person:balfour

  • Antisémitisme et antisionisme : une assimilation absurde dans le monde arabe - Caroline HAYEK et Anthony SAMRANI - L’Orient-Le Jour
    https://www.lorientlejour.com/article/1158662/antisemitisme-et-antisionisme-une-assimilation-absurde-dans-le-monde-

    Au Proche-Orient, c’est le sionisme et plus largement la politique israélienne qui ont fait le lit de l’antisémitisme.
    Caroline HAYEK et Anthony SAMRANI | OLJ
    23/02/2019

    C’est un débat qui se joue en France mais qui est suivi avec attention de l’autre côté de la Méditerranée. Emmanuel Macron a annoncé mercredi vouloir intégrer l’antisionisme – dans le sens de la négation du droit d’Israël à exister – à la définition juridique de l’antisémitisme. Le président français considère que « l’antisionisme est une des formes modernes de l’antisémitisme », alors que les actes antisémites en France étaient en hausse de 74 % en 2018 par rapport à l’année précédente.

    Plusieurs voix critiques ont fait remarquer que cela pouvait conduire à des incohérences – la plus absurde étant d’être amené à considérer certains juifs antisionistes comme des antisémites – et à créer une confusion entre une idéologie politique et une identité religieuse. Cela revient aussi à faire le jeu du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, pour qui les deux termes sont indissociables, et à donner l’impression qu’il n’est pas permis en France de critiquer la politique israélienne, même si ce n’est pas du tout le sens de l’initiative présidentielle.

    Vue du monde arabe, l’assimilation entre ces deux termes apparaît pour le moins inadaptée. Si l’antisionisme peut parfois, comme en Europe, cacher des relents d’antisémitisme, c’est bien le sionisme qui apparaît comme la cause première de la montée de l’antisémitisme, et non l’inverse. L’antisémitisme est un terme inventé au XIXe siècle pour évoquer la discrimination à l’égard des populations juives au sein des sociétés européennes. Outre l’argument un peu simpliste que les Arabes sont eux-mêmes un peuple sémite, la notion n’a pas vraiment de sens dans le contexte arabe. Malgré un statut particulier les empêchant, à l’instar des chrétiens, d’accéder aux hautes fonctions politiques et administratives, les juifs étaient bien intégrés au sein des sociétés arabes et n’ont pas subi de persécutions comparables à ce qu’ont pu être les pogroms en Europe.

    « La communauté juive a connu un moment de gloire et de puissance à l’époque ottomane, notamment lors de l’arrivée massive des juifs chassés d’Espagne », note Henry Laurens, professeur au Collège de France et titulaire de la chaire d’histoire contemporaine du monde arabe, interrogé par L’Orient-Le Jour. « Avant la déclaration Balfour et tout ce qu’elle entraînera par la suite, les juifs sont une communauté parmi d’autres dans le monde arabe, qui, depuis l’ère ottomane en particulier, a été organisée sur une base communautaire », confirme à L’OLJ Gilbert Achcar, professeur à la School of Oriental and African Studies (SOAS, University of London), auteur d’un ouvrage sur Les Arabes et la Shoah : la guerre israélo-arabe des récits (2013).

    Dégradation continue

    La diffusion des thèses sionistes développées par l’intellectuel autrichien Theodor Herzl va peu à peu changer la donne jusqu’au tournant de la création d’Israël en 1948, véritable choc pour les populations arabes. Au début du XXe siècle, les populations locales ne font pas nécessairement la distinction entre juifs et sionistes, le second terme n’étant pas encore véritablement assimilé. « Les habitants de la Palestine historique avaient l’habitude de désigner les juifs comme juifs. Certains étaient sionistes, mais beaucoup ne l’étaient pas. Ils étaient pour la plupart des juifs religieux et asionistes ou antisionistes », décrit à L’OLJ Tarek Mitri, ancien ministre et directeur de l’institut d’études politiques Issam Farès de l’AUB.

