person:david petraeus

  • Voyage dans l’Amérique en guerre (4/4) : une guerre sans limites

    http://www.lemonde.fr/ameriques/article/2017/01/06/voyage-dans-l-amerique-en-guerre-4-4-une-guerre-sans-limites_5058934_3222.ht

    Au nom de la lutte contre le djihadisme, le 11-Septembre a précipité les Etats-Unis dans quinze années de combats . Dernier volet de notre reportage dans un pays tourmenté.

    Tentant d’esquisser un bilan de ces quinze années, l’ex-colonel Andrew Bacevich, devenu historien et professeur à l’université de Boston, dénonce « la normalisation de la guerre. Pendant la guerre froide, le Vietnam et d’autres conflits, l’objectif politique final d’un président était la paix. Même les plus cyniques évoquaient la paix. Cette année, je n’ai entendu aucun des deux candidats à la présidentielle en parler. Ils promettent la guerre, pas la fin de la guerre ».

    Ce jour-là, à Boston, Andrew Bacevich a réuni chercheurs, militaires et espions pour une conférence intitulée « Quinze ans après le 11-Septembre ». Deux anciens pontes du renseignement s’interrogent. Ardent défenseur des programmes mis en œuvre depuis 2001, John Deutch, un ex-directeur de la CIA, constate que « le 11-Septembre a détruit tout le système sur lequel était bâtie la sécurité nationale américaine, où l’on faisait la différence entre l’extérieur et l’intérieur, et entre la guerre et la paix », et qu’il a bien fallu s’adapter à un monde nouveau.

    Andrew Bacevich, professeur à l’université de Boston (Massachusetts), le 14 septembre 2016.
    Nettement plus critique, Paul Pillar, un ancien du contre-terrorisme de la CIA et de l’état-major du renseignement, professeur à l’université Georgetown de Washington, dénonce « l’usage politique qui a été fait de la peur et des angoisses des Américains pour justifier à la fois la restriction des libertés et l’invasion de l’Irak. Alors que, franchement, il est impossible d’affirmer que nous sommes plus en sécurité aujourd’hui qu’il y a quinze ans ». S’adressant aux étudiants, et contrairement à beaucoup d’agents de la sécurité nationale qui se sont résignés à accompagner décisions politiques et avancées technologiques sans débat éthique, Pillar les conjure de « ne pas se résigner : ne prenez jamais la normalité pour inévitable ! »

    Au cours de ce voyage dans l’Amérique en guerre, une visite s’imposait. Un détour par Rockville, dans cet Etat du Maryland qui, avec la Virginie, accueille autour de Washington toute l’élite sécuritaire du pays. C’est là que vit un ancien espion, Marc Sageman, devenu au fil des années et de ses recherches peut-être le meilleur analyste du conflit entre l’Amérique et le djihad.

    Au cimetière d’Arlington (Virginie), le 21 septembre 2016.
    Sageman a vécu cette guerre à tous les postes : après avoir formé pour la CIA, dans les années 1980, les moudjahidin afghans et arabes qui combattaient les Russes en Afghanistan, après s’être ensuite frotté dans le monde civil à la criminalité en tant que médecin légiste et psychiatre, il est revenu aux affaires sensibles après le 11-Septembre, mû par « un sentiment de culpabilité d’avoir peut-être entraîné certains de ces types » et par « une envie de comprendre qui ils sont et ce qu’ils cherchent ».

    Il a repris du service pour le Pentagone à Washington et en Afghanistan, pour le FBI, pour la police de New York, pour le Secret Service chargé de la protection des présidents, et pour des instituts de recherche et des universités. C’est souvent lui, quelle que soit sa casquette, qu’on appelle pour interroger un djihadiste arrêté ici ou là, pour tenter d’évaluer la menace et de comprendre des motivations que la majorité des Américains considèrent comme incompréhensibles.

    POUR JOHN DEUTCH, UN EX-DIRECTEUR DE LA CIA, « LE 11-SEPTEMBRE A DÉTRUIT TOUT LE SYSTÈME SUR LEQUEL ÉTAIT BÂTIE LA SÉCURITÉ NATIONALE AMÉRICAINE, OÙ L’ON FAISAIT LA DIFFÉRENCE ENTRE L’EXTÉRIEUR ET L’INTÉRIEUR »

    Marc Sageman, qui a toujours jugé sévèrement les politiques étrangères de Bush puis d’Obama, est aujourd’hui encore plus désabusé que lors de conversations passées. « Même avec Obama, que j’ai pourtant soutenu, la situation a empiré. Il s’est entouré de faucons et est devenu faucon. Cette war on terror est incontrôlable. Elle a généré un complexe militaro-industriel de l’antiterrorisme dont les budgets se comptent en milliers de milliards de dollars. »

    L’ancien agent de la CIA à Islamabad n’est pas tendre non plus avec la préoccupation du moment, le front intérieur. Lui qui a pu interroger nombre de suspects arrêtés aux Etats-Unis estime que, malgré la menace réelle et quelques attaques réussies, « l’immense majorité de ces jeunes paumés ont été manipulés sur Internet par le FBI, qui parfois leur a même vendu les armes servant de preuves lors de leur arrestation ». « Au moins 400 arrestations ont été montées par le FBI pour des raisons de budget et de publicité. C’est la même technique que celle employée par John Edgar Hoover contre les communistes, puis contre les Noirs, puis contre les opposants à la guerre du Vietnam. Ces techniques avaient été suspendues après le Vietnam, sauf pour les dealers de drogue. Le FBI les a réactivées en 2001, soi-disant pour nous protéger de gens dangereux, mais en fait pour surveiller tout le monde et piéger qui il veut. »

    La torture, ligne de fracture

    Pour Marc Sageman, comme pour beaucoup d’Américains qui réfléchissent à l’onde de choc de ces conflits pour le pays et ses valeurs, la ligne de fracture de l’Amérique post-11-Septembre est la torture, ordonnée par Bush, puis supprimée par Obama sans être pénalement condamnée. « Raconter, comme dans le film Zero Dark Thirty, que la torture a permis de tuer Ben Laden, c’est vraiment de la connerie. Je connais le dossier. Cette histoire a été inventée par des types de la CIA qui ont enfumé les scénaristes du film. »

    L’ancien espion Marc Sageman, à Montgomery County (Maryland), le 19 septembre 2016.
    Son plus grand regret, à l’heure où Barack Obama va quitter la présidence, est « qu’il n’ait pas ordonné de poursuivre en justice nos criminels de guerre. Tant qu’il n’y aura pas de condamnation, ça recommencera ». Entraînant, comme avec Guantanamo ou Abou Ghraib, comme à chaque fois que l’Amérique n’est pas exemplaire sur l’état de droit, une augmentation significative du nombre de combattants ennemis.

    Kenneth Roth, le directeur de Human Rights Watch, la plus importante organisation de défense des droits de l’homme américaine, regrette lui aussi ce choix d’Obama, qui a supprimé l’utilisation de la torture le premier jour de sa présidence tout en excluant immédiatement de punir l’administration Bush pour ses excès. « Ne pas poursuivre en justice, c’est ramener la torture à une décision politique, au lieu de la rendre illégale. Obama l’a supprimée, ainsi que les détentions secrètes, mais ne pas condamner les responsables de la torture est un feu vert pour qu’un autre la rétablisse. »

    Lors d’une tournée d’entretiens avec des stratèges américains il y a huit ans, pendant l’hiver de transition entre Bush et Obama, beaucoup critiquaient déjà, pour des raisons diverses, la war on terror. Même si Ben Laden n’avait à l’époque pas encore été tué, chacun soulignait que le mot « guerre » semblait inadapté, puisque les responsables opérationnels des attaques du 11-Septembre, dont leur coordinateur Khalid Cheikh Mohammed, avaient été arrêtés au Pakistan par des moyens tout à fait classiques de renseignement et de police.

    POUR BEAUCOUP D’AMÉRICAINS QUI RÉFLÉCHISSENT À L’ONDE DE CHOC DE CES CONFLITS POUR LE PAYS ET SES VALEURS, LA LIGNE DE FRACTURE DE L’AMÉRIQUE POST-11-SEPTEMBRE EST LA TORTURE

    Si les années Obama ont permis un retour des troupes au bercail, elles n’ont en revanche pas inversé cette tendance à ne penser qu’en termes militaires. La militarisation de la lutte antidjihadiste est même telle, depuis que l’Etat islamique a bâti une armée de dizaines de milliers de combattants, que tout le monde a oublié que la réaction au 11-Septembre aurait peut-être pu être principalement policière, et plus personne ne critique la militarisation de la pensée. La réalité est là : aujourd’hui, en Irak et en Syrie mais également au Sahel, en Libye, au Yémen et ailleurs, seuls des moyens militaires peuvent venir à bout de certains groupes djihadistes, eux-mêmes désormais fortement militarisés.

    Quant à Khalid Cheikh Mohammed, il croupit toujours à Guantanamo, et même les Américains oublient de demander à leurs élus s’il sera un jour jugé pour ses crimes. « Avec le fait de ne pas juger nos criminels de guerre, c’est l’autre erreur d’Obama. Contrairement à Bush, lui aurait dû amener les responsables du 11-Septembre devant la justice, juge Kenneth Roth. C’est là aussi une décision liée à la torture : tout le système veut éviter des révélations sur ce sujet », certains aveux de Khalid Cheikh Mohammed ayant été extorqués lors de séances de waterboarding, la torture par suffocation dans l’eau.

    Le hasard – l’ironie pourrait-on dire, si le sujet de ces quinze ans de guerre n’était pas si tragique – est que ce voyage consacré à l’Amérique en guerre, commencé à New York un dimanche 11 septembre ensoleillé, s’achève, trois mois plus tard, en un pluvieux mois de décembre, sur le front de Mossoul.

    Dans cette ville marquée à la fois par ­Petraeus, par Al-Qaida et par l’Etat islamique, cette « capitale » des régions sunnites, des unités des forces spéciales irakiennes mènent la bataille contre l’EI. Ces soldats ont été formés par les Etats-Unis, qui ont depuis longtemps, en Irak comme ailleurs, adopté le concept de proxy war (« guerre par procuration ») afin d’éviter des engagements militaires directs. Les combats sont rudes. Les djihadistes finiront par perdre la « capitale » du « califat » proclamé par Abou Bakr Al-Baghdadi, l’héritier turbulent de Ben Laden et rival d’Al-Qaida, mais le fait même que cette bataille doive avoir lieu est l’aveu d’un échec colossal.

    Lors du premier débat présidentiel entre la démocrate Hillary Clinton et le républicain Donald Trump, à Oakland (Californie), le 26 septembre 2016.
    Quinze ans après le 11-Septembre, Ben Laden et ses 300 hommes ont muté en dizaines de milliers de combattants djihadistes, dont certains administrent depuis deux ans et demi villes et territoires en Irak et en Syrie, ont bâti une armée, peuvent envoyer une unité perpétrer des attentats jusqu’à Paris et Bruxelles et ont des partisans en armes dans beaucoup d’autres pays.

    Entre paix et peur

    « Le plus surprenant est tout de même d’avoir cette conversation quinze ans après, dit en souriant Peter Bergen. En 2001, jamais je n’aurais imaginé vivre cet état de guerre aujourd’hui. Puis il y a eu 2011, et moi aussi, comme beaucoup de monde, j’ai cru à la fin du problème djihadiste au moment de la mort de Ben Laden et des “printemps arabes”. »

    VINGT VÉTÉRANS SE SUICIDENT CHAQUE JOUR À TRAVERS LE PAYS, MAIS LES AMÉRICAINS NE PARLENT QUE DE « HÉROS » ET DE TEMPS GLORIEUX. NUL NE DOUTE DE LA PUISSANCE DU PAYS NI DE SES VALEURS FONDAMENTALES, MÊME LORSQU’ELLES SONT UN TEMPS TRAHIES.

    « C’est une question de temps. Al-Qaida et l’EI seront vaincus, prédit David Petraeus. Pour moi, la leçon de ces quinze années est que, malgré les erreurs commises le long du chemin, et alors qu’on prétend que les démocraties ne peuvent prétendument pas mener de “guerre longue”, cela se révèle être faux. Je ne pense pas que ce combat soit sans fin. C’est la guerre d’une génération. »

    Une guerre qui évolue : à la fin des années Bush, 180 000 soldats américains étaient déployés sur le champ de bataille ; à la fin des années Obama, presque tous sont rentrés chez eux, et le combat est principalement mené par les forces spéciales et les drones, en appui d’armées étrangères. Et, puisque la certitude est de faire face à une « guerre longue », celle-ci évoluera encore dans les années à venir, selon la façon dont le président élu Donald Trump abordera les questions stratégiques et militaires.

    La force des Etats-Unis réside peut-être là, dans ce paradoxe : le pays vit en même temps l’apogée du scepticisme et l’apogée du patriotisme. Alors que l’Amérique n’a enchaîné quasiment que des erreurs et des défaites depuis quinze ans – mis à part la mise hors d’état de nuire de Ben Laden et des organisateurs du ­11-Septembre –, nul ne doute de la victoire. Vingt vétérans se suicident chaque jour à travers le pays, mais les Américains ne parlent que de « héros » et de temps glorieux. Nul ne doute de la puissance du pays ni de ses valeurs fondamentales, même lorsqu’elles sont un temps trahies.

