person:daniel tanuro

  • La plongée des « collapsologues » dans la régression archaïque – Daniel Tanuro
    http://www.contretemps.eu/critique-collapsologie-regression-archaique

    A l’heure où la jeunesse de différents pays entame des mobilisations de masse face à la catastrophe climatique, se pose de façon d’autant plus urgente la nécessité de débattre des cadres d’analyses et des réponses politiques face à la crise environnementale. Parmi les courants de pensée les plus récents sur le marché éditorial, la collaposologie[1] s’avère être un succès de librairie, en particulier grâce aux livres co-écrits par Pablo Servigne. Ce succès, largement porté par une campagne publicitaire des plus classiques, est-il un bon signe pour les luttes écologiques et sociales ? Ou n’obscurcit-il pas les horizons émancipateurs que de telles luttes sont à même dessiner ?

    « Le regard tourné vers l’avant est d’autant plus pénétrant qu’il est conscient. L’intuition, authentique, se veut nette et précise. Ce n’est que si la raison se met à parler que l’espérance, vierge de toute fraude, recommence à fleurir » (Ernst Bloch)

     

    Dans leur ouvrage Comment tout peut s’effondrer, paru en 2014, Pablo Servigne et Rafaël Stevens créaient le concept de « collapsologie », qu’ils définissaient comme suit :

    « La collapsologie est l’exercice transdisciplinaire d’étude de l’effondrement de notre civilisation industrielle et de ce qui pourrait lui succéder, en s’appuyant sur les deux modes cognitifs que sont la raison et l’intuition et sur des travaux scientifiques reconnus ».

    Ce n’était qu’un point de départ. En 2017, Pablo Servigne signait un deuxième ouvrage – L’autre loi de la jungle – avec Gauthier Chapelle. Les auteurs y reprenaient la thèse de l’anarchiste russe Kropotkine qui, dans un essai célèbre, paru en 1902, défendait l’idée – déjà émise par Marx et Engels – que l’évolution des espèces ne résulte pas seulement de la compétition, mais aussi de l’entraide[2]. Enfin, en octobre 2018, le trio Servigne-Chapelle-Stevens signait Une autre fin du monde est possible. Vivre l’effondrement et pas seulement y survivre.

    L’impact de cette trilogie mérite qu’on s’y arrête. Les « collapsologues » jouissent en effet d’une grande renommée, dans des milieux extrêmement différents. D’une part, ils sont fort populaires sur les réseaux sociaux, dans des mouvances alternatives et auprès de nombreux/ses activistes de la mouvance écologique radicale. D’autre part, ils ont été reçus à Bercy et à l’Elysée, invités par les fédérations patronales de Belgique et de Suisse et les plus grands médias mainstream ont amplement commenté leurs écrits. Certains journaux dits « de qualité » ont même été jusqu’à saluer en eux les fondateurs d’une nouvelle discipline scientifique…Qu’est-ce donc qui suscite tant d’intérêt, voire d’engouement ?

    On se concentrera ici sur le dernier livre paru, Une autre fin du monde est possible. Pablo Servigne et ses amis y répondent implicitement à certaines critiques, en ignorent d’autres et approfondissent des thèmes développés précédemment. La grande nouveauté de l’ouvrage est de proposer aux lecteurs de passer de la « collapsologie » à la « collapsosophie », autrement dit de la science de l’effondrement à la philosophie de l’effondrement. On verra que cet exercice ambitieux les entraîne vers des conceptions fort discutables, et même dangereuses.

    #collapsologie #naturalisation_des_rapports_sociaux

    • Eh bé ça va loin là…

      D’emblée, le lecteur est frappé par une contradiction : Servigne, Stevens et Chapelle découvrent l’écoféminisme… mais Une autre fin du monde n’évoque ni la lutte des femmes pour leur émancipation, ni la nécessité d’un mouvement autonome des femmes, ni la place centrale de ce mouvement dans les combats contre la destruction environnementale et sociale. Les auteurs préfèrent développer l’idée que les « archétypes féminin et masculin » sont « des polarités qui ne s’opposent pas ». Estimant que « les hommes souffrent aussi de la blessure secrète du patriarcat », ils plaident pour la « réconciliation hommes-femmes » et nous invitent à pratiquer à cet effet des « rituels initiatiques ».

      C’est là que la « collapsosophie » dérape pour plonger dans la régression archaïque, non seulement en paroles, mais en actes. Question rituels, les auteurs recommandent en effet leurs bonnes adresses : aux lecteurs mâles, ils conseillent de suivre, comme ils l’ont fait eux-mêmes, les week-ends d’initiation du « nouveau guerrier » (New Warrior Training Adventure) organisés par le ManKind Project, dont ils chantent les louanges.

      Ce ManKind Project est un business mis sur pied par trois étasuniens à l’initiative d’un certain Bill Kauth. Pour celui-ci, psychothérapeute jungien, il s’agissait de répondre à la vague féministe des années quatre-vingts. Impressionné par le potentiel émancipateur des groupements féministes, Kauth décida de mettre sur pieds des groupes non mixtes censés permettre aux hommes aussi de se libérer, en retrouvant leurs racines profondes et leur âme de mâles « adultes et sains ». Bref, en assumant leur archétype masculin.

      #anti-féminisme #essentialisme #masculinisme

    • Merci @aude_v !

