person:d’

  • Elle l’a bien cherché | ARTE
    https://www.arte.tv/fr/videos/075213-000-A/elle-l-a-bien-cherche

    Entre tribunaux saturés et préjugés tenaces, ce documentaire montre le douloureux parcours de quatre victimes de viol pour se faire entendre. Plus d’un an après #MeToo, une plongée sans fard dans un processus archaïque.

    Souvent rongées par la honte ou la peur de ne pas être prises au sérieux, seules 16 000, sur les 200 000 victimes de viols (ou de tentatives de viols) dénombrées chaque année en France, franchissent la porte d’un commissariat. Elles ne verront pas toutes leur agresseur condamné puisqu’une plainte sur dix seulement aboutit aux assises. Débordés, policiers et magistrats sont contraints de ne garder que les dossiers les plus « solides ». Un témoignage fragile, des circonstances obscures ou une absence de séquelles physiques peuvent conduire au classement sans suite de l’affaire. Victimes de viol, Marie, 20 ans, Manon, 27 ans, Michèle, 56 ans et Muriel, 42 ans, expérimentent ce long combat où, à tout moment, le destin de leur plainte peut basculer.

    Suspicion latente
    Auditions au commissariat, confrontations, suivi à l’hôpital, entretiens avec l’avocat puis procès : Laetitia Ohnona n’omet rien du parcours du combattant qui incombe aux victimes de viol. Il leur faudra répéter inlassablement leur histoire, maîtriser leurs angoisses, subir les questions intimes des policiers et les examens gynécologiques. Au plus près de quatre femmes à différents stades de la procédure, la réalisatrice questionne aussi les représentations pesant sur elles. « Le jury populaire a souvent de nombreux a priori », prévient l’avocate de Muriel, violée à la suite d’une soirée arrosée qui a dérapé. L’alcool, une tenue légère ou un flirt renvoient souvent à une suspicion latente de coresponsabilité. Sans pour autant incriminer une institution judiciaire dépourvue de moyens, ce documentaire lève le voile sur les lacunes du processus et interroge notre conscience de juré potentiel.

    (pas encore vu)

  • Complotisme : YouTube est-il responsable des contenus publiés ?
    https://www.ladn.eu/media-mutants/tv-et-nouvelles-images/youtube-rend-responsables-suggestions-videos

    Face aux critiques, la plateforme a mis en avant ses outils de contrôle des recommandations de vidéo et estime que c’est aux utilisateurs de faire le ménage.

    Ne dites plus jamais que c’est de la faute de YouTube si vous trouvez une vidéo complotiste ou contenant de fausses informations dans votre fil de recommandations. C’est en tout cas le message qu’ont tenté de faire passer Romain Cabrolier et Justine Ryst, respectivement manager et directrice en charge des partenariats sur la plateforme.

    Les utilisateurs sont responsables, même les plus jeunes

    Effectivement, il suffit de regarder un coup d’œil aux commentaires des vidéos de Lama Fâché pour voir que de nombreux internautes ne prennent pas pour argent comptant les « informations » diffusées. Les compteurs de likes, eux, s’emballent. Et peu importe que le public visé soit... les adolescents. Pour YouTube, ça ne change rien : même s’ils n’ont pas le recul nécessaire pour utiliser les outils à leur disposition, ils sont responsables de ce qu’ils regardent.
    Comment la plateforme veut rééquilibrer l’information

    Plutôt que de supprimer l’infox, YouTube préfère pousser d’autres types de contenus censés « équilibrer » l’information.

    YouTube essaye donc de pousser du contenu anti-fake news, mais refuse toujours le titre d’éditeur.

    #YouTube #fake_news #Plateforme

  • Le #HCR se félicite du soutien de 175 villes à travers le #monde entier en faveur des réfugiés

    A l’occasion de la Journée mondiale 2019 du réfugié, le HCR, l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés, remercie les maires de dizaines de villes dans environ 50 pays d’avoir ajouté leur soutien à une déclaration mondiale d’accueil et d’inclusion pour les familles déracinées. Cette déclaration s’inscrit dans le cadre de l’initiative du HCR Cities#WithRefugees ou « Villes #Aveclesréfugiés », qui existe depuis un an et qui a été signée par près de 175 villes.

    Ce geste de #solidarité envers les réfugiés est d’autant plus important car, selon le rapport statistique annuel du HCR sur les Tendances mondiales publié hier, environ 61% des réfugiés et 80% des personnes déplacées internes vivent en milieu urbain. Les villes, les autorités locales et les municipalités jouent un rôle essentiel dans le soutien et l’accueil des réfugiés et d’autres personnes déplacées. Ils offrent la sécurité et un logement décent. Par ailleurs, ils peuvent permettre l’accès aux services locaux, à l’éducation et à des opportunités d’emploi.

    Dans l’ensemble, le rapport statistique annuel sur les Tendances mondiales montre que le nombre de personnes déracinées par la guerre, les conflits ou les persécutions a doublé ces 20 dernières années.

    Face à des niveaux toujours plus élevés de déplacement forcé - et parallèlement à des niveaux croissants de xénophobie dans le monde - des villes comme Paris en France, Montevideo en Uruguay, Lahore au Pakistan, Bucarest en Roumanie, Vancouver au Canada et Atlanta aux Etats-Unis appellent également d’autres maires et autorités locales à travers le monde à se joindre à eux dans leurs efforts concertés pour accueillir et inclure des réfugiés dans leurs communautés.

    « Les villes sont à l’avant-garde des nouvelles approches en matière d’accueil, d’inclusion et d’offre d’opportunités aux réfugiés », a déclaré Filippo Grandi, Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés. « J’ai une grande admiration pour ces maires, pour ces autorités locales et pour les habitants de ces villes qui oeuvrent en faveur de la solidarité. Nous attendons d’eux qu’ils défendent ces valeurs et qu’ils poursuivent cet important travail. »

    « Nous n’avons pas le luxe de faire de la politique car il nous faut que les choses fonctionnent, non seulement pour les nouveaux arrivants mais aussi pour les communautés établies dans nos villes. Ce que nous avons, c’est la capacité de réunir nos forces et des ressources différentes pour faire de l’inclusion une réalité – tout en mobilisant les contributions des secteurs public, privé et bénévole afin de trouver des solutions concrètes à nos défis les plus urgents », a déclaré Marvin Jonathan Rees, le maire de Bristol au Royaume-Uni et l’un des premiers signataires de l’initiative Cities #WithRefugees, pour décrire le rôle unique des dirigeants au niveau local.

    Au niveau mondial, le Pacte mondial sur les réfugiés, qui vise à mettre en œuvre une approche plus globale de la gestion des crises de réfugiés, reconnaît le rôle important des autorités locales en tant que premiers intervenants dans les situations de réfugiés à grande échelle. Le HCR organisera le tout premier Forum mondial sur les réfugiés en décembre 2019, qui sera l’occasion de catalyser des partenariats novateurs entre les secteurs et pour tous les acteurs concernés - gouvernements, société civile, secteur privé, organisations internationales et autres - afin de changer concrètement la vie des réfugiés et des communautés hôtes.

    https://www.unhcr.org/fr-fr/news/press/2019/6/5d0b8549a/hcr-felicite-soutien-175-villes-travers-monde-entier-faveur-refugies.html
    #villes-refuge #asile #migrations #réfugiés #accueil
    #Cities#WithRefugees

    Ajouté à la métaliste :
    https://seenthis.net/messages/759145

  • Le partage des tâches, enjeu féministe primordial : « Et toi, concrètement, comment tu fais ? » Ben je fais comme ça. Comme un mec, oui » | Comment peut-on être féministe ?
    http://www.commentpeutonetrefeministe.net/2015/07/05/partage-des-taches-feminisme

    En fait, ce qui m’a facilité la tâche, c’est que j’ai toujours pensé que je méritais ce qu’il y a de mieux pour moi, et je te prie de croire que je ne me prends pas pour de la merde, ce qui est assez culotté de ma part car je ne vaux pas mieux que n’importe qui d’autre. Mais je vaux autant qu’un homme et puisque notre société n’a pas encore amorcé le renoncement volontaire des hommes à leurs propres privilèges, je considère que j’ai droit aux mêmes privilèges qu’eux.

    J’estime donc, comme un homme, que certaines choses doivent aller d’elles-mêmes, et ce sans mesquinerie aucune : je sais bien que la plupart des hommes n’estiment pas consciemment que certaines choses leur sont dues, mais ils ont tout simplement, pour beaucoup d’entre eux, été éduqués dans un schéma les amenant à considérer, en totale bonne foi, que les choses sont « ainsi ».

    Alors moi, je fais pareil, et je me comporte comme si ma bite me conférait le droit à n’avoir qu’une seule journée de travail par tranche de 24 heures. Et toute ma famille s’en porte très bien, car l’égalité n’est pas un péril pour l’équilibre familial, contrairement à ce que les réacs de toutes obédiences tentent de nous faire croire.

    Autre critère à prendre en compte : il se trouve que j’ai une grande affection pour moi-même et pour l’homme que je suis, affection qui me pousse à penser que tout autant que mes enfants et mon mari, je mérite à tour de rôle le blanc du poulet, le cœur de la salade, des draps qui sentent le frais mais que je n’ai pas eu à laver moi-même, un bain avec beaucoup de mousse, le coussin le plus moelleux du canapé, les repas partagés assise avec ma famille et non debout devant l’évier, des grasses matinées, de la vaisselle propre et non lavée par moi, du linge que je trouve plié et rangé dans mon armoire sans avoir plié et rangé le linge de trois autres personnes en plus du mien, des packs de lait en réserve sans que ce soit forcément moi qui pense à en racheter, de beaux enfants avec des cheveux bien coupés sans que je ne sois obligée de prendre moi-même rendez-vous pour eux chez le coiffeur, du café chaud le matin que je n’ai pas eu besoin de faire, des professeurs rassurés de pouvoir joindre les parents de mes gosses sans que je ne sois systématiquement obligée d’écourter ma journée de travail pour me rendre aux entretiens, et du temps pour mes loisirs.

    Spéciale dédicace à @mad_meg qui a déjà référencé ce texte plein de fois !

  • La réforme de l’assurance-chômage pourrait avoir un impact plus massif qu’annoncé
    https://www.lemonde.fr/politique/article/2019/07/04/la-reforme-de-l-assurance-chomage-pourrait-avoir-un-impact-plus-massif-qu-an

    Une note de l’Unédic indique que plus d’un million de demandeurs d’emploi pourraient voir leurs droits à indemnisation réduits, soit un effectif plus important que celui évoqué par le gouvernement.

    Même si son incidence reste difficile à apprécier à ce stade, la réforme de l’assurance-chômage risque fort de pénaliser un plus grand nombre de demandeurs d’emplois que ce qui avait été évoqué au départ par l’exécutif. C’est l’un des enseignements d’un « document de travail » de l’Unédic dont un extrait a été révélé par Les Echos et que Le Monde s’est procuré dans son intégralité.

    D’après cette note d’une vingtaine de pages, plus d’un million de personnes pourraient être touchées, alors que le ministère du travail avait évoqué un ordre de grandeur de 600 000 à 700 000. La plus grande prudence s’impose au sujet de ces données. Comme le mentionne l’Unédic, il ne s’agit pas « d’une analyse complète ni d’un chiffrage consolidé des impacts », car beaucoup d’incertitudes règnent encore sur la portée exacte des mesures. Celles-ci doivent faire l’objet d’un décret en Conseil d’Etat dont le contenu n’est pas encore connu.
    L’étude en question se propose de livrer de « premiers repères » sur la réforme, en se fondant sur le dossier de presse communiqué aux journalistes, le 18 juin, lorsque le chef du gouvernement, Edouard Philippe, et la ministre du travail, Muriel Pénicaud, ont présenté, à grands traits, une série de dispositions pour transformer le système d’indemnisation des demandeurs d’emploi. Celles-ci modifient le calcul de la somme octroyée aux personnes et durcissent les conditions d’entrée dans le dispositif.

    Deux raisons, au moins, sont invoquées : comme le chômage tend à reculer, le régime peut se montrer moins généreux. Le but est également de corriger des règles qui, aux yeux du pouvoir en place, ont pour effet de dissuader des dizaines de milliers d’individus de refuser une activité stable – contribuant, ainsi, à les enfermer dans la précarité. Une situation qui, au passage, coûte cher à l’assurance-chômage car celle-ci leur verse un « revenu de remplacement ». La réforme vise d’ailleurs à réaliser des économies de l’ordre de 3,4 milliards d’euros, entre novembre 2019 et fin 2021.`

    Refonte des droits rechargeables

    Parmi les mesures dévoilées le 18 juin, celle susceptible de toucher le plus grand nombre a trait aux modalités de calcul de la prestation (désormais basées sur un salaire mensuel moyen). Elle aura comme conséquence d’amoindrir « l’allocation journalière » pour celles et ceux qui auront « travaillé de manière discontinue ».

    Pour l’heure, « il est délicat (…) d’estimer la population concernée », souligne l’Unédic, mais environ « 1,2 million de personnes seraient affectées, à des niveaux variables » (de quelques euros par mois à nettement plus). Leurs ressources étant amputées, elles pourraient être éligibles à « d’autres prestations sociales » (prime d’activité, RSA, aides au logement). Autre effet indirect : « La baisse du montant de l’allocation entraînera une diminution du financement des points de retraite complémentaire », est-il indiqué dans la note.

    L’Unédic passe également au crible les critères, beaucoup plus stricts à l’avenir, pour être couvert par le régime. Il faudra en effet avoir travaillé six mois (et non plus quatre) sur deux ans (contre vingt-huit mois) pour bénéficier d’une indemnisation. S’y ajoutera la refonte des droits rechargeables, qui permettent à un allocataire de reconstituer ses droits chaque fois qu’il retrouve un emploi : le seuil pour bénéficier de ce mécanisme sera six fois plus haut (soit au bout de six mois d’activité, contre un aujourd’hui). Résultat : de 500 000 à 550 000 personnes « seraient donc impactées [chaque année] par une ouverture de droit retardée ou annulée », écrit l’Unédic.

    Public affecté difficile à objectiver

    Précision importante : les effectifs concernés (1,2 million d’un côté, 500 000 à 550 000 de l’autre) ne peuvent pas être additionnés « car une partie des allocataires seraient [touchés] par les deux effets ».
    Enfin, le document de travail examine la dégressivité des prestations accordées aux salariés bien payés : ceux qui percevaient une rémunération de plus de 4 500 euros brut par mois (soit environ 3 500 nets) lorsqu’ils travaillaient verront leur indemnisation coupée de 30 % à l’issue du septième mois.

    Sur l’incidence de cette mesure, l’Unédic se montre tout aussi prudente, en rapportant que fin 2017, environ 65 000 personnes étaient prises en charge par le régime après avoir perçu au moins 4 000 euros nets par mois de leur employeur. Autrement dit, la logique voudrait que la dégressivité s’applique à un effectif un peu supérieur (puisqu’il faudrait y ajouter ceux qui ont gagné entre 3 500 et 4 000 euros nets par mois quand ils étaient en poste). Mais les plus de 57 ans ne seront pas concernés tout comme ceux que l’assurance-chômage a aidés pendant moins de six mois. Le public affecté au final par cette disposition reste donc difficile à objectiver, peut-être aux environs de 50 000, glisse une source proche du dossier.

