person:charlie hebdo

  • « Un projet colonial aujourd’hui repensé, en France, comme une défense des valeurs laïques »

    Par Adam Shatz

    http://abonnes.lemonde.fr/idees/article/2016/04/12/un-projet-colonial-aujourd-hui-repense-en-france-comme-une-defense-d

    Dans Chassés de la lumière (Stock, 1972), l’écrivain américain James Baldwin raconte que peu après son installation en France en 1948, il a vu « des policiers tabasser en pleine rue un vieux vendeur de cacahuètes arabe, par ailleurs manchot, et observé les regards indifférents des Français attablés aux terrasses des cafés et les visages congestionnés des Arabes ». Avec un « généreux sourire », les amis de Baldwin l’avaient rassuré en lui expliquant qu’il était différent des Arabes : « Le Noir américain est très évolué, voyons ! » Alors que les Arabes, selon eux, « ne voulaient pas être civilisés ».

    A part les anciens combattants vieillissants de la guerre d’Algérie, plus personne en France ne parle d’« Arabes ». Aujourd’hui on parle de « musulmans ». Or les musulmans français sont les descendants du vendeur de cacahuètes évoqué plus haut, et, trop souvent, sont la cible de la même intolérance raciste. Comme le racisme que Baldwin décelait chez ses amis parisiens, celui-ci porte souvent un masque noble : antiterroriste, laïc, féministe.

    Le récent éditorial de Charlie Hebdo, « Qu’est-ce que je fous là ? », en est un exemple. Les attaques terroristes de Paris et Bruxelles « ne sont que la partie émergée d’un gros iceberg », écrit le dessinateur Laurent Sourisseau (« Riss »). Les parties non visibles de l’« iceberg » comprennent entre autres le penseur suisse Tariq Ramadan, qui a été accusé de pratiquer un « double langage », faisant mine d’être un modéré tout en œuvrant secrètement à l’instauration de la charia en Europe.

    Le musulman « dissimule toujours quelque chose »

    Certes, plaisante Riss, « il ne prendra jamais une kalachnikov pour tirer sur des journalistes dans leur salle de rédaction » mais « d’autres le feront à sa place ». Et n’oublions pas la « femme voilée » dans la rue, ou le boulanger de quartier qui a cessé de proposer des sandwiches au jambon. Aucune attaque terroriste « ne pourrait avoir lieu sans le concours de tous ».

    Comme l’Arabe à l’époque de Baldwin – ou le juif à une époque antérieure – le musulman d’aujourd’hui « dissimule toujours quelque chose », soit un complot terroriste, soit un complot pour islamiser la France, soit les deux. Il profite de la crainte des bien-pensants « d’être traités d’islamophobes ou de racistes ».

    L’idée selon laquelle la tolérance et le relativisme culturel feraient le lit de l’islamisation de la France est un vieil argument qui remonte aux débuts de l’Algérie française. Celui qui la reprend le plus clairement aujourd’hui est le philosophe Alain Finkielkraut. L’antiracisme, explique-t-il, « sera au XXIe siècle ce que le communisme a été aux années 1920 », et sa forme la plus pernicieuse est celle de l’anti-islamophobie.

    L’été dernier, à côté de celle de Nicolas Sarkozy, il a ajouté sa signature à une pétition publiée dans Valeurs actuelles pour protester contre la proposition de convertir en mosquées certaines églises désaffectées : la défense de la Iaïcité passe désormais par la sauvegarde des églises.

    Expression d’émancipation

    De telles opinions ne sont guère surprenantes à droite. Mais les positions de Finkielkraut ont été reprises par un certain nombre de figures éminentes de la gauche socialiste, parmi lesquelles le premier ministre Manuel Valls pour qui l’islamophobie est le « cheval de Troie du salafisme ».

    Plus récemment la philosophe féministe Elisabeth Badinter, qui avait autrefois comparé l’autorisation du hidjab dans les écoles françaises à l’accord de Munich, a appelé au boycott des marques proposant des foulards et autres vêtements islamiques. L’accusation d’islamophobie, a récemment déclaré Mme Badinter au Monde (4 avril), est « une arme que les islamo-gauchistes ont offerte aux extrémistes ».

    Lire aussi : Kamel Daoud et les « fantasmes » de Cologne, retour sur une polémique

    Selon cette opinion, non seulement s’en prendre à l’islam n’est pas du racisme, mais c’est défendre les valeurs françaises, au premier rang desquelles la laïcité et la protection des droits des femmes. C’est une expression non pas d’oppression, mais d’émancipation : la libération de tous les citoyens français, dont les femmes musulmanes qui subissent la tyrannie de leurs pères, frères et voisins dans les banlieues.

    Il y a une certaine logique dans cet argument. Le terme « islamophobie » est imprécis et peut rendre difficile la distinction entre critique de la religion – telle que l’expriment des intellectuels arabes comme Adonis et Kamel Daoud – et discrédit général à l’égard de toute personne pratiquant l’islam ou née dans une famille d’origine musulmane. Les défenseurs d’un islam traditionaliste ont intérêt à brouiller la distinction. Tout comme l’Etat islamique, qui cherche des recrues parmi les jeunes musulmans européens qui se sentent perdus ou rejetés.

    LA LOI DE 1905 N’A PAS SEULEMENT PRIVÉ L’EGLISE CATHOLIQUE DE SON POUVOIR, ELLE A AUSSI PERMIS AUX JUIFS ET AUX PROTESTANTS D’EXERCER PLUS LIBREMENT LEUR FOI.
    Ceux qui affirment seulement critiquer l’islam, tout en s’employant en permanence à insulter les musulmans en général, contribuent fortement à cet amalgame entre islam et citoyens de confession ou d’origine musulmane. Ils pratiquent la même ambiguïté tactique que ceux qui déploraient l’influence du judaïsme dans la vie française à la fin du XIXe siècle et accusaient ceux qui dénonçaient l’antisémitisme de vouloir supprimer la liberté d’expression – le magazine antisémite d’Edouard Drumont, fondé en 1892, s’intitulait La Libre Parole. Très peu d’entre eux expriment un racisme « biologique » à l’ancienne ; leur « racisme culturel » représente les musulmans comme une irrémissible cinquième colonne djihadiste.

    Le cas d’Elisabeth Badinter est plus complexe. Elle formule ses positions dans le langage apparemment progressiste du féminisme laïque et de l’universalisme républicain. Elle ne voit pas dans chaque musulmane voilée le soldat potentiel d’une invasion islamique. Et pourtant elle ne peut concevoir qu’une femme puisse choisir de porter le voile ; elle ne voit en elle qu’une femme soumise que l’on doit contraindre à se libérer, comme ces « nègres » partisans de l’esclavage américain évoqués par Laurence Rossignol (que Mme Badinter a soutenue).

    Lire aussi : Quelle République face à l’islamisme ?

    Ce désir de libérer les femmes musulmanes s’insère dans la longue histoire des « hommes blancs sauvant les femmes brunes des hommes bruns » (selon la formule de la critique littéraire indienne Gayatri Spivak) : un projet colonial qui est aujourd’hui repensé, en France, comme une défense des valeurs laïques dans les « territoires perdus de la République ».

    Les valeurs de la France risquent d’être perverties par une ligne de défense aussi ambitieuse. La loi de 1905 qui a instauré la laïcité était fondée sur la neutralité de l’Etat à l’égard des institutions religieuses ; elle n’a pas seulement privé l’Eglise catholique de son pouvoir, elle a aussi permis aux juifs et aux protestants d’exercer plus librement leur foi.

    Les défenseurs actuels de la laïcité, aussi bien à droite qu’au centre gauche, ont abandonné tout semblant de neutralité. Il n’est guère étonnant que pour nombre de musulmans en France, y compris la majorité silencieuse qui ne met que rarement, sinon jamais, les pieds dans une mosquée, le « gros iceberg » de Charlie Hebdo n’apparaisse que comme un terme codé leur enjoignant de rester à leur place. (Traduit de l’anglais par Gilles Berton)

    Cet article est d’abord paru dans la « London Review of Books »

  • La #ZAD de #Notre-Dame-des-Landes : une zone de non-droit revendiquée, beaucoup de dissensus, et une société en devenir.
    La Gueule Ouverte
    http://lagueuleouverte.info/La-ZAD-de-Notre-Dame-des-Landes-une-zone-de-non-droit-revendiquee-

    C’est un lieu très hétérogène au niveau des visions, analyses. Certains définissent la politique comme « une activité faite avec un impact conscient sur son milieu », une façon de critiquer l’apolitisme comme passivité et absence de conscience. Mais d’autres, à l’Université du Haut Fay affirment qu’il n’y a pas de politique commune à la ZAD.
    Néanmoins, au cœur de cette politique on trouve un point commun, c’est l’habiter. Des gens vivent ici, sur ces terres où l’on avait expulsé de nombreux paysans depuis longtemps parfois.
    Le ciment, c’est bien sûr l’opposition à la construction de l’aéroport de Notre Dame des Landes, mais aussi, contre la répression. Leur communication ils la font par le bouche à oreille, beaucoup, et un peu via Internet. Ils refusent les médias, qui ne s’intéressent qu’au spectaculaire, c’est à dire lorsque la maréchaussée tabassent, et que le bruit des armes se fait entendre, mais pas à l’essentiel qui est la recherche de l’autonomie.

    • Je découvre avec grand plaisir ce blog, qui semble s’être formé à l’occasion de la #COP21 :

      Durant la COP21, notre adresse était à la Maison Ouverte, 17, rue Hoche, 93100 Montreuil, France.
      Aujourd’hui, la COP21 terminée, La Gueule Ouverte est à la fois partout, comme la ZAD et nulle part, comme l’utopie.

      Il se présente comme la suite possible du journal La Gueule Ouverte https://fr.wikipedia.org/wiki/La_Gueule_ouverte_%28journal%29 :

      Un journal multimédia(s) de la Contre-COP et de la COP21 à la fois, diffusant en ligne des articles de fond et des articles d’actualité, textes, images (photos, illustrations, dessins), films, sons et entretiens…
      Ce journal s’appelle La Gueule Ouverte et c’est un journal commun, co-produit par les #médias-libres, indépendants, alternatifs. Oui, il s’agit de ranimer pour un temps la mémoire de cette feuille historique, premier journal écologique français digne de ce nom. Et de faire revivre, autant que possible, une certaine effervescence contemporaine du journal.
      Né en 1972, mort en 1980, il a fait vivre l’écologie politique avant la lettre, d’une manière radicale et drôlatique, avec une bonne partie de l’équipe de Charlie Hebdo et de Hara Kiri, plus des intervenants occasionnels ou réguliers, connaisseurs de l’écologie et de ses problématiques. Et d’autres dessinateurs, venus d’horizons divers.
      Pierre Fournier et Henri Montant (Arthur), assistés d’Isabelle Cabut, ont fait rayonner l’exigence écologique à un moment où le besoin s’en faisait sentir, parfois cruellement. C’est l’époque de Creys Malville et du premier mort, Vital Michalon, parmi les manifestants écologiques (déjà dû à une grenade offensive), le 31 juillet 1977.
      C’est là que nombre d’entre nous ont découvert l’écologie et se sont intéressé(e)s à l’écologie politique.
      Ce projet est né de la rencontre entre des Décroissants, radicaux de l’écologisme et des médias indépendants, radicaux de l’information démocratique, non marchande, partagée avec les lecteurs/lectrices. Un vrai journal ne peut être la propriété que de ses lecteurs. Le média s‘appelle donc La Gueule ouverte et le lieu d’accueil à Montreuil, la Maison Ouverte, s’appelle pendant la COP21, « Initiatives décroissantes pour le climat ». Un média center y est proposé durant les deux semaines de la COP21 à tout média indépendant, libre, alternatif, "pas pareil", ainsi qu’à tout reporter/rapporteur indépendant ayant besoin d’un lieu adapté pour fabriquer de l’information différente.

      http://lagueuleouverte.info/a-propos-14

    • A lire aussi, dans la foulée : Des jours heureux. Le 27 février 2016, à Notre Dame des Landes. : http://lagueuleouverte.info/Des-jours-heureux-Le-27-fevrier-2016-a-Notre-Dame-des-Landes

      De quoi Notre Dame des Landes est-il le non ? C’est toujours instructif que de faire un tour sur la zad. Un micro-climat y règne, bénéfique. Mais la manif du 27 février 2016, c’est autre chose. Un modèle « des jours heureux » (le nom du programme de refonte globale de la société du Conseil National de la Résistance). L’esprit de résistance qui y souffle inspire à chacun(e) la voie et bien-sûr la voix. C’est l’expérience proposée par ce reportage photo et texte à la rencontre des « zadistes » du 27 février.

  • Cinéma-débat : « Oncle Bernard, l’anti leçon d’économie »
    http://universitepopulairetoulouse.fr/spip.php?article663

    Mardi 10 mai à 20h30 à UTOPIA Toulouse, projection unique suivie d’une rencontre avec Richard Brouillette, le réalisateur, et François Morin, économiste professeur à l’Université Toulouse I. Soirée organisée avec Les Amis du Monde Diplomatique et l’Université Populaire de Toulouse (achetez vos places à partir du 27 avril). Richard Brouillette - documentaire Québec 2015 1h19mn - Oncle Bernard, c’était l’incomparable Bernard Maris, un des regrettés chroniqueurs de Charlie Hebdo abattus comme Charb, Cabu, (...)