      #Daniel_Tanuro avait déjà écrit des articles un peu critiques sur ce sujet :

      Une critique de la « collapsologie » : C’est la lutte qui est à l’ordre du jour, pas la résignation endeuillée
      https://www.gaucheanticapitaliste.org/leffondrement-des-societes-humaines-est-il-inevitable-une-cri

      Crise socio-écologique : Pablo Servigne et Rafaël Stevens, ou l’effondrement dans la joie
      http://www.lcr-lagauche.org/pablo-servigne-et-rafael-stevens-ou-leffondrement-dans-la-joie

      Et il y a un article de Pierre Thiesset dans de numéro de mars de La Décroissance qui montre bien comment ces "scientifiques" se font les dupes volontaires et enthousiates de diverses mystoqueries...

    • Ceci dit, chez Adrastia, ils ont même prévu un kit de « résilience » : une sacoche de biffetons bien planquée sous un matelas (et quelques marchandise trocables accumulées en réserve), solutions on ne peut plus efficace pour assurer sa survie en milieu hostile : chacun pour soi et la monnaie pour tous. Mais c’est tellement « bien argumenté », que ces vieux réflexes d’accumulation (en cas de guerre, en cas de crise ou de victoire de la gauche) et bien ça passe crème, enfin chez les CSP++, je suppose. Mais sinon, l’essentiel est de garder sa capacité à « faire société » hein ! ... Un faire société en mode « arnaquez-vous les uns les autres et malheur aux vaincus ». Une somme pour tous les bons petits soldats (guerriers sains, droits et courageux d’avant le patriarcat) du capitalisme productiviste ’globalized’

      http://adrastia.org/plan-damortissement-des-chocs-deffondrement

      Je suis un citoyen lambda, plutôt aisé, ingénieur et entrepreneur, maison, famille nombreuse, les deux pieds dans le système, le bon hamster dans sa roue en fait.

      C’est on ne peut plus clair, non ?

      #la_résilience_sans_peine #darwinisme_social #pourritures #hamster (et fier de l’être)

    • Où l’on découvre un nouveau syndrome dépressif : l’éco-anxiété :
      https://www.francetvinfo.fr/sante/environnement-et-sante/quand-le-changement-climatique-attaque-la-sante-mentale-et-si-votre-dep

      (et aussi)
      Histoire en BD d’un jeune couple gentil qui décide de passer à la « résilience ».
      http://adrastia.org/tout-va-bien-enfin-ca-va-aller

      Plüche est illustratrice et travaille sur un projet de BD, Nours est menuisier et travaille en parallèle sur des projets d’écriture et de photographie. Tous les deux sont fusionnels et vivent heureux et modestement. Mais en ce début d’année, l’équilibre économique mondial commence à s’effriter sérieusement et nos deux personnages, habitants d’une grande ville et loin d’être autonomes, vont subir ce qui se révèlera être la plus grande crise économique que l’Histoire ait connue.

      Pour passer direct à la lecture de la BD :
      https://bdtoutvabien.tumblr.com/post/179654965981/tout-va-bien-sur-vos-%C3%A9crans-en-janvier-2019

      Où l’on découvre (page 12) l’engouement de nos deux jeunes gens pour la collapsologie :
      Madame écoute (en faisant un peu d’exercice physique) une interview de Pablo Servigne (sur la chaîne Youtube de Thinkerview)
      Dialogue entre Madame et Monsieur (page 13) :
      Elle : Il faut que tu écoutes cet interview.
      Lui : D’accord. Je ferai ça cet aprèm en allant à l’atelier.
      Elle : J’ai écouté le début.
      Lui (les pieds déjà sous la table) : Notre cher Pablo est toujours aussi calme ?
      Elle (finissant de réchauffer une gamelle de pâtes) : Ah, toujours.
      (Puis faisant une petite bise affectueuse à Monsieur qui semble un peu contrarié quand même)
      Et toujours aussi beau !

      (Ouch ! ...)

  • Canicule : un avertissement très sérieux ! Par Daniel Tanuro
    https://www.gaucheanticapitaliste.org/canicule-un-avertissement-tres-serieux

    Il est difficile – pas impossible, mais ça se fera après coup – d’établir avec certitude que la canicule actuelle en Europe est due au changement climatique. Ce qui est certain par contre, absolument certain, c’est 1°) que cet évènement météorologique est cohérent avec les projections des climatologues qui étudient le “global warming” ; 2°) que la multiplication des phénomènes météorologiques extrêmes comme celui-ci renforce évidemment l’idée que c’est bien le changement climatique “anthropique” qui nous fait transpirer, menace nos ressources en eau (entre autres choses)… et peut même tuer dramatiquement des personnes, comme en Grèce...

    Daniel Tanuro

    Ingénieur agronome de formation se définissant comme marxiste, Daniel Tanuro a contribué à créer l’ONG « Climat et Justice sociale ». Il a publié « L’impossible capitalisme vert » aux éditions de La Découverte

  • L’effondrement des sociétés humaines est-il inévitable ? – CONTRETEMPS
    http://www.contretemps.eu/effondrement-societes-humaines-tanuro

    La « #collapsologie » et l’écosocialisme présentent certains points communs mais aussi de sérieuses différences. Il faut souhaiter que le débat permette de les aplanir, ou à défaut de les clarifier. C’est dans cet esprit que cette contribution est écrite. Nous sommes d’accord sur un point important : il ne s’agit pas d’une crise, au sens où on parle d’une crise économique ou d’une crise de foie, c’est-à-dire de phénomènes passagers. Ce à quoi nous sommes confrontés est infiniment plus grave. Mais l’avenir reste ouvert, malgré tout. C’est la lutte qui est à l’ordre du jour, pas la résignation endeuillée.

