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  • Comment un rapport du CNRS sur l’impact du diesel sur la santé a été enterré

    http://www.lemonde.fr/planete/article/2016/03/30/diesel-et-sante-comment-le-rapport-du-cnrs-a-ete-enterre_4892103_3244.html

    En 2013, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) classait les échappements des moteurs diesel dans la catégorie des « cancérogènes certains » pour l’homme. Mais la prise de conscience des risques sanitaires de ce carburant, dans la société et le monde politique, aurait pu intervenir bien plus tôt. Selon nos informations, à l’automne 1997, une quarantaine de chercheurs français mettaient la dernière main à une expertise collective du CNRS intitulée « Diesel et santé », qui donnait déjà l’alerte sur le lien entre les fumées de ces moteurs et le risque de cancer. Ce rapport de 245 pages, l’un des documents scientifiques les plus ambitieux conduits à cette époque sur le sujet, a été enterré.

    Jamais publié, il est aujourd’hui à peu près introuvable ; il n’en reste que de très rares copies. La direction actuelle du CNRS ignorait jusqu’à son existence même ; sollicité par Le Monde, l’organisme de recherche a mis près de cinq mois à le retrouver, dans son dépôt d’archives de Gif-sur-Yvette (Essonne)… Le Monde a ainsi pu consulter une copie du document.

    Des auteurs très prudents

    Avec la prudence habituelle des scientifiques, les auteurs du rapport n’affichaient aucune certitude. « Mais il y avait clairement une alerte », dit l’un des auteurs du rapport, sous le couvert de l’anonymat. « L’action mutagène et génotoxique [qui peut provoquer des dommages à l’ADN] des émissions diesel a été démontrée in vitro, écrivaient les auteurs. A long terme, chez le rat, [elles] induisent la formation de tumeurs pulmonaires...

    (...) Les auteurs avaient ainsi rassemblé 25 études épidémiologiques sur le sujet, dont 22 montraient un risque accru de cancer du poumon chez les populations humaines exposées aux fumées du diesel. La moitié d’entre elles mettaient en évidence un risque statistiquement significatif.

    « En 1993, à mon arrivée au CNRS, je trouvais l’organisme assez timide sur les questions scientifiques en lien avec la société, par rapport à ce qui existait à l’Inserm, par exemple, raconte Pierre Tambourin, figure de la biologie française, à l’époque directeur du département des sciences de la vie du CNRS et aujourd’hui à la tête du Génopole d’Evry. J’ai consulté le directeur général de l’époque, Guy Aubert, sur l’opportunité de s’auto-saisir de la question de l’impact sanitaire du diesel, et il m’avait donné son accord. »

    Une quarantaine de scientifiques des universités ou des organismes de recherches publics ont ainsi été rassemblés par le CNRS, avec pour mission de produire une expertise collective sur le sujet.

    « Menace pour l’industrie automobile »

    Ce genre d’expertise a généralement une fonction de conseil pour la conduite des politiques publiques. Elle explore l’ensemble des aspects d’un sujet donné et son poids scientifique est très supérieur à celui d’une étude isolée. Plusieurs comités (sur la combustion des hydrocarbures, sur la toxicologie, l’aérologie, l’épidémiologie, etc.) ont ainsi été constitués en vue de réaliser l’expertise. Après plusieurs années de travail, le document a été finalisé en septembre 1997.

    « J’ai présenté les principales conclusions en comité de direction du CNRS et je me souviens de réactions assez négatives, poursuit M. Tambourin. Le rapport impliquait que les véhicules diesel soient tous équipés de filtres. Or à l’époque cette solution était économiquement viable pour les gros véhicules, pas pour les véhicules particuliers. Certains ont vu ce rapport comme une menace pour notre industrie automobile. »

    En 1997, c’est la nouvelle directrice générale du CNRS qui hérite de la patate chaude. « J’ai transmis le rapport à ma tutelle, c’est-à-dire au ministère de la recherche, raconte la physicienne Catherine Bréchignac, aujourd’hui secrétaire perpétuel de l’Académie des sciences. Je l’ai transmis une fois, deux fois et je n’ai eu aucun retour. De guerre lasse, j’ai fait ce que je devais et pouvais faire : nous avons publié un communiqué de presse, sans publier le rapport, qui était toutefois consultable au CNRS. »

    A cette même époque, Claude Allègre, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, s’opposait à la publication d’une autre expertise collective : le 16 octobre 1997, la revue Nature avait déclenché un scandale en révélant que M. Allègre bloquait la publication du rapport de l’Inserm sur l’amiante – révélations qui ont conduit à ce que le document en question soit finalement publié.