    #Cinéma_-_débat

  • « Un projet colonial aujourd’hui repensé, en France, comme une défense des valeurs laïques »

    Dans Chassés de la lumière (Stock, 1972), l’écrivain américain James Baldwin raconte que peu après son installation en France en 1948, il a vu « des policiers tabasser en pleine rue un vieux vendeur de cacahuètes arabe, par ailleurs manchot, et observé les regards indifférents des Français attablés aux terrasses des cafés et les visages congestionnés des Arabes ». Avec un « généreux sourire », les amis de Baldwin l’avaient rassuré en lui expliquant qu’il était différent des Arabes : « Le Noir américain est très évolué, voyons ! » Alors que les Arabes, selon eux, « ne voulaient pas être civilisés ».

    A part les anciens combattants vieillissants de la guerre d’Algérie, plus personne en France ne parle d’« Arabes ». Aujourd’hui on parle de « musulmans ». Or les musulmans français sont les descendants du vendeur de cacahuètes évoqué plus haut, et, trop souvent, sont la cible de la même intolérance raciste. Comme le racisme que Baldwin décelait chez ses amis parisiens, celui-ci porte souvent un masque noble : antiterroriste, laïc, féministe.

    Le récent éditorial de Charlie Hebdo, « Qu’est-ce que je fous là ? », en est un exemple. Les attaques terroristes de Paris et Bruxelles « ne sont que la partie émergée d’un gros iceberg », écrit le dessinateur Laurent Sourisseau (« Riss »). Les parties non visibles de l’« iceberg » comprennent entre autres le penseur suisse Tariq Ramadan, qui a été accusé de pratiquer un « double langage », faisant mine d’être un modéré tout en œuvrant secrètement à l’instauration de la charia en Europe.

    Le musulman « dissimule toujours quelque chose »

    Certes, plaisante Riss, « il ne prendra jamais une kalachnikov pour tirer sur des journalistes dans leur salle de rédaction » mais « d’autres le feront à sa place ». Et n’oublions pas la « femme voilée » dans la rue, ou le boulanger de quartier qui a cessé de proposer des sandwiches au jambon. Aucune attaque terroriste « ne pourrait avoir lieu sans le concours de tous ».

    Comme l’Arabe à l’époque de Baldwin – ou le juif à une époque antérieure – le musulman d’aujourd’hui « dissimule toujours quelque chose », soit un complot terroriste, soit un complot pour islamiser la France, soit les deux. Il profite de la crainte des bien-pensants « d’être traités d’islamophobes ou de racistes ».

    L’idée selon laquelle la tolérance et le relativisme culturel feraient le lit de l’islamisation de la France est un vieil argument qui remonte aux débuts de l’Algérie française. Celui qui la reprend le plus clairement aujourd’hui est le philosophe Alain Finkielkraut. L’antiracisme, explique-t-il, « sera au XXIe siècle ce que le communisme a été aux années 1920 », et sa forme la plus pernicieuse est celle de l’anti-islamophobie.

    L’été dernier, à côté de celle de Nicolas Sarkozy, il a ajouté sa signature à une pétition publiée dans Valeurs actuelles pour protester contre la proposition de convertir en mosquées certaines églises désaffectées : la défense de la Iaïcité passe désormais par la sauvegarde des églises.

    Expression d’émancipation

    De telles opinions ne sont guère surprenantes à droite. Mais les positions de Finkielkraut ont été reprises par un certain nombre de figures éminentes de la gauche socialiste, parmi lesquelles le premier ministre Manuel Valls pour qui l’islamophobie est le « cheval de Troie du salafisme ».

    Plus récemment la philosophe féministe Elisabeth Badinter, qui avait autrefois comparé l’autorisation du hidjab dans les écoles françaises à l’accord de Munich, a appelé au boycott des marques proposant des foulards et autres vêtements islamiques. L’accusation d’islamophobie, a récemment déclaré Mme Badinter au Monde (4 avril), est « une arme que les islamo-gauchistes ont offerte aux extrémistes ».

    Selon cette opinion, non seulement s’en prendre à l’islam n’est pas du racisme, mais c’est défendre les valeurs françaises, au premier rang desquelles la laïcité et la protection des droits des femmes. C’est une expression non pas d’oppression, mais d’émancipation : la libération de tous les citoyens français, dont les femmes musulmanes qui subissent la tyrannie de leurs pères, frères et voisins dans les banlieues.

    Il y a une certaine logique dans cet argument. Le terme « islamophobie » est imprécis et peut rendre difficile la distinction entre critique de la religion – telle que l’expriment des intellectuels arabes comme Adonis et Kamel Daoud – et discrédit général à l’égard de toute personne pratiquant l’islam ou née dans une famille d’origine musulmane. Les défenseurs d’un islam traditionaliste ont intérêt à brouiller la distinction. Tout comme l’Etat islamique, qui cherche des recrues parmi les jeunes musulmans européens qui se sentent perdus ou rejetés.
    La loi de 1905 n’a pas seulement privé l’Eglise catholique de son pouvoir, elle a aussi permis aux juifs et aux protestants d’exercer plus librement leur foi.

    Ceux qui affirment seulement critiquer l’islam, tout en s’employant en permanence à insulter les musulmans en général, contribuent fortement à cet amalgame entre islam et citoyens de confession ou d’origine musulmane. Ils pratiquent la même ambiguïté tactique que ceux qui déploraient l’influence du judaïsme dans la vie française à la fin du XIXe siècle et accusaient ceux qui dénonçaient l’antisémitisme de vouloir supprimer la liberté d’expression – le magazine antisémite d’Edouard Drumont, fondé en 1892, s’intitulait La Libre Parole. Très peu d’entre eux expriment un racisme « biologique » à l’ancienne ; leur « racisme culturel » représente les musulmans comme une irrémissible cinquième colonne djihadiste.

    Le cas d’Elisabeth Badinter est plus complexe. Elle formule ses positions dans le langage apparemment progressiste du féminisme laïque et de l’universalisme républicain. Elle ne voit pas dans chaque musulmane voilée le soldat potentiel d’une invasion islamique. Et pourtant elle ne peut concevoir qu’une femme puisse choisir de porter le voile ; elle ne voit en elle qu’une femme soumise que l’on doit contraindre à se libérer, comme ces « nègres » partisans de l’esclavage américain évoqués par Laurence Rossignol (que Mme Badinter a soutenue).

    Ce désir de libérer les femmes musulmanes s’insère dans la longue histoire des « hommes blancs sauvant les femmes brunes des hommes bruns » (selon la formule de la critique littéraire indienne Gayatri Spivak) : un projet colonial qui est aujourd’hui repensé, en France, comme une défense des valeurs laïques dans les « territoires perdus de la République ».

    Les valeurs de la France risquent d’être perverties par une ligne de défense aussi ambitieuse. La loi de 1905 qui a instauré la laïcité était fondée sur la neutralité de l’Etat à l’égard des institutions religieuses ; elle n’a pas seulement privé l’Eglise catholique de son pouvoir, elle a aussi permis aux juifs et aux protestants d’exercer plus librement leur foi.

    Les défenseurs actuels de la laïcité, aussi bien à droite qu’au centre gauche, ont abandonné tout semblant de neutralité. Il n’est guère étonnant que pour nombre de musulmans en France, y compris la majorité silencieuse qui ne met que rarement, sinon jamais, les pieds dans une mosquée, le « gros iceberg » de Charlie Hebdo n’apparaisse que comme un terme codé leur enjoignant de rester à leur place.

    Adam Shatz (Traduit de l’anglais par Gilles Berton)

    Cet article est d’abord paru dans la « London Review of Book

    http://www.lemonde.fr/idees/article/2016/04/12/un-projet-colonial-aujourd-hui-repense-en-france-comme-une-defense-des-valeu

  • La liberté d’expression pour les nuls - Chroniques au Val
    http://www.chroniques-ovales.com/2016/04/la-liberte-d-expression-pour-les-nuls.html

    Alors, le blogueur qui se dresse face à un sénateur, une institution, un groupe de pression est coupable dès que la partie adverse a fait les gros yeux. La loi se met toujours au service des puissants : c’est une règle à laquelle il ne convient pas de déroger. La liberté d’expression, cette belle illusion pour laquelle sont morts les membres de Charlie Hebdo, doit se plier au principe de réalité d’une société inique.

    #censure

  • RAPHAËL LIOGIER RÉPOND À CAROLINE FOUREST ! - Là-bas si j’y suis

    http://la-bas.org/les-emissions-258/les-emissions/2015-16/raphael-liogier-repond-a-caroline-fourest

    https://vimeo.com/162123674

    Le chercheur Raphaël LIOGIER n’en revient pas. Caroline FOUREST l’a carrément démoli en direct dans la séquence de l’émission C À VOUS, interviewée par Patrick COHEN (France 5, 06 avril 2016).

    Sauf que LIOGIER n’était pas invité sur le plateau ! Caroline a pu sans risque taper à bras raccourcis sur cet affreux partisan du port du voile islamique, ce « complice » de nos ennemis dans « la bataille culturelle que nous sommes en train de perdre » et autres amabilités.

    Oui, vous avez bien lu, le voile, revoilà le voile !

    C’est Manuel VALLS qui l’a ressorti pas plus tard que ce lundi 04 avril. Alors que toute la place de la République vibre de la NUIT DEBOUT qui est en train de gagner le pays, au coin même de la place, discrètement, au théâtre Déjazet, lors d’un colloque sur l’islamisme et le populisme en Europe, Manuel VALLS ressortait l’épouvantail du voile, « asservissement de la femme », et contre lequel « il faut agir ». Alors que la jeunesse est dans la rue, alors que la révolte sociale gronde un peu partout, le Premier ministre tente de faire diversion. « Bien sûr, il y a l’économie et le chômage, mais l’essentiel, c’est la bataille culturelle et identitaire. » Au moins c’est clair.

    Incapable de faire face au chômage, à la précarité, aux inégalités, tout comme à l’évasion fiscale des grosses fortunes, Valls tente de dissimuler la bombe sociale sous le voile et les vieux amalgames chers au FN et aux partisans de la « guerre des civilisations ».

    En cela il peut compter sur le fidèle soutien de Caroline FOUREST. Si Laurent RUQUIER a décidé de ne plus jamais l’inviter dans son émission suite à de trop gros mensonges, Caroline est toujours présente dans les médias quand il s’agit de protéger la France du péril islamiste.

    Tout comme la philosophe Elisabeth BADINTER qui appelle au boycott des marques faisant dans la « mode islamique ». Malheureusement, on apprenait au même moment qu’Élisabeth BADINTER, 47ème fortune française, est la principale actionnaire de PUBLICIS qui assure avec zèle la communication de… l’Arabie Saoudite !

    http://www.metronews.fr/info/lutter-contre-le-voile-et-etre-chargee-de-la-com-de-l-arabie-saoudite-le-troublant-melange-des-genres-d-elisabeth-badinter/mpde!vpd3bjn54L5uA

    • après les attaques qui ont frappé la France le 13 novembre 2015, M. Alain Juppé (Les Républicains) a réclamé « l’expulsion des imams étrangers qui se rendent coupables d’apologie du terrorisme » (Le Figaro, 17 novembre 2015). Quelques semaines plus tard, à l’occasion de l’anniversaire de la tuerie de Charlie Hebdo et de l’Hyper Cacher, le premier ministre Manuel Valls dénonçait « les imams qui répandent la haine de l’autre et de la République » (L’Obs, 8 janvier 2016). Les médias fonctionnent souvent comme une caisse de résonance de ces discours. La moitié des 831 articles titrant sur les imams entre 1995 et 2008 étaient ainsi consacrés à des individus « expulsés » ou « en voie d’expulsion » (1). Les autres mettaient en scène des imams pas (ou mal) formés, dépendant de l’étranger ou insuffisamment intégrés. La figure de l’imam « éclairé », prêchant un « islam à la française », est parfois évoquée, mais à condition qu’elle apparaisse comme l’exception qui confirme la règle.

      Ce traitement médiatique et politique focalise l’attention sur des situations exceptionnelles et souvent effrayantes. Difficile, dès lors, de convaincre du caractère pourtant tout à fait ordinaire de l’écrasante majorité des hommes qui guident les rituels islamiques dans les 2 500 lieux de culte musulmans de France. Selon les données du ministère de l’intérieur, seuls 31 imams ont été expulsés entre 2001 et 2011, alors que 80 % d’entre eux sont étrangers, donc potentiellement expulsables. Très minoritaires, les réactionnaires et les radicaux n’épuisent pas à eux seuls la réalité de l’imamat en France. Appréhender ce magistère à l’aune de ses représentants extrémistes paraît aussi réducteur que d’identifier tous les prêtres catholiques à la pédophilie, à l’homophobie et au royalisme au motif que certains ont effectivement agressé des enfants, tenu des propos homophobes, etc.

      Cela est d’autant plus vrai que les imams de France, davantage encore que les prêtres, se caractérisent par leur grande hétérogénéité.