    Selon le programme international géosphère-biosphère, la soutenabilité de la civilisation humaine dépend de neuf paramètres écologiques. On définit pour chacun une frontière de dangerosité à ne pas franchir. La reconstitution en cours de la couche d’ozone est le seul point positif. La frontière est inconnue pour deux paramètres. Elle est franchie pour trois des six autres : le déclin de la biodiversité, la perturbation du cycle de l’azote et la concentration atmosphérique en gaz à effet de serre.

    #it_has_begun

  • La revue #Contretemps aborde le thème de l’effondrement.

    D’abord avec une interview passionnante mais assez intense de #Pablo_Servigne par #Sarah_Kilani, qui remet en cause sa vision de la collapsologie comme étant presque trop « apolitique », parce qu’elle refuse de mettre le capitalisme au sommet des causes de cet effondrement en cours :

    Effondrement ou autre futur ? Entretien avec Pablo Servigne
    Pablo Servigne et Sarah Kilani, Contretemps, le 6 mars 2018
    https://www.contretemps.eu/effondrement-ou-autre-futur-entretien-avec-pablo-servigne

    La revue en rajoute une couche avec cet article de #Daniel_Tanuro qui prétend que ce n’est justement qu’en reconnaissant que le capitalisme est la source du problème qu’on entrevoit la solution et qu’on peut envisager d’éviter la catastrophe et la fin du monde :

    L’effondrement des sociétés humaines est-il inévitable ?
    Daniel Tanuro, Contretemps, le 19 juin 2018
    https://seenthis.net/messages/703555

    Enfin, et pour abonder dans ce sens, #Renaud_Bécot vante le livre d’#Andreas_Malm, qui préfère le mot capitalocène à celui d’anthropocène, qui lie l’avènement du #changement_climatique aux contradictions du #capitalisme_tardif, et les mobilisations sociales et environnementales :

    L’anthropocène contre l’histoire. À propos d’un livre d’Andreas Malm
    Renaud Bécot, Contretemps, le 14 juin 2018
    https://seenthis.net/messages/703553

    On les ajoute donc à la troisième compilation :
    https://seenthis.net/messages/680147

    #effondrement #collapsologie #catastrophe #fin_du_monde #it_has_begun #Anthropocène #capitalocène

  • L’#anthropocène contre l’#histoire. À propos d’un livre d’Andreas #Malm#CONTRETEMPS
    https://www.contretemps.eu/anthropocene-capital-malm

    "le #changement_climatique pourrait bien être l’accélérateur du XXIe siècle, en précipitant les contradictions du #capitalisme_tardif »

    Malm considère ainsi que la déstabilisation politique syrienne résulte d’une interaction complexe entre la question climatique et des facteurs socio-idéologiques, dans la mesure où le climat constituerait un facteur d’accélération et d’intensification de conflits plus anciens concernant l’accès aux ressources. Réfutant à la fois un strict déterminisme environnemental et une explication purement politique, il démontre que

    « le changement climatique n’enlève rien aux iniquités du régime : il est constitué comme force déstabilisatrice en rapport avec elles »

    En second lieu, il invite à exprimer le fait que chaque mobilisation sociale contient un versant environnemental :

    « dans la mesure où le capitalisme actuel est totalement saturé d’énergie fossile, quasiment tous ceux qui participent à un #mouvement_social sous son règne combattent objectivement le réchauffement climatique, qu’ils s’en soucient ou non, qu’ils en subissent les conséquences ou pas »

  • L’eau contaminée de #Fukushima devrait être déversée dans le #Pacifique - polynésie 1ère
    http://la1ere.francetvinfo.fr/polynesie/eau-contaminee-fukushima-devrait-etre-deversee-pacifique-494789.

    Juillet 2017

    777.000 m3 d’eau ayant servi à refroidir les réacteurs ou issus des inondations dans les sous-sol de la centrale, sont stockées à la centrale #nucléaire de Fukushima. Un traitement supprime 62 molécules radioactives, mais pas le #tritium, un isotope radioactif qui ne peut pas disparaître par traitement industriel. L’eau est donc stockée depuis des années, mais les volumes atteignent des niveaux importants et Tepco cherche maintenant à s’en débarasser. L’exploitant, Takashi Kawamura, n’attend plus que le feu vert du gouvernement japonais.

    Le tritium existe naturellement dans l’environnement et les autorités affirment qu’il est présent en très petite quantité dans l’eau de Fukushima. Mais cette perspective d’un déversement inquiète la population locale et les pêcheurs. 

    Le 11 mars 2011, la centrale nucléaire de Fukushima avait été touchée par un tremblement de terre, suivi d’un tsunami. Trois des six réacteurs sont continuellement arrosés d’eau pour les refroidir.

    Fukushima Plant Is Releasing 770,000 Tons of Radioactive Water Into the Pacific Ocean
    http://www.truth-out.org/news/item/41564-fukushima-plant-is-releasing-tons-of-radioactive-water-into-the-pac

    “Once toxic tritium makes it into the environment, it will bind anywhere hydrogen binds,” Savabieasfahani said. “Imagine a toxic particle that can freely travel through our cells and bind to every molecule of life in our bodies and cause damage. Tritium is a carcinogen, a teratogen and a mutagen all rolled into one.”

    According to Savabieasfahani, there is no safe threshold level for tritium, as it can harm living organisms no matter how low its concentrations.

