person:antoine bozio

  • Gilets Jaunes : regards sur une crise | Inscriptions | EHESS
    https://www.ehess.fr/fr/regards-sur-une-crise

    Du 23 janvier au 11 février, en partenariat avec France Culture, l’Ecole des hautes études en sciences sociales propose une série de conférences gratuites et ouvertes au public avec des chercheurs de différentes disciplines et des journalistes pour réfléchir collectivement au mouvement et confronter les lectures de l’événement.

    Afin d’éviter une trop forte affluence, une inscription préalable vous est demandée, dans la limite des places disponibles.

    GILETS JAUNES ET CLASSES POPULAIRES ?
    Mercredi 23 janvier de 18h-20h30.

    Intervenants :
    • Florence Aubenas (sous réserve), journaliste au Monde , auteure de Le quai de Ouistreham (Éditions de l’Olivier, 2010)
    • Isabelle Coutant (CNRS), auteure de Les migrants en bas de chez soi (Seuil, 2018)
    • Julian Mischi (INRA), co-auteur, avec Ivan Bruneau, Gilles Laferté et Nicolas Renahy, de Mondes ruraux et classes sociales (Éditions de l’EHESS, 2018)
    • Gérard Noiriel (EHESS), auteur d’Une histoire populaire de la France (Agone, 2018)

    REVENDICATIONS, MOBILISATIONS, RÉPRESSIONS
    Lundi 4 février de 18h à 20h30

    Intervenants :
    • Guillaume Duval, journaliste à Alternatives économiques
    • Cédric Moreau de Bellaing (ENS), auteur de Force publique. Une sociologie de l’institution policière (Économica, 2015)
    • Danielle Tartakowsky (Paris 8), auteur avec Michel Margayraz de L’État détricoté. De la Résistance à la République en Marche (Éditions du détour, 2018)

    UNE CRISE DE LA DÉMOCRATIE
    Jeudi 7 février de 18h à 20h30

    Intervenants :
    • Julia Cagé (Sciences Po), auteure de Le Prix de la Démocratie (Fayard, 2018)
    • Olivier Christin (Université de Neuchâtel), auteur de Vox Populi. Une histoire du vote avant le suffrage universel (Seuil, 2014)
    • Magali Della Sudda (CNRS), membre d’un collectif de chercheurs enquêtant sur les gilets jaunes

    INÉGALITÉS ET JUSTICE SOCIALE
    Lundi 11 février de 18h à 20h30

    Intervenants :
    • Antoine Bozio (EHESS), auteur d’Économie des politiques publiques (La Découverte, 2018)
    • Rachel Renault (Université du Maine), auteure de La permanence de l’extraordinaire. Fiscalité, pouvoirs et monde social en Allemagne aux XVIIe-XVIIIe siècles (Editions de la Sorbonne, 2017)
    • Alexis Spire (CNRS), auteur de Résistances à l’impôt, attachement à l’Etat. Enquête sur les contribuables français, Paris (Seuil, 2018)

  • Revenu de base : treize départements français veulent tenter l’aventure, Elise Barthet, LE MONDE ECONOMIE | 06.06.2018
    https://abonnes.lemonde.fr/emploi/article/2018/06/06/solidarite-treize-departements-veulent-experimenter-le-revenu-de-bas

    Ce versement automatique sous condition de ressources permettrait, selon eux, d’être plus efficace que les aides actuelles. Ils souhaitent soumettre un texte de loi d’expérimentation à l’automne.

    On le croyait moribond, presque enterré, victime collatérale de la campagne présidentielle. Mais le revenu de base, promu par Benoît Hamon, qui en avait fait sa proposition phare, bouge encore. Il pourrait bientôt, si le gouvernement le permet, se déployer à l’échelle locale dans certains territoires français.

    C’est, en tout cas, ce qu’espèrent les treize présidents de conseils départementaux (Ardèche, Ariège, Aude, Dordogne, Gers, Gironde, Haute-Garonne, Ille-et-Vilaine, Landes, Lot-et-Garonne, Meurthe-et-Moselle, Nièvre et Seine-Saint-Denis) qui devaient présenter, mercredi 6 juin à Bordeaux, une étude de faisabilité à laquelle Le Monde a eu accès. L’objectif : aboutir à un texte de loi d’expérimentation, permettant de le tester sur un échantillon de 20 000 personnes à l’automne.

    Lire aussi : Revenu de base : « C’est comme si une porte s’était ouverte »
    https://abonnes.lemonde.fr/economie/article/2018/06/06/revenu-de-base-c-est-comme-si-une-porte-s-etait-ouverte_5310498_3234

    Une idée aux contours élastiques

    Ses promoteurs savent qu’ils avancent en terrain miné. Le revenu de base est une vieille idée aux contours pour le moins élastiques. Dans sa version libérale, popularisée par l’économiste américain Milton Friedman, il est pensé comme un impôt négatif se substituant aux prestations sociales. Les sociaux-démocrates, à l’inverse, l’envisagent comme un complément d’aides. D’autres, enfin, militent pour en faire un socle qui libérerait les travailleurs du salariat.

