person:christophe guilly

  • LA CLASSE MOYENNE N’EXISTE PAS

    Nous avons récemment publié un article au titre provocateur « les gilets jaunes sont morts, vivent les gilets jaunes ». Bien évidemment ce titre ne faisait pas référence à une mort et une fin, mais à une continuité certaine par le dépassement, le passage à une autre forme. Hommage à l’adage, « le roi est mort, vive le roi ».

    Celui-ci a fait réagir un camarade, Laurent sur son blog (1). Pour Laurent l’impensé du débat, et des productions intellectuelles nées des gilets jaunes serait le rôle de « la classe moyenne ». Nous remercions Laurent pour l’intérêt qu’il porte à notre mouvement et à ses analyses. Cependant nous souhaitons lui répondre afin de démontrer qu’au contraire l’interrogation sur « la classe moyenne » fait partie intégrante du mouvement des gilets jaunes, et surtout de son potentiel révolutionnaire. C’est une occasion pour nous de préciser la doctrine et la vision de classe qui fédère le M17.

    Loin d’être impensée, cette « catégorie sociale » nous semble mal pensée, c‘est une clef du mouvement. En effet notre analyse se fonde sur une remise en question de cette soi-disant classe, invoquée à maintes reprises par les partis politiques, les journalistes, les sociologues ou économistes autorisés. D’ailleurs le premier intellectuel convoqué par les médias pour donner du sens à ce mouvement fut Christophe Guilly, pour qui la classe moyenne est un sujet d’étude privilégié. Il suffit également de chercher dans la production d’articles de ces trois derniers mois de lutte pour voir que cette « classe » a été largement convoquée.

    Peut-être notre ami considère-t-il que cela n’a pas été fait sous les bons aspects ; si c’est le cas, nous le pensons également. C’est l’objet de cet article.

    LA “CLASSE MOYENNE” UN SUJET POLITIQUE DOUTEUX

    Affirmons-le tout de suite « La classe moyenne », ou les « classes moyennes », ne sont pas pour nous des réalités existantes. Ainsi, il est plus intéressant et plus juste, à notre sens, de parler « des classes moyennes » ou mêmes « couches moyennes », car ce ne sont que des strates artificielles. Elles sont pour nous un masque nécessaire au système social pour se perpétuer. Ce masque participe activement à la fonction de domination, comme nous allons essayer de l’exposer. Ces éléments nous permettront ensuite de répondre sur la dimension « minoritaire » de la révolte gilets jaunes, qui nous semble également contestable.

    Il n’y a pas de « classe moyenne » au sens de « bourgeoisie » ou « prolétariat », car celle-ci n’est pas un « sujet collectif ».

    Il est important de définir cette notion. Le sujet collectif n’est pas simplement l’addition des consciences individuelles qui le composent, il est plus important, il a sa propre conscience et son propre rapport social. Il a une place dans l’histoire et est le moteur de dynamiques sociales, il possède son propre rapport de production. Ce qui n’est pas le cas pour « la classe moyenne », qui est trop disparate, hétérogène. Majoritairement salariées, « les classes moyennes » contiennent également des reliquats de ce qui était pour « les penseurs du capitalisme » la réelle classe moyenne, c’est-à-dire la petite-bourgeoisie (notable, commerçants, artisans, etc.).

    Le concept de sujet collectif est très bien défini par l’opposition de « classe en soi », purement statistique et formelle, à « classe pour soi », cohérente et agissante. Les classes moyennes n’ayant pas de rapports de production particulier, elles ne peuvent exister pour elles-mêmes, c’est-à-dire se défendre, ou défendre un modèle social.

    Que recouvre ce terme ? Les classes moyennes, telles qu’elles existent aujourd’hui ne sont pas définies dans la littérature critique du capitalisme pour ces raisons. Elles n’existent que dans la sociologie d’état du pouvoir libéral, et ne sont identifiées que par le niveau de revenu. Ces strates sont néanmoins la partie plus importante de la société selon les sociologues et ce n’est pas un hasard, elles représentent deux tiers de la population adulte en France. Leur niveau de vie pour une personne seule peut aller de 1400 euros nets à, selon les sources, 4000 euros nets.