    • https://www.britannica.com/science/tritium
      http://www.truth-out.org/news/item/5210

      The event is known in Japanese as Fukushima #genpatsu-shinsai: from genpatsu, nuclear plant; shin, earthquake; and sai, disaster. Its gravity is classified as level 7 on the International Nuclear and Radiological Event Scale (INES), the maximum possible level and one reached only by the Chernobyl disaster.

      http://www.lifegate.com/people/news/fukushima-video

      The 26th of April 1986 is still an indelible date in the minds of millions of people around the world. The explosion that destroyed reactor number four at the Chernobyl Nuclear Power Plant in the former Soviet Union changed people’s perception of nuclear power forever, making them question its safety. Controversy regarding the death toll and environmental consequences is still an ongoing debate. An area of 2,600 square kilometres in Ukraine and Belarus, part of the Exclusion Zone, will be contaminated for at least the next 24,000 years.

      http://www.lifegate.com/people/lifestyle/chernobyl-30-years-later

    • La preuve par Fukushima : pas de nucléaire sans catastrophe !
      article de Daniel Tanuro publié le 15/03/2001.
      http://alencontre.org/asie/la-preuve-par-fukushima-pas-de-nucleaire-sans-catastrophe.html

      Windscale en 1957, Three Mile Island en 1979, Tchernobyl en 1986, Tokai Mura en 2000, et maintenant #Fukushima. La liste des accidents dans des centrales nucléaires continue de s’allonger. Il ne peut tout simplement pas en être autrement. Il n’est pas nécessaire d’être docteur en physique pour le comprendre . Une centrale nucléaire fonctionne un peu sur le mode d’une bouilloire électrique. La résistance dans la bouilloire correspond aux barres de combustibles dans la centrale.

      S’il n’y a pas d’eau dans la bouilloire et que la résistance chauffe, il y a un problème. Même chose dans la centrale : les barres de combustible doivent baigner en permanence dans l’eau qu’elles font bouillir. La vapeur produite fait tourner des turbines qui produisent l’électricité. La centrale consomme donc de grandes quantités d’eau dont la circulation est assurée par des pompes.

      Si les pompes tombent en panne, l’eau vient à manquer et les barres surchauffées se dégradent. Si on n’ajoute pas rapidement de l’eau, la chaleur produite par la réaction au sein des barres est telle que les barres fondent et tombent sur le fond de la cuve(qui correspond à l’enveloppe de la bouilloire). Cette cuve à son tour est enfermée dans une double enceinte de sécurité : le réacteur dont tout le monde connaît la silhouette extérieure, qui est caractéristique. Si cette enceinte ne résiste pas à la chaleur intense des barres en fusion et qu’elle se fissure, la #radioactivité est lâchée dans l’environnement, avec toutes les conséquences mortelles qui en découlent.

      Une alternative à ce système infernal est plus urgente que jamais. Elle passe par la réduction radicale du temps de travail sans perte de salaire, avec embauche proportionnelle et baisse des cadences de travail : pour produire moins, il faut travailler moins, et le faire en redistribuant les richesses. Elle passe aussi par la propriété collective des secteurs de l’énergie et de la finance, car les renouvelables sont plus chers que les autres sources, et le resteront pendant une vingtaine d’années, au moins. Elle passe enfin par une planification à tous les niveaux, du local au global, afin de concilier le droit du Sud au développement et la sauvegarde des équilibres écologiques. En fin de compte, elle implique le projet écosocialiste d’une société produisant pour la satisfaction des besoins humains réels, démocratiquement déterminés, dans le respect des rythmes et des fonctionnements des écosystèmes.

      Faute d’une telle alternative, la #croissance_capitaliste provoquera toujours plus de catastrophes, sans satisfaire pour autant les besoins sociaux. Telle est, en dernière instance, la terrible leçon de Fukushima.

  • André, par delà l’espace grisâtre et le temps

    https://www.monde-diplomatique.fr/2017/08/KEUCHEYAN/57769

    Certains penseurs, parmi lesquels Jason W. Moore et Daniel Tanuro, suggèrent que le système n’a prospéré depuis trois siècles qu’en exploitant une nature gratuite ou bon marché. Cette ressource rare, le capitalisme l’a utilisée comme si elle était illimitée. Il s’en est servi non seulement comme d’une « entrée », captée sous forme de matières premières transformées en marchandises, mais aussi comme d’une « sortie », une « poubelle globale » où se déversent les déchets et les sous-produits de l’activité économique — les externalités négatives de l’accumulation du capital.

    [...]

    Dans un texte de 1974, le philosophe André Gorz affirmait déjà : « Le capitalisme, loin de succomber à la crise, la gérera comme il l’a toujours fait : des groupes financiers bien placés profiteront des difficultés de groupes rivaux pour les absorber à bas prix et étendre leur mainmise sur l’économie. Le pouvoir central renforcera son contrôle sur la société : des technocrates calculeront des normes “optimales” de dépollution et de production (9). »

    #écologie #économie #capitalisme

  • L’#agriculture ou la pire erreur de l’#histoire de l’humanité (par Jared Diamond & Clive Dennis) – Le Partage
    http://partage-le.com/2016/09/lagriculture-ou-la-pire-erreur-de-lhistoire-de-lhumanite-par-jared-diamo

    « L’agriculture est une invention humaine assez récente, et à bien des égards, ce fut l’une des idées les plus stupides de tous les temps. Les chasseurs-cueilleurs pouvaient subsister grâce à des milliers d’aliments sauvages. L’agriculture a changé tout cela, créant une dépendance accablante à quelques dizaines d’aliments domestiqués, nous rendant vulnérable aux famines, aux invasions de sauterelles et aux épidémies de mildiou. L’agriculture a permis l’#accumulation de ressources produites en surabondance et, inévitablement, à l’accumulation inéquitable ; ainsi la société fut stratifiée et divisée en #classes, et la #pauvreté finalement inventée ».