    #chômeurs #allocations #chômeurs_en_activité_à_temps_réduit

    • La réforme de l’assurance-chômage pénalisera un chômeur indemnisé sur deux, MATHILDE GOANEC ET DAN ISRAEL
      https://www.mediapart.fr/journal/economie/040719/la-reforme-de-l-assurance-chomage-penalisera-un-chomeur-indemnise-sur-deux

      Selon un document de travail de l’Unédic, l’organisme qui gère l’argent de l’assurance-chômage, l’ensemble des mesures impactera négativement au moins 1,2 million de personnes… sur les 2,6 millions qui touchent chaque mois une somme de Pôle emploi. Mediapart publie le document intégral et en décrypte les principaux points.

      La réforme des conditions d’accès à l’assurance-chômage, annoncée le 18 juin par le gouvernement, aura des conséquences néfastes pour près de la moitié des demandeurs d’emploi indemnisés par Pôle emploi. Selon un document de travail de l’Unédic, l’organisme qui gère l’argent de l’assurance-chômage, l’ensemble des mesures impactera négativement au moins 1,2 million de personnes… sur les 2,6 millions qui touchent chaque mois une somme de Pôle emploi (1 010 euros en moyenne).

      Mediapart dévoile ce document, également publié en partie par RTL et évoqué par Les Échos (qui indiquent faussement que seules 500 000 personnes seront affectées). La note, préparée en vue d’une « réunion des conseillers techniques » de l’Unédic qui a eu lieu le 2 juillet, fait le tour, à un « premier niveau d’approximation », des mesures telles que détaillées dans le dossier de presse. Elle bat en brèche l’estimation du gouvernement, qui avait comptabilisé 600 000 à 700 000 personnes impactées par au moins l’une des mesures présentées. Ce sont en fait deux fois plus de chômeurs, en grande partie les plus précaires, qui seront touchés, en partie dès le mois de novembre, puis à plein en avril prochain.

      Le ministère du travail précise systématiquement que l’on ne peut pas parler de « perdants », puisque cela serait supposer que « les personnes et les entreprises ne modifieront pas leurs pratiques, ce qui reviendrait à dire que la réforme n’aura aucun impact ». Peut-être. Il est néanmoins incontestable que la réforme réduira les droits des chômeurs, avec un net durcissement des conditions d’accès à l’assurance-chômage et de renouvellement des droits, ainsi qu’une nouvelle façon de calculer les indemnités versées, qui pénaliseront les demandeurs d’emploi ayant occupé des emplois peu stables.

      L’Unédic anticipe trois effets à la réforme, qui pourront d’ailleurs toucher plusieurs fois les mêmes personnes : « moins de demandeurs d’emploi ouvriront un droit » ; « pour certains allocataires la durée du droit sera plus courte » ; « l’allocation journalière sera plus faible pour les personnes ayant travaillé de manière discontinue ».

      « Ces mesures vont contribuer efficacement à lutter contre le chômage de masse », avait assuré Édouard Philippe le 18 juin. Le premier ministre table sur une baisse « de 150 000 à 250 000 » demandeurs d’emploi, rien que par les mesures dévoilées. Au vu de leur sévérité, on peut en effet penser qu’elles pousseront certains chômeurs à reprendre à tout prix un emploi, même sous-qualifié, privant par là-même de postes d’autres demandeurs d’emploi moins diplômés. D’autres chômeurs seront tout simplement éjectés du régime d’indemnisation, sans garantie de retrouver réellement un emploi.

      L’Unédic souligne d’ailleurs que les « éjectés » du régime vont peser sur les minimas sociaux, eux aussi sous la menace d’une réforme qui pourrait contribuer à leur amoindrissement (lire ici notre papier sur le RUA) : « Des effets de transferts sont à attendre vers d’autres prestations sociales, notamment la prime d’activité, le RSA et les aides au logement. En particulier, sous conditions de ressources du foyer, 1 euro d’allocation d’aide au retour à l’emploi (ARE) se substitue à 1 euro de prime d’activité. »
      Dans le détail, la mesure qui permettra à l’État d’économiser le plus d’argent (80 % des 3,4 milliards d’euros d’économies programmées d’ici à la fin 2021) concernera environ 500 000 personnes, selon l’Unédic. Il s’agit du durcissement des conditions d’entrée dans le régime de l’assurance-chômage : pour être indemnisé par Pôle emploi, il faudra avoir travaillé l’équivalent de 6 mois durant les 24 mois précédents, alors qu’aujourd’hui, seuls 4 mois travaillés sur 28 (et sur 36 mois pour les plus de 53 ans) sont nécessaires. Tous les allocataires ayant une affiliation inférieure à 6 mois, y compris ceux qui rechargent leur droit, seront donc concernés.

      Par ailleurs, l’organisme de gestion de l’assurance-chômage estime que le passage de la période de référence de 28 à 24 mois pour les moins de 53 ans devrait raccourcir la durée de droit « d’un peu moins de 250 000 allocataires ».

      La note rappelle aussi cette évidence : c’est la fin des « droits rechargeables », qui furent pourtant considérés comme une avancée notable, notamment aux yeux de la CFDT. Aujourd’hui, un mois travaillé suffit à rouvrir des droits au chômage. À partir du 1er novembre, il faudra avoir travaillé six mois. « La notion de rechargement ne présente plus aucune spécificité au regard d’une ouverture de droits, dans la mesure où la condition d’affiliation minimale est identique à une admission », rappelle l’Unédic. À compter du 1er avril, les règles de calcul de l’indemnisation seront aussi revues.

      Au lieu d’être calculées à partir des jours travaillés seulement (comme elles le sont depuis exactement 40 ans), les indemnités le seront à partir du revenu moyen des mois où un salarié a travaillé. Y compris s’il n’a rien gagné pendant plusieurs semaines de ce mois.

      Pour l’Unédic, « il est délicat à ce stade d’estimer la population concernée ». Mais en se basant sur diverses analyses élaborées depuis trois ans, elle évalue à environ 1,2 million de personnes touchées par ce nouveau mode de calcul, qui pourra aboutir à des baisses importantes d’indemnisation, soit « environ la moitié des entrants » à Pôle emploi ! Économies attendues : 690 millions d’ici à 2021.

      Ces mesures très dures contre les chômeurs sont à mettre en balance avec la mesure employée par le gouvernement pour mettre en place le « bonus-malus » sur les cotisations sociales payées par les entreprises utilisant trop d’emplois courts. Déjà évoquée par le candidat Macron pendant la campagne présidentielle, la mesure est citée comme primordiale au ministère du travail depuis le lancement des premières pistes sur la réforme, en octobre 2017.

      Pourtant, seuls sept secteurs professionnels sur 38 seront finalement concernés, et deux mastodontes ayant massivement recours aux contrats courts y échapperont : le bâtiment et le médico-social. Les petites entreprises de moins de douze salariés ne seront pas visées et le montant de la modulation maximale sera faible : les employeurs dont les effectifs tournent beaucoup verront leurs cotisations sociales alourdies de 0,95 % au maximum. Et ceux dont la main-d’œuvre est la plus stable auront droit à un bonus pouvant aller jusqu’à 1,05 %. Et surtout, alors que le ministère du travail avait annoncé que les « bonus-malus » entreraient « en application au 1er janvier 2020 », la mesure ne sera en fait effective qu’un an plus tard, à partir du 1er janvier 2021.

      À plusieurs reprises, l’Unédic pose la question du coût et du financement des dispositifs d’accompagnement. La réforme propose ainsi trois nouveautés, un « pack démarrage » pour les chômeurs qui s’inscrivent à Pôle emploi, un « pack de remobilisation » pour les inscrits qui cumulent emploi et chômage, et un renforcement de l’accompagnement à la formation.

      « Le recours à des opérateurs privés se fait-il à moyens constants ? », interrogent benoîtement les rédacteurs de la note. « Les recrutements supplémentaires à Pôle emploi correspondent-ils à des postes pérennes ? », puisque pour le moment le renfort se limite selon le gouvernement à 1 000 CDD de longue durée. Et surtout : « Comment le budget de Pôle emploi est-il abondé pour financer ces postes ? ». Des sujets plus épineux qui devraient être tranchés dans le cadre de la « convention tripartite » entre Pôle emploi, l’Unédic et l’État, qui devrait être signée en septembre, avec 9 mois de retard sur les délais prévus.

      D’autres interrogations, multiples, parsèment la note concernant les conséquences concrètes de la réforme annoncée, et son articulation avec les mesures déjà existantes. Elles montrent le flou dans lequel évoluent les acteurs institutionnels du dossier, et il n’est pas certain que les décrets détaillant les mesures annoncées, attendus dans les semaines à venir, apportent toutes les réponses. Un seul exemple des effets de bords non mentionnés par le gouvernement : « La baisse du montant de l’allocation entraînera une diminution du financement des points de retraite complémentaire » des demandeurs d’emploi indemnisés.

      Le 18 juin, dans un gigantesque lapsus, Muriel Pénicaud avait vanté « une réforme résolument tournée vers le travail, vers l’emploi, contre le chômage et pour la précarité » (à 40’30” de cette vidéo https://twitter.com/gouvernementFR/status/1140923209300054016 qui commence par un 1er ministre déclarant " cette ambition c’est d’arriver au plein emploi, pas en une fois, pas en un jour...") . Elle n’avait pas menti.

      #chômeurs #travailleurs_précaires #allocations #droits_rechargeables #prime_d'activité

    • Vers une baisse des allocations pour 1,2 million de chômeurs : la ministre du Travail conteste ces chiffres
      https://www.bfmtv.com/economie/vers-une-baisse-des-allocations-pour-12-million-de-chomeurs-la-ministre-du-tr

      La réforme doit « permettre à 150.000 à 250.000 personnes de retrouver un travail » qui soit « stable, durable, pas un job kleenex », a affirmé la ministre du Travail.

      L’Unédic a estimé que la réforme pourrait entraîner une baisse des allocations pour 1,2 million de personnes. Pour la ministre du Travail, « Avec les comportements induits, on pense qu’au maximum il y aura 600.000 à 700.000 personnes concernées ».

  • Sahel, les militaires évincent le Quai d’Orsay, par Rémi Carayol (Le Monde diplomatique, juillet 2019)
    https://www.monde-diplomatique.fr/2019/07/CARAYOL/60053

    Lorsque, en février dernier, l’aviation française bombarde une colonne de chars de l’Union des forces de la résistance (UFR), un mouvement de l’opposition armée tchadienne, les commentateurs ne manquent pas de rappeler la longue histoire des ingérences de l’ancien colonisateur au Tchad (1). Cette opération, au cours de laquelle plusieurs membres de l’UFR auraient été tués, se singularise sur un point : pour la première fois depuis très longtemps, Paris assume pleinement l’utilisation de la force dans une affaire de politique intérieure mettant à mal son allié, le pourtant peu démocrate président Idriss Déby Itno (2).

    La France « ne se contente plus de créer les conditions favorables à une victoire de l’armée tchadienne : elle bombarde elle-même les rebelles », note ainsi la politiste Marielle Debos. Reprenant la propagande du régime autocratique tchadien, pour qui les rebelles ne sont que des « terroristes », le ministre des affaires étrangères, M. Jean-Yves Le Drian, compare même l’intervention de l’aviation française au déclenchement de l’opération « Serval » au Mali. En janvier 2013, celle-ci avait stoppé l’offensive d’une colonne de djihadistes qui menaçaient Bamako.

    Élu en 2011, puis réélu en 2016, le président nigérien Mahamadou Issoufou paraît aussi intouchable que son homologue tchadien, en dépit des nombreuses atteintes à la liberté d’expression dans son pays. M. Issoufou donne carte blanche à l’armée française, laquelle dispose d’une base à Niamey, d’où décollent ses drones pour, officiellement, surveiller les mouvements terroristes dans le Sahel (3). « Parce que c’est ancré dans leur culture, les militaires pensent que, pour faire face à la menace terroriste, il faut un homme fort à la tête du pays, nous explique un diplomate français en poste dans cette zone et ayant requis l’anonymat. Ils ne veulent pas comprendre que le soutien apporté à des autocrates peut aussi pousser des personnes à rejoindre les groupes terroristes, ou du moins à en devenir des sympathisants. »

    Or l’influence politique et diplomatique de l’état-major français ne cesse de grandir avec l’intensification de l’engagement militaire de Paris dans la zone saharo-sahélienne depuis 2013. « Aujourd’hui, au Sahel, l’aspect sécuritaire l’emporte sur tout, constate, amer, le même diplomate. Par conséquent, les militaires sont devenus des interlocuteurs jugés essentiels par les responsables politiques. Leurs analyses priment sur les nôtres. »

    Dans certains pays sahéliens, les officiers français sont les premiers interlocuteurs des chefs d’État, avant même les ambassadeurs. Ambassadrice à N’Djamena de 2013 à 2016 puis à Bamako de 2016 à 2018, Mme Évelyne Decorps ne manquait pas de s’irriter ouvertement de cette « concurrence ».

    Des officiers désinhibés
    Rappelée prématurément à Paris en 2018, elle a été nommée administratrice supérieure des Terres australes et antarctiques françaises (TAAF) — un poste considéré comme un placard. Le Quai d’Orsay bruisse de rumeurs selon lesquelles les militaires auraient obtenu sa tête. Sa mésaventure illustre la dérive d’une diplomatie réduite à accompagner les choix des militaires — et parfois à en assurer le service après-vente : collaboration sur le terrain avec des milices armées, voire des groupes rebelles (au Niger et au Mali notamment), refus catégorique d’entamer des négociations avec l’ennemi, etc.

    Cette évolution est le fruit de deux tendances lourdes et d’un concours de circonstances qui a accéléré le processus à partir de 2013. La première tendance tient à l’affaiblissement du ministère des affaires étrangères. « Les militaires ne font qu’occuper la place laissée vacante par les diplomates », souligne ainsi M. Laurent Bigot, ancien sous-directeur chargé de l’Afrique de l’Ouest au Quai d’Orsay, limogé en 2013 à la suite d’un différend avec le ministre de l’époque, M. Laurent Fabius. En trois décennies, le ministère a perdu 53 % de ses effectifs, dont une grande partie sur le continent africain. En 2017, un avis parlementaire évaluait à 40 % la réduction des effectifs sur la zone Afrique et océan Indien durant les dix dernières années (4). Pour expliquer cette amputation spécifique, les diplomates affirment que l’Afrique n’est pas considérée comme une destination noble au Quai d’Orsay. « Au contraire, soulignent les chercheuses Aline Leboeuf et Hélène Quénot-Suarez, l’Afrique est une marque d’expérience — voire de fierté — dans un parcours militaire », ce qui explique que « les militaires ont sans doute eu moins de difficultés à investir ce champ et à “remplacer” parfois les diplomates » (5).

    Parallèlement à la perte d’influence du Quai d’Orsay, une deuxième tendance peut être observée depuis trente ans : le retour en force des militaires dans la vie publique et même dans les choix politiques et diplomatiques — ce que Grégory Daho nomme la « revanche des généraux (6) ».

    Selon ce maître de conférences à l’université Paris-I, les officiers, longtemps réduits au silence après la guerre d’Algérie, sont de plus en plus désinhibés face aux politiques. Depuis les années 1990, explique-t-il, « la technicisation des opérations extérieures et la bureaucratisation des procédures (...) ont favorisé la réintégration partielle des officiers généraux au cœur des circuits décisionnels relevant de la politique étrangère ». Leur expertise s’impose de plus en plus. Or, poursuit Daho, s’il existe un terrain avec lequel l’armée a gardé le contact, c’est bien l’Afrique, où la France entretient une présence technique et militaire depuis les indépendances. Selon lui, « les professionnels des interventions en Afrique constituent désormais le réservoir de compétences disponibles ». Partisans d’une stratégie offensive et non plus attentiste comme ce fut le cas durant la guerre froide, ils en maîtrisent la tactique et les manœuvres. Ils ont ainsi bénéficié du « rééquilibrage entre dissuasion et projection » observé ces vingt dernières années, notamment au sein de l’Alliance atlantique, et du retour en force des doctrines contre-insurrectionnelles promues par les « glorieux anciens de la pacification coloniale », les maréchaux Joseph Gallieni et Thomas Bugeaud, pour imposer leurs vues.

