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  • L’enquête sur Lavalette, le communard inconnu dont nous cherchons à remonter l’histoire, continue en Suisse. Notre enquêtrice à Berne rapporte plusieurs document des Archives fédérales suisses (cote E21 : 125). Un très très grand merci à elle !

    Ces documents concernent le pseudo complot des bombes du printemps 1873 dans lequel Lavalette était impliqué. Son nom n’apparaît pas dans les documents. Mais ceux-ci permettent de mieux comprendre le prétendu complot. La France cherchait à faire expulser les communards exilés en Suisse. Un agent provocateur de la police française, le jeune Louis Blampignon, aurait mis en scène un faux complot impliquant des communards afin de pousser la police suisse à expulser les comploteurs. Un commissaire français installé à Ferney, à côté de Genève, a donné aux autorités suisses toutes les informations dont elles avaient besoin pour expulser les prétendus comploteurs.

    – Lettre de monsieur le chef de département de justice et police du canton de Genève (C.) à monsieur le conseiller d’État, 10 janvier 1872 :

    Le gouvernement genevois prétend que la présence de ces hommes sur la frontière immédiate de son territoire constitue un danger réel et constant pour le pays, vu les relations qu’ils entretiennent avec Lyon et la Savoie.

    – Lettre du commissaire spécial Kemps, département de l’Ain, commissariat spécial de Ferney, mars 1873 :

    […] Moreau, Chamarier et Michelot, ex membres de la Commune de Paris, proposèrent à quelques amis intimes, le projet de former un complot, dans le but, était aussitôt la libération du territoire, de profiter d’une perturbation politique qui pourrait se produire, pour changer la forme du gouvernement en assassinant Monsieur le Président de la République et en répandant dans les masses des manifestes socialistes.
    Cinq individus acceptèrent leurs propositions, ce qui élevait le groupe des conspirateurs au nombre de huit :
    1°. Moreau, chimiste, ex-délégué à la 3e légion, demeurant rue de la navigation aux Paquis,
    2°. Michelot, ouvrier mécanicien, ex-délégué au 159e batailon fédéré, demeurant à Genève, rue des Grottes,
    3°. Chamarier, cordonnier, ex-capitaine fédéré, rue Bergère aux Grottes,
    4°. Ledroit, cordonnier, ex-membre de la Commune 5e arrondissement rue Bergère aux Grottes,
    5°. Gouhier, sans profession, ex-membre du Comité central, 3e arrondissement rue Bergère aux Grottes,
    6°. Fournier, ex-membre de la Commune de Lyon, adresse inconnue,
    7°. Chévenard, ex-capitaine d’artillerie sous la Commune 17e batterie, adresse inconnue,
    8°. Leblanc, menuisier, ex membre de la Commune, rue Bergère aux Grottes.
    […] On affirme également que Moreau possède à l’heure qu’il est, et en son domicile, quelques bombes non chargées ainsi que les matières explosibles, telles que : capsules, Pycrate, Poudre et Dynamite. […]

    – Lettre au département de justice et police de la confédération suisse à Berne, 17 juin 1873 :

    Messieurs,
    En réponse à vos offices du 28 mai et du 13 juin, nous avons l’honneur de vous informer que nous n’avons pris aucune décision concernant le prétendu complot des communards sauf celle que nous avons communiquée à M. le Président de la Confédération par notre lettre du 18 mai. Il résulte de cette lettre qu’aucune charge sérieuse ne s’élève contre les individus arrêtés à propos de cette affaire, ce qui implique l’idée qu’ils ne se sont pas rendus d’une manière absolue indigne de l’asile suisse. Si nous en avons expulsé cinq, c’est que leur conduite laissait à désirer au point de vue local, si nous pouvons nous exprimer ainsi. Par suite de la position frontière de notre canton et du nombre relativement considérable des communards qui y séjournent, ces derniers sont venus à une réserve plus grande que partout ailleurs et telle démarche, telle imprudence ou légèreté, qui serait sans importance dans un autre canton, pensent à Genève devenir une source d’embarras. Voilà pourquoi, ainsi que nous l’avons expliqué dans nos lettres adressées à M. le Président de la Confédération, en particulier dans celle du 19 mai nous avons éloigné momentanément du territoire genevois cinq des personnes qui avaient assisté aux réunions dans lesquelles avait été préparé le prétendu complot et qui, du reste, n’étaient pas en règle avec la police de notre canton.
    Du reste, depuis lors, nous avons accordé à deux d’entre elles des autorisations de séjour provisoires, qui seront probablement converties en autorisations de séjour définitives.
    Le seul individu mêlé à l’affaire du complot et qui nous paraisse devoir être expulsé du territoire suisse, est le sieur Blampignon Louis Léon, âgé de 21 ans, né à Méry (Aube) et agent secret de la police française. Cet individu a donné au commissaire de Ferney des renseignements mensongers. Depuis lors, nous avons expulsé le sieur Victor Cyrille, né à Grasse, (Alpes-Maritimes) le 17 juin 1848, et qui nous était signalé comme un homme dangereux. Il est représenté comme un agent de la propagande bonapartiste-socialiste. Beaucoup de proscrits le considèrent comme un agent provocateur. […]
    Le conseiller d’État chargé du département de justice et police
    A [?] Girod [?]

    La lettre du commissaire spécial de Ferney, en mars 1873, présente ce prétendu complot aux autorités suisses. Le commissaire français donne un certain nombre de détails et raconte une histoire : celle d’une tentative d’assassinat du Président de la République pour déstabiliser le pays. Il donne les noms de huit personnes qu’il présente comme dangereuses.

    Mais les autorités suisses ne se laissent pas tromper. Après avoir arrêté les prétendus terroristes, elles indiquent finalement qu’il n’existe aucune charge sérieuse contre eux. La belle histoire du commissaire de Ferney devient le « prétendu complot des communards ». Et les Suisses de retourner élégamment l’affaire contre le commissaire français en précisant : « Le seul individu mêlé à l’affaire du complot et qui nous paraisse devoir être expulsé du territoire suisse, est le sieur Blampignon Louis Léon, âgé de 21 ans, né à Méry (Aube) et agent secret de la police française. Cet individu a donné au commissaire de Ferney des renseignements mensongers. »

    On note que Blampignon et Lavalette ne sont pas sur la liste du commissaire de Ferney, dont le but était d’obtenir une expulsion du territoire suisse. Blampignon vivait à ce moment chez Lavalette. Celui-ci est aussi impliqué dans l’affaire et a été arrêté puis relâché par la police suisse. Les autorités helvétiques n’ont pas jugé que Lavalette était un « agent secret de la police française » et devait être expulsé, comme Blampignon. On sait que les communards exilés ont pensé au contraire qu’il était lui aussi impliqué.

    D’après plusieurs personnes, Lavalette parlait au commissaire de Ferney et aux autorités genevoises. Celles-ci aurait-elles voulu conserver un informateur parmi les exilés ?

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