person:emma goldman

  • ★ EMMA GOLDMAN - VIVRE MA VIE
    http://www.socialisme-libertaire.fr/2019/05/emma-goldman-vivre-ma-vie.html

    [ « Quatre-vingt-sept ans après sa parution dans sa version originale en anglais, les éditions de l’Echappée publient enfin une traduction intégrale de Living my Life, les mémoires d’Emma Goldmann (1869-1940). Ce retard était d’autant plus dommageable...

    http://zinc.mondediplo.net/messages/126790 via Partage Noir

  • Roseaux — La mégère ou le paillasson
    http://roseaux.co/2019/04/la-megere-ou-le-paillasson

    Il arrive, un jour, dans la vie d’une féministe – généralement c’est un jour où elle finit sur les rotules après ce qui a plus tenu de la partie de catch que de la discussion – où promouvoir la pédagogie comme condition absolue voire unique de l’émancipation des femmes devient vraiment très difficile. Ce jour peut arriver après vingt ans de lutte comme il peut arriver après un an de débats politiques acharnés dont tu croyais qu’un jour ils porteraient leurs fruits et justifieraient alors que tu aies perdu plusieurs heures par semaine, par mois, que sais-je, à jouer à la maîtresse d’école. Et, quand il arrive, il se peut que la féministe que tu es se sente perdue parce que si l’éducation et la pédagogie ne marchent pas, alors que faut-il faire ? En ce qui me concerne, j’ai décidé d’accepter d’être une mégère à qui « on ne peut plus rien dire » pour ne plus être qu’un paillasson.

    @mad_meg

    • voici le debut de ma rubrique n°2 de Mégèrisme dans la revue HEY !

      Dans la Petite Sirène, la bonne femme est celle qui perd sa voix en échange de jambes pour courir après un prince barbant. La mauvaise est celle qui connaît deux ou trois trucs sur la vie, ne manque pas de coffre et ne subit l’autorité ni d’un homme ni de personne. Or il n’y a pas de juste milieu entre la Petite Sirène et la Sorcière des Mers : on est libre ou on ne l’est pas. Il n’y a pas de demi-liberté, ni de demi-égalité – alors, Il faut bien être une mégère pour ne pas être un joli petit paillasson en galuchat.

      et voici la fin du texte de Kathy sur Roseaux :

      Il s’agit de savoir dire stop quand les limites que nous avons posées sont dépassées, de savoir dire non aux injonctions à débattre et à se justifier, d’apprendre à exiger le respect plutôt qu’à répondre aux exigences des autres, de ne plus être un paillasson. Alors, s’il faut pour cela être une mégère, acceptons d’être des mégères. Si la liberté d’expression autorise les uns à dire des horreurs, alors qu’elle nous autorise aussi à leur dire merde, pour notre dignité, pour notre santé mentale ou parce qu’en effet, « le féminisme est l’idée radicale que les femmes sont des personnes ». Si nous devons faire de la pédagogie, alors choisissons à qui nous la destinons : à celleux qui ne nous prennent ni pour des marchepieds ni pour des distributeurs de cookies. Acceptons d’être des mégères, refusons d’être des paillassons.

    • Merci pour l’article sur Ms.Chung @aude_v

      In her message to the readers of April Magazine, Ms. Chung predicted that women would hold more power in the coming age. She further commented that many people had suffered brutality in the name of enlightenment, a Western doctrine of a male-dominated culture. In her opinion, we do not need enlightenment but ‘endarkenment’ instead to bring about peace and heal the world: hear the voice of the people who have been kept in the dark, and women of Asia, Africa, and South America. (In line with this endarkenment theory, Chung modified the meaning of her name from ‘Wise Light’ to the same Hangul sound yet different meaning ‘Dark Mirror’ when she became a full-fledged adult.)

