person:dionne warwick

  • Voici mon palmarès des 30 chansons les plus tristes du monde :
    https://www.youtube.com/watch?v=XmygnicYLIA&list=PLkeA_mTMOkTt1UMWHWjnQks3r8oqM7BcD

    1) Trouble of the World, Mahalia Jackson (USA, 1959)
    2) Gloomy Sunday, Billie Holiday (USA, 1947)
    3) I Wish I Knew How it Would Feel to Be Free, Nina Simone (USA, 1967)
    4) Petenera, Pepe de la Matrona (Espagne 1957)
    5) Double Trouble, Otis Rush (USA, 1958)
    6) Part Time Love, Clay Hammond (USA, 1982)
    7) Walking the Backstreets and Crying, Little Milton (USA, 1983)
    8) Let Me Down Easy, Bettye Lavette (USA, 2000)
    9) Mara Beboos, Hassan Golnaraghi (Iran, années 1960)
    10) Aatini Al Nay Wa Ghani, Fairouz (Liban, 1965)
    11) Please Come Home for Christmas, Charles Brown (USA, 1960)
    12) Lost Someone, James Brown (USA, 1961)
    13) Walk on By, Dionne Warwick (USA, 1963)
    14) Unfair, Barbara Lynn (USA, 1964)
    15) Crying Time, Ray Charles (USA, 1965)
    16) Nothing Takes The Place Of You, Toussaint Mc Call (USA, 1967)
    17) Inner City Blues, Marvin Gaye (USA, 1971)
    18) In the Rain, The Dramatics (USA, 1972)
    19) In the Ghetto, Candi Staton (USA, 1972)
    20) Ne Me Quitte Pas, Jacques Brel (France, 1966)
    21) Te Recuerdo Amanda, Victor Jara (Chili, 1969)
    22) Chega de Saudade, Joao Gilberto (Brésil, 1959)
    23) Sodade, Bonga (Angola, 1974)
    24) Tezeta, Mahmoud Ahmed (Ethiopie, 1974)
    25) Assouf, Tinariwen (Mali, 2006)
    26) Time, Tom Waits (USA, 1985)
    27) Nothing compares 2 U, Sinead O’Connor (USA-Irlande, 1990)
    28) Hurt, Johnny Cash (USA, 2002)
    29) Hate, Cat Power (USA, 2006)
    30) Pause, Rafeef Ziadah (Palestine, 2015)

    J’en ai fait deux chroniques :
    http://entrelesoreilles.blogspot.com/2018/09/elo341-les-chansons-les-plus-tristes-du.html
    http://entrelesoreilles.blogspot.com/2018/11/elo348-les-chansons-non-americaines-les.html

    Spotify s’y était essayé aussi :
    https://seenthis.net/messages/716771

    Voici aussi le « top 20 » des chansons les plus gaies du monde :
    https://seenthis.net/messages/731244

    #Musique #Playlist #Tristes #Gospel #Flamenco #Blues #Saudade #Sodade #Tezeta #Assouf #Soul #Jazz

  • La chanson la plus triste...

    BBC - Culture - Can data reveal the saddest number one song ever?

    http://www.bbc.com/culture/story/20180821-can-data-reveal-the-saddest-song-ever

    Data journalist Miriam Quick put Spotify’s new algorithm to the test, analysing over 1000 tracks to find the saddest pop songs to top the charts. The results were surprising.

    By Miriam Quick

    22 August 2018

    When I was 15 I discovered The Smiths, a band whose name had by then long been synonymous with misery. But it was Morrissey’s unique style of being miserable – coquettish and laced with Northern English humour, flipping between self-pity and irony – that appealed to my teenage self. That and the grandiose but intricately layered sweeps of Johnny Marr’s guitar. I’d always cry at the same points in each song: the end of Hand in Glove, the chord changes before the chorus of Girl Afraid, the line in The Queen is Dead where he sings “we can go for a walk where it’s quiet and dry”. I’m still not sure why the last one had such an effect.

