person:assia djebar

  • Kaoutar Harchi : Je n’ai qu’une langue, ce n’est pas la mienne | Forum Recherche du CEFRES
    http://cefres.hypotheses.org/978

    Harchi envisage ensuite la perception de ces écrivains au sein du champ littéraire et distingue différentes situations. Ainsi Kateb Yacine fut-il considéré pendant son séjour en France comme « jeune poète musulman » ; « pas de nationalité », dit-il, « mais identifié par une religion » (p. 97). Assia Djebar, la première femme de lettres d’origine nord-africaine élue à l’Académie française en 2005, fut perçue par Pierre Assouline au prisme des problématiques postcoloniales comme l’écrivaine qui réussissait à « vilipender un pays tout en louant le génie de sa langue » (p. 136). Peut-être l’affaire la plus intéressante ici évoquée est-elle la plus récente : le retentissement du roman de Boualem Sansal, 2084, la fin du monde, paru en 2015, c’est-à-dire huit mois après Soumission de Michel Houellebecq. Harchi cite un entretien avec Michel Houellebecq qui rend hommage au livre de Boualem Sansal en ces termes : « 2084, c’est bien pire que mon livre[6] ! » (p. 264) Harchi montre, qu’interrogé plusieurs fois au sujet de cette affirmation, Sansal s’appliqua par la suite à se déprendre du cadre de réception de son livre imposé par Houellebecq – qui avait non seulement dominé la rentrée littéraire, mais avait aussi initié le succès du livre de Sansal. Ce dernier devenait, plus qu’auparavant, l’écrivain « à suivre », et 2084, La fin du monde, le livre « à lire ». (p. 268) Plus tard, le livre figurera sur la liste des nominés au Prix Goncourt 2015. Sansal n’eut de cesse de se justifier, à contre-courant de son succès, et de refuser l’étiquette d’islamophobe : « Le fait que Houellebecq, souvent classé islamophobe, me considère plus radical, c’est assez terrible. »

    Je n’ai qu’une langue, ce n’est pas la mienne n’est pas un ouvrage d’histoire mais de sociologie de la littérature. De ce point de vue, l’analyse y est accomplie. Elle donne en outre des clefs de compréhension pour aborder un terrain plus vaste, en premier lieu les oeuvres d’éminents écrivains nord-africains, comme le Marocain Mohamed Choukri, l’Égyptien Albert Cossery, ou Jean-Joseph Rabearivelo.

    #francophonie #maghreb

  • Assia Djebar — la mémoire est une voix de femme
    http://www.revue-ballast.fr/assia-djebar

    « Qui suis-je ? J’avais répondu au début : d’abord une romancière de langue française… Pourquoi ne pas terminer en me reposant la question à moi-même ? Qui suis-je ? Une femme dont la culture est l’arabe et l’islam … » L’auteure de Rouge l’aube a disparu voilà deux ans, le 6 février 2015. Traduite en une vingtaine de langues, elle enseigna, sa vie durant, l’histoire, le cinéma et la littérature en Algérie, en France et aux États-Unis. Rendre voix aux femmes reléguées, dire la mémoire étouffée sous le poids colonial, dénoncer les « fous de Dieu » qui cherchent à tuer la pluralité des langues à laquelle elle tenait tant : voilà ce que pouvait à ses yeux l’écriture, cette « quête presque à perdre souffle ». ☰ Par Jonathan Delaunay

    Ode aux femmes

    Assia Djebar s’interroge sur ce que sa mère et sa grand-mère lui ont transmis. La femme musulmane qu’elle connaît vit encore dans l’ombre du masculin : l’homme est maître de la maison comme du dehors et la femme vouée à l’espace intérieur. « Quand je suis venue m’installer à Paris, en 1980, après Femmes d’Alger dans leur appartement, les gens considéraient que j’étais un écrivain féministe. Comme Algérienne, le féminisme était une sorte d’état naturel, si je puis dire20. » Djebar n’eut de cesse d’écrire sur la condition des femmes de son pays natal, de se lever contre cette assignation. Mais si le ton est cinglant, la critique, elle, n’est jamais méprisante : elle déploie seulement son irréfutabilité. L’espace de son écriture devient celui de la libération des femmes, « elles dont le corps reste rivé dans une pénombre et un retrait indûment injustifié par quelque loi pseudo-islamique21 ». Djebar utilise volontiers le champ lexical de l’intériorité afin de retranscrire l’atmosphère étouffante et étouffée des femmes qu’elle dépeint, tapies dans le « fond » des maisons, dans le « silence » où percent des « chuchotements », celui des femmes « cernées » par les murs. Dès Les Enfants du nouveau monde, l’écrivaine dépeint celles qui ont le sentiment de n’avoir « jamais connu le visage de la rue22 ».

    L’émancipation de la femme passera par une réappropriation de l’espace et l’échappée au-dehors, à l’instar de Zoulikha la combattante, partie au maquis, dont le départ n’est probablement pas sans faire écho au départ d’Assia Djebar elle-même. Cette conquête du monde extérieur s’accompagne irrémédiablement d’une affirmation du corps, « corps de femme devenu mobile et, parce qu’il se trouve en terre arabe, entré dès lors en dissidence23 ». La femme qui ose sortir dans les rues, se montrer au regard extérieur assume par là même son dévoilement — Djebar symbolise à l’envi cette prise de liberté par l’enlèvement du voile : une sorte de mise à nu. Le corps de la femme s’assume alors, autant que son désir, que Djebar retranscrit dans une véritable poétique de l’enlacement : « étendue, après avoir tant navigué, j’affleure au matin. Me voici mince pliure entre la moire de la nuit et le métal du jour nouveau24 ». Dans ces scènes d’amour suggérées, les rideaux sont ouverts sur l’espace avoisinant. « Tandis qu’au-dehors la poitrine est noyée sous la grosse laine, que les chevilles et les poignets sont soustraits à la vue par le cuir de la botte et du gant, tout, dans la chambre, reprend autonomie. Sous la poussée d’une calligraphie nocturne, les épaules, les bras ou les hanches se délient25. » Son féminisme tient en effet de l’évidence. Assia Djebar rendra hommage aux femmes de son pays jusqu’à sa mort puisque, lors de son enterrement, celles-ci sont conviées à assister aux funérailles, contrairement à la coutume — ainsi qu’elle l’avait exigé. Ce geste, dernier pied de nez à la tradition, symbolise l’engagement de toute une vie.

    #Assia_Djebar

  • L’écrivaine Assia Djebar est décédée - Le Monde

    http://www.lemonde.fr/livres/article/2015/02/07/l-academicienne-assia-djebar-est-morte_4572058_3260.html

    L’écrivaine algérienne d’expression française Assia Djebar est morte samedi 7 février. Elle aura été la première personnalité du Maghreb élue à l’Académie française, en 2005 .
    Egalement cinéaste, Assia Djebar, qui figure parmi les classiques de la littérature maghrébine d’expression française, est l’auteure d’une quinzaine de romans, pièces de théâtre et scénarios. De son vrai nom Fatima Zohra Imalayène, fille d’un instituteur, née à Cherchell, en Algérie, alors sous domination française, elle a évoqué dans son discours d’entrée à l’Académie l’« immense plaie » infligée par le colonialisme aux peuples colonisés.
    Peu connue en France, son œuvre, commencée en 1955, à l’âge de 19 ans, avec La Soif, défend l’émancipation des femmes musulmanes. Première musulmane admise à l’Ecole normale supérieure de Paris, en 1955, elle enseignait depuis les années 1990 la littérature française aux Etats-Unis.