person:béatrice hibou

  • La #bureaucratisation du monde à l’ère néolibérale - #Béatrice_Hibou - Éditions La Découverte

    http://www.editionsladecouverte.fr/catalogue/index-La_bureaucratisation_du_monde____l___re_n__olib__rale-978

    #livres_à_lire !

    Nos sociétés modernes sont victimes d’un envahissement croissant de la vie professionnelle et quotidienne par la bureaucratie. Comment qualifier autrement l’exigence toujours croissante de papiers, fussent-ils numériques ? Et que dire de la confrontation incessante avec des procédures formelles pour avoir accès au crédit ou à un réseau in-formatique, pour louer un logement, noter des banques ou bénéficier de la justice ? Ou encore du besoin de respecter des normes pour que les comptes d’une entreprise soient certifiés ou qu’un légume soit qualifié de biologique ?
    Au point de rencontre entre Max Weber et Michel Foucault, Béatrice Hibou analyse les dynamiques politiques sous-jacentes à ce processus. La bureaucratie néolibérale ne doit pas être comprise comme un appareil hiérarchisé propre à l’État, mais comme un ensemble de normes, de règles, de procédures et de formalités (issues du monde de l’entreprise) qui englobent l’ensemble de la société. Elle est un vecteur de discipline et de contrôle, et plus encore de production de l’indifférence sociale et politique. En procédant par le truchement des individus, la bureaucratisation ne vient pas « d’en haut », elle est un processus beaucoup plus large de « participation bureaucratique ». Pourtant, des brèches existent, qui en font un enjeu majeur des luttes politiques à venir.

    #néolibéralisation #capitalisme

  • Ces tâches « à la con » qui vident nos métiers de leur intérêt - Rue89 - L’Obs
    http://rue89.nouvelobs.com/2013/09/14/taches-a-con-vident-metiers-interet-245542

    (Entretien avec Béatrice Hibou)

    Si Graeber met le doigt sur un phénomène de plus en plus prégnant, je ne suis pas entièrement d’accord avec lui dans son interprétation. Je ne pense pas qu’il y ait des « boulots à la con » en soi, des boulots que l’on puisse identifier comme « à la con ».

    Ce que l’on observe, c’est que les boulots ont, à des degrés divers, une part de tâches « à la con » si je reprends son vocabulaire, et que cette part devient certainement de plus en plus grande.

    Si on conceptualise ce phénomène en termes de « bureaucratisation », on se rend compte que c’est un phénomène aussi vieux que le capitalisme (ou le socialisme), autrement dit aussi vieux que l’organisation rationnelle de l’économie capitaliste (que le capitalisme soit privé ou d’Etat).

    Les pères de la sociologie et de l’économie politique comme Marx ou Weber l’avaient déjà souligné et en avaient fait un élément central de leurs travaux. Weber rappelait que « capitalisme et bureaucratie se sont rencontrés et sont devenus inséparables » !
    (...)

    Ce qui fait la nouveauté du moment actuel, c’est que la bureaucratie dont il est question aujourd’hui est avant tout une bureaucratie d’entreprise. (C’est pour cela qu’avec des collègues, nous avons intitulé notre livre collectif « La Bureaucratisation néolibérale ».)

    Avec le néolibéralisme, la part des tâches dont on a l’impression qu’elles ne servent à rien – et même plus, dont on a l’impression qu’elles font dévier du « vrai » travail, du sens du métier – s’accroît.

    Et elle s’accroît du fait de cette managérialisation de toutes les activités, du fait de la diffusion de ces formalités issues de la grande entreprise complexe et sophistiquée.

    Or cette organisation nouvelle du travail, qui donne une part importante à des tâches éloignées du métier, est liée à un changement de regard : peu à peu, on n’a plus regardé la productivité à partir du niveau des salaires, mais à partir de l’organisation du travail et de la maîtrise des coûts, et on a intensifié l’usage de la comptabilité.

    Ainsi s’est développé, à côté du métier, l’usage de règles, de procédures de codage, de critères et de normes… qui s’éloignent de la conception purement technique du métier.

    (...)

    L’évolution du capitalisme vers une « efficacité », une « productivité », une « performance » toujours plus grande se fait aujourd’hui à travers des techniques (comptables, d’audit et d’évaluation quantitative) qui donnent le sentiment à un nombre croissant de personnes que leur occupation est « à la con », et qu’elle est en outre « non productive » comme le rappelle Graeber lorsqu’il parle d’inutilité.