    • « Je ne pense pas que la plupart des chasseurs-cueilleurs cultivaient avant d’y être obligés, et lorsqu’ils ont fait la transition vers l’agriculture ils ont échangé la qualité pour la quantité »

      Donc c’est la contraception qu’il aurait fallu inventer.

    • C’est l’inverse de la contraception qui s’est produit. Dans un documentaire diffusé sur Arte (Sous la peau) le sujet du passage à l’agriculture était évoqué car l’alimentation changeant (75 plantes différentes consommées par les chasseurs-cueilleurs, une dizaine pour les agriculteurs) les bactéries ingérées ont changé (l’apparition des caries date de cette époque...)
      Par ailleurs les agricultrice étaient de vraie bêtes de somme pour les hommes donc, comme il est dit dans cet article :
      « Libérées du besoin de transporter leurs bébés durant une existence nomade, et sous pression en raison du besoin en bras pour labourer les champs, les femmes agricultrices ont eu tendance à tomber plus souvent enceinte que leurs congénères chasseuses-cueilleuses »

      Le docu de Arte précisait que les chasseuses-cueilleuses avaient en moyenne 1 enfant tous les 4-5 ans (avortement, infanticides...), l’intervale est passé à 2 ans chez les agricultrices (pour éviter les corvées agricoles).

    • Oui, mais comme cela est expliqué dans l’article (et confirmé a priori par plusieurs recherches), l’agriculture est née car les êtres humains devenaient malgré tout trop nombreux pour le mode de vie « chasseur/cueilleur » et c’était donc un moyen de produire plus (et ça a « permis » de se reproduire encore plus, donc le mouvement était irrémédiable).

    • Cet ancien article de Jared Diamond (1987), illustre une fois de plus son obsession pour la croissance démographique comme moteur principal de l’évolution des activités humaines. Cette obsession a été particulièrement critiquée à l’occasion de ces livres De l’inégalité parmi les sociétés (1997) et Effondrement : Comment les sociétés décident de leur disparition ou de leur survie (2005) voir en particulier les articles de Daniel Tanuro et le livre collectif Questioning Collapse https://seenthis.net/messages/519656

      Sur les pistes d’explication du développement de l’agriculture, on peut écouter Jean-Denis VIGNE (Archéozoologue et biologiste au Muséum National d’Histoire naturelle) dans cette conférence de mars 2014 où il relate l’état des récentes recherches (en particulier à partir de la quarantième minute). Il souligne à quel point les différentes causalités sont mêlées et l’importance de l’évolution culturelle comme moteur :

      https://www.youtube.com/watch?v=YQVr0Q86RXw

      Sinon il y a aussi les émission de Jean Claude Ameisen Sur les Épaules de Darwin consacrée à la naissance et la diffusion de l’agriculture :

      https://www.youtube.com/watch?v=BMKeRny7uFM

      https://www.youtube.com/watch?v=Ah2zZRKTdRs

      Les passages où Jared Diamond soutien la thèse de la croissance démographique :

      Ces éléments suggèrent que les indiens des Dickson Mounds, à l’instar de beaucoup d’autres peuples primitifs, se sont mis à cultiver, non par choix, mais par nécessité, afin de nourrir leur population en constante augmentation.

      [...]

      L’agriculture pouvait soutenir une population bien plus importante que la chasse, en dépit d’une qualité de vie plus pauvre.

      [...]

      Tandis que les densités de population des chasseurs-cueilleurs s’élevèrent doucement à la fin des périodes glaciaires, des groupes durent choisir entre nourrir plus de bouches en s’orientant vers l’agriculture , et trouver des moyens pour limiter cette croissance . Quelques groupes choisirent la première solution, incapables d’anticiper les mauvais côtés de l’agriculture et séduits par l’abondance éphémère dont ils bénéficièrent jusqu’à ce que la croissance de la population rattrape l’augmentation de la production de nourriture. Ces groupes-là se reproduisirent en grand nombre, puis s’en vinrent décimer les groupes qui avaient choisi de rester chasseurs-cueilleurs, parce qu’une centaine d’agriculteurs mal nourris peuvent quand même combattre un seul chasseur-cueilleur isolé. Les chasseurs-cueilleurs n’ont pas vraiment abandonné leur mode de vie, mais ceux qui s’étaient montrés assez raisonnables pour le conserver ont été expulsés, sauf des régions dont les agriculteurs ne voulaient pas.

      A ce stade, il est utile de rappeler l’accusation banale qui prétend que l’archéologie est un luxe, préoccupé par le passé lointain et n’offrant aucune leçon pour le présent. Les archéologues étudiant l’avènement de l’agriculture ont reconstitué une période cruciale, celle où nous avons commis la pire erreur de l’histoire humaine. Sommés de choisir entre limiter la population ou essayer d’augmenter la production de nourriture, nous avons choisi cette dernière solution et ainsi subi la famine, la guerre, et la tyrannie.

      #néolithique

    • @fsoulabaille j’ai pas l’impression qu’on a lu le même texte. Tu dit que ce sont les hommes (avec un petit h, donc à l’exclusion des femmes) qui sont transformés en bêtes de somme, alors que l’article parle des femmes très clairement et donne des exemple de femmes qui portent les fardeaux les plus lourds tandis que les hommes se baladent les mains vides.