      #endarkenment

    • @mad_meg Hello je suis l’autrice de l’article ! Les grands esprits se rencontrent on dirait ! Sans blague, ce consensus autour de l’opposition « mégère vs. paillasson (en galuchat ou non) » me ravit. :)

    • Bienvenue @kathy cool que tu sois venu sur seenthis. Il semble en effet que la mégère soit l’antithèse du paillasson. Si tu veux creusé la thématique mégèriste, les textes de Vilaine m’ont pas mal inspiré. Par exemple :
      http://www.commentpeutonetrefeministe.net/2016/04/08/hommes-feminisme-defaite
      et
      http://www.commentpeutonetrefeministe.net/2016/05/10/feminisme-hommes-pedagogie-viol-harcelement-militantisme

      le blog d’antisexisme, en particulier la partie sur l’impuissance comme idéal de beauté montre aussi cette opposition :
      https://antisexisme.net/category/limpuissance-comme-ideal-de-beaute
      et tout ce qui est ici sous le tag #mégèrisme pourrait te brancher
      je te recommande en particulier ce poste
      https://seenthis.net/messages/603843

      Gloire et pouvoir aux mégères :)
      –--------

      ps je viens de trouvé ce poéme de mégère

      Je suis une mégère

      Je suis une mégère, j’ai des coups de calcaire
      Après mon mari, souvent je m’énerve
      Comme moi, mon disjoncteur pète aussi les plombs
      Rien ne va dans la maison

      Heureusement mon époux est électricien
      Il est au courant pour tout réparer, c’est très bien
      Le fer à repasser n’arrive plus à se plier à mes exigences
      Il n’a plus ses vapeurs, mon mari le détartre en urgence

      Tout vieux, allergique à la poussière est mon aspirateur
      Je sais, encore lui !
      Jamais contente, « aller du balai » je dis
      Demain je le donne à un brocanteur ou à un ferrailleur, cela dépendra de mon humeur

      Je suis une méchante mégère
      Mon pauvre mari est ma bonne à tout faire
      Lorsque la pluie tombe en crachin
      C’est lui qui sort le chien

      Pour le ménage, je lui hurle de s’en occuper
      Pendant ce temps-là je regarde la télé
      Je l’ai tellement fait travailler, qu’il est épuisé
      Il est trop gentil, il me dit « le linge, je le repasserais »

      Après avoir regardé mon feuilleton favori « les feux de l’amour »
      Je vois le linge fripé qui est toujours dans la corbeille
      Mon mari est parti se coucher, il a sommeil
      Je le laisse se reposer, après le repassage, le jardin il faudra qui le labour

      Je suis une cruelle mégère, je ne fais que crier après mon mari
      J’aime bien lui faire peur, je lui dis « fait gaffes, j’ai affûtés les couteaux et planqué le fusil »
      Aie, aie, aie, malgré cela mon pauvre époux reste à mes côtés
      Je suis sa mégère qu’il n’a pas réussi à apprivoiser

      Véronique – le 30 mai 2013

      http://poemespetitevero91.centerblog.net/24-je-suis-une-megere

  • Voltairine de Cleyre: American Radical | JSTOR Daily
    https://daily.jstor.org/voltairine-de-cleyre-american-radical

    Born in Michigan in 1866, #Voltairine_de_Cleyre was named after Voltaire. By the time she died forty-five years later, she had lived up to the free-thinking and trouble-making reputation of her namesake. The famous activist Emma Goldman called de Cleyre “the most gifted and brilliant anarchist woman America ever produced.”

    #anarchisme

  • Il n’y a pas de gouvernement révolutionnaire
    https://nantes.indymedia.org/articles/44721

    Emma Goldman le savait. Mikhail Bakounine a prévenu #tout le monde à ce sujet un demi-siècle avant la révolution russe. Les ancien.ne.s combattant.e.s du Black Panther Party et de la Black Liberation Army Ashanti Alston et Kuwasi Balagoon ont tiré la même conclusion. Le gouvernement révolutionnaire n’existe pas. Vous ne pouvez pas utiliser les instruments du gouvernement pour abolir l’oppression.

