person:diego fusaro

  • [RussEurope-en-Exil] Le Coup d’Etat du Président Mattarella, par Jacques Sapir
    https://www.les-crises.fr/russeurope-en-exil-le-coup-detat-du-president-mattarella-par-jacques-sapi

    (Billet invité) Ce qui s’est passé dans la soirée du dimanche 27 mai peut être considéré comme un coup d’Etat légal en Italie. Le Président Mattarella a bloqué le processus démocratique et contraint le Premier-ministre désigné à la démission, à la suite du véto qu’il avait mis sur le nom de Paolo Savona comme Ministre […]

    • Ce qui s’est passé dans la soirée du dimanche 27 mai peut être considéré comme un coup d’Etat légal en Italie. Le Président Mattarella a bloqué le processus démocratique et contraint le Premier-ministre désigné à la démission, à la suite du véto qu’il avait mis sur le nom de Paolo Savona comme Ministre des finances. Ce véto avait été provoqué par les positions eurosceptiques et anti-euro de Paolo Savona, par ailleurs ancien ministre de l’industrie et ancien président de la Cofindustria, le MEDEF italien. Ce véto correspondait donc aux options idéologiques de Mattarella, et l’on peut penser qu’il a été émis tout autant du #Quirinal que des bâtiment de l’#union-européenne à Bruxelles.

      C’est donc un événement d’une extrême gravité. Le M5S, qui était un des deux partis de la coalition qui soutenait le Premier-ministre a d’ailleurs décidé dans la nuit une mise en accusation du Président de la République pour abus de pouvoir. Au-delà, cela signifie de nouvelles élections en Italie, des élections qui auront sans doute lieu en octobre prochain.

      Un abus de pouvoir
      Le Président de la République italienne s’est donc arrogé des droits qu’il n’a pas. Il convient de relire la Constitution italienne. Celle-ci dit, dans son article 92 : « Il Governo della Repubblica è composto del Presidente del Consiglio e dei ministri, che costituiscono insieme il Consiglio dei ministri. Il Presidente della Repubblica nomina il Presidente del Consiglio dei ministri e, su proposta di questo, i ministri. [1] » Les commentaires, en particulier ceux de Constantino Morati, un des rédacteurs de la Constitution italienne, sont très clairs sur ce point : « La proposition des ministres faite par le Premier ministre désigné doit être considérée comme strictement contraignante pour le chef de l’Etat »[2]. Le refus de contresigner une nomination ne pourrait se justifier que dans le cas de condamnations criminelles ou de conflits d’intérêt par trop évident.

      En opposant son véto à la nomination de Paolo Savona, le Président Mattarella a bien outrepassé les pouvoirs qui lui étaient conférés dans le cadre de la Constitution. De ce point de vue, on peut considérer qu’il s’agit d’un « coup d’Etat », un « coup d’Etat » certes légal mais bien un « coup d’Etat ». La réaction des deux partis soutenant le gouvernement de M. Conte, le M5S et la Lega, ne s’est pas fait attendre. Dès dimanche soir le dirigeant du M5S, M. Luca di Maio annonçait que son mouvement allait déposer une proposition de mise en examen du Président pour abus de pouvoir (mais cette procédure est longue et à peu de chance d’aboutir), et Matteo Salvini, le dirigeant de la Lega, parlait d’occupation financière de l’Italie.

      Un coup de force
      Car le Président Mattarella ne s’est pas contenté de provoquer la démission de M. Conte. Il a aussi choisi M. Carlo Cottarelli, un ancien économiste du #FMI et un partisan de la plus brutale austérité budgétaire comme Premier ministre. On ne pouvait mieux afficher son mépris pour le vote des électeurs Italiens lors des élections générales de 4 mars dernier, un vote qui avait vu l’effondrement des deux partis, la PD et Forza Italia, qui avaient dominé la vie politique de l’Italie depuis une quinzaine d’année, et le succès des deux partis anti-système, opposés justement à cette austérité, que sont le M5S et la Lega. De ce point de vue, quand des commentateurs italiens, qu’ils soient de la Lega ou qu’ils appartiennent à la gauche alternative comme le philosophe Diego Fusaro, parlent de « coup d’Etat des marchés financiers et de l’Union européenne », on ne peut douter que les actes du Président Mattarella ne donnent de la crédibilité à leurs déclarations.

