person:cynthia fleury

  • Cynthia Fleury : « Le #travail doit faire lien avec l’#émancipation et non pas avec la survie » | L’Humanité
    https://www.humanite.fr/cynthia-fleury-le-travail-doit-faire-lien-avec-lemancipation-et-non-pas-ave

    Si vous détruisez le sujet, vous en faites ce que Christopher Lasch (2) a appelé le «  moi minimal  » pour définir les individus détruits dans les camps de concentration nazis. Le sujet se retrouve avec un «  moi  » totalement érodé, incapable de «  faire lien  », pris au piège de l’ultraconcurrence. Dès lors il n’a plus ni la capacité, ni la volonté, ni même le désir de la fraternité et de la solidarité. Il survit. Les sociétés de survie ne sont pas des sociétés de solidarité malgré ce que l’on croit. Les individus, rongés par le découragement, ne croient plus dans l’État de droit, ils n’attendent plus rien de lui, et se tournent insensiblement vers des régimes de repli, xénophobes, populistes. L’État de droit se nourrit directement du souci de l’État de droit, et ce souci, seul l’individu-sujet peut le ressentir.

  • Platon et Aristote, de sacrés machos ! | Nous les femmes
    https://nous-les-femmes.org/2013/12/20/platon-et-aristote-de-sacres-machos

    Etre femme dans le monde antique, c’est mener l’existence d’une éternelle soumise : dès les premiers jours de sa vie, la petite fille subit l’autorité de son père. Devenue jeune mariée, elle quitte le foyer familial. Elle ne se libère de la domination paternelle que pour accepter celle de son mari. Tout au long de son existence, une femme doit tolérer la présence d’un homme au-dessus d’elle, qu’il soit son père, son mari, son oncle ou son frère.

    La vie d’une femme est tracée dès sa naissance : la tâche qu’on lui assigne est de procréer et d’entretenir le logis familial. Il est donc plutôt rare qu’une maîtresse de maison quitte son foyer pour flâner dehors, surtout si elle n’est pas accompagnée de son époux. En Grèce ancienne, une femme parcourant seule les rues de la cité fait scandale. Seules les prostituées ont droit à ce privilège. A Athènes, les citoyennes participent très rarement aux fêtes religieuses de la ville. L’entrée du théâtre leur est interdite. Les femmes ne sont pas autorisées à jouer la comédie, ce sont des comédiens masculins qui interprètent les rôles de femmes.

    En Grèce, quand un mari trouve son épouse en compagnie d’un autre homme, il est autorisé à les tuer tous les deux sur l’instant. En revanche, si l’inverse se produit, l’épouse trompée ne peut que réclamer le divorce. Les Athéniennes n’ont pas le droit d’avoir de relation conjugale en dehors de celles qu’elles partagent habituellement avec leur époux. En revanche, un homme marié a le droit de fréquenter une esclave ou une autre citoyenne, à la condition que celle-ci ne soit pas la conjointe d’un autre Athénien.

    En matière d’héritage, là encore, l’inégalité prévaut. Les femmes ne peuvent pas toujours disposer librement de ce dont elles ont hérité parce que la loi impose qu’elles remettent la part reçue à leurs enfants. Si, au moment de sa mort, un homme n’a qu’une fille unique, celle-ci récupère l’ensemble des biens paternels. Mais elle est alors contrainte à épouser un membre de sa famille (oncle, cousin…) pour que l’héritage ne tombe pas en des mains étrangères.

    –-----
    https://www.cairn.info/revue-francaise-d-histoire-des-idees-politiques1-2002-2-page-309.htm
    Légalité, justice et femmes dans la République et les Lois de Platon
    parGerasimos Santas

    Cet article soutiens que Platon était un proto-féministe.