    Le point mérite d’être souligné : quand ils parlent de revenu de base, les départements prêchent, eux, pour une allocation qui, dans sa version minimale, remplacerait le RSA et la prime d’activité. Un versement mensuel automatique sans contrepartie, mais sous condition de ressources et qui ne bénéficierait donc pas à tous.

    « Inconditionnel ne veut pas dire universel, insiste Jean-Luc Gleyze, président socialiste de la Gironde. On n’imagine pas une seconde que les Rothschild touchent le revenu de base. L’idée, c’est de viser ceux qui ont peu et ceux qui n’ont rien. »
    En d’autres termes, les plus précaires et notamment les travailleurs pauvres, qui enchaînent les contrats courts, comme les aides à domicile, les saisonniers, les jeunes agriculteurs…

    Comment mieux les aider ? « Je n’ai aucun dogme, assure l’élu aquitain. Bien sûr, on va nous accuser de vouloir payer des allocations à tous les cas sociaux. Le but n’est pas de mettre en application le programme de Benoît Hamon, mais de revoir les dispositifs de lutte contre la pauvreté. Pour évaluer correctement une politique, il faut la tester. » Les départements, chargés aujourd’hui de la distribution du revenu de solidarité active (RSA), semblent le niveau idéal. Reste à savoir sur quelles bases.

    Une première en France

    C’est justement ce que l’Institut des politiques publiques (IPP) s’est efforcé de modéliser en s’appuyant, pour la première fois en France, sur les données de l’administration fiscale et les enquêtes de l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee).

    Trois grandes variables ont été retenues pour ce revenu de base : l’élargissement du dispositif aux jeunes dès 18 ou 21 ans, la prise en compte ou non des aides au logement et, enfin, le niveau de dégressivité en fonction des revenus additionnels. Pour le directeur de l’IPP, l’économiste Antoine Bozio, qui a chapeauté l’étude, le but, quel que soit le scénario retenu, est de pallier les failles les plus béantes du système.

    Scénario 1 du revenu de base

    Scénario 2 du revenu de base


    L’automaticité des versements mensuels aurait l’avantage de réduire considérablement les #non-recours. Pour mémoire, entre 30 et 40 % des personnes éligibles au RSA « socle » n’en bénéficient pas aujourd’hui car ils n’en font pas la demande. En outre, les jeunes en sont pour l’essentiel exclus alors que la part des 18-24 ans vivant sous le seuil de pauvreté avoisine 16 %. Un taux deux fois plus élevé que celui des 25-64 ans.

    Lire aussi : Ils testent le revenu de base : « J’ai ressenti la liberté qui allait arriver »
    https://abonnes.lemonde.fr/revenu-universel/article/2018/01/19/ils-testent-le-revenu-de-base-j-ai-ressenti-la-liberte-qui-allait-ar

    Autre écueil : les aides comme le RSA et l’APL (aide personnalisée au logement) n’étant pas synchronisées entre elles dans le temps, elles ne sont pas toujours adaptées aux changements de vie des bénéficiaires. Une complexité qui plombe la lisibilité de l’ensemble et pèserait aujourd’hui sur le retour à l’emploi. « Pour une personne seule touchant le RSA et l’APL, chaque euro gagné en plus représente en moyenne 65 centimes d’allocations en moins, estime Antoine Bozio. Ça n’incite pas certains bénéficiaires à travailler, alors même que c’est le but des autorités. »

    « PARCE QUE LES CRISES ÉCONOMIQUES DES TRENTE DERNIÈRES ANNÉES ONT ENGENDRÉ UNE HAUSSE DE LA PRÉCARITÉ PHÉNOMÉNALE, IL FAUT REDESSINER LA PROTECTION SOCIALE »
    DANIEL COHEN, ÉCONOMISTE
    « Le système fonctionne d’autant moins bien, ajoute Jean-Luc Gleyze, que les travailleurs sociaux passent un temps fou à contrôler les uns et les autres. Moins de répression et plus d’accompagnement, voilà ce qu’ils attendent. »

    Au bout du compte, sur les dix-huit scénarios développés par l’IPP, deux tiennent la corde. Le premier, minimaliste, est conçu pour remplacer uniquement le RSA et la prime d’activité.
    Sur cette base, il garantirait 461 euros par mois à une personne seule et décroîtrait à un rythme de 30 % en fonction des revenus d’activité, pour s’annuler à 1 536 euros net. Automatisé et élargi aux jeunes dès 21 ans, son déploiement coûterait 9,6 milliards d’euros à l’échelle nationale (2,8 millions d’euros dans le cadre de l’expérimentation). Le chiffre grimpe à 16,2 milliards avec une éligibilité à partir de 18 ans (4,7 millions pour l’expérimentation). Des montants qui s’ajouteraient aux 16 milliards d’euros du coût actuel du RSA et de la prime d’activité.

    « Dans le sens de l’histoire »

    Plus ambitieux, le deuxième scénario englobe les aides au logement. Pour les locataires, le revenu de base monterait alors à 725 euros, et à 530 euros pour les propriétaires, avec une dégressivité de 38 %. Logiquement, les coûts finaux seraient plus élevés : 17,6 milliards en plus pour les plus de 21 ans (5,2 millions dans le cadre de l’expérimentation), et 25,7 milliards pour les jeunes dès 18 ans (7,5 millions pour l’expérimentation).