      L’islam sunnite (la branche de la religion musulmane la plus représentée en France) se définit comme une religion du sacerdoce universel : n’importe quel homme pubère et sain d’esprit peut, en théorie, assumer cette fonction. « L’imam n’est pas un intermédiaire entre Dieu et les croyants, rappelle M. Hussein K., imam bénévole d’une mosquée située dans une zone urbaine sensible (ZUS) du sud de la France. On est là pour guider la prière, faire le prêche, enseigner les bases de l’islam et conseiller les gens sur la religion, point. Ce n’est pas comme le prêtre chez les catholiques. En France, ce sont les fidèles ou les responsables de l’association qui désignent l’imam. Ils choisissent parmi les présents le plus versé dans la religion, le plus savant, le plus sage. On n’a pas d’autorité, sinon morale — et encore (2)… »

      Dans plus de la moitié des mosquées (55 %), les imams sont bénévoles. Certains sont ouvriers, employés, petits commerçants ; d’autres sont cadres, universitaires, enseignants, membres de professions libérales. Que leur savoir religieux, souvent acquis de manière autodidacte, soit ou non garanti par des titres profanes (maîtrise, doctorat, diplôme d’école d’ingénieurs…), ils conçoivent l’imamat comme un engagement que l’on fait « à la grâce de Dieu » (fî sabîli l-lâh) pour les « bonnes actions » (hasanât). Même si leur nombre augmente depuis le début des années 1990, les imams rémunérés demeurent minoritaires. Certains sont passés par de prestigieuses institutions de transmission du savoir islamique (Al-Azhar au Caire, l’université Quaraouiyine au Maroc, l’université Emir-Abdelkader à Constantine, l’Université islamique de Médine, etc.) ou, plus modestement, par des instituts préparant à cette fonction, en France ou à l’étranger. Parmi ces professionnels, certains sont des fonctionnaires envoyés par l’Algérie ou la Turquie pour officier dans les salles de prière (environ 250 en France) affiliées à leurs relais consulaires ou à leurs associations satellites : la Grande Mosquée de Paris, proche de l’Algérie ; le Diyanet işleri Türk islam Birliǧi (Ditib), lié à la Turquie, etc. Ceux qui sont rémunérés directement par les associations touchent généralement des salaires ou des défraiements mensuels inférieurs à 1 200 euros ; les fonctionnaires sont bien mieux rétribués : aux environs de 2 000 euros par mois.

  • Une réaction à l’édito de Riss publié en anglais: How did we end up here?
    https://charliehebdo.fr/en/edito/how-did-we-end-up-here

    Take the local baker, who has just bought the nearby bakery and replaced the old, recently-retired guy, he makes good croissants. He’s likeable and always has a ready smile for all his customers. He’s completely integrated into the neighbourhood already. Neither his long beard nor the little prayer-bruise on his forehead (indicative of his great piety) bother his clientele. They are too busy lapping up his lunchtime sandwiches. Those he sells are fabulous, though from now on there’s no more ham nor bacon. Which is no big deal because there are plenty of other options on offer - tuna, chicken and all the trimmings. So, it would be silly to grumble or kick up a fuss in that much-loved boulangerie. We’ll get used to it easily enough. As Tariq Ramadan helpfully instructs us, we’ll adapt. And thus the baker’s role is done.

    Teju Cole - Charlie Hebdo was given last year’s PEN/James and Toni...
    https://www.facebook.com/permalink.php?story_fbid=10153616146902199&id=200401352198&fref=nf&pnref=s

    Historical analogy can be tiresome and too easy, but sometimes it’s the sharpest thinking tool around. Reading this extraordinary editorial by Charlie, it’s hard not to recall the vicious development of “the Jewish question” in Europe and the horrifying persecution it resulted in. Charlie’s logic is frighteningly similar: that there are no innocent Muslims, that “something must be done” about these people, regardless of their likeability, their peacefulness, or their personal repudiation of violence. Such categorization of an entire community as an insidious poison is a move we have seen before.

    Read the piece yourself—don’t just react. Read the piece and think through who you wish to be in relation to the kinds of arguments it presents. If I hadn’t carefully scrutinized the url (and thus confirmed that it really is legit), I’d have thought someone was doing a cruel parody of laïcité. The fact that the essay itself is written in English also indicates very clearly that Charlie is aware of its global audience now, of the bigotry that is increasingly popular here in the US, disguised and undisguised.

    Meanwhile, you might remember that SOS Racisme, a French “anti-racist” organization, was brought to New York last year to defend Charlie from accusations of racism. One of the founders of SOS Racisme was Laurence Rossignol, the current French minister for women’s rights. This same Rossignol said last week that women who wear the hijab are like the “nègres américains” (American negroes/ American niggers) who accepted slavery.

    So, SOS Racisme gets on stage and, on behalf of PEN, gives an award to Charlie Hebdo, and everybody applauds and congratulates themselves for their fine understanding of satire. The same Charlie, in this new editorial, writes: “From the bakery that forbids you to eat what you like, to the woman who forbids you to admit that you are troubled by her veil, we are submerged in guilt for permitting ourselves such thoughts.”

    What thoughts? The wish to discriminate freely against Muslims without having to be called out on it. The freedom to draw everyone who is Muslim, or comes from a Muslim family, or is connected to North Africa, or “looks” Arab, into one big universal blood guilt that makes them literally responsible for the horrors perpetrated by a few maniacs. The desire to have this hatefulness lauded as courage.

    (On en est où du débat «Mais non Charlie ils sont pas islamophobes»?)

    (via Angry Arab)

    • Putain je crois que cet édito est encore plus gerbant que les dessins.

      Par ailleurs, admire la logique « orwelienne » aussi :
      – il y aurait soit disant une peur de la contradiction, de l’objection, de la controverse, de la discussion, de la contestation qui s’institue dans la société (je reprends tous les mots utilisés)
      – contre ça, il faudrait interdire la parole à Tariq Ramadan (entre autre), et ne pas débattre avec lui (et obliger les boulangers à faire des sandwichs contenant du porc).

      Wait…

      #vomi #Riss #Charlie_Hebdo #islamophobie #racisme #Grand_Remplacement (c’est clairement le thème de ces exemples de ces fourbes musulmans qui s’insèrent au milieu de nos croissants)

    • Etonnant de pouvoir lire l’édito en anglais, et de tomber sur un paywall pour pouvoir le lire en français... Ça empêche les comparaisons. Et puis le lire en français, ça permettrait de lever le doute sur la bêtise du propos lu en anglais. Après tout, c’est pas ma langue natale... peut-être que je lis mal.

      Ça donne l’impression que Val n’a pas quitté Charlie.

    • @biggrizzly
      Tu peux le voir là :
      https://twitter.com/search?f=images&vertical=default&q=riss%20%C3%A9dito&src=typd

      Dans le livre de Denis Robert, à propos des bombardements sur la Serbie :

      "Dans le n°361 de Charlie Hebdo en lieu et place de la chronique de Charb (Note : CH du 19 mai 1999), un texte de Riss (qui n’écrit pas d’ordinaire) reproche même aux pacifistes d’être des collabos ! De même sur le traité constitutionnel européen : si d’autres voix que celle de Philippe Val se font entendre, c’est lui qui conduit une campagne véhémente et caricaturale contre les partisans du « non » au référendum. Riss montre là un rapprochement très net avec Philippe Val et Richard Malka. Plus jamais il ne sera pris à défaut quant à cette proximité."

    • J’ai l’impression que c’est encore une discussion où tout le monde a raison parce ce chacun voit les choses de son point de vue particulier. Il me semble qu’on puisse se rapprocher de la « vérité » à travers une analyse des intérêts des émetteurs des messages divers. Disons follow the money ou cui bono pour ceusses qui préfèrent le latin à l’anglais.

      Donc, pour ajouter un peu de confusion à celle qui régne déjà voici mon point de vue à moi :

      Le texte de Charlie me rappelle la pièce célèbre de Max Frisch Monsieur Bonhomme et les Incendiaires : Pièce didactique sans doctrine (Biedermann und die Brandstifter : Ein Lehrstück ohne Lehre) . Vu comme ça c’est un avertissement contre des trends qui sont tout à fait inquiétants. Si on ignore l’énervément et les commentaires provoqués par le fait que le texte de Charlie vise chacun de nous individuellement, surtout chacun qui croit avoir compris le problème, on peut l’interpréter comme un appel à la mise en question de toutes les idées préfabriquées, un appel contre l’égoïsme, contre le communautarisme, pour l’entente, pour l’identification des intolérants incorrigibles et pour la solidarité.

      Vu comme ça le texte de Charlie a le même défaut que celui de l’auteur suisse en 1958 : Il omet l’analyse des forces qui font bouger cet amalgame d’hommes, d’idées et d’actions. Les textes demeurent au niveau de la surface. Ils n’apportent pas grand chose et ne constituent surtout pas d’outils pour libérer qui que ce soit de quoi que ce soit. Le sous-titre de Frisch le dit explicitement.

      Dommage, passons à autre chose.

      P.S. Si le Grand Duduche avait été allemand, il aurait été obligé d’étudier Biedermann und die Brandstifter au lycée.

      Biedermann und die Brandstifter
      https://de.wikipedia.org/wiki/Biedermann_und_die_Brandstifter

      Biedermann und die Brandstifter ist ein Drama des Schweizer Schriftstellers Max Frisch. Es handelt von einem Bürger namens Biedermann, der zwei Brandstifter in sein Haus aufnimmt, obwohl sie von Anfang an erkennen lassen, dass sie es anzünden werden. Der Untertitel lautet „Ein Lehrstück ohne Lehre“.

      #idéologie #terrorisme #religion #islam #fascisme

    • Quand Riss énonce l’ensemble des causes de cette façon :

      The causes are numerous beyond counting and everyone will naturally choose the one that suits best their own convictions. Law and Order fans will denounce the haplessness of the police. Xenophobes will blame immigration. Sociologists will rehash the evils of colonialism. Urban-planners will point to the evils of ghettoisation.

      Il omet dans sa liste « take your pick » ce que la grosse majorité des commentateurs clame depuis des années : « c’est tout de la faute de l’Islam (et des arabes) ». Ce que son texte finit par conclure (tu m’étonnes), à la façon dont tous les briseurs de tabous et de portes ouvertes font depuis Huntington.

      Ils causent de peur de s’exprimer, de crainte de critiquer, mais ils sont partout, à réciter les mêmes choses, tout le temps, dans toutes les langues, et sur toutes les publications. Comment une telle façon de se victimiser peut-elle à ce point faire illusion ? :-(

  • Tout en finesse.

    M’étant un peu renseigné sur le Stromae en question (mon grand Nathan kiffe je tâche de m’intéresser à ce qui intéresse mes enfants, même si ce ne sont pas les concertos brandebourgeois), j’avais appris que le père de Stromae était mort au Rwanda d’action généocidaire, d’où la fameuse chanson Papa où t’es ? , du coup ce dessin prend une saveur encore plus délicate je trouve.

  • Attentas de Bruxelles : réinvestir le crime.

    Ou bien vous n’appliquerez votre loi que d’une manière molle et intermittente ; elle ne regardera que d’un regard distrait dans le fond même des consciences, et vous laisserez échapper, mêlés à l’immense flot quotidien des pensées, les paroles, les propos imperceptibles et obscurs d’où demain, selon vous, sortira le crime ; ou bien votre loi voudra, d’un regard aigu, continu, profond, surveiller constamment toutes les consciences, et alors, sous prétexte d’hygiène morale, vous aurez installé dans ce pays la plus étrange tyrannie qu’on ait jamais pu rêver !

    Jean Jaurès
    http://www.jaures.eu/ressources/de_jaures/jaures-contre-les-lois-scelerates-anarchisme-et-corruption-1894
    >A propos des "lois scélérates" de 1893-1894
    http://www.vendemiaire.fr/lois-scelerates/index.html

    Après les attentats de Bruxelles, les responsables de l’UE préparent une vaste escalade de l’espionnage policier , par Alex Lantier - WSWS
    http://www.wsws.org/fr/articles/2016/mar2016/breu-m26.shtml

    Ignorant les questions posées sur comment il fut permis à des terroristes connus de planifier et d’exécuter un attentat alors que Bruxelles était en état d’alerte, les responsables de l’UE lancent de nouvelles attaques sur les droits démocratiques.

    Attentats à la bombe en Belgique : pourquoi on n’a pas « fait le lien »
    Par Alex Lantier et André_Damon 26 mars 2016
    http://www.wsws.org/fr/articles/2016/mar2016/pers-m26.shtml

    Les attaques terroristes de cette semaine en Belgique, qui ont fait 31 morts et 300 blessés, sont les dernières d’une série d’attaques similaires de haute visibilité ayant eu lieu au cours de quinze ans de « guerre contre le terrorisme. »

    Chacune d’entre elle suit un scénario similaire : les assaillants sont bien connus des agences de renseignement et sont des combattants actifs ou potentiels dans des opérations de déstabilisation et de changement de régime soutenu par l’Occident au Moyen-Orient ou en Eurasie. Après chaque attaque, l’absence de réaction sur des informations déjà en possession des services de renseignement est faussement justifiée par un prétendu « manque à faire le lien. » Enfin, malgré les défaillances monumentales des protocoles de sécurité, aucun responsable n’est licencié ou encore discipliné.

    Dans des incidents antérieurs, comme les détournements d’avion du 11 septembre, les attentats du marathon de Boston, la fusillade à Charlie Hebdo et les attentats de novembre 2015 à Paris, l’étendue de la connaissance préalable des services de renseignements n’est apparue que dans les mois ou les années suivantes, permettant à ces faits d’être soigneusement cachés des médias et relégués au domaine de la « théorie du complot »

    #Attentats #Bruxelles #Belgique #Terrorisme #théorie_du_complot #WSWS #Jean_Jaurès

  • Pourquoi les caricaturistes israéliens ne dessinent pas le Prophète / Why Israeli cartoonists don’t draw Muhammad http://seen.li/a4x9 - Al Monitor

    http://www.al-monitor.com/pulse/originals/2015/02/israel-cartoonists-interview-charlie-hebdo-islam-democracy.html

    Israeli cartoons have a storied legacy, but in Israel the limits on cartoonists are more restrictive from the outset than those in France. Criminal law in Israel forbids insulting the sensibilities of religion and ethics. While there are ways of skirting these prohibitions, it’s hard to believe that a senior cartoonist in Israel would want to directly insult Prophet Muhammad and that there would be an Israeli publisher who would agree to publish such a cartoon.
    (...)
    Yonatan Wachsmann (...) says that “in democratic countries cartoonists will always play a marginal role. In countries that are more dictatorial and with less freedom of expression, the role of the cartoonist will be more important and more central. From the standpoint of the audience as well as the government.”

