person:david roediger

  • « Whiteness studies » : il était une fois les Blancs…

    L’historienne américaine Nell Irvin Painter publie une ambitieuse « Histoire des Blancs », qui montre que l’humanité s’est bien longtemps passée du concept de « races ». Née en Europe au XVIIIe siècle, l’idée de la supériorité des « Caucasiens » jouera un rôle central dans la construction de l’identité américaine.

    « Whiteness studies » : il était une fois les Blancs raconte que l’idée d’écrire une Histoire des Blancs lui est venue en lisant le New York Times, chez elle, à Princeton. Une photo montrait Grozny, la capitale tchétchène, rasée par les Russes. « Une question m’est alors venue : pourquoi appelle-t-on les Blancs américains les "Caucasiens" ? Ça n’a aucun sens. Autour de moi personne n’avait de réponse. Tous me disaient s’être déjà posé la question sans jamais oser demander… Un non-dit. » On est en 2000 et Nell Irvin Painter, historienne afroaméricaine jusqu’alors spécialisée dans l’histoire des Etats-Unis, se lance dans une longue recherche qui s’achèvera dix ans plus tard avec la parution, outre-Atlantique, de son livre The History of White People . Il vient d’être traduit et paraît ces jours-ci en France, aux éditions Max Milo.

    « La plus belle race d’hommes, la géorgienne »

    Sa quête la mène d’abord à Göttingen, en Allemagne, sur les traces du médecin Johann Friedrich Blumenbach (1752-1840), l’inventeur de la notion de « race caucasienne ». Ses caractéristiques : « La couleur blanche, les joues rosées, les cheveux bruns ou blonds, la tête presque sphérique », écrit le savant dans De l’unité du genre humain et de ses variétés . L’homme classe dans cette catégorie « tous les Européens, à l’exception des Lapons et des Finnois », et l’étend aux habitants du Gange et de l’Afrique du Nord. « J’ai donné à cette variété le nom du mont Caucase, parce que c’est dans son voisinage que se trouve la plus belle race d’hommes, la géorgienne », conclut Blumenbach.

    Nell Irvin Painter poursuit ensuite le fil de ses recherches en France, dans les salons de Mme de Stael qui publie en 1810 un livre à succès, De l’Allemagne . L’ouvrage popularise en France la manie qu’ont les savants allemands (ils ne seront bientôt plus les seuls) à classer les Européens entre différentes « races ». Mme de Stael en voit trois : la latine, la germanique et la slave. L’enquête de Painter la porte encore vers l’Angleterre de l’écrivain Thomas Carlyle, dont la théorie de la « race saxonne » traversera l’Atlantique et exerça une grande influence sur le poète et philosophe américain Emerson (1803-1882). Celui-ci, père de la philosophie américaine, abolitionniste convaincu, est aussi l’un de ceux qui a lié pour longtemps la figure de « l’Américain idéal » à celui de l’Anglais, parangon de beauté et de virilité. Son idéologie « anglo-saxoniste » marquera, selon Nell Irvin Painter, la conception de la « blanchité » américaine jusqu’au XXe siècle.

    Car pour le reste, l’histoire que retrace Nell Irvin Painter dans son livre est bien celle des Blancs d’Amérique. « Painter montre la construction endémique, aux Etats-Unis, de la question raciale, analyse l’historienne Sylvie Laurent, qui a coordonné le livre De quelle couleur sont les Blancs ? (La Découverte, 2013). Dès la fondation des Etats-Unis, les Américains se sont construits comme une nation blanche. Sa généalogie de la "race blanche" est un travail passionnant, même s’il n’est pas transposable à la situation française. »

    En France, parler de « Blancs » (plus encore qu’évoquer les « Noirs ») reste très polémique. Notamment parce que parler de « race » (une notion construite de toutes pièces et qui n’a rien de biologique), comme de couleur de peau, pourrait finir par leur donner une réalité qu’elles n’ont pas. Sans doute aussi parce qu’il est difficile pour un groupe majoritaire, les personnes perçues comme blanches, d’accepter qu’elles bénéficient de privilèges sans même s’en rendre compte… Les récents passages de Nell Irvin Painter à la radio ou à la télévision ont suscité des mails outrés d’auditeurs. « C’est touchant, ironise l’historienne américaine, lors d’un passage à Paris. Mais cette crispation face à ces questions passera. » Déjà, des chercheurs, comme Maxime Cervulle à l’université Paris-VIII, revendique la notion émergente de « blanchité » : « Alors que le terme "blancheur" renvoie à une simple propriété chromatique, parler de blanchité, c’est parler de la façon dont le fait de se dire ou d’être perçu comme blanc a été investi d’un rapport de pouvoir : l’idéologie raciste qui continue d’associer la blancheur de la peau à la pureté, la neutralité ou l’universalité. »