    Roberta Flack - The First Time Ever I Saw Your Face

    https://www.youtube.com/watch?v=Go9aks4aujM

    #data #big_data #chanson #algoritme

    • 1. The First Time Ever I Saw Your Face – Roberta Flack (1972)
      2. Three Times a Lady – Commodores (1978)
      3. Are You Lonesome Tonight ? – Elvis Presley (1960)
      4. Mr Custer – Larry Verne (1960)
      5. Still – Commodores (1979)

      A mon avis, l’algorithme est loin d’être au point et le classement est hautement critiquable, non seulement subjectivement (parce qu’elles sont assez mauvaises ! Les Commodores ? Seriously ?! Et deux fois en plus ?), mais même objectivement si on se rend compte que les paroles des deux premières chansons sont en fait joyeuses !

      J’avais commencé une liste moi aussi, mais je ne l’ai jamais terminée...

      –Trouble of the World, Mahalia Jackson
      –Double Trouble, Otis Rush
      –Walking the Backstreets and crying, Little Milton
      –Part Time Love, Clay Hammond
      –Let Me Down Easy, Bettye Lavette
      –Unfair, Barbara Lynn
      –Nothing Takes The Place Of You, Toussaint Mc Call
      –Please come home for Christmas, Charles Brown
      –Lost Someone, James Brown
      –Nothing compares to you, Sinead O’Connor
      –Walk on by, Dionne Warwick
      –In The Rain, The Dramatics
      –Inner City Blues, Marvin Gaye
      –I wish I knew how it would feel to be free, Nina Simone
      –In the ghetto, Candi Staton
      –Crying time, Ray Charles
      –Gloomy Sunday, Billie Holiday
      –Ne me quitte pas, Jacques Brel

      #Musique #triste #palmarès #subjectivité

  • Si vous lisez ces jours-ci des biographies d’Aretha Franklin, souvent truffées d’erreurs, vous y verrez souvent allusion à cette « fameuse » interview dans Time Magazine en 1968. Il y a longtemps de cela, j’ai acheté une version de ce magazine et j’ai traduit l’interview en français ici :

    LADY SOUL : SINGING IT LIKE IT IS
    Time Magazine, le 28 Juin 1968
    http://www.otisredding.fr/time_magazine.htm

    Pour le même site web (consacré principalement à #Otis_Redding), j’avais aussi fait cette comparaison des versions d’Otis Redding et d’Aretha Franklin de la chanson Respect :
    http://www.otisredding.fr/otis_blue.htm#RESPECT

    Otis Redding reconnaissait lui-même que la version d’Aretha Franklin était supérieure à la sienne. Il le dit dans le concert à Monterey en juin 1967. Et puis finalement il copie la version d’Aretha dans une émission à la télévision la veille sa mort (émission Upbeat de Don Webster, Cleveland, 9 décembre 1967) :
    https://www.youtube.com/watch?v=b9dBHWTejiU

    En 2009, j’avais écrit un petit article dans Siné Hebdo sur la filiation entre Aretha Franklin, Esther Phillips et Dinah Washington :

    Aretha, Esther et Dinah
    Dror, Siné Hebdo, le 21 janvier 2009
    https://entrelesoreilles.blogspot.com/2009/01/sin-hebdo-20-aretha-esther-et-dinah.html

    J’ai vu Aretha Franklin en concert trois fois (1995, 2008 et 2014). Trop jeune pour l’avoir vu à sa meilleur époque, j’ai le souvenir de concerts inégaux, mais aussi que LE moment fabuleux du concert était lorsqu’elle se mettait au piano et revenait à la base de la musique et de l’émotion :

    Bridge Over Troubled Water (15 novembre 2011)
    https://www.youtube.com/watch?v=w_4GJwriRnM

    Alors on pouvait se croire projeté en arrière en 1971 au Fillmore West :

    Bridge Over Troubled Water (7 mars 1971)
    https://www.youtube.com/watch?v=D6FnXjqrIuU

    La troisième fois que j’ai vu Aretha Franklin en concert, c’était à Montréal en juillet 2014. J’avais alors écrit cet article :

    Aretha Franklin à Montréal 2014
    Dror, Entre Les Oreilles, le 5 juillet 2014
    https://entrelesoreilles.blogspot.com/2014/07/elo176-aretha-franklin-montreal.html

