person:anne lambert

  • Le mécanicien de rue, un expert de la « débrouille » au cœur de la précarité, Denis Giordano
    http://theconversation.com/le-mecanicien-de-rue-un-expert-de-la-debrouille-au-coeur-de-la-prec

    Le mécanicien de rue désigne les individus qui se proposent pour réparer de véhicules, travaillant sans licence, avec un outillage limité et qui s’installent sans autorisation dans des espaces publics ou privés, en comptant sur la bienveillance des riverains. (...)

    Les mécaniciens de rue font partie du très hétérogène ensemble des travailleurs et travailleuses qui vivent grâce à des activités de l’#économie_informelle, c’est-à-dire hors de toute formalisation législative et administrative, ne respectant pas le code du travail ni les règles fiscales.

    L’ampleur et les frontières de l’économie informelle échappent à une définition claire et à sa quantification, même si son poids est estimé à 6,6 % du PIB français par l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE). En 2012, l’économiste Friedrich Schneider calculait qu’en France ce ratio avait augmenté de 11,1 % à 11,7 %, et plus largement qu’il augmentait en Europe en raison de la crise économique de 2008-2009, comme le rappelle Le Figaro.

    Mel, Guy et Daimou

    Après avoir observé le #travail de plusieurs #mécaniciens_de_rue et devant les difficultés à créer des liens de confiance avec eux, j’ai pris la décision de m’engager directement à leurs côtés : j’ai participé aux réparations, en devenant l’assistant de trois d’entre eux.

    Mel, 58 ans qui faisait également quelques missions ponctuelles en tant que brancardier dans un hôpital parisien ; Guy, 41 ans, ancien garagiste au chômage ; Daimou, 23 ans et sans papier qui vivait des réparations parfois réalisées avec un ami. Les trois obtiennent par cette activité une partie indispensable de leur #revenu.

    Cette observation participative s’inscrit notamment dans la suite des démarches de recherche proposées par les sociologues Loïc Wacquant et Nicolas Jounin qui a plus particulièrement étudié le thème de la précarité et de l’immigration sur les chantiers.

    Se confronter aux aléas d’une activité « de rue »

    Travailler comme mécanicien de rue signifie se confronter aux aléas d’une activité « de rue », avec ses imprévus et sa #précarité, en plus de s’exposer aux duretés des longues heures à l’extérieur sans bénéficier d’un outillage adéquat.

    J’ai ainsi réalisé que leur travail dépend beaucoup de la capacité à éviter les plaintes des riverains liées aux nuisances occasionnées, comme les bruits, la saleté et le dérangement dû à la circulation des voitures et des gens.

    Il est également dangereux de rester allongé pendant des heures au sol sous une voiture soulevée par un simple cric ou de maigres béquilles ; le mal de dos devient un ennemi insidieux. Or, le corps est un capital fragile que l’on doit soigner pour continuer à travailler.

    Des figures familières

    Les mécaniciens que j’ai côtoyés deviennent des figures familières dans le quartier où ils travaillent, ils entretiennent des relations avec les clients et les différentes figures du monde de la réparation (garagistes, gérants de casse-auto ou de contrôle technique, vendeurs de pièces…).

    Les garagistes rencontrés ne les voient pas seulement comme des concurrents déloyaux (par leurs bas prix), mais comme des figures qui offrent un type de service spécifique sans les garanties et les qualités des garages.

    Les mécaniciens de rue sont sollicités surtout par ceux qui possèdent un véhicule défaillant et dont ils veulent prolonger « la vie » sans avoir les ressources financières suffisantes. Dans ces quartiers il est ainsi fréquent de croiser des voitures avec des pièces installées d’une autre couleur, de pare-chocs rafistolés ou de la fumée noire sortir du pot d’échappement.

    Les pièces détachées en vrac, la ferraille, la fumée noire font partie du quotidien de ces hommes improvisés mécaniciens.
    Les mois sur le terrain m’ont familiarisé aux réparations, mais également aux #services offerts par les mécaniciens. Préparer et accompagner les voitures aux contrôles techniques, se déplacer rapidement pour des dépannages, récupérer des pièces d’occasions dans les casses-auto, suivre la manutention ordinaire et extraordinaire du véhicule constituent des activités qui vont bien au-delà de la simple exécution des réparations.

    Leur capacité à mettre en place une multiplicité de services confère une continuité à leur activité en valorisant leur compétence. Disposer d’un réseau de connaissances devient aussi indispensable que la maîtrise des moteurs.

    « Entrepreneur de soi » au cœur de la précarité

    Leurs pratiques de travail nous montrent à quel point les mondes de l’économie formelle et informelle sont imbriqués : les mécaniciens de rue exécutent des réparations selon la « débrouille » de la rue, mais ils participent pleinement au marché de la réparation. La nature formellement illicite de leurs activités, en particulier dans des lieux où la précarité de revenu et de travail sont monnaie courante, n’est pas perçue comme telle par ceux qui les sollicitent.

    Les pratiques des mécaniciens de rue se montrent aussi éloignées des formes de travail subordonné, d’exécution et répétitif. Leur confrontation quotidienne aux imprévus, à la multi-activité et la nécessité de contacts et de collaborations les rapprochent plus de la figure de l’« entrepreneur de soi ».

    « L’#entreprise_de_soi », un nouveau mode de gestion politique des #classes_populaires ? Analyse croisée de l’accession à la propriété et de l’auto-emploi (1977-2012), Sarah Abdelnour et Anne Lambert
    https://www.cairn.info/revue-geneses-2014-2-page-27.htm

    Une figure aujourd’hui soutenue par les politiques d’activation de l’#emploi orientées à diffuser une vision entrepreneuriale sans trop se soucier de la précarité de celles et ceux qui, surtout dans les quartiers populaires, cherchent à travailler de manière indépendante.