    #femmes #platon #aristote #Philosophie #phallosophie

    • http://www.lexpress.fr/actualite/societe/les-philosophes-et-la-guerre-des-sexes_780271.html

      Platon, par exemple, divise le genre humain en mâles et femelles comme les nombres pairs et impairs, dans La République. Mais ces nombres ne sont pas équivalents entre eux. Aux yeux d’Aristote, la femme est ontologiquement, c’est-à-dire par nature, inférieure à l’homme. Plus proche de l’enfant ou de l’animal, faite pour être gouvernée par le sexe fort, incapable de transmettre autre chose que la « forme » de la vie à l’embryon, et non son « essence » -prérogative exclusivement masculine. Pis : la « femelle », comme la nomme le philosophe grec, s’apparente à un « monstre » lorsqu’elle est engendrée à la place d’un mâle. Chez Platon, la démonstration biologique tourne même explicitement au hold-up. La femme accouche les corps ? L’homme -Socrate, en l’occurrence- accouche les « âmes ». Il engendre. En bonne logique platonicienne, qui scinde matière et esprit pour parvenir à l’Idée pure, la femme n’a donc aucun intérêt. "Dans les dialogues platoniciens, Socrate est finalement le seul à détenir la véritable fécondité, explique Cynthia Fleury. Par cette substitution magnifique, cette terrible ruse inaugurale, la philosophie, dès son origine, confisque à la femme la naissance des âmes. Rien que cela !

      Dans Le Banquet, c’est pourtant une digne représentante de la gent féminine, Diotime, qui initie Socrate au secret d’Eros. « Lorsqu’il rencontre une femme exceptionnelle, Socrate aime philosopher avec elle », confirme Frédéric Lenoir, auteur de Socrate, Jésus, Bouddha (Fayard). Mais Diotime n’a rien d’une femme ordinaire : elle est prêtresse à Mantinée. « D’ailleurs, note le spécialiste des religions, au moment de sa mort, Socrate demandera que toutes les femmes quittent la pièce pour rester avec ses compagnons masculins. » Diotime révèle aussi que le seul amour qui mène à l’idée du Bien est celui pratiqué... entre hommes. On n’en sort pas.

  • Les enfants du 15-M
    http://www.humanite.fr/les-enfants-du-15-m-627137

    La chronique philo de Cynthia Fleury. « Une crise de la représentation qui critique l’idée même de représentation en considérant que les citoyens ne sont pas “représentables”. »
    En France, il y a Saillans, commune de la Drôme qui s’essaie à la démocratie participative réelle et à l’innovation citoyenne depuis un jour de révolte contre l’implantation d’un supermarché qui aurait pu, s’il avait vu le jour, phagocyter tous les petits commerces des alentours.

    #Squatter_le_pouvoir #Ludovic_Lamant #Cynthia_Fleury

  • Comment la France a tué ses #villes - URBIS le mag
    http://www.urbislemag.fr/comment-la-france-a-tue-ses-villes-billet-356-urbis-le-mag.html

    - Pour moi, c’est la méconnaissance autour du sujet qui est véritablement la cause de l’inertie actuelle. Il faut arrêter de croire que la création d’une activité économique crée des emplois nets. C’est sur la base de cet argument de l’#emploi que les élus acceptent la construction de centres commerciaux. Or, si des emplois sont bien créés, davantage encore sont détruits dans les #centres-villes ! Continuer à construire en #périphérie des commerces soi-disant situés « au cœur de l’agglomération », mais uniquement accessibles en voiture, c’est un laisser-faire, une facilité, un manque de responsabilité.

    Il n’y a pas de grand complot… Il s’agit juste d’une pensée à court terme d’hommes et de femmes élus pour 5 ans, de représentants de la grande distribution mais aussi de nous tous, collectivement. Si tous les Français décidaient d’aller dans les #commerces de proximité plutôt que d’aller faire leurs courses uniquement au centre commercial, cela aurait un réel impact positif. La qualité de vie, c’est aussi de pouvoir aller acheter son pain à pied…

  • L’écrasante responsabilité de la gauche dans la victoire de Donald Trump | Dominique Méda
    http://www.lemonde.fr/idees/article/2016/11/13/l-ecrasante-responsabilite-de-la-gauche-dans-la-victoire-de-donald-trump_503

    Pourquoi les gauches se font-elles tailler des croupières presque partout dans le monde par des partis qui prétendent mettre au cœur de leurs préoccupations les oubliés, les invisibles, les damnés de la mondialisation, les sans-grade, les déclassés ? Source : Le Monde

    • Au contraire je le trouve assez mauvais et scandaleux : toute « la gauche » est mise dans le même panier, Dominique Méda n’est même pas capable de nommer « le parti socialiste », « François Hollande » (qui en plus d’être président a été à la tête du PS pendant 10 ans), « Manuel Valls » (idem) etc. Elle oublie de remettre en cause des idées comme « sociale démocratie », « républicanisme » ou des pratiques comme « élection présidentielle » et « système représentatif » etc.