    Et il reste qui dans les musicien.ne.s de Soul ? Diana Ross, Tina Turner, Carla Thomas, Valerie Simpson, Shirley Brown, Millie Jackson, Mavis Staples, Gladys Knight, Dionne Warwick, Betty Wright, Candi Staton, Roberta Flack, Little Richard, Smokey Robinson, Al Green, Stevie Wonder, Sam Moore, Clarence Carter, Eddie Floyd, William Bell, Ronald Isley, Jerry Butler, Eddie Levert, Latimore, George Clinton, Bootsy Collins, Larry Graham, George Benson, Joe Simon, Lloyd Price...

    #Aretha_Franklin #Musique #Soul #Entre_Les_Oreilles #Siné_Hebdo #Shameless_autopromo

    • Aretha Franklin, respect éternel
      Jacques Denis, Libération, le 16 août 2018
      http://next.liberation.fr/culture/2018/08/16/aretha-franklin-respect-eternel_1672542

      La reine de la soul est morte ce jeudi à 76 ans. De l’église de son père au sommet des charts, sa voix a inscrit dans la légende des dizaines de tubes et porté haut les causes du féminisme et des droits civiques.

      « J’ai perdu ma chanson, cette fille me l’a prise. » Quand il découvre Respect, une ballade qu’il a écrite pour son tour manager Speedo Sims, Otis Redding ne peut que constater les faits face à Jerry Wexler, le pape de la soul music au label Atlantic. Ce jour-là, le chanteur sait que le titre paru deux ans plus tôt, en 1965 sur l’imparable Otis Blue, lui échappe. Pas sûr en revanche qu’il puisse se douter alors que ce hit fera danser des générations entières, porté par la voix de la papesse soul. Combien de soirées où cet hymne au féminisme débridé aura fait se lever toutes les femmes et filles, prises d’un doux délire  ! « La chanson en elle-même est passée d’une revendication de droits conjugaux à un vibrant appel à la liberté. Alors qu’Otis parle spécifiquement de questions domestiques, Aretha en appelle ni plus ni moins à la transcendance extatique de l’imagination », analysera Peter Guralnick, l’auteur de la bible Sweet Soul Music.

      Enregistrée le jour de la Saint-Valentin, la version d’Aretha Franklin, morte jeudi à 76 ans, est effectivement bien différente de celle du « Soul Father », qui vantait les mérites de l’homme allant au turbin et méritant de fait un peu de respect en retour. La jeune femme se permet d’y glisser quelques saillies bien senties  : « Je ne te ferai pas d’enfant dans le dos, mais ce que j’attends de toi, c’est du respect. » Le tout boosté par un chœur composé de ses sœurs Erma et Carolyn qui ponctue de « Ooh  ! » et « Just a little bit », donnant à l’histoire les faux airs d’une conversation complice entre femmes. Et de conclure par un tranchant  : « Je n’ai besoin de personne et je me débrouille comme une grande. » La suite, tout du moins d’un point de vue artistique, donnera raison à celle qui devint ainsi pour la postérité tout à la fois l’une des égéries des droits civiques et la visionnaire pythie d’une libération des mœurs.
      Dix-huit Grammy Awards

      « Cette chanson répondait au besoin du pays, au besoin de l’homme et la femme de la rue, l’homme d’affaires, la mère de famille, le pompier, le professeur – tout le monde aspire au respect. La chanson a pris une signification monumentale. Elle est devenue l’incarnation du "respect" que les femmes attendent des hommes et les hommes des femmes, le droit inhérent de tous les êtres humains », analysera-t-elle a posteriori dans son autobiographie, Aretha : From These Roots.