    « Les Arabes ont d’abord connu le sionisme de façon indirecte, en lisant la presse européenne. En Palestine, les premières réactions ne sont pas nécessairement négatives, mais les choses changent à partir de la déclaration Balfour, et le sionisme est progressivement considéré comme un danger pour les Palestiniens d’une part, et pour les Arabes du Proche-Orient d’autre part. Cela conduit à une dégradation continue de la situation des communautés juives du Proche-Orient à partir des années 1930 », dit Henry Laurens.

    Les relations se compliquent à mesure que l’immigration juive s’accélère en raison de la répression dont ils sont victimes en Europe.

    « Dans les discours, il y avait une distinction entre les juifs et les mouvements sionistes. Dans la pratique, ce qui inquiétait particulièrement les Arabes, c’est le fait de voir une communauté parmi d’autres se doter d’un territoire, de passer de la communauté à la nation », note Henry Laurens.Dans les années 1930 et 1940, c’est l’histoire européenne qui rencontre frontalement celle du Proche-Orient, de façon encore plus brutale après l’Holocauste et jusqu’à la création de l’État hébreu. Durant cette période, le grand mufti de Jérusalem Hajj Amine al-Husseini – qui n’était toutefois pas représentatif des Palestiniens – va collaborer avec l’Allemagne hitlérienne, au départ pour contrecarrer les projets anglais d’établissement d’un foyer juif, jusqu’à approuver sa politique génocidaire contre les juifs. Cet épisode va être largement instrumentalisé par la propagande israélienne pour démontrer un soi-disant antisémitisme arabe, au point que Benjamin Netanyahu va même aller jusqu’à présenter le mufti comme l’inspirateur de la solution finale.

    Complotisme et négationnisme

    La création de l’État hébreu va profondément changer les rapports entre les juifs et les autres communautés dans le monde arabe. Si, pour les sionistes, l’aboutissement du projet étatique est avant tout le fruit d’une volonté collective de plusieurs décennies, il apparaît aux yeux des Arabes comme une injustice liée à un génocide dont ils ne sont en aucun cas responsables. Les juifs du monde arabe n’accueillent pas forcément avec enthousiasme la naissance d’Israël. « Les communautés juives du monde arabe, surtout d’Égypte et d’Irak, n’étaient pas vraiment tentées au début par la migration vers la Palestine. Mais il y a eu deux facteurs qui ont encouragé ce mouvement. D’une part, la politique israélienne qui a tout fait pour les attirer, au point que le Mossad a organisé des attentats contre des synagogues pour leur faire peur. D’autre part, il y a une méfiance arabe qui s’est installée et qui faisait que les juifs pouvaient être perçus comme une sorte de 5e colonne », explique Tarek Mitri.

    Après la proclamation de l’indépendance d’Israël par David Ben Gourion, l’antisionisme va devenir dominant dans le monde arabe. Le sionisme apparaît comme un projet colonial avalisé par les puissances occidentales visant à déposséder les Arabes de leurs terres. La distinction devient très nette dans les discours entre juifs et sionistes. « Dans leurs discours, Nasser ou Arafat ne font pas d’amalgame entre sioniste et juif, bien au contraire. Au début de son combat, le projet politique de Arafat était d’instaurer un débat laïc et démocratique en Palestine où juifs, chrétiens et musulmans coexisteraient », explique Tarek Mitri.

    Le double sentiment d’injustice et d’humiliation que les Arabes ont vis-à-vis de l’État hébreu va toutefois être le moteur d’un antisémitisme qui va avoir un certain écho au sein des classes populaires arabes – où le terme juif est parfois utilisé comme une insulte – et va être largement relayé par les mouvements islamistes. Cela va être particulièrement visible à travers la propagation de deux phénomènes intimement liés : le complotisme et le négationnisme.