      Ah et en joke ultime Dominique Méda fait entrer dans « la gauche » le parti Démocrate étasunien et la famille Clinton.

      Sa nostalgie des politiques keynésiennes révèle la faiblesse de sa pensée... justement bien peu de gauche.

      Bref je trouve que c’est un très bel écran de fumée, il rejette bien la responsabilité sur tout le monde sans nommer les choses clairement ni les principaux responsables. Un texte idéal pour chouiner mais ne surtout rien changer. Dominique Méda prépare bien 2017.

    • D’ailleurs Le Monde rappelle bien que Dominique Méda était à l’initiative de « L’Appel pour une primaire des gauches et des écologistes » aux cotés de Daniel Cohn-Bendit, Thomas Piketty, Romain Goupil, Yannick Jadot, Michel Wieviorka, etc.

      Ce collectif était pour qu’avec cette primaire un seul candidat « de gauche » se présente en 2017, quitte à ce que ce soit François Hollande.

      On retrouve cette définition étonnante de « la gauche ».

    • @apichat : je trouve ton commentaire un peu sévère. Certes Dominique Médéa ne va sans doute pas assez loin, et on peut discuter le fait que le mot « gauche » qu’elle utilise désigne une mouvance qui n’est plus du tout de #gauche : la gauche molle, la gauche libérale, la social-démocratie-traîtrise.

      Mais c’est un abus de langage assez commun que de désigner encore par ce mot le #Parti_Socialiste en France, le #Parti_Démocrate aux USA, le #Parti_Travailliste en Grande Bretagne et le #Parti_Social-Démocrate en Allemagne (elle nomme #François_Mitterrand, #Barack_Obama, #Bill_Clinton, #Tony_Blair, #Gerhard_Schröder...).

      De plus, même si on peut effectivement lui reprocher de ne pas nommer explicitement #François_Hollande et #Manuel_Valls, elle les désigne de façons assez peu ambigüe : elle parle des tournants de 1983, 1985-1986, 1994, donc clairement le PS de Mitterrand, et elle cite « l’actuel Président de la République » qu’elle oppose au secrétaire de la CGT.

      Donc il me paraît assez clair qu’elle critique le PS qu’elle appelle, à tort peut-être « la gauche ».

      Alors, OK, Dominique Médéa n’est pas une anarchiste, et elle se situe même probablement dans cette mouvance qu’elle critique, mais dans ce contexte je trouve cette « #auto-critique », comme on peut l’appeler, assz juste.

      Pour compléter ce que Dominique Médéa ne dit pas dans sa tribune :

      #Bilan_du_quinquennat de François Hollande (régulièrement mis à jour) :
      https://www.bilan-ps.fr/liste

      Pourquoi le Parti Socialiste fait-il ça ? :
      #L'autodestruction_du_Parti_socialiste
      Rémi Lefebvre, Le Monde Diplomatique, juillet 2016
      https://seenthis.net/messages/516458

    • J’ai relu l’entretien d’Olivier Le Naire avec Dominique Méda ( Nos voies d’espérance ). Je pense qu’elle est profondément égalitaire, partage du temps de travail, des richesses, égalité homme-femme, sincèrement progressiste mais pas assez « radicale » selon moi.
      Sa troisième voie au sujet de la croissance me semble un peu utopiste. Et telle Cynthia Fleury fait preuve de beaucoup de sagesse ne remettant sans doute pas assez en question la notion de capitalisme peut-être plus proche de Piketty que de Lordon.
      #politique_des_bons_sentiments

    • Un commentaire tout à fait intéressant de Lux Editeur, au sujet de l’autre élite progressiste, réformiste :

      Selon Bifo, les Blancs issus des franges plus défavorisées de la société américaine, ayant été floués et désarmés par la "gauche" réformiste alliée au capitalisme financier, ont voté pour une autre élite qui s’affichait comme étant anti-institutionnelle mais qui, depuis qu’on en sait un peu plus sur le cabinet de Trump, n’est qu’une autre élite.

