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  • Le cosplay : un outil d’émancipation féminine ? - Le Temps
    https://www.letemps.ch/culture/cosplay-un-outil-demancipation-feminine

    Armures, sceptres, masques, épées… Tels sont les outils de travail des cosplayeurs. Créatifs débordant d’imagination, ils créent habilement des costumes à enfiler lors de conventions ou de salons dédiés à la pop culture. Comme des acteurs de théâtre, ils incarnent des personnages en adoptant leur comportement et leur apparence. Ce week-end, une vingtaine d’entre eux seront à l’honneur à Bâle, à l’occasion de Fantasy Basel, et des centaines d’autres arpenteront les allées sous les traits du super-héros Iron Man, de l’héroïne de jeux vidéo Zelda ou encore de la « Mère des dragons » Daenerys.

    Si beaucoup le pratiquent, peu en connaissent la genèse de cette pratique. Le cosplay, mot-valise dérivé de « costume » et de « playing », est née dans années 1930, lors de rassemblements de fans aux Etats-Unis. Mais le terme lui-même vient du Japon, rappelle Antoine Chollet, maître de conférences en sciences de gestion à l’Université de Montpellier et chercheur autour des jeux vidéo : « Le mot a été inventé en 1983 par Nobuyuki Takahashi, un journaliste japonais qui se rendait à une convention sur la science-fiction aux Etats-Unis. Il a transformé le terme américain « costuming » en « cosplay » pour coller davantage à la culture japonaise. » Etonnamment, le cosplay était donc déjà pratiqué avant même d’avoir un nom.

    La communauté, très exigeante sur la qualité des cosplays réalisés, reste plutôt inclusive et bienveillante, du point de vue de Mélanie Bourdaa, maître de conférences en information et communication à l’Université Bordeaux Montaigne : « Ce sont avant tout des espaces dans lesquels se rencontrent des pairs qui ont les mêmes passions et références culturelles. Cependant, comme toute communauté, il est possible que des tensions et des clivages émergent. C’est ce que l’on appelle le toxic fandom. Sous couvert d’authenticité, les publics décrètent alors que tel ou tel cosplayeur ne peut pas incarner tel ou tel personnage. Ce qui est pointé est en général la couleur de peau, le genre ou le poids, donc le corps. » Une analyse confirmée par Lowena, qui dénonce les personnes extérieures à la communauté : « Ce sont elles qui ont les comportements et les remarques les plus sexistes. Celles qui en souffrent le plus sont les femmes qui sortent de la norme du patriarcat, comme les personnes noires ou transgenres. Elles sont souvent poussées à arrêter le cosplay très tôt, et ça prive la communauté d’une plus grande inclusivité. »
    Grandir et s’accepter

    Dans cet univers aussi patriarcal que la société elle-même, les cosplayeuses parviennent tout de même à tirer leur épingle du jeu et à s’émanciper des normes. La mise en valeur de leurs personnalités à travers des personnages de fiction peut ainsi être l’occasion de se réapproprier leurs propres corps. Lowena, comme Juno Stevens, témoignent toutes deux de l’impact du cosplay sur leur relation à leur féminité au quotidien.

    #Cosplay #Fan_studies #Mélanie_Bourdaa

  • #Gilets_Jaunes : #démocratie et #émancipation

    Voici une semaine qu’on nous tympanise sans relâche : l’antisémitisme supposé des Gilets Jaunes sature le débat public, et la dernière lubie de Macron, qui entend criminaliser l’antisionisme au même titre que l’antisémitisme (ce qui serait à la fois anticonstitutionnel et complètement irresponsable), semble avoir pour vocation d’ensabler le mouvement des Gilets Jaunes dans des polémiques infâmantes. On voit bien l’intérêt de la manœuvre : pendant ce temps-là, les revendications d’un des plus grands mouvements de contestation que la France ait connus depuis cinquante ans deviennent complètement inaudibles, et les vertus politiques de leur soulèvement se dissolvent dans l’acide des querelles et des injures.

    Et pourtant, ces vertus politiques ne manquent pas, à commencer par la très salutaire réactivation de la question démocratique qu’ils mettent en œuvre. Confrontés très tôt à une répression féroce, les Gilets Jaunes ont été précocement amenés approfondir leur positionnement politique : la simple demande de pouvoir d’achat s’est métamorphosée dès le mois de décembre en une exigence de justice sociale conjuguée à un projet institutionnel de grande ampleur, dont le RIC n’était que la métonymie. Il s’agissait, à travers la mise en place d’une procédure de consultation populaire d’initiative citoyenne, de reprendre le gouvernail, et d’infléchir profondément la forme de notre organisation politique.

    La démocratie représentative ayant largement montré ses limites, c’est de démocratie directe que les Gilets Jaunes parlent désormais, et ce sont ses procédures qu’ils ont concrètement mises en oeuvre partout où ils le pouvaient. Sur les ronds-points qui tiennent encore, dans les maisons du peuple que les pelleteuses n’ont pas encore rasées, dans les assemblées qui parviennent à se tenir, toutes les décisions doivent être votées, la parole doit circuler de manière égalitaire et respectueuse des expressions minoritaires, les représentants doivent être dûment mandatés, et quiconque s’autoproclame porte-parole sans l’onction d’une assemblée se voit bientôt disqualifié par le reste du mouvement. Macron aura beau mouiller la chemise en d’interminables soliloques devant des auditoires dûment disciplinés, il ne se trouve plus grand monde (à part les éditocrates de BFM) pour être dupe de la mascarade : c’est du côté des Gilets Jaunes que s’édifie un projet démocratique authentiquement soucieux de l’expression populaire, et de la doter d’une capacité politique réelle.

    Bien sûr il y a loin de la coupe aux lèvres : il ne suffit pas de vouloir la démocratie, et de la mettre en œuvre localement, pour révolutionner les institutions et nous faire changer de système. Mais le processus est enclenché : les « subalternes », les « gagne-petit », les « invisibles » qui avaient déserté les organisations syndicales et partidaires aussi bien que les rendez-vous électoraux se sont massivement emparé de la question politique et sont décidés à reprendre la main.

    Du côté de leurs observateurs bienveillants, on se réjouit de ce processus de politisation ; mais on s’inquiète, aussi. N’entrer dans l’action politique que sous le prisme de l’exigence démocratique, n’est-ce pas se contenter d’un « citoyennisme » bon enfant, se réclamant d’un peuple uni et homogène - et illusoire, ignorant de ses propres contradictions - et persuadé que c’est dans les procédures institutionnelles (et non dans le rapport de force économique, qui fera retour tôt ou tard) que peut se jouer l’émancipation ?

    Ce sont ces questions que je voulais aborder avec mes deux invités : Antoine Chollet est philosophe, et un expert en matière de démocratie directe. Samuel Hayat, de son côté, est enseignant-chercheur en sciences politiques, spécialisé dans l’histoire des luttes populaires du XIXème siècle et la démocratie représentative. Ainsi les deux grandes formes de la démocratie (la démocratie libérale, représentative, face à la démocratie sociale, directe) sont-elles mises en discussion afin d’éclairer ce que les Gilets Jaunes s’efforcent de construire, avec une héroïque opiniâtreté, tandis que le pouvoir s’acharne à les ensevelir sous l’opprobre.

    https://www.hors-serie.net/En-acces-libre/2019-02-23/Gilets-Jaunes-democratie-et-emancipation-id347