    Ce qui constitue le paradoxe, c’est que cette inutilité perçue par un nombre croissant d’employés est considérée par les dirigeants et managers d’entreprises comme l’expression même de l’utilité, de l’efficacité.

    Pour eux, la recherche d’efficacité et de productivité accrues ne peut se faire que par le développement de ces techniques formelles ainsi que du contrôle, de l’évaluation, de l’audit… qui expliquent l’explosion des tâches « à la con », y compris au sein des métiers les plus techniques et qui exigent des compétences très pointues.

    Mais les choses sont plus compliquées et font aussi la part belle à des processus largement imprévus, voire des demandes inconscientes de notre part.

    C’est-à-dire ?

    Je m’explique de façon très concrète : la demande de sécurité – qui devient une obsession de la société toute entière – suscite la mise en place de procédures et de normes, exigeant un travail bureaucratique (ou « travail à la con ») toujours plus prenant.

    Il en va de même pour les attentes de plus grande transparence, par exemple vis-à-vis du système financier : la réponse aux scandales et aux exigences de « moralisation » de la vie économique se traduit par l’explosion de règles, l’invention de nouveaux ratios, de nouveaux critères, de nouvelles procédures à respecter, donc à documenter, à compiler, à comparer, à évaluer…

    On pourrait en dire de même des demandes populaires pour que les responsables rendent des comptes, qui nécessitent la production de dossiers, rapports, évaluation des travaux réalisés, établissements d’indicateurs de performance, ou des demandes des consommateurs d’un label de qualité...

    Chez elle, néanmoins, pas d’analyse conjointe de cette #bureaucratisation_néolibérale et de l’ #informatisation ...

    • Et aussi, il y a bien des boulots à la con « en soi ».

      Par conviction politique, esthétique ou écologique, on peut très bien dire que travailler dans une centrale nucléaire, poser des panneaux JCDecaux, concevoir des bandeaux de publicité web, fabriquer des puces RFID ou même tout autre minipuce d’appareils mobiles, etc, sont des exemples de métiers à la con tout à fait « en soi », absolument inutiles au buen vivir.

      #travail #capitalisme #boulots_inutiles (à ressortir)

    • Traduction du texte de Graeber :
      http://www.lagrottedubarbu.com/2013/08/20/emplois-foirreux-bullshit-jobs-par-david-graeber
      "La réponse n’est clairement pas économique : elle est morale et politique. La classe dirigeante a découvert qu’une population heureuse et productive avec du temps libre est un danger mortel (pensez à ce qui c’est passé lorsque cette prophétie à commencé à se réaliser dans les années 60). Et, d’un autre côté, le sentiment que le travail est une valeur morale en elle même, et que quiconque qui ne se soumet pas à une forme intense de travail pendant leur temps de veille ne mérite rien, est particulièrement pratique pour eux.

      Si quelqu’un avait conçu un plan pour maintenir la puissance du capital financier aux manettes, il est difficile de voir comment ils auraient mieux fait. Les emplois réels, productifs sont sans arrêt écrasés et exploités. Le reste est divisé en deux groupes, entre la strate des sans emplois, universellement vilipendé et une strate plus large de gens qui sont payés à ne rien faire, dans une position qui leur permet de s’identifier aux perspectives et sensibilités de la classe dirigeante (managers, administrateurs, etc.) et particulièrement ses avatars financiers, mais en même temps produit un ressentiment envers quiconque à un travail avec un valeur sociale claire et indéniable. Clairement, le système n’a pas été consciemment conçu, mais a émergé d’un siècle de tentatives et d’échecs. Mais c’est la seule explication pourquoi, malgré nos capacités technologiques, nous ne travaillons pas 3 à 4 heures par jour.

      Quels sont donc ces nouveaux emplois précisément ? Un rapport récent comparant l’emploi aux Etats Unis entre 1910 et 2000 nous en donne une bonne image (et je notes au passage, il en est de même pour le Royaume Uni). Au cours du siècle dernier, le nombre de travailleurs, employés dans l’industrie ou l’agriculture a dramatiquement diminué. Au même moment, les emplois en tant que “professionnels, clercs, managers, vendeurs et employés de l’industrie de service” ont triplés, passant “de un quart à trois quart des employés totaux”. En d’autres mots, les métiers productifs, comme prédit, a pu être largement automatisé (même si vous comptez les employés de l’industrie en Inde et Chine, ce type de travailleurs ne représente pas un pourcentage aussi large qu’avant)