      Sa reprise de Respect n’était pas le premier succès de la native de Memphis. D’ailleurs, à l’époque, ce ne sera que le deuxième 45-tours de son premier album sous pavillon Atlantic, précédé par I Never Loved a Man (the Way I Love You) qui donne son titre à ce disque. Mais avec ce tube, bientôt suivi d’une quantité d’autres, elle se hisse vers des sommets à hauteur des mâles blancs qui dominaient l’époque. Coup double aux Grammy 1968 – les premiers d’une très longue série, dix-huit au total –, la chanson truste les charts pop, quatorze semaines au top des ventes afro-américaines où la concurrence est alors plutôt sévère, et intronise la « Soul Sister » (surnom emprunté à son précédent disque) en reine du genre  : « Queen of Soul », pas moins. Elle ne sera jamais détrônée.

      Pourtant l’album enregistré entre Muscle Shoals, l’usine à tubes d’Alabama, et New York, où elle dut se replier avec quelques musiciens sudistes, fut accouché dans la douleur, tel que relaté par un autre biographe émérite d’Aretha Franklin, le Français Sebastian Danchin (Portrait d’une natural woman, aux éditions Buchet Chastel). Toujours est-il que le 28 juin 1968, elle fait la une de l’hebdomadaire Time  : un simple portrait dessiné d’elle, discrètement barré d’un explicite The Sound of Soul. Cette année-là, elle est juste derrière Martin Luther King en termes de ­notoriété.

      Atteinte d’un cancer et officiellement rangée des hits depuis début 2017, la grande prêcheuse du respect est morte cinquante ans plus tard à Détroit, à 76 ans, devenue pour l’éternité celle dont un président des Etats-Unis (pas le moins mélomane, Barack Obama) a pu dire  : « L’histoire américaine monte en flèche quand Aretha chante. Personne n’incarne plus pleinement la connexion entre le spirituel afro-américain, le blues, le r’n’b, le rock’n’roll – la façon dont les difficultés et le chagrin se sont transformés en quelque chose de beau, de vitalité et d’espoir. »
      Premier disque

      Avant d’en arriver là, tout n’était pas écrit d’avance pour cette fille de pasteur, née le 25 mars 1942 dans le Sud profond, où la ségrégation fait force de loi. Grandie dans le giron de ce père homme de foi, Aretha Louise Franklin trouve sa voix à l’église, comme souvent. Elle a pour premier modèle son paternel, personnalité aussi sombre à la maison qu’auréolée de lumière sur l’estrade  : le pasteur Clarence LaVaughn Franklin enregistre et publie ses gospels sur la firme Chess, fréquente les stars (Sam Cooke, Jackie Wilson, Art Tatum…), enchaîne les tournées, au risque de délaisser le foyer où les enfants se débrouillent comme ils peuvent. D’autant que leur mère, Barbara Siggers, « immense chanteuse gospel » selon la diva Mahalia Jackson, a quitté le foyer au lendemain des 6 ans d’Aretha.

      Sept années plus tard, l’adolescente grave son premier disque, avec le chœur de la New Bethel Baptist Church, le sanctuaire au cœur du ghetto de Detroit où son père célèbre sa mission sur Terre. L’année qui suit, elle accouche d’un premier enfant, suivant là encore les traces du prédicateur, par ailleurs fornicateur à ses heures  : une des demi-sœurs de la jeune Aretha est le fruit de relations illicites avec une paroissienne de 13 ans  !
      Ferveur inégalée

      Avant 18 ans, Aretha a déjà deux enfants. Autant dire un sérieux handicap pour qui entend faire carrière en musique. C’est pourtant la même, certes délestée des bambins qui se retrouvent chez mère-grand Rachel, qui est castée par le talent-scout John Hammond. Elle a 19 ans quand elle débarque à New York pour intégrer l’écurie Columbia, où la future Lady Soul – autre surnom absolument pas usurpé – est censée suivre le sillon creusé par Lady Day, la femme au chihuahua Billie Holiday. Las, l’histoire ne se répète jamais, et malgré d’indéniables talents et de petits succès dont un bel hommage à Dinah Washington, une de ses références avouées, et un recommandable Yeah où elle tente déjà de faire siennes quelques rengaines empruntées à d’autres, celle qui sera plus tard la première femme à rejoindre le Rock’n’roll Hall of Fame ne parvient pas à se distinguer dans le jazz. Jusqu’à ce qu’elle franchisse le Rubicon, en passant chez Atlantic où, outre Jerry Wexler, elle trouve en Arif Mardin un directeur musical à son écoute.