    « Les théories du complot qui sont dans le discours antisémite occidental ont pu facilement trouver un public dans le monde arabe, parce que, de fait, c’est une région qui a connu de vrais complots, à commencer par les fameux accords secrets Sykes-Picot », constate Gilbert Achcar. L’idée complotiste des protocoles des sages de Sion, qui attribuent aux juifs des plans de domination du monde, est largement répandue au sein du monde arabe. « Chez les islamistes, il y a eu un moment où on a ressuscité une vieille littérature parareligieuse qui ridiculise et avilie les juifs. Ils puisent dans les textes sacrés ce qui est de nature à susciter la méfiance ou même la haine à l’égard des juifs », note Tarek Mitri.

    Le négationnisme concernant l’Holocauste trouve aussi ses adeptes, même s’ils restent minoritaires. Dans un article publié en 1998 dans le Monde diplomatique, le grand intellectuel palestino-américain Edward Saïd s’indignait que « la thèse selon laquelle l’Holocauste ne serait qu’une fabrication des sionistes circule ici et là. Pourquoi attendons-nous du monde entier qu’il prenne conscience de nos souffrances en tant qu’Arabes si nous ne sommes pas en mesure de prendre conscience de celles des autres, quand bien même il s’agit de nos oppresseurs ? » ajoutait-il non sans une certaine verve. « La plupart des gens qui ont un peu de culture savent que la Shoah n’est pas une invention, mais un certain négationniste a pu trouver un écho favorable chez les gens étroits d’esprit, qu’ils soient ultranationalistes ou intégristes », dit Gilbert Achcar.

    Ce dernier insiste toutefois sur le fait qu’il n’y a pas d’antisémitisme propre au monde arabe, mais que la diffusion des thèses antisémites dans cette région n’est pas comparable à ce qui se passe en Occident. « Toute l’équation entre le monde occidental et le monde arabe est complètement faussée par le fait que les juifs étaient opprimés pendant des siècles en Europe, tandis que dans le monde arabe, ce qu’on peut qualifier de haine envers les juifs est surtout le produit d’une histoire moderne marquée par la présence d’un État oppresseur, qui insiste lui-même à se faire appeler État juif », résume Gilbert Achcar. Et Tarek Mitri de conclure, pour insister sur la nécessité de distinguer les deux termes dans le monde arabe : « Il y avait une résolution de l’Assemblée générale de l’ONU en 1975 qui disait que le sionisme était une forme de racisme et de discrimination. Elle a été révoquée en 1991, mais elle avait suscité un grand enthousiasme dans le monde arabe. »

  • Arthur #Balfour Was a White Supremacist and Anti-Semite – The Forward
    http://forward.com/opinion/386480/its-time-to-admit-that-arthur-balfour-was-a-white-supremacist-and-an-anti-s

    In 1906, the British House of Commons was engaged in a debate about the native blacks in South Africa. Nearly all the members of Parliament agreed that the disenfranchisement of the blacks was evil. Not so Balfour, who – almost alone — argued against it.

    “We have to face the facts,” Lord Balfour said. “Men are not born equal, the white and black races are not born with equal capacities: they are born with different capacities which education cannot and will not change.”

    [...]. In the late 19th century, pogroms targeting Jews in the Pale of Settlement had led to waves of Jewish flight westward, to England and the United States. This influx of refugees led to an increase in British anti-immigrant racism and outright anti-Semitism — themes not unfamiliar to us today. Support for political action against immigrants grew as the English public demanded immigration control to keep certain immigrants, particularly Jews, out of the country.

    The public found a sympathetic ear in Balfour. In 1905, while serving as Prime Minister, Balfour presided over the passage of the Aliens Act. This legislation put the first restrictions on immigration into Great Britain, and it was primarily aimed at restricting Jewish immigration. According to historians, Balfour had personally delivered passionate speeches about the imperative to restrict the wave of Jews fleeing the Russian Empire from entering Britain.