    Personne, mis à part l’écrivain Kevin Powers ou le chercheur Marc Sageman, ne mentionne les victimes autres qu’américaines, les morts, les blessés, les torturés, les vies ravagées. « Je ne veux pas savoir combien de gens nous avons tués depuis quinze ans… » : ces mots de Dick Couch pourraient être ceux d’une majorité d’Américains. Eux veillent (un peu) à panser les plaies de leurs blessés, ils célèbrent leurs morts, ils vouent un culte à leurs guerriers, et la minute d’après ils pensent à autre chose.

    Ils vivent en paix. Malgré leur peur irrationnelle d’un ennemi invisible, les Américains vivent en paix. D’où l’étonnement de les entendre parfois évoquer une « guerre sans fin ». D’où l’étonnement, alors que la menace ne fut jamais existentielle, lorsqu’ils laissent percevoir une peur qui confine parfois à la panique.

    Les Etats-Unis ne se perçoivent pas vraiment comme étant en guerre : ils vivent entre paix et peur. Et pourtant la crainte d’une « guerre sans fin » est très présente. Les Américains sont en fait dans l’illusion que guerre et paix appartiennent à des sphères différentes, cloisonnées, et que la guerre est l’affaire exclusive des militaires. Cette « guerre sans fin » de l’Amérique est une guerre non déclarée, indéfinie, sans véritable visage, ni territoire ni front. Plus qu’une guerre sans fin, c’est une guerre sans limites. C’est peut-être, après tout, la pire des guerres. Celle qui envahit les esprits. Celle qui empoisonne une société. Une guerre qui change un pays pour toujours, sans même qu’au fond, il sache très bien pourquoi…

    Au Lincoln Memorial, à Washington, le 19 septembre 2016.

  • Voyage dans l’Amérique en guerre (3/4) : sur le front intérieur

    http://www.lemonde.fr/ameriques/article/2017/01/05/voyage-dans-l-amerique-en-guerre-3-4-sur-le-front-interieur_5058295_3222.htm

    Au nom de la lutte contre le djihadisme, le 11-Septembre a précipité les Etats-Unis dans quinze années de combats. Troisième volet de notre reportage sur l’islam et la surveillance.

    A l’autre bout du pays, à Charlottesville (Virginie), un autre admirateur du général Petraeus a emprunté un tout autre chemin. Devenu opposant à la guerre, même s’il reste solidaire de ses camarades militaires, le pilote d’hélicoptère Tim Leroux, qui a servi à Mossoul sous ­Petraeus, se consacre aux Afghans et aux Irakiens qui ont émigré aux Etats-Unis, ainsi qu’aux immigrés récents tels que les Syriens. « De tous les êtres humains que j’ai eu la chance de rencontrer, j’ai deux hommes dans mon panthéon personnel : David Petraeus et M. Khan », assène Tim Leroux.

    Khizr Khan est devenu une gloire de Charlottesville depuis son apparition à la convention démocrate estivale, où il a brandi la Constitution des Etats-Unis en réponse à une promesse de campagne de Donald Trump d’interdire aux musulmans l’entrée du pays, accusant le candidat républicain de ne jamais l’avoir lue, et surtout depuis la réplique de Trump, insultante pour Khizr et Ghazala Khan, une famille intouchable depuis la mort du capitaine Humayun Khan, leur fils, tué en 2004 à Bakouba, en Irak.

    La famille musulmane la plus célèbre de l’année en Amérique a gardé avec l’armée et le régiment du fils défunt une relation exceptionnelle. Les Khan invitent chaque promotion de cadets à une réception dans leur jardin. Khizr Khan, après les avoir amenés dans le salon de réception transformé en ­mémorial à la gloire du disparu, leur offre à chacun cette Constitution américaine dont une pile trône sur la cheminée et dont un exemplaire ne le quitte jamais.

    « Je crois que les gens qui haïssent le plus la guerre sont les soldats et leurs familles, même si nous étions très fiers de notre fils, qui disait vouloir “vivre dans l’honneur”, raconte Khizr Khan. Quand le temps fut venu de partir en Irak, je lui ai conseillé de tenter d’éviter d’être déployé. Il m’a répondu que jamais il n’abandonnerait les hommes de son unité. Alors que Mme Khan et moi-même étions très engagés contre cette guerre d’Irak, lui, qui pensait aussi que ce conflit était une erreur, veillait sur ses soldats. Et il voulait être “un pont entre Irakiens et Américains”, comme il disait. Le vendredi, à Bakouba, il priait avec les Irakiens, qui l’appelaient “notre capitaine” et qui nous ont écrit après sa mort. »

    Khizr Muazzam Khan et Ghazala Khan, les parents d’Humayun Khan, à Charlottesville (Virginie), le 22 septembre 2016.

    Un jour, une voiture suspectée d’être piégée s’approche du poste où se trouve le capitaine Khan. Pour les protéger, il ordonne à ses hommes de rester en arrière. Il s’avance seul pour contrôler le véhicule, qui explose. Il est la seule victime de l’attentat avec les deux kamikazes. Décoré à titre posthume de la Bronze Star et de la Purple Heart, le capitaine est enterré dans la « section 60 » du cimetière national d’Arlington, là où reposent les soldats tués dans les guerres d’Afghanistan et d’Irak. Quelques jours après la commémoration du 11-Septembre, cette année, sa tombe, ornée de drapeaux américains et parsemée de lettres, était fleurie par des inconnus.

    De manière inattendue, les Khan, plus habitués aux hommages qu’aux insultes, ont été pris dans le tourbillon de la politique, et plus particulièrement dans la vision compliquée que le pays a aujourd’hui de l’islam. L’Amérique entretient un rapport passionnel avec la religion, le président prête serment sur la ­Bible, les télé-évangélistes transportent les foules, les églises sont le ciment de la communauté. Avec la même passion, la campagne de Donald Trump a fait surgir une critique virulente, voire une haine de l’islam.
    Les tueries notamment de Fort Hood, en 2009, et de Boston, en 2013, et, depuis un an, les attaques de San Bernardino et d’Orlando ont mis le pays en émoi

    Ghazala Khan raconte qu’« il est pourtant ­facile d’être musulman dans ce pays » et relate « les invitations des amis et voisins à parler de l’islam dans les églises ». Malgré la perte du fils aimé, parti faire une guerre qu’il n’approuvait pas, malgré les insultes de Donald Trump sur le voile de Ghazala, le couple Khan reste convaincu de vivre en terre promise. « La peur instinctive des musulmans, quand on regarde la télévision et les horribles nouvelles du monde entier, est presque légitime, pense Khizr Khan. Ces terroristes se sont accaparés notre religion et nous ont fait faire un saut de trente ans en arrière. Tous les musulmans du monde doivent se dresser contre eux, s’ériger en rempart ! »

    La peur du « terrorisme intérieur »

    Attentifs à ceux qui, comme eux, ont choisi l’Amérique comme terre d’exil, les Khan ont naturellement croisé le chemin de Tim ­Leroux. Charlottesville et sa région ont déjà accueilli beaucoup d’Afghans et d’Irakiens, venus grâce à des programmes spéciaux destinés aux citoyens de ces deux pays un temps occupés par les Etats-Unis. Leroux, ex-lieutenant-colonel, pilote d’hélicoptère Apache pendant vingt ans, qui s’est engagé « après avoir vu Top Gun, pour la gloire et les jolies femmes » et ayant connu « dix ans de paix suivis de dix ans de guerre », entraîne le visiteur, un pack de Coca à la main, sur le balcon du jardin.

    Medals and a training ceremony dedicated to fallen U.S. captain Humayun Saqib Muazzam Khan, are seen in his parents’ home in Charlottesville, Virginia on Sept. 22, 2016.

    « Lorsque nous avons envahi l’Irak, je travaillais pour le général Petraeus à Mossoul et j’étais convaincu de faire le bien. Nous allions libérer l’Irak et rentrer à la maison. J’ai mis des années à changer d’avis et à devenir très critique sur la politique de sécurité nationale des Etats-Unis. Lorsque quelqu’un, encore aujourd’hui, défend cette invasion, cela me paraît être de la pure folie. » Tim Leroux reprend une gorgée de Coca. Puis il raconte comment il est devenu la personne de référence pour les Afghans et les Irakiens qui atterrissent à Charlottesville. « L’une des raisons est probablement qu’il n’est pas un jour où je ne pense à M. Abbas, qui était mon traducteur en Irak et m’a sauvé la vie dans une embuscade tendue par des insurgés. J’ai perdu sa trace, mais il est dans mon cœur pour toujours. »

    Leroux s’est engagé à aider les familles ayant obtenu le visa spécial auquel ont droit ceux qui ont travaillé au moins un an pour l’armée américaine en Afghanistan ou en Irak, puis a étendu son action aux réfugiés de Syrie et d’ailleurs. Il s’est personnellement occupé de l’accueil de 62 familles. Son meilleur ami issu de ces communautés est Muhammad Wali Tasleem, un soldat qui a combattu treize ans les talibans dans les forces spéciales américaines et afghanes et qui travaille aujourd’hui à la caisse d’une station-service de Charlottesville.

    Muhammad Wali Tasleem et son meilleur ami Tim Leroux, à Charlottesville (Virginie), le 22 septembre.

    Tasleem a servi, prenant la suite de son père et de son oncle, avec les moudjahidin ­d’Ahmad Chah Massoud, l’emblématique chef de guerre afghan assassiné sur ordre de Ben Laden deux jours avant le 11-Septembre. Le chef djihadiste pensait que seul le commandant Massoud pouvait reconquérir l’Afghanistan contrôlé par les talibans : il n’avait pas tort, sauf que les hommes de Massoud sont parvenus à les renverser même une fois leur chef mort, avec l’aide des bombardiers et des forces spéciales américaines.

    « Ma famille a perdu beaucoup de monde dans le combat contre les talibans et Al-Qaida, et en tant que soldat j’ai perdu une vingtaine de mes camarades, raconte Wali Tasleem d’une voix neutre. J’ai passé treize ans à combattre sur les lignes de front les plus dures. Puis, il a fallu que je pense à l’avenir de mes cinq fils, et j’ai émigré aux Etats-Unis. L’arrivée a été difficile. Jusqu’à ce que je rencontre M. Tim. Il nous a beaucoup aidés, j’ai trouvé un travail, et mes enfants vont dans la meilleure école du coin. Maintenant, il faut que ma femme s’intègre aussi, qu’elle apprenne l’anglais et passe le permis de conduire. »
    Tasleem réfléchit. « Aujourd’hui je suis un musulman américain. C’est mon nouveau pays. Comme pour les Khan. Mais je vois bien que beaucoup de gens ici considèrent tous les musulmans comme des terroristes… » Il a dû quitter un premier emploi de garde de sécurité à l’université parce que, sans dire un mot, avec son visage buriné et ses yeux noirs perçants, il avait effrayé une étudiante qui s’en était émue auprès de la direction du campus.

    « La peur instinctive des musulmans, quand on regarde la télévision et les horribles nouvelles du monde entier, est presque légitime », pense Khizr Khan, dont le fils a été tué en Irak
    Car une des menaces qui s’est développée depuis quinze ans, depuis que le monde du djihad est passé de la cellule d’agents clandestins à l’ère du Web et des réseaux sociaux, ce sont ces jeunes inspirés par Al-Qaida ou plus récemment par l’Etat islamique, et qui deviennent ce que les services de renseignement décrivent comme des « loups solitaires ».

    Depuis l’affaire la plus retentissante de ces quinze dernières années, celle d’Anwar Al-Awlaki, un imam américano-yéménite devenu une figure très influente d’Al-Qaida dans la péninsule Arabique qu’Obama a fait exécuter en 2011 par un drone, malgré sa citoyenneté américaine et les problèmes juridiques que cela pouvait poser, les cas de radicalisation se sont multipliés. Les tueries notamment de Fort Hood, en 2009, et de Boston, en 2013, et, depuis un an, les attaques de San Bernardino et d’Orlando ont mis le pays en émoi.

    « Cette peur du “djihadiste américain” est irrationnelle, c’est un problème mineur ici, pense Peter Bergen, journaliste à CNN entré dans la légende pour avoir recueilli la déclaration de guerre de Ben Laden aux Etats-Unis en 1997, chercheur au think tank New America et auteur de United States of Jihad (non traduit, Crown, 2016). Nous n’avons eu que huit retours d’Américains de Syrie : sept sont en prison et le dernier est mort. Nous avons 360 procédures judiciaires ayant abouti à une condamnation, principalement contre des types qui se sont radicalisés à la maison devant leur ordinateur… Et puis les Etats-Unis sont objectivement l’un des meilleurs pays occidentaux pour un musulman. Le “rêve américain” fonctionne toujours. »

    En septembre, des attentats à la bombe ont été perpétrés à New York et dans le New Jersey. L’auteur des attaques, Ahmad Khan ­Rahimi, arrêté par la police, est afghan. Cela met Tasleem « très en colère ». « C’est justement à cause de ces problèmes qu’il faut ouvrir les bras aux réfugiés, pense Tim Leroux. Les enfants de Wali reçoivent parfois des pierres lorsqu’ils jouent au square, et ils se font traiter de terroristes. Si l’on ne s’occupe pas bien d’eux, qui dit que l’un des cinq ne peut pas un jour mal tourner ? Nous devons non seulement leur montrer du respect, mais être conscients que le premier rempart contre une éventuelle radicalisation d’un de ses fils, c’est Wali lui-même. Nous avons le devoir de l’aider à réussir l’éducation de ses enfants. »
    Bientôt, Tim Leroux va présenter Khizr Khan, le juriste, à Muhammad Wali Tasleem, le guerrier. Ce dernier veut obtenir la citoyenneté américaine et réussir l’intégration de ses enfants. Puis il espère repartir, seul, en Afghanistan, si la guerre y dure encore. Tant qu’il y aura un djihadiste à tuer. « Un jour, je veux retourner combattre pour mon pays », murmure-t-il. « Wali est un pur guerrier, constate Tim Leroux. La vie, c’est comme ça : certains sont nés pour être soldat. » Le pilote d’hélicoptère ne s’inclut pas dans cette catégorie d’hommes. Lui ne songe désormais qu’à s’occuper de ses enfants et de sa communauté et, après dix ans de guerre, il est devenu un opposant virulent aux interventions étrangères.