      « Quand je suis allée chez Atlantic Records, ils m’ont juste assise près du piano et les tubes ont commencé à naître. » Il ne faudra jamais oublier qu’à l’instar d’une Nina Simone, Aretha Franklin était aussi une formidable pianiste. La liste des classiques enregistrés en moins de dix ans donne le tournis  : Baby I Love You, (You Make Me Feel Like) A Natural Woman, Think, (Sweet Sweet Baby) Since You’ve Been Gone, Chain of Fools, Until You Come Back to Me… Entre 1967 et 1974, la porte-voix d’une communauté chante ou déchante l’amour, en mode énervé ou sur le ton de la confidence sur oreiller, portée par des arrangements luxuriants ou dans ce dénuement propre à magnifier les plus belles voix sudistes (de Wilson Pickett à Sam & Dave). Dans cette série qui ressemble à une irrésistible ascension, chacun a ses favoris  : Call Me, par exemple, pas forcément le plus gros succès, demeure une ballade pour l’éternité où elle fait valoir toute la classe de son toucher sur les noires et ivoire. A moins que ce ne soit I Say a Little Prayer, le cantique écrit par Burt Bacharach et Hal David pour Dionne Warwick (qui se le fera chiper), tout en légèreté laidback. Qu’elle flirte volontiers avec la pop, reste fidèle à l’esprit de la soul ou mette le feu au temple frisco rock Fillmore West dans un live mémorable avec le terrible saxophoniste r’n’b King Curtis, son directeur musical assassiné quelques mois plus tard, la voix d’Aretha Franklin transcende toujours les sacro-saintes chapelles avec une ferveur inégalée. Celle héritée du gospel, la genèse de tout, auquel elle rend un vibrant hommage en 1972 avec Amazing Grace, un office avec le révérend James Cleveland qui devient le premier disque du genre à réussir la jonction avec le public profane.

      La série va pourtant s’arrêter au mitan des années 70, alors que Jerry Wexler s’apprête à quitter la maison mère pour rejoindre Warner Bros. A Change Is Gonna Come, pour paraphraser la superbe complainte qu’elle a empruntée à Sam Cooke dès 1967. Le disco triomphe, et bientôt le rap qui saura lui rendre hommage, à l’image de Mos Def revisitant One Step Ahead ou de Lauryn Hill s’investissant dans The Rose Is Still a Rose. Orpheline de son mentor, Franklin elle-même quitte en 1980 Atlantic pour Arista. La chanteuse ne s’en remettra pas, alors même qu’elle parvient à toucher un public rajeuni en étant au générique des Blues Brothers. Elle y chante en femme de ménage (mais chaussée de mules en éponge roses  !) Think, hymne à la liberté et à la féminité affirmée haut et fort (encore).

      Ombre d’elle-même

      La scène d’anthologie marque les esprits, mais dans la vraie vie, Aretha Franklin n’aspire qu’à des productions de plus en plus pompières, qui masquent par leur outrance l’essentiel  : ses exceptionnelles qualités d’interprète. Les interventions de jeunes musiciens comme Marcus Miller ou Narada Michael Walden n’y font rien, même si avec ce dernier elle parvient une nouvelle fois à toucher furtivement la place de numéro 1 des charts r’n’b.

      Si elle se fait rare en studio, si elle ne marque plus l’histoire de la musique, elle n’en demeure pas moins une icône pour les nouvelles générations. George Michael s’adonne ainsi à un duo – une spécialité de la diva, qui sans doute trahissait déjà un réel manque de renouvellement – avec celle qu’il considère comme une influence majeure. Toutes les chanteuses de nu soul prêtent allégeance à la première dame, qui de son côté s’illustre dans la rubrique mondanités. Elle traverse ainsi les années 90 en ombre d’elle-même, caricature de ses grands millésimes, qu’elle fructifie. Elle n’en reste alors pas moins une figure que l’on met aisément en couverture, affichant des looks pas toujours raccords, et au premier rang des chanteurs de tous les temps selon Rolling Stone.