      Et je sais pas ou tu as lu que les femmes agricultrices évitent des corvées lorsqu’elles ont deux fois plus d’enfants que les femmes chasseuses-ceuilleuses. La différence c’est que les chasseuses-ceuilleuses devaient porter les enfants pendant presque 4 ans sur leur dos pour la cueillettes et la chasse puisqu’ils fallait se déplacé pour avoire des ressources. Alors que dans le système agricole sédentaire, elles peuvent les poser plus tot au sol à coté d’elles pour travailler plus et enfanter plus. C’est pas vraiment ce que j’appelle « évité des corvées », c’est plutot à l’inverse une multiplications des corvées et charges de travail pour les femmes.

      Encore aujourd’hui dans l’agriculture les femmes travaillent plus que les hommes puisqu’elles sont au champs, au transport des marchandises, doivent allé chercher l’eau, le bois pour le foyer, et aussi à la maison à faire les tâches domestiques, les repas, soins aux enfants, soins des vieux, des bêtes... J’ai jamais vu que les femmes agricultrices soient dispensé de travaille au prétexte d’être enceintes, mais elles sont par contre dispensé de reconnaissance de leur travail, de rémunération, d’une alimentation correcte... L’article ne dit pas que les femmes enceintes agricultrices se la coulent douce et ca serait bien de documenté cette affirmation qui me semble une déformation de la culture bourgeoise occidentale moderne.

      Il y a aussi le fait que les hommes agriculteurs se réservent les outils et en privent les femmes. Voire Paola Tabet à ce sujet. Les hommes utilisent le bœuf, ânes ou le cheval de trait pour tirer la charrue et les femmes font tout à la main, si c’est pas elles qui sont harnachées à la charrue avec les bête.

  • Je constate un manque dans l’incroyable somme de références que fait vivre Seenthis, tout un ensemble d’articles critiques, en particulier ceux de #Daniel_Tanuro, portant sur #Jared_Diamond et ses livres :
    - Guns, Germs, and Steel : The Fates of Human Societies (1997) traduit en français par De l’inégalité parmi les sociétés : Essai sur l’homme et l’environnement dans l’histoire
    - #Collapse : How Societies Choose to Fail or Survive (2005) traduit en français sous le titre Effondrement : Comment les sociétés décident de leur disparition ou de leur survie

    et la réponse universitaire pour les déconstruire :

    Questioning Collapse - Human Resilience, Ecological Vulnerability, and the Aftermath of Empire (2010) http://www.cambridge.org/fr/academic/subjects/archaeology/archaeological-science/questioning-collapse-human-resilience-ecological-vulnerability-and-afterm

    L’inquiétante pensée du mentor écologiste de M. Sarkozy - par Daniel Tanuro ; décembre 2007
    https://www.monde-diplomatique.fr/2007/12/TANURO/15400

    Quand il passe à l’analyse de la crise contemporaine, l’ouvrage dresse une liste de problèmes environnementaux (destruction des écosystèmes naturels, prélèvement excessif sur les ressources, déclin de la biodiversité, érosion et dégradation des sols, exploitation inconsidérée des stocks d’énergies fossiles, surexploitation des ressources en eau douce, empoisonnement chimique, propagation d’espèces invasives, réchauffement dû à l’effet de serre) qui, curieusement, inclut aussi la croissance de la population humaine et la croissance de l’impact de cette population sur l’environnement. Cette croissance « affecte tous les autres problèmes », dit Diamond. Une démarche contestable. En effet, puisque la crise écologique est due au mode social d’activité, composer une liste de « problèmes écologiques » incluant une seule dimension de cette activité ne peut que désigner automatiquement cette dimension-là comme « le » superproblème déterminant tous les autres.

    [...]

    S’agissant de l’état de l’environnement dans son pays, l’auteur croit pouvoir affirmer que « les plaintes exprimées par quasiment tout le monde à Los Angeles sont celles qui sont liées directement à notre population déjà élevée et qui continue de croître : nos embouteillages incurables ; le prix très élevé des logements, résultat du fait que des millions de gens travaillent dans quelques centres d’emploi alors qu’il n’y a qu’un espace résidentiel limité autour de ces centres ».

    [...]

    Dans chaque cas, la méthode suivie consiste à dépouiller le problème étudié de tout ce qu’il a de social, de politique et d’économique, pour ne laisser subsister que de prétendues causes environnementales. Celles-ci sont ensuite ramenées au fait que la population trop élevée continue malgré tout à croître.

    [...]

    Voici par exemple ce qu’on peut lire en conclusion d’un paragraphe décrivant les ravages causés aux forêts américaines par diverses espèces invasives de champignons et d’insectes originaires de Chine : « Une autre espèce dont la Chine a une population abondante, qui a de grands impacts écologiques et économiques, et qu’elle exporte en nombres croissants, est Homo sapiens. Par exemple, la Chine est passée à la troisième place en tant que source d’immigration légale en Australie, et des nombres significatifs d’immigrants, illégaux aussi bien que légaux, traversant l’océan Pacifique, atteignent même les Etats-Unis. »

    [...]

    Pour bien saisir ce point, il nous faut attirer l’attention sur un autre tour de passe-passe de notre auteur à succès. La liste des problèmes environnementaux qu’il dresse comporte non seulement la croissance de la population mais aussi la croissance de l’impact environnemental de la population, par habitant. A première vue, on s’attend à ce que ce concept d’impact soit introduit pour relativiser l’importance des effectifs absolus, puisqu’un même nombre d’êtres humains peut avoir des effets environnementaux fort différents en fonction du mode social de production et de consommation. #Effondrement, en fait, ne s’intéresse pas, en priorité, à l’impact écologique par personne, mais à la croissance de cet impact. Or, comme cette croissance est aujourd’hui plus grande dans certains pays en voie de développement que dans les pays développés, l’attention est détournée de l’injustice des rapports Nord-Sud pour être focalisée sur la menace écologique consécutive au développement des pays pauvres. Ainsi, par un déplacement d’accent à peine perceptible, Diamond parvient à modifier complètement la perception de la situation environnementale au niveau mondial.