      Mais plutôt que de permettre une réduction massive des heures de travail pour libérer la population mondiale et leur permettre de poursuivre leurs projets, plaisirs, visions et idées, nous avons pu observer le gonflement, non seulement des industries de “service”, mais aussi du secteur administratif, jusqu’à la création de nouvelles industries comme les services financiers, le télémarketing, ou la poussée sans précédent de secteurs comme les avocats d’affaire, des administrations, ressources humaines ou encore relations public. Et ces chiffres ne prennent pas en compte tous ceux qui assurent un soutien administratif, technique ou sécuritaire à toutes ces industries, voir toutes les autres industries annexes rattachées à celles-ci (les laveurs de chiens, livreurs de pizza ouvert toute la nuit) qui n’existent seulement parceque tout le monde passe tellement de temps au travail.

      C’est ce que je vous propose d’appeler des “Emplois Foirreux” [NDT : pas trouvé de traduction correcte pour Bullshit Jobs - ou emplois merdiaues]

      "

    • Si on conceptualise ce phénomène en termes de « bureaucratisation », on se rend compte que c’est un phénomène aussi vieux que le capitalisme (ou le socialisme), autrement dit aussi vieux que l’organisation rationnelle de l’économie capitaliste (que le capitalisme soit privé ou d’Etat).

      C’est encore quelqu’un qui n’a pas compris ce qu’est le capitalisme : contrairement aux systèmes économiques précédents la raison d’être et la forme pricinpale des échanges économiques dans une société capitaliste ne suit pas le modèle marchandise->argent->marchandise mais adopte la forme argent->marchandise->argent dans la quête d’accumulation d’argent qui se transforme ainsi en capital au lieu de constituer seulement une unité d’échange.

      Quand on a compris cette définition fondamentale on ne peut plus qualifier l’URSS et les autres pays dit du socialisme réel comme des capitalismes d’état. L’argent y servait d’unité d’échange, son accumulation par les échanges de marchandises ne constituait pas leur raison d’être. L’absence de classe capitaliste est un autre élément qui interdit de les qualifier de capitalistes.

      Après, la question si c’étaient vraiment des pays socialistes, communistes ou des dictatures totalitaires est d’un ordre différent. On peut éventuellement parler d’un capitalisme d’état quand chez nous les entreprises nationales sont transformées en sociétés anonymes, quand les dirigeants soviétiques se muent en oligarques, mais là encore c’est une autre question.

      Je le trouve important de préciser ces points parce qu’on essaie souvent de brouiller le regard sur les relations de classe en omettant des éléments essentiels à leur analyse. Cette démarche sert généralement à justifier un pouvoir en place qui est en train de perdre sa crédibilité. C’est le discours du « ... tu vois petit, ailleurs ce n’est pas mieux, on vit dans le meilleur des mondes possibles ... »

      D’ailleurs, j’ai oublié de mentionner que Marx a trouvé une manière scientifique de décrire les boulots à la con : il parle d’aliénation.

      L’aliénation est constituée par le fait que le l’ouvrier-producteur ne contrôle pas le processus de production mais qu’il est réduit à exercer des actes isolés. Pour simplifier on pourrait dire que le capitalisme ne connaît pas de travail qui ne soit pas aliéné / boulot à la con sauf pour les artistes et quelques riches qui ont les moyens de se consacrer librement à leur hobby de recherche scientifique ou de fouilles archéoligiques.

      Qui dit que son travail est vidé de son sens ne fait qu’exprimer le fait que jusqu’il y a peu il appartenait à cette couche de petit-bougeois qui était épargnée, il avait du sursis. Pour les ouvriers l’aliénation faisait toujours partie de leur existence leurs organisations et culture constituant leur stratégie de défense. Maintenant c’est à une partie de plus en plus grande de la société de suivre leur exemple.

      On a dit que le socialisme industrialisé place l’ouvrier dans la même situation d’aliénation. On peut y répondre que tant que la classe ouvrière contrôle le processus de production, le travail industriel sert à préparer sa propre abolition pendant un phase de reprise en mains individuelle et collective des actes de production. Ainsi l’alinéation totale capitaliste est remplacée par une lutte constante pour rendre le travail humain.

      Nous vivons dans une époque où le progrès technique capitaliste dévéloppe surtout des forces déstructrices. Dans la lutte pour une société socialiste le progrès technologique se transforme en source de progrès pour l’humanité.

      #capitalisme #socialisme #communisme #bloc_de_l_est #soviétisme #hacker

    • à klaus++

      Parce qu’il n’y a pas une catégorie minoritaire de la population qui accumule des richesses dans les pays que tu qualifie de « socialisme réel » ?