    « La question raciale, indissociable de la question sociale »

    Aux Etats-Unis, les whiteness studies se sont développées dès les années 80 et 90. Des départements d’université ou des maisons d’édition y sont consacrés. « Les années Reagan ont accouché de ce nouveau champ d’études, explique l’historien Pap Ndiaye, spécialiste des Etats-Unis et auteur de la Condition noire (Calmann-Lévy, 2008). Reagan s’est fait le porte-parole des Blancs "abandonnés" par le Parti démocrate… Un discours qu’on retrouve aujourd’hui avec Trump. Des historiens ont voulu étudier ce backlash conservateur. » L’historien David Roediger est l’un des premiers à travailler sur l’invention de la « race » blanche. En 1991, il publie The Wages of Whiteness . « Il a montré que la blanchité n’était pas un universel fixe et sans histoire. Et qu’on pouvait donc faire l’histoire des Blancs », note Pap Ndiaye. Roediger, marqué par le marxisme, relit la culture ouvrière au prisme de la « race ». « La question raciale est indissociable de la question sociale, confirme Pap Ndiaye. Les immigrés italiens aux Etats-unis ont été animalisés et victimes d’un racisme incroyable. Ils ne se sont "blanchis" qu’au fil de leur ascension sociale. Quand on est tout en bas de l’échelle, on n’est jamais totalement blanc. Les hiérarchies de races sont aussi des hiérarchies de classes. » Au fil des années, les whiteness studies ont diversifié leur approche s’ouvrant largement à la dimension du genre, et dépassant les frontières américaines pour tenter d’écrire une histoire transnationale des « races ».

    Pourtant, selon l’américaniste Sylvie Laurent, « les recherches sont sans doute aujourd’hui plus stimulantes parmi les working class studies ou les gender studies, que dans les départements de whiteness studies des universités ». « Au fond, dit-elle aussi, les chercheurs des whiteness studies se sont toujours appuyés sur les grands penseurs noirs, ceux qui ont été exclus du groupe des Blancs : le sociologue et militant pour les droits civiques W.E.B. DuBois (1868-1963) ou James Baldwin, qui a été un grand théoricien du "pourquoi les Blancs se pensent blancs". Aujourd’hui encore, ce n’est pas un hasard si cette vaste Histoire des Blancs est écrite par une femme noire, Nell Irvin Painter. »

    « Embrasser une histoire beaucoup plus large »

    Née en 1942, celle-ci a été parmi les premières femmes noires a devenir professeure d’histoire dans les facs américaines - elle a enseigné à Princeton. Elle a consacré un livre à la migration de Noirs vers le Kansas après la guerre de Sécession et a écrit une biographie reconnue de la féministe et abolitionniste Sojourner Truth. « Cette Histoire des Blancs je l’ai écrite en tant qu’historienne, pas en tant qu’afroaméricaine. Je suis noire, c’est un fait, mais "it’s not my job" », prévient-elle. Painter n’est pas issue des départements de whiteness studies et revendique un regard différent de celui de la plupart de ses collègues. « A travers leurs recherches, ils ont retracé leur généalogie : leurs grands-pères étaient juifs d’Europe de l’Est ou italiens… Ils commencent donc leur histoire des Blancs à la fin du XIXe siècle, le moment où leurs aïeux ont débarqué du bateau. Je voulais au contraire embrasser une histoire beaucoup plus large. »

    A tel point que Nell Irvin Painter fait démarrer son livre… dans l’Antiquité. Manière de démontrer à quel point le concept de « race » est récent. « Contrairement à ce que croient des gens très éduqués encore aujourd’hui, les Anciens ne pensaient pas en terme de race », insiste Nell Irvin Painter. Les Grecs distinguaient les hommes en fonction de leur lieu d’origine ou du climat de leur région. Les Romains pensaient en terme de degrés de civilisation. Les Blancs ne sont donc pas les illustres et exclusifs descendants des démocrates grecs. « C’est le XIXe siècle qui a "racialisé" l’Antiquité, précise l’historienne. Des historiens de l’art, comme Johann Joachim Winckelmann notamment, s’en sont servis pour glorifier les Européens blancs, cette fois dans une perspective esthétique : "Nous n’avons pas seulement le génie de gouverner les autres, nous avons également toujours été les plus beaux." Un tableau exposé au Boston Museum représente ainsi des Grecs beaux et blonds, dont même les montures sont blondes ! »