    [...]

    Discutant de la sécurité alimentaire, l’auteur d’Effondrement prétend répondre à l’argument suivant : « Il n’y a pas vraiment un problème alimentaire ; il y a assez de nourriture ; on doit seulement résoudre le problème du transport et de la distribution de cette nourriture vers les endroits où elle est nécessaire. » Il faut noter que Diamond, ici, formule lui-même l’objection à laquelle il veut répliquer. Ce faisant, il réduit le problème social de la production et de la distribution de nourriture à une simple question de transport, c’est-à-dire qu’il met dans la bouche de ses adversaires l’idée qu’il suffirait, pour éradiquer la famine, d’acheminer systématiquement la nourriture des lieux où elle peut être produite en surabondance vers les lieux où elle fait défaut.

    Cette caricature lui permet d’escamoter la manière dont l’agrobusiness, par la concurrence, détruit l’agriculture paysanne dans les pays en voie de développement. Or, une fois ce facteur socio-économique écarté de l’analyse, on peut se borner à constater que « certains pays développés, comme les Etats-Unis, produisent ou peuvent produire plus de nourriture que ce que leurs citoyens consomment » et que certains pays du tiers-monde n’y arrivent pas, et on peut faire comme s’il s’agissait dans les deux cas du résultat de conditions naturelles, telles que la pluviosité ou la qualité des sols. Si on ne dit rien du processus au terme duquel on en est arrivé là, alors on peut propager l’idée que la faim découle du refus de certains peuples de s’autolimiter pour respecter ces conditions physiques, alors que celles-ci leur sont imposées par la nature.

    Cet article de Tanuro publié dans Le Monde Diplomatique a fait l’objet de critiques qui ont été publiées et auxquelles Tanuro a répondu de manière convaincante :

    « Effondrement », de Jared Diamond ; janvier 2008
    http://blog.mondediplo.net/2008-01-18-Effondrement-de-Jared-Diamond

    Je retiens surtout des nouveaux apports de Tanuro ces deux passages :

    S’agissant de la protection des forêts en Europe à la fin du Moyen Age, par exemple, il s’appuie sur la très discutable théorie de la « tragédie des communs » de Garrett Hardin (qui veut qu’un bien commun soit inévitablement pillé et saccagé) pour présenter la suppression des droits coutumiers et l’appropriation violente des forêts par les hobereaux allemands, au XVIe siècle (Guerre des Paysans), comme une sage décision et un exemple à suivre dans la protection de l’environnement (p. 523).

    Ce qui me permet de taguer #propriétarien

    et :

    Jared Diamond a un talent de conteur et il brasse une masse de faits souvent captivants. Pour autant, Effondrement n’est pas un modèle de rigueur : la description du mécanisme du changement climatique est fausse (les gaz à effet de serre « n’absorbent » pas la lumière du soleil, au contraire ils la laissent passer !) (p. 493) ; la formule de l’impact humain sur l’environnement (l’impact = la population multipliée par le taux d’impact individuel, I = P x i) (p. 524) est abandonnée depuis 30 ans au profit d’une formule qui reste discutable, mais qui prend au moins en compte la richesse et les technologies d’une société (l’impact = la population multipliée par la richesse multipliée par la technologie, I = P x A x T (3)) ; l’affirmation fantaisiste que l’humanité est en passe d’utiliser la presque totalité du potentiel de conversion de l’énergie solaire par les plantes vertes, de sorte que les communautés végétales naturelles ne disposeront bientôt plus que d’une part infime du rayonnement (théorie du « plafond photosynthétique », p. 491 (4)), amalgame abusivement la part utilisée et la part influencée de la capacité photosynthétique globale.

    La deuxième partie des réponses est aussi intéressante, elle porte sur "la théorie de l’effondrement environnemental" dont le débat est plus scientifique que politique. Deux passages intéressants :

    M. Bernard Thierry résume ainsi le message d’Effondrement : « Par le passé des sociétés humaines ont probablement disparu parce qu’elles avaient détruit leur milieu naturel en exploitant ses ressources au-delà de ce qu’il pouvait supporter. Méditons leur sort pour ne pas répéter leurs erreurs. » Ce résumé me semble exact, à condition d’y inclure le rôle clé de la croissance démographique. L’ensemble constitue ce que Diamond appelle un « écocide ». Or, l’histoire du Groenland telle qu’il la reconstitue ne constitue pas un cas d’écocide, mais un exemple d’incapacité d’une société à s’adapter à un changement de conditions naturelles. Ce n’est pas la même chose.

    [...]

    La théorie de l’écocide élucide-t-elle l’énigme de l’île de Pâques ? Telle est la question. Il me semble très probable que les Polynésiens aient dégradé gravement leur environnement. Mais je doute qu’ils aient provoqué un effondrement au sens où l’entend Diamond : une population qui atteint 15 000 habitants environ, puis sombre dans la barbarie parce qu’elle excède trois ou quatre fois les possibilités de l’écosystème, et chute brutalement à 3 000.

