« L’État punitif remplace progressivement l’État Social » (Didier Fassin, L’Humanité, 16.05.19)
▻https://www.humanite.fr/letat-punitif-remplace-progressivement-letat-social-672159
L’usage excessif de la force contre un #mouvement_social est toujours un signe de faiblesse du #pouvoir, et l’#autoritarisme déployé par le gouvernement témoigne d’une perte d’autorité, laquelle suppose l’exercice de la volonté sans exercice de la #violence.
[…] Mais la dynamique a été enclenchée bien avant, en particulier avec la déclaration de l’#état_d’urgence en 2015 et le vote d’un texte introduisant les principales mesures de l’état d’urgence dans la loi ordinaire en 2017.
[…] Il y a le maintien de l’ordre lors de manifestations, comme ce à quoi on assiste tous les samedis depuis novembre dernier. Une version plus dure encore s’exprime dans la #répression de désordres qui éclatent après la mort d’une ou plusieurs personnes lors d’interactions avec la #police. Et il y a les activités dites de #sécurité_publique, qui visent essentiellement les #quartiers_populaires et leurs habitants, sur leur lieu de résidence aussi bien que dans les lieux publics, notamment les gares, sur la base d’un #profilage_racial. Elles consistent en une pression quasi quotidienne par des contrôles d’identité et de fouilles au corps, s’accompagnant de formes diverses d’#humiliation, brimades, menaces, parfois de sévices et d’interpellations.
Alors que le maintien de l’ordre est spectaculaire et abondamment commenté dans les médias, les activités de sécurité publique demeurent presque #invisibles et rarement dénoncées, hormis lorsqu’un accident grave survient.
]]>Rôle des intellectuel·les, universitaires ‘minoritaires’, et des #porte-parole des #minorités
La publication du billet de Gérard Noiriel sur son blog personnel[1] est révélatrice de la difficulté de mener, au sein du champ académique, une réflexion sur la #production_de_savoirs relatifs à la « #question_raciale[2] » et sur leurs usages sociaux dans l’#espace_public. Il est clair que le champ académique n’a pas le monopole de cette réflexion, mais l’intérêt de s’y consacrer est qu’elle peut se mener, a priori, selon les règles et procédures dudit champ. En effet, il semble que les débats liés aux concepts de « #racialisation », « #intersectionnalité », « #postcolonial », « #nouvel_antisémitisme » ou encore « #islamophobie » aient tendance à se dérouler par tribunes de presse interposées, et non par un dialogue via des articles scientifiques[3]. Si ces questions trouvent un espace dans la sociologie ou la science politique, elles peinent encore à émerger dans des disciplines comme le #droit ou l’#économie.
Durant la période charnière 2001-2006, où la question coloniale et raciale est devenue centrale dans l’espace public – notamment du fait du vote, en 2001, de la « #loi_Taubira » reconnaissant la #traite et l’#esclavage en tant que #crime_contre_l’humanité, de l’impact des rébellions urbaines de 2005, de la référence par le législateur au rôle « positif » de la #colonisation [4] et de la création de nouvelles organisations de minoritaires telles que le #Conseil_représentatif_des_associations noires (#CRAN) –, la #disputatio_académique semblait encore possible. On pense notamment, en #sciences_sociales, aux programmes ANR Frontières, dirigé par Didier Fassin, et #Genrebellion, dirigé par Michelle Zancarini-Fournel et Sophie Béroud, où les concepts de racialisation ou d’intersectionnalité pouvaient être utilisés sans susciter une levée de boucliers.
La publication des ouvrages collectifs De la question sociale à la question raciale ? et Les nouvelles frontières de la société française (La Découverte, 2006 et 2010), dirigés par Didier et Éric Fassin pour le premier, et par D. Fassin pour le second, constituent de ce point de vue des moments importants du débat scientifique français, qui ont permis de confronter des points de vue parfois divergents, mais esquissant une forme de dialogue. On y retrouve les contributions d’universitaires tels que Pap Ndiaye, Éric Fassin, Stéphane Beaud ou Gérard Noiriel qui, par la suite, via des tribunes dans Mediapart ou Libération, ont tous poursuivi la discussion dans le champ médiatique, notamment lors de l’« affaire des quotas » révélée par Mediapart en 2011[5]. Alors que P. Ndiaye et E. Fassin dénonçaient la catégorisation raciale des joueurs au sein de la Fédération française de football, et notamment la caractérisation de « prototypes » des « Blacks » par le sélectionneur Laurent Blanc[6], S. Beaud et G. Noiriel, tout en reconnaissant le caractère discriminatoire des quotas fondés sur la race, refusent « d’instruire des procès en hurlant avec la meute ». Ils considèrent qu’il faut prendre en compte le langage ordinaire du monde du football et, de manière tout à fait discutable, que le mot « Black » « renvoie moins à une catégorie raciale qu’à une catégorie sociale[7] ». Les récents commentaires de G. Noiriel sur le débat Mark Lilla / Eric Fassin (Le Monde, 1er octobre 2018) correspondent au dernier épisode d’une polémique qui court depuis une dizaine d’années.
Ce mouvement allant d’une disputatio académique à une controverse médiatique est, nous semble-t-il, problématique pour la sérénité de la réflexion collective sur la question raciale. L’objectif de cette contribution est de soulever plusieurs questions à partir de l’article de G. Noiriel, sans entrer dans une logique polémique. Tout d’abord, on focalisera notre attention sur le rôle des intellectuel.le.s et leurs relations avec les porte-parole des minorités, et sur les différentes conceptions de l’intellectuel.le (« critique », « engagé.e » ou « spécifique »). Ensuite, on analysera le sort réservé aux universitaires appartenant à des groupes minorisés (ou « universitaires minoritaires ») travaillant sur la question raciale. En accusant ceux-ci de se focaliser sur la question raciale au détriment d’autres questions – la question économique par exemple (et non « sociale »), G. Noiriel porte le soupçon de « militantisme » et les perçoit comme des porte-parole de minorités. Or il est nécessaire de contester cette assignation au statut de porte-parole et la tendance générale à relativiser la scientificité des universitaires minoritaires qui, on le verra, subissent un certain nombre de censures voire de discriminations dans le champ académique. Il s’agit enfin de réfléchir au futur en posant la question suivante : comment mener des recherches sur la question raciale et les racismes, et construire un dialogue entre universitaires et organisations antiracistes sans favoriser les logiques d’essentialisation et tout en respectant l’autonomie des un.e.s et des autres ?
Engagements intellectuels
Tout en se réclamant tous deux de l’héritage de Michel Foucault, E. Fassin et G. Noiriel s’opposent sur la définition du rôle de l’intellectuel.le dans l’espace public contemporain. Ce débat, qui n’est pas propre aux sciences sociales[8], semble s’être forgé à la fin des années 1990, notamment lors de la controverse publique sur le Pacte civil de solidarité (Pacs). Tout en s’appuyant sur les mêmes textes de Foucault rassemblés dans Dits et écrits, E. Fassin et G. Noiriel divergent sur la posture d’intellectuel.le à adopter, l’un privilégiant celle de l’intellectuel.le « spécifique », selon l’expression de Foucault, l’autre celle de l’intellectuel.le « engagé.e ».
E. Fassin publie en 2000 un article pour défendre la posture de l’intellectuel.le « spécifique »[9]. Celui-ci se distingue de l’intellectuel.le « universel.le », incarné notamment par la figure de Sartre, qui intervient dans l’espace public au nom de la raison et de principes universels, et souvent au nom des groupes opprimés. L’intellectuel.le spécifique appuie surtout son intervention sur la production d’un savoir spécifique, dont la connaissance permet de dénaturaliser les rapports de domination et de politiser une situation sociale pouvant être considérée comme évidente et naturelle. En ce sens, l’intellectuel.le spécifique se rapproche du « savant-expert » dans la mesure où c’est une compétence particulière qui justifie son engagement politique, mais il ou elle s’en détache pour autant qu’il ou elle « se définit (…) comme celui qui use politiquement de son savoir pour porter un regard critique sur les usages politiques du savoir[10] ». Critique, l’intellectuel.le spécifique « rappelle la logique politique propre à la science[11] ». L’expert.e prétend parler de manière apolitique au nom de la science pour maintenir l’ordre social dominant, tandis que l’intellectuel.le spécifique s’appuie sur un savoir critique de l’ordre social, tout en reconnaissant sa dimension politique. C’est dans cette perspective foucaldienne qu’E. Fassin critique la posture du « savant pur », qui revendique une « science affranchie du politique » : « Désireux avant tout de préserver l’autonomie de la science, [les savants purs] se défient pareillement de l’expert, réputé inféodé au pouvoir, et de l’intellectuel spécifique, soupçonné de militantisme scientifique[12] ». Le savant pur renvoie dos-à-dos les usages normatif et critique de la science comme si la science avait une relation d’extériorité avec le monde social. Or, selon E. Fassin, « pour des raisons tant politiques que scientifiques, (…) le partage entre le savant et le politique s’avère illusoire : de part en part, le savoir est politique. C’est pourquoi celui qui se veut un savant « pur » ressemble d’une certaine manière à l’expert qui s’aveugle sur la politique inscrite dans son savoir. En revanche, d’une autre manière, il rappelle aussi l’intellectuel spécifique, désireux de préserver l’autonomie de la science ; mais il ne le pourra qu’à condition d’en expliciter les enjeux politiques. (…) l’autonomie de la science passe non par le refus du politique, mais par la mise au jour des enjeux de pouvoir du savoir[13] ». Autrement dit, on distingue deux conceptions relativement divergentes de l’autonomie de la science : le.la savant.e pur.e veut la « protéger » en s’affranchissant du politique et en traçant une frontière claire entre le champ académique et le champ politique, tandis que l’intellectuel.le spécifique considère qu’elle n’est possible qu’à la condition de mettre en lumière les conditions politiques de production du savoir.