      De come-backs avortés en retours guettés par des fans toujours en demande, rien n’y fait. La star, rentrée vivre à Detroit, attise pourtant les désirs et envies des jeunes producteurs : André 3000 d’Outkast et Babyface mettent même un album en chantier, alors que l’année d’après, en 2014, le festival de jazz de Montréal la fait remonter sur scène. Longue robe blanche, cheveux blonds, elle assure le show.

      Trois ans plus tard, elle est encore en blanc, mais considérablement amaigrie, pour un gala au profit de la fondation Elton John, à New York. Plus que de résurrection, cela sonne comme un concert d’adieux. Néanmoins, on gardera plutôt en souvenir le dernier grand moment d’une carrière hors norme de cette chanteuse  : le 6 décembre 2015 lors des prestigieux Kennedy Center Honors, elle entre en scène en manteau de fourrure, voix aussi sûre que son doigté au piano, pour interpréter (You Make Me Feel Like) A Natural Woman devant le couple Obama, auquel elle avait déjà fait l’honneur de chanter lors de son investiture en 2009. Comme la révérence d’une voix pas ordinaire, en tout point populaire.

      Jacques Denis

    • « Aretha Franklin a chanté son époque, avec son époque, et pour son époque »
      Isabelle Hanne, Libération, le 16 août 2018
      http://www.liberation.fr/planete/2018/08/16/aretha-franklin-a-chante-son-epoque-avec-son-epoque-et-pour-son-epoque_16

      Daphne Brooks, professeure d’études Afro-américaines à l’université Yale, revient sur la figure d’Aretha Franklin et sa place dans l’histoire musicale et nationale.

      Daphne Brooks, 49 ans, professeure d’études afro-américaines à l’université Yale, écrit sur la question raciale, le genre et la musique populaire. Elle a ­notamment travaillé sur le parcours d’Aretha Franklin pour son ­livre Subterranean Blues  : Black Women and Sound Subcultures (à paraître) et a donné plusieurs conférences sur la Queen of Soul, qu’elle a rencontrée à l’occasion d’une lecture à Princeton qui lui était dédiée. Elle s’intéresse ­particulièrement aux moments où les artistes Afro-Américaines se retrouvent à la croisée entre les ­révolutions musicales et la grande histoire nationale, Aretha Franklin étant la figure ty­pique de ces intersections.
      Que représente Aretha Franklin pour vous  ? Quels sont vos ­premiers souvenirs d’elle  ?

      J’ai grandi dans les années 70 en Californie, dans une famille qui écoutait de la musique en permanence alors qu’elle avait déjà acquis le statut de « Queen of Soul ». Elle a toujours été omniprésente dans mon monde.
      Comment est-elle devenue l’un des objets de vos recherches  ?

      La musique d’Aretha Franklin, c’est le son de la conquête des droits ­civiques, du Black Power, ce ­mélange de joie, de blackness, ce sens de la fierté, notre héritage afro-amé­ricain. Elle a su trans­mettre cette beauté intérieure dans ses chansons.
      Quels sont les liens entre Aretha Franklin et le mouvement de lutte pour les droits civiques  ?

      Ils sont nombreux. Son père, C.L. Franklin, était ce pasteur très célèbre à Detroit et son église, la New Bethel Baptist Church, un haut lieu du combat pour les droits civiques. Il galvanisait un public noir à travers ses sermons diffusés à la radio pendant les années 50 [puis commercialisés sur disque, ndlr]. Il accueillait Martin Luther King lors de ses séjours à Detroit. Aretha Franklin a d’ailleurs accompagné ce dernier à plusieurs manifestations et chanté lors de ses funérailles. Mais cette connexion ne se limite pas à ces liens familiaux. Sa musique, elle aussi, s’inscrit dans ce contexte historique. Il y a, bien sûr, son ADN gospel. Et pas seulement  : Respect, la chanson écrite par ­Otis Redding mais réinterprétée par Franklin en 1967, une année pivot [l’année du « Long, Hot Summer », une série d’émeutes raciales], est devenue instantanément un hymne des droits civiques, de l’émancipation des Noirs, du Black Power et du mouvement féministe. Trois ans plus tôt, en 1964, elle avait déjà ­enregistré Take a Look, dont les paroles avaient fortement résonné lors du « Freedom Summer », cet été où des centaines d’étudiants ont risqué leur vie pour inscrire des Noirs sur les listes élec­torales du Mississippi [« Lord, what’s happening / To this human race  ? / I can’t even see / One friendly face / Brothers fight brothers / And sisters wink their eyes […] / Just take a look at your children / Born innocent / Every boy and every girl / Denying themselves a real chance / To build a better world. »] Dans sa musique elle-même, elle a su articuler ce chagrin et ce regard sur l’humanité si propre à la soul music.
      Vous dites qu’elle n’a pas seulement été une voix des droits ci­viques, comme Nina Simone, mais qu’elle a également eu un impact sur le féminisme afro-américain  ?