    Comment financer tout cela ? Les présidents de département n’en ont de toute évidence pas les moyens. « Mais, normalement, quand le gouvernement passe par une loi d’expérimentation, comme c’est le cas pour le programme “territoires zéro chômeur de longue durée”, il y a un fonds de dotation abondé par l’Etat », explique André Viola, président socialiste du conseil de l’Aude. « Emmanuel Macron s’est dit à plusieurs reprises favorable à ce genre de tests à l’échelle locale. Le revenu de base pourrait être la mesure de gauche de la deuxième partie de son mandat », estime l’élu.

    Lire aussi : « Et vous, que feriez-vous avec 1 000 euros par mois pendant un an ? » : une association propose de tester le revenu de base

    « Aux Etats-Unis, les rivalités entre secteurs public et privé stimulent l’innovation. En France, les collectivités locales peuvent favoriser une émulation similaire », insiste l’économiste Daniel Cohen (membre du conseil de surveillance du Monde). Pour l’enseignant, pas de doute : « Le revenu de base va dans le sens de l’histoire. »

    Les départements se donnent quelques mois pour soumettre à l’exécutif un texte de loi. Selon Gilles Finchelstein, de la Fondation Jean-Jaurès, il faudra aussi d’ici là trouver un nom au dispositif. « Revenu de base » sonnerait encore trop « ancien monde ».

    Lire aussi : Revenu de base : bilan contrasté pour l’expérience finlandaise
    https://abonnes.lemonde.fr/economie/article/2018/06/06/revenu-de-base-bilan-contraste-pour-l-experience-finlandaise_5310400

    #RdB #Revenu

  • Fiscalité : tous accros aux subventions _ 80 000 euros par emploi créé

    http://www.lemonde.fr/economie-francaise/article/2017/10/23/fiscalite-tous-accros-aux-subventions_5204739_1656968.html

    Près de 100 milliards d’euros : c’est le coût prévu en 2018, pour l’Etat, des dépenses fiscales. Exonérations, réductions ou crédits d’impôts, aides directes, allocations, primes, taux garantis… Pas moins de 450 niches irriguent ainsi l’économie privée. Si leur efficacité est souvent très relative, les lobbys n’hésitent pas à brandir l’argument massue de l’emploi pour les défendre.

    Alors que s’achève, à l’Assemblée nationale, l’examen en première lecture des recettes du budget de l’Etat pour 2018, les Français auront découvert que les « cadeaux » faits sous la forme de « dépenses fiscales », devenues le mode d’intervention privilégié de la puissance publique, atteindront 100 milliards d’euros l’année prochaine.

    Un montant spectaculaire, mais qui n’est qu’une partie du soutien public. Et qui fait de la France un véritable paradis d’aides – ou un « enfer fiscal », pour certains – sous la forme d’exonérations de cotisations, de réductions ou de crédits d’impôts, de franchises, sans oublier les aides directes, allocations, avances remboursables, primes, taux garantis ou réduits ; bref, toutes sortes de « subventions » réservées aux initiés qui savent s’y retrouver dans un maquis d’une infinie complexité.

    Qui ne bénéficie pas d’au moins une aide directe ou indirecte ?

    En fait, les aides publiques se sont installées comme un ingrédient vital du système économique français. Il y a les services publics marchands, pour lesquels les usagers paient une part de plus en plus faible du service rendu : pas plus de 25 % des coûts de leur déplacement en TER, contre 55 % il y a vingt-cinq ans et 70 % il y a quarante ans. Le signal prix ne fonctionne plus car tout a été fait pour réduire le reste à charge des usagers, et ce, quels que soient leurs revenus.

    Au-delà, les aides irriguent tous les secteurs privés marchands, à commencer par les gros utilisateurs de main-d’œuvre : l’industrie, la construction, le transport, l’hôtellerie et restauration, le commerce, la banque, l’aide à domicile, l’édition et la presse… Entre les exonérations générales (29,6 milliards d’euros en 2017) ou spécifiques (7,5 milliards) de cotisations sociales et le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE, 21 milliards en 2018), plus de 58 milliards d’euros d’aides viennent réduire le coût du travail pour l’employeur. Qui, en France, ne bénéficie pas d’au moins une aide directe ou indirecte ? Pour les seules entreprises, Aides-entreprises.fr répertorie pas moins de 2 024 aides financières nationales, européennes ou locales.

    Au point que ces subventions sont utilisées comme un argument commercial par les professionnels. Le vendeur de chaudière à condensation qui brandit tout à la fois le crédit d’impôt transition énergétique, la TVA réduite, la prime énergie, sans oublier les aides de l’Agence nationale de l’habitat (ANAH) ou l’éco-prêt à taux zéro. La société de petits cours privés qui vend la déduction fiscale de 50 %, comme le font les sociétés de services de ménage, de livraison de plateaux-repas, de jardinage, etc. L’agence immobilière qui demande immanquablement : « Combien d’APL toucherez-vous ? » Ou encore les as de la défiscalisation qui affichent tout de go : « Loi Pinel ? Encore mieux que la loi Duflot ! Plus de souplesse, plus de réductions d’impôts : zéro impôt pendant 6, 9 ou 12 ans. » Et promettent, presque accessoirement, de devenir « propriétaire dans une grande ville ».