    La marginalisation des diplomates aboutirait « à une perte de qualité dans les analyses, notamment en raison de l’éloignement avec le terrain, mais aussi d’erreurs en matière de recrutement, s’inquiète encore M. Bigot. Le Quai n’est plus une source de propositions. Les militaires, eux, occupent le terrain. Ils produisent beaucoup plus d’idées que les diplomates. Des idées de militaires... ». Le soutien aveugle de la France au falot président du Mali Ibrahim Boubacar Keïta pourrait ainsi s’expliquer par sa complaisance envers l’armée française, à laquelle il accorde toute latitude sur son territoire (7).

    L’influence des militaires grandit également à l’Élysée. Chef des armées, le président donne l’ordre d’engagement pour les opérations extérieures (OPEX) (8). « L’état-major particulier du président de la République, souligne un rapport parlementaire, occupe aussi un espace sans cesse croissant, et beaucoup de décisions sont prises par des acteurs hors la sphère diplomatique (9). » Chef d’état-major particulier des présidents Nicolas Sarkozy (2007-2012) puis François Hollande (2012-2017), le général Benoît Puga a ainsi joué un rôle majeur dans le déclenchement de l’opération « Serval » en 2013 : il a convaincu M. Hollande d’ordonner dans l’urgence l’engagement des forces spéciales. Parfois surnommé le « M. Afrique » de la France, cet officier est issu des troupes de marine, dont l’histoire est intimement liée à celle de la colonisation. L’implication de M. Le Drian, alors ministre de la défense, a également été décisive. « À l’époque, rappelle un diplomate, Fabius était le ministre des affaires étrangères, mais il ne s’intéressait pas beaucoup à l’Afrique. Et il n’avait pas l’oreille du président. Au contraire de Le Drian, qui était un proche de Hollande, et qui est devenu incontournable après les déclenchements coup sur coup de l’opération “Serval”, puis de l’opération “Sangaris” en Centrafrique en 2013. »

    M. Le Drian, devenu ministre des affaires étrangères de M. Emmanuel Macron en 2017, pose dorénavant en principal interlocuteur des chefs d’État du pré carré africain ; son cabinet a pris le dessus sur la cellule Afrique de l’Élysée ainsi que sur l’administration du Quai d’Orsay. Manifestant peu d’intérêt pour le respect des droits humains, le ministre a tissé des relations personnelles avec M. Déby, mais aussi avec le président du Congo Denis Sassou Nguesso, ou encore avec le chef de l’État égyptien Abdel Fattah Al-Sissi.

    Face à l’essor des mouvements djihadistes, le prisme sécuritaire produit une vision binaire, selon laquelle il s’agirait d’un combat entre le « Bien » et le « Mal ». Or certains groupes armés s’apparentent plus à des mouvements très localisés, guidés par des revendications sociales et économiques, qu’à des terroristes « fous de Dieu ». Une fois cette réalité balayée, il est inenvisageable de négocier avec eux, comme l’avait suggéré la conférence d’entente nationale organisée par les autorités maliennes en avril 2017. « Nous sommes engagés dans un combat sans ambiguïtés contre ceux qui se revendiquent du terrorisme. Et donc il n’y a qu’un moyen, il n’y en a pas deux », avait alors déclaré le ministre des affaires étrangères de l’époque de M. Jean-Marc Ayrault, enterrant l’initiative.

    Depuis quelques années, l’Agence française de développement (AFD) subit elle aussi l’influence de l’armée. Interrogé par les députés le 22 mai dernier, le directeur général de l’AFD Rémy Rioux confirme avoir « souhaité dès [son] arrivée à la tête de l’AFD aller beaucoup plus loin sur le thème sécurité et développement avec l’état-major des armées ». Cette collaboration s’est concrétisée par l’échange d’agents de liaison : un officier est détaché au sein de l’AFD tandis qu’un fonctionnaire de l’AFD est en poste au quartier général de « Barkhane » à N’Djamena. Chaque mois se réunissent diplomates, acteurs du développement et militaires au Quai d’Orsay. Même les instituts de recherche associent les mondes de l’université et de l’armée.

    Du côté des militaires, on se frotte les mains. De leur point de vue, la coopération civilo-militaire (Cimic), qui désigne l’ensemble des activités visant à coordonner les relations entre les organisations militaires et les acteurs civils sur une zone d’intervention, « permet de faciliter l’acceptation de la présence des forces auprès des populations locales », note encore Daho. Pour eux, les intérêts militaires l’emportent sur toute autre considération. Il est ainsi de plus en plus souvent demandé à l’AFD de financer des projets dans les zones où intervient l’armée. En revanche, chez les chercheurs et agents des politiques de développement, cette étroite collaboration fait grincer des dents. « Ce n’est pas simple, note sobrement un cadre de l’AFD. Ces deux milieux n’ont pas la même culture. Les acteurs du développement doivent penser au temps long, quand les militaires pensent au temps court. »

    Creuser un puits, construire un dispensaire ou un marché, distribuer de la nourriture : les militaires veulent des projets visibles dans le but de gagner le plus rapidement possible « les cœurs et les esprits » des habitants des zones dans lesquelles ils opèrent. Mais, pour les « développeurs », cette stratégie menée indépendamment des autorités nationales est à double tranchant : elle risque de délégitimer un État déjà mis à mal dans ces régions isolées et ainsi d’accentuer la méfiance des populations locales envers l’autorité publique.

    Cette conception, dite des « 3 D » (diplomatie, défense, développement), longtemps négligée en France, a été érigée en priorité par M. Macron. Les partisans de cette approche intégrée prennent soin de la différencier de l’approche globale adoptée par les États-Unis en Irak et en Afghanistan, qui fait interagir les stratégies militaires, économiques, sociales et diplomatiques, notamment en mettant en place des équipes civilo-militaires chargées de soutenir les autorités locales reconnues. Selon M. Jean-Marc Châtaigner, envoyé spécial de la France pour le Sahel, qui ne dédaigne pas la langue de bois, la méthode américaine vise en premier lieu à faire accepter la présence militaire, tandis que « l’approche intégrée [à la française] n’induit aucune hiérarchie des objectifs recherchés, mais la recherche de leur combinaison optimale en vue du retour à une paix durable ».

    L’efficacité d’une telle vision reste pourtant à démontrer. Depuis que la France est intervenue au Mali en 2013, l’armée a tué plusieurs centaines de djihadistes présumés, dont certains chefs ; elle a détruit des dizaines de caches dissimulant des véhicules et des armes, et a creusé un grand nombre de puits pour les civils. Pourtant, les violences se sont multipliées dans l’ensemble de la zone saharo-sahélienne, et le nombre de morts parmi les populations n’a cessé d’augmenter, particulièrement ces deux dernières années. Débordant très largement de leurs fiefs situés dans le nord du Mali et dans le Sud libyen, les groupes « terroristes » ont étendu leur mainmise dans le centre du Mali, dans le nord et l’est du Burkina Faso et dans le nord-ouest du Niger. Ils menacent désormais les pays côtiers de l’Afrique occidentale, comme la Côte d’Ivoire ou le Bénin.

    Des groupes d’autodéfense communautaires ont émergé, se livrant à des massacres réciproques de civils. Au Mali, les attaques de village se sont multipliées ces dix-huit derniers mois. Selon le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme, elles ont fait plus de 600 morts entre mars 2018 et mars 2019 et ont provoqué le déplacement de plus de 66 000 personnes. Le 23 mars 2019, une milice dogon, Dan Na Ambassagou, a ainsi assassiné 157 habitants du village peul d’Ogossagou, situé dans le centre du Mali ; elle a incendié une partie du village. Des tueries ont également été signalées au Burkina Faso et au Tchad. Les armées nationales sont accusées d’avoir elles-mêmes exécuté des civils au cours d’opérations de « pacification ». « Malgré la généralisation de forces locales ou étrangères, le renforcement des contingents, les réponses globales combinant subtilement les impératifs de sécurité et de développement, les engagements financiers colossaux, on s’enfonce », constatait récemment le général Bruno Clément-Bollée, ancien directeur de la coopération de sécurité et de défense au ministère des affaires étrangères (10).

    La « spirale négative » du « tout sécuritaire » a montré ses limites, estime ce dernier. La présence de plus de 13 000 casques bleus de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali (dont 122 militaires ont été tués depuis six ans) et de près de 4 500 soldats français, auxquels s’ajoutent les armées nationales et quelques centaines de militaires américains, italiens et allemands positionnés un peu partout dans la région, principalement au Niger, n’a pas permis d’inverser la tendance. Loin de là.

    Rémi Carayol

    Journaliste.
    (1) Marielle Debos, « Que fait l’armée française au Tchad ? », Libération, Paris, 8 février 2019.

    (2) Lire Delphine Lecoutre, « Le Tchad, un ami indispensable mais encombrant », Manière de voir, n° 165, « France-Afrique, domination et émancipation », juin-juillet 2019.

    (3) Lire « Les migrants dans la nasse d’Agadez », Le Monde diplomatique, juin 2019.

    (4) Ladislas Poniatowski et Bernard Cazeau, « Action extérieure de l’État : action de la France en Europe et dans le monde », avis n° 110, t. 1, commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat, Paris, 23 novembre 2017.

    (5) Aline Leboeuf et Hélène Quénot-Suarez, « La politique africaine de la France sous François Hollande », Institut français des relations internationales (IFRI), Paris, 2014.

    (6) Grégory Daho, « L’érosion des tabous algériens, une autre explication de la transformation des organisations militaires en France », Revue française de science politique, Paris, vol. 64, no 1, février 2014.

    (7) Lire « Au Mali, la guerre n’a rien réglé », Le Monde diplomatique, juillet 2018.

    (8) Lire Philippe Leymarie, « De N’Djamena à Kaboul, opérations françaises secrètes », Le Monde diplomatique, mars 2008.

    (9) Jean-Claude Guibal et Philippe Baumel, « La stabilité et le développement de l’Afrique francophone », rapport d’information n° 2746, commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale, Paris, 6 mai 2015.

    (10) Bruno Clément-Bollée, « Au Sahel, arrêtons le(s) massacre(s) ! », Jeune Afrique, Paris, 6 juin 2019.

    #Afrique #Sahel #Sécurité #Armée_française #Aide_française

  • 400 #écoles fermeraient à la prochaine rentrée scolaire
    https://www.banquedesterritoires.fr/400-ecoles-fermeraient-la-prochaine-rentree-scolaire

    Selon les données de la DGESCO recueillies par le SNUipp-FSU, auxquelles Localtis a eu accès, les regroupements pédagogiques intercommunaux (RPI) sont passés de 4.762 à la rentrée scolaire de 2003 à 4.780 à la rentrée 2018, scolarisant 533.300 élèves, soit 9,2% de la population scolaire. Cette évolution est le résultat d’une forte progression des RPI concentrés (962 en 2003 à 1.705 en 2018) au détriment des RPI dispersés (3.800 en 2003, 3.075 en 2018) qui ont l’intérêt de maintenir physiquement les écoles dans les villages et ainsi de « préserver le tissu scolaire rural », selon le syndicat. Le phénomène semble s’accentuer, à la rentrée 2018, il y avait 226 RPI dispersés en moins que l’année précédente. « Désormais la logique est celle d’une concentration dans le cadre de #RPI avec pour conséquences des fermetures d’écoles et un maillage moins dense des écoles rurales », estime le Snuipp, précisant que selon lui, « cette tendance est largement favorisée par les conventions ruralité ».
    Autre chiffre parlant : la chute du nombre des écoles à classe unique. Elles étaient 3.657 en 2018, contre 5.681 en 2006.

    #ruralité #éducation_nationale

  • Notre-Dame de Paris : après l’incendie, un scandale sanitaire
    https://www.mediapart.fr/journal/france/040719/notre-dame-de-paris-apres-l-incendie-un-scandale-sanitaire

    Des taux de concentration au plomb 400 à 700 fois supérieurs au seuil autorisé ont été relevés sur les sols à l’intérieur et aux alentours de la cathédrale Notre-Dame, selon des documents confidentiels consultés par Mediapart. Ni l’agence régionale de santé ni la préfecture de police de Paris n’ont communiqué ces résultats aux riverains, minimisant les dangers encourus.

    #France #Notre-Dame_de_Paris,_plomb

    • Des taux de #plomb 400 à 700 fois supérieurs au seuil autorisé ont été relevés à l’intérieur et aux alentours de Notre-Dame, par plusieurs laboratoires dont celui de la préfecture de police de Paris, après l’incendie qui a ravagé la cathédrale.

      « Ce sont des taux qu’on ne voit jamais, précise Annie Thébaud-Mony, chercheuse à l’Inserm et spécialiste de la santé publique. Sur des chantiers pollués comme une usine de recyclage de batteries, par exemple, les taux sont douze fois supérieurs. Là, avec des taux 400 fois supérieurs, les conséquences pour la santé peuvent être dramatiques. Il faut absolument qu’il y ait un suivi médical, y compris pour les pompiers qui sont intervenus. Ce suivi est d’autant plus important que les effets sur la santé peuvent être différés dans le temps. »

      Les autorités concernées, le ministère de la culture, l’agence régionale de santé (ARS), la préfecture de police, passent cette pollution sous silence et, ce faisant, n’appliquent pas les mesures prévues par la loi pour protéger les salariés et les riverains.

      L’incendie de Notre-Dame de Paris, le 15 avril 2019, qualifié de « terrible drame » par le président Emmanuel Macron, avait provoqué un immense élan de générosité, avec plus de 400 millions d’euros récoltés en quelques jours pour la reconstruction de l’édifice.

      L’Élysée désigne alors son « représentant spécial », le général Jean-Louis Georgelin, pour veiller à l’avancement des travaux. Ils iront vite, assure le président de la République, « sans jamais transiger sur la qualité des matériaux et la qualité des procédés ». En revanche, ils se font au détriment de la santé des intervenants et des populations alentour.

      En effet, avec l’incendie, près de 400 tonnes de plomb, substance classée cancérigène, mutagène et reprotoxique (CMR), contenues dans la toiture et la flèche de la cathédrale, sont parties en fumée, polluant l’édifice et ses environs. Comme le signale l’Institut national de recherche et de sécurité (INRS), « une exposition régulière au plomb peut entraîner des conséquences graves pour la santé ». Le saturnisme, l’intoxication au plomb par inhalation ou ingestion, peut, selon la gravité, entraîner des troubles digestifs, des lésions du système nerveux ou encore des problèmes de stérilité.

      Les autorités connaissent très bien ces risques. Mais il faudra attendre deux semaines après l’incendie, soit le 27 avril, pour que la préfecture de police de Paris et l’ARS diffusent, en toute discrétion, un communiqué invitant les riverains à nettoyer leurs locaux à l’« aide de lingettes humides » et à consulter leur médecin si nécessaire.

      À l’intérieur de la cathédrale, selon des documents datés du 3 mai que Mediapart a pu consulter, les prélèvements sont de 10 à 740 fois supérieurs aux seuils autorisés. À l’extérieur, la situation n’est guère plus brillante. Sur le parvis, les taux de concentration en plomb prélevés sur le sol sont 500 fois au-dessus du seuil réglementaire. À l’extérieur de la zone du chantier, sur certains ponts, dans des squares ou certaines rues, ces taux sont de 2 à 800 fois supérieurs au seuil.