      Aretha a chanté son époque, avec son époque, et pour son époque. Avec des chansons comme Natural Woman, elle s’est aussi exonérée d’une certaine image pour se ­connecter au mouvement féministe moderne, au féminisme noir. Très tôt dans sa carrière, elle s’est donné le droit de chanter les tourments émotionnels des Afro-Américaines avec tellement de genres musicaux différents  : c’était son appel à l’action, à l’émancipation des Noires aux Etats-Unis. Elle a chanté la ­bande-son complexe de la femme noire qui se réinventait. Elle montre que cette dernière peut être un ­sujet doué d’émotions complexes, d’une volonté d’indépendance… Toutes ces choses qui ont été si longtemps refusées aux Afro-Américains aux Etats-Unis. Elle a vraiment été dans la droite ligne du Black Power  : désormais, les Noirs montrent qu’ils n’ont pas besoin de s’excuser d’exister.
      Elle a aussi été cette icône aux tenues extravagantes, luxueuses, en perruque et fourrure. Peut-on dire qu’elle a participé à façonner une certaine féminité noire  ?

      Oui, mais comme d’autres activistes ou artistes noires, telle Diana Ross par exemple, qui ont en effet développé cette image de la beauté noire glamour, somptueuse. Mais elle a également montré, dans les années 70, une image plus afrocentriste, avec des tenues plus sobres et une coiffure afro.
      A bien des égards, Aretha Franklin est une synthèse des Afro-Américains...

      Elle est née dans le Sud, à Memphis (Tennessee), mais elle a grandi dans le Nord, à Detroit, dans le Michigan. Sa famille a fait comme des millions d’Afro-Américains au milieu du XXe siècle  : ils ont déménagé du Sud vers le Nord, ce phénomène qu’on appelle la Grande Migration [de 1910 à 1970, six millions d’Afro-Américains ont émigré du sud des Etats-Unis vers le Midwest, le Nord-Est et l’Ouest, pour échapper au racisme et tenter de trouver du travail dans les villes indus­trielles]. Elle a aussi su faire la synthèse ­entre tous les genres musicaux afro-américains, de la soul au r’n’b, de la pop au jazz. Aretha Franklin fait partie, fondamentalement, de l’histoire des Noirs américains. Elle appartenait à cette génération d’Afro-Américains qui a sondé l’identité noire, qui venaient du Nord comme du Sud, urbains comme ruraux, passionnés de jazz, de blues, de r’n’b et de pop. Le tout en se battant pour faire tomber les murs de la ­culture Jim Crow [les lois qui organisaient la ségrégation raciale] à travers l’agitation sociale et la performance artistique.
      Isabelle Hanne correspondante à New York

  • SPONTAENOUS COMBUSTION : START TO CRY
    http://feedproxy.google.com/~r/o-dub/dqRL/~3/5aV0EmqzRqI

    Soul-Sides.com http://feedproxy.google.com/~r/o-dub/dqRL/~5/iAPs_TgJLl8/Walk-On-By.mp3

    Spontaneous Combustion: Walk On By (Rod, 196?, 7″) Psych/garage cover of Dionne Warwick. I’m pretty sure this is not the same Spontaneous Combustion that did this song but beyond that, I can’t track down any info about these guys (they may be from Iowa). Cool Chris played this at a gig and it (...)