    Au point, aussi, que certains secteurs privés entiers, ceux qui ont une très faible valeur ajoutée, ne pourraient plus vivre sans ces aides. Comme l’agriculture, où les subventions d’exploitation (8,2 milliards d’euros en 2016) représentent près du tiers de la valeur ajoutée, et plus que la rémunération de ses salariés. Ou encore les services à la personne, où les 11,5 milliards d’euros d’aides (en 2014) représentent jusqu’à 63 % de la valeur ajoutée du secteur.

    « Solidarité et domesticité »

    Une plongée dans l’histoire des services à la personne montre comment le système des aides se développe et s’enracine dans la société. Au départ, on cherche à résoudre un problème qui fait consensus : aider les personnes handicapées ou dépendantes, au nom de la solidarité. Dès 1948, on crée une exonération pour les particuliers employeurs ; puis, en 1991, une réduction d’impôts à hauteur de 50 % des dépenses. Alors que l’aide est destinée aux services rendus par le biais d’associations, on l’élargit, en 1996, aux entreprises privées qui « mettent des travailleurs à disposition des personnes physiques ».

    Des milliers d’entreprises se créent et s’organisent pour souffler à l’oreille du gouvernement qu’elles sont aussi la solution au problème du chômage. En 2005, le plan Borloo vient ainsi ajouter un deuxième objectif à ces aides : créer de l’emploi. Et annonce que cela doit permettre d’en créer 3 millions ! En 2006, on élargit la liste des services à toute prestation « à condition qu’elle soit comprise dans une offre de services incluant un ensemble d’activités effectuées à domicile ». Ce qui, concrètement, ouvre la voie des subventions à tous les services de confort, de l’assistance informatique à la promenade des chiens en passant par la surveillance de la résidence principale ou secondaire.

    Ainsi, résume l’économiste Florence Jany-Catrice, professeure à l’université Lille-I, « au nom de la création d’emplois, on a regroupé deux logiques très différentes sous une même politique publique : l’une de solidarité, et l’autre de domesticité. En fusionnant ces deux enjeux sous le terme de services à la personne dans une narration publique confuse, on a permis aux grands acteurs privés comme O2, Shiva, etc. de faire indirectement subventionner les services du quotidien. Grosso modo, 5 milliards d’euros de défiscalisation de services de confort, qui ne profitent qu’aux 10 % des Français les plus riches. Cette confusion leur permet de brandir l’impératif de solidarité dès lors que quelqu’un cherche à remettre à plat ces aides ».

    De fait, a calculé le Trésor, sur les 11,5 milliards d’euros d’aides en 2014, seulement 7,2 milliards ont concerné les publics fragiles. Quant aux créations d’emplois, il y en a eu cent fois moins qu’annoncé : « Entre 2006 et 2010, pas plus de 30 000 emplois en équivalent temps plein créés, si on prend en compte la dynamique antérieure », a calculé Florence Jany-Catrice.

    Sans diagnostic du problème à résoudre

    Pour un secteur qui employait 1,4 million de personnes en 2014, soit 450 000 équivalents temps plein (ETP). Et pour un coût considérable : 36 000 euros par an pour chaque emploi créé en ETP dans ces services à la vie quotidienne, a calculé le Trésor. C’est 40 % du coût des « domestiques » qui se trouve ainsi payé par l’Etat, ramenant pour les bénéficiaires leur coût à celui du travail au noir. « C’est de la perfusion publique de grandes entreprises privées, alors qu’avec ces milliards, on pourrait financer la dépendance et les associations qui la gèrent », estime Florence Jany-Catrice.

    En France, on peut aussi distribuer beaucoup d’aides publiques sans diagnostic clair du problème à résoudre. En témoigne l’aide au logement, qui s’élève à 41,7 milliards d’euros en 2016, soit trois fois plus qu’il y a trente ans.

    On a d’abord voulu aider les mal-logés en leur distribuant 18,1 milliards d’euros au travers de trois aides personnelles, dont la fameuse APL. Une aide substantielle, puisque les aides aux seuls locataires représentent 23 % de la masse des loyers versés, et 38 % pour les personnes logées en HLM, selon l’économiste de l’immobilier Didier Cornuel. « Déterminée d’abord par le niveau du loyer, l’APL a poussé les loyers à la hausse sur le marché libre et dans les HLM », indique-t-il. Ce qu’Antoine Bozio, directeur de l’Institut des politiques publiques, confirme : « Il a été démontré que quand il y a une APL, les loyers augmentent du montant de l’aide, signifiant que l’aide est captée quasiment par le seul propriétaire, bailleur privé ou social. »

    L’aide à la demande ayant montré ses limites, on a donc aussi choisi d’aider l’offre – l’idée étant qu’il y a pénurie d’offre – par un ensemble de niches fiscales, dont des taux réduits de TVA sur les travaux dans l’ancien ou des incitations en faveur de l’investissement locatif dans le neuf. Ces incitations ont été conséquentes : en 2015, cette dernière aide finançait 24,3 % de l’acquisition, selon les calculs de Didier Cornuel. Mais, là aussi, explique l’économiste, « l’inflation des prix des biens immobiliers s’est transmise aux dépenses publiques, car les aides à l’investissement sont définies en pourcentage du montant de l’investissement, dans la limite d’un plafond ». Autrement dit, la politique du logement a donc surtout fait monter les prix.

