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  • Eric Dupin : “Au bout du raisonnement des #identitaires, il y a la #guerre civile” - Livres - Télérama.fr
    http://www.telerama.fr/livre/eric-dupin-au-bout-du-raisonnement-des-identitaires-il-y-a-la-guerre-civile

    Plongée libre dans les profondeurs de la France identitaire : pendant plusieurs mois, le journaliste et essayiste Eric Dupin est allé à la rencontre de militants et de responsables des mouvements identitaires, s’est entretenu avec les principales figures intellectuelles qui inspirent et relaient ces nouveaux croisés de la France blanche traditionnelle. Qui sont-ils ? Combien de divisions ? Archi minoritaires, ils ont pourtant réussi à mettre le « problème » identitaire au centre du débat #politique. Aujourd’hui, tous les partis sont traversés et divisés par cette question. Et si la gauche, s’interroge Eric Dupin, avait intérêt à regarder en face les difficultés que soulève la mutation en cours de la population française et la crise du « vivre ensemble » ?

    • Groupusculaire et ouvertement raciste, la frange identitaire de l’extrême-droite française a réussi à imposer ses idées au cœur du débat politique. Le journaliste Eric Dupin a enquêté sur ses origines, ses réseaux et ses perspectives.

      Plongée libre dans les profondeurs de la France identitaire : pendant plusieurs mois, le journaliste et essayiste Eric Dupin est allé à la rencontre de militants et de responsables des mouvements identitaires, s’est entretenu avec les principales figures intellectuelles qui inspirent et relaient ces nouveaux croisés de la France blanche traditionnelle. Qui sont-ils ? Combien de divisions ? Archi minoritaires, ils ont pourtant réussi à mettre le « problème » identitaire au centre du débat politique. Aujourd’hui, tous les partis sont traversés et divisés par cette question. Et si la gauche, s’interroge Eric Dupin, avait intérêt à regarder en face les difficultés que soulève la mutation en cours de la population française et la crise du « vivre ensemble » ?

      Comment définir les « identitaires » ?
      En France, cette étiquette est revendiquée par des groupes militants dont l’importance numérique est heureusement faible. C’est d’abord le Bloc identitaire, créé en 2003, transformé en parti politique en 2009, pour redevenir, en juillet 2016, un mouvement associatif dénommé « Les Identitaires ». C’est aussi Génération identitaire, qui a succédé, en 2012, aux Jeunesses identitaires. Evidemment situés à l’extrême droite, racialistes, pour ne pas dire racistes, ces groupes ont préempté l’inquiétude de certaines franges de la population bousculées par la crise et les mutations de notre société, et qui deviennent obsédées par la question de l’identité. Très minoritaires, les identitaires trouvent ainsi un écho qui dépasse largement leurs effectifs militants.

      Quels sont ces effectifs ?
      Quelques milliers, pas plus. Quand ils organisent des manifestations, ils ont l’art de les filmer pour donner l’impression qu’ils sont très nombreux. En réalité, ils sont à peine 200, venus d’un peu partout en France. On est loin d’un mouvement de masse. Mais les militants identitaires sont très déterminés, souvent bien formés politiquement, et leur influence est grandissante au sein du Front national. Mais surtout ils bénéficient de relais dans certains milieux culturels et intellectuels. Chez les journalistes, Eric Zemmour en est l’illustration la plus caricaturale, son absence de scrupules et son côté provocateur lui assurent de vrais succès de librairie. Chez les intellectuels, l’écrivain Renaud Camus, ancienne figure de la scène culturelle des années 1970, bénéficie également d’un certain écho. Il est devenu, dans son château du Gers, une sorte de croisé de la France blanche qui lui semble menacée par ce qu’il nomme « le grand remplacement » : la substitution supposée du peuple français par les populations d’origine immigrée. On pourrait également citer Jean-Yves Le Gallou, une autre figure majeure de la mouvance identitaire. Fondateur du Club de l’Horloge, ancien dirigeant du Front national, il a théorisé la fameuse « préférence nationale », un concept devenu central dans la propagande du parti d’extrême droite, désormais rebaptisé « priorité nationale ». Alain Finkielkraut, d’une toute autre manière et qu’on ne saurait mettre dans le même sac, exprime une inquiétude identitaire teintée de nostalgie. Le philosophe, qui finit par consacrer aujourd’hui plus d’énergie à lutter contre les excès de l’antiracisme que contre le racisme lui-même, peint de manière effrayante les mutations en cours. Beaucoup de ses mise en garde sont hélas parfaitement fondées mais il en tire, à mon sens, des conclusions alarmistes.
      “Il est impératif de se demander pourquoi ces gens dangereux et minoritaires ont un tel écho.”