    “I wouldn’t draw cartoons about Muhammad,” declares Biderman, “not because I’m afraid or because of violent threats from radical Islam, but because the most basic rule in cartooning is to criticize your own tribe. Allah doesn’t interest me and Jesus doesn’t interest me. It’s not my business. If I have complaints, it’s toward the rabbis, some of whom are racist, outmoded, homophobic, corrupt. I also think there’s something strange about Charlie Hebdo’s cartoonists fixating on Muhammad. Of course I’m afraid, because my life is more important to me than a cartoon, but beyond that I don’t get the obsession. (...)”

    Sur @OrientXXI « Charlie : Une aubaine pour Benyamin Nétanyahou » http://orientxxi.info/lu-vu-entendu/charlie-une-aubaine-pour-benyamin-netanyahou,0794

    « Les caricaturistes arabes se battent pour créer leur propre espace » http://orientxxi.info/lu-vu-entendu/les-caricaturistes-arabes-se-battent-pour-creer-leur-propre-espace,0839

    • Je pense qu’il faut essayer de penser à le préciser quand on poste un article qui date.
      C’est exiger un effort de vigilance extrême, et c’est peu réaliste, que de se reposer sur le lecteur pour vérifier la date d’édition de tout ce qu’il lit.
      amicalement

    • @wardamd c’est dommage, tu devrais prendre les quelques secondes nécessaires pour le faire. De mon point de vue, et dans un cadre participatif comme l’est seenthis, la date comme la source est un élément important à avoir sus le yeux quand défilent les billets. Quand je l’oublie, je la rajoute toujours.

      C’est cette attention en général, et aux autres en particulier qui fait aussi la richesse et l’eficacité de seenthis autant comme transmetteur que comme producteur de connaissance.

    • Mes deux grains de sel :

      – on est sur Seenthis, on peut toujours compter sur les amis pour ajouter la précision en commentaire… (de mon côté, je compte beaucoup sur les amis de Seenthis pour la thématisation des articles via l’ajout de hashtags pertinents :-)) Donc ce n’est pas très grave si l’auteur initial a oublié de le faire (surtout quand il s’agit d’un flux d’excellente qualité comme le tien, Warda).

      – En même temps, je pense vraiment important de mentionner quand il s’agit d’« archives » quand il ne s’agit pas de documents récents, parce que le format du flux se prête énormément aux confusions : comme sur Twitter par défaut on considère que c’est un article récent, et on assiste vraiment très régulièrement à des vagues d’indignation autour d’articles plutôt anciens. Par ailleurs, comme les excellents contenus de Seenthis passent habituellement automatiquement sur Twitter, on accentue la difficulté – Twitter étant encore plus dans l’immédiateté que Seenthis, avec en plus l’impossibilité d’ajouter l’info pertinente en commentaire.

      – Perso (mais vraiment on fait comme on veut), quand c’est un article ancien, je l’introduis directement, tout au début (juste avant le titre), par une mention du genre « Archive novembre 2012 :… », pour être certain que la reprise automatique du billet Seenthis vers Twitter conservera l’information. Si j’oublie de le faire, je modifie mon billet d’origine, parce que ça me semble important. (Même si vraiment, sur Seenthis, on peut compter sur un ami pour le signaler en commentaire. Et justement : sur Seenthis j’aime bien amender un billet après une précision fournie en forum, ça fait partie de l’ambiance sympa et constructive ici.)

  • L’Angleterre et la France ont ouvert la voie à l’État islamique
    Patrick Cockburn| lundi 21 mars 2016 -
    http://www.info-palestine.eu/spip.php?article15955

    La capture de Salah Abdeslam, vraisemblablement l’unique survivant et planificateur du massacre de Paris, fait que les médias se concentre à nouveau sur la menace d’une attaque terroriste par l’État Islamique (EI). Des questions sont posées sur pourquoi l’homme le plus recherché en Europe a pu tromper la police si longtemps, alors qu’il se cachait dans le district même de Molenbeek à Bruxelles. La télévision et les journaux s’interrogent avec nervosité sur la possibilités que l’EI commette une autre atrocité, pour se replacer à la pointe de l’actualité et prouver qu’il est toujours opérationnel.

    Le reportage sur les événements à Bruxelles est du même tonneau que ceux réalisés après les attaques de janvier (Charlie Hebdo), de novembre à Paris, et les massacres sur les plages en Tunisie commis par l’EI l’année dernière. Pendant plusieurs jours il y a une couverture dominante dans les médias, avec beaucoup plus de temps et d’espace que ce qui est nécessaire pour relater tous les développements. Puis soudainement l’attention se déplace ailleurs et l’EI devient une histoire qui date, traitée comme si le mouvement avait cessé d’exister ou a au moins perdu sa capacité de nous nuire.

    Cela ne signifie en rien que l’EI a cessé de tuer des gens - et en grand nombre - depuis le massacre à Paris le 13 novembre... Cela veut juste dire qu’il ne le fait pas en Europe. J’étais à Bagdad le 28 février dernier quand deux attaquants-suicide de l’EI, sur des motos, se sont faits exploser sur un marché en plein air de téléphones portables à Sadr City, tuant 73 personnes et en blessant plus de 100.

    Le même jour, des dizaines de combattants de l’EI, montés sur des pick-up et équipés de mitrailleuses lourdes, ont attaqué des avant-postes de l’armée et de la police à Abu Ghraib, le site de la prison tristement célèbre à l’ouest de Bagdad. Il y a eu un premier assaut mené par au moins quatre attaquants-suicide, l’un d’entre eux conduisant un véhicule chargé avec des explosifs jusque dans la caserne, et les combat ont duré pendant des heures autour d’un silo de grain en feu.

    Le monde extérieur a à peine noté ces événements sanglants, parce qu’ils semblent faire partie de l’ordre naturel en Irak et en Syrie. Mais le nombre total d’Irakiens tués dans ces deux attaques - avec encore un autre double attentat-suicide sur une mosquée chiite dans le secteur de Shuala à Bagdad quatre jours plus tôt - était à peu près équivalent à celui des 130 personnes qui sont mortes à Paris, tuées par l’EI en novembre dernier.

    Il y a toujours eu une déconnexion dans l’esprit du public en Europe entre les guerres en Irak et en Syrie, et les attaques terroristes contre des Européens. C’est en partie parce que Bagdad et Damas sont vus comme des endroits exotiques et effrayants, et les images d’attaques à la bombe sont la norme depuis l’invasion américaine de 2003. Mais il y a une raison plus insidieuse pour laquelle les Européens ne prennent pas suffisamment en considération la relation entre les guerres a Moyen-Orient et la menace à leur propre sécurité.(...)

    traduction de l’article cité par @souriyam
    http://seenthis.net/messages/471827

    • Cette séparation dans les esprits est pour beaucoup dans l’intérêt des responsables politiques occidentaux, parce qu’elle signifie que le public ne voit pas que leurs politiques désastreuses en Irak, en Afghanistan, en Libye et aencore ailleurs, créent les conditions requises pour le développement de l’EI et pour des bandes terroristes du même type que celle à laquelle appartenait Salah Abdeslam..

      Les démonstrations émotionnelles officielles qui suivent généralement ces atrocités, telles que la marche de 40 leaders mondiaux dans une rue de Paris après la tuerie de Charlie Hebdo l’année dernière, contribuent à neutraliser n’importe quelle idée que les échecs politiques de ces mêmes responsables pourraient bien être à un certain degré responsables de ces atrocités.

      Alors que ce genre de marche est habituellement organisé par ceux qui sont privés de pouvoir, pour protester et afficher leur défi, dans ce cas précis ce n’est qu’un coup de pub pour détourner l’attention sur l’incapacité de ces dirigeants à agir effectivement et à faire cesser les guerres - qu’ils ont pour beaucoup contribuées à provoquer - au Moyen-Orient.

      Un aspect étrange de ces conflits est que les dirigeants occidentaux n’ont jamais eu à payer le moindre prix politique pour leur responsabilité dans cette violence, ou pour la poursuite de politiques qui la favorisent. L’EI est une puissance montante en Libye, quelque chose qui ne se serait pas produit si David Cameron et Nicolas Sarkozy n’avaient pas tout fait pour détruire l’État libyen en renversant Gaddafi en 2011.

  • Dans le Loiret, le djihad pour tuer l’ennui

    http://www.lemonde.fr/police-justice/article/2016/03/17/a-orleans-le-djihad-pour-tuer-l-ennui_4884442_1653578.html

    C’est un bout de la guerre en Syrie qui a fait irruption dans les bois verts du Loiret. Tout a débuté par l’interception d’une ligne téléphonique turque bizarrement en lien avec une adresse en plein centre-ville d’Orléans.

    «  Allô, Salam. (…) Tu penses venir quand  ?

    – (…) Euh (…), j’ai ma voiture à vendre en fait avant (…), mais inch’Allah il y a des frères qui vont arriver…  »

    On est alors le 14 février 2014, jour de la Saint-Valentin, a priori sans histoires, sur les bords de Loire.

    Cet hiver-là se trame en réalité un voyage d’un genre particulier. Le propriétaire de la ligne turque se trouve dans les rangs djihadistes en Syrie. L’homme au bout du fil, à Orléans, est à deux doigts de tenter l’aventure pour le rejoindre. Derrière lui, une douzaine de jeunes de la ville, âgés de 20 à 27 ans, s’apprêtent à lui emboîter le pas… Un phénomène d’une ampleur inédite pour un département semi-rural comme le Loiret.

    La région a, comme d’autres, depuis longtemps, son petit vivier d’individus signalés. Le 15 mars, un homme de 47 ans, bien connu des services antiterroristes, a été interpellé, avec son fils et son épouse, à Montargis, dans le cadre de l’enquête sur les attentats de Charlie Hebdo et de l’HyperCacher en janvier 2015. Il est toujours en garde à vue. Mais l’enquête sur la «  filière  » d’Orléans, que Le Monde a pu consulter, témoigne d’une évolution plus souterraine. Et illustre la banalisation progressive des affaires de «  filières  » djihadistes sur l’ensemble du territoire. ( ... )

    Deux jeunes Orléanais ont d’ailleurs été visiblement aiguillés jusqu’en Syrie par un Lunellois, preuve que les réseaux djihadistes finissent par s’entremêler. Mais, à Orléans, pas de rôle particulièrement saillant d’un « recruteur » comme cela se voit dans certains dossiers. A peine les enquêteurs ont-ils trouvé la trace de quelques vidéos de propagande regardées sur Internet.

    Que s’est-il passé alors ? Est-ce la hantise de la « dunya » ? Ce terme, qui veut dire littéralement « inférieur » en arabe, désigne par extension dans le Coran « la vie d’ici-bas ». Dans les innombrables conversations téléphoniques de la bande d’Orléans qu’ont interceptées les policiers, le terme apparaît en filigrane. La « dunya » ou le symbole de la vie à fuir à tout prix. La « dunya » ou l’incarnation, à les entendre, de l’ennui absolu. Le djihad plutôt que la « dunya » ?

    L’histoire d’Orléans, c’est en tout cas la rencontre improbable entre la guerre en Syrie et la vie bien rangée. Un choc inattendu qui est l’un des fils conducteurs des discussions qu’ont entretenues par téléphone, pendant des mois, un jeune couple d’Orléanais avec leurs camarades partis au front. Jusqu’à son interpellation en novembre 2014, Yanis, 29 ans, formait avec sa compagne Inès (les prénoms ont été modifiés), 25 ans, un couple discret. Un tandem uni autour de leur fille de 2 ans et leur petite résidence proprette située à deux pas de la ligne du tramway.

    Conversations métaphoriques

    « T’es parti où en match là ? », s’enquiert Yanis, par exemple, ce jour de septembre, comme on viendrait aux nouvelles d’un vieil oncle. Inquiet d’être sur écoutes, il utilise le vocabulaire du football en espérant duper les oreilles indiscrètes. Les matchs, ce sont les combats.
    « (...) A la frontière de l’autre pays, juste à côté », décrit son correspondant en Syrie, volontairement allusif.
    – Ah d’accord... et c’était comment ? – (...) Je vois le drapeau d’ici... »

    Yanis est aujourd’hui soupçonné d’avoir largement outrepassé ces conversations métaphoriques en rendant divers services compromettants à ses amis. Par exemple, conduire à toute berzingue jusqu’à Vienne, en Autriche, pour ramener l’un d’entre eux voulant échapper aux contrôles. Partir en Turquie avec la grand-mère d’Inès dont la justice se demande si elle n’a pas servi d’alibi pour faire passer puces téléphoniques et pâtisseries orientales. Plus gênant – bien qu’il s’en défende : livrer armes et véhicules, comme certains de ses camarades sont allés jusqu’à le lui demander.