    L’ère de Big Brother

    Les autres Américains qui critiquent de façon virulente l’ère post-11-Septembre, au-delà des conflits armés, sont ceux qui s’interrogent sur la transformation profonde de la société américaine. Les valeurs ont changé, le pays se referme sur lui-même, l’inquiétude envers le monde et envers l’étranger s’incruste dans les esprits. Et, dans une Amérique qui a toujours brandi le mot « liberté » en étendard, on sent une acceptation résignée d’une société de la peur et de la surveillance. La menace a abouti, depuis le Patriot Act de l’administration Bush, à des restrictions majeures des libertés individuelles.


    Des militants pacifistes, à Wheatland (Californie), le 26 septembre 2016.

    « Si nous avions imaginé il y a quinze ans ce que la NSA fait aujourd’hui, on aurait pris ça pour de la science-fiction ou pour des théories de la conspiration, remarque Tom Keenan, le directeur des programmes sur les droits de l’homme du Bard College, à New York. Et maintenant que la communauté du renseignement dispose de tels outils, personne, aucun président ni aucune opposition, ne les leur fera abandonner. » Les révélations d’Edward Snowden sur le programme de surveillance de la NSA ont certes lancé un débat, mais elles n’ont eu aucun effet politique.

    « Les programmes technologiques et biométriques du Pentagone en Afghanistan, où chaque villageois est enregistré dans une gigantesque base de données avec son ADN, ses empreintes digitales et sa reconnaissance faciale, ont été mis à la disposition du FBI pour la population américaine, raconte Jennifer Lynch, qui travaille sur le rapport entre technologies et libertés à l’Electronic Frontier Foundation, à San Francisco. Et, outre le FBI, des villes comme New York, Chicago et Los ­Angeles sont également très avancées dans leurs programmes de surveillance totale de la population par reconnaissance faciale dans la rue et d’identification des plaques d’immatriculation des voitures. C’est un suivi de chaque individu de manière indiscriminée. »

    « Si nous avions imaginé il y a quinze ans ce que la NSA fait aujourd’hui, on aurait pris ça pour de la science-fiction ou pour des théories de la conspiration », remarque Tom Keenan, le directeur des programmes sur les droits de l’homme du Bard College, à New York
    Les drones aussi ont du succès, et des usages multiples. « Nous pensons que le FBI, qui ne le reconnaît pas encore, fait survoler des manifestations par des drones qui “aspirent” l’ensemble des données des smartphones », accuse Jennifer Lynch. La collecte de renseignements, à la fois massive et très ciblée si nécessaire, devenue une évidence du champ de bataille de l’après-11-Septembre, menace l’Amérique.

    Pour la première fois cette année, un robot armé, testé en Afghanistan et en Irak, a été utilisé sur le sol américain pour tuer, à Dallas, un homme qui venait de tirer sur des policiers. Les forces de l’ordre ont adoré le robot-tueur, et s’équipent. Non seulement « Big ­Brother is watching you », pour reprendre la maxime du roman 1984, de George Orwell, mais « Big Brother is killing you » (« Big Brother te tue »).

    « Par peur d’une menace qui est tout de même exagérée, les
    Américains ont accepté un régime de surveillance qu’ils auraient trouvé totalement inacceptable avant le 11-Septembre, analyse Andrew Bacevich, un ex-colonel devenu historien et professeur à l’université de Boston, l’un des plus brillants penseurs de l’Amérique en guerre, auteur du remarquable Breach of Trust (non traduit, Picador, 2014). Ils trouvent désormais normal de sacrifier la liberté à la sécurité. »

  • Voyage dans l’Amérique en guerre (2/4) : « Thank you for your service »

    http://www.lemonde.fr/ameriques/article/2017/01/04/voyage-dans-l-amerique-en-guerre-2-4-thank-you-for-your-service_5057751_3222

    Au nom de la lutte contre le djihadisme, le 11-Septembre a précipité les Etats-Unis dans quinze années de combats. Deuxième volet de notre reportage sur le culte des vétérans.

    Les vétérans sont à la fois au cœur de l’Amérique post-11-Septembre et un peu, comme toujours, les incompris de l’Histoire. Contrairement aux soldats revenus du Vietnam, accusés d’avoir mené une sale guerre colonialiste et mal accueillis par une génération contestataire, ceux des guerres d’Afghanistan et d’Irak sont formidablement bien reçus et célébrés au retour à la maison. Eux-mêmes s’en moquent parfois, entre eux. La politique n’entre pas en ligne de compte dans leur statut d’icônes. Le 11-Septembre est passé par là. L’unité de la nation prime sur tout. Même les Américains opposés à l’invasion de l’Irak, qui sont aujourd’hui une forte majorité, vont dire « Thank you for your service » à un vétéran.

    « Il existe un sentiment de culpabilité collective sur la manière dont furent traités les soldats au retour du Vietnam. Aujourd’hui, il y a un respect presque excessif », témoigne John Nagl, un ex-lieutenant-colonel qui a dirigé le Center for a New American Security, un temps le think tank le plus influent de Washington sur les questions de stratégie militaire. Attablé dans un relais de chasse non loin de l’université d’Haverford, dans la région de Phila­delphie (Pennsylvanie), où il enseigne, Nagl témoigne que « quiconque a porté un uniforme au cours des quinze dernières années vous racontera qu’au restaurant ou au café on lui annonce, au moment de payer l’addition, qu’un inconnu a déjà réglé la note. C’est ça l’Amérique ! ».

    Les vétérans sont fiers de cet accueil, même s’ils le trouvent souvent décalé par rapport à leur expérience sur le terrain. Rares sont ceux qui contestent la célébration permanente dont les militaires font l’objet. Perry O’Brien est de ceux-là, un des trente objecteurs de conscience que compte l’armée en moyenne par an. Lui a demandé à rompre son contrat, à son retour d’Afghanistan, « pour des raisons morales ».

    Un tank réformé, à Mountain Home (Idaho), le 24 septembre 2016.

    A New York où il vit, O’Brien s’est engagé au sein des Vets Against the War (« Vétérans contre la guerre »), devenus cette année les Vets Against Hate (« Vétérans contre la haine »), puis les Vets Against Trump (« Vétérans contre Trump »). « L’Amérique est bizarre. D’un côté, elle célèbre ses soldats et leurs batailles, alors que la guerre est un truc vraiment lointain et abstrait. D’un autre côté, les gens ont tendance à oublier que, si Obama a été élu après Bush, c’était essentiellement parce qu’il était contre la guerre et promettait de ramener les troupes à la maison, commente O’Brien. Pour ma part, je crois que nous n’avons fait qu’augmenter les menaces pour notre sécurité nationale. Ces guerres, ces occupations de pays étrangers, ont créé les conditions qui font que nous avons aujourd’hui davantage d’ennemis. » O’Brien s’est attelé à l’écriture d’un roman sur la guerre.

    « IL EXISTE UN SENTIMENT DE CULPABILITÉ COLLECTIVE SUR LA MANIÈRE DONT FURENT TRAITÉS LES SOLDATS AU RETOUR DU VIETNAM. AUJOURD’HUI, IL Y A UN RESPECT PRESQUE EXCESSIF », TÉMOIGNE JOHN NAGL, UN EX-LIEUTENANT-COLONEL

    Si la société américaine ne connaît de la guerre que ces hommes en uniforme, souvent muets sur leur vie en Afghanistan et en Irak, et les films hollywoodiens, souvent irréels, certains commencent à se rendre compte de ce qu’ont vécu leurs concitoyens envoyés au bout du monde avec un fusil. Cette prise de conscience passe notamment par des livres, et par les lectures publiques et discussions accompagnant ces parutions. Comme ce fut le cas après le Vietnam avec une admirable littérature de guerre, certains vétérans ont commencé à raconter leur histoire, que ce soit sous la forme d’un récit documentaire ou d’une fiction. Deux hommes ont notamment écrit des livres qui ont touché les Américains au cœur : Phil Klay, avec Redeployment (Fin de mission, Gallmeister, 2015), et, avant lui, Kevin Powers, avec Yellow Birds (Stock, 2013).

    Une littérature de guerre

    Phil Klay boit des bières au comptoir de Shorty’s, dans le quartier de Hell’s Kitchen, à New York, en attendant d’aller assister au forum présidentiel entre Hillary Clinton et Donald Trump, une discussion publique consacrée aux affaires stratégiques et organisée à bord de l’Intrepid, le porte-avions amarré à Manhattan devenu Musée de la mer, de l’air et de l’espace.

    De gauche à droite et de haut en bas : Phil Klay, auteur de « Fin de mission », à New York, le 12 octobre ; l’ex-colonel Stuart Bradin, à Arlington (Virginie), le 21 septembre ; l’ex-lieutenant-colonel John Nagl, à Philadelphie (Pennsylvanie), le 16 septembre ; Kevin Powers, auteur de « The Yellow Birds », en Virginie, le 17 septembre.

    « Il est vrai que, contrairement à ce qui s’est passé au retour du Vietnam, les gens nous remercient d’avoir servi, et que même ceux qui étaient opposés à la guerre d’Irak respectent le choix que nous avons fait de nous engager… Le problème est que la société est totalement déconnectée de la guerre, et que les soldats ne racontent pas la vérité à leurs parents et amis. Les gens n’ont que deux images du vétéran : le gamin paumé qui revient traumatisé et le Navy SEAL qui écrit ses mémoires de super-héros-tueur-de-djihadistes. La figure du vétéran doit être celle d’une victime ou d’un héros, constate l’ex-sous-lieutenant Klay. Or la vaste majorité des vétérans ne se reconnaissent pas dans ces clichés. Leur expérience de la guerre est différente… »

    « LE PROBLÈME EST QUE LA SOCIÉTÉ EST TOTALEMENT DÉCONNECTÉE DE LA GUERRE, ET QUE LES SOLDATS NE RACONTENT PAS LA VÉRITÉ À LEURS PARENTS ET AMIS », COMMENTE L’ÉCRIVAIN PHIL KLAY

    « Le retour est un truc compliqué…, raconte lui aussi Kevin Powers. Ta mère te demande : “Es-tu OK ?” Et toi tu réponds : “Oui.” Alors que non, je n’étais pas “OK” du tout. J’étais simplement plus “OK” que beaucoup de camarades, je n’étais ni blessé ni mentalement dérangé. Mais j’étais effrayé tout le temps, je percevais des dangers. J’étais en colère. Et puis, même si je savais très bien que cette guerre d’Irak était une connerie, tu quittes le champ de bataille avec le sentiment que rien n’est fini, avec la culpabilité d’être à la maison pendant que d’autres soldats sont encore là-bas. »

    Powers s’apprête à baptiser ses jumeaux le lendemain. Des parents arrivent dans sa maison d’Henrico, près de Richmond (Virginie). Yellow Birds a changé sa vie, comme Redeployment celle de Klay. Outre son statut d’écrivain reconnu et sa nouvelle vie consacrée à la littérature et à la poésie, il constate que les Américains qu’il rencontre commencent à comprendre que la guerre n’est pas ce qu’ils imaginaient. « Pour résumer, on passe de “Merci pour votre service” à “Putain, on n’aurait jamais dû vous envoyer là-bas !”. Les gens me demandent si on a changé l’Irak en mieux, et je raconte les villes en ruine, les centaines de milliers de civils tués. »

    Kevin Powers travaille, dans la cave de sa maison où quelques souvenirs de guerre sont éparpillés, à un autre livre sur les Etats-Unis et la violence. « Mon prochain roman portera sur les conséquences pour la société de la guerre de Sécession. Sur le sens du combat et du sacrifice. Et sur cette attirance incroyable qu’a l’espèce humaine pour la violence. » Non loin de chez lui, dans ce coin de Virginie, d’anciens champs de bataille portent encore les stigmates de la guerre la plus terrible, la plus meurtrière, de l’histoire des Etats-Unis.

    Une garde prétorienne

    La société américaine entretient un rapport complexe avec la guerre. Depuis la fin de la guerre du Vietnam, il n’y a plus de conscription. Un lien avec la nation a été rompu. Le pays est désormais commandé, d’un point de vue militaire, par une élite d’officiers issus de familles où tout le monde ou presque s’engage sous le drapeau. Une garde prétorienne de l’Amérique, accompagnée d’une troupe issue du bas de l’échelle sociale, de soldats venus des milieux populaires et des migrations récentes, qui s’engagent davantage pour un salaire ou pour payer leurs frais de scolarité que pour une cause.

    Un soldat et sa fille, à Arlington (Virginie), le 21 septembre 2016.