      A la lecture de votre livre, il semble que les identitaires soient surtout des hommes, obsédés par l’idée de décadence...
      C’est vrai que tous les militants et responsables de Génération identitaire que j’ai rencontrés étaient des hommes. Même si dans leurs vidéos ils s’attachent à mettre en avant des filles, sans doute pour donner à leurs manifestations un visage plus avenant. Plus sérieusement, vous pointez un trait commun à tous ceux qui sont hantés par les questions identitaires : la crainte d’une décadence, d’une perte de valeurs traditionnelles, de références, de repères, de hiérarchies, que la modernité aurait abîmés. J’ai d’ailleurs sous titré mon livre « Enquête sur la réaction qui vient » pour cette raison. Selon la terminologie politique, les réactionnaires sont ceux qui veulent revenir à un passé révolu, à l’instar de ceux qui refusaient la Révolution et rêvaient d’une restauration de la royauté. Cela dit, il faut admettre que les sociétés comme les individus ont besoin de repères, d’appartenances collectives. Il est important, quand on analyse ces phénomènes identitaires, de ne pas s’en tenir à leur dénonciation, de ne pas se contenter de dire « ce n’est pas bien », « c’est l’extrême droite », « ce sont des gens dangereux ». Tout cela est exact. Mais il est impératif aussi de se demander pourquoi ces gens dangereux et minoritaires ont un tel écho. N’est-ce pas en effet parce que nos appartenances collectives, qu’il s’agisse de la famille ou de la nation, sont en crise ?

      Comment la question identitaire a-t-elle peu à peu envahi le débat politique ?
      Cette question percute l’ensemble de l’échiquier politique. Elle fait l’objet de débats internes très vifs au sein du Front national. L’égérie du courant identitaire, Marion Maréchal-Le Pen, assume la vision, très classique à l’extrême droite, d’une identité charnelle : le peuple, les ancêtres, la terre, quand sa tante hésite et se contredit sur l’assimilation ou la référence au « grand remplacement ». A droite, la campagne pour la primaire a mis en évidence un gouffre entre Alain Juppé, parfois surnommé Ali Juppé en raison de sa position favorable à des accommodements raisonnables avec l’islam, et Nicolas Sarkozy, qui n’hésitait pas à reprendre un discours identitaire parfois plus violent encore que celui de Marine Le Pen. Quant à François Fillon, qui a finalement tiré les marrons du feu de cette primaire, il est sans aucun doute plus proche sur le fond de cette question de Nicolas Sarkozy que d’Alain Juppé, même si son discours est au diapason de son tempérament, porté par une expression plus retenue et mesurée. La gauche enfin, est également très divisée. Manuel Valls, qui avait été en pointe dans le débat sur l’interdiction du « burkini », a tenté, durant la primaire, de réactiver ses préoccupations identitaires en mettant en avant la République et la laïcité. Alors que Vincent Peillon et Benoît Hamon se sont montrés beaucoup plus proches de la gauche « multiculturaliste ». L’ennui, c’est que le débat à gauche est souvent caricatural. D’un côté ceux qui craignent de tomber dans un piège en évoquant ces questions et choisissent de les éviter en ne les posant qu’en termes moraux. Ils les balaient d’un revers de la main au nom de l’antiracisme. Et de l’autre côté ceux qui les exagèrent en disant que l’islam pose un problème considérable et brandissent la laïcité de façon excessivement agressive. A mon sens, la gauche aurait tout à gagner à ne pas se voiler la face mais à regarder calmement les choses.

      C’est-à-dire ?
      La négation des problèmes et l’euphémisation des difficultés offrent un boulevard aux extrêmistes. La France vit un changement majeur de la composition ethnique de sa population. Et c’est un phénomène nouveau. Contrairement à ce qu’on dit souvent, notre pays n’a pas toujours été une terre d’immigration. Celle-ci n’est devenue un phénomène massif qu’à partir du XIX° siècle et l’immigration d’origine extra-européenne est encore plus récente puisqu’elle date du milieu du XX° siècle. L’immigration de masse, en France et en quelques décennies, de populations culturellement plus éloignées de la majorité de ses habitants que ne l’étaient les précédentes est un phénomène nouveau. Est-ce un drame ? Bien sûr que non. La question ne se pose pas en termes raciaux, comme le font les tenants du « grand remplacement » qui présupposent que les populations extra-européennes, d’une autre culture, d’une autre religion, ne pourront jamais s’intégrer. En revanche on ne peut se contenter d’un postulat, certes optimiste, mais quelque peu naïf, selon lequel cette intégration finira bien par se faire toute seule, naturellement. Car aujourd’hui, les vagues d’immigration les plus récentes ont d’autant plus de mal à s’intégrer dans la société française, qu’elles se constituent souvent en diasporas dans des espaces où elles vivent entre elles.

      N’y sont elles pas souvent contraintes ?
      Bien sûr. Les « ghettos » que l’on fait mine de déplorer sont des lieux où se concentrent les derniers arrivés en France et ceux qui cumulent le plus grand nombre de handicaps sociaux. Ceux qui s’en sortent s’en vont. Il faut absolument en tirer les conséquences en termes de politiques publiques. Les questions identitaires doivent être traitées dans leurs dimensions économiques et sociales. Pour cela il est nécessaire de disposer d’informations objectives sur la réalité démographique de notre pays, développer les études sociologiques et sans doute cesser d’interdire les fameuses statistiques ethniques. Je m’inquiète en effet d’une situation où, du fait des discriminations et des handicaps, les positions sociales finissent par être indexées sur les appartenances ethniques. Où les emplois les moins qualifiés sont en grande majorité effectués par des gens d’origine étrangère, alors qu’à l’inverse plus on monte dans la hiérarchie, plus ça se blanchit. Cela donne une connotation néo-coloniale lourde de dangers, car lorsque vous avez une superposition entre hiérachies sociales et raciales, comme c’est le cas aux Etats-Unis, l’exercice de la solidarité est beaucoup plus difficile. Tout simplement parce que les pauvres n’ont plus la même couleur que les riches.
      “L’horreur d’une guerre civile n’est pas la seule perspective dramatique.”

