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  • Daniel Lindenberg : « Loin de reculer la révolution conservatrice se voit favorisée »

    http://www.lemonde.fr/idees/article/2018/01/14/daniel-lindenberg-loin-de-reculer-la-revolution-conservatrice-se-voit-favori

    Dans un entretien qu’il a accordé au « Monde » quelques semaines avant son décès survenu le 12 janvier, l’historien des idées analyse l’état des forces du courant « néoréactionnaire » depuis l’arrivée au pouvoir d’Emmanuel Macron.

    Quelque temps après la victoire d’Emmanuel Macron, et observant le désappointement du courant que Daniel Lindenberg qualifiait de « néoréactionnaire » vis-à-vis d’un président qui réhabilitait le « progressisme » face au « conservatisme », Le Monde avait proposé à l’historien des idées de réaliser un entretien sur le sujet. La maladie contre laquelle il luttait, tout comme le rythme de l’actualité, avait reporté ce projet. L’interview se fit par mail à la fin du mois de décembre 2017. Nous publions ci-dessous ce dernier entretien dans lequel Daniel Lindenberg montre, une nouvelle fois et malgré les circonstances, qu’il était un intellectuel capable de mettre la plume dans la plaie et de faire vivre le débat tout comme la République des idées.

    La présidence d’Emmanuel Macron signe-t-elle une défaite – même momentanée – des néoréactionnaires, qui avaient, lors de la présidentielle, soit opté pour François Fillon, soit pour Marine Le Pen ?

    Parler de défaite serait imprudent, surtout dans la mesure où vous choisissez comme critère les résultats électoraux. En réalité, c’est le coup d’arrêt donné à la progression jugée irrésistible de la dynamique néoréactionnaire qui a changé au moins pour un temps le climat idéologique en réhabilitant, par exemple, l’adjectif « progressiste » face à ce que le président appelle « conservatisme » et qui n’est pas obligatoirement une catégorie politique, mais une ouverture vers un optimisme jusque-là disqualifié.

    Il n’est plus honteux aujourd’hui de penser que les nouveaux réacs ne sont pas « dans le sens de l’histoire », vu qu’ils représentent une survivance d’idées rétrogrades, y compris chez des penseurs que l’on se plaît à classer comme progressistes. Mais cette bouffée d’optimisme reste fragile car il faut tenir compte du climat particulier de l’élection de Macron et de l’absence, par exemple, d’intellectuels de référence qui porteraient au même niveau d’autorité la nouvelle parole « progressiste ». Peut-être trouvera-t-on des éléments possibles dans le livre de Michel Serres C’était mieux avant ! [Le Pommier, 96 p., 5 €].

    La réhabilitation du progressisme au détriment du conservatisme par le président de la République marque-t-elle le début de la fin d’une hégémonie intellectuelle, celle de la « révolution conservatrice » en cours ?

    Ce qui précède explique qu’une hirondelle ne fait pas le printemps, et que quelques propos isolés contredisent par ailleurs d’autres du président et n’annoncent nullement un quelconque renversement global, ce qui, d’ailleurs, ne serait pas dans ses possibilités. Il suffit de penser au succès très net de la mouvance Charlie Hebdo contre le bloc beaucoup moins puissant qui soutient Edwy Plenel et Mediapart pour se convaincre que, sur les questions toujours centrales de l’islam et de la soi-disant laïcité, le rapport de forces n’est pas prêt d’être renversé.

    Emmanuel Macron et certains ministres de son gouvernement n’ont-ils pas, par ailleurs, récupéré des éléments de langage du néoconservatisme ambiant ?

    C’est un fait que le discours de certains ministres du président, je pense à Jean-Michel Blanquer dans le domaine de l’éducation ou encore celui de Gérard Collomb dans celui de l’islam et de la laïcité, n’est nullement en rupture avec les éléments de langage les plus rétrogrades sur ces questions. Ce qui entretient pour le moins la confusion ; cette confusion permet que ce soient les mêmes intellectuels qui soient plébiscités par des organes de droite comme Le Figaro, La Revue des deux mondes, Le Point, Valeurs actuelles et des organes réputés encore être de Gauche (L’Obs, Marianne et France-Culture).

    Comment expliquez-vous la banalisation des interviews d’intellectuels de gauche dans la revue « Eléments » ?

    La revue Eléments a été créée par les intellectuels d’extrême droite qui, voyant la stérilité des stratégies de la violence, ont privilégié ce qu’ils appellent « le combat des valeurs », c’est-à-dire la séduction par la supériorité des arguments (ou de l’argumentation). Les intellectuels de gauche sont flattés par cette attention qui leur est portée par les représentants en pointe de la révolution conservatrice. Ils éprouvent la sensation toujours enivrante de dîner avec le diable tout en sortant d’un certain ghetto. La revue Eléments, créée en 1975, remplit depuis des années cette fonction qui avait d’abord été celles de revues communistes ou communisantes (La Pensée, La Revue internationale).

    Les intellectuels progressistes ont-ils un nouvel espace pour contrer les néoréactionnaires, comme l’a illustré le succès de « Histoire mondiale de la France » ?

    En effet, le succès d’ouvrages à vocation encyclopédiques comme L’Histoire mondialede la France, sous la direction de l’historien progressiste Boucheron, est un signe encourageant. Le fait que cette nouvelle école se soit affranchie à la fois de la vulgate rétrograde ou spiritualiste et des débris des dogmatismes marxistes ouvre des perspectives inespérées pour en finir avec les chaînes de la période précédente, que symbolisaient le choix impossible entre islamophobie et Indigènes de la République. Ce choix n’est sûrement pas celui de Macron, mais on peut lui accorder que c’est lui qui a permis d’échapper à ce dilemme mortifère.