    Donc, même si le 11-Septembre a provoqué, par réflexe patriotique, une vague d’engagements volontaires sans précédent, la société reste très éloignée des communautés très spécifiques qui composent les forces armées. Les Américains se sentent également très éloignés des débats sur l’état du monde et les menaces, sur la doctrine militaire et les combats à mener. La majorité d’entre eux fait confiance aux hommes en armes pour protéger le pays. Sans se poser de questions.

    Dans cette garde prétorienne, quinze ans de « guerre au terrorisme » décrétée par Bush au lendemain du 11-Septembre ont permis à des officiers de se distinguer. Une génération de types éduqués et malins, dont peu d’ailleurs avaient l’expérience du feu, a remplacé la génération du Vietnam, marquée par la défaite, et celle de la guerre froide, ankylosée dans une vision conventionnelle de la guerre.

    A la tête de cette bande d’officiers aussi à l’aise dans les symposiums de théorie militaire que sur une ligne de front, rois aussi, comme le veut l’époque, de la communication, on trouve notamment l’ex-commandant emblématique des opérations spéciales Stanley McChrystal et trois généraux qui ont dirigé le Commandement central (Centcom), l’état-major responsable des guerres d’Afghanistan et d’Irak : James Mattis – qui s’apprête à devenir le secrétaire à la défense du gouvernement Trump –, John Allen, et le plus célèbre de tous, l’icône d’une génération, David Petraeus.

    Au mémorial de la guerre du Vietnam, à Washington, le 19 septembre 2016.

    C’est sous l’impulsion de ce général, qui a mené son bataillon à la conquête de Mossoul lors de l’invasion de l’Irak, que l’armée américaine a revu sa doctrine de fond en comble. « Le chef d’état-major m’a dit : “Bouscule l’armée, Dave !” Alors, c’est ce que j’ai fait, se souvient David Petraeus. On a brassé des idées et écrit très vite, en un an, une nouvelle doctrine. Et comme nous contrôlions aussi les écoles militaires et les entraînements, nous avons imposé cette vision. »

    SOUS L’IMPULSION DU GÉNÉRAL PETRAEUS, L’ARMÉE AMÉRICAINE A REVU SA DOCTRINE DE FOND EN COMBLE

    M. Petraeus a rédigé le manuel 3-24 de l’armée, Counterinsurgency (« contre-insurrection »), conçu avec une poignée d’officiers et un brillant théoricien de la guerre non conventionnelle, le capitaine australien David Kil­cullen, en 2006. L’idée principale est que, pour combattre efficacement des insurgés, il faut s’allier la population. Le général Petraeus obtient alors, à son retour en tant que commandant à Bagdad, le seul véritable succès de quinze années d’aventures militaires américaines : en s’appuyant sur les tribus sunnites, il met temporairement fin à la guérilla et coupe la tête d’Al-Qaida en Irak.

    Si le manuel guide encore aujourd’hui la stratégie américaine sur le champ de bataille, on ne peut toutefois pas dire que Kilcullen, qui expliquait à l’époque que « la contre-guérilla, c’est 20 % de militaire et 80 % d’activités non combattantes », ait été entendu.

    « Cela aurait bien sûr été formidable de tuer Ben Laden à Tora Bora, mais je crois que la guerre aurait tout de même continué. D’autres auraient poursuivi ses activités terroristes, pense David Petraeus. Et puis, bon, nous ne l’avons pas tué, et il était hors de question d’envoyer des troupes le traquer au Pakistan. Voilà la réalité. Et nous, militaires, nous agissons en fonction de la réalité. »

    La guerre aurait-elle pris une telle tournure régionale, voire planétaire, même sans l’invasion de l’Irak ? David Petraeus assume. « Je ne peux pas répondre à cette question. J’ai eu l’honneur de commander nos troupes en Irak, et j’ai dû écrire tant et tant de lettres de condoléances aux mères et pères de nos hommes et femmes en uniforme… »

    Le culte des forces spéciales

    Depuis la révolution militaire introduite par le 11-Septembre et par la « doctrine Petraeus », le culte des forces spéciales a atteint son apogée aux Etats-Unis. L’ex-colonel Stuart Bradin dirige, à Tampa (Floride), la première fondation qui leur est consacrée, la Global SOF Foundation. Il croit qu’« avant le 11-Septembre, nous vivions dans le déni que la guerre, depuis la Corée et le Vietnam, avait changé de nature. Elle est devenue asymétrique et non conventionnelle. La précision – les armes de précision – est le plus grand changement dans l’art de la guerre depuis Napoléon ».

    Stuart Bradin est heureux de constater qu’« aujourd’hui, 80 % des opérations militaires américaines dans le monde sont des opérations spéciales ». Le contingent de guerriers d’élite est monté à 70 000 hommes. « On a coutume de dire que le monde des opérations spéciales a été multiplié, depuis le 11-Septembre, par 2, 3 et 4 : 2 fois le nombre de soldats, 3 fois le budget, 4 fois le nombre d’opérations. De toute façon, il n’y a pas le choix : la guerre conventionnelle, c’est fini. Il faut des opérations spéciales, et s’appuyer sur les armées locales. A elles de faire le travail… En Afghanistan, les forces spéciales avaient fini la guerre en décembre 2001. Pourquoi ensuite y avoir déployé des forces conventionnelles ? Cela n’avait aucun sens. Je crois que l’une des raisons est que nous avions des généraux qui se prenaient pour Eisenhower ou Patton et y voyaient un moyen d’être promus. »

    « LA GUERRE CONVENTIONNELLE, C’EST FINI. IL FAUT DES OPÉRATIONS SPÉCIALES, ET S’APPUYER SUR LES ARMÉES LOCALES. A ELLES DE FAIRE LE TRAVAIL… », ANALYSE L’EX-COLONEL STUART BRADIN

    Bradin ne jure que par ces hommes d’action de l’ombre. Selon lui, eux seuls peuvent gagner le combat contre les djihadistes. A leur retour, ils sont aussi les vétérans qui sont les plus recherchés par le monde de l’entreprise : « On retrouve beaucoup des nôtres à Wall Street et dans la Silicon Valley », rapporte-t-il fièrement. Les soldats d’élite peuplent aussi désormais, dès qu’ils quittent le service actif, les conférences, les médias, les réseaux sociaux. Afficher le label « special ops » est un formidable passe-partout dans l’Amérique post-11-Septembre et, parmi les forces spéciales, celui de « Navy SEAL Team Six » équivaut, depuis la mort de Ben ­Laden, à une couronne en or.

    Cette reconnaissance absolue n’est pas pour déplaire à Dick Couch. Le romancier et professeur à l’Académie navale a vécu toute sa vie avec les Navy SEAL. Célèbre pour avoir, à la tête du peloton Navy SEAL Team One, libéré des soldats prisonniers derrière les lignes ennemies au Vietnam, il a ensuite dirigé les opérations paramilitaires navales de la CIA et, à cetitre, puisé dans le contingent des Navy SEAL pour les missions les plus délicates. Il s’inspire désormais de cette expertise unique pour écrire des romans d’action à la Tom Clancy.

    Dick Couch donne ses rendez-vous au Sawtooth Club de Ketchum (Idaho), dans la Sun Valley. Il est impossible d’arriver à Ketchum et d’entamer une conversation sur la guerre sans évoquer d’abord « papa » Hemingway, qui y a fini sa vie en se suicidant avec son fusil favori devant la porte de sa maison. Au bout de la rue principale, au cimetière, une tombe au nom d’Ernest Miller Hemingway est recouverte de crayons et de bouteilles vides. La plume et l’alcool, pour résumer la vie de l’écrivain aventurier.

    Pour Dick Couch, l’Amérique est embarquée dans une « guerre sans fin ». « Depuis le 11-Septembre, nos soldats des opérations spéciales ont été présents, à des titres variés et pas forcément uniquement pour des combats, dans une soixantaine de pays. Or nous avons de plus en plus d’ennemis, donc c’est sans fin. ­Notre rôle, à nous special ops, est de tuer des types. On ôte des vies. Je ne veux pas savoir combien de gens nous avons tués depuis quinze ans, mais c’est énorme… Et ça va durer encore très longtemps. »

    L’ex-Navy SEAL, qui considère que « Petraeus et McChrystal sont deux des meilleurs leaders de l’histoire de l’Amérique », en veut beaucoup au premier d’avoir eu une fin de carrière au parfum de scandale. Il a été forcé de démissionner de la direction de la CIA – où le président Obama l’avait nommé après qu’il eut quitté l’armée avec les honneurs – pour avoir communiqué par mails des informations classées secrètes à Paula Broadwell, sa biographe et amante. « Petraeus nous a laissés tomber, nous les militaires. Il était le premier d’entre nous depuis Eisenhower qui aurait pu devenir un jour président des Etats-Unis. »

    A Boise (Idaho), le 23 septembre 2016.

  • Les Américains ont-ils éliminé la pire ? par Patrice Gibertie (son site) mercredi 9 novembre 2016 - RipouxBlique des CumulardsVentrusGrosQ
    http://slisel.over-blog.com/2016/11/les-americains-ont-ils-elimine-la-pire-par-patrice-gibertie-son-si

    Le ciel ne nous est pas tombé sur la tête avec l’élection de Donald Trump, le peuple américain s’est exprimé, les donneurs de leçons ont la gueule de bois, rien de plus.

    Ne fallait-il pas se taire au cours des dernière semaines car aller à l’encontre du politiquement correct revenait à être inaudible. Désormais il faudra faire avec un président que nos élites détestent. Les moqueries doivent laisser la place à l’analyse. Peut-on parler rationnellement de géopolitique avec quelque espoir d’être entendu ? Je regrette déjà Obama mais j’ai toujours considéré que Trump ou Poutine étaient moins dangereux pour la paix du monde que Killary CLINTON ou que Georges W Bush.

    La défaite de la candidate de la guerre et des faucons

    Killary CLINTON me faisait peur et sa défaite ma rassure. Le président OBAMA ne l’avait-il pas écarté du Secrétariat d’Etat en désaccord avec une politiquement ouvertement belliciste.

    La doctrine Obama a consisté à faire entrer les États-Unis dans le 21° siècle, prenant acte des limites de la puissance américaine. Il a voulu faire évoluer le statut de son pays de celui de ‘Nation indispensable’ à celui de ‘Partenaire indispensable’. Mais cette recherche d’un juste milieu entre interventionnisme et isolationnisme a désappointé de nombreux bellicistes qui y ont vu de la faiblesse et parmi eux KILLARY.

    La réputation de faucon d’Hillary Clinton n’est pas injustifiée. Durant le premier mandat d’Obama, lors des débats politiques sur la guerre et la paix, alors qu’elle était secrétaire d’État, Clinton s’alignait presque toujours avec le secrétaire de la Défense, Robert Gates, et ses généraux. Elle a appuyé leur volonté d’envoyer 40.000 hommes de plus en Afghanistan (Obama a accepté avec réticence d’en envoyer 30.000 et seulement avec une date de retour assurée). Elle a voulu maintenir 10.000 soldats en Irak (Obama a décidé de tous les faire rentrer). Elle a soutenu le plan du général David Petraeus, qui consistait à armer les rebelles syriens « modérés » (Obama a rejeté l’idée).

    En LIBYE elle était en faveur d’une intervention armée pour aider la résistance qui a fini par renverser Mouammar Kadhafi, alors que Gates et les hauts gradés s’opposaient à un engagement des États-Unis.

     
    Dès les débuts du conflit en Syrie en 2011, Hillary Clinton est convaincue qu’armer et former les djihadistes de al Qaeda était la meilleure des solutions.

    Elle s’inscrit dans la tradition de Zbigniew Brzeziński qui finança et arma Ben Laden dans les années 80.

    Elle est dans la continuité de Madeleine Albright secrétaire d’Etat de BILL CLINTON qui assume la mort de 500 000 enfants irakiens… dans les années 90

     

    Huma Abedin a souvent été dépeinte comme « l’ombre » d’Hillary Clinton et l’inspiratrice d’une politique favorable aux islamistes… En juin 2012, la sénatrice républicaine Michele Bachmann et quatre autres de ses collègues adressent une lettre confidentielle au département d’Etat pour les mettre en garde contre Huma Abedin. Selon elles, les Frères musulmans infiltrent les plus hautes strates de l’Etat via cette jeune femme.

    Le courrier la cite nommément : « Huma Abedin a trois membres de sa famille connectés aux organisations des Frères musulmans », affirment les congresswomen. Abedin sera soutenue par le plus faucon des faucons, le sénateur Mc CAIN, pathologiquement obsédé par la nécessité d’une guerre contre la Russie.

    Clinton veut une intervention contre Assad quitte à affronter la Russie. Les jusqu’au bushistes des années 2000 la soutiennent tous dans sa campagne électorale.

    Robert Kagan lève des fonds pour elle :

    « Je dirais que tous les professionnels républicains de la politique étrangère sont anti-Trump », la majorité des gens dans mon cercle va voter pour Hillary. »

    En tant que co-fondateur du think tank néoconservateur Project for the New American Century, Kagan a VOULU l’invasion américaine unilatérale de l’Irak en 2003.

    Et c’est la femme de Kagan, la néoconservatrice Victoria NULAND que Hillary Clinton a fait nommer secrétaire d’État adjoint. De ce poste, Nuland a coordonné la « révolution de couleur » en Ukraine, en s’appuyant sur des réseaux extrémistes et néo-nazis.

    Elle est, célèbre par son « fuck the UE » car elle trouve les Européens trop mous en Ukraine.