    Voici mon principal argument : il me semble impossible qu’une société néolithique qui ne connaissait pas la roue et n’élevait pas de bêtes de trait ait pu développer la productivité agricole au point de nourrir 15 000 êtres humains sur 165 km2, soit 90 habitants/km2. Selon la monumentale Histoire des agricultures du monde de Marcel Mazoyer et Laurence Roudart, une telle densité représenterait trois fois celles de la Grèce et de l’Italie antiques. Ainsi, l’agriculture pascuane se situerait presque au niveau de productivité du système agraire ultra-performant de l’Egypte pharaonique. Il me semble exclu que de tels résultats aient été atteints dans les conditions de l’île de Pâques, que Diamond décrit comme non-optimales.

    Et sa conclusion :

    En tant qu’environnementaliste, je suis très conscient du fait que le monde va au-devant de graves catastrophes écologiques entraînant de très sérieuses conséquences sociales. [...] Mais ce risque, selon moi, ne se place pas sous le signe de la continuité avec les sociétés du passé. Il se place au contraire sous le signe de la nouveauté radicale. Aucune société dans l’histoire n’a été guidée par la soif inextinguible de profit qui pousse les propriétaires de capitaux à accumuler toujours plus pour produire toujours plus et vendre toujours plus en créant toujours plus de besoins. Aucune société du passé n’a développé une technologie aussi terrible que le nucléaire. Cette situation est sans précédent et elle fait peser une menace sans précédent.

    Ce ne sont donc pas « les problèmes des anciens Mayas, des Anasazis et des Pascuans qui se reproduisent dans le monde moderne », comme l’écrit Diamond : ce sont les problèmes de la société capitaliste moderne qui deviennent de plus en plus aigus. Les « pénuries alimentaires, les famines, les guerres » d’aujourd’hui ne sont pas « dues au fait que trop de gens luttent pour trop peu de ressources » : elles sont dues au fait que les nantis s’approprient les ressources et se donnent les moyens militaires de continuer à les piller pour leur profit. « Les révolutions, les changements de régime violents, l’effondrement de l’autorité, le génocide, la mortalité infantile élevée » ne sont pas « des mesures de la pression environnementale et démographique » : ce sont des mesures de l’injustice, de l’oppression, de l’exploitation et de la barbarie montante, etc.

    S’agissant du monde d’aujourd’hui, c’est peu dire qu’Effondrement détourne l’attention des questions sociales [...] Les bons points environnementaux que Diamond décerne à Chevron, groupe privé, et les mauvais points qu’il attribue à la Compagnie nationale indonésienne du pétrole (pp. 442-443), prennent ici tout leur sens [...]

    « Questioning Collapse » : des historiens et des anthropologues réfutent la thèse de « l’écocide » Par Daniel Tanuro ; 17 Mars 2012
    http://www.lcr-lagauche.be/cm/index.php?option=com_content&view=article&Itemid=53&id=2431

    Dont le passage le plus important est cette explication des liens entre les deux livres de Jared Diamond :

    Signé par Frederick Errington et Deborah Gewertz, ce dernier article démonte remarquablement le « système Diamond ». Comme le notent les auteurs, ce système présente un paradoxe : « ‘De l’ #inégalité parmi les sociétés’ est bâti sur la thèse d’un déterminisme géographique rigide (ceux qui avaient « les armes, les germes – de maladie inconnues sous d’autres cieux - et l’acier » devaient dominer le monde), tandis que le second best seller de Diamond, ‘Effondrement’, avance au contraire l’idée que ‘les sociétés’ ont le choix entre ‘échouer et réussir ». Le mérite de Frederick Errington et de Deborah Gewertz est de mettre en évidence la « continuité entre les arguments des deux ouvrages ». Citons-les :

    « Dans aucun des deux ouvrages, (Diamond) ne considère adéquatement le contexte pour penser la façon dont les buts et les choix sont façonnés et contraints historiquement et culturellement. En effet, dans aucun des deux, (il) ne met en question les hypothèses reflétant le point de vue des puissants (that echo the perspectives of the powerful) : ceux qui contrôlent d’autres, ceux dont les choix dépassent – contraignent- les choix des autres. Donc, dans ‘De l’inégalité’, il considère que chacun choisirait inévitablement de dominer ; dans ‘Effondrement’, il suppose que chacun aurait une égale capacité de choisir. Dans ‘De l’inégalité’ personne n’est tenu pour responsable du cours de l’histoire, dans ‘Effondrement’ tout le monde l’est. Et dans les deux cas, ce sont, pensons-nous, les démunis (the have nots) qui supportent le blâme de l’histoire quand leurs existences et les circonstances sont mésinterprétées. ‘Effondrement’, à notre avis, est typique d’un genre d’histoire qui, en ignorant le contexte, brouille notre compréhension des processus qui affectent réellement le monde aujourd’hui – y compris les sérieux problèmes environnementaux auxquels il doit faire face. »

  • Espagne : les raisons de la révolte (Contretemps)
    http://www.contretemps.eu/interventions/espagne-raisons-r%C3%A9volte

    Daniel Tanuro : D’où vient cette extraordinaire mobilisation qui secoue l’État espagnol ? Miguel Romero : Pour comprendre, il faut remonter à la grève générale du 29 septembre 2010 contre le projet de réforme des retraites. Par rapport à ce qu’on avait connu les années précédentes, la grève avait été un succès. Un quart de la population environ y avait participé. Il faut savoir que le nombre de grèves a chuté ces dernières années dans l’État espagnol ; il y a un dialogue permanent entre les syndicats et le patronat sur les salaires et toutes les autres questions. La grève marquait donc une remobilisation sociale. Mais une offensive médiatique a immédiatement été déclenchée, présentant le mouvement comme un échec. (...)