    La nouvelle donne géopolitique mondiale n’offre-t-elle pas une opportunité aux partisans de l’émancipation et des sociétés ouvertes ?

    Bien sûr, comme le dit la sagesse populaire, lorsqu’on a touché le fond, on ne peut que remonter, mais dans le cas d’espèce, cette nouvelle donne géopolitique ou géo-idéologique n’offre à mon sens que des raisons de désespérer, au moins pour une certaine période. Loin de reculer, la révolution conservatrice se voit favorisée par les effets conjugués des mises en cause de ce que ses ennemis appellent sans beaucoup de rigueur les idéologies du progrès prétendument attribuables essentiellement aux deux guerres mondiales. Je veux dire les conséquences positives qu’on a tirées des deux guerres. Ces dernières ont plongé notre époque dans un cercle vicieux. L’optimisme que présuppose votre question me paraît largement injustifié. Ce n’est pas la perspective de nouvelles révolutions démocratiques devant laquelle nous nous trouvons placés mais pour aller au pire la perspective effrayante d’une apocalypse nucléaire.

  • Disparition de Daniel Lindenberg, l’historien qui avait prédit « la droitisation des esprits »
    http://www.lesinrocks.com/2018/01/13/idees/lhistorien-des-idees-daniel-lindenberg-est-mort-111032946

    Auteur d’un livre-clé en 2002, Le rappel à l’ordre, l’historien des idées Daniel Lindenberg fut le premier à théoriser la droitisation des esprits dans le débat public.
    Souvent perdue dans les limbes obscures de l’histoire des idées, les carrières d’universitaires échappent parfois à l’oubli par la grâce d’un texte, d’un manifeste, d’un argument, dont l’audace laisse des traces durables. Celle de Daniel Lindenberg, qui vient de disparaître à l’âge de 77 ans, restera à jamais associée à un livre, paru en 2002, peu de temps après la défaite de Lionel Jospin et de l’accession de Jean-Marie Le Pen au second tour de la présidentielle : Le rappel à l’ordre, enquête sur les nouveaux réactionnaires.

    Sans évidemment inventer la figure du réactionnaire, ancrée dans l’histoire politique française depuis le XIXe siècle, Lindenberg fut le premier à théoriser en ce début du XXIe siècle le processus de réactivation de cette tradition politique. Quinze ans après la parution du livre, l’évolution du débat idéologique lui a en grande partie donné raison : la “droitisation des esprits“, observée par un autre historien des idées, François Cusset, a largement contaminé le débat intellectuel, en dépit du foisonnement d’idées qui s’y opposent.

    Édité par Pierre Rosanvallon au Seuil dans sa nouvelle collection “La République des idées“, l’essai suscita alors des débats vifs au sein du monde intellectuel, et irrita surtout au plus haut point tous ceux qui se sentaient visés par le diagnostic de l’historien, c’est à dire tous ces penseurs, dont certains issus de la gauche, partagent une même “humeur chagrine face à la modernité“. Cette parole réactionnaire, observait Lindenberg, se libérait alors en France, sans scrupules, sans gêne, et touchait des citoyens jusque-là extérieurs à cette tradition de pensée. Rejet de l’idéologie libertaire née avec mai 68, critique du métissage et de la liberté des mœurs, défense de la Nation, valorisation de l’autorité, de l’école d’avant, critique des droits de l’homme et de l’antiracisme, défense de la France d’en bas, rejet de l’islam… : tous les motifs politiques dominants des vingt dernières années se retrouvent dans ce corpus théorisé par Lindenberg. C’est en quoi le livre fut, sinon prophétique, du moins lucide sur un air du temps politique dominé par le désir d’un ordre ancien.

    #Daniel_Lindenberg #réformiste #intellectuels_réactionnaires #droitisation

  • Une révolution conservatrice qui avance à visage découvert, Daniel Lindenberg
    http://www.lemonde.fr/idees/article/2016/01/19/une-revolution-conservatrice-qui-avance-a-visage-decouvert_4849561_3232.html

    « Déchéance de nationalité », « constitutionnalisation de l’état d’urgence », « expliquer le terrorisme, c’est déjà l’excuser », « tous pouvoirs à la police »… Que ces mots et ces déclarations d’intention soient à présent ceux d’un gouvernement de gauche devrait stupéfier.

    #réaction

  • Glucksmann et les autres, les réactionnaires mots à mots
    http://blogs.mediapart.fr/edition/bookclub/article/101115/glucksmann-et-les-autres-les-reactionnaires-mots-mots

    En 2002, Daniel Lindenberg publiait au Seuil un ouvrage rapidement bouclé et intitulé Le Rappel à l’ordre. Enquête sur les nouveaux réactionnaires. Cette appellation, abrégée en néo-réactionnaires, allait demeurer. Elle permettait d’identifier une constellation d’écrivains et de polémistes qui, après la liquidation de mai 68 et la chute brutale du communisme soviétique, retrouvait la morgue impatiente de la droite râleuse et rageuse telle que la France l’a connue du temps de Charles Maurras et de Henri Béraud. Nombre des auteurs ainsi désignés allaient répliquer à Lindenberg, l’accusant de tous les maux. Mais s’agissait-il d’une seule et même mouvance ou au moins de quelque personnage collectif ? Ou plutôt avait-on à faire à autant d’interventions singulières et dispersées ? En tout cas, à travers ces réactionnaires de tout poil, une idéologie se donnant pour réfractaire aux valeurs régnantes et au “politiquement correct” se manifesta clairement et profita des échos qu’elle obtenait dans les tribunes médiatiques pour faire de sa position minoritaire et de son discours hétérodoxe un levier puissant et qui ne trouvait pas de véritable équivalent dans le camp dit progressiste.

    #néo-réactionnaires #droite_décomplexée