    Clinton suivant ses conseils a comparé le Président russe Poutine à Hitler.

    N’en déplaise aux donneurs de leçons, nous avions aimé les guerres de Bush, nous allions adorer celles de Killary ….

    Barack Obama, hostile lui aussi au bellicisme néoconservateur, martelait : « Je ne suis pas contre toutes les guerres, je suis contre les guerres stupides. » En mars 2008, durant l’âpre campagne des primaires démocrates, il accusait : « Elle a permis à cet individu [George Bush, ndlr] de prendre une décision qui a été nuisible stratégiquement pour les Etats-Unis ! » Le camp démocrate était en effet divisé. « Vingt-deux des 51 démocrates du Sénat, et plus de la moitié de ceux de la Chambre, refusent le recours à la force, mais Hillary a voté avec les faucons »,

    http://www.les-crises.fr/une-victoire-de-clinton-signifierait-elle-plus-de-guerres-par-robert-parr

     

    La victoire de l’inconnu

    Trump a fait campagne contre le programme belliciste de sa rivale l’accusant d’avoir créé Daesh et de chercher une troisième guerre mondiale.

    Donald Trump souhaite que les alliés des Etats-Unis au sein de l’Alliance Atlantique (OTAN) payent plus pour assurer leur propre sécurité. Si ce n’était pas le cas, il menace de sortir de l’organisation. Par ailleurs, il estime que celle-ci doit se concentrer plus sur la lutte contre le terrorisme et les flots migratoires et moins sur la force de dissuasion envers la Russie.

    Concernant l’organisation Etat islamique (EI), le nouveau président a appelé à sa destruction sans donner plus de détails, invoquant la nécessité de préserver un « effet de surprise ». En Syrie, M. Trump est favorable à laisser à la Russie plus de latitude d’action, considérant que Moscou est mieux placé que les Etats-Unis pour intervenir dans ce pays.

    Que savons-nous d’autres, au-delà des caricatures ?

    Dans le domaine commercial, le libre-échange a été dénoncé par Trump et Bernie Sanders. Ils accusent les traités de libre échange de détruire les emplois américains et expriment une peur de la mondialisation partagée par beaucoup. Il a par ailleurs promis la renégociation de l’Accord de libre-échange nord-américain (Alena), responsable, selon lui, des délocalisations vers le Mexique. Il s’oppose également au partenariat transpacifique (TPP), en cours de ratification.

    Trump promet de consacrer 1 000 milliards de dollars (900 milliards d’euros) au développement des infrastructures en s’appuyant notamment sur des partenariats public-privé. Sur le plan fiscal, il veut faire passer le taux d’imposition fédéral le plus élevé de 39,6 % à 33 %. L’impôt sur les sociétés serait abaissé à 15 % (contre 35 % actuellement) et la taxe foncière supprimée.

    Trump a promis qu’il annulerait l’accord de Paris sur le climat et qu’il supprimerait l’Agence de protection de l’environnement (EPA). Il veut également lever les restrictions à la production d’énergies fossiles et relancer le projet d’oléoduc Keystone XL.

    Il y a un monde entre le programme et les réalités, Trump sera-t-il un nouveau Reagan ?

    Dans les prochaines semaines la composition de son équipe nous en dira plus que les déclarations du candidat qui ne sait sans doute pas encore ce qu’il fera vraiment en dehors d’une relance keynésienne et d’une politique étrangère prudente.

    Relance par les infrastructures, retrait militaire, cela me rappelle étrangement le programme d’Obama en 2008.

    Que restera-t-il des propos outranciers du candidat ? Notre DSK, leurs KENNEDY ou Bill CLINTON étaient ils moins sexistes ?

    Trump veut désormais limiter l’interdiction du territoire américain aux ressortissants des « Etats et nations terroristes », tout en réclamant une « extrême vigilance » pour les musulmans désirant se rendre aux Etats-Unis.

    Et dans les faits ???

    Trump appelle à l’édification d’un mur de 1 600 kilomètres le long de la frontière mexicaine afin d’endiguer l’immigration illégale en promettant que Mexico financerait le projet. Le candidat républicain veut également tripler le nombre d’agents de l’immigration, tout en annonçant l’expulsion des onze millions d’immigrants sans papiers qui vivent actuellement aux Etats-Unis. Il a également promis de revenir sur le droit du sol, qui permet à quelqu’un né aux Etats-Unis d’obtenir la nationalité américaine.

    Trump déclare vouloir abroger la loi sur l’assurance-santé, dite Obamacare, adoptée en 2010 MAIS Il veut permettre aux personnes qui souhaitent s’assurer par leurs propres moyens de déduire le montant des cotisations de leurs impôts.

    Ila proposé de permettre aux familles de déduire de leurs impôts le coût de garde d’enfants. Concernant le congé maternité, qui n’existe pas aux Etats-Unis de façon universelle, il propose d’accorder six semaines payées comme une indemnité chômage.

    Faut-il rappeler que Trump n’est ni un religieux ni un idéologue, il devra composer avec les élus républicains qui sont souvent les deux. La réalité de son pouvoir dépend du soutien de son parti.

    Je n’ai aucune sympathie pour Donald Trump mais les Américains ont peut-être préféré l’inconnu à la guerre …

    Qu’importe alors si les bellicistes européens sont aujourd’hui désorientés.

    https://pgibertie.com/2016/11/09/les-americains-ont-ils-elimine-la-pire
    par pgibertie

  • « Le gouvernement irakien n’a pas de plan pour le jour d’après » - Libération
    http://www.liberation.fr/planete/2016/10/16/le-gouvernement-irakien-n-a-pas-de-plan-pour-le-jour-d-apres_1522350

    L’assaut sera mené par les troupes de l’unité d’élite du contre-terrorisme (CTS), un corps créé en 2003 sur le modèle des forces spéciales américaines. Elles fonctionnent elles aussi en totale opacité et sont contrôlées par le Premier ministre irakien et non par le ministère de la Défense. Elles sont en réalité quasi intégrées aux forces américaines qui les ont formées et armées. La bataille de Mossoul mobilise également l’armée irakienne, qui a du mal à trouver sa place entre les forces d’élite du CTS et la coalition. A ces forces régulières, il faut ajouter les peshmergas kurdes positionnés au nord de Mossoul, jusqu’aux monts Sinjar. Il y a enfin une constellation de milices, kurdes et sunnites, mais surtout chiites. Elles sont actives depuis 2014 et avaient alors bloqué la déferlante de l’EI dans la ceinture de Bagdad. Elles ont effectué un travail de nettoyage efficace mais redoutable et sanglant. Les sunnites, les Turcs et les pays arabes ne veulent pas qu’elles participent à la bataille. Les Etats-Unis sont plus ambigus. Ils ont reconnu leur « rôle clé » dans les combats contre l’Etat islamique.

    Existe-t-il un début de stratégie politique permettant de gérer Mossoul, une fois que la ville sera libérée de l’EI ?
    Absolument pas, c’est une impasse. Le gouvernement irakien n’a pas de plan pour le jour d’après, celui où Mossoul sera repris. Il ne sait pas quoi faire, hormis tenter de rétablir un statu quo ante. Il tentera de placer un gouverneur docile et de déléguer ce qu’il peut à des milices tribales et à ceux qui seront là. Au-delà de l’enjeu symbolique énorme de chasser l’EI d’Irak, Mossoul est un fardeau pour Bagdad qui est en quasi-faillite financière et assure à peine le versement des salaires des fonctionnaires. On peut craindre une situation inextricable, compte tenu de toutes les forces en présence. Le partage du butin et des rôles de chacun au lendemain du départ de l’EI peut donner lieu à une « guerre de tous contre tous » entre milices chiites, forces proturques, Kurdes, etc. Car derrière les rivalités communautaristes, il y a les convoitises des terres, du pétrole et des ressources en eau. Et puis, comment éviter les règlements de comptes au nom de la liquidation des collaborateurs de l’Etat islamique ?

    Quels sont les risques humanitaires ?
    Envisager de donner l’assaut à une ville de 1,5 million d’habitants ne pose de problèmes à personne, ni au sein de la coalition internationale ni côté irakien. Les préparatifs pour soi-disant parer la catastrophe humanitaire et l’afflux de réfugiés sont grotesques. Les moyens sont totalement insuffisants par rapport aux besoins. Comme si cela ne posait pas de problèmes de laisser mourir de faim 800 000 personnes au milieu du désert dans des camps sous des tentes. Alors, soit la coalition et le gouvernement irakien ne croient pas à cette bataille et pensent que cela va se régler autrement, soit il y a un total mépris des populations humaines. Je ne sais pas. Mais on est de toute façon dans une guerre totalement déshumanisée. On ne compte même pas les morts.

    En quoi la ville de Mossoul est-elle différente des autres cités irakiennes ?
    Cela tient à la singularité géographique, historique et humaine de Mossoul et de sa province de Ninive. On y trouve réunis tous les ingrédients de la grande « question d’Orient », comme les historiens désignent les rivalités dans la région au début du XXe siècle. Il s’agit d’une « société frontière » qui concentre des lignes de fracture ethniques, confessionnelles et sociologiques. Peuplée en grande majorité d’Arabes sunnites, toutes les minorités du Moyen-Orient y sont présentes : kurdes, turkmènes, chiites, chrétiens, yézidis, etc... Sous l’Empire ottoman, la wilaya de Mossoul marquait la frontière du sunnisme face aux chiites. Quand la Grande-Bretagne et la France se sont partagé la région en 1920, la ville a été disputée entre les deux puissances. Elle devait être rattachée à la Syrie et donc revenir sous mandat français mais les Britanniques ont tenu à la garder en raison du pétrole convoité dans sa région. Mossoul a été incorporé bien malgré lui à l’Etat irakien et a continué à regarder davantage vers Alep que vers Bagdad. Sa population a fortement adhéré par la suite au nationalisme arabe puis au baathisme mais avec une identité sunnite et un conservatisme religieux marqués.

    Comment la ville avait-elle réagi à l’invasion américaine en 2003 ?
    Mossoul a été surnommé alors « l’oie blanche »,tant le général américain David Petraeus a été bien accueilli. C’est quand les Etats-Unis ont confié la ville aux peshmergas kurdes qu’une insurrection arabe a été lancée par les anciens officiers de Saddam Hussein, rejoints par les premiers jihadistes arabes. Entre 2004 et 2014, des violences terribles se sont produites dans toute la province de Ninive. Mossoul est tombé aux mains de l’EI sans résistance ni réticence, en 2014. Sa population en mal d’ordre a bien accepté le système autoritaire et bureaucratique, proche des méthodes baathistes, imposé par les hommes de Al-Baghdadi.

    Que deviendrait l’EI après Mossoul ?
    Ses hommes pourraient se retirer dans un premier temps vers Raqqa, en Syrie, ou s’évaporer dans la région. Mais même une fois la formation pulvérisée, si les problèmes ne sont pas réglés, un nouvel avatar clandestin peut réapparaître, plus violent et plus vengeur.

  • Obama’s Syria Policy and the Illusion of US Power in the Middle East
    http://original.antiwar.com/porter/2016/10/10/obamas-syria-policy-illusion-us-power-middle-east

    Comment l’administration étasunienne a surestimé son pouvoir au Moyen-Orient selon Gareth Porter

    Le plan étasunien aurait été que...,

    Le seul rôle des États-Unis dans la guerre sera une opération secrète conçue par le directeur de la CIA de l’époque David Petraeus, consistant à fournir des renseignements et une assistance logistique aux alliés, obtenir des armes aux groupes choisis par les régimes sunnites, qui les payeraient.

    Bien sûr, il y avait ceux, dirigés par Clinton elle-même, qui voulaient aller plus loin et créer une « zone d’exclusion aérienne » où les insurgés pourraient être formés et évolueraient librement. Mais Obama, soutenu par le commandement militaire des États-Unis, ne soutiendra pas cette invitation à la guerre. Les États-Unis allaient être ceux qui tireraient les ficelles en Syrie sans avoir à armer une force d’opposition et donc sans avoir à se salir les mains.

    • US complicity in the hundreds of thousands of deaths in the Syrian war, and now in the massive civilian casualties in the Russian bombing of Aleppo, does not consist in its refusal to go to war in Syria but in its providing the political-diplomatic cover for the buildup of the al-Nusra Front and its larger interlocking system of military commands.

      A US administration that played a true superpower role would have told its allies not to start a war in Syria by arming jihadists, using the fundamentals of the alliance as the leverage. But that would have meant threatening to end the alliance itself if necessary – something no US administration is willing to do. Hence the paradox of US power in the Middle East: in order to play at the role of hegemon in the region, with all those military bases, the United States must allow itself to be manipulated by its weaker allies.

  • Il y a plus d’État que d’Islamisme dans l’État Islamique

    http://www.spiegel.de/international/world/islamic-state-files-show-structure-of-islamist-terror-group-a-1029274.html

    Cet article a fait l’objet d’une traduction partielle publiée dans « Le Monde » du 25 avril 2015 et reprise ici :

    https://larmurerie.wordpress.com/2015/04/26/a-lire-haji-bakr-le-cerveau-de-letat-islamique

    On a bien affaire à un phénomène « de notre époque » et non pas à la résurgence d’une barbarie d’un autre temps. Ce phénomène s’inscrit parfaitement dans la décomposition de toutes les catégories qui structure notre forme de vie globalisée (et dont la nostalgie forme le terreau des pires saloperies) : travail, valeur, marchandise, État...