    #-ismes #en #genres #_anarch-fémin #-ismes,en,tout,genres,_anarch-fémin…

  • Les mémoires d’Emma Goldman, anarchiste vivante
    https://www.en-attendant-nadeau.fr/2018/12/19/emma-goldman-anarchiste-vivante

    Qui se souvient encore d’Emma Goldman ? Plus grand monde. Et pourtant, cette Russe émigrée aux États-Unis fut une figure importante des mouvements révolutionnaires au tournant du XXe siècle. Ses mémoires paraissent enfin dans leur intégralité et comblent une lacune. Dans cette vaste fresque se dévoile un personnage hors du commun : femme, juive, immigrée, prolétaire, athée, libérée sexuellement, et militante anarchiste ! L’ensemble faisait sans doute un peu trop pour l’Amérique de 1890. Parce qu’elle se dévoua tout entière à sa lutte, certains apprécieront les enseignements implicites de cette vie. Quant aux autres, il leur suffira d’avoir le goût des récits épiques, colorés… et drôles !

    #anarchie

  • Emma Goldman dans le feu de la vie

    Pierre « Petul » Madelin

    https://lavoiedujaguar.net/Emma-Goldman-dans-le-feu-de-la-vie

    La première chose qui vient à l’esprit lorsque l’on referme la monumentale autobiographie d’Emma Goldman que viennent de publier les éditions L’Échappée est la suivante : comment est-il possible qu’il ait fallu attendre presque un siècle pour que ce livre absolument extraordinaire, paru en 1931, soit intégralement traduit en français ? Car Vivre ma vie n’est pas seulement un document irremplaçable sur le mouvement anarchiste et les grands événements socio-politiques de la fin du XIXe siècle et des premières décennies du XXe siècle, c’est aussi un chef-d’œuvre palpitant de la littérature autobiographique qui se lit à la fois comme un journal intime et comme un roman d’aventure.

    Née en 1869 en Lituanie dans une famille juive très stricte, Emma Goldman émigre aux États-Unis, dans le sillage de ses sœurs et peu avant que leurs parents eux-mêmes ne les rejoignent, en 1885. De son enfance et de son adolescence, elle nous dit peu, comme si sa vie ne commençait réellement que dans le « nouveau monde ». (...)

    #Emma_Goldman #autobiographie #anarchisme #révolutions #Alexander_Berkman #Flores_Magón #Kronstadt #Nestor_Makhno

  • http://offensivesonore.blogspot.com/2018/11/emma-goldman-vivre-ma-vie.html

    Emma Goldman - Vivre ma vie

    Emission du 23 novembre 2018, enregistrement fait à la libraire Quilombo, qui organisait un débat à l’occasion de la traduction intégrale de son autobiographie magistrale « Vivre ma vie. Une anarchiste au temps des révolutions » (L’échappée) avec Laure Batier et Jacqueline Reuss, les deux traductrices. Née en 1869 dans l’Empire russe, Emma Goldman s’exile aux États-Unis à 16 ans. Pauvreté, exploitation et désillusions l’y attendent. Elle plonge alors à corps perdu dans le chaudron politique et intellectuel. Activiste et conférencière anarchiste aussi célèbre que redoutée, elle sillonne au gré des luttes une Amérique en pleine ébullition. Expulsée en 1919 vers la Russie, accueillie chaleureusement par Lénine, elle découvre une réalité qu’elle ne cessera de dénoncer avec courage tout en poursuivant son inlassable combat pour l’émancipation.