G. Noiriel répond à E. Fassin dans son livre Penser avec, penser contre publié en 2003[14], où il soutient la nécessité d’adopter la posture du « chercheur engagé » : « Après avoir longtemps privilégié la posture de l’« intellectuel spécifique », je pense aujourd’hui qu’il est préférable de défendre la cause du « chercheur engagé », car c’est en s’appuyant sur elle que nous pourrons espérer faire émerger cet « intellectuel collectif » que nous appelons de nos vœux depuis trente ans, sans beaucoup de résultats. Les « intellectuels spécifiques », notamment Foucault et Bourdieu, ont constamment annoncé l’avènement de cette pensée collective, mais celle-ci n’a jamais vu le jour, ou alors de façon très éphémère[15] ». Selon lui, cet échec s’explique par le fait que « cette génération n’a pas vraiment cru que la communication entre intellectuels soit possible et utile », d’où la nécessité de prêter une attention particulière aux deux conditions de la communication entre intellectuel.le.s : « clarifier les langages qui cohabitent aujourd’hui sur la scène intellectuelle » et « la manière d’écrire », c’est-à-dire « montrer sa générosité en restituant la cohérence du point de vue qu’il discute, au lieu d’isoler l’argument qu’il propose de détruire » et « désigner par leur nom les collègues de la microsociété qu’il met en scène dans son récit ».
Or, ces conditions ne seraient pas remplies par la posture de l’intellectuel.le « spécifique » dans la mesure où il tendrait à « privilégier les normes du champ politique » et ne parviendrait pas à « introduire dans le champ intellectuel les principes de communication qui sous-tendent le monde savant ». Les intellectuel.le.s spécifiques critiquent l’usage de la science par les experts visant à maintenir l’ordre social alors qu’« il n’est pas possible [selon G. Noiriel] de concevoir l’engagement uniquement comme une critique des experts. Paradoxalement, c’est une manière de cautionner leur vision du monde, en donnant du crédit à leur façon d’envisager les « problèmes ». Pour les intellectuels « spécifiques », il n’existe pas de différence de nature entre les questions politiques et scientifiques. Pour eux, le journaliste, l’élu, le savant parlent, au fond, le même langage[16] ». Autrement dit, l’engagement des intellectuel.le.s spécifiques tendrait à relativiser les spécificités des formes du discours savant, censé être soumis à des contraintes propres au champ académique et peu comparable aux formes de discours politiques ou militants soumis aux règles du champ politique ou de l’espace des mobilisations.
Pourquoi le fait d’insister, comme le fait E. Fassin après Foucault, sur la dimension politique de la production de savoir, reviendrait-il à mettre sur le même plan discours scientifiques et autres formes de discours ? Ne pourrait-on pas envisager la posture de l’intellectuel.le spécifique sans « confusion des genres » ? Comment maintenir une exigence en termes scientifiques dans un espace médiatique structuré par la quête de l’audimat et qui fait la part belle au sensationnel ? C’est une vraie question qui traverse l’ensemble du champ académique. Si G. Noiriel ne fournit dans ce texte de 2003 aucun exemple qui permettrait d’évaluer la véracité de cette confusion, son engagement dans le Comité de vigilance des usages de l’histoire (CVUH, créé en 2005) et dans le collectif DAJA (Des acteurs culturels jusqu’aux chercheurs et aux artistes, créé en 2007) est justement présenté comme un mode d’intervention dans l’espace public respectant l’exigence scientifique. Mais il fournit un exemple plus précis en commentant la controverse M. Lilla / E. Fassin autour de la catégorie de « gauche identitaire ». M. Lilla utilise cette dernière catégorie pour désigner (et disqualifier) les leaders politiques démocrates, les universitaires de gauche et les porte-parole des minorités qui auraient abandonné le « peuple » et le bien commun au profit de préoccupations identitaires et individualistes. La « gauche identitaire » est donc une catégorie politique visant à dénoncer la « logique identitaire » de la gauche étasunienne qui s’est progressivement éloignée de la politique institutionnelle pour privilégier les mouvements sociaux n’intéressant que les seul.e.s minoritaires préoccupé.e.s par leur seule identité, et non ce qu’ils et elles ont de « commun » avec le reste de la communauté politique : la citoyenneté[17].
E. Fassin critique cette catégorie qui vise explicitement à établir une distinction entre le « social » et le « sociétal », et une hiérarchie des luttes légitimes, la lutte des classes étant plus importante que les luttes pour l’égalité raciale. La notion de « gauche identitaire » serait donc, si l’on en croit E. Fassin, un nouvel outil symbolique analogue à celle de « politiquement correct », utilisé pour délégitimer toute critique des discours racistes et sexistes. Ainsi, E. Fassin se réfère-t-il à la posture de l’intellectuel.le « spécifique » afin de critiquer l’argument développé par M. Lilla. G. Noiriel renvoie dos à dos E. Fassin et M. Lilla en affirmant qu’ils partagent le « même langage » et au motif que « ce genre de polémiques marginalise, et rend même inaudibles, celles et ceux qui souhaitent aborder les questions d’actualité tout en restant sur le terrain de la recherche scientifique ».
En effet, même si l’on ne peut en faire le reproche à E. Fassin qui est un acteur de la recherche sur la question raciale[18], cette polémique qui a lieu dans le champ médiatique participe de l’invisibilisation des chercheur.e.s et enseignant.e.s-chercheur.e.s qui, justement, travaillent depuis des années sur la question raciale, les minorités raciales et leurs rapports avec la gauche française, et les mouvements antiracistes[19]. Tous ces travaux veillent à définir de façon précise et sur la base d’enquêtes sociologiques les processus de racialisation à l’œuvre dans la France contemporaine. Ils le font en outre en opérant l’interrogation et la déconstruction de ces « entités réifiées » que G. Noiriel évoque dans son texte. On mesure, ce faisant, tout l’intérêt de réinscrire les questions sur la race, qu’elles soient d’ordre méthodologique ou empirique, dans le champ académique.
Un autre exemple donné par G. Noiriel concerne le début des années 1980 où, affirme-t-il, les « polémiques identitaires » ont pris le pas sur la « question sociale » dans l’espace public :
« Ce virage a pris une forme spectaculaire quand le Premier Ministre, Pierre Mauroy, a dénoncé la grève des travailleurs immigrés de l’automobile en affirmant qu’elle était téléguidée par l’ayatollah Khomeiny. C’est à ce moment-là que l’expression « travailleur immigré » qui avait été forgée par le parti communiste dès les années 1920 a été abandonnée au profit d’un vocabulaire ethnique, en rupture avec la tradition républicaine (cf. l’exemple du mot « beur » pour désigner les jeunes Français issus de l’immigration algérienne ou marocaine). On est passé alors de la première à la deuxième génération, de l’usine à la cité et les revendications socio-économiques ont été marginalisées au profit de polémiques identitaires qui ont fini par creuser la tombe du parti socialiste ».
La période 1981-1984 est en effet cruciale dans le processus de racialisation des travailleur.se.s immigré.e.s postcoloniaux.ales et la transformation, par le Parti socialiste, des conflits ouvriers en conflits religieux[20]. Or ce discours de racialisation, qui assigne les travailleur.se.s immigré.e.s maghrébin.e.s à leur identité religieuse putative, provient des élites politiques, patronales et médiatiques, et non des travailleur.se.s immigré.e.s et de leurs descendant.e.s. Il est vrai que certains mouvements de « jeunes immigrés » s’auto-désignaient comme « beurs » mais cela relevait du processus bien connu de retournement du stigmate. D’un côté, les élites assignent une identité permanente religieuse, perçue comme négative, pour disqualifier un mouvement social tandis que, de l’autre, des enfants d’immigré.e.s maghrébin.e.s affirment une identité stigmatisée positive. Peut-on mettre sur le même plan le travail de catégorisation et d’assignation raciale mené par « le haut » (l’État, les institutions, les élites politiques et médiatiques) et le retournement du stigmate – c’est-à-dire la transformation et le ré-investisssement de la catégorie d’oppression pour affirmer son humanité et sa fierté d’être au monde[21] – d’en bas ? Le faire nous semble particulièrement problématique d’un point de vue scientifique. La distinction entre racialisation stigmatisante et construction d’une identité minoritaire stigmatisée doit être prise en compte dans l’analyse sociologique des relations entre majoritaires et minoritaires.
En revanche, il est avéré que SOS Racisme, succursale du Parti socialiste, a participé à l’occultation de la question économique pour penser l’immigration[22]. Mais SOS Racisme ne représente pas l’ensemble des organisations minoritaires de l’époque. Au contraire, la nouvelle génération de militant.e.s « beurs » s’est majoritairement opposée à ce qu’elle a perçu comme une « récupération » du « mouvement beur »[23]. Par ailleurs, l’on sait que, parmi les revendications initiales de la Marche pour l’égalité et contre le racisme de 1983, les revendications portaient à la fois sur la question raciale et sur les conditions matérielles de vie, de travail et de logement : droit à la vie (ne pas se faire tuer dans l’impunité), droit au travail, droit au logement, etc.[24] Et il ne faut pas oublier que, parmi les rares militant.e.s ayant soutenu les travailleurs immigrés en grève, on retrouve les fondatrices/fondateurs du « Collectif Jeunes » ayant accueilli la Marche à Paris, c’est-à-dire les leaders du « mouvement beur ». Aussi, l’opposition entre vocabulaire ethnique et revendications socio-économiques est-elle loin d’être suffisante pour comprendre la période 1981-1984.
http://mouvements.info/wp-content/uploads/2019/02/Illustration-texte-intellectuels-1.png http://mouvements.info/wp-content/uploads/2019/02/Illustration-texte-intellectuels-2.png Une « histoire des vaincus accaparée » ?
L’article de G. Noiriel pose une seconde question, légitime mais néanmoins complexe, relative au lien entre champ académique et champ politique / espace des mobilisations. Il débute par l’affirmation suivante :
« Dans l’introduction de mon livre sur l’Histoire populaire de la France, j’ai affirmé que ‘le projet d’écrire une histoire populaire du point de vue des vaincus a été accaparé par des porte-parole des minorités [(religieuses, raciales, sexuelles) pour alimenter des histoires féministes, multiculturalistes ou postcoloniales,] qui ont contribué à marginaliser l’histoire des classes populaires’. Il suffit de consulter la bibliographie des articles et ouvrages publiés en histoire ces dernières années ou de regarder les recrutements sur des postes universitaires pour être convaincu de cette remarque[25] ».
Malheureusement, il ne fournit pas d’exemples de bibliographies, d’ouvrages et de profils de postes universitaires permettant de vérifier la véracité du propos[26]. Concernant les recrutements en histoire (section 22), il est clair que, depuis une trentaine d’années, l’histoire culturelle et l’histoire politique ont été privilégiées au détriment de l’histoire sociale[27]. Cependant, y a-t-il en France pléthore de profils de poste « histoire des minorités raciales » ? Rien n’est moins sûr[28].