      Comme le dit un de nos éditeurs, cette nouvelle élite est une élite "corrompue, cupide, libertarienne, habitée de l’esthétique de la violence, qui flatte les bas instincts de ceux et celles qui meurent à crédits, comme disait l’autre — contre une autre élite, « progressiste », libérale— molle, déconnectée du monde réel, qui prend depuis 40 ans au social sans rien lui rendre, une élite engourdie par son confort et qui se console de ses renoncements avec la certitude de la supériorité de sa droiture morale et intellectuelle. […] C’est la victoire d’un déni de la réalité contre un autre déni de la réalité. Une puissante mise en abîme politique."

      https://seenthis.net/messages/541911

    • @sinehebdo En fait effectivement ce n’est pas l’article en lui même qui me gène profondément. Mais c’est la manière dont elle utilise des idées sans faire références aux personnes qui les ont développées. Car effectivement la plus grosse invisibilisations qu’elle effectue n’est pas tant celle du Parti Socialiste et de ses satellites, mais bien toute la partie de la gauche qui depuis au moins 30 ans a réalisée cette critique que Dominique Méda reprend.

      Sinon le site bilan ps est effectivement un bon site et les travaux de Rémi Lefebvre sont très intéressants.

  • Robotisation générale

    http://www.lemonde.fr/robotique/article/2016/01/03/robotisation-generale_4841007_4620106.html

    Dans la série de science-fiction suédoise «  Real Humans  : 100 % humain  », en 2012, des robots humanoïdes dopés à l’intelligence artificielle, les hubots, effectuent tous les travaux pénibles et routiniers et exercent de nombreux métiers dans les services  : magasinier, aide-soignant, domestique, chauffeur, coursier, partenaire sexuel… La plupart des humains se sont défaussés sans regret de ces emplois. Seule une minorité s’oppose aux hubots, des employés mis au chômage qui ont décidé de les détruire comme faisaient les ouvriers luddistes du début du XIXe siècle, canuts lyonnais ou tisserands anglais, avec les métiers à tisser. Car le robot est toujours un voleur de travail.

    Nous aurions tort de croire qu’aujour­d’hui, nous sommes très éloignés de ce scénario de science-fiction. Des études convergentes montrent que de nombreux emplois réservés aux hubots dans la série sont déjà robotisés. Nous ne le percevons pas clairement du fait que ces robots ne sont pas humanoïdes. Mais ils sont omniprésents. Le «  hubot  » ouvrier est une machine-outil équipée de plusieurs bras et de puces de radiodétection qui lui permettent de choisir ses outils. Le hubot coursier est un drone de basse altitude  : chez Amazon, on en teste pour la livraison rapide, jusqu’ici assurée par des hommes. Le hubot aide-soignant s’appelle Tug  : c’est une table roulante équipée d’un œil électronique qui rappelle le personnage R2-D2 de La Guerre des étoiles. Présent dans 140 hôpitaux américains, Tug délivre à la demande des médicaments, de l’eau fraîche et des repas.

    (...)

    Un rapport d’octobre 2014 du cabinet d’études Roland Berger montre, quant à lui, que les gains de productivité liés à l’automatisation du secteur industriel ont représenté 64 % des réductions d’emploi en France entre 1980 et 2012 : soit 1,37 million, un chiffre très au-dessus des pertes dues aux délocalisations (279 000 emplois). Il annonce 42 % des métiers automatisés d’ici à 2030.

    Aux Etats-Unis, mêmes coupes claires. En septembre 2013, deux chercheurs d’Oxford, Carl B. Frey et Michael A. Osborne, publient une étude qui dérange : « L’avenir de l’emploi : à quel point les métiers sont-ils susceptibles d’être numérisés ? ». Ils listent 702 emplois menacés à court terme. Dans les usines en priorité, mais aussi dans les services. Téléconseillers remplacés par des boîtes vocales, secrétariats détrônés par la télétransmission, spécialistes des formalités aujourd’hui informatisées, graphistes sans formation Web, développeurs photo, gardes et surveillants... A moyen terme, transporteurs et coursiers sont, eux aussi, menacés.
    Avec l’arrivée de la Google Car (autorisée à rouler sur des routes californiennes), les grandes marques automobiles (Ford, Tesla ou General Motors) s’intéressent à la voiture sans chauffeur. Des cabinets d’analyse annoncent que 9 % des voitures seront autonomes en 2035 – peut-être 80 % en 2050. Adieu les taxis ?