    80 000 euros par emploi créé

    Mais ces aides ont-elles contribué à satisfaire les besoins que le marché ne parvient pas à couvrir ? Plus prosaïquement, ont-elles servi à loger des gens dans le besoin ou à faire tourner les entreprises du bâtiment ? Didier Cornuel est formel : « Cette politique a alimenté une surproduction de logements, car si le neuf trouve preneur, elle vide l’ancien, dont la vacance s’accroît depuis dix ans, même en région parisienne. » Alors que l’on continue à vouloir construire à tout-va, la réponse paraît étrangement inadaptée : « Pour assurer un logement décent à tous à un coût supportable pour la collectivité, il serait plus économique de réhabiliter l’ancien que de construire du neuf. »

    Tout le monde crie à la pénurie de logements ; se serait-on trompé de diagnostic ? « On a pris le doublement des prix du logement entre 2000 et 2007 pour le signe d’une tension sur le marché, ce qui n’est pas le cas », poursuit Didier Cornuel. Car le diagnostic émane bien souvent des acteurs du logement neuf, derrière lesquels, sans compter les plombiers, électriciens, etc., œuvrent quelque 140 000 salariés en ETP. Un poids social non négligeable, même s’il reste cinq fois moindre que celui de l’hôtellerie et de la restauration – un des secteurs privés les plus aidés par les exonérations de charges et la TVA réduite.

    Il en bénéficie depuis 2004, sans que cela ait eu un impact significatif sur les créations nettes d’emplois, malgré un coût public exorbitant : 80 000 euros par emploi créé entre 2004 et 2009, soit bien plus que le salaire annuel moyen du secteur, a calculé Mathieu Bunel, maître de conférences en économie.

    Mais cela importe peu car son poids social l’autorise, à chaque tentative de remise à plat, de faire un chantage à l’emploi. Une recette qui marche à coup sûr. Bercy a voulu rogner le crédit d’impôt sur les fenêtres, dont le rapport coût-bénéfice est faible ? « De 6 000 à 9 000 emplois seront détruits dès 2018 », a immédiatement hurlé la Fédération du bâtiment… qui a obtenu gain de cause. Dans un pays qui compte plus de 3,5 millions de chômeurs, c’est toujours au nom de l’emploi que les acteurs privés parviennent à défendre leur niche. « Dans chaque niche, il y a un chien prêt à mordre », résument régulièrement les députés.

  • #Conference : Quelles formes peut prendre, en pratique, un #revenu_universel ? Pour quels impacts sur les bénéficiaires et les #finances_publiques ? Le 6 avril prochain, les différents scénarios de mise en œuvre analysés dans le cadre d’un partenariat avec le #Cepremap et l’#IPP feront l’objet d’une première présentation publique, ainsi que les modalités de l’#expérimentation prévue en Gironde.

    PROGRAMME

    14h : Accueil

    Daniel Cohen, directeur du département d’économie de l’Ens et du Cepremap

    Gilles Finchelstein, directeur général de la Fondation Jean-Jaurès

    14h15 : Bas revenus et revenu de base, chiffrage et effets
    redistributifs

    Antoine Bozio, directeur de l’Institut des politiques publiques

    Brice Fabre et Sophie Cottet, économistes à l’Institut des politiques publiques

    Discutant : Thomas Piketty, économiste

    15h : L’expérimentation en Gironde

    Jean-Luc Gleyze, président du Conseil départemental de Gironde

    Denise Greslard-Nedelec, vice-présidente chargée de l’insertion

    Lucile Romanello, économiste à l’Institut des politiques publiques

    15h30 : Le revenu universel, utopies et pratiques

    Julia Cagé, professeure d’économie à Sciences-Po Paris

    Marc de Basquiat, président de l’Association pour l’instauration d’un revenu d’existence (AIRE)

    Jean-Éric Hyafil, Mouvement français pour un revenu de base (MFRB)

    Yannick Vanderborght, chargé de recherches au Fonds national belge de la recherche scientifique (FNRS), enseignant à l’Université catholique de Louvain, membre du Comité exécutif du Basic Income Earth Network (BIEN)

    16h45 : Repenser l’État-Providence

    Maya Bacache, professeure à Télécom Paristech et directrice de la chaire travail de l’École d’économie de Paris

    Bruno Palier, directeur de recherche CNRS, co-directeur du LIEPP (Laboratoire interdisciplinaire d’évaluation des politiques publiques)

    Diana Filippova, éditorialiste, écrivain, connector du think tank OuiShare

    Martin Hirsch, directeur général de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris, ancien président de l’Agence du service civique

    Guillaume Duval, rédacteur en chef d’/Alternatives économiques/

    17h30 : Conclusion

    Daniel Cohen

    En partenariat avec...
    Cepremap Institut des politiques publiques Gironde Alternatives économiques

