person:caroline izambert

  • Protéger les enseignant-es en stigmatisant des étudiantes ?
    http://contre-attaques.org/magazine/article/proteger-les

    Un universitaire propose d’interdire le voile à l’université pour éviter les triches aux examens et protéger les professeur-es de fac d’agressions. Des enseignant-es du CEAL lui répondent.

    Cher Christophe Leroy,

    Nous sommes enseignant-es en collèges et lycée en Seine-Saint-Denis, certain-es d’entre nous enseignons aussi à l’université. C’est à ce titre que nous avons lu votre tribune parue dans le Monde du 19 avril. Votre priorité y était de vous positionner contre le voile à l’université, et nous entendons ici vous répondre. Il n’est pas évident de saisir la logique de vos arguments tant ils sont obscurs et confus. Ils semblent cependant renvoyer à quatre problèmes que poserait le port du voile à l’université.

    Le premier cas qui semble justifier une interdiction est celui de la triche aux examens. C’est sous prétexte de ce genre d’arguments « pratiques » que vous prétendez nécessaire de légiférer sur le port du voile à l’université. Peut-être faudrait-il aussi prévoir une législation pour interdire les dreadlocks, les cheveux longs, les caches-cous, les écharpes ?

    Vous évoquez cet « épineux problème » en levant un lièvre qu’il ne vous intéresse pourtant pas de suivre : que tous les enseignants d’une discipline soient des hommes. Le seul problème que poserait cette absence de femmes serait d’entraver la fouille des étudiantes voilées, que vous jugez nécessaire.

    Comment est-il possible de n’y voir qu’un problème de surveillance des examens ? La possibilité qu’une étudiant.e refuse de vous adresser la parole parce que vous êtes un homme et qu’elle serait musulmane vous horripile, mais l’absence de mixité parmi les enseignants semble vous laisser de marbre. Allez, M. Leroy, un peu de courage, confrontez-vous à cet « épineux problème » ! Pourquoi ne pas écrire au Monde sur la sous-représentation des femmes parmi les enseignants de certaines disciplines universitaires ? Parce que cela désignerait le sexisme comme structurant notre société, alors que votre objectif est de réduire le sexisme à l’islam ? Vous qui vous donnez comme objectif de mettre vos étudiantes face à leur contradiction, n’arrivez pas à étudier celles de vos propres positions ?

    Votre second argument est que les enseignant.es doivent s’interroger sur le « degré d’implication d’une jeune femme voilée dans le strict respect des lois coraniques ». Cela semble vous tenir particulièrement à cœur puisque vous répétez cette même phrase, au mot près, à deux reprises. Vous réclamez même des formations à l’islam. C’est bien pourtant de formations à la laïcité dont vous avez besoin. Vous prenez d’ailleurs bien soin de ne jamais vous y référer pour justifier l’interdiction du voile à l’université. Cette interdiction répondrait à des exigences seulement pragmatiques.

    La laïcité vise à permettre l’expression libre des convictions, « mêmes religieuses » (comme disait la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen) et l’égalité des citoyen.nes. Elle suppose la neutralité des agents du service public, c’est-à-dire l’absence de jugement sur les convictions des usager.es et la non-expression de ses propres convictions. En d’autres termes, elle suppose précisément que les personnels ne jugent pas « le degré d’implication d’une jeune femme voilée dans le strict respect des lois coraniques ». Le faire, comme vous le faites, lorsque vous écrivez qu’ « une application stricte de ces lois fait qu’une femme voilée ne peut adresser la parole à un homme », c’est enfreindre le principe laïque.

    D’autre part, où avez-vous trouvé les règles intangibles et immuables qui régissent la pratique religieuse de 1,6 milliard de personnes ? Nous vous proposons de fréquenter plus assidûment les amphithéâtres de sociologie, ou les cours de nos collègues de sciences économiques et sociales en lycée : depuis Durkheim, on sait que les pratiques religieuses ne découlent pas mécaniquement de la théologie. S’ériger en interprète des textes sacrés, comme vous le faites, c’est faire profession de théologien.

    Venons-en à votre troisième argument. Vous prétendez que le port du voile aboutirait, en matière de surveillance des examens, à une inégalité de traitement des étudiant.es : les étudiantes voilées obtiendraient – grâce au laxisme de vos collègues – un traitement de faveur par rapport aux étudiant.es « ne portant pas de couvre-chefs ». Ou plutôt, vous vous cachez, avec un courage hors du commun, derrière les dires d’étudiant.es qui considéreraient qu’il y a là une enfreinte au principe d’égalité.

