person:chris blache

  • http://www.liberation.fr/france/2018/07/17/une-victoire-au-foot-c-est-aussi-le-moment-ou-les-hommes-reaffirment-des-

    Violences sexuelles
    « Une victoire au foot, c’est aussi le moment où les hommes réaffirment des valeurs virilistes »

    Mardi 10 juillet, 22h30. La France vient de battre la Belgique 1 à 0 et accède à la finale de la Coupe du monde, de quoi faire espérer une deuxième étoile sur le maillot des Bleus vingt ans après le premier sacre de 98. Avec ses amis, Julie, 26 ans, fête la victoire de l’équipe de France dans un bistrot du XVIIIe arrondissement de Paris, ravie de l’effervescence collective. Avant d’être victime d’une agression sexuelle en pleine rue. « Quand vient le moment de rentrer, je m’aperçois que le service de bus tourne au ralenti : le prochain est dans vingt minutes, je checke mon portable qui me propose un itinéraire – à pied – moins long et plus économique qu’un taxi, raconte-t-elle à Libération. Je traverse le périph pour rentrer chez moi quand un mec, visiblement bien imbibé – et pas que de ferveur footballistique – m’empoigne fermement les deux bras et me sort "Qui a gagné ? Qui a gagné ?" J’ai à peine le temps de répondre qu’il me saute dessus et force un bisou – sur la bouche. Je rentre en tremblant et en colère. »
    Main aux fesses

    Le récit de Julie, qui avait pourtant choisi de ne pas trop s’éloigner de chez elle afin de « pouvoir rentrer en sécurité » après la finale, n’est pas isolé. Comme elle, ces derniers jours, plusieurs femmes, et des témoins, ont fait part des violences sexuelles subies lors de ces moments de liesse populaire dans les rues de grandes villes françaises. Si les autorités policières n’ont pas communiqué sur le nombre de plaintes éventuelles déposées, la presse – à l’instar de BuzzFeed – s’est fait écho de plusieurs témoignages, la plupart du temps partagés sur les réseaux sociaux et en particulier sur Twitter. Citée par LCI mardi après-midi, une source judiciaire fait elle état à ce jour de deux interpellations à Paris pour agression sexuelle, dont celle lundi d’un individu pour des faits d’exhibition sexuelle.

    Une copine vient de se battre dans les rues de Paris pour ne pas être embrassée de force.
    S’il-vous-plaît, soyez vigilant-es et intervenez.
    — Juliette Lancel (@Oniromanie) 15 juillet 2018

    C’est par exemple le cas de Laura (1), 19 ans, qui vit aux Sables-d’Olonnes, en Vendée, agressée lors de la finale. « J’ai assisté à une partie du match au travail, puis je suis rentrée en voiture, détaille la jeune femme auprès de Libération. Dix minutes après être arrivée dans un bar, à 50 mètres de chez moi, deux grands gaillards ont commencé à discuter avec moi. Sauf qu’ils m’ont attrapée par la taille et m’ont demandé de les embrasser. Je les ai repoussés et je leur ai dit non un peu brusquement pour qu’ils comprennent. » Deux minutes après, un de leurs amis lui touche les fesses sans son consentement : une agression sexuelle, selon le code pénal. Laura décide de rentrer chez elle, mais les deux hommes repèrent sa voiture et viennent la solliciter à son domicile à deux reprises : « A la fin du match, ils sont venus toquer chez moi pour me demander de sortir "faire la fête avec eux", me dire que je n’avais "pas de raisons d’avoir peur", etc. Ils sont revenus vers minuit et j’ai failli appeler la police mais ils ont déguerpi rapidement après. »
    Violences banalisées