    Si leurs niveaux de revenus sont très éloignés, il est une chose qui les caractérise : c’est leur absence des instances décisionnelles globales. Même les plus hauts revenus des classes moyennes ne sont aujourd’hui que des cadres moyens, c’est-à-dire et contrairement à la société des trente Trente Glorieuses, des cadres dont le pouvoir réel de décision est quasiment nul. Quant aux revenus les plus faibles de ces classes ceux-ci ne sont qu’à quelques euros du seuil de pauvreté. Majoritairement, ces membres sont totalement absents des cercles de pouvoirs privés ou publics. Ce qui donne sens aux revendications démocratiques des gilets jaunes.

    Ces classes ne sont pas non plus homogènes dans leurs aspects intellectuels, le niveau de culture des classes moyennes peut aller, selon les catégories médiatiques souvent méprisantes, du beauf, au bobo !
    N’étant ni des sujets collectifs au sens marxiste, ni homogènes au sens classique, les classes moyennes ne produisent pas, et ne pourront jamais produire, au sens Gramscien du terme, d’hégémonie culturelle.

    L’IDÉOLOGIE DE LA “CLASSE MOYENNE”

    Au contraire, et c’est le point fondamental, elles sont produites par l’hégémonie de la bourgeoise. Elles sont une conséquence des rapports sociaux et de la lutte des classes, mais en aucun cas ne sont une classe. Pour être plus clair, la classe moyenne est une fausse classe, un masque des classes réellement existantes.
    Cette première affirmation permet de questionner « l’hégémonie culturelle de la classe moyenne ». En effet dans son article, Laurent nous invite à nous interroger sur ces « valeurs sélectives, supposées n’appartenir qu’à elle : le Mérite, le Sens des Responsabilités, la Clairvoyance, l’Efficacité, adossées au triptyque Travail-Consommation-Croissance ».

    Il est tout de même intéressant de mettre cette affirmation en perspective pour montrer que ni la « classe spoliée », comme semble être définie le prolétariat dans l’article, ni la bourgeoisie ne se réclament des valeurs inverses : héritage, sens de la désinvolture, bêtise, inefficacité… Preuve en est que ces valeurs sont bien plus répandues et partagées. Le « supposées » semble vouloir instaurer une forme de retenue mais nous pensons que celle-ci ne fait appel qu’à l’application pratique et réelle de ces valeurs. Peut-être est-il habituel d’entendre des discours sur le non-mérite des classes laborieuses et leur inefficacité, il n’en est pas de même pour l’oligarchie. D’ailleurs la proposition suivante contredit la précédente. Ces valeurs seraient, toujours pour la classe moyenne, « propres à lui permettre d’assumer la « Gouvernance » des entreprises et de trier l’élite pour le « Gouvernement » de l’administration du pays par « les meilleurs » (ce que l’on nommait autrefois « aristocratie ») ».

    Il est clair que cette « aristocratie » aujourd’hui n’est absolument plus un élément de la classe moyenne, elle n’en est d’ailleurs que de plus en plus rarement issue. C’est d’ailleurs tout le travail de Pierre Bourdieu, que d’avoir à juste titre démonté la fable du « mérite ». En effet celui-ci n’existe que sur le papier, l’élite se reproduit en son sein par héritage, et non pas par « tri au sein de la classe moyenne ». En aucun cas Pierre Bourdieu n’explique ou ne donne de fonction à la classe moyenne. Il affirme d’ailleurs l’inverse en démasquant le mensonge du « tri social sélectif et méritoire ».

    La classe moyenne, toujours selon l’article « est un des éléments du problème parce qu’elle est pensée comme le modèle culturel idéal de notre société occidentale capitaliste, auquel chacun d’entre nous, gilets jaunes compris, s’identifie, aspire, travaille à… Le niveau de vie de la classe moyenne est ce à quoi chacun aspire sur la base d’une égalité des chances qu’on nous dit bien partagée. » Cette affirmation nous paraît être vraie, mais pour un sens contraire à ce que semble penser son auteur. Ce n’est pas la classe moyenne qui défend un idéal de système en place, mais bien le système social en place qui défend une « classe moyenne ».