    Djihadistes anonymes

    Lors de ses conversations de canapé, la violence de la guerre débarque parfois sans prévenir.
    « J’te dis que j’suis dans une tranchée, comme dans la seconde guerre mondiale !, hurle dans le combiné ce jour-là l’interlocuteur de Yanis depuis la Syrie.
    – Hé hé hé, trop bête ! hé hé hé... T’es un barbu ? Tu fais partie des barbus ?, titille Yanis, désarçonnant de décontraction.
    – De quoi ? », tente de comprendre le combattant au front, qui n’a manifestement pas la tête à un jeu de mots avec les « poilus » de la première guerre mondiale.

    Certains observateurs voient dans l’affaire d’Orléans une sorte d’effet « capillarité ». La faute à cette petite heure de train Intercités qui suffit à rallier la banlieue parisienne à l’ancien fief capétien. Les services de renseignement ont constaté, désemparés, les diverses visites de courtoisie de jeunes salafistes franciliens à leurs « frères » de province. Plusieurs tentatives de déstabilisation de mosquées ont failli aboutir. Le département compte même désormais sa poignée de djihadistes anonymes, tués dans cette guerre lointaine pour le « califat ».

    « Les kouffars, ce n’est pas grave »

    Les profils du groupe d’Orléans sont aussi singuliers que leur origine géographique. Des hommes relativement diplômés et sans casier judiciaire, reflets des mille et uns visages de la radicalisation. Dans la valise de l’un d’entre eux, Hakim, ex-étudiant en licence de mathématiques, les enquêteurs ont retrouvé gribouillée sur un calepin, l’architecture sophistiquée de toute une logistique pour améliorer les rotations des combattants, mal fichues à son goût. « C’était le bazar (...), donc j’ai proposé à l’émir cette organisation. (...) Il était super-content que la proposition vienne de nous », leur a-t-il expliqué.

    En Syrie, la bande d’Orléans s’était affublée des traditionnels surnoms musulmans : Abou Youssouf, Abou Khalid, Abou Bilel, Abou Aymen... Mais dans leur appartement de centre-ville ou à la fenêtre de leur HLM sans histoire, ils répondaient aux prénoms de Rémi, Moussa, Sadio, Romuald, Clément-Victor, Jean-Marc, ou Alexandre. Les clichés les auraient volontiers imaginés abîmés par le chômage, caïds infatigables. Mais ils étaient vendeur, veilleur de nuit, employé à la Sécurité sociale.

    Leurs amitiés ne se sont pas forgées dans les quartiers ghettoïsés d’Orléans. Plutôt au collège, au lycée, ou autour de la sociabilité discrète d’une salle de prière située à moins de 800 mètres de la grande cathédrale Sainte-Croix, la mosquée des Carmes. Comme si sept cents ans après, Jeanne d’Arc et autant d’années de commémoration de son héroïsme guerrier avaient transmis le goût de l’engagement combattant à leur génération.

    Les conversations d’Inès, la compagne de Yanis, montrent son désarroi face au décalage entre la guerre romantique qu’elle semble s’être imaginée, et les informations télévisées qu’elle suit assidûment :
    « A la télé, tu vois, ils montrent les décapitations qu’ils font (...), ils montrent genre le peuple irakien, les Kurdes, etc. en train de fuir (...), des esclaves, des machins et tout..., s’épanche-t-elle un jour auprès de l’un des membres de la bande en Syrie.

    – Oui mais les kouffars [infidèles], ce n’est pas grave, c’est bien tu vois. Le problème c’est que eux, ils font ça avec les musulmans, lui répond le djihadiste.
    – Aux infos ils ont dit que Barack Obama allait taper la Syrie aussi !, s’alarme-t-elle une autre fois. – Dis-lui qu’on l’attend, tête de mort ! », lui répond en rigolant son jeune interlocuteur.

    « Ça a tapé proche »

    Avec le bouche-à-oreille, toute la bande d’Orléans s’est en tout cas retrouvée, entre 2012 et 2015, à différentes dates de séjour, à veiller ensemble en Syrie. Dans le même groupuscule proche d’Al- Qaida au nom prophétique : l’Armée de Mohammed. A ses heures de gloire, le groupe a compté jusqu’à 400 combattants. Leur chef était un vieil Egyptien au nom d’Abou Obeida. Leur ennemi : Bachar Al-Assad. Leur étendard : la profession de foi de l’islam inscrite en lettres blanches sur un grand carré de toile noire, avec pour particularité, un grand sabre en travers.

    D’après une note de la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), l’Armée de Mohamed a participé à des combats particulièrement durs sur le terrain : notamment lors d’une offensive menée conjointement avec l’organisation Etat islamique dans le nord d’Alep en juillet 2013 ou dans la région d’Homs quelques mois plus tard.

    « Ça a tapé proche (...), on va dire à 500 mètres derrière tu vois !, détaille ainsi un jour au téléphone l’un des Orléanais en Syrie, en ligne avec Yanis.
    – Putain une grosse ? (...) Ça a fait des dégâts ?, interroge le jeune père de famille tout en prenant sa fille dans ses bras.

    – Ça a détruit des trucs dans les environs (...). Le machin, il est au-dessus de nous tu vois. (...) Je vois les flammes (...), il s’approche et après on entend un bruit de plus en plus comme s’il tombait sur nous. »

    Des fusils dissimulés dans des jardinières

    Un seul Orléanais, âgé de 20 ans, ancien étudiant en horticulture, converti à 15 ans, a fini par admettre, devant les enquêteurs, avoir pris part à ces combats. Un témoignage rare alors que la plupart des mis en cause préfèrent jurer qu’ils n’ont fait que des « ribats » (« tours de garde »). « Je me suis rendu dans le sous-sol d’une usine. (...) Il y avait tellement de volontaires qu’il y a eu un tirage au sort, a-t-il détaillé. J’ai été tiré au sort. La nuit tombée, l’opération a été lancée. J’étais équipé de ma kalachnikov. (...) Quand on a vu que les premiers se faisaient tuer, on a battu en retraite. (...) J’ai ressenti beaucoup d’adrénaline, de la peur. »

    Le jeune homme a finalement été interpellé chez lui, début novembre 2015, alors qu’il était rentré en France depuis un an après un simple « débriefing » avec la DGSI. Il avait entamé une reconversion dans la plomberie. « Appartement très bien rangé et bien meublé », ont noté les policiers, comme surpris en découvrant le petit F3 où il logeait avec sa mère. Un logement situé à deux pas d’une promenade agréable sur les berges de la Loire, pas très loin d’une placette de village et ses vieilles pierres.

    Est-ce l’âpreté de la vie en Syrie qui l’a, comme les autres, officiellement incité à revenir ? Ou bien des projets cachés plus macabres ? « Si tu dois rentrer, tu sais ce que tu as à faire pour avoir les récompenses, tu vois ? », explique un jour au téléphone, dans une conversation sujette à diverses interprétations, le mari d’Inès, à Moussa, 22 ans, las des combats et de son célibat.

    En apparence, les profils des neuf Orléanais mis en examen ne sont pas les plus inquiétants. Mais à l’automne 2015, les enquêteurs ont mené une perquisition chez l’un d’eux où ils ont découvert fusils, talkies-walkies et caméscope. Tout un attirail dont la finalité n’a jamais vraiment été élucidée et qu’il avait pris soin de dissimuler, sous la terre, au fond de ses jardinières.

  • Surveillance des frères Kouachi : autopsie d’un échec

    http://www.lemonde.fr/attaques-a-paris/article/2016/02/27/surveillance-des-freres-kouachi-autopsie-d-un-echec_4872725_4809495.html

    Chaque nouvel attentat souligne les défaillances des services de renseignement et fournit l’occasion d’octroyer plus de moyens à la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI, ex-DCRI). La réflexion sur l’organisation du renseignement français, elle, est sans cesse repoussée.

    A la mi-novembre 2015, quarante et une notes de la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI) – devenue la DGSI en mai 2014 – sur les frères Kouachi et Amedy Coulibaly ont été déclassifiées à la demande de la justice, comme l’a révélé Le Monde le 4 janvier. Leur examen retrace de manière très précise le travail effectué entre 2010 et 2013 sur les futurs auteurs des attentats de janvier 2015. Il permet surtout de mieux cerner la nature des failles dans ce dossier.

    Premier enseignement : la DCRI n’a pas manqué de moyens. Ecoutes téléphoniques, consultations Internet, analyse de fadettes, surveillance physique, renseignement humain… L’abondance des données collectées sur les frères Kouachi entre 2010 et 2013 confirme que ces deux « objectifs » ont fait l’objet d’un travail sérieux en raison de leur connexion établie avec « la mouvance terroriste ».

    La défaillance se situe ailleurs, dans l’analyse qui a été faite de ces informations. Après deux ans d’écoutes, la DCRI met un terme au suivi des frères Kouachi au motif qu’il n’a pas permis de « détecter d’éléments relatifs à la préparation d’une action violente » ni « de matérialiser des éléments permettant l’ouverture d’une enquête judiciaire ». (...)

    Début 2010 : la maison du Cantal

    Déjà condamné à trente-six mois d’emprisonnement en 2008 pour sa participation à la filière irakienne dite des « Buttes-Chaumont », Chérif Kouachi réapparaît incidemment dans le viseur des services début 2010. Les policiers sont alors occupés à surveiller Djamel Beghal, condamné pour un projet d’attentat à Paris en 2005 et assigné à résidence à Murat, dans le Cantal, depuis sa sortie de prison. Ils constatent que deux hommes lui rendent de fréquentes visites : Amedy Coulibaly et Chérif Kouachi.

    Cette surveillance va contribuer à mettre au jour un projet élaboré à Murat visant à faire évader Smaïn Aït Ali Belkacem, condamné à perpétuité pour l’attentat à la station RER Musée-d’Orsay en 1995. Le 18 mai 2010, la Sous-direction antiterroriste (SDAT) interpelle onze personnes, dont Amedy Coulibaly, sa compagne Hayat Boumeddiene et Chérif Kouachi. Amedy Coulibaly écopera en 2013 de cinq ans de prison dans ce dossier, Chérif Kouachi bénéficiant d’un non-lieu.
    Au lendemain des attentats de janvier 2015, la DGSI avait fait savoir qu’Amedy Coulibaly n’était pas connu des services pour ses liens avec la mouvance terroriste. Sur le plan judiciaire, c’est exact : la qualification « terroriste » n’avait pas été retenue lors de son procès.

    Du point de vue du renseignement, cette affirmation est fausse. Le 15 mars 2010, Amedy Coulibaly a fait l’objet d’une demande d’information de la SDAT à la DCRI « concernant des individus liés à la mouvance islamiste radicale ». Le 29 mars, la ligne téléphonique de son épouse, Hayat Boumeddiene, a été placée sur écoutes, les enquêteurs soupçonnant Amedy Coulibaly et Chérif Kouachi de l’utiliser. La DCRI écrivait alors à propos de la jeune femme : « Elle évolue incontestablement dans la mouvance islamiste radicale et mérite de retenir l’attention de nos services. » Les principaux acteurs des attentats de janvier 2015 étaient tous dans le viseur de la DCRI depuis 2010.

    Eté 2011 : le voyage au Yémen

    C’est pourtant un renseignement étranger qui va conduire la DCRI à s’intéresser de nouveau aux frères Kouachi. Fin 2011, les Etats-Unis informent la France que Saïd Kouachi s’est rendu durant l’été 2011 à Oman, près de la frontière yéménite, en compagnie de Salim Bengale , qui combattra par la suite dans les rangs de l’organisation Etat islamique. Les deux hommes auraient profité de ce séjour pour rejoindre Peter Chérif , un ancien des « Buttes-Chaumont » qui a combattu en Irak avant de rallier Al- Qaida dans la péninsule arabique (AQPA) au Yémen.

    Les services découvrent rapidement que Chérif Kouachi a correspondu par mail avec Peter Chérif depuis un café Internet de Gennevilliers (Hauts-de-Seine) dans les mois précédant ce voyage. Ils ne comprendront que bien plus tard que c’est vraisemblablement Chérif Kouachi, et non Saïd, qui s’est rendu au Yémen cet été-là avec le passeport de son frère – qui s’y trouvait sans doute déjà –, afin de contourner son contrôle judiciaire.
    C’est là le premier ratage des services : comment un djihadiste déjà condamné pour terrorisme et mis en examen dans un autre dossier est-il parvenu à rejoindre les rangs d’AQPA sans que personne, en dehors des Américains, ne s’en aperçoive ?

    21 décembre 2011 : les frères Kouachi sur écoutes

    Chérif Kouachi – qui apparaît pour la troisième fois dans le viseur des services – sera placé sur écoutes par la DCRI pendant deux ans, de décembre 2011 à décembre 2013. Il fera durant cette période l’objet de surveillances physiques « ponctuelles mais régulières ». Saïd Kouachi sera, lui, « branché » par la DCRI à deux reprises, durant huit mois en 2012 et deux mois en 2013. Il fera également l’objet d’une dernière écoute mise en place par la Direction du renseignement de la préfecture de police de Paris (DRPP) entre février et juin 2014.
    Les services constatent que la surveillance technique des frères est rendue « très difficile » par le fait qu’ils cherchent à « cacher » leurs échanges, ont « en leur possession une très grande quantité de puces téléphoniques », dont ils changent « généralement au bout d’un jour ou deux ». Un luxe de précautions susceptible d’éveiller quelques soupçons.

    8 février 2012 : la surveillance physique

    Le 8 février, à Clichy-sous-Bois (Seine-Saint-Denis), Chérif Kouachi est aperçu à bord d’une voiture en compagnie de Slimane Khalfaoui et de Nicolas Belloni, tous deux condamnés pour un projet d’attentat à l’explosif visant la cathédrale de Strasbourg et le marché de Noël en décembre 2000. La DCRI commence à découvrir que l’aîné de la fratrie fréquente presque exclusivement des individus connus de sa documentation spécialisée.