      Selon des inspecteurs contactés par Mediapart, « ce sont des taux tout à fait exceptionnels. Généralement, sur des chantiers dits pollués, les taux peuvent être de 20 à 100 fois supérieurs au seuil. Mais rarement au-delà. Et déjà, à ce stade, des protections très strictes doivent être prises pour protéger les ouvriers. Un suivi médical peut également être exigé ».

      Le secret est bien gardé, comme le montre une réunion du 6 mai dont le contenu a été rapporté par plusieurs sources à Mediapart.

      Ce jour-là, dans les bureaux de l’agence régionale de santé, se retrouvent autour de la table des responsables du laboratoire central de la préfecture de police, de la mairie de Paris, du centre antipoison, de la caisse régionale d’assurance maladie et de la direction du travail. La question rapidement débattue est : faut-il ou pas communiquer les résultats des prélèvements ?


      Carte des pollutions au plomb autour de Notre-Dame, résultats des prélèvements du laboratoire central de la préfecture de police de Paris, 6 mai 2019.

      La préfecture fait part de son embarras, certains de ses locaux étant touchés par cette pollution au plomb. Avec des taux deux fois supérieurs au seuil de vigilance, la biberonnerie et la salle « mille-pattes » de la crèche de la préfecture doivent être fermées pour une décontamination en urgence. Ce qui sera fait dans les jours qui suivent.

      Mais dans certains appartements de fonction, les taux peuvent aussi être jusqu’à cinq fois supérieurs au seuil de vigilance. Mediapart ne sait pas si des travaux y ont été depuis lors réalisés. De nouveaux prélèvements ont été faits par la préfecture pour vérifier l’état de ses locaux après décontamination. Ils n’ont pas, à ce jour, été communiqués aux agents.

      Toujours est-il qu’afin de ne pas alarmer ses propres agents, la préfecture explique lors de la réunion qu’elle ne souhaite pas publier les résultats de ces prélèvements. Réserve partagée par l’ARS qui affirme, quant à elle, ne pas vouloir répondre aux sollicitations des associations de riverains ou de défense de l’environnement. Elles n’auront qu’à se tourner vers la commission d’accès aux documents administratifs (Cada), expliquent posément les représentants de l’ARS, qui semblent avoir oublié leur mission première, celle de prévenir les risques sanitaires.

      Selon une personne présente à cette réunion, « l’ARS joue la montre. En ne communiquant pas sur les résultats, elle oblige les associations à s’adresser à la Cada et donc à s’engager dans un long parcours. Mais une fois qu’elles auront obtenu ces prélèvements, l’ARS pourra dire que ces résultats sont anciens et qu’ils ont depuis baissé. C’est d’un cynisme à toute épreuve ».

      Conclusion de cette réunion : le 9 mai, la préfecture et l’ARS signent un communiqué très laconique, qui minimise les risques, alors même que certains prélèvements sur les sols sont de 20 à 400 fois supérieurs au seuil réglementaire sur des sites très fréquentés, comme le pont et la fontaine Saint-Michel, lieux non fermés au public, ou certains squares, temporairement interdits mais rouverts depuis.

      En taisant les dangers de la sorte, les autorités veulent éviter un effet de panique et s’épargner une polémique.

      Contactée par Mediapart, la préfecture de police déclare « que le laboratoire central a fait des prélèvements en urgence qui ont été transmis en toute transparence à l’ARS, afin qu’elle prenne les dispositions nécessaires ».

      De son côté, jointe par Mediapart, l’ARS n’a pas contesté, dans un premier temps, les propos tenus lors de la réunion du 3 mai. Elle a expliqué « ne pas percevoir le problème qu’ils soulèvent ». Mais avant la publication de cet article, l’ARS nous a rappelés et expliqué qu’en fait, elle ne souhaitait ni infirmer ni confirmer les propos tenus lors de la réunion.

      L’agence explique avoir pris les précautions d’usage et avoir fait, à la demande de particuliers, des prélèvements qui ont, à ce jour, permis de découvrir un cas de saturnisme, sans que cela ne soit alarmant, selon l’agence.

      Selon nos informations, les derniers prélèvements effectués le 13 juin sur le chantier ont cependant donné des résultats d’un même ordre de grandeur que les précédents tests.

      Mais les associations, dont celle des familles victimes de saturnisme, ignorent tout de ces résultats. Leur demande auprès de l’ARS étant restée lettre morte, elles s’apprêtent, comme l’avaient imaginé les autorités, à saisir la Cada…

      L’une des riveraines, mobilisée sur cette question, explique « avoir plusieurs fois demandé des précisions. Mais l’ARS ou la préfecture entretiennent un flou qui n’est pas rassurant pour les familles. S’il n’y a pas de danger, comme ils l’affirment, il suffit de transmettre l’ensemble des prélèvements. Or, nous les attendons encore ».

      Sur le chantier, la direction régionale des affaires culturelles (Drac), maître d’ouvrage, opte elle aussi pour la politique de l’autruche. Et surtout, ne décrète aucune mesure pérenne pour protéger les salariés.

      Les contrôles de sécurité effectués sur le chantier ont révélé que des ouvriers sur place n’avaient reçu aucune formation à cet effet. Alors qu’ils manipulent des gravats contaminés, certains agissent sans masque ni gants.

      Les constats de l’inspection du travail ne s’arrêtent pas là. À plusieurs reprises, elle a relevé le non-respect des procédures réglementaires mais aussi de graves dysfonctionnements des sas de décontamination, dispositifs indispensables pour protéger les salariés du risque d’intoxication et éviter toute propagation de poussières à l’extérieur. Certaines douches de décontamination ne fonctionnent pas. Pire : certains sas de décontamination ont été installés au milieu d’une zone contaminée.

      Au bout du compte, les salariés peuvent aller et venir dans la cathédrale sans passer par ces sas. À l’extérieur, sur le parvis pollué, où les taux de plomb peuvent être 500 fois supérieurs au seuil autorisé, certains ouvriers travaillent sans aucune protection.

      Contacté par Mediapart, Bruno Courtois, expert en prévention du risque chimique et chargé du dossier « plomb » à l’Institut national de recherche et de sécurité (INRS), explique que « ces taux sont particulièrement élevés et s’agissant de poussières de plomb consécutives à un incendie, on peut supposer qu’il s’agit de particules très fines qui passent donc facilement dans le sang. Les mesures de prévention et de protection doivent donc être renforcées pour confiner le plomb. Les sas de décontamination permettent dans ces cas primordiaux d’éviter que les ouvriers ne rentrent chez eux avec les poussières de plomb ». Pourtant, rien de tel n’a été mis en œuvre sur le site de la cathédrale.

      Selon des sources proches du chantier, le ministère de la culture n’est pas mécontent que des ouvriers se promènent sans protection à l’extérieur de la cathédrale, n’éveillant ainsi aucune crainte parmi « les touristes ou les riverains ».

      En fait, la mairie de Paris avait proposé de décontaminer le parvis de la cathédrale – un chantier de deux semaines estimé à 450 000 euros. Pour cette phase spécifique de décontamination, les ouvriers devaient porter des scaphandres. Sous le couvert de l’anonymat, un proche du dossier confirme : « Des hommes en scaphandre sur le parvis de la cathédrale auraient effrayé les passants. L’existence d’un danger aurait été évidente. »

      Le ministère de la culture a donc préféré reprendre la main et a choisi de faire décontaminer la zone en quelques jours seulement, par des salariés peu protégés, et n’ayant pas revêtu les tenues d’usage. Cette précipitation a pour résultat que le parvis est aujourd’hui encore contaminé.

      Sourd aux différentes relances des contrôleurs, le ministère de la culture s’affranchit allègrement des règles du code du travail.

      Dès le 9 mai, l’inspection du travail a pourtant alerté la Drac, chargée des travaux sur le chantier, sur la nécessité de prévoir des mesures de protection contre les risques d’intoxication au plomb pour les salariés. Plus d’un mois plus tard, le 19 juin, le constat des ingénieurs de sécurité de la caisse régionale d’assurance maladie d’Île-de-France (la Cramif), également chargée de contrôler le chantier, demeure accablant : « Les taux de concentration en plomb dans les poussières sont élevés et largement au-dessus du seuil réglementaire. Les salariés sont donc toujours exposés à des risques d’intoxication par le plomb […], les installations dédiées à la décontamination des salariés ne répondent pas aux dispositions du code du travail. »

      Le cabinet du ministre de la culture Franck Riester assure auprès de Mediapart que « des mesures ont été prises », sans pouvoir préciser lesquelles et explique qu’une réunion avec la direction du travail s’est tenue le 27 juin pour que « tout se passe au mieux ». Mais cela n’a rien arrangé. Les procédures de décontamination demeurent très en deçà des exigences réglementaires.

      Le ministère de la culture profite d’une situation qui lui est favorable. Le maître d’ouvrage relevant du droit public, l’inspection du travail ne peut ni le verbaliser ni le mettre en demeure.

      Contactées par Mediapart, ni la Cramif ni la direction de l’inspection du travail n’ont accepté de répondre à nos questions.

      La mairie de Paris affirme avoir fait une série de prélèvements dans les établissements scolaires situés dans les alentours de la cathédrale, dont les résultats, rendus publics, sont conformes aux seuils autorisés. Quant aux mesures de l’espace public, « elles relèvent de la préfecture et de l’ARS. La mairie de Paris plaide pour une transparence mais, précise-t-elle, nous ne pouvons nous substituer à l’État ».

      Les pressions exercées sur le chantier sont fortes. Comme nous l’explique l’un des intervenants, « à chaque fois que les risques d’intoxication au plomb sont abordés, on nous rappelle “l’urgence impérieuse de consolider l’édifice”. C’est comme cela qu’on écarte le danger du plomb ».

      Une des personnes chargées du suivi des prélèvements déplore que « les instances de l’État se comportent comme lors de la catastrophe de Tchernobyl en 1986. C’est aussi absurde que le nuage qui n’a pas traversé les frontières. Le plomb est resté au-dessus de la cathédrale ».

      Un salarié du ministère de la culture regrette que « toute communication sur le chantier [soit] contrôlée. On n’a pas accès à beaucoup d’information et ceux qui s’en occupent, le service des monuments historiques, sont connus pour être des taiseux contrairement aux archéologues qui se font entendre s’il y a un problème. Donc c’est la loi du silence ».

      Une « loi du silence » qui convient parfaitement au gouvernement et aux autorités sanitaires. Pourtant, les langues se délient et certaines entreprises contactées par Mediapart font part de leurs inquiétudes, ne souhaitant pas devenir des « boucs émissaires » en cas de scandale. « On tente déjà de nous faire porter la responsabilité de l’incendie. Il y a une pression énorme qui est mise sur tous les intervenants et le ministère de la culture n’assume même pas ses responsabilités en tant que maître d’ouvrage. Rien n’est fait pour préserver la sécurité et la santé des ouvriers. On nous demande de faire le travail que doit faire normalement le maître d’ouvrage », déplore l’un des chefs d’entreprise.

      Le projet de loi pour Notre-Dame de Paris, en cours d’adoption, prévoit notamment la création d’un établissement public et des dérogations aux règles d’urbanisme et de protection de l’environnement. Sur le chantier, cette perspective inquiète de nombreux intervenants selon lesquels les dangers pour la santé et l’environnement risquent de s’accroître en toute opacité.

    • Ni l’agence régionale de santé ni la préfecture de police de Paris n’ont communiqué ces résultats aux riverains, minimisant les dangers encourus.

      Et c’est pas n’importe quels riverain·es. Celleux là obtiendrons dédommagements et réparation par millions, c’est pas comme si des pauvres étaient exposé à des logements insalubres.

  • Notes anthropologiques (XXXIX)

    Georges Lapierre

    https://lavoiedujaguar.net/Notes-anthropologiques-XXXIX

    Et si nous parlions encore une fois d’argent ? (III)
    Le grand commerce

    À mon arrivée au Mexique, il y a maintenant deux jours, ce qui m’a frappé d’emblée en discutant avec les gens est bien l’importance que peut prendre l’argent dans leur vie. En Europe aussi l’argent a bouleversé de fond en comble la vie des gens ; au Mexique, il la bouleverse. C’est l’odeur de l’argent semblable à celle du sang qui a engendré dans tout le pays les cartels du capitalisme sauvage et la longue liste des meurtres impunis. C’est lui qui dicte la politique du président de la République mexicaine face aux puissances du Nord. C’est bien enfin cette actualité d’un chambardement qui distingue les pays qui seront toujours « en voie de développement » des pays du premier monde. C’est bien cette nécessité impérieuse de l’argent qui jette les habitants du Salvador, du Guatemala, du Honduras, du Nicaragua, de Colombie et du Venezuela sur les routes de l’exil, c’est elle aussi qui condamne les Mexicains à quitter leur famille, leur village ou leur quartier pour les États-Unis. Il s’agit d’un véritable exode et tous ces êtres humains qui se dirigent désespérément et au péril de leur vie en direction des pays du premier monde sont les victimes de la guerre qui fait rage actuellement. Cette guerre n’est pas à venir, elle est le malheur quotidien des hommes et des femmes. C’est une guerre contre l’humain. Encore faut-il, dans la confusion que cette guerre fait régner dans les esprits, tenter de préciser ce qu’est l’humain et chercher à définir ce qui s’oppose à lui. (...)

    #anthropologie #monnaie #Mexique #Grèce_antique #Nouvelle-Guinée #don #humanité #société #Odyssée #esclave

  • Algérie, les chants des stades résonnent désormais de partout – RFI Musique
    https://musique.rfi.fr/musique-arabe/20190703-algerie-chants-stades-football

    Depuis le 22 février, les slogans et les chansons des supporters de football algériens sont devenus des hymnes de manifestation. Cantonnées aux stades, leurs chansons exprimaient pourtant une critique très politique depuis des années. Revue de détail.

    Algérie : les promesses de l’aube
    https://www.arte.tv/fr/videos/089125-000-A/algerie-les-promesses-de-l-aube

    Comment vit la jeune génération engagée dans cette révolution et à quoi rêve-t-elle ? À l’heure où l’Algérie prend son destin en main, ce film plonge au cœur du mouvement, en suivant le quotidien d’un lycéen, d’un supporteur de foot, d’une étudiante, d’une femme active ou encore de rappeurs, mais aussi en donnant la parole à des observateurs de l’intérieur, dont la cinéaste Safia Djama et l’écrivain Kamel Daoud, et à des analystes ? historiens, journalistes, etc. Au-delà de la chronique des événements, les réalisatrices dressent le portrait d’une société en effervescence, traversée de forces contradictoires mais tournée vers l’avenir, en inscrivant, au fil de retours en archives, ce processus encore incertain dans l’histoire tumultueuse du pays.

    réalisation : Julie Peyrard, Sonia Amrane, Laetitia Martin
    54 min, disponible jusqu’au 30/8/2019

    #Algérie #musique

  • Castaner demande des explications après la violente évacuation d’une manifestation d’Extinction Rebellion à Paris
    https://www.lemonde.fr/societe/article/2019/06/30/evacuation-d-une-manifestation-ecologiste-castaner-demande-des-explications-

    Il avait été nommé pour rétablir l’ordre, il est désormais sommé de s’expliquer sur des méthodes jugées trop musclées. Le préfet de police de Paris, Didier Lallement, devra rendre un rapport au ministre de l’intérieur, Christophe Castaner, après la diffusion d’images « extrêmement choquantes », selon les mots de la porte-parole du gouvernement, Sibeth Ndiaye. On y voit l’évacuation, à l’aide de gaz lacrymogène, de militants écologistes qui occupaient pacifiquement le pont de Sully, au cœur de la capitale, vendredi 28 juin. Le parquet de Paris a ouvert lundi une enquête préliminaire pour « violences volontaires par personne dépositaire de l’autorité publique ».