    Les discours sur « la classe moyenne » sont une illusion créée par la bourgeoisie, voilà pourquoi ces mots, ce discours sont si répandus.
    Déconstruire l’existence de cette classe revient donc à déconstruire, le discours sur celle-ci. Une classe où le travail serait correctement rémunéré, où les places seraient méritées, où le niveau de vie ne serait ni trop faible, ni trop opulent mais qui tend, à masquer l’exploitation à l’œuvre. Cette classe serait différente du prolétariat, qui, toujours selon les termes de notre camarade serait le seul « spolié ».
    Tout cela n’existe pas, bien que tout soit mis en œuvre pour nous inviter à y croire.

    DE L’INTÉRÊT DE CETTE FAUSSE CLASSE POUR LA DOMINATION

    Il n’y a que deux classes : celle qui vit, simplement de sa force de travail, peu importe son niveau de revenu, et celle qui exploite cette force de travail, en extorquant la plus-value. A ce titre 99% des éléments composant les « classes moyennes » sont « spoliés » pour être clair, exploités. Au même titre que les autres. L’exploitation n’est pas une condition de revenu et une condition d’existence. C’est un rapport social injuste, un rapport d’extorsion, qui peu importe ce qui reste après la rapine, mérite d’être aboli.

    Voilà pourquoi notre critique sociale actuelle ne s’attache qu’aux possédants, les 5%, les 1%, les 0,1 % les plus riches de la population, « ces ogres de profit et de pouvoir », non pas parce qu’ils sont riches, mais parce qu’ils sont la classe exploitante et parasitaire, le reste n’étant qu’une seule et même classe, la classe productive de richesses réelles, par son travail quotidien. Aucune classe n’existe entre les deux.

    Et lorsque notre ami nous affirme que « la classe s’interpose culturellement parce qu’elle entend garder ses propres privilèges, son « way of life » et entend bien se protéger des déshérités qui crient à sa porte », ce n’est pas une classe qui s’interpose, c’est un discours hégémonique dominant, qui veut faire croire à une différence de nature entre « la classe spoliée » et la « classe moyenne ». Nous insistons, cette différence n’existe pas, elles sont une seule et même classe, unies par leur rapport au travail, et à la production de richesse, principalement le salariat. Unies dans le vol et la domination qu’elles subissent de la bourgeoisie. Cette classe unique s’oppose encore et toujours à l’autre qui elle capte la richesse sans la produire. Tout le reste est une idéologie permettant de rendre le capitalisme gouvernable.

    Cependant, cette idéologie commence à être en danger aujourd’hui, elle perd de son efficience, et le mouvement des gilets jaunes en est la conséquence.
    Il est vrai comme il est affirmé dans l’article, que cette idéologie a pu s’étendre grâce à des « statuts dont elle jouit (qui) sont tout autant le fruit du système capitaliste qui distribue les places que le fruit des luttes sociales conduites dans l’histoire pour de meilleures conditions de vie. ». C’est ce que les sociologues Marxistes ont appelé (,) l’intégration.

    Il est important de revenir sur cette notion décisive. Le capitalisme technocratique d’après-guerre globalement, de 1945 à 1975, était concurrencé par le modèle soviétique, avec en son sein des partis communistes importants. Le capitalisme libéral a dû se résoudre à certaines concessions (salaires, protection sociale, dialogues, etc.). Cela afin de garder sa domination.
    C’est la naissance de l’état-providence. Intégrant petit à petit la classe productive à la social-démocratie et faisant oublier la lutte des classes, au profit de discours sur les classes moyennes, la précarité etc.

    Cette société est en voie de disparition depuis plus de 40 ans, sous les assauts du néolibéralisme. Cette mutation en vient à désintégrer la classe productive, rendant les membres de la dite « classe moyenne » de plus en plus pauvres, de plus en plus déconsidérés et de moins en moins intégrés au partage des richesses.
    Ce processus n’est pas analysé par notre camarade, il rappelle en effet les discours (gauchistes pour la plupart) de la fin des années 60, reprochant au prolétariat son intégration, dans des termes comme « bourgeoisie ouvrière ». Ces analyses sont dépassées, les politiques néo-libérales, l’attaque des acquis sociaux, la remise en question et la mort de la social-démocratie, en sont les preuves. Les « classes moyennes » n’ont pu exister que dans cet ancien monde. Cette ancienne phase du capitalisme, plus technocratique, plus keynésien. Aujourd’hui le capitalisme financier recommence le processus de paupérisation, et de concentration des richesses dans les mains de moins en moins de possédants.