    Mars 2012 : les consultations Internet de Chérif Kouachi

    Le 13 mars, Chérif Kouachi est licencié pour avoir refusé de saluer sa directrice. Il consulte régulièrement des sites Internet ayant trait au djihad. « Son intérêt porté à la recherche d’un aéroport et d’une zone désertique au Yémen confirme son profil de candidat potentiel au djihad, ou pourrait donner une indication sur la région dans laquelle pourrait se trouver actuellement Peter Chérif », note la DCRI.

    11 avril 2012 : un objectif « prioritaire »

    Alors qu’il est toujours mis en examen dans le dossier du projet d’évasion de Smaïn Aït Ali Belkacem, Chérif Kouachi est en relation avec deux anciens des « Buttes-Chaumont » : Mohamed El Ayouni et Thamer Bouchnak. Il continue surtout d’être un des principaux contacts téléphoniques de Peter Chérif, soupçonné « d’organiser, depuis le Yémen, une filière d’acheminement de djihadistes ».
    Les services soupçonnent alors les frères Kouachi d’animer cette filière et de préparer un deuxième voyage au Yémen, après celui de l’été 2011. « Kouachi Chérif est incontestablement un islamiste radical qui évolue toujours actuellement dans la mouvance terroriste, conclut une note de la DCRI. Il demeure l’un des objectifs prioritaires du service. »

    1er juin 2012 : Fritz-Joly Joachin, l’« associé »

    Les services s’intéressent à un certain Fritz-Joly Joachin, qu’ils soupçonnent d’être l’« associé » de Chérif Kouachi dans « un possible commerce (dont la nature reste à déterminer) avec la Chine ». Fritz-Joly Joachin est apparu en 2010 dans une enquête sur une filière djihadiste afghane. Il sera interpellé en Bulgarie quelques jours avant l’attaque visant Charlie Hebdo, tandis qu’il tentait de gagner la Turquie. Il a depuis été mis en examen dans l’enquête sur les attentats de janvier 2015.

    6 juin 2013 : trafic de contrefaçons

    Les enquêteurs y voient plus clair sur le commerce dans lequel sont associés les deux hommes : il s’agit d’un trafic de vêtements de contrefaçon, dont « le service soupçonne » qu’il « constitue un soutien financier à la mouvance terroriste ». Le 6 juin, les policiers photographient Chérif Kouachi, coiffé d’un casque de scooter, revendant des vestes Ralph Lauren à un client.

    Au lendemain des attentats de janvier 2015, la DGSI avait justifié l’interruption de la surveillance de Chérif Kouachi par le fait qu’il était entièrement absorbé par ce commerce et semblait s’être
    « éloigné de tout engagement radical ». Un argument mis à mal par les soupçons évoqués dans plusieurs notes sur la vocation réelle de ce trafic de contrefaçons, connu des spécialistes pour être un mode de financement historique du terrorisme.

    6 juin 2013 : le garage de Rabah

    La thématique des « petits commerces » du djihad prend corps. La surveillance physique du 6 juin permet de constater que Chérif Kouachi se rend dans un garage d’Aubervilliers (Seine-Saint-Denis). Ce commerce « ne figurant pas parmi les professionnels de l’automobile les plus proches du domicile de Kouachi, il était décidé de procéder à des investigations complémentaires ». Les policiers découvrent que son gérant, Rabah Boukaouma, a été interpellé puis relâché faute de preuves lors du démantèlement en 2005 du réseau Chérifi, dont onze membres ont été condamnés en 2011 pour un projet d’attentat contre la DST, ancêtre de la DGSI.

    « Le service s’interroge sur une implication éventuelle du commerce de Boukaouma Rabah dans un soutien à la cause terroriste. (...) Il est peu probable que la nature des relations mises à jour entre Kouachi et ce professionnel de l’automobile soit exclusivement d’ordre professionnel », note fort justement la DCRI. Rabat Boukaouma a depuis été mis en examen dans un tout autre dossier : le projet d’attentat visant une église de Villejuif en avril 2015.

    11 juin 2013 : contacts avec Amedy Coulibaly

    Les services constatent que Chérif Kouachi ne respecte pas les obligations de son contrôle judiciaire, à savoir le pointage une fois par semaine au commissariat de Gennevilliers. Plus inquiétant, alors qu’il a interdiction d’entrer en contact avec Amedy Coulibaly, mis en examen dans le même dossier, il échange régulièrement avec la ligne de sa compagne, Hayat Boumeddiene, qui sert de relais téléphonique entre les deux hommes. La répétition de ce subterfuge, déjà constaté en 2010, aurait pu alerter les services.

    Juin 2014 : fin de la surveillance de Saïd Kouachi

    Malgré ces contacts interdits, la surveillance technique de Chérif Kouachi prend fin en décembre 2013, celle de son frère en juin 2014. Amédy Coulibaly, lui, ne sera jamais « branché ». Un suivi prolongé et élargi à leur entourage aurait sans doute permis à la DGSI de s’alarmer des quelque 500 appels passés entre les téléphones de Hayat Boumeddiene et de l’épouse de Chérif Kouachi au cours de l’année 2014, dans les mois qui ont précédé les attentats de janvier 2015.

    Janvier 2015 : la revendication des attentats

    Le 7 janvier, les frères Kouachi tuent douze personnes dans les locaux de Charlie Hebdo. Ils se réclament durant leur cavale d’AQPA, la cellule d’Al-Qaida au Yémen où ils avaient rejoint, à l’été 2011, Peter Chérif. Le 9 janvier, Amedy Coulibaly tue quatre personnes dans l’Hyper Cacher de la porte de Vincennes. Il revendique son geste dans une vidéo au nom de l’organisation Etat islamique, un groupe qu’a rejoint en 2013 le compagnon de route des Kouachi au Yémen, Salim Bengale.

    Hayat Boumeddiene s’est enfuie en Syrie quelques jours avant les attaques, tout comme a tenté de le faire Fritz-Joly Joachin, l’« associé » de Chérif Kouachi. Aucune surveillance des frères Kouachi n’avait « permis de détecter d’activités relatives à la préparation d’une action violente », insiste la DGSI. Les relations entre les futurs acteurs des attentats de janvier 2015, et leur engagement dans la mouvance djihadiste, elles, étaient parfaitement documentées.

  • #Willem, au fonds les formes - Culture / Next
    http://next.liberation.fr/culture-next/2016/02/25/willem-au-fonds-les-formes_1435725

    Voilà au moins un journaliste dont le travail n’aura pas seulement servi à emballer le poisson à la fin de la journée. Willem, bientôt 75 ans, qui dessine quotidiennement pour Libération depuis 1981 et pour Charlie Hebdo hebdomadairement, a cédé tous ses originaux passés et à venir à la Bibliothèque nationale de France.

    Au total, comme le remarque le Monde, ce sont plus de 20 000 originaux conservés dans de vieilles boîtes à chaussures qui vont agrémenter le « fonds Willem », dont sûrement de très nombreux inédits. Pour Libération, par exemple, l’artiste hollandais envoie chaque jour deux caricatures et une seule est publiée. Les quatre images de ce petit papier sont ainsi des dessins récents non publiés au départ par notre journal.

  • Conférence-débat : « De la judéophobie à l’islamophobie »
    http://universitepopulairetoulouse.fr/spip.php?article627

    Les Amis du Monde Diplomatique, ATTAC et l’Université Populaire de Toulouse invitent Shlomo Sand le lundi 11 avril à 20H30 à la Bourse du Travail, place Saint Sernin, Toulouse. Quel lien établir entre le dernier ouvrage de Michel Houellebecq, les meurtres de Charlie Hebdo et la mobilisation massive « Je suis Charlie » qui en a suivi ? Dans une période de crise profonde du capitalisme, la recherche de boucs émissaires : les immigrés, les musulmans, permet d’orienter toutes les peurs. Et le (...)

    #Programme_d'activités

  • La guerre saoudienne pour l’oléoduc yéménite renforce #al-Qaïda et l’#État_islamique
    http://www.middleeasteye.net/fr/opinions/la-guerre-saoudienne-pour-l-ol-oduc-y-m-nite-renforce-al-qa-da-et-l-t

    .... le gouvernorat d’Hadramaout, dans l’est du #Yémen, est resté curieusement immunisé contre les bombardements saoudiens. Cette province, la plus grande du Yémen, renferme la majeure partie des ressources pétrolières et gazières restantes du Yémen.

    « L’intérêt principal du royaume dans le gouvernorat est la construction éventuelle d’un #oléoduc. Ce #pipeline est depuis longtemps un rêve du gouvernement saoudien », observe Michael Horton, spécialiste du Yémen à la fondation Jamestown. « Un pipeline traversant le gouvernorat de l’Hadramaout donnerait à l’Arabie saoudite et ses alliés des pays du Golfe un accès direct au golfe d’Aden et à l’océan Indien ; cela leur permettrait de contourner le détroit d’Ormuz, un goulot d’étranglement stratégique susceptible d’être bloqué au moins temporairement par l’Iran dans un futur conflit. La perspective d’obtenir un tracé pour un futur pipeline traversant le gouvernorat de l’Hadramaout figure probablement dans la stratégie à long terme plus vaste de l’Arabie saoudite au Yémen. »

    [...]

    Parmi les principaux bénéficiaires de la stratégie saoudienne au Yémen figure al-Qaïda dans la péninsule arabique (AQPA), le même groupe qui a revendiqué le massacre de Charlie Hebdo à Paris.

    « Le gouvernorat de l’Hadramaout est une des rares zones où la coalition dirigée par l’Arabie saoudite n’a effectué aucune frappe aérienne, avait noté Buringa. Le port et l’aéroport international d’al-Mukalla sont dans un état optimal et sous le contrôle d’al-Qaïda. En outre, l’Arabie saoudite livre des armes à al-Qaïda, [qui] étend sa sphère d’influence. »

    L’alliance saoudienne avec les terroristes affiliés à al-Qaïda au Yémen a été mise en lumière en juin dernier, lorsque le gouvernement « transitoire » d’Abd Rabbo Mansour Hadi soutenu par l’Arabie saoudite a dépêché un délégué officiel à Genève pour les pourparlers des Nations unies.

    Il s’est avéré que ce représentant n’était nul autre qu’Abdel Wahab al-Humayqani, identifié en tant que « terroriste mondial expressément désigné » (« Specially Designated Global Terrorist » – SDGT) en 2013 par le département du Trésor des États-Unis pour des activités de recrutement et de financement pour le compte d’AQPA. Humayqani aurait également été à l’origine d’un attentat à la voiture piégée perpétré par al-Qaïda qui a tué sept personnes dans une base de la Garde républicaine yéménite en 2012.

    • Excellent texte de Nafeez Ahmed. #échapper_à_Ormuz / #pipelineistan

      Sur le site de la BBC, sans qu’on discute de la question des routes de l’énergie, on rapporte quand même ce fait édifiant. Une documentariste, Safa al-Ahmad, présente dans la ville yémente de Taiz, a filmé des milices pro-gouvernementales soutenues et conseillées par des soldats émiratis, qui mènent la guerre contre les Houtis. Et puis surprise, un groupe lui demande de ne pas les filmer et la documentariste découvre alors qu’il s’agit de combattants d’Ansar al-Charia, groupe appartenant à al-Qaïda dans la péninsule arabique :
      http://www.bbc.com/news/world-middle-east-35630194

      During a visit to the frontline outside Taiz late last year, documentary maker Safa AlAhmad spoke to pro-government militiamen attacking Houthi fighters on a key hilltop with the support of troops from the United Arab Emirates (UAE), who were providing tactical advice.
      While there, Ms AlAhmad was warned by one group participating in the battle not to film them.
      She was told they were members of Ansar al-Sharia, an affiliate of al-Qaeda in the Arabian Peninsula (AQAP), and that they were angered by the presence of a woman.

  • Propositions pour une pédagogie anticonspirationniste (Aggiornamento hist-geo)
    http://aggiornamento.hypotheses.org/3182

    Qui n’a jamais expérimenté l’exercice de l’enseignement serait tenté de croire qu’il suffit de démentir, point par point, les limites et les incohérences pointées par les conspirationnistes. De nombreux médias s’y sont essayés, expliquant patiemment le rapport variable à la lumière de rétroviseurs chromés ou l’impréparation de terroristes qui, après avoir cherché les locaux de Charlie Hebdo au mauvais numéro, pouvaient bien avoir aussi oublié leur carte d’identité dans leur véhicule. Ce serait bien trop simple.

    Car ce qu’on appelle de façon globale les « théories du complot » dispose d’un réel pouvoir d’attraction, qui discrédite d’emblée les réfutations les plus cartésiennes […].

    #éducation #théorie_du_complot #Histoire_Géographie #EMC #second_degré #conspirationnisme

    • En effet, –et c’est selon moi le principal enseignement à tirer de cette séquence– les élèves sont largement incapables de donner du sens à ces positionnements médiatiques, qu’ils s’inscrivent dans la logique du dévoilement/complot, ou qu’ils le dénoncent. La séance sur les sites complotistes fut à cet égard un moment pédagogique difficile, durant lequel, parce que je ne voulais pas produire ce « prêt à penser » injonctif et vertical si contre-productif lorsqu’il s’agit de construire sa capacité critique, j’ai d’abord dû observer que les élèves ne saisissaient pas le sens politique de symboles aussi forts que Jeanne d’Arc ou le drapeau tricolore sur le site d’Egalité et réconciliation, ou le fait que Thierry Meyssan vive désormais en Syrie. Et si les plaintes récentes déposées contre Alain Soral les ont éclairé sur la violence intrinsèque de ce personnage, ils n’étaient pas capables, sans que je les y invite par un complément de recherche sur les symboles relevés, d’identifier et de situer les idéologies nationalistes et antisémites véhiculées par ces sites. Pour le dire autrement, aucun de mes élèves ne parvenait à voir le lien entre l’extrême-droite et les sites défendant les théories dites du complot, parce qu’aucun d’entre-eux n’était capable de dire ce qu’était l’extrême-droite, mais aussi la droite ou la gauche, et même de se situer politiquement alors que, et c’est essentiel, tous expriment en réalité des idées politiques sans en avoir conscience.

