person:documented effects de petra östergren

  • Les effets pervers de la criminalisation des clients des prostituées - Indymedia-Québec (CMAQ)
    http://www.cmaq.net/fr/node/44161

    En fait, l’évaluation du gouvernement suédois est beaucoup critiquée tant pour l’absence de méthodologie scientifique, pour ses prétendus succès non démontrés par des faits et parce qu’elle ne tient pas compte des effets pervers de la criminalisation des clients sur les prostituées. Selon La loi suédoise contre l’achat d’actes sexuels : succès affirmé et effets documentés (une traduction en français de The Swedish Sex Purchase Act : Claimed Success and Documented Effects de Petra Östergren et Susanne Dodillet), un rapport très documenté qui l’analyse sérieusement en la confrontant aux faits :

    • En Suède, la stigmatisation des prostituées a effectivement augmenté. On les dit victimes, faibles, exploitées, ce qui propage des stéréotypes. Elles sont vues comme des membres non valables de la société, on ne les respecte donc pas et elles sont victimes de discriminations. Elles sont sans pouvoir. Ce sont les « expert-es » qui ont le pouvoir de définir ce qu’elles vivent de même que leurs besoins.

    • La prostitution de rue aurait diminué du tiers, mais c’est une tendance mondiale causée par la généralisation de l’utilisation des cellulaires et d’internet ces dernières années. Elle s’est aussi déplacée dans des rues plus isolées ou à l’intérieur ainsi que dans des pays limitrophes. Les prostituées sont donc plus difficiles à rejoindre par les intervenant-es.

    • Dans certaines villes, il y a moins de clients sur la rue, ce qui augmente leur pouvoir de négociation. Il faut aussi faire vite. Il leur arrive donc d’accepter des clients qu’elles auraient refusé avant, de baisser leurs prix – elles doivent donc faire plus de clients et prendre plus de risques - et d’accepter du sexe sans condoms. Et elles vont dans des lieux plus isolés avec leurs clients.

    • Comme les contacts directs avec les clients sont devenus plus difficiles à faire, les prostituées sont plus dépendantes d’intermédiaires.

    • Quand on les identifie comme étant des prostituées, les propriétaires des logements qu’elles louent doivent annuler leur bail s’ils ne veulent pas être criminalisés. Elles perdent donc leur logement. Et elles ont peur qu’on leur enlève aussi la garde de leurs enfants.

    • Au lieu de les protéger, la police les harcèle et abuse d’elles. Par exemple, la police tourne des vidéos de prostituées à l’oeuvre avec leurs clients, saisit leurs condoms en preuve et les fouille à nu. Elles ont donc moins confiance dans la police et sont moins susceptibles de rapporter un vol, un viol, une raclée. En cour, elles sont des témoins mais n’ont ni les droits des accusés ni ceux des victimes.

    • Rien ne prouve que la demande ait diminué. Les hommes se fichent autant de cette loi que des limites de vitesse. Par contre, ça les rend vulnérables au chantage et à la stigmatisation. Certains perdent leur emploi parce qu’ils sont soupçonnés d’être des clients (pas des agresseurs, des clients). Ils ne sont plus disposés à informer la police ni à témoigner en cour s’ils sont témoins qu’une femme est exploitée, forcée à se prostituer, trafiquée. On a aussi cessé de faire la promotion du sécurisexe auprès des clients de prostituées.

    • On ne peut pas se fier sur les données de la police suédoise concernant la traite des femmes car elle inclut dans ses statistiques les femmes d’origine étrangère qui offrent volontairement des services sexuels. Il demeure que la traite des femmes n’aurait jamais été un gros problème en Suède, mais qu’aujourd’hui, les femmes d’origine étrangère, même avec un permis de résidence, peuvent se faire refuser l’entrée au pays si on croit qu’elles vont peut-être se prostituer.

    • Le gouvernement suédois n’a pas pris la peine de documenter les violences subies par les prostituées, mais elles en parlent quand on les écoute. En fait, leurs conditions de vie se sont dégradées, et ce, d’autant plus pour les femmes qui oeuvrent sur la rue, qui sont dépendantes de drogues ou d’alcool, et qui font partie d’autres groupes discriminés - mais la prostitution continue quand même autant qu’avant l’adoption de cette loi en 1999.

    En fait, le seul moyen d’être pour le « modèle suédois », c’est de ne pas tenir compte de ce que les prostituées ont à dire sur ce qu’elles vivent sur le terrain, ce qui fait qu’on a une compréhension stéréotypée et très mal informée de leurs réalités.

    Il n’y a qu’en Nouvelle-Zélande où les lois régissant le travail du sexe ont été élaborées avec la collaboration des principales personnes concernées. Selon Patrice Corriveau, les principes au coeur de la décriminalisation qu’on y a voté en 2003 : 1) la protection des droits humains ; 2) la protection contre l’exploitation ; 3) la promotion de la santé et du sécurisexe ; 4) la prohibition de la prostitution juvénile. Notez que la décriminalisation de la prostitution n’est pas une porte ouverte à n’importe quoi : il y a beaucoup d’autres lois pour protéger tant les adultes que les mineur-es contre les abus.

    Dans Taking the crime out of sex work, les auteures ont interrogé 772 travailleuses et travailleurs du sexe. Il y a aussi un rapport du gouvernement de la Nouvelle-Zélande qui a évalué les impacts de la décriminalisation après cinq ans qui va dans le même sens que ce livre.

    En Nouvelle-Zélande, les travailleuses du sexe sont désormais plus en sécurité et en meilleure santé. Elles ont plus de pouvoir pour insister sur le sécurisexe et plus d’outils pour agir sur leur environnement de travail. Connaissant leurs droits, elles sont plus en mesure de les faire valoir auprès des propriétaires d’établissements et des clients. La relation entre la police et les travailleuses du sexe - particulièrement celles qui oeuvrent sur la rue - s’est aussi améliorée. Elles sont donc plus susceptibles de signaler la violence qui leur est faite. Et il n’y a aucune preuve d’expansion de l’industrie du sexe ou d’une augmentation de la prostitution des mineur-es, de la traite, du crime organisé, de l’exploitation ou de l’usage de drogues.