    De là part le mouvement des gilets jaunes ! Car le masque tombe. Jamais l’exploitation n’avait disparu, elle se faisait simplement plus douce. Depuis 40 ans, petit à petit, elle se durcit. Et l’aspect « classe moyenne » disparaît. Quelques-uns rejoignent le camp d’en haut. 99% se rapproche du camp d’en bas. C’est un nivellement des revenus par le bas.

    Dans son texte Laurent nous dit : Parti des catégories les plus en souffrance de la population, mais dépolitisées et peu « visibles », le mouvement des gilets jaunes a réveillé la petite frange progressiste d’une classe moyenne davantage politisée et revendicative. Ce qui s’est joué et s’est spontanément tenté dans ce moment « gilet jaune » c’est la coopération, par ses minorités actives, de deux classes sociales que le fonctionnement capitaliste de la société tend à séparer. Des frontières existaient, elles ont été partiellement franchies. Cette affirmation n’est pas exacte. Le mouvement n’est pas parti des catégories les plus en souffrance mais bien d’une classe dite moyenne, à qui l’on faisait croire, et notre camarade n’échappe pas à cette règle, qu’elle avait plus de privilèges que les autres, et que l’inertie permettrait de les lui garantir. C’est de ce mensonge enfin ressenti que le mouvement du 17 novembre est né. Il n’y a jamais eu de frontières entre les exploités, il n’y en aura jamais. Le pouvoir souhaite diviser en faisant des conditions de vie la séparation, c’est un leurre. La division en classe vient de la manière dont on gagne sa vie : est-on exploité ou non ? Gagne-t-on de l’argent grâce à notre capital (Propriété, stock option, actions boursières) ou grâce à notre travail ? Est-on salarié ou rentier ? Chacun de nous peut et doit se poser la question. Il est alors important de savoir à quelle classe nous appartenons, peu importe notre revenu.

    POSSIBILITÉ DE DÉPASSEMENT DE CETTE ILLUSION COERCITIVE

    Ainsi le M17 se sépare des analyses sur la classe moyenne quand on nous dit, « il nous faut interpeller cette classe moyenne sur ce qu’elle est, sur ses modes de pensée et de vie, sur ce qu’elle peut générer de souffrances par sa contribution non négociable à un système fondamentalement injuste et inégal ». Nous n’avons personne à interpeller, car cette classe n’existe pas, elle ne peut donc produire aucune souffrance, aucune exploitation. Faut-il lire alors, entre les lignes, que nous devrions culpabiliser les membres supposés appartenir à ces classes, car ils auraient dans leur exploitation quotidienne un peu plus de redistribution que certains ? Mais ça ce serait diviser la classe travailleuse ! Ce serait faire porter les injustices et les inégalités du système à ses victimes plutôt qu’à ses bourreaux ! Il n’y a pas de rapport de force à construire entre une prétendue « classe spoliée » et une prétendue « classe moyenne », si ce n’est pour vouloir faire le jeu du capital… C’est de cette manière que tient le système, nous devons nous en libérer.

    C’est dans cette voie que s’engagent les gilets jaunes, en refusant les discours médiatiques, politiques, syndicaux, ayant la conscience bien éveillée dans ce sens. La première des libérations fut pour eux d’admettre que tous ces discours, inlassablement répétés, sur la « classe moyenne », la redistribution, la représentation, etc. ne sont que des mensonges ! Ils ne sont pas plus privilégiés que les autres ! La sortie de ce système ne passera donc que par la voie d’un changement révolutionnaire et non par la tentation de refaire « la social-démocratie » comme il s’en dégage par la suite de l’argumentaire.