    L’humanité a donc passé le plus clair de son temps à se passer des « races ». « Celles-ci sont nées au XVIIIe siècle dans les travaux de savants qui cataloguaient le monde entier : les plantes, les oiseaux, les rochers, les abeilles… et bientôt les êtres humains, dit encore l’historienne Nell Irvin Painter. Leur visée n’était pas raciste, mais chauviniste plutôt. Ethnocentriste. »

    Il est une autre idée - fausse - qui a pour longtemps suggéré une différence d’essence entre les Blancs et les Noirs, « creusant définitivement un abîme entre eux », écrit Painter. Etre noir, ce serait avoir été esclave ; être blanc, serait donc ne jamais l’avoir été. Or des Blancs, rappelle-t-elle, furent longtemps esclaves ou serfs : les Vikings ont massivement déplacé les peuples européens, et au XIe siècle, au moins un dixième de la population britannique a été réduit en esclavage. « P artout où il y a des gens pauvres, il y a de l’esclavage. Si nous le relions aujourd’hui aux Noirs, c’est parce que la traite africaine a coïncidé avec le moment où ont émergé les théories racialistes. Avant, il n’y avait pas le "langage racial" pour "légitimer" ce phénomène. C’est important de le dire : cela montre que l’esclavage n’est pas un problème racial, c’est un problème de droits humains. »

    « Discours embrouillés et changeants »

    Dernière idée que cette Histoire des Blancs met en charpie : il n’y a jamais eu une « race » blanche bien définie. Construction sociale et imaginaire comme toutes les races, la « blanchité » n’a jamais été stable, mais au contraire le fruit de « discours embrouillés et changeants », explique Nell Irvin Painter. Au XIXe siècle, les Saxons étaient censés être des Blancs supérieurs aux Celtes (ce qui expliquera en partie le racisme des Américains descendants des Anglais envers les Irlandais). « L’histoire des Blancs américains n’a pas de sens si on ne parle pas des vagues successives d’immigration aux Etats-Unis. » Progressivement, les Irlandais, les Italiens, les Juifs d’Europe de l’Est, les Grecs… intégreront et construiront l’identité américaine. C’est ce que Painter appelle les « élargissements » successifs de la figure de « l’Américain ». L’ère Obama, en est la dernière étape. « Qu’on ait la peau noire ou brune, pourvu qu’on soit riche, puissant ou beau, on a désormais accès aux atouts et privilèges de la blanchité », conclut Nell Irvin Painter.

    L’élection de Trump a représenté un point de bascule pour l’identité blanche, estime encore l’historienne : « Avant Trump, les Blancs se considéraient comme des individus. Les "races", les "communautés", c’était les autres : les Noirs, les Mexicains… Mais pendant sa campagne, le slogan "Make America great again" a été clairement entendu comme "Make America white again". Et les Blancs, même ceux qui n’étaient pas des suprémacistes, se sont découverts blancs. »

    Au fil de ses recherches, Painter a trouvé, bien sûr, l’origine du mot « caucasien ». Dans son cabinet d’anthropologue, Johann Friedrich Blumenbach, le savant de Göttingen, conservait des crânes. Il estimait que le plus « parfait » d’entre eux était celui d’une jeune fille géorgienne, une « caucasienne », qui fut violée et mourut d’une maladie vénérienne. Le terme « caucasien », qui devait devenir au fil des siècles le mot de ralliement de « Blancs » qui, dans le monde entier, se sentiront supérieurs, venait en fait d’une petite esclave sexuelle.

    Sonya Faure

    https://www.liberation.fr/debats/2019/02/24/whiteness-studies-il-etait-une-fois-les-blancs_1711379

  • Du nouveau sur le front du digital labor

    Fuchs publie un article qui cite Scholz... non pas Trebor Scholz mais Roswitha Scholz !

    http://journals.sagepub.com/doi/pdf/10.1177/0896920517691108

    Une critique du travail (et non pas du point de vue du travail) va-t-elle commencer à émerger dans ce domaine de recherche ? La prochaine étape peut-elle être une critique du numérique qui ne s’en tienne pas à la seule dénonciation des phénomènes empiriques ?