    Peu accoutumés à travailler sur ce type d’expertise – c’était la première du genre organisée par le CNRS –, les auteurs du rapport sur le diesel ne se sont, quant à eux, pas offusqués de ne pas voir leur travail rendu public. « Au départ, on ne nous avait pas dit si le rapport allait être publié ou non, se souvient l’un des auteurs. Je me suis demandé pendant un temps ce qu’ils allaient en faire et puis ça m’est sorti de l’esprit. Mais je ne me faisais pas trop d’illusions : à l’époque, les constructeurs français vendaient leurs diesels au monde entier. »

    La non-publication de l’expertise est donc passée inaperçue. Tout autant d’ailleurs que le communiqué de presse censé lui rendre justice. Diffusé le 27 août 1998, le texte n’évoque aucun des risques sanitaires soulevés par le rapport lui-même.

    Au contraire, il ne traite que des incertitudes, annonçant que l’expertise conduite a relevé « la complexité de l’analyse de la pollution imputable spécifiquement aux véhicules diesel ». « Les données existantes (...) ne permettent pas d’isoler ce qui a trait spécifiquement au diesel, ajoute le communiqué. (...) Enfin, les données sur la qualité de l’air sont agrégées et ne permettent pas de distinguer les sources de rejet de polluants. » Loin de relayer l’alerte portée par le rapport, le communiqué a plutôt cherché à diluer la responsabilité du diesel dans la pollution atmosphérique.

    Diluer la perception des risques

    « Le CNRS, les constructeurs automobiles PSA et Renault, les représentants des pétroliers Total et Elf ont décidé de poursuivre leur investigation, en partenariat avec l’Institut national de recherche sur les transports et leur sécurité et l’Inserm, poursuivait le texte. Un groupe de travail est constitué (...), chargé de poursuivre les études (...). La première réunion de travail de ce groupe doit se tenir au mois d’octobre [1998]. »

    Rendu public en plein mois d’août, le communiqué avait d’ailleurs échappé à plusieurs des auteurs du rapport contactés par Le Monde, qui s’étonnent aujourd’hui de la mention des constructeurs automobiles et des pétroliers. « On n’a travaillé uniquement entre académiques, à aucun moment nous n’avons été en contact avec des industriels, en tout cas dans mon groupe de travail », confie un chercheur qui a contribué au chapitre sur la toxicologie. « Les industriels ont été mentionnés car nous leur avons adressé le rapport final, puisqu’ils étaient les premiers concernés, répond Mme Bréchignac. En ce sens, je pense d’ailleurs que cette expertise n’est pas restée complètement lettre morte puisqu’il y a eu, depuis, beaucoup de progrès accomplis sur les pots catalytiques. »

    Quant au groupe de travail commun entre organismes publics et industriels, mentionné par le communiqué et censé avoir poursuivi les études sur le sujet, il semble n’avoir jamais existé. Interrogés, ni le CNRS, ni l’Inserm n’en ont retrouvé la moindre trace.

  • Climat : une académie sous influence

    http://www.lemonde.fr/sciences/article/2015/11/30/climat-une-academie-sous-influence_4820870_1650684.html

    Cette lettre est sèche comme un coup de ­trique. Elle mesure tout juste six lignes sur un écran d’ordinateur, mais à sa suite s’enquillent six pages de signatures. Le 1er juin dernier, ils sont près de 200 astrophysiciens français à écrire à d’autres astrophysiciens, leurs pairs qui siègent à l’Académie des sciences. Ils sont abasourdis. «  C’est avec stupeur que nous avons appris par voie de presse la teneur de certains débats se tenant à l’Académie au sujet de l’avis qu’elle doit émettre sur le changement climatique (…), écrivent-ils. Astrophysiciens ou planétologues comme vous, nous sommes consternés qu’une position niant la réalité du réchauffement climatique an­thropique puisse encore être soutenue à l’Académie, face à l’accumulation objective des preuves et dans une démarche déontologiquement douteuse.  »

    La missive n’accusait pas ses destinataires  : elle enjoignait plutôt aux astrophysiciens membres de l’Académie de monter au combat. «  Nous mesurons avec effroi les dégâts qu’une telle position pourrait produire, quelques mois avant la COP21, si elle venait à s’exprimer dans l’avis officiel de l’Académie, précisaient les chercheurs. Vous avez tout notre soutien pour que l’Académie émette un avis sans ambiguïté.  »

    Des proches de Claude Allègre

    Aujourd’hui, plus personne ne doute de la réalité et des causes humaines du changement climatique en cours. Plus aucune institution scientifique – ni dans les grands pays producteurs d’hydrocarbures, ni n’importe où d’ailleurs – ne les remet en cause. Plus aucune ? Pas tout à fait. l’Académie des sciences française, un petit groupe d’irréductibles – pour la plupart proches deClaude Allègre – résiste encore et toujours au consensus scientifique. (...)