    L’argument fait ainsi porter aux seules étudiantes que vous stigmatisez la responsabilité de tensions dont vous seul, par votre refus d’appliquer les principes de la laïcité, êtes à l’origine. Cette stratégie n’a rien de nouveau : c’est la même qu’utilisèrent à partir de 1989, dans le secondaire, les défenseurs d’une loi interdisant le voile pour les collégiennes et les lycéennes. Alors même que le Conseil d’Etat, par une jurisprudence très claire, leur donnaient tort, ils promurent pourtant les exclusions d’élèves, et accusèrent celles-ci de semer le chaos quand elles demandaient à la justice de les soutenir. Ainsi, ils et elles ont pu faire passer la loi d’exclusion de 2004 comme une loi d’apaisement ! Ne soyez pas lâche : vous seul créez les tensions par vos propos.

    Vous décrivez « des étudiants venant sans voile ni couvre-chef quelconques (casquette, cagoule, capuche de survêtement) ». Cette énumération n’est pas sans nous surprendre.

    On voit bien à qui renvoie l’imaginaire de la casquette et de la capuche. Ajouter à cette liste la cagoule, c’est faire référence à un autre imaginaire : celui de la violence masquée du braqueur ou du terroriste. Cette assimilation du style vestimentaire de jeunes de quartiers populaires aux habits du crime organisé éclaire les présupposés de votre discours. Vous vous sentez victime d’une violence organisée, vous, chantre du « modèle occidental » pour reprendre vos propres mots.

    Finalement, votre texte a un intérêt. Un seul. Celui de témoigner de la terreur qui vous habite lorsque vous fréquentez certain.es de vos concitoyen.nes. Terreur dont le seul fondement est un racisme à peine masqué et un mépris de classe qui laisse peu d’espoir quand à vos capacités à jamais pouvoir enseigner, c’est-à-dire former des individus dont, par définition, les origines ethniques et sociales sont différentes des vôtres. Votre texte exprime une peur qui doit rendre votre enseignement difficile, voire insupportable. Remettez-vous en cause plutôt que d’accuser vos étudiantes.

    Venons-en enfin à votre quatrième « argument » – si l’on peut parler d’argument en cette matière. Il s’agit de la menace que feraient peser les étudiantes voilées sur les enseignant.e.s. par exemple par l’intermédiaire de leurs « tuteurs » . L’argument implicite est que les étudiantes voilées sont entourées de hordes d’hommes sauvages prêt à tout pour faire respecter la loi coranique (sans doute porte-t-il des casquettes, des capuches et plus sûrement des cagoules). M. Leroy, vos fantasmes paranoïaques ne prêteraient qu’à sourire s’ils ne devenaient pas une doxa qu’un ci-devant grand journal est désormais prêt à relayer. Cette menace suinte de votre texte. C’est la peur qui guide votre raisonnement.

    Votre colère et votre mépris pour vos étudiantes sont intolérables. Mais ce qui l’est autant, c’est la description que vous donnez de l’enseignement à l’université et votre indifférence à ce constat. Et cela nous affecte d’autant plus, nous professeurs de l’enseignement secondaire, que l’université est l’institution qui accueille le plus des élèves des quartiers populaires qui réussissent à intégrer l’enseignement supérieur.

    Quant à la relation pédagogique que vous décrivez, elle est réduite à un contrôle d’identité et une fouille au corps au moment de l’examen. Dans les classes préparatoires, où sont surreprésenté-es les enfants des catégories socio-professionnelles les plus favorisées, le taux d’encadrement est comparable à celui de l’enseignement secondaire. Les élèves y sont a minima connu-es, reconnu-es et accompagné-es dans leur projet d’études.

    Tandis que dans les premiers cycles d’université, étudiant-es et enseignant-es sont bien souvent condamné-es à un face-à-face anonyme dans des amphithéâtres surpeuplés, peu propice aux apprentissages. Votre témoignage en est le cruel reflet. Le taux d’échec des élèves issu-es des baccalauréats professionnels et technologiques y atteint des sommets. N’est-ce pas, comme le font, dans d’autres lieux, beaucoup de vos collègues, contre les conditions d’enseignement qui vous sont faites à vous et vos étudiant.es que vous auriez pu utiliser votre possibilité d’être publié dans Le Monde plutôt que de gloser contre des étudiant.e.s que manifestement vous ne connaissez pas ?

    Anaïs Flores, Paul Guillibert, Caroline Izambert, Florine Lepâtre et Jérôme Martin sont membres du CEAL.

  • Islam, voile : Elisabeth Badinter sème la division. Elle complique notre rôle d’enseignant - le Plus

    http://leplus.nouvelobs.com/contribution/1503068-islam-voile-elisabeth-badinter-seme-la-division-elle-compl

    Élisabeth Badinter a la comparaison historique facile. Le mot « nègre » mis de côté, elle valide aujourd’hui le rapprochement fait par la ministre Laurence Rossignol entre les femmes qui choisissent de porter le voile et des esclaves prétendument consentant-es.