      Le gouvernement de M. Cottarelli n’aura pas de majorité au Parlement. Il sera donc un strict gouvernement « technique », chargé d’expédier les « affaires courantes » avant de nouvelles élections qui devraient avoir lieu en automne. Or, le PD et Forza Italia continuent de baisser dans les sondages actuels. Il est donc probable que ces élections renvoient une majorité M5S et Lega encore plus forte que celle d’aujourd’hui.

      Ce qui vient donc de se passer en Italie illustre bien l’antagonisme mortel qui existe entre l’ordre libéral et l’ordre démocratique[3]. Le « coup d’Etat » de Mattarella devrait ouvrir les yeux à tous ceux qui, en Italie et en France, mais aussi en Espagne et au Portugal, nourrissent encore quelques illusions quant aux institutions de l’Union européennes. Plus que jamais, face à un ennemi qui lui n’hésite pas à violer ses propres lois, il faudra penser les conditions d’alliances qui permettront de le vaincre.

      Au-delà, ce « coup » n’est pas unique dans l’Histoire. C’est ce que le Maréchal Mac Mahon avait tenté en mai 1877 contre la majorité républicaine à la Chambre des Députés. On sait ce qu’il en advint. Cette majorité ayant été reconduite par de nouvelles élections, Mac Mahon se soumis puis se démis….

      Notes

      [1] « Le gouvernement de la République est composé du président du Conseil et des ministres qui constituent, ensemble, le Conseil des ministres.

      Le président de la République nomme le président du Conseil des ministres et, sur proposition de celui-ci, les ministres. » (Le passage en gras est de mon fait) https://it.wikisource.org/wiki/Italia,_Repubblica_-_Costituzione

      [2] Mortati C., Istituzioni di diritto pubblico, Cedam Casa Editrice dott. Antonio Milani, Padova, 1952, cité dans l’édition de 1975, p. 568

      [3] Voir Sapir J., Souveraineté, Démocratie, Laïcité, Paris, éditions Michalon, 2016.

      #ue

    • La Grèce face à l’hybris européen | RussEurope
      http://russeurope.hypotheses.org/3744

      Mais, là où le gouvernement grec erre, c’est qu’il pense que les décisions au niveau de l’Eurogroupe seront prises sur la base d’intérêts économiques. En fait, les gouvernements des pays de la zone Euro ont investi énormément dans la dimension politique et symbolique. L’Euro, comme le dit depuis des années le philosophe italien Diego Fusaro n’est pas une monnaie, c’est un projet politique et symbolique. Et, ce projet ne peut s’accommoder d’un compromis avec la Grèce. Car, en cas de compromis, validant la stratégie de Tsipras et de Syriza, c’est toute la politique d’austérité qui volerait en éclat (avec un encouragement très fort à Podemos en Espagne et au Sinn Fein en Irlande), non seulement au grand dam de l’Allemagne (et de ces alliés) mais aussi des hommes politiques qui, dans d’autres pays, ont construit leur carrière sur ce projet (comme François Hollande).

      C’est pourquoi un compromis est en réalité une illusion. Il n’y a pas d’alternative à l’Eurogroupe que d’écraser ou périr. Il n’y a pas d’alternative pour le gouvernement grec que d’aller à l’affrontement ou périr.

    • Au reste, l’institution évolue au niveau interne dans le même sens, avec une montée draconienne des mesures de “sécurisation” interne de l’institution UE, impliquant une sorte de surveillance intensive et intrusive, soupçonneuse et tatillonne. Un nombre de plus en plus grand de sites internet, jugés “dissident”, et qui concernent plus encore les nouvelles non caviardées du Moyen-Orient ou de l’Ukraine, ont leur accès bloqué sur les circuits intérieurs par de mystérieuses décisions venues d’on ne sait quelle mystérieuse organisation de sécurité. Un fonctionnaire sollicitant une position particulière ou une bourse d’étude, peut se voir opposer un refus, non parce qu’il a répondu d’une façon incompétente à une interview d’évaluation, mais, par exemple, parce qu’il a eu une phrase malheureuse sur la Grèce (du type “les pauvre Grecs, leur sort est difficile”). L’hybris est donc bien là, omniprésent, aussi bien présent à l’intérieur des institutions, installant une tension constante, une suspicion à mesure, et de plus en plus souvent désarroi et confusion sur la raison d’être et l’orientation de l’institution.