De plus, le constat de G. Noiriel sous-entend – on n’en est pas sûrs à cause de l’ambiguïté du propos – un lien entre l’« accaparement » de l’histoire populaire par les « porte-parole des minorités » et l’évolution des thèmes de recherche en sciences sociales. Ainsi, la position de G. Noiriel est paradoxale. D’une part, il avait à plusieurs reprises reconnu l’importance du rôle d’acteurs associatifs pour faire avancer la recherche scientifique, notamment concernant l’histoire de la Shoah ou de la guerre d’Algérie. Histoire et mémoire ne s’opposent pas forcément. N’est-ce pas parce que la question des discriminations raciales est devenue un enjeu politique dans l’espace public que G. Noiriel s’est lancé dans l’écriture de l’histoire du clown Chocolat[29] ? D’autre part, il critique les « porte-parole des minorités » non identifiés qui se seraient appropriés l’histoire des vaincus à leur propre profit et auraient considérablement influencé les orientations de la recherche scientifique. À défaut d’exemple précis, il est difficile de discuter cette affirmation mais, dans un entretien daté de 2007[30], G. Noiriel est plus explicite et critique les entrepreneurs de mémoire tels que les leaders du CRAN : « Les intellectuels qui sont issus de ces groupes ont toujours tendance à occulter les critères sociaux qui les séparent du monde au nom duquel ils parlent, pour magnifier une origine commune qui légitime leur statut de porte-parole auto-désignés ». En fait, il « critique les usages de l’histoire que font les entrepreneurs de mémoire qui se posent en porte-parole autoproclamés de tel ou tel groupe de victimes, mais [il] relativise par ailleurs l’importance de ces querelles ». Il semble que G. Noiriel ait changé d’avis sur l’influence réelle de ces porte-parole puisqu’ils auraient désormais un impact sur le monde de la recherche.
Dans le cas de l’affaire Pétré-Grenouilleau, qui a vu l’historien en poste à l’université de Bretagne attaqué en justice par le Collectif DOM en 2005 pour avoir affirmé dans une interview que les traites négrières ne constituaient pas un génocide, force est de constater que l’affaire a nourri la recherche en tant que controverse et événement important dans l’analyse des enjeux mémoriels en France[31]. L’impact sur la recherche scientifique n’est pas allé dans le sens d’une auto-censure, mais a constitué un épisode analysé pour son inscription dans l’espace des mobilisations antiracistes, dans les reconfigurations des relations entre l’État et les associations de Français d’outre-mer ou dans la sociologie politique de la mémoire. La recherche sur l’esclavage et les traites est depuis une dizaine d’années particulièrement dynamique. L’affaire n’a ainsi nourri ni « repentance » ni appel au « devoir de mémoire », mais a servi à éclairer un phénomène majeur : l’articulation entre mémoire et politique dans les sociétés contemporaines.
Le fantôme minoritaire dans l’académie
Une troisième question que soulève le billet publié par G. Noiriel porte sur l’assignation des universitaires minoritaires au statut de porte-parole des minorités. En 2004, G. Noiriel affirme que l’engagement des minoritaires dans la recherche est une manière de « canaliser » leur « disposition à la rébellion » : « On oublie généralement que les dispositions pour la rébellion que l’on rencontre fréquemment dans les milieux issus de l’immigration s’expliquent par le fait qu’ils cumulent les formes les plus graves de souffrance sociale. Bien souvent ces personnes ne peuvent construire leur identité qu’en cultivant le potentiel de révolte qu’ils ont en eux. L’investissement dans l’écriture, dans la recherche, dans les activités culturelles en rapport avec l’expérience vécue peut être une façon de canaliser ce potentiel dans des formes qui soient compatibles avec le principe de la démocratie, avec le respect des biens et des personnes[32] ». La réduction de la professionnalisation des minoritaires dans le monde académique à une révolte non-violente pose question. Assigner leur travail scientifique à une émotion, la révolte, n’est-ce pas nier le fait que les minoritaires peuvent tout à fait être chercheur.e sans qu’ils.elles soient déterminé.e.s par une improbable disposition à la rébellion ?[33]
Cette manière d’interpréter l’entrée d’outsiders dans le monde académique participe à faire des universitaires minoritaires des porte-parole « hétéro-proclamés » des groupes minoritaires et, de manière plus générale, renvoie à leur disqualification en « chercheur.e.s militant.e.s »[34]. Plusieurs travaux britanniques et étasuniens ont documenté l’expérience vécue par les universitaires minoritaires, marquée par les procès d’intention, les micro-agressions et les censures publiques qu’ils subissent au quotidien, leur rappelant qu’ils ne sont pas totalement à leur place ou qu’ils.elles ne sont pas des universitaires à part entière[35]. Au regard de certains faits avérés, il serait intéressant de mener le même type d’investigation dans le monde académique français[36]. Par exemple, une controverse a traversé le comité de rédaction de la revue Le Mouvement social autour de la parution d’un article théorique de Pap Ndiaye sur la notion de « populations noires »[37], à tel point que le rédacteur en chef a décidé de démissionner et qu’un des membres du comité a publié, plusieurs mois après, chose rare, une « réponse » à l’article de Ndiaye. En 2016, sur la mailing-list de l’ANCMSP (Association nationale des candidats aux métiers de la science politique), A. Hajjat a fait l’objet d’une campagne de dénigrement en raison de ses travaux sur l’islamophobie. En 2017, la journée d’études « Penser l’intersectionnalité dans les recherches en éducation » (Université Paris-Est Créteil) a été l’objet d’une campagne de disqualification par l’extrême-droite et certains universitaires parce que le programme traitait des usages politiques du principe de laïcité dans une logique d’exclusion. Certains organisateurs ont été menacés de sanction disciplinaire et d’exclusion de leur laboratoire pour avoir signé une tribune sur les libertés académiques, et l’un d’entre eux n’a pas obtenu un poste qu’il aurait dû avoir. En 2018, le colloque « Racisme et discrimination raciale de l’école à l’université » a également fait l’objet d’une campagne visant son annulation au motif qu’il relèverait du « racialisme indigéniste ». À l’heure où nous écrivons cet article, l’hebdomadaire français Le Point publie une tribune et un article contre les supposés « décolonialisme » et « racialisme » des chercheur.e.s travaillant sur la question raciale, et mène une véritable chasse aux sorcières contre elles.eux en demandant leur exclusion du monde académique[38].
Bref, l’autonomie de la recherche est remise en cause quand il s’agit de parler de la question raciale dans le monde académique, et les universitaires minoritaires sont directement ciblé.e.s et individuellement discrédité.e.s par certains médias. C’est bien le signe là encore, qu’il faudrait réintégrer la question raciale dans le champ académique et, lorsqu’elle fait l’objet de points de vue, prendre soin d’en mentionner a minima les principaux travaux. L’usage social ou militant d’une recherche ne peut, de ce point de vue, être mis sur le même plan que la recherche proprement dite.
Aussi, le débat sur les figures de l’intellectuel.le tend-il à occulter tout un pan de la réflexion théorique menée par les études féministes et culturelles sur le « savoir situé »[39]. Il est nécessaire de préserver l’autonomie de la recherche en jouant totalement le jeu de la réflexivité, entendu comme la mise au jour de la relation avec un objet de recherche au prisme de la trajectoire et de la position dans l’espace social. Les études féministes et les cultural studies ont depuis longtemps abordé cet enjeu majeur de la production du savoir. Tou.te.s les universitaires minoritaires ne se pensent pas comme tel.le.s. Ils.elles ne souhaitent pas nécessairement manifester leur engagement politique en prenant appui sur l’autorité de leur savoir et de leurs fonctions. Leurs formes d’engagement, lorsque celui-ci existe, sont, il faut bien l’admettre, multiples et ne passent pas forcément par la mobilisation d’un savoir spécifique avec le souhait de transformation sociale. Il faut donc se garder d’avoir une vision totalisante des « universitaires minoritaires » et de les assigner « naturellement » à la thématique de la question raciale, comme si l’universitaire minoritaire devait se faire le porte-parole de sa « communauté », voire d’un concept-maître (classe sociale, genre, nation).
Revenir au terrain
Pour conclure, il nous semble que la recherche sur les processus de racialisation, de stigmatisation, les racismes et les discriminations mérite mieux que les querelles médiatiques – il y a tant à faire ! – alors qu’on observe un manque criant de financements pour mener des enquêtes de terrain. Par exemple, le basculement politique de la région Ile-de-France a débouché sur la disparition de ses financements de contrats doctoraux, postdoctoraux et de projets de recherche sur la question des discriminations. Dans un contexte de montée en puissance des forces politiques conservatrices, s’il y a un chantier commun à mener, c’est bien celui de la pérennisation du financement de la recherche sur la question raciale.
De plus, il est tout à fait envisageable de penser des relations entre universitaires et organisations minoritaires qui respectent l’autonomie des un.e.s et des autres (on pourrait élargir le propos aux institutions étatiques chargées de combattre les discriminations quelles qu’elles soient). Que l’on se définisse comme intellectuel.le spécifique, engagé.e ou organique, ou que l’on se définisse comme militant.e minoritaire ou non, l’enjeu est de nourrir la réflexion globale pour élaborer une politique de l’égalité inclusive, allant au-delà de la fausse opposition entre revendications « identitaires » et revendications « sociales », et qui prenne en compte toutes les formes de domination sans établir de hiérarchie entre elles.
En effet, si l’on fait des sciences sociales, on ne peut pas cantonner l’identitaire ou le racial en dehors du social. La question raciale tout comme la question économique sont des questions sociales. Nous ne sommes pas passés de la « question sociale » à la « question raciale » pour la simple et bonne raison que le racial est social. Faire comme si l’on pouvait trancher la réalité à coup de gros concepts (« sociétal », « identitaire », « continuum colonial », etc.), c’est déroger aux règles de la méthode scientifique lorsqu’on est universitaire, et à celles de la réalité du terrain lorsqu’on est acteur.trice politique. Stuart Hall posait à ce titre une question toujours d’actualité : « comment vivre en essayant de valoriser la diversité des sujets noirs, de lutter contre leur marginalisation et de vraiment commencer à exhumer les histoires perdues des expériences noires, tout en reconnaissant en même temps la fin de tout sujet noir essentiel ?[40] ». Autrement dit, que l’on soit chercheur.e ou militant.e, il est nécessaire de refuser toute logique d’essentialisation exclusive. Si universitaires et organisations minoritaires peuvent travailler ensemble, c’est à la condition de faire l’éloge du terrain, c’est-à-dire d’œuvrer à la compréhension de la complexité des rapports sociaux, et de faire avancer la politique de l’égalité de manière collective.