    06
    AVRIL
    de 14h à 17h30

    ÉCONOMIE / SOCIAL
    Le revenu universel, entre utopie et pratiques
    S’inscrire <http://arc.novagouv.fr/public_doc/refactory_earc/?element=aZdlll%2BOX8mk1aCbX5CR05OPntCmwpfQpddex6KQltCizo%2FFlddflGOXaM>

    Fondation Jean-Jaurès | Accueil
    https://jean-jaures.org

    https://jean-jaures.org/nos-actions/revenu-universel-pourquoi-comment-debat-avec-julien-dourgnon

  • Piketty, Méda, Landais... Des économistes « pour un revenu universel crédible et audacieux »

    http://www.lemonde.fr/idees/article/2017/01/24/pour-un-revenu-universel-credible-et-audacieux_5068506_3232.html

    Pour un collectif d’économistes, le revenu universel « pose des questions sérieuses qui méritent que l’on y apporte des réponses solides ».

    L’ambition des candidats aux primaires citoyennes de la gauche aujourd’hui – dont le vainqueur sera candidat à la présidence de la République demain – doit être jugée sur la pertinence de leurs propositions, leur impact sur la reprise de l’activité et l’emploi en France, leur effet sur la cohésion sociale du pays.

    La politique économique et fiscale adoptée lors du quinquennat de François Hollande a empêché la France de s’inscrire dans la dynamique d’une reprise économique forte et durable. Le choix fait en 2012 d’augmenter les impôts et de réduire les déficits à marche forcée en période de récession a tué tout espoir de croissance. Les multiples alertes lancées à ce sujet sont restées sans écho. Ceux qui portent la responsabilité de cette funeste politique et qui prétendent s’en exonérer doivent aujourd’hui rendre des comptes.

    Dans les débats actuels des primaires citoyennes, les discussions se cristallisent autour d’un nouvel objet : le revenu universel d’existence (parfois appelé « revenu de base »). Benoît Hamon fait face, parce qu’il porte cette proposition, à un procès en incompétence gouvernementale. L’introduction d’un revenu universel d’existence condamnerait selon ses détracteurs la France à la faillite. L’accusation est facile mais trop rapide. Economiquement et socialement, le revenu universel d’existence peut être pertinent et innovant. A l’inverse des options fiscales et budgétaires retenues depuis 2012, et en particulier de cette inefficace usine à gaz qu’est le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi. Sans parler de l’exonération des heures supplémentaires, que même la droite a abandonnée et que Manuel Valls voudrait recycler aujourd’hui. Correctement conçu et précisé, le revenu universel d’existence peut constituer un élément structurant de la refondation de notre modèle social.

    Jeunes et bas salaires

    Certains voudraient évacuer le débat en évoquant un coût pharaonique de 300 ou 400 milliards d’euros. Mais ce chiffrage fantaisiste n’a absolument aucun sens. Benoît Hamon n’a jamais dit qu’il allait verser 600 euros par mois à 50 millions d’adultes. Au contraire : il a explicitement évoqué le fait que le nouveau système pourrait être sous conditions de ressources et concernerait uniquement les salaires inférieurs à 2 000 euros, avec des montants qui ne seraient évidemment pas les mêmes pour tous (Libération, 5 janvier). De fait, cela n’aurait guère de sens de verser 600 euros par mois à des personnes gagnant 2 000 euros ou 5 000 euros de salaire mensuel, pour ensuite leur reprendre immédiatement la même somme en augmentant d’autant leurs impôts. Il est temps que cela soit définitivement clarifié, pour que le débat se focalise enfin sur les bonnes questions.

    Concrètement, la question du revenu universel se pose avant tout pour les jeunes et pour les bas salaires. Cela pose des questions sérieuses qui méritent que l’on y apporte des réponses solides. Mais ces réponses existent. Et un revenu universel d’existence doit être construit par étapes.

    Son instauration dès le début du prochain quinquennat pour les 18-25 ans est susceptible de redonner de l’autonomie à notre jeunesse et de constituer une réponse à ce que sont aujourd’hui les conditions d’obtention d’une qualification supérieure et d’entrée dans la vie professionnelle. Les modalités pratiques restent à définir, en particulier concernant l’âge à partir duquel on cesse de prendre en compte les revenus parentaux, et bien sûr les contreparties en termes d’études et de projet d’insertion. On pourrait par exemple s’inspirer du système en place au Danemark, où chacun bénéficie dès l’âge de 18 ans de soixante mois d’un revenu universel qu’il peut utiliser librement pour financer sa formation initiale ou continue. Au lieu de dénigrer a priori cette question d’avenir, les conservateurs de gauche comme de droite seraient bien inspirés de regarder ce qui se passe ailleurs.

    Lier la question du revenu universel à celle de la réforme fiscale
    Pour ce qui concerne les travailleurs à bas salaire, le véritable enjeu est de lier la question du revenu universel à celle de la réforme fiscale et du salaire juste. Actuellement, un salarié au smic à plein temps touche un salaire net de 1 150 euros par mois, après déduction de 310 euros de CSG et cotisations de son salaire brut de 1 460 euros. S’il en fait la demande, il peut plusieurs mois plus tard toucher l’équivalent de 130 euros par mois de prime d’activité (environ 1 550 euros sur l’année pour une personne seule).