    Les vidéos, tournées par le journaliste indépendant Clément Lanot, montrent des personnes assises par terre, à l’appel d’Extinction Rebellion, un mouvement de désobéissance civile issu du Royaume-Uni, qui alertent sur le désastre écologique. Les militants, qui se revendiquent non violents, bloquent la chaussée – une manifestation non déclarée – et sont invités par les CRS à libérer la circulation.

    PARIS - Intervention des CRS qui utilisent des gazeuses pour tenter de déloger les militants. Plusieurs journalis… https://t.co/j2JGVsxTTR
    — ClementLanot (@Clément Lanot)

    Rapidement la situation dégénère, et les policiers tentent d’évacuer manu militari les personnes présentes en les traînant sur le sol, avant de se saisir de leurs bombes lacrymogènes et d’asperger les visages à bout portant, à de nombreuses reprises. L’opération, qui dure quarante-cinq minutes environ, se solde par l’évacuation complète de la voie. Lundi, le parquet de Paris a annoncé avoir ouvert une enquête confiée à l’inspection générale de la police nationale (IGPN), la « police des polices », du chef de « violences volontaires par personne dépositaire de l’autorité publique ».
    Images « insoutenables »

    Alors que les images d’affrontements entre les forces de l’ordre et les « gilets jaunes » sont devenues monnaie courante ces derniers mois, ne provoquant quasiment plus de réactions dans l’opinion publique, cette vidéo qui montre un usage disproportionné des aérosols à l’encontre de personnes pacifiques a provoqué une vive indignation, notamment chez des artistes engagés.

    Cyril Dion, le réalisateur du documentaire Demain, alertant sur l’urgence climatique, a annoncé, samedi, qu’il refusait sa promotion dans l’ordre du Mérite : « Comment accepter d’être décoré par un gouvernement qui fait usage d’une telle violence à l’encontre d’une partie de sa population ? »

    L’actrice Marion Cotillard, également mobilisée sur les enjeux environnementaux, a interpellé le gouvernement sur son compte Instagram, jugeant les images « insoutenables » : « Des activistes français et des étudiants en grève se font asperger de gaz lacrymogène alors qu’ils protestent pacifiquement, à Paris, contre une situation climatique désastreuse et trop ignorée. »
    Explications circonstanciées

    Le gouvernement a de son côté mis quarante-huit heures à se saisir du problème. François de Rugy, le ministre de la transition écologique et solidaire, interrogé sur BFM-TV, a dans un premier temps minimisé les faits, estimant qu’il s’agissait de militants « très radicaux », qui ignorent les sommations : « On est obligés de mobiliser des CRS pour prendre les personnes une par une et essayer de les enlever. » Avant d’ajouter, en guise de justification : « Ça se finit avec l’utilisation, en effet, de gaz qui ont pour but que les gens s’en aillent. »

    La porte-parole du gouvernement, Sibeth Ndiaye, s’est montrée plus critique sur LCI, dimanche soir : « Je crois que les militants en question participaient à un rassemblement qui n’était ni déclaré ni autorisé. » Mais « ça ne justifie pas le gazage en plein visage et avec une telle proximité, évidemment », a-t-elle noté. Elle a par ailleurs annoncé qu’outre les explications circonstanciées du préfet le gouvernement attendait le rapport de l’inspection technique des CRS pour faire toute la lumière.

    L’enquête interne doit notamment déterminer si les fonctionnaires sur le terrain ont agi sur une injonction directe de la salle de commandement, placée sous l’autorité directe du préfet, ou s’ils ont pris l’initiative de cette méthode radicale.

    #maintien_de_l'ordre #police #justice

  • Le retour de « Clandestino » de Manu Chao, enrichi de trois titres inédits
    https://www.franceinter.fr/emissions/dans-la-playlist-de-france-inter/dans-la-playlist-de-france-inter-01-juillet-2019

    Vingt et un ans plus tard, « Clandestino » reparaît, enrichi de trois nouveaux titres dont une nouvelle version de la chanson-titre, retravaillée avec la célèbre trinidadienne Calypso Rose, féministe de première heure, et avec qui Manu s’est liée d’amitié lors du Carnaval de Trinidad.

    https://www.youtube.com/watch?v=tPQ0PDi6m1k&list=RD0TDib7kXexo&index=3


    Calypso Rose - Calypso Blues
    #Manu_Chao

  • L’atelier du Bahreïn et l’usine de Ramallah | مجد كيّال | السفير العربي
    Majd Kayyal (Chercheur et romancier Palestinien de Haïfa ) - Traduit de l’Arabe par Fourate Chahal Rekaby
    Texte publié dans Assafir al Arabi, le 20-06-2019

    http://assafirarabi.com/fr/26175/2019/06/26/latelier-du-bahrein-et-lusine-de-ramallah

    (...) En réalité, les passerelles entre les hommes d’affaires palestiniens et israéliens n’ont besoin d’aucun voyage ni d’aucun « atelier » au Bahreïn, puisque nous avons, en Cisjordanie, une usine entière (hautement productive) à fabriquer la « paix économique » sous occupation, avec la bénédiction de – et des profits pour – l’Autorité palestinienne.

    Nous connaissons bien la « paix économique », nous la voyons dans tous les recoins de la Palestine : appauvrir les gens, les affamer et les étouffer puis présenter Israël comme la seule et unique échappatoire pour une vie acceptable dans laquelle les conditions minimales de survie et de dignité seraient assurées. Plus simplement : il s’agit d’associer le pain quotidien à une soumission totale à Israël et, en même temps, de faire profiter l’économie israélienne d’une main d’œuvre bon marché et exploitable à souhait et du pouvoir d’achat palestinien.

    La paix économique signifie que plus de 100 mille ouvriers palestiniens obtiennent des permis de travail « à l’intérieur d’Israël » - permis dont la condition principale est l’absence de tout « casier sécuritaire ». Israël détient arbitrairement cette carte de chantage et l’utilise lorsque bon lui semble, soit pour intimider les gens et les éloigner de toute implication politique, soit, pire encore, pour les faire tomber dans le piège de la collaboration.
    (...)
    Ce qui est appelé « paix économique » est une stratégie d’assujettissement menée par l’armée israélienne. Cette stratégie repose sur la coordination directe et permanente entre l’occupation, des dirigeants locaux et des « dignitaires » de familles, et ce en parallèle de la coordination au niveau politique et sécuritaire avec l’Autorité palestinienne, et au-delà de celle -ci. (...)

    http://www.agencemediapalestine.fr/blog/2019/06/30/latelier-du-bahrein-et-lusine-de-ramallah
    #Palestine

  • A la fin de l’article sur le nouveau musée de Montpellier, cette petite précision...

    Au Mo.Co de Montpellier, des trésors de l’art conceptuel issus d’une collection privée
    https://www.lemonde.fr/culture/article/2019/06/29/au-mo-co-de-montpellier-des-tresors-de-l-art-conceptuel-issus-d-une-collecti

    Cet article a été réalisé dans le cadre d’un partenariat avec le Mo.Co.

    Je ne comprends pas du tout ce que ça veut dire en pratique. C’est quoi, « dans le cadre d’un partenariat » ? C’est sponsorisé ?

  • L’adieu aux armes
    https://www.dedefensa.org/article/ladieu-aux-armes

    L’adieu aux armes

    30 juin 2019 – Dans notre époque si étrange, les mots, les phrases, les analyses, les recherches acharnées des vérités-de-situation, le système de la communication sont plus que jamais les armes des hommes plongés dans cette ultime bataille de notre-Armageddon postmoderniste. Le “lynchage médiatique”, qui passe par les mots et le système de la communication, est une pratique courante de la guerre d’aujourd’hui. L’internet est, pour nous les combattants, un fantastique champ de bataille où vous savez pourquoi vous vous battez. Nous savons tous, d’une façon ou d’une autre, avec des mots différents, des perceptions dissemblables, nous savons tous que nous menons la bataille suprême face au Système.

    Je parle pour ceux qui savent. Pour ceux-là, il y a dans ces quelques jours, dans un instant (...)

  • #Refus_d’entrée : criminaliser la solidarité

    En France, deux petites victoires ont été remportées contre les tentatives du gouvernement Français de criminaliser la solidarité envers les migrant·e·s. Un tribunal administratif a annulé deux ordres de la police française d’interdire de territoire des citoyen·ne·s européen·ne·s en raison de leur soutien aux migrant·e·s à Calais. L’interdiction ordonnée par la police a été déclarée illégale. Cette victoire au tribunal pourrait affecter des dizaines d’autres personnes placées sur des listes d’interdiction et dans les bases de données de surveillance par la police française.

    La liste des #interdictions_de_territoire

    En mars 2017, D. était à la gare de St Pancras à Londres pour prendre l’Eurostar en direction de Calais. Il s’y rendait pour participer à une réunion publique sur le rôle des sociétés privées impliquées à hauteur de plusieurs millions d’euros dans la sécurisation de la frontière Franco-Anglaise. Mais avant de monter dans le train, il est arrêté au contrôle des passeports, puis emmené dans une petite pièce par la Police aux Frontières française (#PAF). Après un moment d’entretien au téléphone, les agent·e·s de la PAF impriment un “Refus d’entrée”, document officiel l’informant qu’il lui est interdit d’entrer en France.
    Ce type de traitement n’est que trop courant envers les voyageurs et voyageuses non-européen·ne·s. Mais D. est titulaire d’un passeport européen. Le document qui lui a été remis stipulait qu’il figurait dans une base de donnée de la police française regroupant les personnes fichées comme « Danger pour l’ordre public ou la sécurité nationale ». En outre, la police lui annonce qu’il va également « avoir des problèmes » pour voyager dans d’autres pays, puisque son nom était dorénavant signalé sur la base de données du Système d’Information Schengen (SIS) utilisée par les polices aux frontières dans toute l’Europe.
    Le cas de D. n’est pas un incident isolé. Ainsi, en mars 2017 X. se rendait en Belgique en bus et a été arrêté·e par la PAF au port de Douvres. Après environ une heure d’attente, on informe X. que l’entrée en France lui est refusée et iel reçoit un papier notifiant simplement qu’iel est un « danger pour l’ordre public ou la sécurité nationale ».
    Ce n’était pas la première fois que X. a eu des problèmes pour entrer en France. En Octobre 2016, X. est arrêté·e à son arrivée à Calais et constate que les agent·e·s consultent une liste de trois pages avec des noms et des photographies. La police désigne à X. une photo d’iel prise en 2010 (date devinée grâce à la couleur de ses cheveux !) figurant en page 3 du document.
    On informe X. qu’en cas d’arrestation à Calais, iel serait interdit·e de présence sur le territoire français. Iel n’a pas été arrêté·e, malgré cela, l’entrée en France lui fut refusée la fois suivante.

    En examinant et recoupant l’enchaînement de ces incidents avec d’autres, il semble probable que la police ait établi une « liste de personnes interdites du territoire » juste avant l’expulsion de la jungle en octobre 2016.

    Nous savons que d’autres personnes ont reçu ces interdictions.
    D. et X., plutôt chanceux·se·s d’avoir pu le faire dans le délai imparti de deux mois, ont décidé de contester cette interdiction devant les tribunaux français. Iels ont été soutenu·e·s dans cette action par le réseau Calais Migrant Solidarity et par l’association française Anafé qui travaille avec les étrangers et étrangères empêché·e·s d’entrer en France. Nous pensons qu’il s’agit de l’une des premières fois qu’un refus d’entrée est contesté en France. La plupart des personnes à qui sont imposés ces refus d’entrée sont des migrant·e·s non-européen·ne·s, déporté·e·s loin de France et qui ont peu de chance de les contester.

    La #fiche_S

    Le ministère français de l’Intérieur a défendu l’interdiction devant la cour, arguant que D. et X. étaient bel et bien un “danger” pour la France. Mais de quel danger parle-t-on ? L’État français a tiré cet argument de son fichier consacré à D. et X. – une des tristement célèbres « fiche S » constituées par la police politique française sur de supposé·e·s fauteurs et fauteuses de troubles.

    Cette “fiche S” comportait deux parties. Tout d’abord, D. et X. sont identifié·e·s comme « membre de la mouvance anarcho-autonome d’ultra gauche (« no border ») susceptible de se livrer à des actions violentes dans les perspectives du démantèlement du camp de migrants de Calais ». L’État, dans ses pièces, ne mentionnait aucune violence de ce type, mais citait plutôt plusieurs articles de presse français traitant de la prétendue “violence” des “No Borders”.

    En fait, les assertions de ces médias étaient entièrement fondées sur des citations de sources policières, souvent anonymes. Ainsi, en un cercle parfait, la police a communiqué à la presse des affirmations sans fondements, puis a utilisé ces même citations de presse dans leurs propres “preuves”. Ni D., ni X., ni personne d’autre n’a jamais été poursuivi·e pour les prétendues “violences” mentionnées dans ces rapports, et encore moins reconnu·e coupable.

    La deuxième partie de la fiche S donne quelques exemples plus précis des activités de D. Par exemple, il est arrêté en 2010 dans une “occupation illégale” – c’est-à-dire qu’il était simplement présent dans l’Africa House, squat où habitaient environ 100 personnes venant principalement du Soudan, d’Érythrée et d’Éthiopie. Il a également été repéré par la police lors d’une manifestation de migrant·e·s à Calais en 2014. Le dossier de X. mentionnait que « du 5 au 7 février 2010, des activistes No Border, y compris X., ont illégalement occupé un hangar de la rue Kronstadt à Calais et ont accueilli des migrant·e·s, les forces de l’ordre devant expulser les lieux », et qu’en 2010, des activistes No Border, y compris X. ont déployé une banderole “solidarité avec les sans papiers” sur la façade du beffroi de la mairie de Calais.
    Comme l’a convenu la cour, tout ceci n’avait rien de bien sérieux, était inexact ou ancien, et que rien ne suggérait une menace imminente contre la nation française.

    Il y avait aussi des éléments issus de dossiers de la police britannique. Encore une fois, ceux-ci mentionnent simplement que D et X sont allé·e·s à des manifestations, et que X a été arrêté·e lors de l’une d’elle, mais jamais poursuivi·e.

    Ce que tout cela montre également est comment les polices britannique et française échangent de vagues « renseignements », des rumeurs policières et des soupçons, sur les personnes qu’ils identifient comme politiquement actives. Cette “intelligence” est ensuite utilisée comme une base pour bloquer les mouvements transfrontaliers des personnes, notamment en les ajoutant aux listes de surveillance internationales comme le Système d’Information Schengen.

    #No_Borders” : la menace fantôme

    En bref, la seule accusation réelle contre D et X était qu’iels appartenaient à une « violente » organisation « anarcho-autonome » appelée « No Borders ». Mais quelle est cette prétendue organisation ?

    Bien sûr, certaines personnes solidaires des migrant·e·s de Calais se considèrent anarchistes. Et certaines, anarchistes ou « ultra-gauchistes » ou non, s’identifient à l’idée de « No Borders ». Ces deux mots ont pu être compris différemment selon les personnes : un slogan, une demande, un défi, un rêve. En revanche ce qu’ils ne signifient absolument pas est l’appartenance à une organisation qui organiserait le soulèvement des migrant·e·s à Calais.

    C’est un fantôme créé par la police française et les journalistes qui alimentent des histoires en buvant quelques verres. Il n’existe tout simplement pas. Les journalistes des deux côtés de la Manche ont diffusé d’innombrables histoires de « No Borders » incitant à des émeutes, incendiant la jungle, alimentant des réseaux de passeurs, etc. Aucunes de ces affirmations n’ont jamais été étayées par des preuves ou des enquêtes, ni jamais justifiées devant un tribunal.