▻http://mouvements.info/role-des-intellectuel%C2%B7les-minoritaires
#université #intellectuels #science #savoir #savoirs
Brazilian media report that police are entering university classrooms to interrogate professors
In advance of this Sunday’s second-round presidential election between far-right politician Jair #Bolsonaro and center-left candidate Fernando Haddad, Brazilian media are reporting that Brazilian police have been staging raids, at times without warrants, in universities across the country this week. In these raids, police have been questioning professors and confiscating materials belonging to students and professors.
The raids are part a supposed attempt to stop illegal electoral advertising. Brazilian election law prohibits electoral publicity in public spaces. However, many of the confiscated materials do not mention candidates. Among such confiscated materials are a flag for the Universidade Federal Fluminense reading “UFF School of Law - Anti-Fascist” and flyers titled “Manifest in Defense of Democracy and Public Universities.”
For those worrying about Brazilian democracy, these raids are some of the most troubling signs yet of the problems the country faces. They indicate the extremes of Brazilian political polarization: Anti-fascist and pro-democracy speech is now interpreted as illegal advertising in favor of one candidate (Fernando Haddad) and against another (Jair Bolsonaro). In the long run, the politicization of these two terms will hurt support for the idea of democracy, and bolster support for the idea of fascism.
In the short run, the raids have even more troublesome implications. Warrantless police raids in university classrooms to monitor professor speech have worrisome echoes of Brazil’s 1964-1985 military regime — particularly when the speech the raids are seeking to stop is not actually illegal.
Perhaps the most concerning point of all is that these raids are happening before Bolsonaro takes office. They have often been initiated by complaints from Bolsonaro supporters. All of this suggests that if Bolsonaro wins the election — as is widely expected — and seeks to suppress the speech of his opponents, whom he has called “red [i.e., Communist] criminals,” he may have plenty of willing helpers.
▻https://www.vox.com/mischiefs-of-faction/2018/10/26/18029696/brazilian-police-interrogate-professors
#université #extrême_droite #Brésil #police #it_has_begun
Je crois que je vais commencer à utiliser un nouveau tag, qui est aussi le nom d’un réseau : #scholars_at_risk
« La Vie : mode d’emploi critique » - entretien avec #Didier_Fassin - Nonfiction.fr le portail des livres et des idées
▻https://www.nonfiction.fr/article-9244-la-vie-mode-demploi-critique-entretien-avec-didier-fassin.ht
Didier Fassin vient de publier La Vie. Mode d’emploi critique, où il réfléchit à la manière de rendre compte du traitement inégal des vies humaines dans les sociétés contemporaines, à partir d’enquêtes de terrain qu’il a réalisées principalement en France et en Afrique du Sud et de concepts élaborés par des philosophes.
Sa démarche, qui lie un travail sur les concepts et leur mise à l’épreuve à partir de situations vécues pour élaborer un cadre d’analyse qui permette d’en rendre compte, prend quelques libertés par rapport à ce en quoi consiste habituellement la discussion philosophique. En conséquence, sa pertinence doit s’évaluer en fonction de l’intérêt du cadre proposé pour décrire les situations évoquées ou d’autres situations comparables, mais également nous aider à nous positionner par rapport à celles-ci.
Il a accepté de répondre aux questions de Nonfiction à l’occasion de la sortie de ce livre.
]]>Les matons n’en sont pas à leur premier mouvement… chaque année quasiment, ils tentent le coup. Ils obtiennent toujours quelque chose. Bien sur ils ne gagnent jamais la considération d’une société qui, malgré sa paranoïa et ses penchants sécuritaires, continue à les mépriser. Ces #porte_clefs à perpétuité rappellent en effet par leur simple présence, qu’il y a des prisons, ces non lieux que tout le monde s’efforce d’oublier. Bien sur, ils ne gagnent rien pour les prisonniers ou pour améliorer les « conditions de détentions ». Bien sur, ce qu’ils gagnent, ils le gagnent toujours CONTRE les prisonniers : suppression de parloirs, de cantines, multiplication des fouilles, plus de moyens de contrôle, arsenal…
▻http://lenvolee.net/matonquipleure
Nous reviendrons dans le prochain numéro du journal sur ce mouvement de janvier 2018 encore en cours ; et surtout sur ce qu’il implique et entraîne à l’intérieur pour les prisonniers. En attendant nous vous proposons la lecture d’un texte d’août 2013 paru dans le numéro 36 du journal, qui revenait sur ce que nous avions baptisé « le printemps français des matons » et qui pointait l’émergence d’un nouveau syndicat que l’on a vu depuis s’exposer longuement à l’antenne (SPS).
#lenvolée
#Didier_Fassin au chevet des « vies inégales »
▻https://www.mediapart.fr/journal/culture-idees/100118/didier-fassin-au-chevet-des-vies-inegales
Médecin devenu anthropologue, Didier Fassin se fait philosophe pour expliquer en quoi les inégalités sociales révèlent des « hiérarchies morales » donnant plus de valeur à certaines vies qu’à d’autres. Dans son ouvrage La #vie. Mode d’emploi critique, il montre que les formes de vies imposées à ceux qui ne comptent pour rien reflètent les « impasses » des démocraties contemporaines, « incapables de se hisser à la hauteur des principes qui fondent leur existence même ».
#Culture-Idées #anthropologie #biopolitique #éthiques_de_la_vie #formes_de_vie #migrants #politiques_de_la_vie
]]>Reçu via la mailing-list geotamtam
Bâillonner les universitaires
Bonjour,
Dans l’affaire de #censure politique de Jacques Sapir par la coupole d’#OpenEdition, depuis le 26 septembre, le silence des universitaires et de leurs associations et syndicats, depuis trois semaines, est impressionnant. A quelques exceptions près : ▻http://libertescheries.blogspot.fr/2017/09/menace-sur-la-pensee-libre-le-blog-de.html
Dans l’affaire certes plus récente de censure, d’un autre type, mais tout aussi politique du colloque sur l’islamophobie à Lyon 2, les réactions de la communauté universitaire et de ses syndicats, sur le plan national, se fait encore cruellement attendre : ►https://www.mediapart.fr/journal/france/051017/un-colloque-universitaire-sur-l-islamophobie-annule-sous-la-pression
La somme des lâchetés individuelles risque de se payer collectivement... au prix fort !
Voici, la suite de l’histoire, au concret dans un établissement malheureusement toujours pionnier sur beaucoup de domaines : une procédure générale de subordination de toute expression publique des enseignants-chercheurs ainsi soumis au bon vouloir des services centraux de communication et du président de l’université de Strasbourg. Elle a fait, avant-hier, l’objet d’une lettre du président à l’ensemble de l’université que vous trouverez ci-dessous (après mon message) et d’un document de procédure que vous trouverez ci-joint (en PDF) ; lisez le, vraiment, c’est édifiant !
Naturellement, cette procédure porte atteinte à l’indépendance des enseignants-chercheurs et l’on retrouve la question que je viens de poser aux collègues membres du comité scientifique d’OpenEdition : ►http://rumor.hypotheses.org/4121/comment-page-1#comment-105984
« Chers membres du comité scientifique d’Openedition, que pensez-vous de ces « opinions » qui s’expriment à votre sujet dans nos textes normatifs et instances républicaines : la Convention européenne des droits l’homme prescrivant, selon la jurisprudence de la Cour, « la possibilité pour les universitaires d’exprimer librement leurs opinions, fussent-elles polémiques ou impopulaires, dans les domaines relevant de leurs recherches, de leur expertise professionnelle et de leur compétence » (CEDH 27 mai 2014 n°346/04 et 39779/04) ; les principes fondamentaux reconnus par les lois de la république, dont celui de l’indépendance des universitaires, selon la jurisprudence du Conseil Constitutionnel français (CC n° 83-165 DC du 20 janvier 1984 et n° 94-355 du 10 janvier 1995) ; l’article L.111-1/al. 4 du Code de la propriété intellectuelle qui déroge, pour les universitaires, au statut général de la fonction publique ; l’article L.411-3 du code de la recherche qui protège l’autonomie de la démarche scientifique ; les articles L.123-9, L.141-6, L.952-2 du code de l’éducation qui rappellent une norme d’indépendance et de liberté d’expression des enseignants, chercheurs et enseignants-chercheurs ? »
J’attends leur réponse en ligne... mais en attendant, il faut bien reconnaître que ce qui est arrivé à Strasbourg est le point d’aboutissement logique d’une histoire déjà longue... même en la considérant dans sa brève temporalité des derniers mois :
Février 2016 : procès contre Bernard Mezzadri, au motif de ce que l’on pourrait appeler un "crime de lèse-majesté", par raillerie, contre le premier ministre Valls ; le parquet et l’université d’Avignon, partie civile (sans autorisation du CA), sont déboutés (mais celui qui était président de l’université au moment des faits, 27 mai 2015, est nommé Recteur par le gouvernement Valls, en décembre 2015) : ►https://blogs.mediapart.fr/pascal-maillard/blog/180216/relaxe-de-bernard-mezzadri-reaction-de-l-universitaire-et-analyse-de
Décembre 2016 : déclarations de la présidente de la région d’Ile-de-France annonçant son refus de financer les études sur le genre, les inégalités et les discriminations ; comme le titre Libération : « Valérie Pécresse coupe les bourses aux études de genre », Libération, 15.12.2016 ; cette décision interrompt les finances des thèses de doctorats et des recherches professionnelles sur ce domaine du genre et plus largement de l’intersectionnalité (cf. ci-après) : ▻http://www.liberation.fr/direct/element/valerie-pecresse-coupe-les-bourses-aux-etudes-de-genre_54010
Janvier 2017 : décision politico-administrative de la direction de Science Po Paris d’interdire la conférence d’un chercheur sur la Russie de Poutine et ses relations avec les activités terroristes par crainte de retombées négatives pour l’établissement dans ses relations universitaires avec ce pays ; c’est précisément l’argument de "l’image de l’établissement" qui est aujourd’hui utilisé par les dirigeants de l’Université de Strasbourg ; cf. « Sciences Po annule une conférence sur la Russie de Poutine », Le Monde, 31.01.2017 : ▻http://www.lemonde.fr/campus/article/2017/02/01/sciences-po-annule-une-conference-sur-la-russie-de-poutine_5072473_4401467.h