      Face à ces diasporas, vous insistez aussi sur le risque « d’enfermements communautaires » et la nécessité d’un « socle commun » de valeurs...
      La société française est aujourd’hui, incontestablement, multiculturelle et nous appartenons tous plus ou moins à des communautés différentes. Celles-ci ne sont pas mauvaises en soi, elles sont des médiations entre l’individu et la nation. Le problème surgit quand elles deviennent au contraire des écrans entre les deux, quand elles affirment des différences culturelles qui prétendent s’imposer à la société. Cette conception du multiculturalisme se heurte alors de plein fouet à la tradition républicaine française qui veille à la cohésion d’un Etat-nation cimenté par des valeurs communes. Je pense à la liberté d’expression, par exemple. En France, on a le droit au blasphème, on peut se moquer des dieux. Je pense à l’égalité hommes/femmes. Je pense à la laïcité pour laquelle les républicains ont dû se battre au XIXe siècle, contre une puissante Eglise catholique. La fermeté sur ce socle de valeurs me semble la condition du vivre ensemble et de l’acceptation de la diversité culturelle et religieuse qui est désormais celle de la société française.

      Comment peut s’exercer cette fermeté ?
      Par des interdits, comme la fameuse loi sur le voile intégral. Mais l’essentiel n’est pas là. Le principal est le combat culturel, en particulier au sein de la communauté musulmane. On parle toujours des musulmans les plus vindicatifs, de ceux qui brandissent leur religion comme un étendard identitaire. Il en existe, mais l’immense majorité des musulmans souhaitent simplement pratiquer leur religion en restant partie prenante de la communauté française. Il faut les y aider en n’hésitant pas à combattre la minorité des ultra conservateurs qui se sentent en rupture avec les valeurs de notre société.
      Votre livre insiste sur l’urgence d’agir...
      Quand j’ai rencontré ces militants et intellectuels identitaires, j’ai constaté qu’au bout de leur raisonnement il y avait la guerre civile. Ils prétendent bien sûr sonner l’alerte pour éviter cette issue, mais n’envisagent comme solution que ce qu’ils nomment la « remigration », c’est-à-dire le retour de millions de personnes dans leur pays d’origine, quitté parfois depuis plusieurs générations. C’est évidemment une hypothèse absurde, fantasmagorique. Sans le dire, les identitaires se préparent ainsi à l’affrontement. Mais l’horreur d’une guerre civile n’est pas la seule perspective dramatique. Si on prolonge les tendances à l’oeuvre aujourd’hui, c’est aussi l’avènement d’une société française de plus en plus fracturée, chacun restant replié dans ses zones ou ses quartiers. Des France parallèles en quelque sorte, où les immigrés seraient, à l’exception d’une petite bourgeoisie, relégués au second plan. A ce moment là, les grands discours républicains deviendraient totalement abstraits.

      A lire
      La France identitaire. Enquête sur la réaction qui vient , d’Eric Dupin, éd. La Découverte, 206 p., 17 €.

    • Résumé du premier épisode

      « La course électorale n’est pas un diner de gala. Elle ne devait pas être non plus l’occasion de tenir des conversations de bonne tenue entre « Cher François » et « Cher Alain ». Et pourtant, au cours de ces primaires de la Droite, la tribune a disparu, ensevelie sous une querelle de styles entre gens très bien qui a occulté les formes de la discussion politique. Heureusement, « Chère Marine », est là. Dénuée de style, « Chère Marine », le guette plutôt, embusquée comme elle est, de l’autre côté du salon de la bonne parole et de la bonne tenue occupé par « Cher François ». L’embuscade de « Chère Marine », c’est peut-être alors l’occasion d’une mise en crise salutaire de la conversation stylée entre « Cher François » et « Cher Alain » ? Hélas ! Symptôme d’une tribune véhémente et diffamatoire, « Ali Juppé » est aussi là, qui grimace avec « Chère Marine », lui qui est sa créature, et l’entraine, avant même qu’elle déboule dans le salon, du côté obscur de la force tribunicienne à l’œuvre sur les réseaux sociaux. Entre le style et la calomnie s’ouvre en fanfare, la campagne présidentielle. Fin. »

