(...) Comment la présidente Cristina Kirchner a-t-elle réussi à mettre à la retraite, en décembre, Stiusso, cet ancien allié devenu gênant ? Le nom de Milani revient avec force dans les diverses explications. La présidente a en effet désigné ce militaire soupçonné de crimes contre l’humanité durant la dictature, chef de l’état-major en 2013. Et ce, à la surprise générale, tant la présidente aime rappeler qu’elle est la première à avoir fait condamner les tortionnaires de l’époque.
Le député Gustavo Vera, ami intime du pape François et spécialiste du sujet, nous confie tout haut ce que beaucoup de sources proches du dossier affirment tout bas : « Cristina ne pouvait pas se débarrasser du poisson Stiusso, alors elle a asséché son aquarium. Elle a construit des services secrets parallèles, dirigés par un autre poids lourd, Milani, tout aussi pourri, mais répondant à ses ordres. Stiusso s’est vengé de sa mise à la retraite forcée, une manière aussi d’assurer ses arrières et de montrer à la CIA et au Mossad son pouvoir et son utilité… à rester en vie. »
Sergio Burstein se bat depuis plus de vingt ans pour savoir qui a perpétré l’attentat antisémite où la mère de ses enfants a laissé la vie. « Le plus douloureux finalement, c’est de voir que tout le monde a menti dans la première enquête et que la deuxième est récupérée politiquement suite au décès du procureur. Qui pense aux victimes ? », lâche-t-il d’un air désabusé.
Effectivement, la première enquête sur l’attentat a été un fiasco. L’ex-juge et l’ex-président Carlos Menem ont été sur le banc des accusés pour avoir fait obstruction. Santiago O’Donnell, à qui Julian Assange a remis des documents Wikileaks concernant Stiusso et Nisman, nous donne cet autre éclairage. Selon ces documents, l’ambassade américaine n’a cessé de faire pression sur Nisman pour qu’il oriente l’enquête vers les Iraniens, au mépris des autres pistes. Si les Iraniens font de bons coupables politiques, la vérité importe-t-elle réellement ?
La mort mystérieuse d’Alberto Nisman a réveillé un démon qui hante l’Argentine depuis la dictature. Dans cette débandade macabre, apparaissent les mailles pourries des services secrets, jamais purgés d’une mafia infiltrée au cœur de l’État. Santiago O’Donnell, l’expert de Wikileaks, nous le confirme : « Ce sont comme des couches géologiques mises en place par chaque gouvernement, avec pas mal de couches héritées de la dictature. »