Mai 2017 : menaces politiques contre un colloque en Ile de France sur l’intersectionnalité dans les recherches en éducation, intersectionnalité des imbrications classe/race/genre qui n’est plus bon chic bon genre depuis la décision de Valérie Pécresse : suivies de blocages administratifs rectoraux visant à l’annulation pour motifs de troubles à l’ordre public, puis contournement des blocages par réorganisation différente et restreinte du colloque sous haute protection policière ; voir à ce sujet l’analyse de Didier Fassin : ►http://bibliobs.nouvelobs.com/idees/20170518.OBS9602/comment-un-colloque-sur-l-intersectionnalite-a-failli-etre-censu
Septembre 2017 : censure politique de Jacques Sapir par la coupole d’OpenEdition, fermeture du blog, depuis le 26 septembre 2017 au motif, comme dans l’affaire Mezzadri, de ce que l’on peut appeler un "crime de lèse majesté" à l’encontre du président Macron, pour lui avoir donné leçon notamment sur le concept de laïcité (dernier billet avant censure du blog) et aussi de l’image très "scientifique" de la plateforme de blogs (!) un peu comme l’image de l’université à Strasbourg ; voir par exemple le débat en cours dans la blogosphère notamment ici : ►http://rumor.hypotheses.org/4121/comment-page-1#comment-105984 et là (surtout dans les commentaires après le mauvais billet) : ►http://affordance.typepad.com//mon_weblog/2017/09/hypothese-sapir-en-pire-.html
Octobre 2017 : fin de la procédure judiciaire dans le cadre d’une "procédure-baillon" intentée par l’entreprise Chimirec contre Denis Mazeaud, professeur de droit commentant dans une revue scientifique, une décision de justice... certes la justice lui donne raison, mais comme le remarque P.Robert-Diard (Le Monde) : "La vigilance des juges face à ce type de procédures ne rassure toutefois pas complètement les universitaires. Comme le soulignait le professeur de droit Denis Mazeaud en février 2017 dans la revue La Gazette du Palais au lendemain du jugement de relaxe deLaurent Neyret, « ce qui doit retenir l’attention, c’est le message subliminal adressé à tous les enseignants-chercheurs qui n’ont pas peur de déranger, de s’engager, de faire leur métier (...) et d’exprimer leurs opinions sans concession en toute liberté et en parfaite indépendance. Attention, leur est-il dit, il pourrait vous en coûter très cher et pas seulement en frais d’avocat ! »" : ▻http://sociologuesdusuperieur.org/article/procedures-baillons-la-cour-dappel-de-paris-au-soutien-de-la
Octobre 2017 : ... menaces politiques contre un colloque sur l’islamophobie à Lyon 2 ; sous la pression de l’extrême droite... là c’est plus simple : le colloque a été purement et simplement annulé : ►https://www.mediapart.fr/journal/france/051017/un-colloque-universitaire-sur-l-islamophobie-annule-sous-la-pression
5 Octobre 2017 : procédure générale de subordination de toute expression publique des enseignants-chercheurs de l’université de Strasbourg, ainsi soumis au bon vouloir des services centraux de communication et du président de l’université de Strasbourg. Elle a fait, ce 5 octobre, l’objet d’une lettre du président à l’ensemble de l’université (ci-dessous) et d’un document de procédure édifiant (ci-joint en PDF) ! Plus aucune communication avec les journalistes sans prévenir 10 jours avant le Service de la communication, le Directeur de la composante, le Correspondant communication de la composante et obtenir leurs accords ou à J-2 de la "date prévisionnelle" ! CQFD
S’agissante de l’analyse juridique de cette note de service à l’université de Strasbourg, je ne peux que dupliquer l’analyse faite sur une autre note de service, d’un autre établissement et à un autre sujet, mais équivalente sur le plan juridique, dans un article récent ( d’ailleurs hautement scientifique puisqu’il est publié sur OpenEdition ! ...dans Rfsic-11 : ▻http://rfsic.revues.org/3194#tocto2n4 )
"24 - Il s’agit d’une note de service qui, sur le plan juridique, comme le rappel le « Guide de légistique » publié par la Documentation Française et le site de Légifrance29, a la même valeur qu’une circulaire : « Sous des appellations diverses - circulaires, directives, notes de service, instructions, etc. - les administrations communiquent avec leurs agents et les usagers pour exposer les principes d’une politique, fixer les règles de fonctionnement des services et commenter ou orienter l’application des lois et règlements. Si le terme « circulaire » est le plus souvent employé, la dénomination de ces documents qui suivent un régime juridique principalement déterminé par leur contenu n’a par elle-même aucune incidence juridique : une « circulaire » n’a ni plus ni moins de valeur qu’une « note de service ». ».
25 - Or, ajoute le même guide « une circulaire peut être déférée au juge administratif, y compris lorsqu’elle se borne à interpréter la législation ou la réglementation, dès lors que les dispositions qu’elle comporte présentent un caractère impératif (CE, Sect., 18 décembre 2002, Mme Duvignères, n° 233618), ce qui est le plus fréquemment le cas. Le juge censure alors – c’est le motif le plus fréquent de censure – celles de ces dispositions que le ministre n’était pas compétent pour prendre, non seulement lorsque la circulaire comprend des instructions contraires au droit en vigueur, mais aussi lorsqu’elle ajoute des règles nouvelles. » (nous soulignons). Ce qui vaut pour un ministre valant pour un directeur d’établissement public, et le caractère impératif dans le cas de cette note étant explicite, la conclusion paraît évidente : la création d’une norme d’obligation dans cette note devrait être jugée illégale, mais l’illégalité ne pourra être constatée par le juge administratif que s’il est saisi…"
En faudra-t-il davantage pour que les universitaires renoncent individuellement et collectivement à la stratégie de la tortue ? ... que les sociétés savantes, les associations professionnelles, les syndicats du secteur, les revues scientifiques, les composantes d’universités s’expriment ?
La suite de l’histoire le dira...
Bien cordialement,
Jérôme Valluy
PS : ce message est public, merci de le retransmettre sur toutes les listes de diffusions, blogs et réseaux sociaux que vous souhaitez informer...
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De : <president@unistra.fr>
Objet : Nouvelle procédure pour les relations avec la presse de l’Université de Strasbourg
Date : 5 octobre 2017 11:15:09 UTC+2
À : <congresuniversite@unistra.fr>, <dir-comp@unistra.fr>, <dir-labo@unistra.fr>
Répondre à : <president@unistra.fr>
Chers et chères collègues,
Mesdames et Messieurs,
L’impact médiatique d’un événement, d’une action, d’une prise de position par un membre de la communauté universitaire dans la presse peut avoir des conséquences importantes sur l’image générale de l’université, positivement ou négativement.
C’est pourquoi le service communication a formalisé une procédure relative aux relations presse, que je vous adresse aujourd’hui. Cette démarche fait suite à l’une des recommandations de l’audit consacré à la fonction communication, qui préconise que le cabinet de la présidence et le service communication soient a minima informés de toute démarche en direction de la presse, ce qui permettra aussi de mieux suivre et repérer les retombées presse générées par ces actions.
Cette procédure explique très clairement, en fonction des situations, comment procéder et quelle aide le service communication est en mesure de vous apporter.
Merci d’accorder à cette nouvelle procédure toute l’attention nécessaire et d’informer vos collègues et collaborateurs de son existence et de la nécessité de la mettre en œuvre.
Très cordialement,
Michel Deneken
Président de l’Université de Strasbourg
Cabinet de la Présidence
4 rue Blaise Pascal
CS 90032
67081 Strasbourg Cedex
<▻http://www.unistra.fr>
]]>La vengeance de l’État - À propos de : Didier Fassin, Punir, une passion contemporaine
Cette évolution ne serait pas tant l’effet d’une hausse de la criminalité mais plutôt la manifestation d’un « moment punitif » que traverse la plupart des sociétés occidentales et qui se caractérise par une sensibilité accrue à l’égard de certaines déviances, par une extension du champ de la répression et par la place accordée aux questions de sécurité dans l’action publique. Mais ce qui distingue principalement ce moment punitif, c’est que le traitement de la criminalité est devenu un problème en soi et non plus simplement une solution au problème de la criminalité.
]]>La passion de punir
En #France et aux #Etats-Unis, jamais le taux d’#incarcération n’a été aussi élevé. Mais cela ne s’explique pas par une hausse de la #criminalité qui est en constant recul. Alors, pourquoi punit-on ? demande #Didier_Fassin dans un essai dérangeant
▻https://www.letemps.ch/culture/2017/01/27/passion-punir
#livre #prisons #punir
Le livre :
Punir. Une passion contemporaine
Au cours des dernières décennies, la plupart des sociétés se sont faites plus répressives, leurs lois plus sévères, leurs juges plus inflexibles, et ceci sans lien direct avec l’évolution de la #délinquance et de la criminalité. Dans ce livre, qui met en œuvre une approche à la fois généalogique et ethnographique, Didier Fassin s’efforce de saisir les enjeux de ce moment punitif en repartant des fondements mêmes du #châtiment.
Qu’est-ce que punir ? Pourquoi punit-on ? Qui punit-on ? À travers...
Punir l’autre, quelle jouissance - Libération
▻http://www.liberation.fr/debats/2017/01/16/punir-l-autre-quelle-jouissance_1541847
Pour réfléchir, dans son nouvel ouvrage, aux relations troubles que nous entretenons à la justice et au châtiment, le sociologue et anthropologue Didier Fassin convoque aussi bien les Néo-Guinéens du début du XXe siècle que l’usurier juif du Marchand de Venise. Il aurait pu prendre un autre point de départ, une autre coutume étonnante et plus contemporaine, qu’on appelle parfois la « télé-pinpon ». Pourquoi prenons-nous tant de plaisir à regarder des policiers poursuivre, sirènes hurlantes, de jeunes hommes - si l’on en croit l’incroyable place qu’occupent désormais ces émissions sur les chaînes du câble ou de la TNT ?