    • Scène 3 : « Cher Nicolas » et « Cher Alain » : le combat politique pour le remoralisation du paysage du pouvoir ne relève pas, c’est vrai, que de la conformité à une norme de sociabilité discursive mais peut-elle s’exercer pleinement en conversation et dans la bouche d’un personnel politique largement en poste au moment quand ça corrompait à tout va ? Là où on où on attendrait des mesures, un arsenal d’outils judiciaires pour combattre la corruption, on trouve un affichage de formes et de vêtures en paroles qui ne coutent pas bien cher à celui qui en use.
      Scène 4 : Parce que « Cher Alain », rebaptisé « Ali Juppé », n’a pas du tout trouvé, lui, que la campagne des primaires n’avait été qu’une « conversation de bonne tenue », contrairement à « Cher François » : en témoigne sur les réseaux sociaux la campagne calomnieuse dont il a été la cible et dont il est difficile de mesurer la puissance de nuisance à l’œuvre dans les souterrains de la conversation de salon. Avoir réussi à transformé « Cher Alain » en islamiste de service, c’est fort.
      [...] scène 4, fin avant le prochain épisode :
      A la posture du style, correspond, avec « Chère Marine », une occupation concrète des sols qui fait craindre une campagne électorale très dure. La violence de la discussion, les polémiques qui ciblent ad hominem, et viralement, le personnel politique et, plus largement certains acteurs de la vie intellectuelle, attendent, embusquées au tournant, la bienheureuse conversation de Droite réfugiée dans sa toute-puissance aveugle et provisoire. Là, en jeu, pas du tout qu’un différentiel de styles, mais, possiblement, un affrontement dur, d’ordre passionnel, qui les mettra autrement plus en crise que sur le canapé du salon des primaires de Droite. Le pot de fleur risque bien de traverser le salon !

      Un autre dialogue entre 2 personnalités politiques, sur le canapé d’un plateau de TV : « ... Dimanche soir (27/12) sur le plateau de France 2, Daniel Cohn-Bendit a eu le malheur de tutoyer Mélenchon. Réaction furibarde du Lider Maximo :  » Monsieur Cohn-Bendit, est-ce que vous pouvez m’appeler par mon nom et pas par mon prénom, s’il vous plaît ? «  Réponse de Cohn-Bendit :  » Va te faire voir ! (...) Va tutoyer Castro ! « 
      Les supplétifs communistes sont prévenus : l’antique usage du » tu " est banni. Il n’est même pas sûr que le vouvoiement suffise. Sa Sublime Grandeur décidera.
      Source : F.P. Le Canard enchaîné 30/11/2016

  • carte Primaire de la droite et du centre : Musulmans _ Géopolitique du vote pour » Ali Juppé « 
    http://vilistia.org/archives/12866

    24 novembre 2016 Primaire de la droite et du centre : Géopolitique du vote pour » Ali Juppé » . L’analyse des résultats du premier tour montre qu’ » Ali Juppé » remporte les départements limitrophes de son implantation politique … Lire la suite →

    #ELECTIONS_FRANCAISES_2017 #UMP

  • Facebook, faux ami de la démocratie

    http://www.lemonde.fr/actualite-medias/article/2016/11/01/facebook-faux-ami-de-la-democratie_5023701_3236.html

    Quand Susanna Lazarus s’est éveillée, ce vendredi 24 juin, et qu’elle a allumé la télévision, la stupeur l’a envahie. Son pays, le Royaume-Uni, venait de choisir de quitter l’Union européenne, à près de 52 %. Pourtant, dans les jours qui précédaient, cette Londonienne de 27 ans n’avait rien vu venir. Sur Facebook, presque tous ses amis, issus comme elle de la cosmopolite capitale économique du pays, avaient partagé les arguments du « remain ». La campagne adverse, celle du « Leave », était absente de son flux. « Quand je suis allée me coucher, hier soir, je me sentais optimiste, et une grande part de cet espoir venait de l’état d’esprit que je percevais sur mes fils sociaux », a confessé cette journaliste dans un article du magazine Radio Times, au lendemain du vote. Et de conclure, amère : « Hier, mon fil Facebook m’a fait un gros mensonge ».

    Un tel témoignage prêtait bien sûr le flanc à la critique. « Franchement, si vous êtes assez bête pour faire confiance aux réseaux sociaux pour vous informer et vous forger un avis, vous méritez ce genre de surprise », l’a sévèrement tancée Rosemary, de Genève, dans les commentaires. Un autre internaute, David, a pris un peu de hauteur : « Nous avons tous tendance à échanger en priorité avec des gens qui partagent nos points de vue. » Susanna n’avait pas caché vivre dans une espèce de « bulle », entourée de gens qui lui ressemblent. Dans la région de Londres, 40 % des votants ont pourtant choisi le Leave. Mais Susanna comptait sans doute très peu d’entre eux parmi ses « amis numériques ».
    Plus d’un milliard d’utilisateurs

    Facebook nous « ment »-il, comme l’a écrit la jeune Londonienne après son douloureux réveil ? La question est devenue extrêmement sensible, à mesure que le réseau social dominant s’est mué en un lieu d’information et de débat – alors qu’il n’était à l’origine qu’une espèce de répertoire, inspiré des trombinoscopes des facs américaines. Douze ans après sa création par Mark Zuckerberg, The Social Network – pour reprendre le titre du film qui narre ses origines – compte 1,13 milliard d’utilisateurs quotidiens (dont 24 millions de Français). Et parmi eux, 44 % déclarent l’utiliser pour s’informer, selon le Reuters Institute for the Study of Journalism, de l’université d’Oxford (Royaume-Uni).

    Sur le réseau, l’intérêt pour le débat public et la politique est encore plus grand pendant les campagnes électorales, comme actuellement en France ou aux Etats-Unis. De janvier à septembre, 103 millions de personnes – soit la moitié des membres américains de Facebook − ont interagi avec des contenus concernant la présidentielle du 8 novembre. Fin 2015, la plate-forme a même mesuré que l’élection était, aux Etats-Unis, le premier sujet de conversation de ses utilisateurs, devant les attentats ou la crise des réfugiés.