    Ce système est absurde : il serait infiniment préférable, pour un même coût budgétaire, de prélever 130 euros de moins à la source et d’augmenter d’autant le salaire net. C’est selon nous de cette façon que doit fonctionner le revenu universel d’existence. Pour toutes les personnes disposant d’un emploi stable, le complément de revenu doit être versé de la façon la plus automatique et universelle qui soit, c’est-à-dire directement sur le bulletin de salaire, de la même façon que les cotisations sociales, la CSG et l’impôt sur le revenu prélevé à la source. De cette façon, le smic net passerait immédiatement de 1 150 euros net à 1 280 euros net, et pourrait atteindre 1 400 euros net d’ici à la fin du quinquennat. Voici la véritable revalorisation du travail dont nous avons besoin.

    Réfléchissons ensemble aux conditions concrètes de sa mise en œuvre plutôt que de rejeter a priori le projet d’un revenu universel d’existence. Un tel projet peut être économiquement crédible et socialement audacieux. Et, contrairement aux allégations de ceux qui confondent solidarité et farniente, il peut être instauré au profit de la revalorisation du travail et des bas salaires, qui profiteront au travers de ce revenu d’un véritable droit à la formation et d’une augmentation automatique de leur salaire net.

    Par Antoine Bozio (Ecole d’économie de Paris et IPP), Thomas Breda (chercheur à l’Ecole d’Economie de Paris), Julia Cagé (Institut d’études politiques de Paris), Lucas Chancel (chercheur à l’Institut du développement durable et des relations internationales (Iddri)), Elise Huillery (université Paris-Dauphine), Camille Landais (London School of Economics), Dominique Méda (professeure de sociologie à l’université Paris-Dauphine) , Thomas Piketty (directeur d’études à l’Ecole des hautes études en sciences sociales, Ecole d’économie de Paris), Emmanuel Saez (université de Californie, Berkeley) et Tancrède Voituriez (économiste).

  • Antoine Bozio, Gabrielle Fack, Julien Grenet (dir.), Les allocations logement, comment les réformer ? un note de lecture sur un ouvrage qui proposait une réforme qui n’a pas été retenue
    http://lectures.revues.org/19452

    Les #allocations_logement sont une composante essentielle des #politiques_sociales en France, puisqu’elles représentent, en volume, la principale prestation versée aux ménages modestes . Leur visibilité dans le débat public ne correspond pas à cette place, ce qui est souvent le cas en matière de logement. Les controverses qu’elles suscitent portent fréquemment sur des aspects ciblés comme le #logement #étudiant. Ce petit ouvrage (94 pages), issu d’un programme scientifique du Cepremap, s’intéresse à la question récurrente de la #réforme de ces allocations en offrant à la fois un état des lieux et une proposition de refonte visant à unifier les prestations sociales versées aux plus modestes : les allocations logement, le revenu de solidarité active (RSA) et la prime pour l’emploi (PPE) . Écrit par des économistes travaillant sur les politiques publiques plus que par des spécialistes du logement (à l’exception de Gabrielle Fack), il présente l’intérêt de relier la critique des politiques du logement à une réforme plus large des politiques sociales. Il fait écho à une littérature, pour partie académique et pour partie institutionnelle ou à visée opérationnelle, sur la réforme du « #système_socio_fiscal » français, au sein de laquelle on peut citer les travaux d’Alain Trannoy et Étienne Wasmer au conseil d’analyse économique.

    Instaurées en 1948 pour éviter que les ménages les plus modestes soient pénalisés par la hausse des loyers, les allocations logement sont restées secondaires dans les politiques du logement jusqu’au #plan_Barre de 1977 qui met notamment en place les #APL (aides personnalisées au logement). Dans un contexte de montée des critiques adressées au #logement_social, aux grands ensembles, et aux aides publiques aux constructeurs (les « #aides_à_la_pierre  ») il s’agit de faire bénéficier directement les ménages des prestations logement afin de desserrer les contraintes auxquelles ils font face sur le marché résidentiel. Progressivement, ces « aides à la personne » ont vu leur importance grandir. Elles sont versées à 6 millions et représentent environ la moitié des dépenses de la politique du logement (20 milliards d’euros par an sur 41, le reste se répartissant entre 6 milliards pour les aides à la construction et 15 milliards en avantages fiscaux destinés à favoriser la construction et la réhabilitation). Le coût de ces aides comparé à la persistance de difficultés d’accès au logement et du fait que les locataires de logements privé aient vu le poids du logement dans leur budget s’accroître fortement, justifient aux yeux des auteurs un examen critique.