    #raciste #racisme

  • Accords Sykes-Picot : Aux origines du chaos au Moyen-Orient. Par Jonathan Lefèvre — 15 novembre 2016 - RipouxBlique des CumulardsVentrusGrosQ
    http://slisel.over-blog.com/2016/11/accords-sykes-picot-aux-origines-du-chaos-au-moyen-orient.par-jona

    La « nouvelle » carte post-Empire ottoman signée par Mark Sykes et François Georges-Picot en 1916. La France s’approprie la partie en bleu, la Grande-Bretagne celle en rouge.
    Dessinez un cercle sur du sable avec un ami. Tracez avec lui une ligne au milieu de ce cercle. Décidez que ce qui est au nord vous appartient et que ce qui est au sud lui revient. Vous êtes la France et votre ami est la Grande-Bretagne. Nous sommes en 1916 et vous venez d’entériner les accords dits de Sykes-Picot qui dépècent l’Empire ottoman.
    « La ligne de partage n’avait pas de rationalité autre qu’une idée simpliste : tout ça, c’est du sable, on trace un trait, on ne tient pas compte des territoires des tribus, des tracés de fleuves, des voies de communication, de la géographie. C’est une ligne purement géométrique. Tout a été fait avec désinvolture. » Voici en résumé les accords Sykes-Picot selon l’historien James Barr.1
    L’Empire ottoman (1299-1923) connait son apogée à la fin du 17e siècle. A l’époque, il compte, outre la Turquie (son cœur), les Balkans, la péninsule arabique, l’Afrique du Nord et une partie de l’Europe centrale. Il n’a rien à envier aux États européens.
    « Bien avant les révolutions industrielles du 19e siècle en Europe du Nord, l’Empire ottoman était très avancé sur le plan agricole et sur le plan commercial, ses réseaux s’étendant jusqu’en Chine, contrôlant l’Afrique du Nord, disposant de bases militaires dans la mer Rouge… », explique Mohammed Hassan, ancien diplomate éthiopien et spécialiste du Moyen-Orient.2
    Mais cette puissance n’allait pas durer éternellement. Depuis 1830, l’Empire perd des territoires. La Grèce déclare son indépendance. La Serbie devient autonome. La France occupe l’Algérie. L’Egypte se soulève… « Depuis un certain temps, ce même Empire ottoman devait se battre pour une politique de centralisation. (…) Cette lutte entre pouvoir central et régions séparatistes a affaibli l’Empire face aux autres grandes puissances. Or, de son côté, la Grande-Bretagne s’était industrialisée très rapidement, elle était même devenue une sorte de superpuissance. (…) De plus en plus endetté, l’Empire ottoman s’est retrouvé étranglé par les prêts accordés par les puissances française et britannique. Alors est apparu un nouvel acteur puissant sur la scène impérialiste : l’Empire allemand », continue Mohammed Hassan.
    Colère sociale au sein de l’Empire
    Qui poursuit : « Le rapport de force évoluait au désavantage des autorités ottomanes : l’augmentation des dettes, la montée d’une bourgeoisie compradore (par opposition à la bourgeoisie nationale, la compradore est entièrement liée aux intérêts extérieurs, NdlR) et l’accroissement du pouvoir financier du système bancaire international, tout cela faisait perdre à l’Empire ottoman son indépendance économique et politique. (…) Tout ceci a augmenté la pauvreté dans l’Empire ottoman, provoquant une véritable colère sociale. » 
    En 1914, c’est donc un empire en déclin qui entre en guerre aux côtés de l’Allemagne lors de la Première Guerre mondiale. Des nationalistes arabes s’activent depuis un siècle à combattre l’empire de l’intérieur et rêvent d’un État démocratique qui s’étendrait sur toute l’Arabie.
    Les autorités de l’empire veulent à tout prix le sauvegarder et reprendre des territoires perdus au fil des ans. Mais même au sein du peuple turc, des divisions sont là. Des nationalistes, qui porteront Mustafa Kemal Atatürk au pouvoir de la toute nouvelle République de Turquie en 1923, se font de plus en plus nombreux.
    Alors que la bataille de Verdun fait rage (700 000 morts entre Français et Allemands en 9 mois), les Français et les Britanniques pensent déjà à l’après-guerre. Deux diplomates, Mark Sykes et François Georges-Picot, travaillent à un projet qui tient très à cœur aux deux puissances de la Manche : le partage du Moyen-Orient.
    Les deux pays ont depuis longtemps des convoitises sur la région. La France avait été avec les puissances européennes à l’origine du statut spécial de semi-autonomie dont bénéficiait depuis 1864 le Mont Liban (chaîne de montagnes qui traverse le pays et une partie de la Syrie). Ce statut fut mis en place à la suite des massacres de chrétiens en 1860 dans la montagne libanaise. Sous Napoléon III, Paris avait alors dépêché une force navale pour les secourir. Du moins, c’était là la raison officielle de cette première « ingérence humanitaire »…
    Les Britanniques, eux, veulent à tout pris consolider « leur » route des Indes et s’inquiètent de « leurs » frontières égyptiennes et du Canal de Suez.
    Les capitalistes britanniques et français ont donc leurs propres intérêts dans la région. « Les Britanniques exercent une hégémonie stratégique, tandis que les Français ont une implication principalement territoriale et sont à la manœuvre dans les chemins de fer turcs, les ports, les routes, l’électricité. Le modèle français s’exprime dans l’éducation et la culture des élites locales, ce qui induit un autre niveau d’exigence que celui des Anglais. Avant même la guerre, en 1912, la Grande-Bretagne renonce à toute ambition sur la Syrie et le Liban, qui n’ont pas, à ses yeux, d’importance stratégique ; la France, elle, estime avoir sur cette zone des droits historiques qui remontent aux Croisades. En revanche, les Britanniques tiennent tout particulièrement à contrôler la rive orientale du canal de Suez, qu’ils détiennent », explique James Barr.3
    Pour un État arabe indépendant