    « Une chose est sûre : le débat public est sur ces plates-formes », résume Axel Calandre, responsable de la campagne numérique de Nicolas Sarkozy. Pour preuve, ces milliers de pages partisanes, outre-Atlantique, dont l’audience cumulée rivalise sur Facebook avec celle de CNN ou du New York Times, selon une enquête du New York Times Magazine. Les grands médias ne sont plus qu’une partie d’un espace public bien plus vaste, au sein duquel le réseau social américain occupe une place de plus en plus centrale.

    Or, quels que soient leurs biais, les médias traditionnels fonctionnent avec des règles qui reflètent celles des sociétés démocratiques : ils font entendre différents points de vue, s’attachent à proposer un équilibre dans les sujets qu’ils abordent, à respecter le principe du contradictoire… Dans certains cas, ils sont même soumis à une régulation, à l’image des radios et télévisions en France, qui se voient imposer par le CSA de respecter le pluralisme et l’équilibre des temps de parole en politique.

    Aucune responsabilité éditoriale

    Autant de principes qui sont étrangers à Facebook. Ce dernier n’a pas été conçu comme un média. C’est « avant tout un service qui vous permet de vous connecter avec vos amis et votre famille », prêche son responsable produit, Chris Cox, proche de Mark Zuckerberg et apôtre de Facebook parcourant le monde entier. Conséquence formulée par sa responsable des relations avec les politiques, Katie Harbath : « Nous sommes agnostiques sur le contenu, nous n’avons pas d’avis éditorial ». Facebook se présente comme « une plate-forme neutre et ouverte », insiste-t-elle.
    Facebook est avant tout une usine à publicité ciblée. Sur mobile, elle rivalise avec Google pour la première place et dégage environ 6 milliards d’euros de revenus… par trimestre.

    Le réseau réfute toute notion de responsabilité éditoriale. En revanche, il exerce bien une forme de sélection des contenus, par le biais d’un algorithme. « Notre but est de montrer à chaque personne le genre d’histoires qu’elle veut le plus voir, d’après nos indications », expose un document de référence publié en juin par Facebook pour expliciter les « valeurs » du fil d’actualité – ce flux de contenus choisis par un algorithme, que chacun voit quand il se connecte au réseau. Et de préciser : « Nous agissons ainsi non seulement parce que nous pensons que c’est la bonne chose à faire, mais aussi parce que c’est bon pour notre business ». Un rappel salutaire : Facebook est avant tout une usine à publicité ciblée. Sur mobile, elle rivalise avec Google pour la première place et dégage environ 6 milliards d’euros de revenus… par trimestre.

    Il y a donc un hiatus entre ce qu’est Facebook et ce pour quoi il est utilisé, en tout cas quand il s’agit d’information. Ce hiatus explique la mésaventure de Susanna Lazarus, et une série de prises de parole récentes pointant des effets de cloisonnement. En France, ce sont les opposants à la loi travail qui sur Facebook voient surtout des contenus confortant leur vision, sans vraie porosité avec les défenseurs du texte. Ou les adversaires du burkini qui échangent en cercle fermé, comme le font, dans le camp opposé, ceux qui dénoncent l’islamophobie. Faute d’une information commune, ces différents groupes risquent de se retrouver dans l’incapacité à débattre ensemble, ce qui est pourtant un fondement de la culture démocratique.

    Ni médiation ni équilibre

    Parfois, la logique communautaire de Facebook épouse les fractures de conflits bien plus terribles. C’est le cas en Syrie, selon le chercheur Yves Gonzalez-Quijano, spécialiste des cultures numériques du monde arabe. A l’origine, pointe-t-il, Facebook est associé à une « mythologie positive », celle des « printemps arabes » de 2011. Mais cette année-là, un faux blog, « A gay girl in Damascus », en fait tenu par un Américain, crée le trouble. Et puis, à mesure que la guerre civile s’intensifie, les fils sociaux deviennent « un cocktail explosif où les discours de haine s’entre-alimentent de vidéos glaçantes de corps en morceaux, de tortures, et autres images invérifiables ». Les clichés et les points de vue défilent, sans médiation, sans notion d’équilibre. D’où le constat posé par cet enseignant-chercheur de l’université Lumière-Lyon-II, dans un entretien à Big browser, un blog du Monde, au printemps 2016 : « On navigue à travers une succession de filtres générés par les gens que l’on “suit” ou que l’on a ajoutés à sa liste d’“amis”. On ne s’ouvre pas à tous les possibles, au contraire, on a accès à des informations filtrées par un réseau coopté. On fonctionne en circuit fermé. »

    A des milliers de kilomètres des affres syriennes, la campagne présidentielle américaine a elle aussi révélé la puissance de ces « filtres ». Aux Etats-Unis, Facebook range ses utilisateurs parmi 98 catégories politiques, afin de pouvoir vendre un ciblage très fin aux annonceurs. En mai, le Wall Street Journal a créé un outil permettant de comparer le fil d’un utilisateur classé comme « très libéral » à celui d’un autre, « très conservateur ». Résultat : deux visions du monde radicalement différentes. Par exemple, sur une question clivante comme celle de l’avortement, le fil « bleu » (libéral) remonte une vidéo des manifestations en Pologne contre son interdiction, tandis que le fil « rouge » (conservateur) renvoie vers une pétition contre le financement public du planning familial.