    #audio #radio #offensive_sonore #radio_libertaire #audio #Emma_Goldman #anarchisme #anarchiste #iww #féminisme #histoire #mouvement_ouvrier #antimilitarisme #féministe

  • Pour la première fois, l’intégralité de l’autobiographie d’Emma Goldman (1869-1940), Vivre ma vie – Une anarchiste au temps des révolutions , est publiée en français ce mercredi 21 novembre. Une lacune dans le paysage éditorial qui vient d’être comblée par les éditions L’Échappée.
    Traduit de l’anglais par Laure Batier et Jacqueline Reuss

    http://cqfd-journal.org/Emma-Goldman-une-anarchiste-au
    http://www.lechappee.org/collections/hors-collection/vivre-ma-vie
    http://www.lechappee.org/index.php/agenda
    #Emma_Goldman #cqfd

  • How the Tariq Ramadan Scandal Derailed the #Balancetonporc Movement in France
    https://www.newyorker.com/news/news-desk/how-the-tariq-ramadan-scandal-derailed-the-balancetonporc-movement-in-fra

    oon after the #MeToo movement formed in the United States, in response to the Harvey Weinstein scandal, #balancetonporc (“expose your pig”) erupted in France. The effect has been an unprecedented blow to what Sabrina Kassa has described, in Mediapart, as the “patriarchal belly” of a country where harassment and other sexual crimes have often been concealed, or explained away, by a Gallic rhetoric of flirtation and libertinism. In 2008, Dominique Strauss-Kahn, who was the managing director of the International Monetary Fund, was subjected to an internal I.M.F. inquiry over allegedly coercing a subordinate to have sex with him. Although he apologized for his “error of judgment,” he was celebrated in the French press as “the Great Seducer.” Had he not been arrested in New York, in 2011, on charges (which were eventually dropped) of assaulting Nafissatou Diallo, a maid, in the presidential suite of the Sofitel Hotel, Strauss-Kahn, a powerful figure in the Socialist Party, might have been elected President of France in 2012.
    The #balancetonporc movement has exposed prominent men in business, entertainment, and media, but the most high-profile scandal has been that surrounding Tariq Ramadan, an Islamic scholar and activist whom several women have accused of rape and sexual abuse. (Ramadan has denied all allegations.) Ramadan has been a controversial figure in France for more than two decades—a kind of projection screen, or Rorschach test, for national anxieties about the “Muslim question.” Like Strauss-Kahn, he has often been depicted as a seducer, but the description has not been meant as a compliment: he has long been accused of casting a dangerous spell on younger members of France’s Muslim population, thereby undermining their acceptance of French norms, particularly those pertaining to secularism, gender, and sexuality.
    Born in 1962, in Switzerland, Ramadan is the son of Said Ramadan, an exiled Egyptian Muslim Brotherhood leader who was the son-in-law of Hassan al-Banna, the founder of the Muslim Brotherhood. Tariq Ramadan, who is not a member of the Brotherhood, is nonetheless a religious conservative—a “Salafi reformist,” in his words—who has long preached the virtues of female “modesty” in dress and sexual comportment. (His brother Hani Ramadan, the head of the Islamic Center in Geneva, is notorious for his support for stoning female adulterers, his hatred of homosexuals, and his belief that the attacks of 9/11 were a Western conspiracy.)

    • Franchement vu l’extrait ci dessus, je me disais que ça allait encore être un article de merde. Mais en fait c’est beaucoup plus critique que le début de l’article peut le laisser paraître.
      Quelques extraits dont une petite mise au point sur Valls :

      Valls had never before expressed much concern for the victims of sex crimes by powerful men. In fact, he had deplored the “unbearable cruelty” of Strauss-Kahn’s arrest in New York. (A few members of the Socialist Party, including Strauss-Kahn himself, claimed that he was a victim of a plot engineered by President Sarkozy, who saw Strauss-Kahn as a threat to his reëlection. Sarkozy denied the allegations.)

      ou :

      In recent years, Muslims in France have discovered that it is not enough to respect France’s laws: to truly belong to France, they must denounce bad Muslims, praise Charlie, and make other shows of loyalty, just as their ancestors in colonial North and West Africa learned to honor “our ancestors, the Gauls.” The more French they have become, the more their French-ness, their ability to “assimilate,” seems to be in question, which has deepened their sense of estrangement. Muslim organizations and institutions have largely refrained from commenting on the Ramadan scandal—a silence that, for some, has been an expression of solidarity with a fellow-Muslim who has long been vilified in France. Others who have been asked to comment publicly on the Ramadan affair have chosen to remain quiet as a result of their discomfort, or perhaps irritation, at being summoned to pass yet another litmus test to prove their worth as citizens, or at the “Islamization” of the affair, in which Ramadan is either viewed as a victim of an anti-Muslim conspiracy or as a symbol of Muslim sexual violence.