    Ils soulignent pourtant leur #caractère_redistributif : 70 % des ménages appartenant au premier décile de revenu perçoivent des aides au logement (et moins de 10 % à partir du 6e décile). Les allocations logement sont plus importantes, en volume, que les deux autres aides considérées dans le texte, RSA et PPE (représentant respectivement 0,8 % 0,4 % et 0,1 % du PIB) . Elles se révèlent moins stigmatisantes [sic] que le RSA, et moins touchées par le problème du #non_recours. Elles assurent également une certaine redistribution horizontale entre zones géographiques (car les aides sont plus élevées dans la région parisienne, où les loyers sont également plus hauts). Leur complexité est réelle, parce qu’il existe plusieurs prestations différentes, mais surtout à cause du calcul du barème. Les quelques pages consacrées à ce point, quoique techniques, sont d’ailleurs très claires et utiles même aux spécialistes, confirmant bien que pour la majorité des bénéficiaires le montant de l’aide est déconnecté de celui du loyer et s’apparente « à une prestation sociale comme une autre », qui décroit en fonction du #revenu. En dépit de cette complexité, elles constituent l’un des piliers des politiques sociales en France.

    Les trois principales critiques adressées par les auteurs à ce système ne portent toutefois pas sur cette complexité. Les deux premières sont assez classiques dans l’analyse économique des politiques publiques. Il s’agit d’abord d’interroger la pertinence d’une aide affectée, qui peut relever d’un certain paternalisme (dicter aux ménages pauvres les « bonnes » dépenses) et induire des distorsions en favorisant la consommation de certains biens et services (en l’occurrence le logement). La seconde critique porte sur les effets négatifs en matière de reprise d’#emploi. Les allocations logement ne sont pas ici seules en cause : c’est leur mauvaise articulation avec le RSA et la PPE qui est en cause. La « double #dégressivité » (p. 49), c’est-à-dire la baisse concomitante du RSA et des allocations logement en cas de hausse des revenus d’activité serait ainsi une désincitation à la reprise d’emploi.

    La troisième critique concerne plus spécifiquement le marché du logement. Elle est plus discutée que les précédentes et étayée par des études récentes, en France et à l’étranger. Elle porte sur l’#effet_inflationniste des aides, c’est-à-dire sur le fait que le montant des allocations est en grande partie absorbé par l’élévation du niveau des loyers, de telle sorte qu’elles bénéficient in fine aux propriétaires. C’est le point clé de l’argumentaire développé dans cet ouvrage. Les travaux cités convergent pour montrer que cet effet existe et qu’il est important, un euro d’aide versé se traduisant par une hausse de loyer allant de 60 à 78 centimes (selon les travaux et les contextes étudiés). Plusieurs raisons sont examinées : la surconsommation [sic] de logement est invoquée (les aides incitent à augmenter les dépenses des ménages dans le logement et, l’offre étant peu élastique, ce surcroit se traduit par une hausse des prix), mais elle ne représente qu’une explication partielle. Le fait que les propriétaires bailleurs puissent aisément identifier les bénéficiaires (tout particulièrement dans certains cas comme celui des étudiants) et le montant des aides semble jouer un rôle déterminant dans la captation de celles-ci. Bien que convaincante l’argumentation laisse quelques points en suspens : le fait que cette hausse des prix correspond en partie à une amélioration de la qualité du logement des ménages modestes, l’ampleur exacte de la captation par les propriétaires, et surtout la part prise par cet effet inflationniste dans la hausse plus générale des loyers et des prix du logement (et donc de l’effet potentiellement désinflationniste qu’aurait l’abandon des allocations logement). Ce thème appelle donc d’autres travaux.

    Tirant les enseignements de ces différentes analyses, les auteurs en viennent ensuite à ce qui constitue l’objectif de l’ouvrage, la proposition d’une réforme visant à fusionner aides au logement, RSA et PPE en une prestation unique, non affectée, qui permettrait d’éviter ou de réduire les effets négatifs pointés ci-dessus. Son montant varierait proportionnellement au revenu, de façon à éviter les seuils et les effets d’étiquetage qui lui sont associés. Le texte s’attache à décrire les modalités de cette prestation, et raisonnant à budget égal, à déterminer qui en seraient les « gagnants » et les « perdants ». Parmi les premiers figurent ceux qui sont actuellement mal pris en compte par le RSA (les plus jeunes) ou par les aides au logement (les propriétaires les plus modestes), tandis que les seconds se compteraient parmi ceux qui cumulent les deux (notamment des ménages sans autre ressource). Néanmoins, la redistribution opérée par ces aides serait globalement comparable à celle que l’on observe actuellement. On note ici le souci des auteurs de contribuer au débat public en apportant les éléments les plus précis et en se souciant de la faisabilité et du caractère réaliste de leur proposition. Ils soulignent d’ailleurs que l ’idée d’intégrer ces aides à l’impôt sur le revenu a été écartée car cela supposait une réforme préalable de cet impôt .

    Clair et concis, l’ouvrage sert efficacement la thèse des auteurs et constitue une contribution notable et bien étayée au débat sur la réforme du système social et fiscal français. Centré sur la question des allocations logement, il laisse volontairement de côté les autres aspects de la politique du logement ce qui peut laisser sur sa faim le lecteur intéressé par ces questions. Si ce choix s’explique par l’objet même de l’ouvrage, qui est de défendre une proposition de réforme, notons que ce parti pris laisse sans réponse la question des conséquences sur le marché du logement de l’abandon des allocations logement.

    voir les perdants de la réforme de l’APL
    http://seenthis.net/messages/425811