    « La lutte des classes s’est inscrite historiquement comme la lutte d’une classe sur une autre, le prolétariat contre la bourgeoisie, devant mener à la victoire de l’une des deux, fut-ce au prix du sang. Elle pourrait bien devoir s’envisager après le mouvement pacifiste des gilets jaunes comme la lutte que chacune des deux classes antagonistes ait à mener sur elle-même pour dépasser ses blocages, ses peurs, ses interdits, ses dogmes et enfin pouvoir converger vers quelque chose de vivable sur cette terre. ». 
    Les classes malheureusement ne s’auto abolissent pas ! Elles sont abolies. « Collaborer plutôt que se détruire » Il n’y a pas de collaboration possible entre les classes, c’est tout l’échec de la social-démocratie et du consensus keynésien.

    « Les gilets jaunes » sont un mouvement de classe réellement existant car enfin les travailleurs s’unissent indépendamment du système. Le dépassement qu’il doit produire désormais est un rassemblement avec tous ces éléments, et surtout les plus démunis, qui eux ne se sont pas mobilisés. Cela doit permettre à ces 99% enfin d’atteindre l’unité que le système leur a interdit ! Voilà pourquoi pour terminer, ce mouvement n’est pas minoritaire. Il est intellectuellement et en conscience majoritaire. C’est pour cela qu’il est décisif, et si puissant, peu importe le nombre de personnes dans la rue.

    La légitimité d’une révolution ne se fait pas comme dans le vote bourgeois par une majorité de 51% ! La légitimité d’une révolution se fait par le soutien et l’espoir que les révolutionnaires, minoritaires dans la rue, propose à la majorité !

    En cela les gilets jaunes sont révolutionnaires et majoritaires !
    --
    NOTE
    La révolution française n’est pas née d’un changement culturel, elle est née de l’émergence d’une classe « la bourgeoise », des siècles auparavant. Petit à petit cette classe est devenue plus fonctionnelle que les trois ordres existants, en étant plus efficiente et afin de maintenir la société elle a pris la place de l’ancien régime inefficient. Le modèle culturel n’est donc pas la cause de la révolution, il n’est que la conséquence des tensions entre Bourgeoisie et Ancien régime. Nous sommes aujourd’hui intrinsèquement la classe efficiente, des cadres aux employés ! Nous devons prendre la place de la bourgeoisie devenue totalement parasitaire et refonder un système, car celui-ci court à sa mort, économique, écologique et humaine !

    (1) https://blogs.mediapart.fr/lrichard7/blog/080219/gilets-jaunes-les-conditions-de-vivre
    --
    https://mouvement17novembre.fr/la-classe-moyenne-nexiste-pas

  • « France périphérique », le succès d’une illusion

    Le mouvement des #gilets_jaunes semble consacrer le succès d’une représentation fortement enracinée dans les champs médiatique et politique, au point d’être devenue le prêt-à-penser des discours sur la France contemporaine : celle d’un pays coupé en deux entre #métropoles dynamiques et territoires « périphériques » en difficulté. Selon la plupart des commentateurs – y compris les éditorialistes de grands quotidiens comme Le Monde ou Libération – la contestation en cours serait l’expression d’une colère, voire d’une revanche des seconds à l’égard des premières.

    https://www.alternatives-economiques.fr/france-peripherique-succes-dune-illusion/00087254
    #périphérie #France #géographie_rurale

    • Eux et nous

      La #France_périphérique a valu à son auteur des reproches unanimes. Son sous-titre précise le propos : il s’agit de dénoncer les élites qui ont précipité la France dans la mondialisation et n’ont pas pris garde aux conséquences négatives qu’elle a sur les classes populaires.
      Christophe Guilly
      La France périphérique. Comment on a sacrifié les classes populaires.
      (Flammarion)

      Géographe, Christophe Guilluy lit ce divorce dans la dualité spatiale de la France d’aujourd’hui : aux métropoles dynamiques s’opposent les mornes espaces périurbains, les campagnes désespérées, les petites villes marquées par le chômage et la récession économique. La France périphérique : une variante géographique sur le motif poujadiste du eux et nous ?

      https://www.nouvelle-quinzaine-litteraire.fr/mode-lecture/eux-et-nous-1137
      #paywall

    • Les CHERCHEURS d’ESO et « LA FRANCE PERIPHERIQUE »

      Pierre Bergel, Jean Rivière, Éléments sur la genèse de La France périphérique. Introduction

      Aliette Roux, Christophe Guilluy géographe ? Cinq rappels de méthodologie scientifique

      Régis Keerle, A propos de la carte « La France périphérique qui gronde » : analyse critique et proposition d’enrichissement de la méthode cartographique standard par la mappographie

      Catherine Laidin, Le rural, cet espace périphérique ?