    Fayçal (à l’avant-plan), fils du chérif de la Mecque, Hussein, mène la « Grande révolte arabe » contre l’Empire ottoman en 1916 mais sera trahi par la Grande-Bretagne. Après avoir été défait par la France, il est nommé roi d’Irak.
    Face au nationalisme turc, les nationalistes arabes pensent pouvoir se servir des volontés britanniques de combattre l’Empire ottoman pour revendiquer un État indépendant. Pour cela, il leur faut un chef qui les représente afin de négocier un tel État avec la superpuissance britannique. « Les leaders nationalistes arabes de Damas et de Bagdad craignent que leurs pays n’échappent à l’oppression ottomane que pour subir un partage entre la France et l’Angleterre. Par le Protocole de Damas (mai 1915), ils précisent leur revendication d’un État arabe unique et indépendant et se placent, pour y parvenir, sous la bannière de la famille Hachémite, dont le chef est le chérif de La Mecque, Hussein ben Ali. Il s’agit de monnayer leur appui total dans la guerre contre la promesse de leur indépendance. De son côté, la Grande-Bretagne, soucieuse de trouver des alliés dans la lutte contre l’armée ottomane appuyée par les Allemands, accepte sur le papier la constitution d’un Empire arabe, sous la conduite de Hussein. L’accord se réalise, tant bien que mal, sous la forme d’échanges de lettres entre Hussein, qui expose ses demandes le 14 juillet 1915, et le Haut-Commissaire britannique au Caire, Mac-Mahon, qui précise ses intentions notamment dans une lettre du 24 octobre 1915. La correspondance se poursuivra afin de limiter les points de divergence. »4
    Chérif Hussein et Lawrence d’Arabie