    Des agressions sexuelles ou des comportements sexistes qui ne sont pas spécifiques aux manifestations sportives, et qui se retrouvent dans différents types de grandes fêtes publiques en plein air : fêtes de Bayonne ou de Pampelune en Espagne, théâtre d’un viol collectif en 2016, ou encore festivals de musique. Ces dernières années, des festivalières se sont d’ailleurs exprimées pour dénoncer les agressions sexuelles dont elles avaient été victimes lors de ces événements musicaux. En mai, Vera Papisova avait raconté dans une enquête publiée dans Teen Vogue (dont Libération s’était fait l’écho) avoir été « pelotée 22 fois » contre son gré lors du festival Coachella, en Californie. La cinquantaine de festivalières qu’elle avait interrogées avaient elles aussi été agressées ou harcelées sexuellement lors du festival. Selon une étude américaine publiée en début d’année, 90% des femmes qui se sont rendues à un concert ont déjà subi une forme de harcèlement sexuel.

    « Ces problèmes se posent dans toutes les fêtes alcoolisées où les comportements sexistes et machistes s’aggravent, expliquait en 2016 à Libération Yves Raibaud, chercheur, géographe à l’université de Bordeaux-Montaigne et spécialiste des questions sur le genre et la ville. La conquête de la rue par les filles ne va pas de soi. On accepte qu’elles fassent la fête parce qu’on a besoin d’elles pour que ça soit "joli" dehors mais c’est à leurs risques et périls. […] La rue, comme les villes en général, reste un espace de domination masculine. » « Une victoire comme celle-ci au foot, c’est aussi le moment où les hommes réaffirment des valeurs virilistes, ou se sentent obliger de les réaffirmer, sous peine de ne pas être vus comme de vrais hommes, analyse de son côté l’anthropologue et urbaniste Chris Blache, à l’initiative de la plateforme de réflexion Genre et ville. Dans un événement de liesse, libérateur et bienvenu, il est aussi admis qu’on peut se lâcher, ce qui malheureusement banalise ces violences, très mal vécues par les femmes qui en sont victimes. »
    « On me dit que je gâche l’ambiance »

    Dans le sillage de #MeToo, certaines femmes utilisent les réseaux sociaux pour parler des agressions subies, y compris lors de ce genre d’événements. Contactée par Libération, Elsa (1), jeune femme de 29 ans à l’origine d’un thread qui a compilé sur Twitter des témoignages d’agressions et de harcèlement sexuel, explique avoir voulu montrer « la quantité et le contenu des témoignages pour que chacun se fasse son propre avis sur la question ». « Hier encore j’ai entendu dans des discussions avec mon entourage que les comportements dans la rue étaient tous "normaux" et "tolérables" compte tenu des circonstances et d’autres dires qu’une femme qui sort dehors, en ville, pour cet événement ne devrait pas s’étonner de ce qu’il lui arrive… » poursuit l’internaute d’origine toulousaine, restée en partie chez elle par peur de ne pas se « sentir en sécurité dans la foule ».

    « En 1998, cela ne devait pas être bien glorieux, mais on n’en parlait pas, complète la chercheuse Chris Blache. Depuis, même si le sujet reste complètement tabou au nom d’une certaine gauloiserie, la parole s’est libérée. » Mais gare au retour de bâton en ligne pour celles qui osent parler. « Après mon tweet, j’ai reçu quelques insultes, on me traite de menteuse, on me dit que je gâche l’ambiance, que je n’avais qu’à pas aller fêter la finale, que j’ai pris des risques, ajoute Laura. Comme si j’étais responsable des agissements des hommes. »

    #violences_sexuelles #culture_du_viol #masculinité #domination_masculine

  • Egalité filles/garçons : et si on effaçait les terrains de foot des cours de récré ? - L’Obs
    http://tempsreel.nouvelobs.com/rue89/20170214.OBS5312/egalite-filles-garcons-et-si-on-effacait-les-terrains-de-foot-d

    A l’école du Peyrouat, il y a des récréations sans football. Un jour je discutais avec un garçon et je lui demande ce qu’il fait pendant les récréations. « Le lundi, mardi, mercredi, je fais du foot, le vendredi aussi et le jeudi je m’amuse. » C’est drôle. Je ne pense pas qu’il ne s’amuse pas les autres jours mais ça dit quelque chose.