      Les bureaucraties communistes ont accumulé presque partout des richesses, directement et par la corruption, elles ont confisqué le pouvoir et elles ont réprimé férocement pour conserver le tout.

      Ce n’est pas parce que le capitalisme a bien des graves défauts, et notamment le capitalisme financier qui est maintenant tout puissant et hors de tout contrôle, que le communisme bureaucratique serait devenu beau.

      L’économie marchande a d’ailleurs des intérêts : le dynamisme humain y est moins entravé qu’ailleurs et elle ne nécessite pas de mettre la population sous contrôle stricte pour se reproduire.

      Ton commentaire me ramène 40 ans en arrière. A moins que j’ai mal compris...

    • Tu as mal compris. Le monsieur te dit qu’on ne peut pas à proprement parler de « capitalisme » pour ces sociétés car le capitalisme ce n’est pas le fait d’accumuler des choses (ça ça existe dans d’autres sociétés), mais c’est un type de médiation entre les gens particuliers, basés sur la marchandise, la valorisation et l’argent. Et cette configuration particulière n’existe que dans le capitalisme. Et ce n’est pas lui qui dit « socialisme réel », il a bien marqué « pays dit du socialisme réel ».

      À part ça il y aurait d’autres choses à critiquer quand même :

      Dans la lutte pour une société socialiste le progrès technologique se transforme en source de progrès pour l’humanité.

      Non.

    • @stephane_m Le « socialisme réel » était le terme que nos chers camarades défenseurs du stalinisme est-allemand utilisaient pour se différencier des socialistes ayant une vison plus ouverte qu’eux du projet de société. Manière de dire "voyez, nous on réussit alors arrêtez de faire des rêves d’imbécile et soutenez-nous."

      Le texte initial fait effectivement mention du "capitalisme d’état" des pays de l’Est. C’était á l’époque (entre 1965 et 1989) la position ridicule des maoistes qui suivaient la dénociation du bloc soviétique par Mao après son conflit avec ses anciens alliés. Leur position était ridicule car ils préféraient l’idéologie maoïste, résultat de combats propres aux chinois, à la réflexion scientifique. A la lecture de la phrase j’ai d’abord ri, je n’ai pas voulu croire qu’encore aujourd’hui on soit confronté à ces bêtises, après je me suis décidé à mettre les pendule à l’heure.

      Peut-être mon français n’est pas assez bon, mais je croyais être clair en écrivant " l’URSS et les autres pays dit du socialisme réel" pour exprimer qu’ils se disaient socialistes sans vraiment correspondre à sa définition.

      Pourtant, je dois m’excuser, pour quelqu’un qui n’a pas suivi ces conflits de cinglés c’est parfois difficile à saisir les sous-entendus et références :-)

      A moins que ... le socialisme soit devenu chimère après la fin de l’histoire ?

    • @rastapopoulos Merci pour tes explications. Pourtant j’insiste : si ! C’est en s’appropriant la technologie qu’on la modifie. Résultat : on se débarasse de ses aspects nocifs. C’est un processus dialectique. Bon, j’avoue, je suis un technophile rodé ;-)


      P.S. Sais-tu pour quoi le socialisme va gagner sur le capitalisme ? Parce qu’il produit les plus grosses patates, les plus grands oeufs et les plus grands microprocesseurs. C’est une histoire qu’on se racontait à Berlin-Est, les gens n’étaient pas dupes.

    • Dans le passage du schéma M-A-M à A-M-A’ , il y a un double renversement dans la perspective proposée par Marx : d’une part il s’agit de « remettre sur pied » le ressort de la production de marchandise. Ce qui l’anime, c’est bien l’accumulation tautologique de la part abstraite et non la circulation de ses formes concrètes. Mais d’autre part, le point de vue change : c’est n’est plus du point de vue d’une marchandise particulière (ou d’un travail particulier) que le procès est saisi, mais selon une totalité (l’ensemble des travaux et de leurs produits). L’argent n’y est qu’une forme phénoménale qui exprime le mouvement de cette totalité. D’autres phénomènes peuvent s’y substituer si l’on se contente de décréter l’abolition de l’argent en maintenant le rôle médiatisant du travail. En ce sens, les « socialismes réellement existant » sont bel et bien des capitalismes. C’est d’ailleurs parce qu’il s’agissait de capitalismes sous-productifs qui ne pouvaient s’aligner sur la compétition mondiale qu’ils se sont effondrés. Les sociétés du bloc de l’est ne pouvaient plus se reproduire car elles ne pouvaient plus accumuler de travail humain au niveau de productivité requis par la compétition mondiale. L’URSS n’était pas un pays sur une autre planète mais un des compétiteurs au sein d’un système capitaliste globalisé.