    Avec l’imminence de la COP21, le psychodrame était inévitable. Il s’est irrémédiablement produit. En 2014, un an avant la conférence de Paris, l’Académie forme un groupe de dix académiciens – dit « groupe COP21 » – avec pour mission de préparer un avis sur le climat, en appui des négociations qui se tiendront l’année suivante. Au sein du groupe, le géophysicien Vincent Courtillot soutient une position climatosceptique. « Les premières ​réunions du groupe se sont très mal passées, le ton est monté, et il a été rapidement clair que le groupe ne parviendrait pas à se mettre d’accord », dit un académicien qui, comme presque tous ceux interrogés par Le Monde, a requis l’anonymat – à l’Institut, semble-t-il, règne un surprenant climat de peur.

    « Problème déontologique »

    Personnage flamboyant, grand orateur, habitué des médias, Vincent Courtillot est l’ancien bras droit de Claude Allègre. Fin 2014, ce spécialiste mondialement reconnu du magnétisme terrestre présente en séance publique de l’Académie des séries de courbes et de données supposées soutenir ses idées sur le climat. Des courriels assassins circulent. Le climatologue Edouard Bard, académicien et membre du groupe COP21, met crûment en cause la déontologie de son collègue. « Tu as remontré cinq planches de tes travaux de 2008, 2009, 2010 qui ont tous été réfutés dans plusieurs articles expertisés par les pairs », écrit-il à Vincent Courtillot, en copie à tant d’académiciens que l’interpellation devient largement publique. La présentation de travaux invalidés pose « un problème déontologique », notifie le professeur du Collège de France, qui ajoute en substance qu’une bonne part de la présentation de son adversaire est soit tirée d’une fausse revue scientifique éditée en Chine, soit inspirée d’un blog climato​sceptique...

    M. Courtillot n’a pas répondu. Lourde ambiance sous la coupole.
    Sans surprise, le groupe COP21 a fini par se désintégrer. Il aura suffi de deux articles de presse racontant le pataquès, l’un dans Le Monde, l’autre dans le mensuel La Recherche, pour que le groupe cesse de se réunir sans avoir accouché du moindre avis. Fin de l’histoire ? Pas tout à fait. « Dans la dernière semaine d’octobre, nous avons été estomaqués de recevoir dans nos boîtes aux lettres électroniques, par la bande, un projet de texte non signé de huit pages dont on ne sait pas qui l’a rédigé », raconte un membre de l’institution. Dans un message adressé au Monde, M. Courtillot suggère que tous les membres « ou presque » du groupe COP21 « ont mis la main à telle ou telle partie de cet avis ». Selon nos informations, plusieurs membres du groupe n’ont pourtant pas été officiellement informés de l’existence du document. « L’avis n’a en aucun cas été rédigé par le groupe COP21 », confirme de son côté le physicien Edouard Brézin, membre du groupe en question et ancien président de l’Académie.

    La version de travail est ensuite ramenée de huit à quatre pages, au terme de « 24 itérations », précise M. Courtillot. Mais plusieurs académiciens interrogés par Le Monde dénoncent l’opacité du processus. Et pour cause : dans cet avis sur le climat, il est au final très peu question de climat. Car une fois le texte ramené de huit à quatre pages, la plupart des considérations exclusivement
    climatiques ont disparu. « La 24e mouture [du texte] a été discutée et débattue devant l’assemblée plénière des membres (environ 100 présents) et diverses modifications ont été apportées en séance, précise M. Courtillot. Il n’y a pas eu unanimité sur la partie climatique, mais en revanche une quasi-unanimité sur les conclusions en matière d’énergie, jugées être la partie la plus importante de l’avis. »