      Nous dirions que cet hybris correspond à une affirmation de puissance (surpuissance) dont la crise ukrainienne a été la génitrice incontestable. L’Ukraine a conduit l’UE “à sortir du bois”, à se découvrir pour ce qu’elle est, ou ce qu’elle est devenue dans son évolution souterraine peu importe, c’est-à-dire une institution parfaitement totalitaire. Ce faisant, elle a complètement tourné le dos à ce qu’elle présentait comme ses ambitions pacificatrices, comme modèle de “gouvernance apaisée” et comme modèle postmoderne de gouvernement idéal. Ainsi, en acquérant cette surpuissance que lui impose son hybris, comme juste retour des choses puisque l’hybris est né de cette surpuissance, elle se met paradoxalement dans une position d’extrême faiblesse. Elle est entraînée, – le cas ukrainien est exemplaire, – dans des voies de plus en plus douteuses, où la légitimité qu’elle prétendait avoir avec ses idéaux initiaux se dissout à très grande vitesse, remplacée par l’imposture, le simulacre, et l’enchaînement dramatique du déterminisme-narrativiste. L’hybris-Système dont l’UE est désormais la porteuse comme on l’est d’une peste épouvantable, est la marque du processus irrémédiable d’effondrement qui l’entraîne. Sera-ce la Grèce, sera-ce autre chose, qui nous montrera que le roi est nu ? Les occasions ne manquent pas et ne feront que se multiplier tant cette attitude engendre de contradiction,s conflictuelles, d’antagonismes furieux, notamment avec les Etats-Membres et avec leurs populations.

  • Pas si fous ces romains… | RussEurope
    http://russeurope.hypotheses.org/1816

    Diego Fusaro a développé deux idées importantes. La première est celle de l’avènement d’un « capitalisme absolu » qui fut en un sens « préparé » par la dimension libertarienne de mouvement de 1968 et qui se veut définitivement dégagé de tous les obstacles à l’établissement d’une « société de marché ». Dans un tel capitalisme, il ne doit y avoir ni institutions ni règles, si ce n’est celle, comme le disent K. Marx et F. Engels dans Le Manifeste Communiste, du « froid paiement au comptant ». Autrement dit le modèle de ce capitalisme est un marché qui a avalé toutes les valeurs humaines. En fait, les résistances à ce processus d’établissement d’un monde sans règle ni institution ont constitué l’épaisseur des luttes sociales depuis près d’un siècle et demi. Il y aurait certes beaucoup à dire sur ce point. Mais, on ne peut nier que l’évolution du capitalisme que l’on qualifie de « néo-libéral » tend bien dans cette direction.

    La seconde idée importante est celle de la perte par l’Italie de toute souveraineté, ce qui empêche la démocratie, conçue non pas comme une pratique formelle mais comme le processus vivant dans lequel les opinions au sein du peuple se confrontent et d’où se dégagent des majorités capables de décisions, d’exister. Sur ce point, on est parfaitement en accord avec Diego Fusaro, ne serait-ce que parce que l’on a développé des idées relativement similaires dans un ouvrage publié en 2002[1]. En réalité, quand on regarde le statut de ce projet de dépolitisation de la décision économique on voit qu’il a des sens différents selon les écoles. Le statut de dépolitisation est ontologique chez les néo-classiques, il est instrumental chez les Autrichiens comme von Mises et Hayek[2]. Le résultat est cependant le même, un « hold-up » anti-démocratique[3]. C’est ce qui fait de la souveraineté un concept clef dans la lutte pour la démocratie, non qu’elle soit suffisante mais parce qu’elle est incontestablement nécessaire[4]. Ceci tend à substituer à la politique une organisation de la société en apparence dominée par la « technique ». Mais, cette « technique » est tout sauf neutre, et elle est au service d’une domination de classe dont les effets sont d’autant plus redoutables qu’ils s’avancent masqués et ne se donnent pas pour ce qu’ils sont....

    #économie
    #Italie
    #Euro
    #Constitution
    #Eurexit
    #politique
    #capitalisme
    #souveraineté