Eurocrise :
Une Allemagne imprévisible enfermée dans sa légende
par Rafael Poch *
La série d’entreprises allemandes en faillite entre janvier et juillet touche plus de 150.000 salariés, le double de l’an dernier.
Merkel part en vacances en laissant le mécanisme de torture activé. L’Espagne et l’Italie, les « vainqueurs »de la dernière rébellion de Bruxelles : vous, vous souvenez ? - paient cher leur défi. Le « financement direct aux banques » s’est trouvé être en carton pâte, mais l’offense se paie par la pression sur les intérêts. L’Europe de Draghi (« l’état-providence est passé à la postérité ») et de Merkel (« l’Europe parle allemand ») change les gouvernements (Berlusconi, Papandreou) avec des procédés gangstérisés et impose une discipline à la périphérie avec une torture destinée à racheter les fautes. En Grèce, on signale déjà la porte de sortie de l’euro : peut-être en septembre.
L’establishment de l’Allemagne et de Bruxelles préside, fondamentalement, un grand transfert européen d’argent des citoyens à l’oligarchie financière et bancaire. Les « sauvetages » et les « secours » consistent en cela. Il exerce parallèlement un transfert de pouvoir et de souveraineté, depuis les États de l’Europe périphérique les plus affaiblis par la récession, vers des institutions européennes non élus dans lesquelles l’Allemagne est le plus fort associé. Sa stratégie est doublement non-solidaire : dans le domaine social et au niveau national. Cela crée les bases pour une vaste contestation de la politique européenne, tant depuis le front social que national de pays, et détruit le prestige que l’Allemagne a su récupérer depuis l’après-guerre.
La peur et les médias soutiennent Merkel
En quelques mois, l’Allemagne et ses gouvernants sont vus, encore une fois, comme le nouveau problème de l’Europe. Les médias allemands délirent et vendent tout le contraire : le conte d’Angela aux pays de merveilles.
La télévision publique allemande Phoenix a récemment diffusé un programme sur la popularité d’Angela Merkel en Europe, avec des entretiens dans les rues à Paris, à Athènes et à Rome dans lesquels les gens se répandaient en éloges. Dans son édition du « week-end », Handelsblatt, l’un des principaux quotidiens économiques, consacre sa couverture et huit pages à l’admiration que la chancelière suscite en Europe. « Admirée », tel est le kafkaïen titre de couverture, appuyé par des enquêtes de l’eurobaromètre.
Bien que l’ombre que la chancelière projette en Europe manifestement grandisse, la presse allemande évite tout traitement critique et les sondages publient, une semaine après l’autre, de nouveaux records de popularité de 60 % mélangés à des étranges pronostics, comme 80 %, que les choses vont aller de mal en pis.
« Tout rappelle un pays de conte des fées qui déborde de paradoxes et d’absurdités : depuis 1945 aucun homme politique allemand n’avait été traité de façon si acritique », dit l’analyste indépendant Jens Berger.