      Le « socialisme réellement existant » est donc bien un capitalisme (= une forme de synthèse sociale médiatisée par le travail producteur de marchandises, ce qui est exprimé par la formule A-M-A’). Il n’est même pas la peine de préciser « d’État » car, dans le capitalisme, l’État est le présupposé et le produit de cette synthèse (qu’il soit libéral, keynésien, fasciste, autogestionnaire n’y change rien à l’affaire)

    • à klauss+++ : j’ai du mal à comprendre qu’on puisse écrire une phrase pareille :

      On a dit que le socialisme industrialisé place l’ouvrier dans la même situation d’aliénation. On peut y répondre que tant que la classe ouvrière contrôle le processus de production, le travail industriel sert à préparer sa propre abolition pendant un phase de reprise en mains individuelle et collective des actes de production. Ainsi l’aliénation totale capitaliste est remplacée par une lutte constante pour rendre le travail humain.

      Les ouvriers dans les régimes communistes ont été souvent aussi exploités qu’ailleurs, quand ce n’était pas pire. Parce que les médias étaient sous contrôle et qu’il n’y avait pas de contre pouvoirs syndicaux ou autres (les syndicats étant des émanations des pouvoirs en place). En URSS des zek, des gens emprisonnés (parfois pour raisons purement idéologiques), ont été condamnés au travail forcé pour construire les infrastructures.

      Le seul réel point positif des régimes communistes selon moi a été l’investissement dans l’éducation à grande échelle. Mais cela n’a pas suffi à garantir un développement suffisant de la science et de l’innovation dans ces pays.

      La médiatisation des échanges par l’argent c’est quand même bien utile. Autant on peut souhaiter au niveau local, le développement des échanges conviviaux de services et de biens qui échappent aux échanges marchands (phénomène favorisé par la communication par Internet). Autant une généralisation du troc à tous les échanges, n’est ni envisageable ni souhaitable, parce que cela serait une régression économique insupportable.

      à ktche :

      Que la force de travail produise davantage que sa propre reproduction, c’est la production d’un surplus, c’est ce qui permet la production d’outils, l’investissement, et à terme une croissance de la productivité du travail humain [c’est l’échange A-marchandise force de travail-A’]. C’est bien.
      Le problème c’est le contrôle, la régulation, de qui s’approprie ce surplus . Actuellement il va essentiellement aux gros actionnaires des grands groupes, des grandes banques et grands établissements financiers.

      à RastaPopoulos
      Je préfère vous vouvoyer, le respect fait partie de ma conception de l’échange d’idées (échange non marchand ... ;-) ).

    • Que la force de travail produise davantage que sa propre reproduction, c’est la production d’un surplus

      Distinguer ce qui est nécessaire de ce qui est excédentaire est déjà le produit d’une forme particulière de synthèse sociale, une façon inconsciente de s’accorder avec les contraintes imposées par la reproduction du capital qui est la voie unique de la reproduction de la société (capitaliste). Cette contrainte est à la fois le produit d’une façon de faire qui n’a pas de nécessité naturelle, mais aussi un facteur bien réel qui pèse ici et maintenant

      c’est ce qui permet la production d’outils, l’investissement, et à terme une croissance de la productivité du travail humain

      Dans le capitalisme, ce mouvement tourne sur lui-même, c’est-à-dire qu’il n’y a pas d’échappatoire en son sein pour décider (ou même constater) qu’un but souhaitable a été atteint à un moment ou un autre et qu’on peut se consacrer à autre chose. Pour sortir de ce mouvement, il faut qu’il soit lui-même aboli

      c’est bien

      ah bon ?

    • @ktche merci pour l’idée intéressante. J’ai pourtant des doutes si elle tient debout.

      D’autres phénomènes peuvent s’y substituer si l’on se contente de décréter l’abolition de l’argent en maintenant le rôle médiatisant du travail. En ce sens, les « socialismes réellement existant » sont bel et bien des capitalismes. C’est d’ailleurs parce qu’il s’agissait de capitalismes sous-productifs qui ne pouvaient s’aligner sur la compétition mondiale qu’ils se sont effondrés.

      J’essaie de comprendre : qu’est-ce qui se substitue à quoi précisément ? La morale à la valeur ?