      Xavier Michel, Dépasser le contraste métropoles/périphéries pour analyser les mobilités

      http://eso.cnrs.fr/fr/publications/eso-travaux-et-documents/n-41-octobre-2016.html

  • La France périurbaine a-t-elle été abandonnée ? | Alternatives Economiques
    https://www.alternatives-economiques.fr/france-periurbaine-a-t-ete-abandonnee/00003009

    Surtout, les trois quarts des catégories populaires ne vivent pas dans la France périphérique, comme l’affirme Christophe Guilly, mais bien dans les villes. C’est ce qui ressort des calculs de Violaine Girard, maître de conférence à l’université de Rouen, à partir de données de l’Insee : 54 % des ouvriers et 62 % des employés vivent dans des pôles urbains, contre respectivement 28 % et 25 % dans les couronnes périurbaines (c’est-à-dire l’ensemble des communes de l’aire urbaine à l’exclusion de son pôle urbain).

    Après la montée du thème de l’"exclusion" durant les années 80 socialistes, il faut maintenant se coltiner la #société_d'abandon et ses variantes innombrables.
    #géographie_sociale #pauvreté #villes

  • L’identité malheureuse d’Alain Finkelkraut - Contre-attaque(s)
    Par Raphaël Liogier
    http://contre-attaques.org/magazine/article/l-identite

    Le Complexe de Suez. Le vrai déclin français (et du continent européen) est le titre du nouveau livre de Raphaël Liogier que publient l’éditeur Le Bord de l’eau. Avec l’autorisation de l’auteur nous publions des pages de l’ouvrage consacrées à l’omniprésent Alain Finkelkraut.

    Ces trois fronts (le multiculturalisme, l’islam et la globalisation) sont plus ou moins équivalents, ou contigus, dans le best-seller du philosophe Alain Finkelkraut, L’identité malheureuse (Stock, 2013), qui fut présenté comme un événement intel¬lectuel et qui se lit comme la longue plainte d’un Européen souffrant au milieu des tumultes d’une guerre de civilisa¬tion presque perdue. Le sentiment de la défaite, à laquelle ne saurait se résoudre l’auteur de l’ouvrage (le propre du héros tragique étant de se battre même s’il semble savoir que son combat est perdu d’avance), est partout présent. La solution proposée, implicitement mais clairement, parce que c’est la guerre et qu’en temps de guerre on ne peut se permettre de tergiverser, c’est le différencialisme non plus seulement passif et ségrégatif, mais actif et intrusif. Parce que, déjà, nous ne serions plus chez nous, expropriés, et même colonisés par les autres (ceux que nous avions jadis nous-mêmes colonisés). Les vrais français, qui résisteraient encore à la colonisation des quartiers périurbain seront ainsi appelés des autochtones, des exilés dans leur propre patrie : « Les autochtones ont perdu le statut de référent culturel qui était le leur… » « Quand le cybercafé s’appelle « Bled.com » et que la boucherie ou le fast-food ou les deux sont halal, ces sédentaires font l’expérience déroutante de l’exil. Quand ils voient se multiplier les conversions à l’islam, ils se demandent où ils habitent. Ils n’ont pas bougé, mais tout a changé », plus loin « … ils se sentent devenir étrangers sur leur propre sol », et plus loin encore, reprenant les analyses de Christophe Guilly (Fractures françaises, Flammarion, 2013) : « Les voici minoritaires dans un espace dont ils ont perdu la maîtrise. » (p. 123) Il est étonnant – ou pas si étonnant plutôt, puisqu’il s’agit de pureté culturelle et non de religiosité en réalité – que seules les conversions à l’islam, en fait très faibles, soient inquiétantes. Alors que les conversions aux mouvements néo-évangéliques sont, elles, réellement massives, et touchent aussi ces espaces périurbains dont les « autochtones » auraient « perdu la maîtrise ».