    • This article asks: How can understanding the relationship of exploitation and oppression inform the study of digital labour and digital capitalism? It combines the analysis of capitalism, patriarchy, slavery, and racism in order to analyse digital labour. The approach taken also engages with a generalization of David Roediger’s wages of whiteness approach, Marxist feminism, Angela Davis’s Marxist black feminism, Rosa Luxemburg, Kylie Jarrett’s concept of the digital housewife, Jack Qiu’s notion of iSlavery, Eileen Meehan’s concept of the gendered audience commodity, and Carter Wilson and Audrey Smedley’s historical analyses of racism and class. The article presents a typology of differences and commonalities between wage-labour, slave-labour, reproductive labour, and Facebook labour. It shows that the digital data commodity is both gendered and racialized. It analyses how class, patriarchy, slavery, and racism overgrasp into each other in the realm of digital capitalism. It also introduces the notions of the organic composition of labour and the rate of reproductive labour and shows, based on example data, how to calculate these ratios that provide insights into the reality of unpaid labour in capitalism.

      #digital_labor #paywall non ? L’article complet est-il magiquement trouvable quelque part ?

  • Marxisme et théorie de la race : état des lieux | Période
    http://revueperiode.net/marxisme-et-theorie-de-la-race-etat-des-lieux

    Les théories critiques de la race sont parfois perçues comme un élément étranger au marxisme, importées des Cultural Studies ou participant de la décomposition d’une perspective matérialiste dans la théorie. Contre ce préjugé, David Roediger dresse ici l’histoire longue ainsi que le bilan des études critique de la race : des réflexions pionnières de Du Bois aux recherches menées dans le sillage de la Nouvelle gauche sur l’histoire de la blanchité par Roediger, Ignatiev ou Allen, c’est un marxisme particulièrement original, ouvert sur d’autres formes de savoir telles que la psychanalyse et toujours fondé sur l’expérience des luttes de classe qui se révèle ainsi.

    #marxisme #lutte_des_classes #blanchité #racialisation

  • Marxisme et théorie de la #race : état des lieux
    http://revueperiode.net/marxisme-et-theorie-de-la-race-etat-des-lieux

    Les théories critiques de la race sont parfois perçues comme un élément étranger au marxisme, importées des Cultural Studies ou participant de la décomposition d’une perspective matérialiste dans la théorie. Contre ce préjugé, David Roediger dresse ici l’histoire longue ainsi que le bilan des études critique de la race : des réflexions pionnières de Du Bois aux recherches menées dans le sillage de la Nouvelle Gauches sur l’histoire de la blanchité par Roediger, Ignatiev ou Allen, c’est un marxisme particulièrement original, ouvert sur d’autres formes de savoir telles que la psychanalyse et toujours fondé sur l’expérience des luttes de classe qui se révèle (...)

    #Uncategorized #CLR_James #racisme

  • Becoming “White”: Race, Religion and the Foundations of Syrian/Lebanese Ethnicity in the United States | Sarah Gualtieri - Academia.edu
    https://www.academia.edu/12158528/Becoming_White_Race_Religion_and_the_Foundations_of_Syrian_Lebanese_Ethnic

    ON 14 SEPTEMBER 1915, George Dow, a Syrian1 immigrant living in South Carolina appeared before a circuit court judge and waited to hear the fate of his petition for naturalization. Twice already, it had been denied in a lower court because he was deemed racially ineligible for citizenship. Specifically, Dow had been refused naturalization on the grounds that he did not meet the racial requirement of the United States law, which limited naturalization to "aliens being free white persons, and to aliens of African nativity and to persons of African descent."2 George Dow could not, therefore, be accepted into the fold of American citizenry. The Syrian community which by conservative estimates num bered around 150,000 persons nationwide was outraged by the refusal to naturalize Dow.3 His was not the first case to ignite a community response, but around it Syrian immigrants mobilized to a degree that was unprecedented. Their efforts would ultimately prove effective, for in this, George Dow’s final appeal, the judge ruled that Syrians “were to be classed as white persons,” and were eligible for naturalization.4 Although it was not the last time a Syrian appeared before the courts attempting to litigate his (the cases involved men only) racial status, the Dow case established a weighty legal precedent in favor of Syrian white
    ness.

    [...]