    En septembre 2012, une enquête Sofres de la Commission européenne montrait que 73 % des Français se méfient des robots parce qu’ils craignent qu’ils détruisent leurs emplois. Ils n’ont donc pas tort. Car la robolution détruit non seulement les emplois ouvriers et ceux des services, mais aussi de nombreux travaux qualifiés, experts. Des emplois dits « cognitifs ». Beaucoup vont disparaître du fait de la sophistication des nouveaux robots équipés d’algorithmes.
    Des exemples ? A la société hongkongaise Deep Knowledge Ventures, spécialisée dans le capital- risque pour les secteurs de santé, l’algorithme d’analyse stratégique Vital siège au conseil d’administration. Il compulse et synthétise les données utiles : brevets disponibles, tests de médicaments, levées de fonds précédentes. Son avis importe à la direction. En Europe, le logiciel Quill (« plume ») remplace déjà les journalistes et les agents chargés de rédiger des brèves, des comptes rendus, des bilans financiers – au Monde, nous l’utilisons pendant les soirées électorales. Quill trie d’énormes quantités d’informations économiques, politiques, sportives, il les compare et donne les résultats au kilomètre, écrits en textes courts, clairs, sans fautes d’orthographe. De quoi justifier l’interrogation du magazine américain Business Week, en avril 2010 : « Les commentateurs sportifs sont-ils vraiment nécessaires ? »

    Autre performance : le logiciel Watson d’IBM parcourt 200 millions de pages en trois secondes, et répond aux questions en langue naturelle. En février 2011, aux Etats-Unis, Watson a gagné en direct au jeu télévisé « Jeopardy ! » face à des joueurs chevronnés. IBM, inventeur du supercalculateur Deep Blue (vainqueur face au champion du monde d’échecs russe Garry Kasparov en 1997), entend le rentabiliser dans le diagnostic médical : il cherchera la mutation génétique d’un patient dans les gigabases de données génomiques.

    Toutes ces machines intelligentes, à court et moyen terme, vont remplacer des employés ou des cadres spécialisés. C’est la « substitution logicielle », comme l’appelle avec tact le fondateur de Microsoft, Bill Gates. Nombre de comptables, de banquiers qui accordent des crédits, de pourvoyeurs de contrats d’assurance, de fonctionnaires chargés de codifier les documents juridiques, de généalogistes, de mathématiciens faisant du calcul économique, de traders, vont être remplacés par des robots, préviennent deux chercheurs du Center for Digital Business du Massachusetts Institute of Technology (MIT), Erik Brynjolfsson et Andrew McAfee. Dans une étude d’octobre 2013, deux économistes de l’université de Chicago, Loukas Karabarbounis et Brent Neiman, montrent qu’entre 2000 et 2012 le taux de chômage de la main-d’œuvre qualifiée a doublé aux Etats-Unis.

    Avec la robolution du travail, c’est donc la question de la spécificité humaine, de son originalité radicale, qui est posée. Dans quelle tâche, quelle activité, l’homme n’est-il pas « remplaçable », pour reformuler l’interrogation de la philosophe Cynthia Fleury, qui s’inquiète dans son nouvel essai des mille façons dont nos sociétés détruisent, chez l’individu, le sentiment d’« irremplaçable » (Les Irremplaçables, Gallimard) ? Quelle est la « valeur ajoutée » de l’homme, demande le directeur du cabinet de conseil Roland Berger, Charles-Edouard Bouée, coauteur de l’essai Confucius et les automates (Grasset, 2014) ?
    Bruno Bonnell, lui, se fait l’avocat du diable. « Le propre de l’humain est d’être un Homo faber, il a toujours fabriqué des outils et des machines pour alléger et améliorer son travail. Le robot perpétue cette lignée, il libère l’homme des tâches pénibles, il le rend moins esclave. L’homme va enfin pouvoir s’acquitter de tâches dignes de lui. » Le terme « robot », rappelle-t-il, a été utilisé pour la première fois par l’écrivain tchèque Karel Capek (1890-1938) dans sa pièce de science-fiction R.U.R., en 1920. Il vient du tchèque robota, qui signifie « corvée ». Cette idée d’un robot libérant l’homme d’un emploi indigne était partagée par quelques figures du monde ouvrier révolutionnaire
    du XIXe siècle. Ainsi le socialiste libertaire Paul Lafargue (1842-1911) écrivait-il en 1880, dans Le Droit à la paresse : « Les grands philosophes du capitalisme (...) ne comprennent pas encore que la machine est le rédempteur de l’humanité, le dieu qui rachètera l’homme des “sordidae artes” [les arts sordides] et du travail salarié, le dieu qui lui donnera les loisirs et la liberté ».