    Un avis passé inaperçu

    « Au départ, on devait avoir un avis sur le climat, ensuite c’est devenu “climat et énergie”, et en réalité on se retrouve avec un avis qui porte essentiellement sur l’énergie, grince de son côté un académicien. Ce qui est complètement ridicule puisque l’Académie a déjà rendu un avis sur la transition énergétique en début d’année... »

    L’avis du 3 novembre transpire à grosses gouttes le compromis âprement négocié : aucune référence explicite à la responsabilité humaine dans le réchauffement en cours, aucune mention des projections climatiques conduites par la communauté scientifique, aucune caractérisation des risques posés le réchauffement... L’avis est discuté en assemblée générale le 3 novembre, mis au vote et adopté par 78 % des membres présents. ​Publié le jour même, il passe remarquablement inaperçu, nul ne l’ayant jugé ​digne d’intérêt... « Le texte n’est tout de même pas honteux, tempère M. Brézin. Au moins, nous avons évité le pire. »

    Ce n’est pas l’avis de tous, certains académiciens n’ayant pas de mots assez durs pour qualifier l’avis pris en définitive. Comment expliquer l’influence des climatosceptiques à l’Académie des sciences ? Pour comprendre, il faut faire un saut de cinq ans dans le passé.
    On s’en souvient : début 2010, Claude ​Allègre publiait L’Imposture climatique (Plon), l’un des best- sellers de l’année, dans lequel il accusait la communauté des climatologues d’être une « mafia » usant de diverses tricheries et de « méthodes totalitaires » pour imposer l’idée du réchauffement anthropique... « C’était une situation incroyable, se souvient le climatologue Eric Guilyardi (CNRS, université de Reading). Toute une communauté scientifique, qui se faisait insulter à longueur d’émissions de télévision, attendait que ses tutelles réagissent... et pendant de longues semaines, il ne s’est rien passé. »

    Crever l’abcès

    Les chercheurs en sciences du climat se sont en définitive défendus eux-mêmes, avec une initiative sans précédent dans l’histoire de la recherche française : plus de 600 scientifiques signant une lettre collective qui dénonçait les « accusations mensongères » de deux de leurs éminents pairs – Claude Allègre et Vincent Courtillot, membres influents de l’Académie... Interrogée, la physicienne Catherine Bréchignac, secrétaire perpétuelle de l’Institut, relativise et rappelle en substance que l’histoire des sciences est émaillée de violents affrontements : la farouche opposition de Marcelin Berthelot (1827-1907) à la théorie atomiste ; ou encore les virulentes passes d’armes sur la théorie de Jacques Benveniste (1935-2004), la célèbre « mémoire de l’eau »...

    « La démarche scientifique est faite de discussions, et maintenir la diversité intellectuelle est important, dit le chimiste Bernard Meunier, président de l’Académie des sciences. Nous ne souhaitons pas le formatage des esprits. Il n’y avait que du temps de l’URSS qu’on ne trouvaitque des avis avec des majorités absolues. »

    Au risque de calomnier ses adversaires ? En 2010, saisie par 600 chercheurs furieux d’être insultés, la ministre de la recherche d’alors, Valérie Pécresse, ordonne à l’Académie d’organiser un débat scientifique contradictoire sur le climat. Il fallait crever cet abcès.
    Sont invités une brochette de chercheurs spécialistes de la question, dont Eric Guilyardi. Peu de choses ont filtré de la réunion, mais dans un livre très récemment publié (Que feriez-vous si vous saviez ? Des climatologues face à la désinformation, Le Pommier, 190 pages, 17 euros), le chercheur raconte les dessous du débat : « aucune transparence dans la préparation des réunions », « processus d’invitation obscur », « contributions, écrites à l’avance, interdites de diffusion », « échanges menés à huis clos, aucun journaliste n’ayant été admis », « prises de parole organisées en fonction des luttes internes »... Quant au débat lui-même, « il n’a pas semblé vouloir dépasser le niveau du Café du commerce », raconte Eric Guilyardi, qui note toutefois que « de nombreux académiciens ont aussi fait barrage » aux climatosceptiques.