    Par ailleurs, les migrant·e·s à Calais sont généralement des personnes plutôt débrouillardes. Beaucoup ont vécu des guerres et des dictatures, des révolutions, traversé des mers et des déserts. Iels n’ont pas besoin d’aide pour être en colère, ni pour s’organiser pour franchir les frontières et passer à l’action.

    Lutter pour la solidarité

    Pour nous, cette contestation en justice ne concernait pas seulement deux individu·e·s . Il s’agissait de contester une arme largement utilisée par la police pour bloquer la libre circulation des personnes en toute impunité. C’était une petite participation à la résistance contre les gouvernements qui s’échinent à mettre fin aux mouvements de solidarité entre citoyen·ne·s et migrant·e·s.

    Au cours des dernières années, des milliers d’Européen·ne·s ont réagi au passage des réfugié·e·s avec soutien et solidarité, depuis les plages de Grèce en passant par les cols des Alpes jusqu’aux “Jungles” de Calais. Cela dérange les politicien·ne·s et les médias qui s’affairent à vouloir faire paniquer la population au sujet d’ « invasions de migrant·e·s ». Leur but est de semer la peur et la division, essayant d’empêcher les gens de s’unir contre les élites capitalistes qui sont nos ennemis communs. La solidarité concrète et pratique, quand les personnes avec et sans papiers résistent côte à côte, est une réelle menace pour leur projet de « diviser pour mieux régner ».

    C’est pourquoi les États répondent en diabolisant et en criminalisant la solidarité. À Lesbos ou à Lampedusa, des volontaires sont emprisonné·e·s ou harcelé·e·s pour avoir sauvé quelques-unes des milliers de personnes qui se noient en mer. A Calais, la police arrête et interdit de territoire arbitrairement quiconque qu’elle aura étiqueté comme « No Borders ». Iels espèrent ainsi effrayer les citoyen·ne·s et isoler les migrant·e·s. L’État et les médias peuvent ainsi discréditer et attaquer leurs boucs émissaires en toute liberté.

    Cette victoire judiciaire est une petite partie de la lutte contre cette guerre lancée contre la solidarité. Ce qui est primordial est que nous ne nous laissions pas effrayer et que nous continuions à combattre nos vrais ennemis qui traînent dans les halls de commerce et dans les lieux de pouvoir. Français·e·s ou Britanniques, Européen·ne·s ou Africain·e·s, nous avons les mêmes ennemis, ne les laissons pas nous diviser.

    #Calais #délit_de_solidarité #solidarité #asile #migrations #réfugiés #victoire #France

  • Un rapporteur de l’ONU met en garde contre le risque d’« apartheid climatique »)
    https://reporterre.net/Un-rapporteur-de-l-ONU-met-en-garde-contre-le-risque-d-apartheid-climati

    Dans un nouveau rapport, révélé lundi 24 juin, Philip Alston, Rapporteur spécial des Nations unies sur l’extrême #pauvreté et les droits humains, lance un avertissement : « le changement climatique menace de défaire les progrès des 50 dernières années (...) en matière de réduction de la pauvreté ».

    Dans ce rapport sur les conséquences sociales du réchauffement climatique, présenté la semaine prochaine au Conseil des Droits de l’Homme de l’Onu, Philip Alston souligne que les disparités entre les plus riches et les plus pauvres vont être accentuées en raison du changement climatique.

    Selon lui, le monde est face à un risque d’« apartheid climatique », avec d’un côté les plus #riches, qui peuvent grâce à leurs moyens financiers s’adapter aux changements climatiques, et de l’autre les plus #pauvres qui subissent ces changements de plein fouet. Il s’appuie sur les travaux de chercheurs qui estiment que le changement climatique pourrait laisser 140 millions de personnes sans abri dans les pays les plus pauvres de la planète d’ici 2050.

    Les rapporteurs spéciaux sont des experts indépendants qui ne s’expriment pas au nom de l’#ONU. En revanche, ils communiquent les résultats de leurs recherches aux Nations Unies.

    #climat

  • #Haut_Conseil pour le #climat : la France réduit beaucoup trop lentement ses émissions
    https://reporterre.net/Haut-Conseil-pour-le-climat-la-France-reduit-beaucoup-trop-lentement-ses

    L’organisme indépendant observe que le budget carbone 2015-2018 (le plafond d’émission de gaz à effet de serre fixé sur cette période) n’a pas été respecté. Il a même été dépassé de 62 millions de tonnes de CO2 [1]. De plus, « la réduction réelle des émissions de gaz à effet de serre, de 1,1 % par an en moyenne pour la période récente, est quasiment deux fois trop lente par rapport au rythme nécessaire pour la réalisation des objectifs ».

    La stratégie nationale bas-carbone est la feuille de route, créée en 2015, pour conduire le pays à une politique d’atténuation du dérèglement climatique. Elle vise la neutralité carbone (zéro émission nette de gaz à effet de serre) à l’horizon 2050. Les onze membres du Haut Conseil pour le climat (choisis pour leur expertise en économie, en sciences du climat ou en transition énergétique) ont émis plusieurs recommandations pour que cette stratégie ne reste pas « à la périphérie des politiques publiques ».

    Le rapport : https://www.hautconseilclimat.fr/rapport-2019/pdf

  • Manifestation à Paris le dimanche 30 juin à 15h contre la décision scandaleuse de la mairie

    La dénomination d’une place Jérusalem doit être annulée ! - Groupe

    communiste - Front de gauche au Conseil de Paris
    http://www.communiste-frontdegauche-paris.org/La-denomination-d-une-place

    La dénomination d’une place Jérusalem doit être annulée !

    Lors du conseil de Paris de juin dernier, a été soumise au vote des conseillers une délibération concernant la dénomination d’une place Jérusalem, en remplacement d’une rue ayant disparue.

    Dans l’exposé des motifs aucune mention des objectifs de la Ville d’utiliser celle-ci dans le but de commémorer l’amitié qui unit la ville de Paris à l’État d’Israël comme l’écrit Mme Hidalgo dans cette même lettre.

    Aux inquiétudes de nos groupes, a été répondu qu’en aucun cas cette dénomination ne serait utilisée à des fins « geo-politiques » comme Catherine Vieu-Charier l’a d’ailleurs souligné dans sa réponse au conseil, nous étions simplement dans la tradition parisienne de donner des noms de villes à nos rues. Nous avons émis des réserves, et nous nous sommes abstenus forts de ces assurances données.

    Las, deux jours à peine après le conseil nous découvrons par un tweet de Joël Mergui, président du Consistoire central israélite de France, qu’en réalité, cette dénomination fait suite à une demande directe qu’il aurait faite à Anne Hidalgo lors de la visite du président israélien Reuven Rivlin à l’Hôtel de Ville.

    Ce qui nous a étonnés c’est l’inauguration expresse de cette place et l’invitation du maire de Jérusalem connu pour ses prises de position et ses actions en faveur de la colonisation. Nous sommes choqués de voir qu’aucun des représentants des trois communautés religieuses creuset de Jérusalem n’y sont invités, et encore plus de l’absence de représentant de l’autorité palestinienne.

    L’ensemble de ces faits, mis bout à bout, semble légitimer une confiscation de Jérusalem par l’État d’Israël alors que nous aurions pu en faire un symbole de la paix entre les peuples et les différentes communautés.

    Pour toutes ces raisons, nous demandons à Mme Hidalgo de renoncer à cette inauguration vécue comme une provocation et qui ne respecte pas les positions prises par la diplomatie française sur le statut de Jérusalem.

    Pour cela nos organisations seront présentes au rassemblement prévu par le « collectif national pour une paix juste et durable » pour protester de cette décision le jour même de l’inauguration, si celle-ci n’est pas annulée.

    • L’inauguration d’une « place de Jérusalem » à Paris indigne
      Par MEE - Date de publication : Lundi 24 juin 2019
      https://www.middleeasteye.net/fr/en-bref/linauguration-dune-place-de-jerusalem-paris-indigne

      En « oubliant » les deux autres religions monothéistes et en « important le conflit israélo-palestinien » en France, la maire de Paris Anne Hidalgo a pris une décision irresponsable, selon l’Association France Palestine Solidarité
      Le Conseil municipal de la ville de Paris a décidé, mercredi 12 juin, d’attribuer la dénomination « place de Jérusalem » à un square de la capitale situé dans le XVIIe arrondissement.

      Une décision qui aurait pu éclairer sur la situation politique de cette ville et de ses habitants palestiniens, victimes d’une violation du droit international par Israël, qui occupe la partie orientale de Jérusalem depuis 1967. Sauf que ce n’est pas le cas, d’après Bertrand Heilbronn, président de l’Association France Palestine Solidarité (AFPS).

      Dans une lettre ouverte adressée à la maire de Paris, ce dernier s’indigne de cette mesure. Se basant sur un échange de lettres entre Anne Hidalgo et le président du Consistoire, Joël Mergui, Bertrand Heilbronn déplore que pour la maire de Paris, Jérusalem « n’aurait d’importance que pour le judaïsme ».
      (...) « La place de Jérusalem » devrait être inaugurée ce dimanche 30 juin en présence de la maire de Paris.

    • @alaingresh
      Le Maire israélien de Jérusalem, Moshe Lion, qui est annoncé à l’inauguration de la place de Jérusalem, ne devrait-il pas être arrêté ? La colonisation est illégale en Droit français.

      Moshe Lion est un épurateur ethnique. Il doit rendre compte de ses crimes devant un Tribunal.

      Pourquoi personne ne lance d’appel en ce sens ?

  • The Adicts au Hellfest
    https://www.arte.tv/fr/videos/089122-030-A/the-adicts-au-hellfest
    j’ai aperçu le début du concert, hier soir sur arte et le voici sur #arte_concert
    Disponible du 23/06/2019 au 21/12/2019 61 min

    Quand le punk émergeait en Angleterre dans les années 70, The Adicts enflammaient la sphère #punk, grâce leurs titres simples, énergiques et efficaces. Peut-être moins connus que les légendaires Ramones, les Clash ou les Sex Pistols, ces gars du Suffolk restent néanmoins une référence pour les connaisseurs du genre. On retient de leur carrière l’entêtant Songs of Praise (1981), recueil d’hymnes fiévreux et sautillants bien représentatif du mouvement punk anglais.

    https://www.discogs.com/The-Adicts-Songs-Of-Praise/master/53873
    https://theadicts.net
    @sinehebdo leur tournée passe par le canada au mois d’août.

  • Le libra de Facebook, une monnaie au service de groupes privés | Mediapart
    https://www.mediapart.fr/journal/international/190619/le-libra-de-facebook-une-monnaie-au-service-de-groupes-prives?onglet=full

    Super article, basé sur des faits (la lecture du livre blanc de lancement du Libra), et qui dégonfle pas mal de baudruches. Peut être un peu trop optimiste, car négligeant les désirs politiques de Zuckerberg...

    Facebook va-t-il créer une monnaie mondiale ? Depuis l’annonce par le géant du numérique du lancement, prévu en 2020, d’une « cryptomonnaie », les fantasmes et les titres ronflants se succèdent. Mais le détail de ce lancement, rendu public le 18 juin sous forme d’un « livre blanc », ramène ce projet dans des limites plus raisonnables. Le « libra », cette nouvelle cryptomonnaie, n’aura guère les moyens de concurrencer le système monétaire international sur lequel, du reste, elle entend se fonder.

    La première est que la blockchain sera fermée. Il faudra disposer d’une permission pour y avoir accès : ce sera donc un protocole privé et non un système ouvert à tous comme l’est le bitcoin. Au lieu d’être fondé sur la collaboration de tous les participants à la blockchain, ce protocole sera centralisé par l’association Libra, qui gérera cette monnaie depuis Genève et sera constituée des partenaires de Facebook (aujourd’hui 28 entreprises dont Iliad, Uber, PayPal, Visa, MasterCard, eBay ou encore Spotify).

    Le « livre blanc » prétend vouloir passer, lorsque la technologie sera au point, à une blockchain ouverte. Le système ouvert est en effet plus lent, il nécessite une validation collective qui prend du temps. Une transaction avec le bitcoin prend environ une dizaine de minutes aujourd’hui (ce temps a déjà été fortement réduit ces dernières années). Or le libra se veut un instrument de paiement avant tout : les transactions doivent donc être instantanées.

    La deuxième différence concerne la valeur. La valeur du bitcoin ne repose sur rien d’autre que sur la confiance dans son algorithme. Celle du libra ne sera pas fixée par un « marché du libra », mais par un panier de devises dont la structure n’est pas précisée, mais qui devrait a minima comporter l’euro, le dollar des États-Unis, la livre sterling, le yen japonais et peut-être le renminbi (ou yuan) chinois. L’association Libra fixera la pondération de chaque monnaie dans ce panier et fixera ainsi la valeur du libra par rapport aux autres devises.

    C’est une méthode utilisée par exemple par le FMI pour établir la valeur de ses droits de tirage spéciaux (DTS), son unité de compte, mais aussi par la Banque centrale chinoise pour fixer le cours du yuan. La valeur du libra ne sera donc pas « fixe », mais elle évoluera en fonction des taux de change des devises du panier. La promesse de l’association est que, en choisissant des devises stables, la valeur du libra ne devrait évoluer qu’à la marge.

    Au-delà de l’aspect technique, le régime monétaire du libra est, donc, in fine, très archaïque. C’est celui de l’étalon monétaire appliqué à un panier de devises, où une banque centrale disposait de réserves exactement équivalentes à ses créances monétaires. Le libra est donc l’équivalent d’une pièce de 20 francs-or de jadis : on savait qu’il y avait dans cette pièce 5,801 grammes d’or fin. Et lorsque l’on disposait d’un billet de cent francs, on pouvait aller l’échanger aux guichets de la Banque de France contre 5 pièces de 20 francs disposant de ce poids d’or.

    Ici, l’association libra promet qu’un libra aura une valeur donnée en dollars ou en euros et qu’à tout moment, on pourra l’échanger contre sa contre-valeur parce qu’elle dispose dans ses réserves du montant exact de ses créances en libras.

    À quoi servira le libra ?

    C’est un système extrêmement sûr, mais bien peu utile dans un régime économique où l’on doit investir dans l’avenir, prendre des risques et faire face à des besoins qui croissent plus vite que l’activité économique. C’est le revers de l’absence de spéculation : il n’y a pas non plus de vraie capacité d’investissement. La lecture du livre blanc montre que l’association cherche surtout à faire du libra une réserve de valeur, ce qui en réalité traduit un biais commercial.

    En faisant du libra un instrument de portage d’actifs liquide et relativement stable, l’association veut favoriser certains usages qui correspondent à l’intérêt des membres les plus puissants de l’association : le transfert de fonds à bon marché, le portefeuille électronique et, in fine, la consommation de biens et services proposés par les partenaires du système. On comprend pourquoi Facebook a attiré des entreprises commerciales dont beaucoup sont spécialisées dans les systèmes de paiement (Visa, MasterCard, Stripe, PayPal ou Lyft).

    Des promesses qui n’engagent que ceux qui y croient

    Facebook, non, a répondu Mark Zuckerberg dans un message publié ce mardi : « Chaque information partagée avec Calibra [la filiale dédiée au libra – ndlr] sera conservée séparément des informations que vous partagez sur Facebook. »

    Ou encore : « À l’exception de cas limités, Calibra ne partagera pas les informations de compte ou les données financières avec Facebook ou toute autre tierce partie sans votre consentement », affirme un communiqué. « Les infos [recueillies par Calibra – ndlr] ne seront pas utilisées pour le ciblage publicitaire sur Facebook », réaffirme à Mediapart un responsable de la communication de la compagnie pour l’Europe.