    Alors, quelle activité en propre restera-t-il aux humains face à des robots habiles, véloces et calculateurs ? Le philosophe Dominique Lestel, dans son ouvrage A quoi sert l’homme ? (Fayard), questionne la fascination mortifère de notre époque pour les machines, le robot et le post-humain : cette passion a fini par nous faire négliger, et même haïr, la nature et le vivant, estime-t-il, mais aussi tout ce qu’il y a de convivial, d’attachement, d’empathique, d’historique, d’artistique dans l’homme – dans ce corps souffrant doué de culture et de sentiments. De son côté, le philosophe américain Peter Asaro, une figure de l’opposition aux « armes létales autonomes » ou robots tueurs, attire l’attention depuis des années sur les questions de morale et de droit – proprement humaines – soulevées par la cohabitation avec des machines autonomes.

    Il se demande qui sera responsable si la Google Car écrase un passant ? Ou encore qui va répondre des crimes d’un robot soldat qui commet un carnage ? Autre exemple : l’arrivée des drones commerciaux exige qu’on régularise l’ouverture de couloirs aériens de transit à haute vitesse, situés entre 6 et 120 mètres. Doit-on les autoriser en ville ? Le grand public aura-t-il le droit de les utiliser ? A qui s’adresser si le colis d’un drone tombe sur une tête ? Ces réflexions nous rappellent que les humains se poseront toujours des questions auxquelles les machines ne pensent pas. C’est bien là une des qualités intrinsèques des hommes : ils rêvent à une vie meilleure, ils se préoccupent de leurs enfants, de leur vie sociale, ils éprouvent de la compassion, ils sont moraux, ils s’interrogent sur l’usage des machines, ils réfléchissent – comme l’écrivain de science-fiction Isaac Asimov – aux « lois de la robotique ».

    D’ores et déjà, nombre de philosophes, de juristes, d’éthiciens, de spécialistes de l’intelligence artificielle réfléchissent au nouveau champ juridique ouvert par l’omniprésence des robots. C’est beaucoup de travail en perspective : un nouveau droit, des déontologies doivent être mis en œuvre. On peut ainsi imaginer que cette spécificité tout humaine et ses exigences vont générer de nouveaux métiers, du fait même de notre nouvelle cohabitation avec des robots.

    C’est aussi ce que pronostique une analyse publiée en août 2013, dans le New York Times, par les économistes David H. Autor et David Dorn : bien des métiers résisteront à la robotisation en mettant en avant leurs qualités humaines. Car les hommes ne supporteront pas de communiquer seulement avec des machines – voyez l’inhumanité des répondeurs automatiques et des bornes d’information. Face aux robots, avancent les deux économistes, les personnes combinant une qualification technique et des comportements relevant du savoir-faire « relationnel », de l’« esprit pédagogique », de la « capacité d’abstraction », de la « conception », de l’« adaptabilité psychologique », du sens de la « résolution des problèmes » – tout ce qui relève du « non-routinier » et de la « flexibilité », c’est-à- dire de l’« uniquement humain » –, maintiendront leur travail.

    Dans les services, ce sera le cas pour les infirmières praticiennes, les techniciens des métiers médicaux, les représentants auprès de la clientèle, mais aussi les plombiers, les électriciens, les chauffagistes, les charpentiers, les créateurs d’applications, les réparateurs de robots et de machines – tous ceux qui offrent un travail personnalisé et créatif, au-delà de leur seul emploi. Lawrence Katz, un économiste du travail à Harvard, parle d’un prochain envol des « nouveaux artisans », capables de créations originales, proprement humaines, tout en utilisant l’ingéniosité des machines. Dans les métiers cognitifs, tous les emplois relevant de l’enseignement, de l’éducatif, du coaching, de l’esprit de synthèse, mais aussi des métiers créatifs – concepteurs de cuisines, de design, en architecture, en ergonomie... – résisteront, proposant des services inédits.