    • INTERVIEW : Raphaël Liogier dénonce « la laïcité au service de l’hygiénisme identitaire »
      http://www.middleeasteye.net/fr/reportages/interview-rapha-l-liogier-d-nonce-la-la-cit-au-service-de-l-hygi-nism

      Finkielkraut affirme, par exemple, que parce qu’il se sent solidaire d’Israël en tant que juif, il sait ce que c’est que d’être menacé par le monde musulman. Pour lui, c’est comme si les musulmans français étaient automatiquement des Palestiniens de l’intérieur alliés de l’islam mondial ayant pour objectif de s’emparer de la culture européenne. Détruire Israël serait une première étape. Israël serait comme une avant-garde européenne au milieu du monde musulman, une citadelle sur le point de tomber, préfigurant l’effondrement de l’Europe elle-même.

      Il y aurait ainsi une culture européenne au sens de culture de domination. En réalité, les vrais enjeux sont ailleurs. Le dollar a retrouvé sa suprématie mais les Européens, incarnés par Finkelkraut et consorts, se concentrent sur les enjeux identitaires. Le vrai déclin, ce sont eux.

    • Alain Finkielkraut ou la défaite d’une pensée, Aude Lancelin
      http://bibliobs.nouvelobs.com/idees/20151008.OBS7315/alain-finkielkraut-la-defaite-d-une-pensee.html

      Le plus emblématique des essayistes néoréactionnaires français, qui entre à l’#Académie_française ce 28 janvier 2016, a récemment publié “la Seule Exactitude”, recueil de ses chroniques sur RCJ et dans “#Causeur ” (dont l’actionnaire majoritaire n’est autre que l’ex-patron de « Minute », ancien torchon de référence de l’extrême droite.). Un “livre événement” dans un pays en perte de repères intellectuels.

      (...) il ne cesse d’installer toujours plus profondément au coeur du débat français ordinaire le sinistre mensonge du « grand remplacement » usiné par son ami Renaud Camus.

      (...) nouvelle idée fixe (...) : le passé est un mauvais maître, il nous aveugle, nous empêche de saisir l’irréductibilité absolue du moment historique que nous vivons, un moment inédit, fait de burqas sans gêne et d’« on n’est plus chez nous ». En ligne de mire bien sûr : la référence aux années 1930, qu’il détecte autant chez un Pierre Rosanvallon que dans toute la gauche radicale, et qui fait littéralement trépigner d’indignation Finkielkraut.

      Rien à voir donc à ses yeux entre ce qu’un Zemmour ou lui-même écrivent aujourd’hui des enfants d’immigrés et le portrait qu’un écrivain comme Giraudoux infligeait aux ashkénazes en 1939 dans « Pleins Pouvoirs ». Pour repousser cette idée sans nul doute effrayante, un crime tel que toute l’eau de la mer ne pourrait il est vrai le laver, l’auteur en vient à se retourner contre le « devoir de mémoire » lui-même.

      A ce dernier il consacre en effet ici un texte très étrange, « l’Ornière morale d’Auschwitz » (p. 237), d’où il ressort qu’à ses yeux le « Plus jamais ça » est devenu la meilleure arme de ceux qui haïssent sourdement les juifs. Le rayon paralysant préféré de la gauche morale.

      (...) les allusions historiques les plus hallucinées fourmillent, Vincent Peillon, inoffensif exministre socialiste de l’Education nationale, se voyant dès les premières pages comparé à Mao Tsé-toung.

      (...) Que reproche en tout et pour tout Finkielkraut au parti de [MLP] ? Trois choses, et l’on notera que la #xénophobie n’y est pas. La première, c’est d’être démagogique. La deuxième, c’est de « méconnaître les règles de l’économie ». La dernière, c’est d’en pincer pour les hommes forts comme Poutine. C’est tout, et c’est trop peu, même si cela suffit semble-t-il amplement à certains pour répondre de l’innocuité entière de sa pensée.