    Comment Facebook en vient-il à nous montrer des contenus aussi différents ? Avec son algorithme, l’entreprise californienne veut répondre à l’abondance des publications. Il s’agit de les écrémer en détectant, pour chaque utilisateur, les plus pertinentes. Pour cela, le réseau exploite les informations dont il dispose, en temps réel, pour déterminer, parmi toutes les publications des « amis » d’un utilisateur, celles avec lesquels il a la plus grande « affinité » ; mais aussi à quelle place il faut les afficher sur son fil de contenus Facebook. Parmi les milliers de critères utilisés, les plus importants dépendent du comportement individuel de l’utilisateur : ses clics, ses partages, ses likes… Mais les actions de ses amis sont aussi prises en compte. Accepter un ami sur Facebook, c’est donc accepter d’être influencé par ses choix.

    S’il ne dévoile pas le détail de son algorithme, par ailleurs quotidiennement affiné, le réseau n’en cache pas la logique générale : « Les actualités qui s’affichent dans votre fil d’actualité sont sélectionnées en fonction de votre activité et de vos contacts sur Facebook », explique l’une de ses pages d’aide, ajoutant : « Si vous avez l’impression que vous ne voyez pas toutes les actualités ou que vous voyez dans votre fil d’actualité des actualités qui ne vous intéressent pas, vous pouvez régler vos paramètres. »

    Dans les faits, peu d’utilisateurs utilisent cette possibilité. Et selon une étude publiée en 2015 par des chercheurs américains, 63 % des quarante utilisateurs interrogés ignoraient même que leur fil d’actualité était filtré par un algorithme. Ils couraient donc le risque de croire que ce qu’ils voyaient était une vision fiable de l’actualité à un instant T, alors qu’il s’agissait d’une sélection fondée sur leurs actions et celles de leurs amis.

    La création d’une « auto-propagande »

    Activiste politique et homme de médias, l’Américain Eli Pariser a donné un nom à ce phénomène : les « filter bubbles » (bulles de filtres) – titre de son ouvrage paru en 2012 (The Filter Bubble, Penguin, non traduit). Ces bulles créent selon lui une « auto-propagande ». « Vous vous endoctrinez vous-même avec vos propres opinions. Vous ne réalisez pas que ce que vous voyez n’est qu’une partie du tableau, a exposé, dans un entretien au magazine Time, l’activiste cofondateur des sites Upworthy et Avaaz.org. Et cela a des conséquences sur la démocratie : pour être un bon citoyen, il faut que vous puissiez vous mettre à la place des autres et avoir une vision d’ensemble. Si tout ce que vous voyez s’enracine dans votre propre identité, cela devient difficile, voire impossible. »

    Or, Facebook est le réseau social le plus propice aux « filter bubbles ». « Toutes les plates-formes à algorithmes sont concernées, mais Facebook concentre deux effets d’enfermement, analyse Benoît Thieulin, membre du Conseil national du numérique. Le premier effet est lié à sa nature de réseau social symétrique, qui relie des amis qui vous acceptent eux aussi comme amis, à la différence de Twitter, qui est un peu plus ouvert et vous permet de suivre des gens qui ne vous suivent pas. Le second est l’effet de l’enfermement algorithmique. »

    « La bulle, c’est nous qui la créons. Par un mécanisme typique de reproduction sociale. Le vrai filtre, c’est le choix de nos amis, plus que l’algorithme de Facebook. » Dominique Cardon, chercheur
    Pour contrer ces critiques, le réseau social a fait publier dans la prestigieuse revue Science, en mai 2015, une vaste étude mesurant « l’exposition à une information diverse sur Facebook », fondée sur l’observation de ses utilisateurs se déclarant « conservateurs » ou « libéraux » (soit 9 % des membres de Facebook aux Etats-Unis). Ses résultats confirment une polarisation de la circulation des contenus, mais battent aussi en brèche certaines idées reçues.

    Selon l’étude, s’ils étaient exposés de façon aléatoire aux contenus partagés sur Facebook, les « conservateurs » en verraient 45 % qui ne sont pas majoritairement partagés par les gens de leur bord politique, et les « libéraux » 40 %. Mais comme les membres n’ont accès qu’aux publications partagées par leurs « amis », cette proportion de contenu « différent » tombe à 34 % pour les « conservateurs » et 23 % pour les « libéraux ». Ensuite, la sélection opérée par l’algorithme rabote encore les chiffres à 33 % et 22 %. Enfin, si l’on ne compte que les liens sur lesquels les utilisateurs cliquent finalement, les proportions descendent à 29 % et 20 %.

