Citations tiré du #livre « Le ventre de l’Atlantique » de #Fatou_Diome :
« Mais combien de kilomètres, de journées de labeur, de nuits d’insomnie me séparent encore d’une hypothétique réussite qui, pourtant va tellement de soi pour les miens, dès l’instant que je leur ai annoncé mon départ pour la France ? J’avance, les pas lourds de leurs rêves, la tête remplie des miens. J’avance, et ne connais pas ma destination. J’ignore sur quel mât on hisse le drapeau de la victoire, j’ignore également les grandes eaux capables de laver l’affront de l’échec »
Fatou Diome, Le ventre de l’Atlantique, Editions Anne Carrière, 2003, p.14.
« Il y a des musiques, des chants, des plats qui vous rappellent soudain votre condition d’exilé, soit parce qu’ils sont trop proches de vos origines, soit parce qu’ils en sont trop éloignés. Dans ces moments-là, désireuse de rester zen, je deviens favorable à la mondialisation, parce qu’elle distille des choses sans identité, sans âme, des choses trop édulcorées pour susciter une quelconque émotion en nous. La nostalgie est mon lot, je dois l’apprivoiser, garder dans mes tiroirs à reliques la musique de mes racines tout comme les photos de ceux des miens à jamais couchés sous le sable chaud de Niodior ».
Fatou Diome, Le ventre de l’Atlantique, Editions Anne Carrière, 2003, p.37.
« Le tiers-monde ne peut voir les plaies de l’Europe, les siennes l’aveuglent ; il ne peut entendre son cri, le sien l’assourdit. Avoir un coupable atténue la souffrance, et si le tiers-monde se mettait à voir la misère de l’Occident, il perdrait la cible de ses invectives. Pour Madické, vivre dans un pays développé représentait en soi un avantage démesuré que j’avais par rapport à lui, lui qui profitait de sa famille et du soleil sous les tropiques. Comment aurais-je pu lui faire comprendre la solitude de l’exil, mon combat pour la survie et l’état d’alerte permanent où me gardaient mes études ? N’étais-je pas la feignante qui avait choisi l’éden européen et qui jouait à l’éternelle écolière à un âge où la plupart de mes camarades d’enfance cultivaient leur lopin de terre et nourrissaient leur progéniture ? Absente et inutile à leur quotidien, à quoi pouvais-je servir, sinon à leur transvaser, de temps en temps, un peu de ce nectar qu’ils supposaient étancher ma soif en France ? Le sang oublie souvent son #devoir, mais jamais son droit. Il me dictait sa loi. Ayant choisi un chemin complètement étranger aux miens, je m’acharnais à tenter de leur en prouver la validité. Il me fallait ’réussir’ afin d’assumer la fonction assignée à tout enfant de chez nous : servir de sécurité sociale aux siens. Cette obligation d’assistance est le plus gros fardeau que traînent les émigrés. Mais, étant donné que notre plus grande quête demeure l’amour et la reconnaissance de ceux que nous avons quittés, le moindre de leurs caprices devient un ordre »
Fatou Diome, Le ventre de l’Atlantique, Editions Anne Carrière, 2003, pp.44-45.
« En Europe, mes frères, vous êtes d’abord noirs, accessoirement citoyens, définitivement étrangers, et ça, ce n’est pas écrit dans la Constitution, mais certains le lisent sur votre peau ».
Fatou Diome, Le ventre de l’Atlantique, Editions Anne Carrière, 2003, p.176.
#xénophobie
« La #gauche reste notre mère à nous, les humbles, mais c’est une mère qui trop souvent nous refuse son lait et se contente d’exhiber ses beaux seins »
Fatou Diome, Le ventre de l’Atlantique, Editions Anne Carrière, 2003, p.178.
« L’#exil, c’est mon #suicide_géographique. L’ailleurs m’attire car, vierge de mon histoire, il ne me juge pas sur la base des erreurs du destin, mais en fonction de ce que j’ai choisi d’être : il est pour moi gage de liberté, d’autodétermination »
Fatou Diome, Le ventre de l’Atlantique, Editions Anne Carrière, 2003, p.226.
« Partir, c’est mourir d’#absence. On revient, certes, mais on revient autre. Au retour, on cherche, mais on ne retrouve jamais ceux qu’on a quittés. La larme à l’œil, on se résigne à constater que les masques qu’on leur avait taillés ne s’ajustent plus. Qui sont ces gens que j’appelle mon frère, ma sœur, etc.? Qui suis-je pour eux ? L’intruse qui porte en elle celle qu’ils attendent et qu’ils désespèrent de retrouver ? L’étrangère qui débarque ? La sœur qui part ? Ces questions accompagnent ma valse entre les deux continents »
Fatou Diome, Le ventre de l’Atlantique, Editions Anne Carrière, 2003, p.227.
« Je cherche mon pays là où on apprécie l’être-additionné, sans dissocier ses multiples strates. Je cherche mon pays là où s’estompe la #fragmentation_identitaire »
Fatou Diome, Le ventre de l’Atlantique, Editions Anne Carrière, 2003, p.254.
#identité #migrations #ceux_qui_restent #devoir #responsabilité