    Simply put, Syrians wanted to be recognized as white because it made them eligible for citizenship and the privileges it afforded (such as the right to vote and travel more freely); but being white was not the only way to gain naturalization. It was also possible, since the amendment of the naturalization statute in 1875, to argue for naturalization on the basis of African nativity or descent. Yet, not a single appliant in the racial prerequisite cases, Syrian or otherwise, attempted to make this argument.9 One could argue that it would have been inherently illogical for Syrians to argue for naturalization on the basis of African nativity or descent since Syria was not in Africa. However, as this essay attempts to show, arguments in favor of Syrian whiteness were rooted more in ideology than logic, for there was nothing more fanciful, ridiculous and illogical than the idea that whiteness could be linked to a single skull; that of a Georgian woman found in the Caucasus.10

    The main reason Syrians chose to stake their claim to citizenship on the basis of membership in the “white race” was that there was some thing compelling, even alluring, about whiteness that went beyond the strategic and the practical. Historian David Roediger, drawing on W.E.B. DuBois, has called this the “wages of whiteness”, the psychological compensation of being “not black” in a racist, exploitative society.11 This theory helps explain why working-class immigrants claimed whiteness, but there is also the question of how they did so. As Roediger and Noel Ignatiev’s work on the Irish shows, immigrants participated in and transformed institutions and cultural traditions that marked them as “white” and blacks as "others."12 “To enter the white race,” Ignatiev reminds us, “was a strategy to secure an advantage in a competitive society,” and whiteness was, ultimately, the "result of choices made."13

  • Pour déracialiser, il faut penser la race (et la classe) | Période
    http://revueperiode.net/pour-deracialiser-il-faut-penser-la-race-et-la-classe

    Il faut définitivement se débarrasser des approches des classes sociales qui passent outre les considérations sur la race. Eilzabeth Esch et David Roediger présentent diverses analyses de Bourdieu, Wacquant, Adolph Reed ou encore Darder et Torres, qui font volontairement l’impasse sur la #race. Les auteurs proposent à l’inverse de relire plusieurs épisodes récents en Australie, en Afrique du Sud ou au Venezuela pour apprécier l’importance théorique et militante d’un antiracisme qui prenne en compte la race.

    #coincidence cette traduction vient de paraître cc @ bb

    • Ethnicisations ordinaires, voix minoritaires
      Revue Sociétés contemporaines 2008/2
      http://www.cairn.info/revue-societes-contemporaines-2008-2.htm

      Si le racisme a déjà fait couler beaucoup d’encre dans la littérature des sciences sociales, et si l’immigration fait l’objet de toutes les attentions et reçoit de nombreuses publications, l’analyse des processus « d’ethnicisation ordinaire » en est encore à ses balbutiements. Loin des formes brutales et spectaculaires d’un racisme tonitruant, ce dossier s’intéresse aux formes plus subtiles d’ethnicisation qui se déploient dans l’ordinaire des relations sociales. Les contributions réunies ici s’attachent à décrire et analyser la prégnance banale, normale, routinière des classements sociaux fondés sur l’origine. Quelles logiques sociales, économiques et spatiales ont contribué à les façonner ? Comment s’articulent-t-elles avec le racisme ordinaire ? Il sera peu question ici de criminalisation de l’immigration, de brutalités policières, d’invectives publiques ou de crimes à caractère raciste, mais de logiques sociales, économiques et institutionnelles, parfois animées des meilleures intentions, qui informent aussi l’expérience quotidienne des groupes minoritaires. De cette complexité des relations qui se tissent au jour le jour entre groupes majoritaires et minoritaires, il s’agit moins de dégager une analyse univoque des ferments de la colère que de démêler l’écheveau de relations asymétriques qui n’excluent ni la collaboration sur les lieux de travail, de loisir et de résidence, ni la confiance mutuelle, ni la convivialité ni même l’amitié. Pour les chercheurs, il est aujourd’hui moins question de dessiller les yeux des observateurs du monde social que de poursuivre une analyse rigoureuse des relations interethniques et du racisme, dans un domaine où de nombreuses friches empiriques et théoriques demeurent. En particulier, un point reste moins exploré : que nous apprend l’expérience sociale des acteurs sociaux et des groupes en situation minoritaire ?

      Intro/Edito http://www.cairn.info/revue-societes-contemporaines-2008-2-page-7.htm

      Humiliations ordinaires et contestations silencieuses. La situation des travailleurs précaires des chantiers | Nicolas Jounin http://www.cairn.info/revue-societes-contemporaines-2008-2-page-25.htm

      Nicolas Jounin est l’auteur de Chantier interdit au public. Enquête parmi les travailleurs du bâtiment, Paris, Éditions La Découverte (2008)