    Pour David Marcus, ancien dirigeant de PayPal qui supervise le projet pour Facebook et s’est s’exprimé sur Twitter, « une des raisons de créer Calibra est d’avoir une entité dédiée et régulée, qui s’engagera fermement à protéger la vie privée de ses clients, car nous avons entendu haut et fort que vous ne vouliez pas que les données sociales et financières soient mélangées ».

    Cette collecte et sa monétisation sont au cœur du savoir-faire de Facebook, WhatsApp, Instagram… On imagine mal que sa nouvelle filiale soit durablement privée de ces talents. Olena Havrylchyk, professeure d’économie à l’université Paris I-Panthéon Sorbonne, s’interroge : « L’histoire a montré que le modèle économique de Facebook avait déjà changé dans le passé, passant de la protection de la vie privée (lorsque Facebook n’avait pas de parts de marché) à la surveillance (après, devenu un monopole). Peut-on s’attendre à une évolution similaire dans le modèle de Libra ? »

    Facebook ayant préempté toute la communication sur le projet, sans compter son architecture technique, on ignore quel usage les autres membres de l’association feront des données récoltées. Uber pourra-t-il adresser des publicités spécifiques à ses clients utilisateurs de libra ? À leurs amis ? Des ristournes ? Visa et MasterCard pourront-ils collecter des données que jusque-là ils ne possèdent pas, comme les relations des détenteurs de cartes de crédit ?

    Que pourront faire exactement les utilisateurs ? Plafond de dépenses, de rechargement en libras, d’envoi d’argent : on n’en sait rien à ce stade. Quiconque a utilisé PayPal ou d’autres moyens de transfert d’argent sait qu’il ne suffit pas d’avoir un compte créditeur pour que ça passe.

    Le problème du libra n’est pas réellement le fait qu’une entreprise privée crée une monnaie, puisqu’il n’y aura pratiquement aucune autonomie de création monétaire. Il est d’ailleurs piquant, de ce point de vue, de voir beaucoup d’observateurs prétendre que Facebook, avec sa monnaie privée, viendrait sur le terrain d’une prérogative des États. C’est doublement faux.

    D’abord parce que Facebook ne va pas vraiment « battre monnaie », puisque chaque libra sera couvert par le montant équivalent en devises émises par les banques centrales.

    Ensuite parce que le système actuel est déjà un système de création monétaire privée. Ce sont les banques commerciales qui aujourd’hui, dans les contraintes fixées par la Banque centrale tant sur le plan monétaire (le niveau des taux) que sur celui de la régulation (les ratios de solvabilité et le montant des réserves obligatoires), émettent l’essentiel de la monnaie en circulation par la distribution de crédits. Lorsqu’une banque émet un crédit, elle n’a pas cet argent dans un coffre, comme le libra devra l’avoir : elle crée la monnaie ex nihilo.

    #Facebook #Libra #Monnaie_numérique #Cryptomonnaie #Economie_monétaire

  • L’Isle de Jean-Charles vouée à disparaître en Louisiane Caroline Montpetit en Louisiane - 22 juin 2019 - Le devoir
    https://www.ledevoir.com/societe/environnement/557293/l-ile-de-jean-charles-vouee-a-disparaitre-en-louisiane

    Les habitants de l’Isle de Jean-Charles, en Louisiane, sont les premiers réfugiés liés à la montée des eaux en Amérique. Visite d’une communauté en sursis et d’un pays à la merci de la mer.

    Lorsque le prêtre catholique Roch Naquin était enfant, les étendues de terre s’étendaient à des kilomètres derrière sa maison. Il allait y couper du bois avec ses frères pour faire du feu, et les aînés y cueillaient les plantes utilisées pour soigner les maladies. Autour de sa maison, des troupeaux de bétail paissaient en liberté. Le jardin et la mer fournissaient amplement de quoi manger.

    Son île, c’est l’Isle de Jean-Charles, dans la paroisse de Terrebonne, à 127 kilomètres au sud-ouest de La Nouvelle-Orléans, en Louisiane. Une étendue de 300 mètres sur 3 kilomètres de long, reliée au continent par une route, souvent rendue impraticable par les ouragans, les inondations et les marées. L’île, telle que les habitants l’ont connue dans leur jeunesse, a disparu sous les vagues d’eau salée que le golfe du Mexique fait entrer chaque année, de plus en plus loin à l’intérieur des terres. On dit que 98 % de la surface de l’île a ainsi disparu sous les eaux du golfe depuis 60 ans. En fait, l’ensemble de la côte louisianaise cède au golfe l’équivalent d’un terrain de football chaque heure.

    Derrière la maison du père Naquin, c’est désormais de l’eau que l’on voit à perte de vue, avec, au loin, un puits de pétrole qui surgit de la ligne d’horizon.

    Son voisin, Chris Brunet, a lui aussi vu le paysage se transformer depuis son enfance. « Ma soeur, qui a 16 ans de plus que moi, allait à la pêche à pied, avec pépère pis mémère. Moi, 16 ans plus tard, j’allais au même endroit avec mon père en pirogue », raconte-t-il.

    Des causes complexes
    Les causes de cette disparition graduelle de l’île sont complexes et multiples. Mais au premier rang des accusés, on trouve l’industrie du pétrole, qui a creusé des dizaines de milliers de kilomètres de canaux pour prospecter et extraire du pétrole et du gaz naturel du golfe. Ces canaux ont peu à peu grugé la terre. On montre aussi du doigt des digues qui ont été construites au nord-est, le long du Mississippi, après les inondations dévastatrices de 1927.

    « Ça a empêché l’eau douce de circuler jusqu’à nous, raconte Chris Brunet, l’un des habitants de l’île. Autrefois, on pouvait se rendre en pirogue jusqu’à La Nouvelle-Orléans. » Les digues empêchent aussi le fleuve Mississippi de distribuer chaque année le limon et les sédiments qui régénéraient la terre de toute la région. Et puis, il y a aussi la montée des océans, annoncée par les experts en changements climatiques, qui n’annonce rien qui vaille pour les prochaines décennies. « Les scientifiques parlent des changements climatiques, des gaz à effet de serre. J’imagine que ça doit jouer », dit-il.
    L’Isle de Jean-Charles en images : https://www.ledevoir.com/societe/environnement/557312/l-isle-de-jean-charles-en-images

    Autrefois si fertile, la terre de l’île, qui permettait aux habitants d’être autosuffisants, est désormais impropre à la culture, parce que trop salée. « Je m’ennuie de jardiner », soupire Denecia Billiot, 94 ans. Installée sur la galerie de sa maison, avec sa fille Theresa qui tricote à ses côtés, Mme Billiot se souvient de l’époque où elle cultivait un grand jardin derrière sa maison, où ses sept enfants ont grandi. Dans la maison voisine, sa petite-fille, Erica, vit avec son fils de six ans, Tristan. Malgré son grand âge et les difficultés d’accès à l’île par mauvais temps, quand la marée envahit la route, Mme Billiot a choisi de rester sur l’île. Sa petite-fille Erica aussi.

    « Si l’île coule, je vais la regarder couler », lance-t-elle.

    Quatre générations habitent ainsi dans ce petit coin de pays qui les a vues naître, et qu’elles vont peut-être voir disparaître. Quatre générations d’autochtones francophones, car la majorité des habitants de l’île appartiennent à la bande biloxi-chitimacha-choctaw, qui réunit des Autochtones de différentes ethnies. « Nous nous sommes unis pour être plus forts », raconte le chef Albert Naquin.

    Partir ou rester ?
    Mais tout cela ne sera plus qu’histoire ancienne d’ici quelques décennies. À cause du golfe qui mange de plus en plus la côte, la vie des habitants de l’Isle de Jean-Charles est tellement précaire que le gouvernement de la Louisiane a proposé un plan de relocalisation de sa population. Les habitants de l’île deviennent ainsi les premiers réfugiés liés à la montée des eaux d’Amérique. En janvier dernier, l’État a acheté pour 48 millions des terres situées à l’intérieur des côtes, quelques dizaines de milles au nord de Houma, à Shriever. Des terres, longées par la route 24, près d’une usine de Chevron, et qui n’ont aucun accès à l’eau. L’État de la Louisiane a promis d’y creuser un étang où on pourrait pêcher et d’y construire des maisons modernes.

    Déjà, de nombreux habitants ont quitté l’île, épuisés de faire face, année après année, aux inondations provoquées par les ouragans. Rita Falgout, effrayée par la montée des eaux qui envahit régulièrement la route d’accès à l’île, a décidé de partir lorsque son mari est devenu malade.

    « J’avais peur de l’eau, dit-elle, et peur de ne pas pouvoir sortir de l’île en cas de besoin. »

    Il y a à peine un an, elle a accepté la proposition du gouvernement lui offrant de déménager dans un appartement de la ville de Houma. Depuis, son mari est mort dans une maison de retraite, et Rita Falgout est revenue vivre auprès des siens à Pointe-aux-Chênes, près de l’Isle de Jean-Charles. « Mon frère ne voulait pas que je reste seule », dit-elle. Maintenant, elle a l’intention de profiter de la maison que lui propose de construire l’État à Shriever.

    Un plan contesté
    Mais le plan de relocalisation proposé ne fait pas l’affaire du chef de la bande biloxi-chitimacha-choctaw, Albert Naquin, qui conseille à ses membres de ne pas accepter le « forfait ». D’abord, il souhaiterait que le plan soit un projet de réunification de la bande. Cette communauté a déjà été lourdement touchée par les politiques américaines à l’égard des Autochtones.

    De leur côté, les fonctionnaires du gouvernement de la Louisiane souhaitent que le nouveau projet soit offert à tous, quelles que soient leur appartenance ethnique ou leur origine ethnique, sans projet précis de réunification d’une bande en particulier. Selon eux, certains habitants de l’Isle de Jean-Charles ne sont pas des Biloxi-Chitamacha-Choctaw, mais plutôt des membres de la nation houma, ou encore des non-Autochtones. Or, pour le chef Naquin, « le but, c’est de réunifier la bande ». Il dit d’ailleurs travailler « sur un autre plan », qui se réaliserait sans l’intervention de l’État.

    Le chef Naquin lui-même ne vit pourtant plus sur l’île depuis longtemps, mais bien dans la communauté voisine de Pointe-aux-Chênes, protégée par une toute nouvelle digue de 12 pieds. La maison familiale, où il est né, a été rasée par l’ouragan Betsy en 1965 et le chef a décidé de déménager à Pointe-aux-Chênes après l’ouragan Carmen, en 1973. « Si j’étais resté sur l’île, je serais probablement pauvre, parce qu’il faut tout refaire tous les trois ou quatre ans », raconte-t-il, devant sa maison de briques.

    À son avis, les membres de la bande biloxi-chitimacha-choctaw, qui ont hérité de maisons de l’Isle de Jean-Charles au fil des générations, n’ont pas les moyens de payer les frais inhérents à un déménagement dans une maison du gouvernement, en plus d’entretenir leur maison sur l’île.

    Nichées à 15 pieds de hauteur
    Autrefois, la maison du père Roch Naquin était construite sur des blocs de deux pieds, parce que le lieu n’était pas sujet aux inondations. « Puis, il y a eu l’ouragan Hilda qui nous a inondés, puis l’ouragan Carmen, et quelques autres. Mais il y a eu l’ouragan One, en 1985, on a reçu beaucoup d’eau. On a monté la maison sur huit pieds. On a été saufs pour quelques ouragans. Quand l’ouragan Lily s’est abattu au début des années 1990, nous inondant de nouveau, on l’a montée à 11 pieds. L’ouragan Crystal a quand même fait quelques dégâts. Le toit a été arraché », raconte-t-il.

    Même chose pour Bertha Naquin, qui nous reçoit dans sa maison perchée sur des piliers de 15 pieds. Après avoir vécu plusieurs années à Houma, elle a décidé de se réinstaller dans son coin de pays. « Ici, je suis chez moi », dit-elle.

    Si sa maison perchée est plus protégée des inondations, cela la rend toutefois plus vulnérable aux ouragans. « C’est sûr que, s’il y a un ouragan, je ne reste pas ici », dit-elle.

    Pour s’assurer de pouvoir partir avant que la route soit inondée, il faut constamment guetter les signes avant-coureurs des désastres. « Il faut regarder les marées et, si le vent vient du sud-est, il faut s’en aller », dit-elle.

    Le père Roch Naquin estime, de son côté, que les habitants de l’île devraient accepter l’offre du gouvernement de la Louisiane et saisir l’occasion de s’en aller. « Si tu ne pars pas, que quelque chose de terrible arrive, que ta maison est détruite, il sera trop tard. Moi, je suis prêt à partir, quand les nouvelles maisons seront construites », dit-il.

    #climat #réfugiés_climatiques #environnement #changement_climatique #usa

    • Les traces d’Iberville
      L’Isle de Jean-Charles doit son nom à Jean-Charles Naquin, colon français originaire de Saint-Malo, en France. Son fils, Jean-Marie Naquin, a épousé une Autochtone choctaw, Pauline Verdin, en 1824. Renié par sa famille en raison de ce mariage interracial, Jean-Marie trouve refuge sur l’île avec son épouse et lui donne le nom de son père qui y faisait des affaires, dit-on, avec le pirate français Jean Lafitte.

      « Ils faisaient de la contrebande autour du bayou de l’île. C’était un endroit caché, où ils ne pouvaient pas être vus », raconte le chef Albert Naquin, qui est son arrière-arrière-arrière-petit-fils. La légende veut d’ailleurs que Jean Lafitte ait laissé quelques trésors dans les environs.

      Mais c’est bien avant tout cela que les Autochtones choctaw, biloxi et chitimacha de Louisiane ont commencé à adopter le français, qu’ils parlent encore aujourd’hui, comme langue d’usage.

      En 1699, l’explorateur Pierre Lemoyne d’Iberville découvre l’embouchure du Mississippi par la mer et y fait construire trois forts français. Au cours de trois voyages consécutifs, il crée dans la région des liens solides avec les autochtones, renforcés par l’envoi de missionnaires et de coureurs des bois français. Au fil des générations, le français a peu à peu supplanté les langues autochtones comme langue d’usage dans les familles, même si aujourd’hui, la plupart des habitants de l’Isle de Jean-Charles ont appris l’anglais à l’école. Chris Brunet, dont la famille vit sur l’île depuis des générations, raconte que son arrière-grand-mère parlait encore le choctaw.

  • L’Iran inflexible et irrémissible
    https://www.dedefensa.org/article/liran-inflexible-et-irremissible

    L’Iran inflexible et irrémissible

    Ce qui nous impressionne par-dessus tout, c’est le ton. On connaît Elijah J. Magnier, journaliste de grande expérience, cultivant de nombreuses sources dans les champs de bataille, en sourdine ou bruyante, du Moyen-Orient. On trouve toujours dans son ton l’habileté manœuvrière et la recherche d’une possible conciliation qui caractérisent les politiques et les diplomatie des pays du champ. L’introduction à un niveau opérationnel écrasant de l’idéologie, des fureurs extrémistes colorées des absolues des religions monothéistes qui ne peuvent avoir d’autres références que leur foi, de l’exclusivisme de l’exceptionnalisme suprémaciste de l’américanisme avec son cortège de “ismes”, a brouillé ce jeu jusqu’au paroxysme actuel de l’affrontement Iran-USA.

    Désormais, nous sommes bien (...)