      Qu’est-ce la définition du capitalisme sinon la combinaison du droit à la propriété privée en combinaison avec le droit d’exproprier les producteurs afin d’agrandir son capital personnel ?

      L’URSS n’était pas un pays sur une autre planète mais un des compétiteurs au sein d’un système capitaliste globalisé.

      Je ne vois pas le bien-fondé de la déduction. Explication ?

      P.S. Voici une autre blague est-allemande : Qu’est-ce qu’est le capitalisme ? C’est l’exploitation de l’Homme par l’Homme. Et le socialisme ? C’est exactement le contraire.

    • Je ne vois pas le rapport entre le vouvoiement et le respect. On est pas dans une relation universitaire, de hiérarchie, ou je ne sais quoi, on est juste sur un forum internet informel. :D

      Bon, à partir là, il y aurait tellement de choses à tout réexpliquer, de ce qu’est le capitalisme, la marchandise, l’argent, de pourquoi le troc n’a absolument rien à voir là-dedans (mythe pourtant dégommé encore récemment par David Graeber, quelques soient les autres critiques qu’on peut lui faire), de pourquoi le problème n’est pas juste la financiarisation, la redistribution ou les méchants banquiers, etc. C’est ça qui est compliqué avec les stéréotypes, c’est qu’on peut les sortir en deux phrases mais qu’il faudrait 15 pages pour les critiquer une énième fois. :)

      Une introduction possible en français ici http://seenthis.net/messages/326988

    • à ktche,

      Le surplus c’est, dans une société donnée, le temps humain qui reste disponible une fois qu’on a produit ce qui est nécessaire à la vie humaine de base de tous les individus de la société.

      Le surplus existe dans n’importe quelle société. On peut l’utiliser comme temps récréatif, de palabre ou de repos, pour des danses ou des cérémonies religieuses, pour fabriquer des flèches en silex, pour découvrir le feu, pour produire les dons au chef, ou la dîme, ou les impôts féodaux, pour construire des machines, pour payer des taux d’intérêts, des dividendes, pour être accaparé à travers les salaires des haut managers, ou être rassemblé sous forme d’impôt qui sert, soit à grassement payer une classe politique incompétente et dévoyée, soit à construire des écoles et des universités ...

      Pour moi qu’il y ait une incitation à accroitre la productivité du travail et donc le surplus* (ce qui est le cas en système capitaliste), c’est bien. Mais ce qui est moins bien c’est qu’il n’y a plus de contrôle social réel sur ce que devient ce surplus et comment et qui l’utilise.

      * le surplus peut être du temps libre.

    • à RastaPopoulos,

      J’ai lu Marx, et beaucoup d’économistes de divers courants.
      Il faut différentier l’échange marchand et monétaire qui a existé bien avant la généralisation du raport salarial qui est la marque du capitalisme.

      J’ai lu cet article de David Graeber. Pourquoi ne considère-t-il pas qu’une bonne partie des « emplois foireux » sont du travail de captation et de contrôle du surplus au profit des classes dominantes (gros actionnaires, haut managers, banque et finance) ? C’est le cas d’une partie des emplois administratifs, des RH, des avocats d’affaires, des communicants et d’une bonne partie des journalistes aussi !

      J’ai écouté le début de la vidéo et je ne suis pas d’accord avec ce qui est dit dans cette « Conférence des amis du Monde Diplomatique ». C’est très long je m’excuse de n’avoir pas le temps de tout écouter ...

      Personnellement je ne récuse pas « tout le capitalisme ».

      La part du capitalisme qui permet l’initiative humaine me parait devoir être conservée. Tous les régimes qui ont visé à un égalitarisme absolu on été contraints de tuer la liberté des individu par un contrôle policier épouvantable. Je préfère un peu moins d’égalitarisme et un peu plus de liberté et de capacité d’initiative.

      La part du capitalisme qui incite à accroître le surplus dans une société est pour moi positive.

      Par contre il faut trouver les moyens d’un contrôle démocratique sur qui s’approprie quelle part du surplus et pourquoi faire, et quelle part du surplus doit être mutualisée et utilisée collectivement.