    Sir Mark Sykes. Ce conseiller diplomatique signera les accords pour la Grande-Bretagne.
    Les accords Sykes-Picot sont conclus le 16 mai 1916. Ils tiennent en fait en un échange de lettres entre les ministres des Affaires étrangères des deux pays : Paul Cambon et Edward Grey. L’Italie et la Russie tsariste sont tenus au courant de ces accords secrets, qui prévoient deux zones d’influence, dites bleue et rouge, qui seront confiées à la France et à la Grande-Bretagne pour qu’elles y créent des États sous administration directe ou indirecte. L’accord prévoit aussi deux autres zones où serait édifié le futur État arabe indépendant, avec des conseillers français et anglais.
    Le chérif Hussein accepte donc d’engager la lutte. Conduites par l’un de ses fils, Fayçal, et conseillées par Thomas Edward Lawrence (ou Lawrence d’Arabie, voir encadré), des services de renseignement britanniques, les troupes du chérif Hussein entrent dans la bataille le 5 juin 1916. Connue comme la « Grande révolte arabe », la guérilla a pour but de refouler l’armée ottomane vers le nord et de faciliter les manœuvres britanniques dans la même direction, mais à partir de l’Égypte.
    L’URSS dénonce les accords
    Les accords Sykes-Picot, secrets, trahissent la promesse faite aux Arabes qui s’étaient soulevés contre les Turcs. C’est Moscou qui brise le silence diplomatique. Dès leur arrivée au Kremlin en 1917, les communistes découvrent ces accords et les rendent publics.
    L’annonce de ces accords secrets qui tuent dans l’œuf toute possibilité d’indépendance pour les nationalistes arabes met ces derniers en colère.
    Après la fin de la guerre, en 1919, la Conférence de la paix de Paris entérine ces accords. La Société des nations (SDN, ancêtre de l’ONU) confie la Syrie et le Liban à la France pendant que les Britanniques« reçoivent » l’Irak, la Transjordanie et la Palestine. Un an plus tard, le traité de Sèvres confirme le partage au profit des deux puissances occidentales.
    Fayçal, mis au courant de l’accord par la France et la Grande-Bretagne avant que l’URSS ne le rende public, ne peut accepter. Poussé par l’élan de la « Grande révolte », il déclare la guerre à la France qui, en 1920, a pris possession des terres qui lui revenaient selon les termes de l’accord. En juillet, les troupes de Fayçal sont défaites aux portes de Damas (Syrie). Cet échec signe la fin de l’appui des Britanniques à sa famille, les Hachémites, au profit des Saoud, famille encore au pouvoir aujourd’hui en Arabie saoudite. En compensation, les Hachémites reçoivent l’Irak (Fayçal) et la Transjordanie (Abdallah, un autre fils d’Hussein) de la part de la Grande-Bretagne.
    La source de nombreuses turbulences
    « Sykes-Picot appartient au passé. Cependant, les règles qui ont sous-tendu sa rédaction et les conduites qui ont présidé à son application sont plus que jamais à l’œuvre », observe le professeur de sociologie politique et de relations internationales Joseph Maïla.5
    Le peuple irakien, parmi tant d’autres exemples, peut en témoigner. Le 17 janvier 1991, 29 pays (dont la Belgique) envahissent l’Irak. Le but était de chasser l’armée irakienne du Koweït, qu’elle avait envahi en août 1990… et de préserver les intérêts stratégiques des Occidentaux dans la région.
    En 43 jours, cette coalition internationale effectue 100 000 bombardements aériens, lance 450 roquettes Tomahawk et largue 265 000 bombes. Une grande partie des infrastructures sociales et économiques d’Irak sont détruites. Le pays est rejeté dans l’ère pré-industrielle pour une très longue période. Après le retrait irakien du Koweït, le Conseil de sécurité des Nations Unies décrète un embargo jusqu’en mai 2003, après la chute du président Saddam Hussein.
    Le nombre de morts dus à l’embargo est énorme. D’après les chiffres du ministère irakien de Santé publique (chiffre pour fin 2002), 1 806 915 civils, dont 750 000 enfants de moins de 5 ans, sont morts à cause de l’étranglement économique.
    Aujourd’hui encore, des plans américains ou autres pour « refaire » les frontières du Moyen-Orient sont à l’œuvre. Le peuple syrien, irakien, libyen ou palestinien peut en témoigner.
    Lawrence d’Arabie (1888-1935)