    Déjà en 1989, lors de la première « affaire du foulard islamique » à Creil, quand le ministre de l’Éducation Lionel Jospin demandait au Conseil d’État un avis juridique sur l’exclusion de collégiennes voilées, Élisabeth Badinter hurlait avec d’autres à la lâcheté politique en parlant de « Munich de la République » [1].

    L’allusion aux Accords de Munich revenait à comparer ces adolescentes et leur famille à des nazis prêts à envahir l’Europe.

    Nazies ou complices consentantes d’un crime de masse raciste : voici la représentation que depuis 30 ans, des « philosophes » et des responsables politiques donnent des femmes voilées qui refusent l’invisibilité publique.

    Ces personnalités insultent au passage la mémoire des victimes de deux crimes contre l’humanité et en relativisent la gravité. Par de telles outrances, prononcées publiquement, elles compliquent notre rôle quand nous abordons l’esclavage et le nazisme avec nos élèves, dans les cours d’histoire, de littérature, de philosophie, d’éducation civique, de langues, d’histoire des arts.

    Nous abordons ces questions dans leur complexité : la recherche des causes et le respect des victimes, la singularité de chaque événement et leur inscription dans une histoire longue, le regard souvent distancié qu’impose la recherche historique et le jugement moral, politique, que les témoins, ou la postérité, ont imposé.

    Elle fait preuve d’une étonnante légèreté

    Parmi les questions les plus délicates, la question du sens à donner aujourd’hui à de tels crimes et des interprétations différentes est sans doute la plus complexe.

    Cette complexité vole en éclats sous le coup des outrances d’Élisabeth Badinter et de ses paires : le nazisme et l’esclavage ne sont plus que des prétextes à disqualifier la parole de personnes avec qui on est en désaccord.

    Doit-on indiquer ici que nous prévenons nos élèves contre la violence de tels procédés quand ils et elles en abusent en classe ? Doit-on signaler que la légèreté avec laquelle la polémiste ou la ministre recourent à ces crimes pour disqualifier la parole de personnes déjà minorées socialement nous met en colère ?

    Élisabeth Badinter n’est pas une enseignante de Seine-Saint-Denis. De nous, de l’Éducation nationale, elle dit qu’elle s’est « affaissée ». Elle fait partie d’une « élite républicaine » qui elle n’est pas affaissée. Voyons donc la différence entre l’élite et l’affaissement que nous sommes à ses yeux.

    Une actionnaire de l’agence Publicis

    Là où nous apprenons à nos élèves l’exigence légitime à apporter une justification à des assertions, elle assène, sans preuve aucune, que le port du voile, de plus en plus visible en France, serait le signe exclusif d’une empreinte croissante des islamistes / intégristes / djihadistes / salafistes.

    Pourtant : entretiens avec des femmes voilées, études sociologiques, témoignages, tout montre la diversité des raisons qui amènent des femmes à porter le voile. Que la contrainte en fasse partie est indéniable, qu’elle ne soit pas la seule aussi. Contrairement à des élèves, une élite républicaine n’a pas à se justifier de propos qui versent dans la généralisation abusive, même les plus incongrus. Ce serait s’affaisser.

    Là où nous apprenons à nos élèves que les actes doivent suivre les paroles, nous constatons qu’Élisabeth Badinter, toute à ses leçons de féminisme, continue d’être l’actionnaire principale de Publicis. Or, comme l’avait déjà signalé une journaliste de Rue89 le 11 février 2010, ou comme le montrait « Arrêt sur images » le 13 février 2010, cette agence publicitaire relaie parfois des messages sexistes.

    Comble de l’ironie, « Challenge » informe que l’agence vient de signer un contrat avec l’Arabie Saoudite pour redorer l’image du régime auprès de la France. Nous avons hâte de voir ce que Publicis proposera sur les droit des femmes, et la part de bénéfices que Badinter touchera sur ce contrat. L’élite républicaine ne saurait être hypocrite, ce serait s’affaisser.

    Une application des lois à géométrie variable

    Là où nous apprenons à nos élèves à analyser rigoureusement des propos avec lesquels ils et elles sont en désaccord, Élisabeth Badinter oppose le mensonge à celles et ceux qui font valoir son islamophobie.

    Selon elle en effet, seraient injustement accusées d’islamophobie les personnes qui auraient le courage, comme elle, de dire : « Nous voulons que les lois de la République s’appliquent à tous et d’abord à toutes »â��.

    Mais si Élisabeth Badinter est accusée d’islamophobie, ce n’est pas parce qu’elle voudrait faire appliquer les lois à tout le monde ; c’est précisément parce qu’elle refuse le bénéfice de certaines lois, et de certains principes constitutionnels, à toute une partie de la population, en raison de leur religion réelle ou supposée.