      Ce n’est pas que je manque de connaissance ...comme vous l’insinuez en cherchant un prendre un ascendant, c’est que je ne suis pas d’accord avec vous ! ;-))

      Bonne journée à tous

    • Dans le mode de production capitaliste, le surplus ne peut pas être du temps libre car ce qui « motorise » le capitalisme, c’est la transformation de travail productif en toujours plus de travail productif. Si une marge de temps « disponible » est dégagée, soit elle est réinvestie dans le procès de production pour que la société capitaliste se reproduise, soit elle apparait sous une forme non pas « libre » mais superflue, c’est-à-dire inemployable. Le surplus dans le capitalisme, c’est soit plus de travail soit plus de chômage (en fait, au niveau de la totalité, ce sont les deux à la fois). Toute tentative de « répartir » se traduit par le fait que le travail devient globalement non rentable et qu’il est purement et simplement dissout (alors même qu’il demeure la condition impérative pour chacun d’entre nous d’assurer notre subsistance ici et maintenant)

    • J’essaie de comprendre : qu’est-ce qui se substitue à quoi précisément ?

      Si l’argent est aboli mais que le travail producteur de marchandises reste le médiateur de la synthèse sociale, alors un autre phénomène va émerger pour le remplacer sans que cela enraye la dynamique sous-jacente ; Par exemple, on peut voir se mettre en place des systèmes de « bons de travail ». Ou bien encore le troc peut prendre une place importante (et toujours après l’apparition de l’argent, jamais avant) si l’argent fait défaut (ce fut le cas d’une partie du commerce internationale de l’URSS, par exemple)

      Qu’est-ce la définition du capitalisme sinon la combinaison du droit à la propriété privée en combinaison avec le droit d’exproprier les producteurs afin d’agrandir son capital personnel ?

      Ce n’est pas la définition que j’emploie pour caractériser le capitalisme. Il s’agirait plutôt là d’une de ses configurations historiques, ou bien encore d’une série de phénomènes certes non contingents mais superficiels. Cela reviendrait à définir une étoile comme étant ce qui lance des rayons lumineux. Ça correspond éventuellement à ce qu’on peut observer à un moment donné de son cycle de vie, mais cela ne nous dit rien sur ce qui l’anime intérieurement et permet d’en expliquer la trajectoire ou les transformations. (bien sur loin de moi l’idée de faire l’histoire des sociétés capitalistes à partir d’une loi naturelle , je prend juste une image pour illustrer mon point de vue)

    • Ça correspond éventuellement à ce qu’on peut observer à un moment donné de son cycle de vie

      Si on relativise tout parce que dans le grand contexte tout est éphémère il n’y a plus de méthode. Byebye le matérialisme scientifique et toute autre approche raisonnée. Ça nous mène où ?

      Dans ces pays « socialistes » on pouvait constater l’absence d’une processus d’échanges entre particuliers dans le but de transformer du capital en davantage de capital par l’exploitation des travailleurs. C’était d’ailleurs fait exprès. L’état soviétique ne remplacait pas ces capitalistes et ne suivait pas une logique d’accumulation de capital comme une fin en soi. L’accumulation de valeurs n’a d’ailleurs rien de capitaliste, elle est propre à chaque société ayant dépassé le stade primitif.

      Ceci n’est pas en contradiction avec l’existence d’injustices et de crimes contre l’humanité. A mon avis ces pays ne méritaient pas qu’on les appelle socialistes. Pourtant ils avaient conservé, comme la Chine entre 1949 et le milieu dees années 1980, les éléments essentiels de l’économie socialiste et n’étaient plus des pays capitalistes. Ils n’étaient surtout pas communistes parce que leur niveau de productivité était trop basse et la guerre constante avec le monde capitaliste empêchait une redistribution équitable les fruit de l’effort collectif. Sous ces condition leur système politico-économique ressemblait à une sorte de féodalisme socialiste. Il serait d’ailleurs intéressant d’analyser la société lybienne sous Khaddafi pour trouver jusqu’où allaient les ressemblances avec les pays de l’Est et la Chine.

      Encore - pourquoi est-il utile de poser ces questions ? Il est nécessaire de se forger des outils de combat pour éviter la confusion et les méprises qui constituent un danger très concrèt. Il ne s’agit pas d’une discussion académique qui s’intéresse aux phénomènes d’un état défunt mais de la mise au point d’une démarche actuelle.

      Pour le dire encore plus simplement : à moins d’être anarchiste primaire il faut réfléchir sur les qualité d’un état socialiste digne de ce nom. Il faut avoir où on en veut arriver. Ne pas tomber dans le piège du capitalisme d’état en fait partie.

    • Si l’argent est aboli mais que le travail producteur de marchandises reste le médiateur de la synthèse sociale, alors un autre phénomène va émerger pour le remplacer sans que cela enraye la dynamique sous-jacente ; Par exemple, on peut voir se mettre en place des systèmes de « bons de travail ».