#justice (nulle part) #répression #punition #anthropologie #sociologie
]]>Crime et châtiment, c’est maintenant | La suite dans les idées
▻https://www.franceculture.fr/emissions/la-suite-dans-les-idees/crime-et-chatiment-cest-maintenant
A de rares exceptions, l’ensemble des pays de la planète sont entrés, depuis ces dernières années, dans un moment punitif : jamais auparavant a-t-on privé autant d’individus de leur liberté. Loin de ne concerner que des régimes autoritaires ou des dictatures, ce phénomène prend toute sa mesure dans la plupart des démocraties, notamment aux Etats-Unis, qui peut faire figure de laboratoire punitif, mais aussi en France où, en 2016, le record de population carcérale a été battu avec 70 000 détenus. Comment comprendre cette frénésie punitive ? Pourquoi punit-on ? Qui punit-on ? Ce sont les trois questions que pose l’anthropologue Didier Fassin dans « Punir », un bref et dense essai issu des prestigieuses Tanner Lectures qu’il a donné à Berkeley en avril dernier. Durée : 29 min. Source : France (...)
▻http://rf.proxycast.org/1251746335766355968/16260-07.01.2017-ITEMA_21189947-0.mp3
]]>« Punir. Une passion contemporaine », audacieuse enquête sur l’emballement carcéral
▻http://www.lemonde.fr/livres/article/2017/01/04/surveiller-et-faire-souffrir_5057711_3260.html
Le sociologue Didier Fassin enquête sur « la passion du châtiment » qui touche le monde entier et sur ce qu’il révèle.
Voici un ouvrage qui arrive après dix ans de recherches menées sur la police, la justice et la prison, dix années d’études empiriques qui font de Didier Fassin l’un des sociologues les plus au fait du fonctionnement de ces institutions, capable de mener des comparaisons internationales (notamment entre la France et les Etats-Unis), d’analyser des évolutions globales et d’exhumer des logiques souterraines. Dans La Force de l’ordre. Une anthropologie de la police des quartiers, puis L’Ombre du monde. Une anthropologie de la condition carcérale (Seuil, 2011 et 2015), il avait mis au jour la réalité des pratiques masquée par les discours, débusqué les croyances cachées derrière les certitudes.
Avec Punir. Une passion contemporaine, son nouvel essai, il quitte le genre de l’enquête ethnographique pour un livre d’une autre nature, dont l’ambition est d’« interroger les fondements de l’acte de punir ». Court, resserré, celui-ci manifeste une ambition théorique. Disons d’emblée qu’il faut saluer l’entreprise, tant pour son audace intellectuelle que pour sa portée politique.
La prison ne sert à rien
Tout commence par un constat. Celui de la « passion contemporaine » pour le châtiment. Il suffit de regarder les chiffres de l’emballement carcéral. Tous les continents sont touchés par une inflation sans précédent : à titre d’exemple, pendant la décennie 1990, le nombre de personnes sous écrous double en Italie et aux Pays-Bas. L’entrée dans le XXIe siècle change peu la donne : le nombre de prisonniers augmente de 145 % en Turquie, de 115 % au Brésil. A l’échelle planétaire, c’est un fait majeur. Or il y a là un mystère, du moins une inconséquence : la prison ne sert à rien. Pire, elle aggrave la situation. De solution qu’était le châtiment, il est devenu problème, remarque judicieusement Didier Fassin, « à cause du prix qu’il fait payer [aux] familles et [aux] communautés, à cause du coût économique et humain qu’il entraîne pour la collectivité, à cause de la production et la reproduction d’inégalités qu’il favorise, à cause de l’accroissement de la criminalité et de l’insécurité qu’il génère, à cause enfin de la perte de légitimité qui résulte de son application discriminatoire ou arbitraire ».
Bref, nous traversons un « moment punitif », qui voit une rétorsion inappropriée tenue pour seule issue possible. De cette séquence paradoxale, ni le droit ni la philosophie, disciplines que l’on convoque quand il est question de penser la peine, ne nous disent rien. C’est donc avec elles que le sociologue va batailler. Lui dit « dialoguer » : c’est en effet par un « dialogue critique » avec les définitions juridiques et philosophiques de la juste peine que le livre progresse, en convoquant deux types d’approche. La première est anthropologique (elle consiste à montrer que bien souvent ce qui devrait être n’est pas et que la réalité dément les principes avancés) et la seconde généalogique (elle tente de comprendre « comment on en est venu à punir comme on le fait aujourd’hui »).
Une cruauté presque archaïque
Alors, qu’est-ce que punir ? Essentiellement une chose, démontre Didier Fassin : l’infliction d’une souffrance. Cela ne va pas de soi, puisque certaines sociétés ont préféré d’autres formes de réparation. Aujourd’hui, néanmoins, la souffrance est le seul élément de la conception classique de la peine qui résiste à « l’épreuve empirique ». Au lecteur de rentrer dans l’argumentation méticuleuse ici déployée. Nous dirons pour notre part ce qui frappe : cette façon inédite de dévoiler la cruauté. Car personne ne tient vraiment à dénuder le châtiment des justifications juridiques et philosophiques dont il est paré. Quand Didier Fassin le fait, c’est après avoir constaté que « la rationalité n’épuise pas les raisons qui poussent les agents à punir ». Il exhume donc, armé des réflexions de Durkheim et de Nietzsche sur la sanction comme vengeance, une cruauté presque archaïque, « une pulsion, plus ou moins refoulée, dont la société délègue les effets à certaines institutions et professions ». Ça déborde. Et en conséquence, pourrions-nous ajouter, les prisons aussi.
Sans compter que l’on punit toujours davantage alors même que le nombre de crimes et délits est en baisse. C’est bien à tout cela que se heurte l’idéal de la peine : à son absence de lien avec le taux de criminalité, à sa corrélation (troublante) avec la montée des inégalités, à l’inégale distribution sociale des peines – qui n’est pas un mince chapitre. La prison touche de façon disproportionnée les catégories les plus dévalorisées de la population : « Selon que vous serez puissant ou misérable », selon que l’on cible la consommation de cannabis ou l’abus de biens sociaux… En somme, à l’épreuve de cette puissante lecture ethnographique et généalogique, la peine n’est rien de ce que l’on voudrait qu’elle soit. Elle apparaît comme une manifestation crue de la violence politique à l’œuvre dans nos sociétés inégalitaires.
Extrait de « Punir »
« “Celui d’entre nous qui dit qu’il juge uniquement en fonction des faits et du détenu ne dit pas la vérité.” Commentant une série de peines de quartier disciplinaire récemment décidées pour des fautes mineures qui se sont produites dans un contexte de tensions au sein de l’établissement [pénitentiaire], [le directeur adjoint] ajoute que punir les prisonniers, même lorsqu’il est évident qu’ils n’ont fait que répondre aux provocations d’un agent, permet de satisfaire et d’apaiser le personnel : “Ça évite aux surveillants de vouloir se venger sur les détenus”, conclut-il sans ambages. (…)
En m’en tenant à ces brefs récits, je veux montrer la difficulté de répondre à la question “pourquoi punit-on ?” dès lors qu’on est confronté non pas à des dilemmes imaginaires mais à des faits réels. »
Punir, pages 100-101
]]> La contrôleuse des prisons #Adeline_Hazan a fait usage de la procédure d’urgence pour alerter le gouvernement sur l’état accablant des #prisons_françaises.
« ▻https://www.franceinter.fr/embed/player/aod/f8a1e8f1-c2c5-4408-8440-34c0ab060984 »
Pour en parler, #Laurent_Jacqua, ancien #détenu de la prison de #Fresnes, aujourd’hui blogueur et militant, répond aux questions de Pierre Weill sur les #conditions_carcérales actuelles des détenus en France.
▻http://www.franceinter.fr/emissions/itw-societe-civile/itw-societe-civile-18-decembre-2016
#surpopulation_carcérale #récidive #réinsertion
Le blog de L.Jacqua : Vue sur la prison ▻http://laurent-jacqua.blogs.nouvelobs.com/about.html
Cette tribune de Didier Fassin sur l’#état_d'urgence était étrangement absente de Seenthis, la voici (29/01/2016)
▻http://lemonde.fr/idees/article/2016/01/29/une-mesure-discriminatoire-qui-accentue-les-fractures-francaises_4856067_323
Au fil des sondages, les Français confirment leur large soutien à l’état d’urgence : ils étaient 91 % à se dire favorables à son instauration en novembre après les attentats, selon l’IFOP et le Journal du dimanche ; ils sont encore 77 % à se déclarer tels en janvier, selon YouGov et le Huffington Post. Les deux tiers n’hésitent du reste pas à s’affirmer prêts à « accepter une certaine limitation des libertés fondamentales des individus pour mieux garantir la sécurité de tous ».
C’est qu’exprimer cette conviction leur est d’autant plus facile que, du moins pour la plupart d’entre eux, l’état d’urgence ne les affecte pas plus que les atteintes aux droits fondamentaux. Hormis la présence dans les lieux publics de militaires surarmés qui peuvent leur donner l’impression d’être protégés, rien n’est changé pour eux. Leur vie continue comme avant. Pas de couvre-feu, pas de restriction à leur circulation, pas de censure de leurs moyens de communication.
S’il en est ainsi, c’est que l’état d’urgence, bien qu’il concerne en principe l’ensemble du territoire national et donc toute la population, n’y est appliqué que dans certains espaces et pour certaines catégories : il est une suspension circonscrite de l’état de droit. Les perquisitions administratives nocturnes par des policiers qui enfoncent la porte de l’appartement, plaquent au sol le suspect allégué et terrorisent sa famille – admettant parfois ensuite s’être trompés de domicile, bien que, même dans ces cas, aucun dédommagement ne soit opéré – ne visent que certains quartiers populaires et certains habitants, pour la plupart musulmans ou présumés tels.
Il en est de même des assignations à résidence avec leur obligation de se présenter au commissariat plusieurs fois par jour qui empêche toute activité, que l’on soit travailleur ou étudiant, et des contrôles d’identité réalisés dans les gares ou dans la rue sur la seule apparence des personnes, indépendamment de toute infraction ou même soupçon d’infraction : seule une faible part des personnes résidant en France est touchée.