  • #Gabon indépendant
    http://survie.org/billets-d-afrique/2016/254-fevrier-2016/article/gabon-independant-5079

    Le 16 janvier, sur le plateau télé de l’émission « On n’est pas couché », le Premier ministre français #Manuel_Valls s’est laissé emporter à rétorquer à un autre invité, l’humoriste Jérémy Ferrari, que des deux présidents africains présents à la manifestation du 11 janvier qui a suivi les attentats contre Charlie Hebdo et l’Hyper Cacher, c’est la présence du président malien, « élu lui », qu’il fallait retenir. « Ah, parce qu’il n’est pas élu finalement, #Ali_Bongo ? » relève l’humoriste. « Non. Pas comme on l’entend (...)

    #254_-_février_2016

    / Gabon, #Brèves_d'Afrique_et_d'ailleurs, Ali Bongo, Manuel Valls

  • Frémir plutôt que réfléchir
    La stratégie de l’émotion
    Anne-Cécile Robert

    Illustration : Jean-Baptiste Greuze. - « Une jeune fille, qui pleure son oiseau mort », 1765 Bridgeman Images - Scottish National Gallery, Edinburgh

    Il en est de la démocratie comme des grenouilles. Une grenouille jetée dans une bassine d’eau bouillante s’en extrait d’un bond ; la même, placée dans un bain d’eau froide sous lequel le feu couve, se laisse cuire insensiblement. De multiples phénomènes se conjuguent pour « cuire » insidieusement les démocraties, à rebours de l’effet que produit un coup d’Etat avec ses militaires et ses arrestations d’opposants sur fond de Sambre-et-Meuse tournant en boucle à la radio. Tel l’innocent frémissement d’une eau qui bout, les dégâts occasionnés n’apparaissent jamais qu’au fil d’une juxtaposition dédramatisante. Les combustibles qui alimentent le feu sous la marmite ont été abondamment décrits ici et là (1). On s’est, en revanche, assez peu arrêté sur le rôle que joue l’invasion de l’espace social par l’émotion. Les médias y contribuent abondamment, sans qu’on mesure toujours ce que ce phénomène peut avoir de destructeur pour la démocratie et la capacité de penser.

    Il suffit de taper « l’émotion est grande » sur un moteur de recherche pour voir défiler une infinité de nouvelles, du banal fait divers aux attentats qui ont récemment ensanglanté l’actualité de Beyrouth à Ouagadougou. Ainsi, « l’émotion est grande » dans le monde après les crimes du 13 novembre dans la capitale française ; mais elle l’était aussi quelque temps auparavant à Petit-Palais-et-Cornemps après l’accident de bus qui a coûté la vie à 43 personnes (FranceTV Info, 24 octobre 2015), à Calais lors de la démolition des bâtiments du vieil hôpital (France 3, 20 novembre 2015) ou encore à Epinac, d’où est originaire Mme Claudia Priest, enlevée en Centrafrique début 2015 (Journal de Saône-et-Loire, édition d’Autun, 21 janvier 2015). Elle l’était également en fin d’année « pour Brigitte, enfin locataire d’un appartement, qu’elle a pu meubler grâce aux clubs de services du Mont-Dore » (Les Nouvelles calédoniennes, 6 janvier 2016).

    On pourrait prolonger à l’infini une liste d’exemples qui ne traduit aucune hiérarchie autre que celle du ressenti réel ou supposé des populations et de ceux qui les observent. Les médias ne sont pas seuls à jouer de l’accordéon émotionnel. Les responsables politiques s’y adonnent également, notamment lorsqu’il s’agit de masquer leur impuissance ou de justifier, comme si elles relevaient de la fatalité, les mesures qu’ils s’apprêtent à prendre. Il en est ainsi en matière migratoire, où la précaution compassionnelle est de mise avant de se lancer dans l’explication alambiquée de l’impuissance européenne. De M. François Fillon, député du parti Les Républicains, au premier ministre Manuel Valls, « insoutenable » fut sans doute le mot le plus employé pour qualifier l’image du petit réfugié syrien Aylan Kurdi gisant sans vie sur une plage de Turquie, le 2 septembre 2015, avant qu’on décide de ne rien faire pour tarir les sources du désespoir migratoire. Dans un registre moins tragique, les commentateurs ont souligné l’« émotion » du ministre des affaires étrangères Laurent Fabius scellant, des larmes dans la voix, un accord pourtant bien fragile à la fin de la 21e conférence des Nations unies sur le climat (COP21) à Paris (2). Enfin, devant les maires de France, le 18 novembre 2015, le président François Hollande eut un lapsus révélateur : il évoqua « les attentats qui ont ensangloté la France ».

    Foules mutiques des marches blanches

    Paravent de l’impuissance ou de la lâcheté politique, le recours à l’émotion peut avoir des conséquences dramatiques immédiates. Ainsi, l’avocat de M. Loïc Sécher, Me Eric Dupont-Moretti, a qualifié de « fiasco dû à la dictature de l’émotion » l’erreur judiciaire dont a été victime son client. Ouvrier agricole, M. Sécher avait été accusé de viol par une adolescente. Après des années d’emprisonnement, il s’est finalement vu innocenter par le témoignage de celle-ci, devenue majeure, qui a reconnu avoir tout inventé. Comme dans l’affaire d’Outreau, la justice a rencontré les plus grandes difficultés à revenir sur une décision erronée, prise sous l’empire de récits aussi imaginaires que spectaculaires et du souci, bien légitime, de protéger des mineurs de mauvais traitements. Les simplifications médiatiques, le culte du « temps réel », les réseaux sociaux n’encouragent pas la sérénité dans ces affaires délicates.

    Au-delà de la simple sortie de route politico-médiatique, l’émotion devient l’un des ressorts majeurs de l’expression sociale et du décryptage des événements. Même les chefs d’entreprise sont incités à faire de leur « intelligence émotionnelle » un outil de management, tandis que leurs salariés peuvent y recourir pour obtenir une augmentation (3). L’un des symboles les plus visibles de l’invasion de l’espace public par l’émotion est le phénomène grandissant des marches blanches. La plupart du temps spontanées, celles-ci rassemblent, à la suite d’un accident ou d’un crime particulièrement odieux, des foules parfois immenses à l’échelle des villes et des villages où elles se déroulent. La première eut lieu en 1996 en Belgique, lors de l’arrestation du pédophile Marc Dutroux. Elles sont dites « blanches » car elles renvoient à la non-violence et à l’idéal de paix. Elles expriment l’indignation face à des agissements aussi insupportables qu’incompréhensibles.

    Aucun slogan, aucune revendication ne les accompagne. Des foules délibérément mutiques s’ébranlent, plaçant souvent en tête de cortège des enfants, symboles d’innocence et de foi dans l’avenir, portant parfois des bougies. Le philosophe Christophe Godin y voit l’expression d’une « crise de société » caractérisée par l’« empire des émotions » auquel « cette pratique donne un écho considérable » (4). Ces processions des temps nouveaux sont à rapprocher de la valorisation omniprésente de la figure de la victime, parée de toutes les vertus et à laquelle on rend un hommage absolu, sans s’interroger, par un processus d’empathie. « Cela aurait pu être moi », répètent significativement les personnes interrogées sur un fait divers tragique ou criminel. Toute catastrophe s’accompagne ainsi du déploiement théâtral de cellules d’aide psychologique. Les procès de la Cour pénale internationale prévoient désormais des espaces de parole pour les victimes, sans lien avec les nécessités de la manifestation de la vérité dans une affaire donnée, ni interrogation sur les chocs préjudiciables à la sérénité des délibérations que peuvent provoquer ces témoignages souvent aussi sensationnels qu’inutiles.

    Le culte de la victime a trouvé en France une illustration symptomatique dans le projet - finalement abandonné - de transfert au Panthéon des cendres d’Alfred Dreyfus, objet d’une campagne antisémite d’une rare violence dans les années 1890. Ne confond-on pas ici victime et héros ? Le capitaine n’a fait que subir douloureusement les événements ; à aucun moment il n’a agi d’une manière qui le distingue. A l’opposé, le lieutenant-colonel Georges Picquart, congédié du ministère de la guerre et radié de l’armée pour avoir dénoncé le complot ourdi contre Dreyfus, pourrait bénéficier à bon droit de l’attention des panthéonisateurs les moins regardants et rejoindre Emile Zola. Autre exemple de confusion victimaire : le choix de rendre hommage aux victimes des attentats de Paris dans la cour des Invalides, lieu pensé par Louis XIV pour les soldats blessés au front. La cérémonie a accordé une large place à l’émotion, mise en scène devant les caméras. Le psychologue Jacques Cosnier va jusqu’à parler d’une société « pathophile (5) ». La philosophe Catherine Kintzler s’inquiète quant à elle de la « dictature avilissante de l’affectivité (6) ».

    L’émotion pose un redoutable défi à la démocratie, car il s’agit, par nature, d’un phénomène qui place le citoyen en position passive. Il réagit au lieu d’agir. Il s’en remet à son ressenti plus qu’à sa raison. Ce sont les événements qui le motivent, pas sa pensée. Les marches blanches n’ont aucune conséquence pratique : la justice demeure sans moyens, la société continue de se décomposer. D’ailleurs, on n’a encore répertorié aucune marche blanche pour le suicide d’un chômeur ou l’assassinat d’un inspecteur du travail. « L’émotion est subie. On ne peut pas en sortir à son gré, elle s’épuise d’elle-même, mais nous ne pouvons l’arrêter, écrivait Jean-Paul Sartre. Lorsque, toutes voies étant barrées, la conscience se précipite dans le monde magique de l’émotion, elle s’y précipite tout entière en se dégradant (...). La conscience qui s’émeut ressemble assez à la conscience qui s’endort (7). »

    A la « stratégie du choc (8) » décryptée par Naomi Klein, faut-il ajouter une « stratégie de l’émotion » ? La classe dirigeante s’en servirait pour dépolitiser les débats et pour maintenir les citoyens dans la position d’enfants dominés par leurs affects. L’émotion abolit la distance entre le sujet et l’objet ; elle empêche le recul nécessaire à la pensée ; elle prive le citoyen du temps de la réflexion et du débat. « L’émotion s’impose dans l’immédiateté, dans sa totalité, nous explique M. Claude-Jean Lenoir, ancien président du cercle Condorcet-Voltaire. Elle s’impose au point que toute conscience est émotion, est cette émotion. L’émotion demeure l’ennemie radicale de la raison : elle n’essaie pas de comprendre, elle "ressent". On doit cet état de fait contemporain sans doute aussi à l’influence et à l’émergence des réseaux sociaux. De distance, aucune ! On "tweete", on "gazouille" à tour de bras. Se dégradent le sens critique, la culture, la recherche de la vérité. On "balance". »

    La valorisation de l’émotion constitue ainsi un terreau favorable aux embrigadements guerriers des philosophes médiatiques toujours prêts à soutenir une guerre « humanitaire », à l’instar d’un Bernard- Henri Lévy dans l’expédition de Libye en 2011. Mais aussi un terreau plus quotidiennement favorable aux mécaniques du storytelling (9) et aux fausses évidences du populisme. A la veille de l’élection présidentielle de 2002, l’agression du retraité Paul Voise, montée en épingle par les médias, avait suscité un déluge de discours réactionnaires sur la « lutte contre la délinquance ». Dans son fameux discours de Dakar, en 2008, M. Nicolas Sarkozy avait pu affirmer : « Je crois moi-même à ce besoin de croire plutôt que de comprendre, de ressentir plutôt que de raisonner, d’être en harmonie plutôt que d’être en conquête... »

    Mais la marche blanche vient aussi combler un vide laissé par les formes collectives d’action, comme le syndicalisme ou le militantisme politique. Il n’est sans doute pas anodin, d’ailleurs, que le phénomène soit né en Belgique, aux grandes heures de la décomposition de l’Etat central, et qu’il se soit particulièrement développé dans le nord de la France, où la désindustrialisation a eu des conséquences dévastatrices sur le tissu social. Face aux souffrances et à la crainte de l’avenir, l’émotion réhumanise ; elle s’oppose au cynisme. Elle fait aussi du bien. Elle soulage d’autant plus qu’elle est partagée, comme lors d’une cérémonie aux Invalides. Elle conjure brièvement le sentiment pesant de l’impuissance en permettant une communion, certes un peu primitive, face à la dureté des temps. « Un téléspectateur ému chez lui par un crime ou par le massacre de Charlie Hebdo est seul, explique encore Godin. La marche blanche lui permet de partager son émotion. Le phénomène est évidemment social. Et en même temps très équivoque. » En ce sens, l’émotion ne traduit-elle pas un désir confus de « (re)faire société », de retisser le lien social ?