    Si nous devons nous sentir concernés par la menace Daesh, ce n’est pas parce qu’ils nous agressent, ni même parce qu’ils seraient le produit de notre ingérence, mais parce qu’ils préfigurent une trajectoire de décomposition de la société capitaliste dans laquelle rien n’exclut que nous ne bifurquions.

    • Si les documents d’Haji Bakr ne contiennent aucun message sur la tradition des prophètes ou les promesses d’un « Etat islamique » prétendûment voulu par Dieu, la raison en est simple : son auteur était convaincu que l’on ne peut remporter aucune victoire avec des convictions religieuses, aussi fanatiques soient-elles. En revanche, on pouvait très bien mettre à profit la croyance des autres. C’est ainsi qu’Haji Bakr et un petit groupe d’anciens officiers des services secrets irakiens élurent en 2010 comme chef officiel de l’EI Abou Bakr Al-Baghdadi, émir et futur « calife ». Baghdadi, religieux et érudit, devait, selon leurs calculs, donner à ce groupe une apparence de religion.

      et

      En 2003, le pouvoir de Damas était paniqué à l’idée que le président américain de l’époque, George W. Bush, après sa victoire sur Saddam Hussein, puisse envahir la Syrie pour y changer de régime. Dans les années qui suivirent, les services syriens organisèrent le transfert de milliers d’extrémistes de Libye, d’Arabie saoudite et de Tunisie vers Al-Qaida en Irak : 90 % des aspirants kamikazes étrangers arrivèrent dans le pays en passant par la Syrie. Il s’ensuivit une étrange partie à trois entre les généraux syriens, les djihadistes venus du monde entier et les anciens officiers de Saddam Hussein : une joint-venture d’ennemis jurés pour rendre la vie des Américains en Irak infernale.
      Dix ans plus tard, Bachar Al-Assad avait une bonne raison de revitaliser cette alliance : il voulait montrer au monde qu’il était le moindre mal. Les relations du régime syrien avec l’EI étaient empreintes d’un pragmatisme tactique, chaque camp cherchant à utiliser l’autre. Dans les combats opposant l’EI et les rebelles, les avions d’Assad n’ont pendant longtemps bombardé que les positions rebelles, pendant que les émirs de l’EI donnaient l’ordre à leurs combattants de ne pas tirer sur l’armée gouvernementale.

    • Les documents retrouvés chez Haji Bakr permettent pour la première fois de mieux comprendre comment est organisée la direction de l’EI et quel rôle y jouent les anciens cadres du dictateur Saddam Hussein. (...)

      On a l’impression que George Orwell a porté sur les fonts baptismaux ce monstrueux rejeton de surveillance paranoïaque. Mais c’était en fait beaucoup plus simple. Haji Bakr se contentait d’adapter ce qu’il avait toujours connu : le service de renseignements tentaculaire de Saddam Hussein où personne, même un général des services de renseignement, ne pouvait être sûr de ne pas être surveillé à son tour. L’auteur irakien en exil Kanan Makiya a bien décrit cette « république de la peur » : un Etat où n’importe qui pouvait disparaître à tout moment et qui vit son avènement lorsque Saddam prit le pouvoir en 1979, en dévoilant un complot fictif.

      En pensant au mode opératoire de l’attaque du 13, me disait que la voiture piégée, ou l’explosion dans un lieu peuplé avait cédé la place à l’exécution en grand nombre par armes à feu, le tir dans les foules (bien qu’il semble que le projet mal ficelé était aussi de se faire sauter dans les tribunes du stade), ce qui est tout de même assez particulier et qui fut le mode opératoire dominant des première ripostes du régime syrien au soulèvement qui visait à le destituer.

      je crois utile de rappeler ici les entretiens avec Pierre Torres
      http://seenthis.net/messages/311579
      https://lundi.am/Pierre-Torres
      http://seenthis.net/messages/329636
      http://seenthis.net/messages/332937

    • @petit_ecran_de_fumee sans compter que face au soulèvement, Assad a fait de libérer grand nombre de prisonniers islamistes des geôles syriennes...
      C’est sans doute trop analogique pour être sérieux pour les bons connaisseurs de la région mais je persiste à penser que c’est l’invasion du Liban par Israel qui a enfanté le Hamas, c’est-à-dire l’émergence du « meilleur ennemi possible » pour Israel. Et que ce processus historique là est médité par tous les régimes qui peuvent faire usage de ses lignes de force.

    • Non, mais que Assad a joué de leur liberté pour écraser une révolte que son armée (aux nombreux déserteurs) à elle seule ne pouvait assurer, et que Daech fonctionne et agit pour partie en miroir avec le régime syrien (et pas tant selon un mode Stasi, comme le soutiens l’article allemand, pour se faire comprendre de ses lecteurs). Mais vous en savez plus que moi, n’hésitez pas à me dire en quoi ces approximations seraient fausses.

    • http://www.franceinfo.fr/actu/monde/article/maher-esber-ancien-chef-islamiste-627427

      Maher Esber estime que « le régime syrien savait très bien ce qu’il faisait. Dès les premières manifestations il a qualifié les protestataires d’extrémistes, de terroristes affiliés à Al Qaeda. En libérant ces djihadistes il n’a fait qu’accréditer ces accusations et cette stratégie a réussi ». Maher Esber reconnait qu’après avoir libéré des centaines de djihadistes le régime de Bachar Al Assad a su tirer profit de leur montée en puissance.

    • Les jeux de billards à 5 ou 6 bandes, rien de tel pour rendre la compréhension des évènements impossible.

      « Alors vous comprenez, si Al Qaeda et Daesh sont nés, c’est parce que Assad les détenaient dans ses prisons et qu’il les a libéré. Et s’ils possèdent des chars d’assaut américain de dernière génération, c’est parce que Assad les a entrainé à les utiliser pendant qu’ils étaient en prison et que Assad leur a ensuite donné les clefs. Et si Al Qaeda et Daesh vendent du pétrole à la Turquie et à qui en veut, c’est parce que Assad, par machiavélisme anti-américain, les a laissé passer la frontière. Et même que c’est Assad qui prête des camions pour le transporter ».

      Plus j’t’embrouille, mieux c’est. Et s’il te plait, oublie vite le rôle des Saoudiens et des Qataris. Ce ne sont que des second rôles dans l’histoire. Et encore. Comme ils donnent de l’argent à tout l’monde, c’est comme s’ils n’en donnaient à personne.

    • @colporteur : l’article comporte à mon sens effectivement plusieurs « approximations fausses ».

      Quelques remarques sur l’article lui-même:

      1° - Même si les circonstances de sa découverte sont évoquées, la source qui a donné la 1ère série de documents au Spiegel n’est pas mentionnée. Pas même le groupe qui l’aurait fait. Je ne prétends pas contester l’authenticité de ces documents qui, malgré ce bémol, et pour les parties strictement tirées des documents présente peut-être un intérêt, mais celui-ci est nettement contrebalancé par des omissions et des supputations du seul journaliste présentées fallacieusement comme tirées des documents.
      2° - Ainsi le passage que vous citez sur le fait que Assad aurait noué certaines alliances en 2003 qu’il aurait « revitalisé 10 ans plus tard » n’est manifestement pas tiré de la deuxième série de documents, ce qui n’est pas clairement indiqué dans l’article. Le procédé me paraît du coup un peu manipulatoire. Car d’une part le journaliste fait simplement écho aux déclarations de l’époque de l’administration Bush, sans les contextualiser, lorsqu’il évoque l’époque de 2003 – les choses ont probablement été bien plus complexes que cela. D’autre part il n’évoque aucun fait précis qui permettrait de justifier cette idée qu’Assad aurait ensuite directement contribué à créer Daesh "10 ans plus tard" si ce n’est que le journaliste pense être que ça aurait été l’"intérêt" d’Assad. J’insiste donc sur le fait que la thèse implicite de ce passage qui est qu’Assad a directement et délibérément créé ou contribué à créer Daesh ne repose sur rien d’autre que le sentiment du journaliste tout en étant dans l’article à la suite des révélations tirées de la 2e série de documents, sans que la séparation entre ce qui provient des documents et les seules supputations du journaliste ne soit marquée.
      3° - La deuxième série de documents a été donnée au Spiegel, de leur aveu, par le groupe Liwaa al-Tawhid. Or celui-ci est un groupe islamiste (de l’avis de beaucoup émanation des Frères musulmans) qui a initialement rejoint la fameuse armée syrienne libre avant d’adhérer au Front islamique (en 2013). Le but de ce « Front » était d’établir un Etat islamique reposant sur la charia, et rejettait l’établissement d’un Etat démocratique. Les deux principales organisations de ce Front islamique sont Ahrar al-Cham et Jaysh al-islam. Toutes les deux sont d’idéologie salafiste, la première soutenue par le Qatar et la Turquie, la seconde par l’Arabie saoudite. Ajoutons qu’Ahrar al-cham a depuis rejoint au Nord une coalition qu’il domine conjointement avec al-Qaïda en Syrie (Jabhat al-Nusra) au sein de la coalition nommée Jaysh al-Fateh. Quant à Liwaa al-Tawhid elle a largement depuis disparu des radars. Je dois donc en conclure que le journaliste du Spiegel considère qu’un groupe islamiste qui mène une lutte armée contre la dictature syrienne pour le remplacer par un Etat non-démocratique reposant la charia, allié à des groupes salafistes dont les chefs se proposent publiquement de massacrer tous les alaouites (voir les déclarations de Zahran Alloush) et qui sont financés par les pétromonarchies du Golfe constitue ceux que le journaliste du Spiegel appelle indistinctement « les rebelles « et vous - à moins que je n’ai mal compris ? - « la révolte ».
      4° - Ce point est fondamental. L’article occulte le fait que jusqu’à la scission al-Nusra/Etat islamique en Irak, le groupe d’al-Baghdadi a été considéré par les plus hauts représentants de l’Armée Syrienne Libre comme une composante de la rébellion syrienne et ce jusqu’en 2013. Contrairement à ce que dit l’article ce groupe n’était pas présent que sous la forme de cellules dormantes se cachant derrière des bureaux de Da3wah (prédication). Il a combattu auprès de l’ASL durant la période 2012-2013 qui lui en rendait grâce. Alors quoi l’ASL était aussi manipulée par Assad ?

      Quelques remarques plus générales:

      1° - Je vous demande le nom d’un des islamistes libérés dans le cadre de l’amnistie de 2011 d’Assad qui aurait ensuite tenu une position importante au sein de Daesh ce qui permettrait d’étayer votre thèse sous-entendue ici : « sans compter que face au soulèvement, Assad a fait de libérer grand nombre de prisonniers islamistes des geôles syriennes... » . En réalité ceux qui soutiennent cette thèse n’ont que 3 noms à donner : Hassan Aboud et Abou Khaled al-Souri d’une part, qui ont en fait tous deux fondé le groupe Ahrar al-Cham considéré par l’Armée syrienne Libre comme des gens très bien et que nos médias continuent à intituler la « rébellion », et Abou Moussab al-Souri d’autre part dont la libération est une rumeur infondée puisqu’il était censé avoir rejoint al-Qaïda et qu’al Dhawaïri en personne a démenti cette rumeur assurant qu’il était toujours emprisonné en Syrie.
      2° - Je vous fais remarquer par ailleurs qu’avec le même genre d’argument et en adoptant la même logique, mais cette fois-ci étayée sur des faits, on pourrait en venir à dire que Daesh est en fait une création des Etats-unis puisque le « calife » de l’Etat islamique a été détenu puis libéré du camp américain d’al-Bucca avant de devenir le chef de l’Etat islamique en Irak puis de l’EIIL (Daesh) et d’EI. J’ajoute que le commandant militaire de l’Etat islamique, Abu Omar al-Shishani, un géorgien d’origine tchétchène qui combattu les forces russes dans les forces spéciales de la Géorgie de Saakachvili, a reçu la formation militaire d’instructeurs américains.
      En passant, que Daesh soit une création des Etats-Unis, est, d’après un sondage, une opinion majoritaire en Syrie.
      3° - L’hypothèse selon laquelle Assad aurait « revitalisé son alliance » avec l’Etat islamique en Irak en 2013 ("10 ans plus tard") par intérêt perd de vue le fait qu’à la même époque Nouri al-Maliki en Irak se rapproche d’Assad, a poussé les soldats américains vers la sortie (en 2011) et se rapproche de la Russie à qui il se met à commander des armes. Il est par ailleurs très proche de l’Iran. Croit-on Assad assez sot pour aider l’Etat islamique en Irak au risque qu’il élimine le seul allié qu’il ait à ses frontières, et ce au moment même ou après des relations tendues il est justement en train de devenir son allié ? Croyez-vous par ailleurs que les services iraniens en savent moins que vous ou bien qu’ils auraient continué à soutenir à Assad alors que ce jeu comportait ce risque – qui a effectivement eu lieu puisqu’al-Maliki est tombé à la suite des conquêtes de Da3ich en Irak, permettant ainsi aux Américains d’imposer un al-Abadi plus souple envers eux et de se réimpliquer en Irak - alors que c’était, selon le Spiegel, la hantise d’Assad en 2003 ?
      4° - Puisque le texte du Spiegel fait remonter toute cette histoire à 2003 il aurait été bon qu’il mentionne l’organisation qui, par changement de noms et agrégation de forces, est devenue l’Etat islamique : le groupe al-Zarqawi. Celui-ci a été porté à la connaissance du monde et élevé au rang de menace mondiale par les Etats-Unis dans leur justification de l’invasion de l’Irak en prétextant que ce groupe, jusque là cantonné aux confins du Kurdistan irakien, était en fait al-Qaïda et lié à Saddam Hussein – vous ne voyez pas comme une analogie ? J’ajoute que ce groupe, du fait de sa stratégie ultrasectariste et ses massacres de chiites, me paraît être un candidat très improbable pour avoir reçu le soutien, même machiavélique et très intéressé, d’Assad.
      5 - Je vous invite vivement à consulter ce document de la DIA de 2012 (services secrets de l’armée américaine), authentifié dans deux émissions de télé (al-Jazeera english et RT) par le chef de la DIA de l’époque, Michael Flynn : http://seenthis.net/messages/372860

      Je me tiens prêt à faire le travail fastidieux de vous donner des sources consultables pour vérifier les faits que j’évoque ici si vous me le demandez.