La frustration de voir son logement dévasté sans explication ni recours, de se faire malmener devant ses enfants traumatisés et de découvrir les regards fuyants de voisins devenus suspicieux, l’immense majorité ne l’éprouvera pas, et même n’en saura rien. L’humiliation de se savoir distingué par sa couleur de peau et ses traits physiques au milieu d’une foule d’usagers du métro ou de piétons d’un centre-ville et de devoir subir, sur la base de cette discrimination supposée statistique, un interrogatoire, une fouille au corps, une vérification de ses documents et de son téléphone, seule une minorité en fera l’expérience douloureuse devant des passants qui, gênés ou indifférents, détourneront le regard.
Quant à la vandalisation de leurs lieux de culte, en Corse ou ailleurs, par des groupes rarement identifiés et poursuivis, les musulmans ne manqueront pas d’en établir le rapprochement avec le saccage de leurs mosquées, à Aubervilliers et ailleurs, cette fois par les forces de l’ordre, au prétexte d’enquêtes, tandis que la majorité s’indignera vertueusement de la première tout en occultant son lien avec le second.
Car quand bien même les Français finiraient par se rendre compte de la pente dangereuse sur laquelle le gouvernement les conduit, ils se rassureraient en pensant que la fin justifie les moyens et que l’éradication de l’ennemi, comme le dit leur président, suppose d’en passer par ces extrémités. Le discours officiel, auquel adhère plus de la moitié des personnes interrogées, est en effet que ces pratiques liées à l’état d’urgence, si elles ne sont pas sans poser quelques problèmes, n’en demeurent pas moins « efficaces pour lutter contre la menace terroriste ». A quoi bon, sinon, les perquisitions administratives, les assignations à résidence, les contrôles d’identité ciblés, les gardes à vue arbitraires ?
Or, pour s’en tenir aux premières, censées permettre de prendre par surprise les individus dangereux, à peine plus d’une sur mille a débouché sur des enquêtes préliminaires ou une mise en examen par la section antiterroriste du parquet. Sur sept de ces brutales opérations d’exception, six s’avèrent sans objet et une permet de constater des infractions sans lien avec ce qui l’a justifiée – ce que d’aucuns appellent un « effet d’opportunité » ou encore « faire le ménage dans les cités ».
L’efficacité ne se mesure en effet pas sur la lutte contre le terrorisme. Elle réside ailleurs. S’agissant des assignations à résidence, on a pointé qu’elles servaient notamment à brider la contestation politique, en particulier dans les milieux écologiste et gauchiste. Mais s’agissant de l’ensemble du dispositif, on a moins souligné combien il pesait sur les quartiers populaires, les communautés musulmanes et les minorités ethnoraciales.
Cette pression n’est pas nouvelle : elle n’a cessé de s’accentuer depuis trois décennies. La méthode ne l’est pas entièrement non plus : les contrôles d’identité de même que les fouilles des individus et de leur véhicule sont déjà le plus souvent réalisés parmi ces populations de manière illégale, ce que les policiers et leurs supérieurs reconnaissent volontiers ; quant aux effractions dans les logements, même en temps normal, elles ne sont pas rares en dehors de toute procédure judiciaire, à la recherche d’un suspect par exemple.
Ce que l’état d’urgence permet, c’est donc de régulariser des pratiques qui lui préexistaient. La loi en préparation, dont l’intitulé ne mentionne plus le terrorisme mais le renforcement de la procédure pénale, les pérennisera. C’est là un fait général dans la société contemporaine : plutôt que d’exiger des forces de l’ordre qu’elles respectent la loi, on modifie cette dernière pour l’adapter à leurs manières de faire.
Dans ces conditions, le discours sur l’#Etat_policier, qui sert à certains pour dénoncer les dérives de l’état d’urgence, les menaces de la législation à venir et les abus de pouvoir des forces de l’ordre, manque partiellement sa cible. La grande majorité des Français ne s’y reconnaît pas, puisque non seulement elle ne subit nullement les effets des restrictions à l’Etat de droit, mais se laisse également convaincre par la rhétorique de l’efficacité de la lutte contre le terrorisme. Ce double aveuglement rend tolérable et même désirable au plus grand nombre des mesures d’exception dont le pouvoir comprend tout le parti qu’il peut tirer. Et cela sans s’embarrasser des contradictions dans lesquelles il s’enferme.
Alors que la Commission des lois de l’Assemblée nationale préconisait de ne pas reconduire un état d’urgence qu’il jugeait inutile et dangereux, son président, Jean-Jacques Urvoas, longtemps pressenti pour la Place Beauvau mais finalement devenu garde des sceaux, va être chargé de l’accompagner : celui qui se disait il y a un an « opposé à tout texte d’exception » devra donc défendre la série de mesures d’exception – et non seulement d’urgence – voulues par le président de la République.
Car loin de déboucher sur un Etat policier qui ferait peur à tous, l’état d’urgence, avec les projets de loi pénale et de révision constitutionnelle qui en banalisent les principaux éléments, est un état d’exception segmentaire. Il divise la population française entre ceux dont l’Etat prétend protéger la sécurité et ceux, déjà pénalisés par les disparités économiques et les discriminations raciales, dont il accroît un peu plus l’insécurité. Au nom de la défense de l’ordre public, c’est donc un certain ordre social inégal qu’il s’agit de consolider. Mais ce cynisme politique aura nécessairement un coût : l’expérience de l’injustice qu’il nourrit ne peut que générer un ressentiment dont la société tout entière devra un jour payer le prix.
]]>Where are the ladies, Didier Fassin? #EASA2016 Keynote
▻http://allegralaboratory.net/where-are-the-ladies-didier-fassin-easa2016-keynote
#to_read
#Didier_Fassin : « L’usage excessif de la force policière traduit une perte d’autorité politique »
▻https://www.mediapart.fr/journal/culture-idees/200716/didier-fassin-l-usage-excessif-de-la-force-policiere-traduit-une-perte-d-a
Les manifestations contre la loi travail ou la mort d’un jeune homme interpellé à #Beaumont-sur-Oise ce mardi 19 juillet ont ravivé les critiques sur les pratiques policières. Aux #Etats-Unis, les assassinats de policiers, après les meurtres de jeunes hommes noirs, creusent les tensions ethniques. Entretien avec Didier Fassin, anthropologue spécialiste de la #Police, enseignant à Princeton.
#Culture-Idées #Bâton-Rouge #Dallas #ordre_public #police_des_quartiers #sécurité_publique #violences_policières
]]>« Posons-nous naïvement la question : à quoi sert la BAC ? » Note de lecture de « La Force de l’ordre » de Didier Fassin ►http://rebellyon.info/Notes-blanches-1-La-force-de-l-ordre-16661 …
▻https://twitter.com/arnoferrat/status/744146370739736576
« Posons-nous naïvement la question : à quoi sert la BAC ? » Note de lecture de « La Force de l’ordre » de Didier Fassin ►http://rebellyon.info/Notes-blanches-1-La-force-de-l-ordre-16661 …
]]>Didier Fassin, anthropologue engagé
▻https://lejournal.cnrs.fr/articles/didier-fassin-anthropologue-engage
Le travail, humaniste et citoyen, de Didier Fassin vient d’être récompensé par la médaille d’or de la Société suédoise d’anthropologie et de géographie, qu’il recevra en avril prochain. Portrait de ce chercheur protéiforme, également sociologue et médecin.
]]>La BAC c’est la loi - rencontre avec Didier Fassin et le collectif huit juillet
▻http://paris-luttes.info/la-bac-c-est-la-loi-rencontre-avec-3515
Le collectif huit juillet – se défendre de la police rencontre Didier Fassin Vendredi 3 juillet 2015 — 18h — Le collectif huit-juillet, le collectif 8 Juillet
]]>Des hommes derrière les murs
▻http://www.laviedesidees.fr/Des-hommes-derriere-les-murs.html
Les prisons changent-elles ? Dans son enquête dans une maison d’arrêt, Didier Fassin montre que les transformations promues pour protéger les droits des détenus sont limitées par les politiques pénales répressives, qui produisent la surpopulation et la #violence derrière les murs, en enfermant toujours davantage de jeunes hommes pauvres.
Livres & études
/ #prison, violence, criminalité, #anthropologie
]]>Numéro 19 – « Partir un jour »
▻http://www.article11.info/?Numero-19-Partir-un-jour
« Partir un jour sans retour / Effacer notre amour / Sans se retourner / Ne pas regretter / Garder les instants qu’on a volés / Partir un jour sans bagages / Oublier ton image / Sans se retourner / Ne pas regretter / Penser à demain / Recommencer. » 2Be3, « Partir un jour », 1997. Source : Article11
]]>Les #sciences_sociales comme présence au monde
▻http://www.laviedesidees.fr/Les-sciences-sociales-comme-presence-au-monde.html
À l’occasion de la parution de son ouvrage sur la prison, Didier Fassin revient sur sa trajectoire intellectuelle. Celle-ci se caractérise par une diversification progressive des thèmes et des enjeux de l’enquête, mais aussi par l’élaboration d’une posture de recherche, à la fois critique et #éthique, individuelle et collective.
Essais & débats
/ sciences sociales, éthique, #anthropologie, #maladie, #sida, #ethnographie
]]>Les #sciences_sociales comme présence au monde
▻http://www.laviedesidees.fr/L-economie-morale-des-sciences-sociales.html
À l’occasion de la parution de son ouvrage sur la prison, Didier Fassin revient sur sa trajectoire intellectuelle. Celle-ci se caractérise par une diversification progressive des thèmes et des enjeux de l’enquête, mais aussi par l’élaboration d’une posture de recherche, à la fois critique et #éthique, individuelle et collective.
Essais & débats
/ sciences sociales, éthique, #anthropologie, #maladie, #sida, #ethnographie
]]>Couleur de peau, la justice pas si aveugle que ça - Libération
►http://www.liberation.fr/societe/2015/02/04/couleur-de-peau-la-justice-pas-si-aveugle-que-ca_1195747
Dans la maison d’arrêt où il a enquêté, plus de la moitié des détenus sont sans emploi. Un quart est ouvrier et les cadres ne sont que 1%. Quatre sur dix sont sans diplôme. Ce qui est plus récent, c’est que « ces minorités se définissent autant par leur couleur et leur origine que par la faiblesse de leur capital économique et culturel. Elles constituent un sous-prolétariat issu de l’immigration africaine. » Les prisonniers d’aujourd’hui sont d’origine ouvrière mais sans emploi. D’origine africaine mais généralement de nationalité française.