    Chris Blache [cofondatrice et coordinatrice de Genre et ville, ndlr] le montre dans son travail : l’imaginaire des petits garçons est relativement restreint. Tous ces « petits jeux » de filles, comme ils les appellent, ce sont des jeux où il y a une diversité de choses (on joue à la télé-réalité, à faire des chorégraphies, à danser…). Les garçons se l’interdisent.

    On pourrait imaginer ne rien mettre dans l’espace dédié habituellement au terrain de foot, ou mettre des choses qui permettent aux enfants d’imaginer faire plein de choses. On pourrait leur donner des craies par exemple : c’est éphémère, on peut dessiner ce qu’on veut (y compris un terrain de jeu)... Dans une cour de récré, tout espace peut être amené à être dévoyé.

    #genre #récréation #discrimination #domination_masculine #foot #sexisme #enfance #éducation

    • Audrey Noelter, urbaniste et fondatrice de l’association Womenability, a, elle, déambulé dans vingt-cinq villes éparpillée dans le monde entier. Pendant sept mois, elle a observé la manière dont les femmes utilisent, dans d’autres pays, les espaces publics et relevé les « bonnes pratiques » à importer en France.

  • Les #femmes sont-elles évincées de l’espace public ?
    https://www.mediapart.fr/journal/france/231216/les-femmes-sont-elles-evincees-de-l-espace-public

    Un reportage, diffusé sur #France 2, montrant des femmes accueillies très froidement dans des cafés des banlieues parisiennes ou lyonnaises, a vite pris un virage nauséabond, à la mode burkini. L’inégalité entre les femmes et les hommes dans l’espace public est cependant loin d’être l’apanage de certains quartiers populaires, d’une culture ou d’une religion.

    #discrimination #Espace_public #genre #La_Barbe #pouvoir #urbanisme #villes

    • @mad_meg

      Voir aussi le texte d’Elise Olmedo sur visionscarto au sujet des femmes dans l’espace public à Casablanca.

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      GENRE Entretien

      Les femmes sont-elles évincées de l’espace public ?
      23 décembre 2016 Par Faïza Zerouala et Mathilde Goanec

      Un reportage, diffusé sur France 2, montrant des femmes accueillies très froidement dans des cafés des banlieues parisiennes ou lyonnaises, a vite pris un virage nauséabond, à la mode burkini. L’inégalité entre les femmes et les hommes dans l’espace public est cependant loin d’être l’apanage de certains quartiers populaires, d’une culture ou d’une religion.

      Que voit-on dans le reportage diffusé le 7 décembre dans le 20 heures de France 2 ? Des femmes, accueillies avec peu d’entrain voire refoulées de certains cafés de Sevran, près de Paris, ou de Rillieux-la-Pape, dans les environs de Lyon. « Aller dans un bar, ici, c’est braver un interdit, commente la journaliste, Caroline Sinz. Dans certains quartiers populaires, les hommes occupent les lieux et les femmes subissent. »

      © Mediapart

      La polémique a immédiatement enflé, entre ceux qui se désolent d’un énième reportage sur la banlieue, systématiquement renvoyée à son machisme, un lieu où l’islam ferait la loi, imposant aux femmes tenues et fonction, et d’autres qui crient à l’angélisme face aux « zones de non-droit » de la République, le combat féministe en étendard. Tout le monde ou presque y est allé de son refrain, monde politique compris, dans un mimétisme quasi total avec le débat de l’été dernier autour de l’interdiction ou non du burkini sur les plages.

