« Les gens sont en train de craquer », raconte Didier Lestrade sur le site de Minorités. Et il parle de tous ceux qui, autour de lui, se suicident ou sombrent dans le suicide à tout petit feu de l’intoxication au lithium ou autres substances. Et ça ne concerne pas que le milieu gay activiste et culturel. Dans la classe ouvrière, la dépression s’aggrave : ici, c’est un ancien de Continental, là, une employée de chez Tati qui se sont tués, vaincus par une société où la force de travail devient chaque jour un peu plus quantité négligeable. Après les grandes espérances de l’année 2011, le piège à con des élection s’étant refermé sur les insurrections arabes, la terrorisation par la crise pétrifiant pour l’instant les esprits et les coeurs, on marque le pas, c’est sûr.
Aux éditions Hugo et Cie, Pierre Maraval publie un drôle de bouquin. Ça s’appelle tout simplement Insurrection et ça raconte qu’en mars 2012, la France se révolte, avec, dit la quatrième de couverture, « d’immenses manifestations et des émeutes sans précédent. Tel le général de Gaulle en 1968, Nicolas Sarkozy pourrait tirer parti de cette atmosphère de guerre civile pour l’emporter dans les urnes. Y arrivera-t-il ? ». On aurait envie d’envier l’idée de Maraval, jusqu’à ce qu’on note que, dans son récit, le point de départ de l’insurrection, c’est l’immolation par le feu, en pleine assemblée générale, d’un leader syndical face à la délocalisation inévitable de son usine. On a beau devoir au suicide de Bouazizi les premières émeutes de l’insurrection tunisienne, on ne peut que souhaiter que les révolutions nécessaires aient un point de départ plus joyeux (au minimum, incendier les centres du pouvoir plutôt que les corps des exploités)
Un suicide est toujours une défaite. Il ne manque pas de bonne raison de vouloir vivre. Donnons-en quelques-unes, en attendant que les lecteurs en fournissent d’autres.