    • @colporteur : Je ne suis pas là pour dire qu’Assad n’est responsable de rien dans cette guerre : c’est une ordure, rien à redire à cela... mais il a une armée et une population derrière lui qui représentent tous ensemble la Syrie légale : en face, des terroristes dans l’acception la plus stricte, telle que définie par la plupart des états dans le monde. Et ces terroristes, leur financement est connu et documenté, leurs soutiens sont connus et documentés ("ils font du bon boulot", comme on dit en langage diplomatique français).

      En somme mon seul propos était que les false flags de la part de journalistes manipulés, c’est lourd. Surtout quand c’est aussi stupide que « ça ».

      Comme dirait d’autres seenthisiens, quand y-a #un_complot_qu_on_a_le_droit_de, faut se demander pourquoi celui-là et pas les autres.

    • Merci pour ta contribution @souriyam, elle est effectivement beaucoup plus informée que je ne le suis. Sans plus d’ironie que précédemment. Tes remarques étayées sur les fragilités de l’article me paraissent recevables. Sur la libération d’islamistes par le régime d’Assad, je me fondais sur le souvenir de lectures
      http://seenthis.net/messages/357346
      http://www.lemonde.fr/proche-orient/article/2014/06/10/debut-de-la-liberation-de-prisonniers-en-syrie_4435430_3218.html
      http://www.franceinfo.fr/actu/monde/article/maher-esber-ancien-chef-islamiste-627427
      que parmi ces libérés il y en ait peu qui aient atteint ensuite une renommé comme membres importants de Daech ne me semble pas démontrer grand chose quant à leur implication effective, je peux me tromper.
      Ici même, je le retrouve maintenant, des posts ont contesté qu’il s’agisse dune manipulation d’Assad
      http://seenthis.net/messages/283373

      L’intérêt principal de cet article tient à ses sources (dont je ne sais si elles sont critiquables, ciritiquées) qui permettent de donner à voir comment se manage la construction d’une organisation fasciste, à quel type d’organisation étatique est-il fait recours pour battre une révolution (question déjà présente dans les entretiens avec Pierre Torres).
      Vous ne citez pas Haji Bakr, comment situeriez-vous son rôle ? Le journaliste allemand cite la Stasi, et pas les Moukhabarat... mais pour le coup, en ce qui concerne des méthodes d’organisation clanico-maffieuses, empreintes de toute la violence de sujétion interne et externe possible, on vérifierait, ici, que la rivalité conduit au mimétisme (pas besoin d’adhérer pour cela à une théorie générale de la rivalité mimétique).

      L’approximation grossière dont je me réclame est plus grossière encore que celle de l’article qui prétend lui s’appuyer sur de faits. Elle admet a priori que toutes le forces en présence ont des raisons et des possibilités de recourir à des manipulations, sans admettre pour autant que ces manipulations puissent à elles seules expliquer une situation ; d’admettre qu’un pouvoir a tout intérêt à se choisir le meilleur ennemi possible. Cela je le tiens de quelques exemples qui ne sont pas syriens, celui du PS jouant du FN depuis les années 80 (ce qui n’ôte rien à la dynamique propre de ce parti) ou de la politique israélienne de destruction de la résistance palestinienne qui a conduit l’essentiel de celle-ci à renaître depuis le repli sur le noyau de la foi.

      Pour ce qui est de la Syrie, j’ai l’impression que pendant que la population continue d’être décimée et alors que tout espoir d’émancipation (pour dire vite) semble désormais intenable on peut s’attendre à tout ... Depuis pas grand chose si ce n’est mon expérience d’ado ayant par le passé joué au Risk :) : puisque les américains ne se lanceront pas dans une intervention terrestre, la suite reste imprévisible. Un renversement d’alliances ne parait pas à exclure, la Russie et la France imposant conjointement à Assad et à l’ASL de coopérer pour endiguer ou « exterminer » (comme dit Valls) Daech...

    • @colporteur : pardon pour le ton inutilement véhément. Je m’emporte peut-être un peu vite quand il est question de la Syrie.
      Pour ce qui est de la libération par Assad dans le cadre de l’amnistie de 2011 d’un certain nombre d’islamistes, elle ne fait pas de doutes. Il n’est pas interdit de faire l’hypothèse d’une certaine manipulation du régime à cette occasion mais il faut bien voir tout de même que tous les noms qu’on nous cite n’accréditent pas la thèse d’une création de Da3ich par Assad. De plus beaucoup de ceux qui utilisent cet argument - je ne parle pas de vous - soutiennent par ailleurs que nous aurions dû armer ces groupes, dont Ahrar al-Cham voire al-Nusra. On ne peut pas d’un côté prétendre qu’Assad a libéré des monstres et d’un autre côté se proposer de soutenir les groupes que ces monstres ont fondé ! Ainsi Robert Ford, ambassadeur américain en Syrie de 2010 à 2014 a soutenu cette thèse et chantonne maintenant que l’Occident devrait soutenir Ahrar al-Sham : http://www.mei.edu/content/at/yes-talk-syria%E2%80%99s-ahrar-al-sham
      Quant à David Petraeus, directeur de la CIA de 2011 à 2012, il propose maintenant publiquement de soutenir certains éléments d’al-Nusra (soit al-Qaïda en Syrie) :
      http://edition.cnn.com/2015/09/01/politics/david-petraeus-al-qaeda-isis-nusra

      It was an arresting headline in The Daily Beast on Monday: “Petraeus: Use Al Qaeda Fighters to Beat ISIS.” The report didn’t quote retired Gen. David Petraeus directly, but suggested he had told associates that he supports using “so-called moderate members of al Qaeda’s Nusra Front to fight ISIS in Syria.”
      In an exclusive statement to CNN, Petraeus clearly feels that his view requires much more explanation, back story and nuance.
      “We should under no circumstances try to use or coopt Nusra, an Al Qaeda affiliate in Syria, as an organization against ISIL,” the retired general and former CIA director told CNN, using another name for ISIS. “But some individual fighters, and perhaps some elements, within Nusra today have undoubtedly joined for opportunistic rather than ideological reasons: they saw Nusra as a strong horse, and they haven’t seen a credible alternative, as the moderate opposition has yet to be adequately resourced.”

      Or ces gens là, Petraeus et Ford, pour ne prendre que ces deux là, ont piloté la politique américaine en Syrie. Cela devrait nous donner à penser sur les ambiguïtés - pour le dire gentiment - de la guerre clandestine que l’"Occident" (y compris l’Etat français) a mené contre le régime syrien.
      Vous dîtes :

      L’approximation grossière dont je me réclame est plus grossière encore que celle de l’article qui prétend lui s’appuyer sur de faits. Elle admet a priori que toutes le forces en présence ont des raisons et des possibilités de recourir à des manipulations, sans admettre pour autant que ces manipulations puissent à elles seules expliquer une situation ; d’admettre qu’un pouvoir a tout intérêt à se choisir le meilleur ennemi possible

      Je suis tout à fait d’accord avec vous à la condition d’admettre que cette remarque vaut à la fois pour le régime syrien, la soi-disant rébellion modérée et l’Etat islamique. Mais cela vaut aussi pour l’ensemble des forces régionales et internationales qui soutiennent l’un ou l’autre camp. Et cela fait vraiment beaucoup de monde...

      Pour ce qui est de l’intérêt factuel dans l’article du Spiegel de documents qu’il commente (ayant trait à l’organigramme d’EI, le contrôle des populations et le rôle d’anciens cadres de la dictature de Saddam Hussein), je serai plutôt d’accord. Dommage que le Spiegel n’ait pas rendu public l’ensemble des documents. Des ouvrages évoquent par ailleurs ces mêmes questions, notamment celui d’Haytham al-Manna « Daech, l’Etat de barbarie » : http://www.madaniya.info/2014/09/12/califat-daech-prologue
      et celui, à mon avis plus médiocre et discutable de Loretta Napoleoni : « l’Etat islamique, multinationale de la violence ».

      Cordialement.

      @odilon : malheureusement je suis bien incapable de réaliser un tel travail.

    • Je suis pas choqué @souriyam par vos remarques ni même le ton que vous avez employé, je précisais juste ne pas être ironique (pour l’être il faut se croire sachant). Sinon pour avoir un fréquenté des réfugiés syriens ici, je ne parlerais pas de « modération » à propos de la soif de liberté et des risques encourus qui ont caractérisés le soulèvement là-bas. Modération, c’est une catégorie médiatico journalistique qui ne me va pas. La vie n’est pas modérée. Pour voir connu aussi des Libanais contraints de fuir le Liban pour éviter un embrigadement forcé par les phalangistes en passant par la Syrie, il me semble que la barbarie de ce régime n’ pas à être démontrée. Peu importe, je vais lire le texte que vous conseillez dont le titre s’inspire de celui de Seurat.
      Ce qui reste surprenant, quand même, et qui m’intéresse, c’est comment on mate une révolution

    • @odilon et @rastapopoulos : pas de fausse modestie de ma part quand je dis que j’en suis incapable. Il me manque non seulement les compétences cartographiques mais aussi linguistiques. Baragouiner péniblement quelques mots d’arabe est un niveau très insuffisant pour lire et traiter des sources primaires ou simplement utiliser la presse arabe... Il me semble par ailleurs - mais je ne veux balancer personne ;) - qu’il y a quelques seenthissiens qui seraient beaucoup plus aptes que moi pour un tel travail.

      @colporteur : pour ce qui est de Hajji Bakr, dont je ne sais rien de plus que ce que dit wikipedia, pour une fois les commentaires de Romain Caillet, qui relativise lui aussi l’intérêt de cet article, sont peut-être éclairants :
      https://twitter.com/RomainCaillet/status/590469560303779840

  • WikiLeaks - CIA Director John Brennan emails
    https://wikileaks.org/cia-emails/?day2

    Today, 21 October 2015 and over the coming days WikiLeaks is releasing documents from one of CIA chief John Brennan’s non-government email accounts. Brennan used the account occasionally for several intelligence related projects.

    John Brennan became the Director of the Central Intelligence Agency in March 2013, replacing General David Petraeus who was forced to step down after becoming embroiled in a classified information mishandling scandal. Brennan was made Assistant to the President for Homeland Security and Counterterrorism on the commencement of the Obama presidency in 2009—a position he held until taking up his role as CIA chief.

    According to the CIA Brennan previously worked for the agency for a 25 year stretch, from 1980 to 2005.

    Brennan went private in 2005-2008, founding an intelligence and analysis firm The Analysis Corp (TAC). In 2008 Brennan became a donor to Obama. The same year TAC, led by Brennan, became a security advisor to the Obama campaign and later that year to the Obama-Biden Transition Project. It is during this period many of the Obama administration’s key strategic policies to China, Iran and “Af-Pak” were formulated. When Obama and Biden entered into power, Brennan was lifted up on high, resulting in his subsequent high-level national security appointments.

    If you have similar official documents that have not been published yet

  • Petraeus: Use Al Qaeda Fighters to Beat ISIS
    http://www.thedailybeast.com/articles/2015/08/31/petraeus-use-al-qaeda-fighters-to-beat-isis.html

    Members of al Qaeda’s branch in Syria have a surprising advocate in the corridors of American power: Retired Army general and former CIA Director David Petraeus.

    The former commander of U.S. forces in Iraq and Afghanistan has been quietly urging U.S. officials to consider using so-called moderate members of al Qaeda’s Nusra Front to fight ISIS in Syria, four sources familiar with the conversations, including one person who spoke to Petraeus directly, told The Daily Beast.

    • Foreign Ministry Retrieves Young Jewish Israeli Who Planned to Enter Syria From Turkey
      read
      Barak Ravid Sep 01, 2015
      http://www.haaretz.com/news/diplomacy-defense/.premium-1.673934

      The Foreign Ministry in Jerusalem said Tuesday that it had facilitated the return of a young Jewish Israeli citizen who had planned to cross the border from Turkey into Syria. A source in the Foreign Ministry said that affair was not being treated as a security incident, but rather as a personal issue involving the young man.

      Deputy Foreign Ministry spokesman Alon Lavi said that the ministry had received a request last Thursday from an Israeli family, seeking help in bringing back to Israel a relative they said had flown to Crete en route to Syria. They were apparently concerned that he was planning to join the Islamic State (also known as ISIS).

      The young man is 21-year-old, but is still under legal guardianship of his family. The Foreign Ministry would not provide additional details about the young man, for reasons of privacy and the sensitive nature of the case.
      (...)
      The Turkish authorities agreed to help, and the Iskender police were able to find the young man and hand him over to his family, who had flown to Turkey to retrieve him. The man and his family returned to Israel on Monday.