      et la meilleure pour la fin que je ne peux m’empêcher de traduire grossièrement :

      While most of the commentators on the Ramadan Affair have been—as tends to be the case with conversations about Islam, laïcité, and terrorism in France—white and male, some of the most important insights on the scandal have come from those Muslim feminists…

      « Alors que la plupart des commentateurs sur l’affaire Ramadan sont — comme cela a tendance à être le cas des conversations au sujet de l’islam, la laïcité et le terrorisme en France — des hommes blancs, les analyses les plus pertinentes sur le scandale ont été émises par les féministes musulmanes… »
      Difficile de rendre l’effet de surenchérissement « white and male » et l’ironie : blancs et masculins.

    • Oui mais on s’en fout que lui soit blanc, il commente surtout en tant qu’étranger avec un regard extérieur, c’est son statut. À LMSI parfois il y a de bons articles, je vois pas ce qu’il y a de choquant et Houria Bouteldja elle est citée comme à chaque fois qu’il y a un article sur un sujet qui traite d’1 affaire médiatique où il y a un arabe dedans. C’est vrai que sur ce coup là il aurait pu s’en passer mais on va pas trop lui en demander.
      Quant aux féministes musulmanes ce ne sont pas de ces personnes dont il parle et d’ailleurs Houria Bouteldja ne se revendique absolument pas comme féministe ou alors faut me citer une phrase précise. Et je ne pense pas que qui que ce soit la considère comme féministe ou faut m’expliquer pourquoi.
      Le circuit fermé des universitaires est quoi qu’il en soit une réalité indéniable !

    • @ninachani oui, sauf que se présenter comme « un regards extérieur » alors qui est plus impliqué* dans le débats que la plupart des français voir des militants c’est faire preuve malhonnêteté.

      D’autant que l’article prend clairement parti contre Valls en ridiculisant les « laïcistes » qui serait tous démago et raciste car refusant le concept d’islamophobie.

      Cela dit en relisant je serais plus nuancé en effet il ne met pas Boutelja dans les « féminismes musulmanes » (d’ailleurs on ne sait pas trop si il fait il référence à quelque choses d’existants ; des femmes comme Lallab mettant en avant leurs religions ou des féministes issues de l’immigration).

      [Désolé c’est du google trad]
      "Comme l’explique Joan Wallach Scott dans son nouveau livre, "Sex and Secularism", l’idée du patriarche musulman répressif et pourtant ludique a longtemps servi à détourner l’attention de la discrimination de la société française contre les femmes [...] Ces dernières années, les musulmans en France ont découvert qu’il ne suffit pas de respecter les lois de la France : pour appartenir véritablement à la France, ils doivent dénoncer les mauvais musulmans, féliciter Charlie. [...] tout comme leurs ancêtres dans l’Afrique coloniale du Nord et de l’Ouest ont appris à honorer « nos ancêtres, les Gaulois ». Plus ils sont français, plus leur françaisité, leur capacité à « assimiler » semble être en question, ce qui a approfondi leur sens de l’aliénation."

      "Mais les groupes d’activistes anti-racisme dans lequel ces femmes travaillaient avaient choisi d’ignorer les violences sexuelles perpétrées par des hommes « indigènes » par crainte d’attiser l’islamophobie française. Il n’est pas surprenant que des femmes musulmanes comme Henda Ayari se tournent vers des écrivains comme Caroline Fourest".

      J’ai comme même l’impression que les « féministes universalistes » n’existe pas dans son analyse, quand à la critique de la religion on en parle même pas.