      Justement ce n’est pas la question. Peu importe sa forme concrète le capital « veut » s’accumuler en s’appropriant la plus value / le profit. Ce n’était pas le cas dans l’économie des pays de l’Est. Le but économique de ces société était bien sûr l’accumulation du produit du travail de ses citoyens.

      Pourtant la raison de cette accumulation n’était pas la même que dans les pays capitalistes. Dans contexte du « socialisme » le capital avait perdu son côté fétiche et suivait une logique d’accumulation qu’on connaît de son budget familial : quand on va économiquement bien, on met une petite somme de côté tous les mois pour pouvoir se payer quelque chose de cher plus tard.

      L’économie capitaliste ne fonctionne pas comme ca. Le capitaliste emprunte du capital pour réaliser un profit. Le meilleur exemple est l’effet de levier décrit ici :
      https://fr.wikipedia.org/wiki/Effet_de_levier

      Cette manière de penser était étrangère aux économistes « socialistes ». Au fond leur système économique était ni expansionniste ni agressif. C’est un aspect de ces sociétés qui est masqué par le désir de pouvoir de ses dirigeants et par le fait que les états qui se rencontrent sur la scène internationale y ressemblent toujours à des bandes de voyous.

    • Dans ces pays « socialistes » on pouvait constater l’absence d’une processus d’échanges entre particuliers dans le but de transformer du capital en davantage de capital par l’exploitation des travailleurs.

      Dans les pays « socialistes », l’État définissait un plan économique et passait donc « commande » à la société pour réaliser ce plan. Les entreprises (ou des entités au sein d’une même entreprise) qui répondaient à ces commandes étaient durement mises en concurrence les unes avec les autres. Dans ce procès, c’était bien l’extraction (plus ou moins réussie) de plus-value au dépend des travailleurs qui permettaient aux entreprises de sortir gagnante ou perdante.

      Les bureaucraties sont le résultat « nécessaire » du pilotage (souvent illusoire) de ce plan où les entités productrices restent en concurrence et sont jaugées sur leur capacité à faire émerger une meilleure productivité (c’est-à-dire un meilleur ratio entre la quantité de marchandise produite et la quantité abstraite de temps de travail consacrée à cette production)

      Non seulement, le capital n’était pas aboli dans ces formes apparentes « fonctionnelles » (il y avait bel et bien des banques d’investissement, par exemple) mais ce qui en fait la substance même, c’est-à-dire l’accumulation de travail était même glorifié.

    • Non seulement, le capital n’était pas aboli dans ces formes apparentes « fonctionnelles » (il y avait bel et bien des banques d’investissement, par exemple) mais ce qui en fait la substance même, c’est-à-dire l’accumulation de travail était même glorifié.

      A ce sujet : https://seenthis.net/messages/624575

      [...] si l’URSS n’était pas « socialiste », cela n’était pas donc dû seulement à la dictature d’une couche de bureaucrates, comme l’affirmait la gauche anti-stalinienne qui en opposant à l’Etat la forme-conseil et bientôt l’« autogestion » des entreprises, laissait intacte et hors de portée l’ontologie capitaliste qu’elle ne cessait à son tour, d’affirmer positivement. La véritable raison du caractère non socialiste de l’URSS en était que les catégories centrales du capitalisme – marchandise, valeur, travail, argent – n’y étaient pas du tout abolies. On prétendait seulement les gérer « mieux », au « service des travailleurs ». Ainsi en 1989-1991, ce n’était pas une « alternative » au système capitaliste qui s’était écroulée, mais le « maillon le plus faible » de ce système même.

  • Béatrice Hibou : La force de l’obéissance (mp3, PasserelleSud)
    http://passerellesud.org/Beatrice-Hibou-La-force-de-l.html

    « Révolution tunisienne », « transition démocratique » ? Selon Béatrice Hibou, auteure de La force de l’obéissance [1], la question de la qualification du mouvement de révolte tunisien importe moins que l’analyse des mécanismes d’une économie politique de la domination qu’elle nomme aussi « pacte de sécurité ». Celui-ci, par ses « mécanismes d’inclusion » de la demande sociale (emploi, intégration, citoyenneté), a permis au régime de Ben Ali de tenir dans le temps, mais pour Béatrice Hibou, c’est principalement par ses effets inverses et simultanés de marginalisation, cumulés à l’échec de son modèle économique, que le régime tunisien prendra fin. (...)