    T.E. Lawrence, plus connu sous le nom de Lawrence d’Arabie, à gauche. (Photo Thomas Lowell)
    Des millions de personnes ont entendu parler des accords Sykes-Picot sans le savoir. En effet, dans la superproduction hollywoodienne de 1963, Lawrence d’Arabie, le héros se sent trahi par ces accords.
    Thomas Edward Lawrence est un jeune officier britannique passionné d’architecture et d’archéologie qui a passé quelques années en Orient avant le début de la Première Guerre mondiale. Envoyé là-bas, il va rejoindre Fayçal dans son combat pour un État arabe indépendant. Du moins dans le film qui l’a rendu célèbre au monde entier.
    Car, dans les faits, Lawrence d’Arabie, s’il a bien combattu les Turcs aux côtés des Arabes, ne voulait pas d’un État arabe indépendant, mais d’une Syrie indépendante.
    Pour celui qui voua une admiration sans bornes à l’armée britannique jusqu’à sa mort, son pays ne devait pas se désengager de la région.
    Néanmoins, il est resté dans l’histoire comme un des rares Occidentaux à comprendre la révolte dirigée par Fayçal, et il prendra les accords Sykes-Picot comme une trahison de sa hiérarchie.
    La Palestine et la déclaration Balfour
    Dans les accords Sykes-Picot, il y a une zone bleue et une zone rouge. Il y a aussi une zone brune. Cette zone, c’est celle de la Palestine. La « déclaration Balfour », qui suivra en 1917, amorce la création d’un État juif.
    Pour revenir à la naissance d’Israël, il faut retourner au début du 19e siècle. « Quels facteurs expliquent la convergence entre les objectifs de l’Organisation sioniste mondiale, présidée par le Dr Chaïm Weizmann, et les buts de l’Angleterre impériale au Moyen-Orient ? (…) Les sionistes qui, comme Weizmann et ses amis, misent sur la victoire alliée, font le siège du Premier ministre britannique Lloyd George et de son ministre des Affaires étrangères Lord Balfour. Ceux-ci semblent avoir été sensibles à l’argument selon lequel promettre aux juifs un foyer national constitue le moyen le plus efficace pour aider Wilson, fort de l’appui de la communauté juive américaine, à engager les Etats-Unis dans la guerre aux côtés des Alliés ; de plus la création de ce “foyer juif” en Palestine permettrait de renforcer la sécurité de l’accès au canal de Suez et à l’Egypte. Assuré ensuite de l’acquiescement de Paris, Rome et Washington, Lord Balfour cherche une formule acceptable pour ses collègues du gouvernement », explique l’historien et spécialiste du Moyen-Orient Jacques Thobie.6