    Interrogée sur l’absence de processus révolutionnaire dans une France pourtant en pleine régression sociale et politique, l’historienne Sophie Wahnich explique (10) que la révolution de 1789 peut aussi s’analyser comme l’aboutissement d’un long processus de politisation de la société, entamé au sein des assemblées communales de l’Ancien Régime. Les Français avaient pris l’habitude d’y échanger d’abord sur les affaires locales ; ils perpétuèrent cette habitude lors des événements liés à la convocation des états généraux durant l’année 1789. La profondeur de la crise politique actuelle tient aussi au fait que cet espace public a progressivement disparu.

    Si donc la marche blanche est en quelque sorte le stade primaire du ravaudage du tissu politique, la perspective change. Elle est ainsi « implicitement politique », selon Godin ; il y voit une récrimination non dite contre la puissance publique qui « ne protège plus ». On se souvient que la première marche, en Belgique, avait aussi pour but de protester contre l’incurie de la police et de la justice dans la poursuite d’un criminel qui avait échappé à leur vigilance. Pour contribuer à la reconstruction de la démocratie, le processus devrait alors prolonger les liens tissés dans l’émotion et mener à leur politisation progressive.

    La métaphore de la grenouille trouve d’ailleurs un pendant chez Voltaire, qui racontait l’histoire de deux d’entre elles tombées dans une jatte de lait. La première se met à prier sans bouger, finit par s’enfoncer et se noie ; la seconde se débat tant et si bien que le lait devient beurre. Elle n’a plus alors qu’à prendre appui sur cet élément solide pour sauter hors de la jatte.

    Note(s) :

    Jean-Baptiste Greuze. - « Une jeune fille, qui pleure son oiseau mort », 1765 Bridgeman Images - Scottish National Gallery, Edinburgh
    (1) Lire par exemple Jean-Jacques Gandini, « Vers un état d’exception permanent », Le Monde diplomatique, janvier 2016.
    (2) Lire Philippe Descamps, « Le pari ambigu de la coopération climatique », La valise diplomatique, 19 décembre 2015.
    (3) Cf. David Goleman, L’Intelligence émotionnelle, J’ai lu, coll. « Bien-être », Paris, 2003. Lire Manière de voir, no 96, « La fabrique du conformisme », décembre 2007-janvier 2008.
    (4) Christophe Godin, « "La marche blanche est un symptôme d’une société en crise" », L’Obs, Paris, 26 avril 2015.
    (5) Jacques Cosnier, Psychologie des émotions et des sentiments, Retz, Paris, 1994.
    (6) Catherine Kintzler, « Condorcet, le professeur de liberté », Marianne, Paris, 6 novembre 2015.
    (7) Jean-Paul Sartre, Esquisse d’une théorie de l’émotion. Psychologie, phénoménologie et psychologie phénoménologique de l’émotion, Hermann, Paris, 1938 (rééd. : Le Livre de poche, Paris, 2000).
    (8) Naomi Klein, La Stratégie du choc. La montée d’un capitalisme du désastre, Actes Sud, Arles, 2008.
    (9) Lire Christian Salmon, « Une machine à fabriquer des histoires », Le Monde diplomatique, novembre 2006.
    (10) Conférence publique à l’université de Nancy, 26 octobre 2015.

    Source : Le Monde diplomatique - Février 2016, p. 3

    #démocratie

  • Comment déjouer les manipulations d’un cyberactiviste néo-con ?
    Observatoire du néo-conservatisme https://anticons.wordpress.com/2016/01/16/neotroll-comment-dejouer-les-manipulations-dun-cyberactiviste-ne

    “Qui sont ces militants qui s’expriment avec autant de véhémence sans jamais daigner répondre à une question précise ?” “Sont-ils vraiment de bonne foi ?” “Pourquoi usent-ils de sophismes qui peuvent se résumer à ces quelques mots : “le bien c’est nous, le mal c’est vous » ? Et si vous observez les sujets abordés, ”Quel intérêt ont-ils à relayer sur internet les campagnes de diabolisation instrumentalisées de toutes pièces par les gardiens du néo-libéralisme ?” ou encore “Comment se fait-il qu’ils développent autant d’arguments en adoptant des comportements qui manquent totalement de logique ?”

    Pour essayer d’apporter quelques réponses à ces questions, nous avons tenté de décrypter et lister les différentes attitudes qui indiquent dans un fil de discussion la présence d’un ou plusieurs trolls de cette espèce particulière, dont nous allons montrer qu’en fait, elle appartient à la nébuleuse néo-cons. Pour la commodité de la démonstration, nous les appellerons tout simplement les “néotrolls”.

    Et aussi sur le site anticons.wordpress.com
    > Ornella Guyet : L’archétype de la désinformation
    https://anticons.wordpress.com/2015/10/09/ornella-guyet-archetype-de-la-desinformation

    > Rudy Reichstadt : un opportuniste de la galaxie néo-conservatrice
    https://anticons.wordpress.com/2013/09/09/rudy-reichstadt-opportuniste-neo-conservateur

    > De BHL à Charlie Hebdo : la propagande néoconservatrice déguisée en gauche progressiste.
    https://anticons.wordpress.com/2013/12/01/de-bhl-a-charlie-hebdo-la-propagande-neoconservatrice-deguisee-e

    #Observatoire_du_néo-conservatisme #manipulations #néo-conservatisme #néo-conservateurs #Néo-troll #néocons #néo-con#anticons.wordpress.com #antifas #imposteurs #Néo-troll #néocons #néo-con #Rudy_Reichstadt #Ornella_Guyet #Marie-Anne_Boutoleau #BHL #Charlie_Hebdo

  • Halim Mahmoudi, je suis dessinateur de #Presse et je ne suis pas Charlie.
    http://contre-attaques.org/magazine/article/halim-mahmoudi

    Halim Mahmoudi est dessinateur de presse franco-algérien. Depuis plus de quinze ans, il travaille pour la presse française et étrangère. C’est ainsi qu’il a rencontré l’équipe de Charlie Hebdo et noué des liens avec eux, notamment avec le dessinateur Tignous, décédé lors des #Attentats de Charlie Hebdo. Après ce mois de commémoration des attentats de janvier 2015, il a voulu s’exprimer et dévoiler son regard, critique, sur la notion de caricatures et mettre en lumière une autre voix du métier qui peine à se (...)

    #Magazine

    / #carousel, #Interviews, Attentats, Presse, #Islam

  • #CORSE : Avec la dérive identitaire, c’est tout le navire qui chavire
    http://www.cntaittoulouse.lautre.net/spip.php?article795

    De nos jours, chacun semble ressentir le besoin de revendiquer ses « racines ». Quand Sarkozy revendique ses « racines chrétiennes » devant le petit Jésus, les islamo-fascistes revendiquent les leurs, musulmanes, brandissant le prophète Mahomet. Pendant ce temps-là, les revendications identitaires nationales, ethno-régionales et locales progressent un peu partout, enfonçant tous les jours l’Europe dans le communautarisme.

    Les conséquences sont graves et diverses dans la vie de tous les jours. Les choses vont très vite, augurant d’une période trouble à venir et rappelant des moments particulièrement douloureux de l’histoire. Car les revendications identitaires, qu’elles soient religieuses, nationales ou ethno-régionales, finissent toujours par entraîner des violences graves, qui oscillent tour à tour, entre mépris de l’autre, ratonnades, pogroms et attentats.

    Dans la chronologie de l’année 2015, trois faits majeurs relèvent de cette dérive identitaire. Janvier : assassinat de l’équipe de Charlie Hebdo et de clients et personnels d’un Hyper-Casher. Novembre : attentats de masse à Paris. Décembre : élections régionales, avec trois résultats marquants. Un, habituel, la non-participation d’une moitié des électeurs potentiels [1]. Un deuxième résultat qui est en train de devenir habituel, la montée et le renforcement du Front national. Enfin, un résultat tout nouveau : la prise d’une région par des nationalistes régionaux. Et, là, ça n’a pas traîné. Le résultat de l’élection, accueilli par des salves de coups de fusil [2], a presque immédiatement donné lieu à une bouffée de violence raciste [3].

     Le nationalisme c’est la violence : l’exemple corse
    En Corse on a suivi l’adage « Tous les prétextes sont bons  », et on a saisi le premier incident qui s’est présenté pour exprimer sa haine d’un étranger déjà bien maltraité alors qu’il exécute les tâches que les Corses eux-mêmes refusent de faire… un classique me direz-vous.

    Le 25 décembre dernier, suite à l’agression de deux pompiers et d’un policier dans un quartier populaire d’Ajaccio, 600 Corses ont manifesté plusieurs jours, officiellement pour protester contre ces agressions, en fait, surtout contre « les arabes » en général. Les manifs ont été rythmées par des slogans ne laissant aucun doute sur les intentions des participants : « Tuons-les », « On est chez nous » ou encore « Arabi fora » (« Les Arabes dehors » en parler Corse). Le cortège raciste s’est dirigé vers la petite cité où s’étaient déroulés les faits et, du moins le premier jour, l’a pratiquement occupée. Sous prétexte de trouver les auteurs de l’agression, les manifestants ont saccagé une mosquée et un kébab sous les yeux des forces de police. Ces faits (menaces de mort, destruction de biens) quoique lourds, faisant écho à ceux qui ont eu lieu en Bretagne ou à Calais, n’ont donné lieu, à ce jour, à aucune poursuite. En plein état d’urgence, alors que des dizaines de personnes ont été assignées à résidence, perquisitionnées simplement parce qu’elles avaient antérieurement participé à des manifestations écolos ou zadistes, en Corse, les nationalistes ont tout à fait le droit de manifester leur haine raciste et de casser ce qu’ils veulent en toute tranquillité.

    Ces manifestations de racisme et de xénophobie ne sortent pas de nulle part, elles sont liées à la revendication nationaliste. Représentant 25 % du corps électoral [4], les deux présidents [5] se sont permis, d’imposer de facto une «  officialisation  » de la nation Corse en prononçant leur discours dans le parler du cru et en martelant, qu’il s’agissait pour eux de « (…) faire parler la Corse d’une seule voix ». Une seule voix pour tout un « pays » ? Une phrase bien courte mais qui en dit très long !

    Ce coup de force n’a été que mollement commenté par le gouvernement et la classe politique (quand certains, comme les écolos par exemple, ne soutenaient pas carrément la revendication nationaliste). Or, bien plus que les agressions envers les pompiers et policiers, c’est bien cette affirmation nationaliste qui a été le déclencheur des violences anti-arabes. Car certains Corses ont pris au mot leurs présidents et ont mis en pratique, alliant les actes à la parole, leur slogan  : « La Corse appartient à tous les Corses » écho à « La France aux Français » des nationalistes français. Et la conséquence, c’est qu’il faut bouter l’étranger hors du sol national (enfin, en en gardant assez pour les besognes pénibles…).

    Ces faits montrent, si besoin était, que le #régionalisme même lorsqu’il se cache derrière un sympathique folklore, n’a rien d’inoffensif ni d’innocent. En jouer afin d’asseoir son pouvoir est très dangereux. Partout en France et dans le monde, les liens entre les régionalistes/nationalistes et les groupes mafieux/fascistes/d’extrême droite sont très étroits ; ils ont les mêmes intérêts et revendications et usent des mêmes méthodes violentes. Ils ont aussi en commun d’être grassement subventionnés par les instances européennes, par l’État national (dont une des devises préférée est « Diviser pour régner ») sans oublier les collectivités territoriales.

    [1] Au deuxième tour, pour l’ensemble du pays : 41,59 % d’abstention, 2 à 4 % de votes blancs ou nuls auxquels il faut ajouter environ 3 millions de non inscrits, soit un peu plus de 6 % du corps électoral.

    [2] « Toute la nuit, chants corses et coups de fusil ont résonné dans les rues de Bastia, Ajaccio ou encore Corte. » France 3, 15 décembre 2015

    [3] Ce n’est pas le seul endroit. Les agressions racistes ou religieuses se répandent sur le territoire mais certaines attirent plus que d’autres l’attention. Notons que si en Bretagne c’est le PS qui a gagné la région, dans la rue il en est tout autrement. La première manifestation xénophobe violente qui a eu lieu en France après les attentats de novembre est apparue à Pontivy, organisée par le mouvement Adsav (c’est-à-dire «  renaissance  » en breton). Il n’y a pas de hasard. La Bretagne – et Pontivy en particulier - est un des lieux ou l’ethno-régionalisme est le plus fort.

    [4] La liste Siméoni-Talamoni n’a obtenu que 35,34 % des suffrages exprimés (soit très légèrement moins qu’en 2010 ou elle faisait 35,73). La Corse étant la région où l’on vote le plus, il n’y a eu que 32,97 % d’abstention. Au total, La liste nationaliste représente donc 24,74 % du corps électoral. Elle doit son arrivée au pouvoir à la « prime » de 9 élus attribuée à la liste majoritaire.

    [5] Du fait de son statut particulier. Gilles Simeoni est président de l’exécutif et Jean-Guy Talamoni de l’assemblée.

    Article d’@anarchosyndicalisme ! n°148

  • L’Actualité des luttes---JANVIER 2015 : LA FRANCE ÉTEINT LES LUMIÈRES,L’APRÈS CHARLIE / GOODYEAR
    https://actualitedesluttes.info/?p=632

    Avec Jack Malt,l’un des auteurs du livre, Janvier 2015:la France éteint les lumières,nous revenons sur les 7 et 9 Janvier 2015, les attaques contre Charlie Hebdo et le magasin Hyper Casher qui ont fait vingts morts… et des millions d’hébétés.Cette compilation de réactions révélatrices apparues dans (...)