Au nom d’abus sur Internet, la loi sur la liberté de la presse menacée
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« La loi sur la presse consacre un principe de liberté, résume Me Christophe Bigot, également spécialiste du droit de la presse, elle décrit des comportements très précis, les infractions. Le projet du Sénat s’attaque à ces piliers, et fait tomber toute la loi de 1881. »
Parmi les trois principaux piliers, il y a la prescription d’abord. Un article ne peut être attaqué que dans les trois mois qui suivent sa parution, la règle s’applique aussi à Internet. Le Sénat entend aujourd’hui faire débuter la prescription sur Internet trois mois « à compter de la date à laquelle cesse la mise à disposition du public du message ». Or les articles ne sont (quasiment) jamais retirés des sites d’information. « Les infractions de presse deviendraient de fait imprescriptibles », résume Me Bigot. Le Conseil constitutionnel a pourtant déjà tranché en 2004 : il ne peut pas y avoir de différence de régime entre presse écrite et numérique.
Deuxième pilier : les garanties de procédures. C’est à celui qui s’estime diffamé ou injurié de dire exactement par quel passage, et de qualifier le délit, sans cela la procédure est nulle – le Conseil constitutionnel l’a confirmé en 2013. Le Sénat entend aujourd’hui supprimer la sanction (la nullité de la procédure) et laisser au juge le soin de choisir et de qualifier lui-même les passages contestés.
Enfin, les sénateurs autorisent simplement le contournement de la loi de 1881, en permettant les actions en justice sur une faute civile. « N’importe quel particulier ou quelle entreprise pourra poursuivre un article qui lui déplaira, dit Me Bigot. En s’affranchissant de toutes les contraintes de la loi sur la presse. »