Aigre. La question est sensible. On se souvient qu’en 2010, Eric Zemmour avait lancé une aigre polémique en affirmant que « les Français issus de l’immigration sont plus contrôlés que les autres parce que la plupart des trafiquants sont noirs et arabes. » Elle est d’autant plus facilement instrumentalisée qu’il n’existe pas de statistiques ethniques en France - contrairement à la Grande-Bretagne, les Etats-Unis ou le Canada (lire pages 12-13). Didier Fassin a donc élaboré ses propres « stats » ethniques. Il a étudié les registres de la maison d’arrêt où il enquêtait, en a tiré un recensement fondé sur le patronyme des personnes détenues et leur apparence physique sur photo d’identité. Résultat : « Les hommes noirs et arabes représentaient les deux tiers de l’ensemble des détenus et même plus des trois quarts des moins de 30 ans. » Ces chiffres ne décrivent certes qu’une seule maison d’arrêt de la banlieue parisienne, où sont surtout enfermés des prévenus et des détenus condamnés à des peines de moins de deux ans. Ils sont tout de même significatifs : « A titre indicatif, aux Etats-Unis, la population carcérale est composée d’un peu moins de deux tiers d’hommes noirs et hispaniques et, en Grande-Bretagne, on compte parmi les détenus environ un quart d’individus noirs, asiatiques et métis - selon les nomenclatures utilisées dans les deux pays », rapporte Didier Fassin.
Alors, les Noirs et les Arabes commettent-ils plus de délits que les Blancs ? Ou bien la justice est-elle raciste ?
La surreprésentation des jeunes issus de l’immigration s’explique d’abord par leur situation sociale. En 2007, les sociologues Véronique Le Goaziou et Laurent Mucchielli avaient dépouillé les dossiers traités par le parquet chargé de la délinquance des mineurs de Versailles. Ils avaient eux aussi « codé » les jeunes à partir de la consonance de leur nom. Conclusion : les deux tiers des mineurs poursuivis par le parquet étaient nés de parents étrangers, 60% environ de parents maghrébins ou subsahariens. « Mais derrière cette variable "origine immigrée" se cachent en réalité d’autres variables explicatives, notamment le lieu de résidence, l’échec scolaire et la taille des fratries », explique Laurent Mucchielli. Quand on analyse la délinquance juvénile à travers ces facteurs, « la surreprésentation des minorités disparaît presque totalement. »
Mais au-delà de la question sociale, ce que souligne Fassin, ce sont les ressorts discriminants de nos institutions, qui mènent davantage de Noirs et d’Arabes en prison. Les lois, d’abord, sanctionnent plus sévèrement les délits commis par les classes populaires (vols, recels) que ceux qu’on retrouve davantage parmi les classes aisées (délinquance financière, évasion fiscale).
Puis c’est le travail policier qui « procède à un profilage des individus sur leur apparence physique ». L’usage ou la revente de stupéfiants représente une entrée en prison sur sept, note le sociologue. Neuf fois sur dix, il s’agit de cannabis, bien plus réprimé que la cocaïne, une drogue plus onéreuse.
« Pour certains, la prison n’est qu’un lieu vide d’activité et vide de sens »
►http://www.liberation.fr/debats/2015/02/06/didier-fassin-pour-certains-la-prison-n-est-qu-un-lieu-vide-d-activite-et
« La vie au dedans est traversée par la vie du dehors. La prison n’est pas séparée du monde social : elle en est l’inquiétante ombre portée »,
de la question raciale à la question sociae Didier Fassin.
►https://books.google.fr/books?id=e5VLAgAAQBAJ&pg=PP11&lpg=PP11&dq=%C2%ABL%E2%80%99Ombre+du+mond
Quelques belles tribunes :
Le canapé de Sdérot
Daniel Schneidermann, Libération, le 13 juillet 2014
▻http://www.liberation.fr/chroniques/2014/07/13/le-canape-de-sderot_1063259
La politique d’Israël n’est pas la mienne
Jean-Guy Greilsamer, Nouvel Obs, le 23 juillet 2014
▻http://leplus.nouvelobs.com/contribution/1226339-manif-pro-palestine-a-paris-juif-j-y-serai-la-politique-d-
L’honneur perdu du gouvernement francais
Didier Fassin et Anne-Claire Defossez, Libération, le 24 juillet 2014
►http://www.liberation.fr/politiques/2014/07/24/l-honneur-perdu-du-gouvernement-francais_1069751
Condamner Israël, un devoir
27 individus d’ascendance juive ou arabe, Médiapart, le 26 juillet 2014
►http://blogs.mediapart.fr/edition/les-invites-de-mediapart/article/260714/condamner-israel-un-devoir
Le « chant d’amour pour Israël » de François Hollande, et ses conséquences
Mona Chollet, Périphéries, le 28 juillet 2014
►http://www.peripheries.net/article337.html
Antigone à la République
Ivar Ekeland, Médiapart, le 28 juillet 2014
▻http://blogs.mediapart.fr/blog/ivar/280714/antigone-la-republique
Les BAC à la question
▻http://www.leravi.org/spip.php?article1441
Une hiérarchie lointaine
Un discours relevant en partie du mythe, comme le montre le livre de l’anthropologue Didier Fassin décrivant des « baqueux » tournant en voiture des journées entières, sans que le flag ne se présente. « Quand on passe du temps avec eux, on s’ennuie beaucoup aussi », confirme Jérémie Gauthier.
Une grande autonomie, une hiérarchie lointaine : la tentation de jouer aux cow-boys n’est jamais loin. A Marseille, ils n’étaient ainsi que deux officiers pour superviser les quelques 70 agents de la BAC Nord. La pratique de la cooptation (après des tests physiques, psychologiques, et un entretien), exceptionnelle dans la police, a aussi des effets pervers. « Si l’encadrement local est soucieux du respect de la légalité, de la déontologie, tout ira bien, note Jérémie Gauthier. Mais si le chef est marqué à l’extrême-droite, comme dans la brigade observée par Didier Fassin, il va avoir toute latitude pour recruter des policiers qui lui ressemblent. »
]]>Les BAC, une police d’exception | Didier Fassin (Le Monde)
►http://www.lemonde.fr/societe/article/2012/10/12/les-bac-une-police-d-exception_1774511_3224.html
L’un des éléments essentiels de ce dispositif sécuritaire à la française est le déploiement de ces unités spéciales que sont les brigades anticriminalité (BAC). Bien qu’on ait parfois cherché à en faire remonter la genèse aux brigades de surveillance nocturne mises en place à Paris en 1971, les BAC ont en réalité une histoire plus récente : celles de nuit ont été créées en 1994 et celles de jour en 1996. Composées de gardiens de la paix, souvent en civil, circulant dans des véhicules banalisés et supposées mieux armées pour le flagrant délit, les BAC ont été conçues pour intervenir dans les quartiers réputés difficiles, et donc les banlieues des grandes agglomérations, avant de se multiplier sur tout le territoire national, jusque dans des petites villes de province. (...) Source : Le Monde
]]>Faut-il supprimer les BAC ? (Vous avez dit sécurité ?)
►http://insecurite.blog.lemonde.fr/2011/12/29/faut-il-supprimer-les-bac-brigades-anti-criminalite
Il n’est pas facile de rendre justice au livre publié en octobre dernier par notre collègue anthropologue Didier Fassin (La force de l’ordre. Une anthropologie de la police des quartiers, éditions du Seuil). En effet, d’un côté ce livre dit des choses fondamentales sur la façon dont la police nationale intervient souvent de nos jours dans les quartiers réputés sensibles et, plus largement, sur la façon dont le gouvernement français traite les habitants de ces quartiers. Mais, d’un autre côté, notre collègue a observé un cas extrême - une BAC commandée par un policier aux opinions d’extrême droite virulentes - auquel il donne un retentissement voire une valeur exemplaire qui semblent à tout le moins exagérés. Le risque est donc que beaucoup de citoyens (et parmi eux les policiers) rejettent en bloc ce travail qui peut pourtant permettre non seulement de dénoncer des pratiques violentes et racistes déshonorant la République, mais aussi et plus profondément de comprendre dans quelle impasse nous ont entraîné les politiques sécuritaires qui se renforcent sans cesse depuis le début des années 1990, et plus encore depuis les émeutes de 2005. Parions donc positivement que nos lecteurs seront capables d’entendre un message un minimum complexe et de faire la part des choses. (...) Source : Vous avez dit sécurité (...)
]]>Didier Fassin : Pourquoi la BAC a des manières « rudes et humiliantes » (Rue89)
►http://www.rue89.com/2011/12/03/pourquoi-la-bac-des-manieres-rudes-et-humiliantes-227094
Pendant quinze mois, l’anthropologue Didier Fassin a pu suivre des policiers en région parisienne. Son constat est accablant. Grand entretien. (...) Source : Rue89
]]>BAC : les flics mis en examen - Libération
►http://www.liberation.fr/societe/01012372244-bac-les-flics-mis-en-examen
Après quinze mois d’immersion dans une brigade anticriminalité, le sociologue Didier Fassin brosse un portrait affligeant de ces unités envoyées en territoire « ennemi ».
Trois mots en particulier reviennent en boucle dans la bouche des gardiens de la paix : la « jungle », qui désigne la cité, « sauvages » pour délinquants, et le terriblement polysémique « bâtard » employé à tout-va, en guise de « type »,« gars », « individu ».
Fassin décrit aussi l’emploi moins généralisé, mais non sanctionné, d’une terminologie ouvertement raciste - « crouille », « bougnoules » -, comme l’affichage décomplexé d’opinions d’extrême droite. Il raconte le poster Le Pen placardé dans un bureau du commissariat, les tee-shirts « 732 » (référence aux exploits de Charles Martel) portés en intervention, à la vue des administrés. « La racialisation est un effet essentiel de la relation entre les policiers et les habitants », observe Didier Fassin.
]]>Les missions impossibles des Brigades anticriminalité
►http://www.telerama.fr/idees/les-missions-impossibles-des-brigades-anticriminalite,74241.php#xtor=RSS-18
Avec La Force de l’ordre, c’est un livre unique, passionnant et salutaire que publie l’anthropologue et sociologue Didier Fassin. Unique, car aucun chercheur n’avait pu suivre d’aussi près et aussi longtemps les fameuses patrouilles de la brigade anticriminalité (BAC), « la police des cités ».
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