  • Creutzfeldt-Jakob : l’inquiétante mort d’une laborantine de l’INRA
    https://www.mediapart.fr/journal/france/210619/creutzfeldt-jakob-linquietante-mort-dune-laborantine-de-linra

    Une plainte a été déposée contre l’Institut national de la recherche agronomique (Inra) pour « homicide involontaire » et « mise en danger de la vie d’autrui » après le décès d’une ancienne salariée, Émilie, 32 ans, contaminée au cours d’une manipulation dans un laboratoire. De nombreux manquements en matière de sécurité ont été commis par l’Inra. Le ministère lance une #Enquête à l’échelle nationale.

    #maladie_de_Creutzfeldt-Jakob,_INRA,_vache_folle,_A_la_Une

    • Contaminée à la suite d’un accident dans un laboratoire de l’Institut national de recherche agronomique (Inra), Émilie, 33 ans, est décédée lundi 17 juin du variant de la maladie de Creutzfeldt-Jakob. Selon nos informations, son époux et ses parents ont déposé plainte pour « homicide involontaire » et « mise en danger de la vie d’autrui ». Elle est en cours d’étude au parquet de Versailles.

      Interrogé par Mediapart, le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche explique qu’il vient de confier à l’inspection générale de l’administration, de l’éducation nationale et de la recherche ainsi qu’à l’Inspection santé et sécurité au travail une enquête nationale pour évaluer les mesures de sécurité des laboratoires de recherche sur les prions et vérifier, par ailleurs, dans quelles conditions est survenue la contamination d’Émilie à l’Inra.

      Le diagnostic de la maladie a été fait en avril et confirmé en mai par la Cellule nationale de référence de la maladie de Creutzfeldt-Jakob, basée à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière à Paris. Sans exclure l’éventualité d’une contamination liée à une consommation de viande durant la crise de la vache folle, l’équipe médicale conclut néanmoins que l’origine de la maladie est compatible avec « une contamination accidentelle en milieu professionnel », du fait notamment de « l’exposition professionnelle à un agent bovin et ou à l’agent de la maladie de Creutzfeldt-Jakob. Dans l’hypothèse d’une contamination en 2010, la période d’incubation serait de 8 ans ». 2010 est l’année où Émilie s’est coupée alors qu’elle manipulait des prions contaminés dans le laboratoire de l’Inra.

      Après un premier poste à l’Institut Curie, Émilie rentre à l’Inra en avril 2009 en tant qu’assistante ingénieure. Affectée à l’unité de recherche de virologie et d’immunologie, elle rejoint l’équipe chargée des recherches sur les prions.

      Sous sa forme infectieuse, la protéine du prion provoque des encéphalopathies spongiformes transmissibles (EST), comme la maladie dite de la « vache folle », de la tremblante du mouton chez les animaux d’élevage ou de la maladie de Creutzfeldt-Jakob chez l’homme.

      Incurable et mortelle, cette pathologie s’attaque au cerveau, entraînant une mort neuronale. En fonction de son origine et de ses variantes, la maladie peut se déclarer trois à cinquante ans après l’infection et avoir ensuite une évolution fatale en quelques mois.

      Difficile d’oublier les images de vaches tremblantes ou d’abattages massifs de troupeaux qui illustrent, dans les années 1980 et 1990, ce qu’on a communément appelé « la crise de la vache folle », touchant la filière bovine en Grande-Bretagne. Cette crise sanitaire avait entraîné le décès de 224 personnes et conduit les pays européens à décréter un embargo sur la viande de bœuf britannique.

      Une course s’engage alors entre les laboratoires européens, conscients du retard de la recherche scientifique sur les prions, et les programmes se multiplient, notamment sur les modes de transmission de la maladie. Aujourd’hui, le décès de la jeune ingénieure interroge sur les conditions dans lesquelles certains laboratoires se sont lancés dans ces recherches.

      En 2010, Émilie participe à l’un des programmes de l’Inra, à Jouy-en-Josas (Yvelines), l’un des principaux sites de recherche de l’institut. Elle travaille sur des cerveaux de souris transgéniques infectées par des souches de prions humains.

      Selon la réglementation sur la prévention des risques des travailleurs exposés à des agents biologiques pathogènes, les prions sont classés parmi les plus dangereux (de niveau 3 sur une échelle croissante de 1 à 4). Comme le signale le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) dans ses Cahiers de prévention, « une formation doit être dispensée avant que le travailleur n’exerce une activité impliquant un contact avec les agents biologiques ». Prévue par le code du travail, elle concerne notamment les risques pour la santé, les précautions à prendre et la conduite à tenir en cas d’accident.

      Première infraction de l’Inra concernant les mesures de prévention : la jeune ingénieure n’a pas été suffisamment formée au danger des prions ni au protocole à suivre en cas de contamination.

      Le 10 mai 2010, quelques jours seulement avant son accident, l’Inra lance un appel d’offres concernant des formations afin de permettre aux équipes d’acquérir ou de renforcer leurs « connaissances sur le travail en milieu confiné », « le respect des bonnes pratiques de laboratoire, la sensibilisation aux risques biologiques ». Il est déjà trop tard pour Émilie.

      Comme le relève un chercheur français qui connaît bien la dangerosité de ces agents pathogènes, « l’institut de recherche a décidé de multiplier les souches de prions les plus dangereuses pour l’homme dans des souris transgéniques humanisées qui ne présentent justement plus de barrière d’espèce avec l’homme afin de faciliter la transmission des prions. Mais compte tenu de ce degré très élevé de dangerosité, avoir confié leur manipulation à une personne de 25 ans, en CDD, en milieu confiné, sans aucun contrôle d’un senior, c’est démultiplier les risques ». Effectivement, Émilie est seule, avec l’une de ses collègues, à manipuler ces agents mortels en laboratoire confiné.

      Ce lundi 31 mai 2010 à 11 h 30, alors qu’elle range le matériel utilisé pour découper un cerveau infectieux de souris transgénique, Émilie s’entaille le pouce avec une pince, « piqûre qui a provoqué une plaie saignante », ainsi que l’atteste la déclaration d’accident rédigée le jour même. Les deux paires de gants en latex prévus à cet usage n’ont pas suffi à assurer sa protection.

      Le dispositif de prise en charge de la jeune ingénieure témoigne également d’un faisceau de négligences frisant l’amateurisme de la part de l’institut, qui semble s’être affranchi des règles de sécurité.

      Alors qu’en cas de contamination par des prions, la victime doit être désinfectée immédiatement et sur place, Émilie est déplacée dans une autre pièce du bâtiment et ne reçoit les premiers soins que près de 15 minutes après l’incident. Pire, elle n’est examinée ni par un médecin, absent ce jour-là, comme le signale la déclaration d’accident, ni même par une infirmière, avec laquelle elle devra se contenter d’un échange téléphonique.

      En rentrant chez elle, Émilie fait part de l’accident à Mathieu*, son conjoint, lui aussi ingénieur dans la recherche scientifique. « Elle a toujours été rigoureuse et elle a tenu à déclarer cet accident. Mais lorsqu’elle l’a fait, ses chefs ont ri et se sont largement moqués de ses craintes. C’est terrible », déplore Mathieu.

      « Émilie avait 25 ans à l’époque, poursuit-il, et elle avait envie de faire confiance à ses responsables. Mais elle était quand même anxieuse et parfois, elle faisait des allusions en me disant, sur le ton de la plaisanterie pour cacher ses peurs : et si j’avais été contaminée ? Elle pensait alors à l’état des souris qu’elle manipulait. »

      Un mois plus tard, dans un courrier daté du 30 juin 2010, l’Inra informe Émilie que son « accident a été reconnu imputable au service de l’administration », confirmant de facto la responsabilité de l’institut. Alors même que la jeune ingénieure est susceptible d’être atteinte du variant de la maladie de Creutzfeldt-Jakob, l’Inra passe sous silence le risque de contamination et n’exige aucun suivi médical.

      Interrogé, un médecin explique « qu’à ce stade, vu le temps d’incubation de la maladie, aucun prélèvement sanguin n’aurait été utile. En revanche, informer la victime du risque de contamination et lui demander de réaliser des examens neurologiques, cela aurait été le minimum ».

      Une fois son contrat terminé à l’Inra, en 2012, Émilie est recrutée au Commissariat à l’énergie atomique pour travailler dans un laboratoire d’étude du métabolisme des médicaments. Depuis son départ de l’Inra, elle n’a plus jamais manipulé de prions.

      À partir de novembre 2017, progressivement, son état de santé se dégrade. En avril 2018, souffrant de façon persistante de douleurs à l’épaule, elle passe des examens radiographiques qui ne signalent rien d’anormal. En août 2018, elle ne peut plus marcher et sombre dans une dépression. Sa santé se dégrade inexorablement. Elle est régulièrement hospitalisée. Puis, elle perd l’usage du langage et ne parvient plus à se déplacer.

      C’est finalement en avril 2019, après de multiples examens et prélèvements sanguins, que les médecins de la Cellule nationale de référence des maladies de Creutzfeldt-Jakob de l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière concluent qu’Émilie est atteinte du variant de la maladie de Creutzfeldt-Jakob. Mais Émilie n’en saura rien.

      « En accord avec ses parents et les médecins, je n’ai pas voulu lui dire de quoi elle était atteinte, confie Mathieu. Elle connaissait les effets de cette maladie et surtout qu’il n’y avait pas d’issue possible, c’est pourquoi nous avons préféré ne pas lui dire. C’est tellement difficile d’avoir fait ce choix, mais nous ne voulions pas l’effrayer. » Le 3 juin, le médecin qui la suit constate « une nette évolutivité de la maladie pouvant mettre à court terme son pronostic vital en jeu ». Émilie meurt le 17 juin.

      Mathieu a alerté l’Inra de la maladie de son épouse. « Je n’ai eu aucune réponse de leur part », précise-t-il. Souhaitant rester auprès d’elle pour les derniers mois de sa vie, il a demandé aux représentants du personnel et des syndicats de relancer l’institut.

      Confrontés au même silence, des délégués syndicaux ont confié à Mediapart : « Nous n’avons été informés de cet accident que neuf ans après. C’est inimaginable. Il n’y a pas eu, à notre connaissance, de CHS extraordinaire [Comité hygiène et sécurité, devenu en 2013 le Comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail – ndlr] comme la législation et surtout la situation l’exigeaient. Le code du travail prévoit qu’il y ait une analyse et un suivi des incidents et des accidents. Nous attendons toujours la preuve que cela ait été fait. »

      Aujourd’hui, une cellule psychologique a été mise en place pour répondre aux inquiétudes de l’équipe travaillant sur les prions, mais « ce n’est pas cela qui permet de comprendre ce qui s’est passé lors de l’accident. L’Inra a aussi une obligation : celle de reconnaître ses responsabilités et le caractère professionnel de la maladie contractée par la défunte », conclut l’un des chercheurs syndiqués.

      « Cette affaire est un véritable scandale, estiment Marc et Julien Bensimhon, les avocats d’Émilie, de son époux et de ses parents. La maladie de Creutzfeldt-Jakob fait partie des pathologies les plus dangereuses. Or, aucune des règles de sécurité et de précaution n’a été respectée par l’Inra. Nous sommes manifestement dans l’incompétence la plus totale, alors que l’Inra est un institut national reconnu, devant être considéré comme tel. La justice sera chargée de déterminer les responsabilités. »

      Ils déplorent que l’Inra se soit « désintéressé de la situation et continue à faire le mort en refusant d’assumer sa responsabilité. Cette attitude est totalement inadmissible, surtout lorsqu’on connaît le calvaire qu’a vécu Émilie. Après huit ans d’incubation, elle a commencé à supporter pendant plus d’un an des symptômes de la maladie de Creutzfeldt-Jakob, des douleurs physiques puis des confusions mentales et des pertes de conscience. Jusqu’à ce qu’en avril 2019, la maladie soit diagnostiquée et confirmée par la Cellule nationale de référence basée à l’hôpital de la Salpêtrière ».

      Parallèlement à la plainte pénale, « nous avons saisi le président du tribunal administratif de Paris, le 6 juin, qui compte tenu de la gravité de la situation et de l’état de santé d’Émilie a, en urgence, désigné un neurologue, expliquent Marc et Julien Bensimhon. Il a pu réaliser une première expertise quelques jours avant le décès. Cette expertise permettra également de démontrer les responsabilités ».

      Philippe Mauguin, PDG de l’Inra depuis juillet 2016, a tenu à répondre lui-même à nos questions parce que « l’idée que l’Inra cacherait des choses doit se dissiper ». Sur ce point, l’absence d’informations délivrées aux salariés lors de la survenue de cet accident en 2010 infirme ses propos.

      Pour le reste, il tient à assurer que face à « un tel drame, toutes les pièces du dossier seront données à la justice et que s’il y a des responsabilités de l’Inra, elles seront assumées ». L’ancien directeur de cabinet du ministre de l’agriculture Stéphane Le Foll conteste l’absence de formation mais ne commente pas les irrégularités commises lors de la prise en charge d’Émilie après l’accident.

      « Si cette contamination est due à cette coupure, si c’est confirmé, nous prendrons les mesures de sécurité appropriées », conclut-il. Pourtant, en 2010, le protocole de sécurité existait déjà depuis un arrêté ministériel de 2007, et il n’a pas été respecté par l’Inra.

      Ce serait une première en France, et certainement dans le monde (des informations que nous avons pu avoir à ce jour), qu’une telle contamination se fasse par voie cutanée, à la suite d’une coupure au doigt.

      Le 19 juin, dans une déclaration commune, les syndicats CFDT, CGT, Sud, EPST et la CFTC ont rappelé à la direction de l’institut qu’il y a des procédures de suivi médical à suivre lors des déclarations d’accidents, particulièrement ceux liés aux risques biologiques, chimiques et radioactifs.

      « C’est effrayant de devoir rappeler ces règles de base à l’Inra. Aujourd’hui, à l’annonce de ce décès, la direction est paniquée parce que je pense qu’elle connaît l’entendue de ses responsabilités dans ce drame », précise un délégué syndical de l’Inra, avant de conclure : « C’est regrettable de devoir attendre des drames comme celui-ci pour découvrir qu’il y a eu un accident et apprendre dans quelles conditions désastreuses cette ingénieure a été prise en charge. Depuis l’annonce de ce décès, un vent de panique a saisi le milieu de la recherche française et plusieurs laboratoires, qui ne sont pas seulement à l’Inra, suivent de près cette affaire. »

  • Sur le danger des lignes à haute tension, les experts recommandent la prudence... et plus de recherche
    https://www.lemonde.fr/planete/article/2019/06/21/danger-des-lignes-a-haute-tension-en-l-absence-de-certitude-les-experts-reco

    L’Anses a émis des recommandations en évaluant les risques liés aux lignes à haute tension, certains transformateurs ou stations électriques.

    Eviter la construction de nouvelles crèches ou écoles à proximité de lignes à haute tension, surveiller les expositions professionnelles à certains champs électromagnétiques, en particulier s’agissant des femmes enceintes. Et poursuivre la recherche.

    Telles sont les principales recommandations émises par l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses), dans un avis du 5 avril rendu public vendredi 21 juin, et évaluant les risques liés aux champs générés par les lignes à haute tension, certains transformateurs ou stations électriques.

    L’Anses répondait à une saisine des ministères de la santé et de l’agriculture, consécutive à la publication d’une étude épidémiologique française, dite Geocap, suggérant un lien entre le fait de résider à moins de 50 mètres de l’aplomb d’une ligne à très haute tension et un risque accru de leucémie infantile pour les enfants de moins de cinq ans. Cette étude n’était pas la première, tant s’en faut, à mettre en évidence une telle association, mais d’autres enquêtes épidémiologiques donnent des résultats contradictoires.