990, lors d’une réunion présidée par le général Nezzar à Béni Messous à laquelle étaient conviés les principaux responsables de la SM, le ministre de la Défense nous fit part de mesures pour contrer le FIS, qui ne serait toléré que s’il ne dépasse pas les 30 % des votes lors des élections législatives qui étaient alors prévues pour le 30 juin 1991. Sinon l’ANP serait amenée à « prendre ses responsabilités ». La direction de l’Armée n’avait que deux solutions (mais en réalité une seule alternative) : soit la prise du pouvoir directement (ce qui était exclu compte tenu de la lourde responsabilité vis-à-vis de l’opinion internationale, de la réaction défavorable des pays occidentaux et d’un éventuel embargo des soutiens financiers internationaux), soit l’instauration d’une direction collégiale avec une façade civile. Il ne fallait pas être grand clerc pour deviner que c’est cette dernière option qui avait les faveurs du commandement de l’armée.

    Le scénario excluant le FIS de la course au pouvoir a donc était envisagé dès décembre 1990, il fallait seulement mettre en place les conditions favorables à son exécution.

    Un plan d’action concocté par les « conseillers » (les généraux Mohamed Touati et Abdelmadjid Taright) de Khaled Nezzar et dont l’exécution fut confiée au DRS, a été alors soumis au Président de la République pour approbation.

    J’avais fait part de certaines réserves au colonel Smaïn Lamari, notamment sur certains aspects antidémocratiques de ce plan dit « particulier » puisqu’il ne ciblait que le FIS, alors que les pouvoirs publics avaient la latitude de ne pas lui accorder l’agrément en 1989, et que la Constitution du 23 février 1989 accordait les pouvoirs au chef de l’État de dissoudre le Parlement.

    >> Le plan « Nezzar » comportait notamment des mesures discriminatoires comme :

    – l’éloignement des islamistes (excepté ceux qui collaborent avec la SM) des postes sensibles.
    – l’adoption d’un découpage électoral « taillé sur mesure ».
    – le soutien au FLN.
    – la corruption des partis démocratiques grâce à l’octroi de subventions, l’accès aux médias lourds.

    Drôle de conception de la démocratie, qui n’est tolérée que si le pouvoir n’échappe pas aux mains des militaires. L’alternance signifie pour eux remplacer le FLN par un FLN bis ou à la limite accepter un parti démocratique « domestiqué et docile » qui obéirait aux parrains de la mafia politico-financière.

    Abordant le chapitre de la lutte contre les « extrémistes », le général Nezzar recommandait, je cite :

    – la division des courants religieux en provoquant, en exploitant et en avivant leurs antagonismes.
    – la dépréciation de l’image du FIS vis-à-vis des libertés démocratiques et des libertés individuelles.
    – l’exploitation de « l’inculture » des extrémistes.
    – la mise en cause médiatique des leaders du FIS par la publication d’images, de propos et discours attestant de leur incapacité à traiter les grands problèmes économiques.
    – l’emploi judicieux et savamment orchestré des médias avec l’assistance de professionnels.

    C’était là une dérive dangereuse, car de quel droit le ministre de la défense incite-t-il les cadres de l’Armée à devenir des hors la loi ? A quelle fin décide-t-il d’un programme d’action psychologique ? Si les islamistes commettent des délits n’y a-t-il pas la justice pour les sanctionner ? S’il y avait des extrémistes n’aurait-il pas été plus judicieux de procéder à leur arrestation ?

    Pourquoi cette provocation, pourquoi cette culture de la haine et pourquoi chercher coûte que coûte la confrontation avec une partie du peuple algérien ? Qualifier les Abdelkader Hachani, Mohamed Saïd, Abbassi Madani, Annouar Haddam… d’incultes c’est aller un peu vite en besogne et si l’on comparaissait intrinsèquement ces derniers aux Nezzar, Smaïn Lamari, Brahim Fodhil Cherif, Kamel Abderrahmane, Mohamed Lamari (pour ne citer que ceux que j’ai personnellement connu) le constat ne serait guère en faveur de ces derniers …

    Les responsables du DRS avec beaucoup de zèle, ont en tout cas sauté sur l’occasion pour mettre en pratique ce fameux plan d’action. Promotions, budget illimité et divers avantages leur étaient promis. Les primes des éléments du GIS ont été doublées, les cadres subalternes ont bénéficié de logements.

    En tant que militaire discipliné, même si je n’étais pas entièrement convaincu par la nécessité d’un tel plan, j’ai également suivi car les chefs ont réussi à nous faire croire que la république était en danger, que les islamistes étaient soutenus financièrement et politiquement par des puissances étrangères, qu’ils envisageaient de fusiller tous les cadres de la SM en cas de prise de pouvoir, qu’ils cherchent à déstabiliser le pays et à mettre en péril ses institutions…La rengaine qui a servi d’endoctriner les militaires et qui a embobiné une partie des citoyens.

    Cette campagne d’intox a eu de l’effet puisque au début presque tous les officiers se sont mobilisés derrière le commandement. Nous étions mêmes en première ligne puisqu’il s’agissait de défendre les institutions du pays et la légalité constitutionnelle.
    La lutte contre le FIS (je précise bien contre le FIS et non contre les islamistes, j’y reviendrai) devenait une réalité. Fin 1990- début 1991 le commandant Abderrahmane Benmerzouga, qui avait été mis sur la touche après le départ du général Betchine, fut chargé par le général Toufik, au nom de la « sacro-sainte alliance contre l’intégrisme », de prendre attache avec Mahfoud Nahnah pour transformer l’association caritative « El Islah oua El Irshad » qu’il dirigeait en parti politique afin de contrer l’influence grandissante du FIS. Mahfoud Nahnah
    (En compulsant les archives du DRS en 1991 et 1992, j’ai découvert que le commandant Abderahmane Benmerzouga était même chargé de la rédaction d’une revue pour le compte du parti HAMAS, et fréquentait assidument les locaux de ce parti à El Madania, il était en quelque sorte devenu l’éminence grisede Mahfoud Nahnah) accepta la proposition de créer le parti « HAMAS » qui deviendra plus tard le MSP (Mouvement de la Société pour la Paix), et cela malgré l’opposition de son second, le cheikh Mohamed Bouslimani, qui affirmait que la « politique souille la conscience » et préférera rester à la tête de l’association caritative « El Islah oua El Irshad » et donc loin des « magouilles politiciennes ». Lui aussi sera hélas assassiné.
    Nous étions alors loin d’en être conscient que le plan de sauvetage de l’Algérie inauguré en décembre 1990 pour éviter au pays de sombrer dans l’ère de « l’obscurantisme » allait conduire les Algériens à connaître les affres d’une guerre civile sanglante.

    #Algerie #decennienoire #drs #islamistes #secte #hijrawtakfir