      Pourquoi réagir ? N’est-ce pas encore l’une de ces polémiques nauséabondes, servies par trois minutes de télévision caricaturales où, pour signifier l’absence des musulmanes du combat pour la réappropriation des cafés, on laisse dérouler subrepticement, en arrière-plan, l’image d’une femme en niqab ? Parce que tout comme le droit des femmes à disposer de leur corps, la place des femmes dans l’espace public est un enjeu essentiel de l’égalité des sexes. Et que la mixité ou la non-mixité de certains lieux est loin d’être l’apanage des seuls quartiers populaires, comme a tenté de l’expliquer la journaliste Rokhaya Diallo sur un plateau d’iTélé, avant de se faire couper la parole par trois hommes, dans un pur moment de sexisme…

      Chris Blache et Isabelle Clair, nos deux invitées de ce débat, ne disent pas autre chose. La première est cofondatrice et coordinatrice de la plateforme de recherche et d’action (notamment auprès des collectivités) Genre et Ville, par ailleurs membre du collectif La Barbe. La deuxième est sociologue au CNRS, spécialiste du genre et de la sexualité dans les quartiers populaires. Toutes les deux confirment la part d’instrumentalisation du féminisme dans ce type de débat, ainsi que le ciblage quasi systématique de « l’homme jeune maghrébin de banlieue » lorsque qu’il s’agit de parler d’égalité homme-femme. « Que les femmes de Sevran ou d’ailleurs ne puissent pas accéder à des cafés, même si on ne parle pas de toutes les femmes mais plutôt des plus jeunes, est un fait réel et c’est un problème, que j’ai également pu constater sur le terrain, souligne Isabelle Clair. Que ces entraves s’inscrivent dans des logiques sociales qui excèdent complètement celles de la ville de Sevran, c’est évident, et il serait bon de les dénoncer pour de vrai. Le problème, c’est de systématiquement utiliser des faits qui sont réels pour une cause qui n’a rien à voir. »

      Ainsi, les deux invitées de ce débat rappellent l’évidence : les lieux de pouvoir sont souvent des espaces non mixtes. « Quand nous faisons des interventions inopinées dans les cercles du pouvoir, dans des panels exclusivement masculins avec le collectif La Barbe, nous pourrions calquer ce qui se dit dans ce café !, remarque Chris Blache. On reçoit les mêmes injonctions que ces femmes de Sevran. Nous sommes donc bien dans une logique structurelle, profonde, même si les manifestations de rejet peuvent différer… Se focaliser ainsi sur un aspect conduit à une instrumentalisation qui est grave, surtout dans le contexte politique qui est le nôtre. » Un point de vue complété par la sociologue Isabelle Clair : « Les espaces qui comptent pour les hommes vont varier selon les classes sociales, et ce sont souvent des espaces qui excluent des femmes. À Sevran, pour ces hommes-là, le lieu de pouvoir va être ce café. Pour les hommes du CAC 40, ce sera autre chose… Cela ne veut pas dire que ça n’existe pas. »

      Si les hommes se sentent ainsi en situation de « dominer » l’espace public, c’est aussi qu’il est davantage construit pour eux. « On est dans quelque chose de massif, contrôlé et structurel, répète Chris Blache, qui travaille notamment avec Genre et Ville sur l’urbanisme. D’accord, le banc public n’a pas de sexe physique, mais il a un sexe social. Et son usage va être différencié selon que l’on soit un homme ou une femme… » Idem pour les équipements sportifs, les cafés de banlieue ou ceux des soirs de match, l’Assemblée nationale, la rue. Même la nuit, espace en soi, est loin d’être mixte, les femmes y étant soumises à une somme d’injonctions.

      Et pour aller plus loin, relire les articles, publiés sur Métropolitiques, consacrés aux questions de genre, ainsi que les ouvrages d’Isabelle Clair, répertoriés ici. Pour en savoir plus sur les actions menées par La Barbe ou le collectif Place aux femmes, c’est par là. Enfin, retrouvez notre machoscope sur Mediapart.