    #entrepreneur_de_soi

  • Hier soir (18.02.2015), une fois n’est pas coutume, j’ai regardé Temps présent et notamment cette émission :

    http://www.rts.ch/emissions/temps-present/economie/7389121-apprentis-se-lever-tot-pour-gagner-peu.html

    Ce matin, j’ai transcrit les propos de M. Taddei, Responsable Suisse romande de l’Union patronale suisse. Voilà ce qu’il a dit (minute 21’02)… Je vous promets que je n’ai rien inventé !

    Intro du journaliste :
    « En #Suisse aujourd’hui on estime que 200’000 petites mains, un CFC en poche, ne gagnent pas plus que 4000 CHF par mois, même lorsqu’il y a des conventions collectives de travail. Beaucoup sont des femmes »

    Journaliste : « Ce n’est pas choquant que ces femmes n’aient pas un salaire plus important pour le travail qu’elles font ? »

    #Marco_Taddei, Responsable Suisse romande de l’#Union_patronale_Suisse : « Je ne pense pas que c’est choquant. C’est le reflet d’une situation aujourd’hui en Suisse dans les branches que vous mentionnez : voilà ce que l’employeur peut payer pour pouvoir surtout maintenir cette personne en emploi. C’est une chose qu’il faut souligner : ces personnes ont un emploi. Et puis la situation individuelle doit être examinée dans le détail, notamment si cette personne vit seule ou est en ménage et peut bénéficier d’un salaire d’un mari ou d’un conjoint qui lui permet d’avoir une vie tout à fait convenable. »

    Journaliste : « On gagne 4000 CHF et du coup tout va bien parce qu’on a un mari qui gagne 6000 ? »

    Marco Taddei : « Si votre mari gagne 6000, vous êtes tranquille. C’est cela que je veux dire »

    Conclusion du journaliste…
    « Une réponse pour le moins surprenante, comme si le temps s’était arrêté au siècle dernier »

    #travail #femmes #genre #sexisme #Suisse #salaire #choquant #scandaleux #égalité #inégalité
    cc @mad_meg

    • J’ai écrit à la RTS pour les remercier de la prise de position du journaliste, qui m’a répondu :

      Merci pour votre message et vos remerciements.
      Au plaisir de savoir ce que l’UPS vous répondra.

      Je dois par contre encore écrire à l’Union patronale suisse... je le ferai dans les prochains jours.

    • Bon, j’ai été courte... mais voilà...

      Monsieur le directeur de l’Union Patronale suisse, Madame, Monsieur,

      je suis profondément choquée et déçue par les propos qu’a tenu votre représentant, M. Taddei, lors de l’émission Mise au Point (RTS) du 18 février passé.

      Pour rappel, M. Taddei a répondu ainsi à la question du journaliste qui lui demandait si il n’était pas choqué de savoir que les femmes interviewées dans le reportage n’aient pas un salaire plus important pour le travail qu’elles font :

      « Je ne pense pas que c’est choquant. C’est le reflet d’une situation aujourd’hui en Suisse dans les branches que vous mentionnez : voilà ce que l’employeur peut payer pour pouvoir surtout maintenir cette personne en emploi. C’est une chose qu’il faut souligner : ces personnes ont un emploi. Et puis la situation individuelle doit être examinée dans le détail, notamment si cette personne vit seule ou est en ménage et peut bénéficier d’un salaire d’un mari ou d’un conjoint qui lui permet d’avoir une vie tout à fait convenable. »

      Ces propos sont choquants à deux niveaux, car ils se positionnent contre les travailleurs ET contre les femmes :
      – comment l’Union patronale peut accepter que des travailleurs soient payés en dessous du minimum vital et se contenter de constater que « c’est déjà bien que ces personnes aient un travail ». Défendre cette thèse c’est accepter qu’il y ait des personnes qui, tout en travaillant, ne peuvent pas subvenir à leurs besoins !
      – comment l’Union patronale peut accepter qu’un de ses représentants tienne des propos sexistes dignes des années dans lesquelles en Suisse les femmes n’avaient même pas droit au vote. Chaque travail doit être rémunéré non pas en fonction de la situation familiale du travailleur, mais bien en fonction du travail fourni ! Cela devient encore plus dramatique quand, et ce n’est pas si rare, les femmes qui se voient imposer un salaire de misère vivent seules et parfois avec des enfants.

      En tant que femme travailleuse, je suis indignée par les propos tenus par votre représentant.

      J’ose espérer que votre institution se démarque clairement de ces propos.

      En attendant une réaction de votre part, je vous prie d’agréer, Monsieur le directeur de l’Union Patronale suisse, Madame, Monsieur, mes salutations les plus distinguées.

      On verra si ils répondent... mais je vais probablement écrire à nouveau si jamais...

  • L’habitat pavillonnaire à rebours des idées reçues - Métropolitiques
    http://www.metropolitiques.eu/L-habitat-pavillonnaire-a-rebours.html

    S’appuyant sur une enquête approfondie dans un lotissement périurbain de la région lyonnaise, Anne Lambert analyse les effets des politiques de soutien à l’accession à la propriété. Loin des représentations stéréotypées du périurbain, elle montre comment l’habitat pavillonnaire contemporain fait cohabiter une population hétérogène – en termes de classe, de sexe ou d’origine – dont elle affecte diversement les trajectoires.

    #logement #territoire

    • Anne Lambert montre, à travers des statistiques, des enquêtes de terrain et des témoignages qu’en alimentant la périurbanisation des classes populaires, l’accès à la propriété pour ces dernières transforme leurs conditions d’existence : endettement, éloignement des bassins d’emplois et des réseaux d’entraide, mixité conflictuelle, repli des femmes, etc.

      #audio