    « Weizmann avait suggéré à Londres de reconnaître la Palestine “en temps que patrie du peuple juif” qui aurait le droit “d’y établir une vie nationale”. A l’intérieur du Cabinet, Lord Curzon insiste sur les dangers de la réaction des Arabes. Finalement, la lettre de Balfour – dite improprement “déclaration” – à Lord Rothschild, représentant le comité politique de l’Organisation sioniste, se contente d’“envisager favorablement l’établissement en Palestine d’un foyer national pour le peuple juif”, étant entendu que seront sauvegardés les “droits civils et religieux des collectivités non juives existant en Palestine”. (…) La relative prudence britannique est liée à ses objectifs mêmes : en offrant des garanties aux immigrants juifs, l’Angleterre s’assure dans la guerre le soutien de nombreux juifs de Russie et d’Europe centrale, alors que se développe en Russie un processus révolutionnaire où des juifs jouent un rôle actif, affermit son implantation dans la province de Palestine, prépare entre Arabes et sionistes d’inévitables conflits imposant la présence de l’arbitre anglais dans cette région charnière des possessions africaines et asiatiques de l’Empire.
    Sykes utilise dans ce sens le mouvement sioniste, ce qui conduira à la déclaration Balfour du 2 novembre 1917 annonçant l’établissement “en Palestine” d’un Foyer national juif. La stratégie britannique va reposer sur l’occupation du terrain avec l’encouragement donné à la révolte arabe de s’étendre à la Syrie (mais non à la Palestine) et sur une succession de déclarations officielles allant dans le sens de l’autodétermination. Pour Londres, le droit des peuples signifie le droit de choisir la tutelle britannique ».7
    Et les États-Unis dans tout ça ?
    Officiellement, les États-Unis du président Woodrow Wilson se sont tenus à l’écart du morcellement du Moyen-Orient et des accords Sykes-Picot en raison d’une politique étrangère basée sur la « liberté des peuples à disposer d’eux-mêmes ». Hum…
    « Quand Wilson appelle au droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, il parle des peuples blancs. C’est quelqu’un de raciste. Un des pires présidents ségrégationnistes de l’histoire des États-Unis. Donc les Arabes poseront problème parce qu’il ne sait pas s’ils sont blancs ou pas », constate l’historien français Henry Laurens.8
    « Le président Woodrow Wilson ne se sent aucunement lié par les accords “secrets” contractés par ses partenaires. Il se pose en défenseur du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, bien qu’il ne soit pas très clair dans son esprit si cela vaut aussi pour les peuples non blancs, comme les “bruns” (les Arabes) et les “jaunes” – pour les “noirs”, il n’en est pas question. »9
    Surtout, durant ses deux mandats (1913-1921), il va justement sortir de la logique « isolationniste » pour occuper le Mexique (1914-1917), Haïti (une occupation qui durera de 1915 à 1934), la République dominicaine (1916-1924) ou le Nicaragua(tout au long de son mandat).
    « Aucune nation ne peut vivre longtemps refermée sur elle-même et l’Ouest finirait nécessairement par dominer l’Est. L’Est doit être ouvert et transformé, qu’on le veuille ou non ; les standards de l’Ouest doivent lui être imposés. »10
    Bref, ce défenseur du Klu Klux Klan et du ségrégationnisme défend le « droit des peuples à disposer d’eux-mêmes »… quand ça l’arrange …
    Jonathan Lefèvre | 18 octobre 2016
    1.« A line in the sand », James Barr, Simon & Schuster, 2011. Citation parue dans L’Obs le 16 mai 2016 •
    2. « La stratégie du chaos, impérialisme et Islam », Grégoire Lalieu et Michel Collon, entretiens avec Mohammed Hassan, Investig’Action et Couleur Livres, 2011, p. 63 •
    3. « La division du Moyen-Orient fut un calcul stratégique », L’Express, 23 décembre 2014 •
    4. « Ali et les 40 voleurs », Jacques Thobie, éditions Messidor, Paris, 1985, p. 42 •
    5. « Les accords Sykes-Picot, cent ans après », Joseph Maïla, Études mai 2016 
    6. « Ali et les 40 voleurs », Jacques Thobie, éditions Messidor, Paris, 1985, pages 45-46 •
    6. Idem .
    8. « Les Français et les Anglais ont dessiné les frontières, et les Arabes ont colorié la carte », L’Orient-Le Jour, 16 mai 2016 •
    9. « Comment l’Empire ottoman fut dépecé », Henry Laurens, Le Monde Diplomatique, avril 2003 •
    10. Cité dans « American colonial Empire : The limit of power’s reach », Items & Issues (Social Science Research Council)
    Source : Pour la Palestine

  • Investigations into blacklisted workers’ database : Voice of Russia
    http://english.ruvr.ru/2012_08_13/Investigations-into-blacklisted-workers-database

    Civil rights groups and unions in the UK are calling for a fresh investigation into the blacklisting of workers in the construction industry. It follows revelations about the 44 companies, including household names like MacAlpine, Balfour Beatty and Taylor Woodrow, that used a secret database to bar union workers from jobs.