    Ces économistes défendent les douleurs inévitables de la « destruction créatrice » apportée par l’innovation technologique, une des lois d’airain du capitalisme, d’après l’économiste autrichien Joseph Schumpeter (1883-1950) : des machines nouvelles mettent les hommes au chômage puis des cycles de création d’emplois suivent. Aux Etats-Unis, le président du think tank Information Technology & Innovation Foundation, Rob Atkinson, avançait en septembre 2013, dans la Technology Review du MIT, que les pertes de travail dues à la robolution permettent aux entrepreneurs de réinvestir : « Quand une machine remplace un travailleur, un effet de second ordre se produit : l’entreprise qui l’utilise économise de l’argent, qui est réinjecté dans notre économie. »

    Créateur d’une entreprise de robotique, Bruno Bonnell tient un raisonnement proche : « Nous avons perdu des milliers d’emplois dans le transport à cheval avec l’arrivée de la voiture. Mais l’industrie automobile en a créé par la suite des dizaines de milliers. Aujourd’hui, les entreprises qui font des gains de productivité avec les robots vont réinvestir dans des start-up innovantes, la création de logiciels, d’applications, les solutions écologiques, tous les métiers où l’invention humaine est indispensable. » Dans un monde de robots, l’« uniquement humain » reste irremplaçable.

  • “Le travail doit faire lien avec l’émancipation” - L’Humanité
    http://alireailleurs.tumblr.com/post/131672377119

    La philosophe et psychanalyste, Cynthia Fleury, qui tient chronique régulière dans l’Humanité, revient dans une interview pour ce même journal sur son dernier livre, Les irremplaçables, et défend le besoin de formation citoyenne. Pour elle, l’Etat de droit est intimement lié à la façon dont nous en sommes les citoyens, et inversement. “L’État de droit croit qu’il peut détruire les individus-sujets sans que cela ne soit impactant pour lui-même. Seulement, dans ce phénomène de désingularisation, ce n’est pas seulement l’individu-sujet qui disparaît, c’est l’État de droit lui-même qui court à sa perte. Pourquoi ? Parce que le seul qui se soucie de l’État de droit jusqu’à nouvel ordre, c’est un sujet émancipé.” La performance, la rentabilité, la précarisation nous déshumanise et nous rend incapable de faire (...)

    #émancipation #démocratie #engagement

    • L’état de droit ne détruit pas les individus sujet, il contribue à les produire conformément aux besoins dune société de concurrence dont il est le garant. C’est pas très marrant de voir les philosophes qui inventent les questions. Le travail doit faire le lien avec l’émancipation, dit elle. Or le problème est, au contraire, d’essayer d’envisager comment l’émancipation pourrait à nouveau s’attaquer au travail. Le sentiment d’impuissance et de vacuité, d’absence de prise sur cet enjeu conduit à la dépolitisation apparente que l’on connait, au laisser faire comme disposition partagée. Au renoncement. Ces philosophes et autres penseurs qui posent la question depuis le bon état oublient tous que la société civile (comme ils disent) est le pendant nécessaire de ce monstre froid.

      Puisqu’elle évoque le travail de #Simondon sur l’#individuation (ce qui devient très courant), je rappel l’existence d’une intro à cet aspect qui me partait excellente
      Simondon, Individu et collectivité. Pour une philosophie du transindividuel, Muriel Combes
      http://www.cip-idf.org/article.php3?id_article=4433

      le pouvoir tient à cause de nos soumissions quotidiennes, de nos capitulations, de nos renoncements et de nos manques de déconstructions.

      dit elle
      http://www.humanite.fr/cynthia-fleury-le-travail-doit-faire-lien-avec-lemancipation-et-non-pas-ave

      Ce qui est en miettes, parfaitement « déconstruit » dans ces interrogations c’est la dimension antagoniste. Le conflit.