    Quelles conclusions tirer ? « Sur Facebook, vous êtes exposé à une large diversité de contenus, interprète Katie Harbath. Il n’y a pas que des pro-Clinton et des pro-Trump discutant entre eux. Il y a une zone commune. » Et l’effet de bulle ? « Il est proche de celui qu’on rencontre dans la vraie vie, répond cette ancienne de la campagne présidentielle du républicain Rudy Giuliani. Chacun a des amis qui pensent comme lui mais aussi d’autres qui ont des opinions différentes. »

    « La leçon de l’étude de Facebook, c’est que le filtre est en nous, sourit Dominique Cardon, chercheur au laboratoire des usages d’Orange et auteur de A quoi rêvent les algorithmes ? (Seuil, octobre 2015). La bulle, c’est nous qui la créons. Par un mécanisme typique de reproduction sociale. Le vrai filtre, c’est le choix de nos amis, plus que l’algorithme de Facebook. »

    Une reproduction de la société

    Selon certains travaux, le cercle des amis Facebook, souvent acceptés rapidement et sans engagement, est plus large que celui des gens régulièrement côtoyés dans la vraie vie, et donc plus hétérogène, sauf pour les individus les plus politisés. En revanche, comme l’indique une étude du Pew Research Center parue fin octobre, une majorité d’Américains jugent « stressant et frustrant » le fait de parler de politique, sur les réseaux sociaux, avec des gens d’un autre bord, en raison notamment du ton.

    Historien des médias, Patrick Eveno rappelle que la recherche d’un entre-soi est ancienne : « Le lecteur assidu de L’Humanité dans les années 1950 ne regardait ni Le Figaro, ni Le Monde, ni La Croix ; et réciproquement ». Une différence de taille, toutefois : le cloisonnement entre lecteurs de journaux était un choix actif, une inscription assumée dans une famille de pensée politique. Celui de Facebook est subi et parfois inconscient.

    Les défenseurs du réseau estiment donc qu’il ne fait que reproduire la société : « Cela fait vingt ans que les Etats-Unis se polarisent de plus en plus politiquement », souligne Katie Harbath. Le logiciel ne ferait que refléter un champ démocratique fracturé, composé de différentes tribus antagonistes, comme le Tea Party ou le courant Alt-Right américains.

    Cette fragmentation est accentuée par les effets du marketing politique, devenu intense sur Facebook, même si, pour les groupes qui l’utilisent, il est aussi un moyen de sortir de leur cercle d’habitués. Une partie de la publicité est en effet acquise par des partis, candidats ou lobbies qui « sponsorisent » des billets adressés à des internautes ciblés en fonction de leur âge, leur sexe, leurs centres d’intérêt, leur lieu de résidence, leur profession… Par exemple, dans la campagne française, à droite, Alain Juppé, Nicolas Sarkozy ou François Fillon peuvent faire parvenir leur programme sur la santé à des gens qui ont aimé la page d’une organisation de médecins généralistes, ou la vidéo d’un discours sur l’éducation à des enseignants.

    Massive aux Etats-Unis, cette publicité politique est également généralisée en France, mais interdite dans les six mois qui précèdent une élection – en l’occurrence depuis le 1er octobre pour ce qui concerne la présidentielle de 2017 (dont le premier tour aura lieu le 23 avril). « En période de campagne, Facebook permet surtout d’augmenter la mobilisation au sein d’une bulle, pas forcément de propager ses idées à des poches très variées », estime Elliot Lepers, spécialiste des campagnes en ligne, notamment contre la loi El Khomri ou pour la candidate écologiste Eva Joly. « Avec le jeu des partages, les communautés qu’on peut toucher sont malgré tout plus larges qu’avant l’arrivée des réseaux sociaux », nuance Gautier Guignard, responsable numérique de la campagne de François Fillon, qui comme Alain Juppé a 150 000 fans sur sa page Facebook officielle, Nicolas Sarkozy culminant, lui, à près d’un million.

    L’algorithme n’a pas de « conscience politique »

    En matière politique, la quête d’audience se fait avec les mêmes règles que dans d’autres domaines, et la plate-forme a la réputation de favoriser les contenus les plus simplistes ou les plus tranchés. Un travers lié à la mécanique du share : les contenus déclenchant une émotion chez l’utilisateur sont plus partagés que les autres, et donc mieux traités par l’algorithme. Cette « règle du jeu » a un impact sur la production des médias, mais aussi l’expression des politiques. Jusqu’à l’Elysée, où François Hollande s’est mis depuis l’été à publier, sur Facebook, des messages personnels, rompant avec son registre de communication précédent, plus institutionnel.

    Certains acteurs sont des spécialistes de ces logiques de buzz : les milliers de pages militantes non officielles qui, aux Etats-Unis ou en France, se sont taillé une place centrale sur certains créneaux, par exemple la Manif pour tous ou l’antihollandisme – une page comme « Hollande dégage » rassemblant plus de 800 000 fans. « Sur Facebook, la prime au partage et aux commentaires s’applique aux contenus qui génèrent une joie hors-norme ou une rage profonde, ou qui deviennent viraux, qu’il s’agisse de canulars, de théories du complot, de photos de bébés ou d’informations importantes », a décrit Zeynep Tufekci dans une chronique parue, en mai, dans le New York Times. La professeure assistante à l’université de Caroline du Nord souligne, comme une conséquence, que sur le réseau créé par Mark Zuckerberg, « Donald Trump s’en sort mieux que les autres candidats ».