      The Foreign Ministry’s Director for Israelis Abroad, Ilana Ravid, called the case complex and worrisome, but added, “thanks to the diplomatic activity of the Israeli representatives in Turkey and the good will of the Turkish authorities, the story had a happy ending.”

    • The former general isn’t the only ex-official who wants to talk to jihadist-linked fighters who share some, if not all, of the United States’ goals.

      Robert Ford, the former U.S. ambassador to Syria, has called for dialogue with Ahrar al Sham, a jihadist force he has called “probably the most important group fighting the Syrian regime now.”

      #stratèges #modérés

    • Gen Petraeus’s mad plan to bring Syrian al-Qaeda into US war against ISIS | Middle East Eye
      http://www.middleeasteye.net/columns/general-petraeus-s-mad-plan-bring-syrian-al-qaeda-us-war-against-isis

      Petraeus has first-hand experience for what happens when the US arms a militia it can’t control. In 2007, as part of a strategy to defeat al-Qaeda in Iraq (AQI), Petraeus armed and funded Sunni militias to stop fighting the US and start fighting AQI. The strategy worked, well, at least temporarily – that is until many of these militias later became ISIS. Now Petraeus wants to hit wash, spin, repeat.

      What can go wrong? Well, I’ll tell you.

  • Snowden Cites Petraeus Deal as Example of US Legal System Hypocrisy / Sputnik International
    http://sputniknews.com/military/20150318/1019692567.html

    Former NSA contractor Edward Snowden who revealed widespread surveillance programs said on Wednesday that the recent former CIA director’s plea deal with the government has laid bare the US justice system’s hypocrisy.
    On March 3, ex-CIA Director David Petraeus agreed to plead guilty to one misdemeanor count of disclosing classified material and pay a $40,000 fine, thus avoiding trial and a potential prison sentence.

    In contrast, Snowden is wanted in the United States on a number of charges, including espionage and theft of government property, facing up to 30 years in prison if convicted.

    Speaking Wednesday at a conference organized by international computer expo CeBIT in Hanover, Snowden said the information that Petraeus passed to his mistress in 2011 was “more highly classified than” his own revelations.

    They said that I stole the crown jewels, the keys to the kingdom. He provided things of a higher classification to his lover… And he’s getting of course a deal that includes no prison time, a very nominal fine,” Snowden said.

    Compared to other cases of “ordinary working-level” individuals disclosing information, he said the Petraeus deal “shows a fundamental unfairness in the justice system.”

  • The Iraqi Army Never Was
    http://www.theamericanconservative.com/articles/the-iraqi-army-never-was

    You haven’t seen much of a fight because the (Iraqi) army just disappeared,” Marine Corps veteran Matthew Hoh, who served two tours in Iraq, tells TAC. “They were not made to defend the country against invaders.”

    Feel-Good Generals

    This is a long way from the rosy picture described by top U.S. generals like David Petraeus and his protégé Raymond Odierno (now Army Chief of Staff) just a few years ago. In June 2009, as the U.S. was readying the first phases of withdrawal, Odierno, then-commander of American forces in Iraq, told the media and Congress that Iraqi forces were ready to operate on their own.

    “I do believe they’re ready,” General Odierno said from Baghdad on CNN’s “State of the Union.” “They’ve been working towards this for a long time. And security remains good.”

    Petraeus told Congress a year earlier, “the performance of many units was solid, especially once they got their footing,” and that over 100 combat battalions were capable of taking the lead, “albeit with coalition support.” He continued in his April 2008 testimony to describe “an increasingly robust Iraqi-run training base” that “enabled the Iraqi Security Forces to grow by over 133,000 soldiers and police over the past 16 months,” with “an additional 50,000 Iraqi soldiers and 16 Army and Special Operations battalions” expected by the end of the year.

    Of course, Petraeus was busy selling himself, too. He was already taking credit for what CNN’s Peter Bergen called bringing “Iraq back from the brink of disaster,” as “the most effective American military commander since Eisenhower.” It was in his best interest to try and prove that helping Prime Minister Nouri al-Maliki vanquish all his Sunni and Shia rivals, and putting 100,000 Sunni fighters on the American payroll, were more than just temporary Band-Aids.

  • A lire l’extraordinaire David Ignatius on croirait que la « spirale des tueries sectaires » existait avant l’invasion étasunienne et que David Petraeus n’a jamais créé d’escadrons de la mort.

    David Ignatius : Ten years later, recalling Iraq’s hard lessons - The Washington Post
    http://www.washingtonpost.com/opinions/david-ignatius-ten-years-later-recalling-iraqs-hard-lessons/2013/03/20/5a05890c-90d7-11e2-bdea-e32ad90da239_story.html?hpid=z2

    By checking the spiraling sectarian killing, the surge of U.S. troops led by Bush and Gen. David Petraeus saved thousands of Iraqi lives. It’s one thing Americans did right in this painful story.

  • J’évoquais l’étonnement de voir l’affaire « Petraeus » comme traitée uniquement sous l’angle « sexe » dans la Presse : http://seenthis.net/messages/96861

    Et ça continue. Je consulte Google News. C’est toujours la même vacuité, et vas-y que je te fais l’historique de toutes les histoires de fesses de l’histoire américaine...

    Un exemple affligeant issu de SIPA/AP :

    WASHINGTON (Sipa-AP) — Du héros tombé de son piédestal incarné par le général David Petraeus à la magnétique bénévole Jill Kelley, en passant par l’agent du FBI quelque peu dénudé, l’affaire Petraeus décline une galerie de personnages dignes d’une « tragédie grecque », comme l’a dit un élu américain, ou, plus moderne, d’une série télévisée. Passage en revue des protagonistes de ce qui est devenu l’affaire des généraux.

    http://www.romandie.com/news/n/Les_protagonistes_de_l039affaire_Petraeus_David_Paula_Jill_John_et_les_aut

    Ce n’est pas que j’aime les théories du complot, mais en guise d’explication de ces démissions, j’ai tendance à trouver les explications suivantes beaucoup plus... pertinentes :

    http://www.dedefensa.org/article-de_benghazi_petraeus_en_passant_par_une_vid_o_de_paula_13_11_2012

    De Benghazi à Petraeus, en passant par une vidéo de Paula

    … La clef unique, peut-être pas, mais l’une des clefs, sans aucun doute ? Il s’agit d’une vidéo de Paula Broadwell, la maîtresse de l’ex-directeur de la CIA, démissionnaire depuis le 9 novembre. Hier, en tout début de journée le 12 novembre 2012, le site WorldNetDaily (WND) “révélait” que l’explication possible de la démission de Petraeus, et l’explication plus que possible de l’attaque contre Benghazi, se trouvaient exposées publiquement, sous la forme d’une vidéo montrant une conférence de Paula Broadwell, la désormais célèbre maîtresse de Petraeus, le 26 octobre 2012 à l’université de Denver.

    • Au cours de la séance de questions-réponses, Broadwell déclare essentiellement, pour ce qui est la cause de l’attaque de Benghazi : « Now I don’t know if a lot of you heard this, but the CIA annex had actually had taken a couple of Libya militia members prisoner. And they think that the attack on the consulate was an effort to try to get these prisoners back. So that’s still being vetted. »

  • Évidemment, on a le droit de croire que les néoconservateurs n’ont plus aucun pouvoir. C’est juste qu’ils supervisaient le travail de David Petraeus.
    http://www.washingtonpost.com/world/national-security/former-aides-wonder-did-petraeus-stumble-in-unfamiliar-terrain/2012/11/11/881b650c-2c3a-11e2-a99d-5c4203af7b7a_story.html

    Prominent members of conservative, Washington-based defense think tanks were given permanent office space at his headquarters and access to military aircraft to tour the battlefield. They provided advice to field commanders that sometimes conflicted with orders the commanders were getting from their immediate bosses.

    Some of Petraeus’s staff officers said he and the American mission in Afghanistan benefited from the broader array of viewpoints, but others complained that the outsiders were a distraction, the price of his growing fame.

  • Did the #Surveillance State Get Hit By Friendly Fire? : The New Yorker
    http://www.newyorker.com/online/blogs/newsdesk/2012/11/david-petraeus-and-the-surveillance-state.html

    Last March, in a speech he delivered at a gathering orchestrated by In-Q-Tel, the venture-capital incubator of the Central Intelligence Agency, David Petraeus, the Agency’s director, had occasion to ruminate on “the utter transparency of the digital world.” Contemporary spooks faced both challenges and opportunities in a universe of “big data,” but he had faith in the “diabolical creativity” of the wizards at Langley: “Our technical capabilities often exceed what you see in Tom Cruise movies.” In the digital environment of the twenty-first century, Petraeus announced, “We have to rethink our notions of identity and secrecy.”

    This story is a mine-field of double-entendres.

    #espionnage #secret #drôle #silicon_army

  • CIA Chief: We’ll Spy on You Through Your Dishwasher | Danger Room | Wired.com
    http://www.wired.com/dangerroom/2012/03/petraeus-tv-remote

    More and more personal and household devices are connecting to the internet, from your television to your car navigation systems to your light switches. CIA Director David Petraeus cannot wait to spy on you through them.

    Earlier this month, Petraeus mused about the emergence of an “Internet of Things” — that is, wired devices — at a summit for In-Q-Tel, the CIA’s venture capital firm. “‘Transformational’ is an overused word, but I do believe it properly applies to these technologies,” Petraeus enthused, “particularly to their effect on clandestine tradecraft.”

    All those new online devices are a treasure trove of data if you’re a “person of interest” to the spy community. Once upon a time, spies had to place a bug in your chandelier to hear your conversation. With the rise of the “smart home,” you’d be sending tagged, geolocated data that a spy agency can intercept in real time when you use the lighting app on your phone to adjust your living room’s ambiance.

    “Items of interest will be located, identified, monitored, and remotely controlled through technologies such as radio-frequency identification, sensor networks, tiny embedded servers, and energy harvesters — all connected to the next-generation internet using abundant, low-cost, and high-power computing,” Petraeus said, “the latter now going to cloud computing, in many areas greater and greater supercomputing, and, ultimately, heading to quantum computing.”

  • Terrorisme : aux Etats-Unis, l’armée pourra emprisonner sans procès | Rue89
    http://www.rue89.com/2011/12/23/terrorisme-aux-etats-unis-larmee-pourra-emprisonner-sans-proces-227550

    Barack Obama avait fait planer la menace d’un veto sur une proposition loi très controversée, qui fait partie de la série annuelle des lois sur le financement de la Défense. Finalement, il signera bien ce texte qui comporte un article permettant à l’armée américaine d’arrêter n’importe quel citoyen soupçonné de terrorisme et de le détenir, en dehors de tout processus judiciaire et pour une durée indéterminée.

    L’opposition à cette loi ne manquait pas de voix prestigieuses : David Petraeus (chef de la CIA), le secrétaire à la Défense Leon Panetta, James Clapper (directeur du renseignement national) et Robert Mueller (directeur du FBI) se sont tous prononcés contre son adoption.

    Sensibles aux questions des libertés, les Anonymous se sont emparés du sujet en publiant l’identité des 86 sénateurs – démocrates et républicains – qui ont voté en faveur de la loi, vidéo à l’appui.

    http://www.youtube.com/watch?v=btJ5jjhN3R8&feature=player_embedded

    #justice #Etats-Unis

  • Selon un rapport d’experts, les résultats de l’OTAN en Afghanistan seraient exagérés - LeMonde.fr
    http://lemonde.fr/asie-pacifique/article/2011/10/13/selon-un-rapport-d-experts-les-resultats-de-l-otan-en-afghanistan-seraient-e

    Les spécialistes de l’Afghanistan Analysts Network (AAN), une organisation basée à Kaboul, estiment dans un rapport publié jeudi 13 octobre que la force internationale de l’#OTAN en #Afghanistan (ISAF), menée par les Etats-Unis, a tendance a exagérer le succès de ses opérations contre les talibans.

    Voir aussi là, on y trouve le rapport

    The data shows differences in operational pace and impact across the country, and provides insight in the use of ISAF terminology with regard to ‘leaders’ and ‘facilitators’ and reveals some important inconsistencies.

    http://aan-afghanistan.com/index.asp?id=2152

    ou là, quelques données et #carto

    Every Nato kill-capture mission in Afghanistan detailed and visualised

    “Kill/capture” missions by Isaf in Afghanistan mushroomed under General David Petraeus. But did they achieve anything? A comprehensive new database attempts to find out
    http://www.guardian.co.uk/news/datablog/2011/oct/12/afghanistan-nato-kill-capture-raids-isaf-petraeus

  • Lisez-bien ceci : le général #David_Petraeus, dont les forces ont massacré ce week-end plus de cinquante civils, explique qu’en fait, ce sont les parents afghans qui pourraient avoir brûlé leurs propres enfants pour exagérer le nombre de victimes civiles.

    Petraeus’s comments on coalition attack reportedly offend Karzai government
    http://www.washingtonpost.com/wp-dyn/content/article/2011/02/21/AR2011022103256.html?hpid=topnews

    To the shock of President Hamid Karzai’s aides, Gen. David H. Petraeus suggested Sunday at the presidential palace that Afghans caught up in a coalition attack in northeastern Afghanistan might have burned their own children to exaggerate claims of civilian casualties, according to two participants at the meeting.

    #Afghanistan