      #précarisation #philosophie #citoyennisme

  • « Si Internet n’est nullement à l’origine des révoltes populaires, il est néanmoins leur instrument le plus amplificateur aujourd’hui. Révolution culturelle ? Révolution numérique ? On s’entendra au moins sur l’item commun. » Cynthia Fleury.

    http://www.humanite.fr/le-numerique-du-doigt-et-du-nombre-559408#sthash.rz797bXt.ZOHi5PzF.dpbs

    L’article s’appelle : « du doigt et du nombre ». Incroyable @monolecte, non ?

    #numerique #revolutions #opensource

  • Karim Miské (@KarimMiske), sur l’hypocrisie face à la #dépénalisation du #cannabis en #France. valable aussi en #Tunisie. A bas la #LOI52

    Cette étrange prohibition du cannabis… « Le blog de Karim Miské
    http://blogs.lesinrocks.com/karim-miske/2011/06/21/cett-etrange-prohibition-du-cannabis

    Et si l’objectif confusément poursuivi était plutôt de charger une drogue de tous les maux pour masquer notre tolérance aux dépendances multiples qu’engendre le type de société qui est le nôtre ? De masquer le fait que comme l’explique la psychanalyste Cynthia Fleury :

    « Dans notre société de l’hyperconsommation, l’addiction devient la norme et non plus la marge. » Car, « Le propre d’une société addictogène, c’est d’instrumentaliser nos manques. »

    Sans que personne ne se l’avoue vraiment, l’interdiction du cannabis semble bien avoir une fonction précise. Le maintien irrationnel de cette prohibition, au risque de permettre la formation de véritables maffias dans nos cités, nous permet d’éviter de contempler cette vérité aussi banale que dérangeante : nous sommes tous des toxicomanes. C’est ce qui fait tourner ce monde. Et la majorité d’entre nous semble bien préférer incriminer les fumeurs de joints plutôt que d’affronter son angoisse.

    Ce qui peut se comprendre.

  • Cynthia Fleury : « On va liquider la pensée en s’en remettant à une machine » - La-Croix.com
    http://www.la-croix.com/Actualite/France/Cynthia-Fleury-On-va-liquider-la-pensee-en-s-en-remettant-a-une-machine-20

    Pour la philosophe Cynthia Fleury, les technologies permettent la liquidation de la décision humaine, comme le montre le trading à haute fréquence. Nous voici dans l’âge du probabilisme : le règne sans partage de la probabilité comme seule source de décision pertinente. Le règne de l’algorithme signe la fin du libre arbitre et ce d’autant plus que l’homme pour utiliser les machines plus efficacement devra apprendre à penser et à devenir machine. Cette machinisation est le fruit de l’incapacité de l’homme à accepter sa finitude. L’homme ne cherche plus à être libre, mais à être immortel. Bienvenu à l’homme indéfini et soumis aux machines qui tente d’expliquer l’esprit par l’imagerie du cerveau... « La résistance individuelle à une telle déshumanisation demande une abnégation », demande de ne pas avoir (...)

    #philosophie

    • L’algorithme devient le décideur. Il se substitue à la décision humaine. Il devient la matrice de 14 000 décisions exécutées en une seconde, alors qu’un être humain a l’obligation éthique d’analyser la situation, d’évaluer les hypothèses d’action, en somme de combiner son intuition, ses principes moraux et ses arguments rationnels… et cela nécessite plus d’une seconde. Je constate qu’un nouveau dogme émerge : le probabilisme, le règne sans partage de la probabilité comme seule source de décision pertinente. Or, la probabilité analyse les données, mais ne pense pas.

      Le règne de l’algorithme signe la fin du libre arbitre, donc du choix, donc de la responsabilité, donc de l’éthique… Einstein craignait déjà que l’on conduise le monde de demain avec les solutions d’hier. Or, le système probabiliste poussé à outrance ne fonctionne qu’en analysant du déjà connu, recueilli et conservé de plus en plus massivement sous forme de données informatisées. Ainsi, le qualitatif est dès lors déduit du quantitatif.

      Ce qui fait extraordinairement peur, car les ordinateurs ne vont pas pour autant « penser » à notre place. On va donc liquider la pensée – qui est liée au jugement – en s’en remettant à une machine qui fait des probabilités.