    « Actuellement, on a l’impression que ceux qui profitent le plus de la situation, c’est Trump et Daech [acronyme arabe de l’organisation Etat islamique] », résume abruptement Benoît Thieulin. En France, a été mise en évidence de longue date l’importance de la « fachosphère », cette nébuleuse d’extrême droite très active en ligne, à laquelle les journalistes Dominique Albertini et David Doucet viennent de consacrer un livre (La Fachosphère, Flammarion, 336 pages, 20,90 euros). Or ceux qui se vivent comme les soldats de ce qu’ils appellent la « réinformation » ont intégré le fait que les algorithmes « n’ont pas de conscience politique » et traitent toutes les opinions sur un pied d’égalité. Avant l’extrême droite, d’autres groupes minoritaires dans les médias, comme les altermondialistes, le camp du « non » au référendum européen de 2005 ou les défenseurs des libertés sur Internet, ont aussi profité des réseaux pour bénéficier de relais qu’ils trouvaient difficilement ailleurs, rappelle Benoît Thieulin, qui, comme les responsables numériques des candidats à la primaire de droite, pointe le « progrès démocratique » d’abord apporté par Facebook.

    Sensible aux pressions

    La radicalité constatée sur les réseaux sociaux est le fruit d’un travail d’occupation mené par des militants s’estimant lésés par les médias traditionnels. Dans cette bataille souterraine, Facebook pose peu de limites et la popularité des contenus prime sur leur véracité – c’est là un autre travers du réseau. Au point qu’est évoquée l’émergence d’une société de la « post-vérité », selon le titre d’une tribune remarquée de Katherine Viner, rédactrice en chef du Guardian. Certes, les fausses informations ne datent pas d’hier, reconnaît-elle dans ce texte écrit après le traumatisme d’une campagne du Brexit pleine de faux-semblants : « Ce qui est nouveau, c’est qu’aujourd’hui, les rumeurs et les mensonges sont autant lus que les faits gravés dans le marbre – et parfois même plus. » La conclusion fait écho à la vérification menée par le site Buzzfeed sur 1 000 publications de six grandes pages Facebook ultra-partisanes américaines : 38 % des contenus étaient « partiellement faux ou trompeurs » sur les pages de droite, 19 % sur celles de gauche.

    En France, un candidat à la primaire de la droite et du centre s’est ouvertement plaint d’être la cible de « fadaises » sur Facebook, notamment : « Les réseaux sociaux sont, en quelque sorte, la poubelle de l’univers, a osé Alain Juppé, dans le Journal du dimanche. A les lire, je serais “Ali Juppé”, je serais “marié avec une musulmane”, je serais “le grand mufti de Bordeaux”, j’aurais construit “la plus grande mosquée d’Europe”… » L’équipe du candidat songe d’ailleurs à lancer une « cellule » de démontage de rumeurs inspirée des rubriques de « fact-checking » de la presse, comme Les Décodeurs du Monde ou Desintox de Libération, explique Eve Zuckerman, la responsable de sa campagne numérique.

    Face aux critiques, Mark Zuckerberg campe jusqu’ici sur ses positions : « Nous sommes une entreprise de technologie, pas un média », a répété le tutélaire fondateur de Facebook, fin août, alors qu’en Allemagne, certains l’accusaient de ne pas combattre assez activement les propos haineux. Mais la question des responsabilités que doit assumer l’entreprise, en contrepartie de son rôle croissant dans l’information et le débat public, est désormais clairement posée. Et malgré son discours invariant, Facebook n’est pas insensible aux pressions : il a fini par assouplir sa ligne en autorisant la circulation de « La petite fille au napalm », célèbre photographie de Nick Ut, symbole de la guerre du Vietnam, après une censure initiale pour cause de nudité. Il s’est aussi lancé avec Google et une large coalition de médias – dont Le Monde – dans le projet Firstdraft, qui vise à combattre les informations manipulées.

    Une « maladie infantile » des réseaux sociaux

    Au-delà, certains réclament une forme de régulation ou de « pondération », des logiciels des plates-formes. « Vos algorithmes doivent donner une place aux opinions opposées et aux informations importantes, pas seulement à ce qui est le plus populaire ou le plus auto-convaincant », avait lancé Eli Pariser aux patrons de Facebook ou Google, lors de sa conférence de 2011. Mais les utilisateurs le veulent-ils ?

    La connaissance du fonctionnement des algorithmes, et donc de Facebook, est pour beaucoup devenu un enjeu démocratique. « Je suis d’avis que les algorithmes doivent être plus transparents afin que les citoyens soient conscients des effets qu’ils peuvent avoir sur leur utilisation des médias », a ainsi tenu à déclarer la chancelière allemande Angela Merkel lors de l’ouverture des journées des médias à Munich, le 25 octobre. « Il faut connaître leur préconception du monde », argumente Bruno Patino, directeur éditorial d’Arte. MM. Thieulin et Cardon, comme d’autres, insistent sur le besoin de développer en France une « culture critique » et une « éducation » aux algorithmes.

    « Après une période où les technologies ont amené un grand progrès dans le débat public, on vit une période de ressac, pense Benoît Thieulin. On a l’impression d’être face à une maladie infantile des réseaux sociaux, avec des débats en temps réel superficiels, du complotisme… On n’a pas encore trouvé comment la soigner. Mais ça ne veut pas dire que les réseaux sont en soi mauvais pour le débat démocratique. »