    Une Fondation soutenue par EDF, Alstom, Schlumberger et Cristal Union

    « Le sommet est atteint par un académicien qui se lève pour affirmer avec assurance que “les climatologues disent n’importe quoi puisqu’ils avaient prévu une glaciation dans les années 1970, qui n’est pas arrivée !” », écrit Eric Guilyardi. Curieux, des climatologues l’interrogent pour connaître ses sources. « L’académicien, gêné, finit par avouer, à la pause-café, qu’il tire cette information du film catastrophe Le Jour d’après [de Roland Emmerich], qui vient de passer à la télévision... » Le débat accouchera dans la douleur d’une brève déclaration, là encore âprement négociée et dénuée de toute référence scientifique, reconnaissant du bout des lèvres le consensus : oui, le ​climat se réchauffe, et oui, les activités humaines en sont responsables...
    Mais quelques mois plus tard, alors que les braises de la polémique sont encore vives, l’Institut de France accepte, à la demande de Claude Allègre, d’abriter une nouvelle fondation dont il est fondateur, la Fondation Ecologie d’avenir...

    Bronca immédiate. Echaudés par les scandales à répétition autour du climat, une soixantaine d’académiciens, dont l’ancien président, le physicien Edouard Brézin, s’adressent fin octobre 2011 au chancelier de l’Institut, Gabriel de Broglie, pour lui demander de renoncer au projet. « Comme vous le savez, notre confrère Claude Allègre est pour l’opinion française le porteur du climatoscepticisme, écrivent-ils. Alors qu’à l’évidence le changement climatique est sans doute l’une des thématiques majeures nécessitant des actions immédiates pour préserver l’environnement et permettre l’adaptation des sociétés humaines. »

    En vain. La Fondation Ecologie d’avenir, soutenue par EDF, Alstom, Schlumberger et Cristal Union, sera bien abritée par l’Institut. A la condition – surprenante pour une structure destinée à traiter d’environnement – de s’abstenir d’aborder la question climatique. Un engagement qu’elle a jusqu’à présent respecté...
    Mais plusieurs de ses membres appartiennent aussi aux instances exécutives de l’Académie.

    A commencer par Catherine Bréchignac, qui ne fait pas mystère de ses penchants climatosceptiques. Ou encore le président Meunier qui, « n’étant pas spécialiste du climat », ne se prononce ni en faveur ni en défaveur du consensus scientifique. Dans son édition de juin, La Recherche notait ainsi que deux des quatre membres du bureau, le saint des saints de la société ​- savante, appartiennent à la Fondation Ecologie d’avenir. En outre, ajoutait le mensuel scientifique, sur les quatorze académiciens membres de la fondation, plusieurs siègent au comité restreint – deuxième instance dirigeante de l’Académie...
    Comme promis, la fondation ne s’exprime pas sur la question climatique. Ses membres, eux, ne s’en privent pas, bien qu’aucun ne soit spécialiste en la matière.

    Une Fondation épinglée par la Cour des comptes

    La fameuse fondation a toutefois du plomb dans l’aile. La faute en revient à la Cour des comptes. Publié en avril, son rapport sur le fonctionnement de l’Institut de France et des cinq académies notait en effet que le « fonctionnement de [cette] fondation apparaît très particulier ». « Aux termes d’une convention conclue avec une association, dénommée “Association Ecologie d’avenir Claude Allègre”, l’ensemble des dépenses de la fondation, notamment pour l’organisation de colloques, transitent par cette association, créée à cet effet et présidée par un autre membre de l’Académie des sciences », détaillent les magistrats de la Cour, jugeant « injustifié » un tel montage. Avec quelque perfidie, les « sages » de la rue Cambon ajoutent : « L’association, au demeurant, est une structure légère ; elle compte un seul salarié, proche parent du fondateur [M. Allègre]. » Le chancelier de l’Institut de France, Gabriel de Broglie, n’a pas donné suite aux sollicitations du Monde.

    Le chimiste Christian Amatore, académicien, membre de la fondation et président de l’association Ecologie d’avenir de Claude Allègre, est, lui, scandalisé par la mise en cause de la structure créée par Claude Allègre. Il dit avoir démissionné de certains de ses mandats à l’Académie « pour ne pas risquer que des propos tendancieux dont les connotations sont diffamantes rejaillissent sur [ses] actions ». « Le résultat de cette présentation calomnieuse de la fondation et de l’association a été que le chancelier a décidé de supprimer tous les moyens de financer des employés sur les comptes des associations liées aux fondations de l’Institut, ajoute M. Amatore dans un message au Monde. En conséquence, j’ai dû licencier Laurent Allègre [proche parent de Claude Allègre] et n’ai engagé personne à sa place, ce qui de facto a stoppé l’organisation des colloques. » Pour autant, le climatoscepticisme qui règne sous la coupole en sera-t-il stoppé ?