    Car qui refuse aux femmes voilées l’application de l’article 1 de la loi de 1905 ("La République assure la liberté de conscience") ? Qui ne cesse de stigmatiser et réduire au silence les musulman-es au mépris de la Constitution ("Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion") et du principe de liberté d’expression ?

    Mais une élite républicaine n’a pas à se justifier sur son rapport, disons, saugrenu, à la réalité historique et juridique. Ce serait s’affaisser.

    La recherche d’un bouc émissaire

    S’affaisser ? Selon Elisabeth Badinter, « l’Éducation nationale s’est affaissée, sous le coup des idéologues qui, là encore et toujours au nom de la différence culturelle et de la tolérance, ont enfermé ces jeunes dans leur ghetto ». Ce serait donc au nom de la « tolérance » que les inégalités de territoires, notamment en matière scolaire, existeraient.

    Les inégalités entretenues par l’État, notamment en matière d’investissement, de subventions, de moyens humains, pourtant largement décrites par les syndicats enseignants, la Cour des comptes ou le Défenseur des droits ne compteraient pour rien.

    Et le racisme, comme le sexisme, qui structurent l’institution en matière de d’orientation ne compteraient pour rien. Seul-es les antiracistes sont responsables.

    Manuel Valls a apporté son soutien à Élisabeth Badinter (U. AMEZ/SIPA).

    On comprend pourquoi Manuel Valls a soutenu cette interview d’Élisabeth Badinter. Là où toutes les preuves condamnent les politiques économiques et sociales des quinze dernières années, qui ont considérablement augmenté les inégalités de territoire au sein de l’Éducation nationale, la polémiste, elle, tient des « idéologues » antiracistes pour seul-es responsables de cette situation.

    C’est bien là le rôle de « l’élite républicaine » : servir de caution à l’État, semer la division au sein des citoyen-nes, trouver un bouc émissaire aux catastrophes sociales provoquées par des décennies de politiques inégalitaires, perpétuer une politique raciste et sexiste au sein de l’Éducation nationale en pervertissant les luttes féministes et antiracistes.

    >> Anaïs Flores, Paul Guillibert, Caroline Izambert, Florine Leplâtre et Jérôme Martin sont enseignantEs, membres du CEAL (Collectif enseignant pour l’abrogation de la loi de 2004)

  • Valls et la laïcité : assez d’hypocrisie

    https://blogs.mediapart.fr/edition/ecole-et-laicite/article/250116/valls-et-la-laicite-assez-dhypocrisie

    Les pires atteintes à la laïcité de ces dernières années ont été le fait de Manuel Valls et de son gouvernement.

    Le dimanche 27 avril 2014, par exemple, alors qu’il venait juste d’être nommé premier ministre, il annonçait, depuis le Vatican, qu’il n’honorerait pas la promesse de François Hollande d’ouvrir la PMA aux couples de femmes, honorant ainsi une demande du pape et des manifestants catholiques intégristes. Quelques mois plus tard, son gouvernement cédait une fois de plus au lobby religieux en retirant le projet des ABCD de l’égalité, outil de lutte contre les inégalités fondé sur la notion scientifique de genre.

    Manuel Valls n’a donc aucune légitimité à distribuer des bons ou des mauvais points en laïcité.

    Nous rappelons que le débat pluraliste est un droit fondamental de la démocratie, que la laïcité fait l’objet de discussions et que les représentant-es de l’observatoire de la laïcité se sont contenté-es d’un recadrage juridique et historique des propos d’ Elisabeth Badinter.

    Les propos de Manuel Valls lors du dîner du CRIF, le lundi 28 janvier, sont anti-démocratiques et anti-laïques.

    Grégory Bekhtari, Anaïs Flores, Paul Guillibert, Caroline Izambert, Florine Leplâtre, Jérôme Martin, membres du CEAL

  • ACTA récit d’une victoire (#pasencoretotale) | Xavier de La Porte, Thibault Henneton, Caroline Izambert
    http://www.vacarme.org/article2218.html

    ACTA est l’une des dernières grandes victoires remportée par les mouvements sociaux. Le 4 juillet 2012, le Parlement européen a voté à une majorité écrasante contre la ratification d’un accord considéré encore quelques mois plus tôt comme inévitable. Négocié depuis 2007 par la plupart des grands pays (États-Unis, Japon, Union europérenne…), ACTA (pour Anti-Counterfeiting Trade Agreement) visait, sous couvert de lutte contre la contrefaçon, à augmenter de manière drastique les standards de la « propriété (...) #Cahier / article consultable, entretien réalisé par, Biens communs

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