      * Voir ses interventions une de ses intervention dans le débats :
      http://213-info.com/lettre-dun-journaliste-americain-adam-shatz-a-kamel-daoud

    • "Laïcisme est un terme péjoratif, utilisé pour fustiger des mesures extrêmes, prises par certains fervents partisans de la laïcité, contre la présence de certaines visibilités ou exigences religieuses dans la sphère publique"
      On peut raisonnablement dire que les « laïcistes » sont tous démagos et racistes.
      Merci pour votre intervention le reste étant de la meme eau.

    • @aktivulo1 les féministes universalistes WTF !!!!! tu veux dire les féministes qui pensent comme universel le fait d’être blanche, athée, occidentale et pour qui en dehors de Badinter et Fourest il n’y a point de salut ? L’universel qui a servi d’argument à la conquête coloniale ?
      « Prendre parti contre Valls » : je ne vois pas comment on peut faire autrement sans se décrédibiliser immédiatement. En tout prendre parti pour Valls a pour effet de se positionner très clairement du côté de la parole raciste.
      Sinon pour ta gouverne, les féministes musulmanes ce sont des femmes qui se reconnaissent dans le féminisme et qui sont de religion musulmane. C’est pas plus compliqué que ça, même si tu en parles comme du yéti : on en parle mais on ne l’a jamais vu… mystère peut-être n’existe t-il pas lol
      Enfin la critique de la religion, je ne vois ABSOLUMENT pas ce qu’elle aurait à faire ici. L’article parle de Ramadan pas de l’islam.

    • @ninachani

      Je pensais plus avoir utilisé un pléonasme qu’un gros mot. Par « féministes universalistes », je parlais d’un mouvement vaste et international avec des tendances différentes et parfois contradictoires ça ne peut pas se résumé à C. Fourest et I. Bandinter. Je pense que la tendance LMSI, Marche de la dignité est encore minoritaire chez les féministes.

      « L’article parle de Ramadan pas de l’islam. »

      Heu, sérieusement ? Mais l’article parle d’un prédicateur et Islamologue, de l’islamophobie, des féministes musulmanes, du mythe de l’homme musulman.

      C’est toute le délire actuel.

      On fait entrer insidieusement la religion dans le débat sans pouvoir en parler. Imaginons un article de fond sur les curées pédophiles, qui ne parlerais pas de pudibonderie propre à l’église catholique.

    • Les curés pédophiles sont couverts par la hiérarchie ecclésiastique, entité qui n’existe pas en Islam. L’islam n’a pas de clergé, en tout cas c’est très clair pour l’islam sunnite auquel appartient Ramadan donc il ne représente que lui même.
      L’article parle de musulmans justement pour contrer le type de discours que tu développes, c’est très bien présenté à la fin de l’article en ramenant Ramadan a sa dimension foncièrement masculine. Les viols sont des outils de domination utilisés par les hommes globalement, pas par les musulmans spécifiquement. Donc chaque homme qu’il soit musulman, athée, juif, bouddhiste etc a sa propre réflexion à mener sur la façon dont il relaie le patriarcat ou pas. Mais c’est sûr que du coup ça a des conséquences plus gênantes que si on réduit tout ça à un problème de musulmans, surtout quand on ne l’est pas n’est ce pas @aktivulo1 ?
      Lallab a fortement déploré que les médias leur aient demandé leur avis au sujet de Ramadan mais jamais auparavant au sujet du mouvement #balance ton porc comme si elles n’étaient concernées que par le fait qu’elles soient musulmanes et non pas par le problème global des violences faites aux femmes.

    • Après j’arrête.

      Mais c’est sûr que du coup ça a des conséquences plus gênantes que si on réduit tout ça à un problème de musulmans, surtout quand on ne l’est pas n’est ce pas @aktivulo1 ?

      Honnêtement je n’ai pas compris. Je ne suis athée, si c’est la question : donc ? Qui réduit le problème à un problème de musulmans, quelle sont les conséquences pour qui ?

      « L’islam n’a pas de clergé [...] Ramadan donc il ne représente que lui même. »

      Je parlais de la soumission qu’induit l’idéologie de la religion sur le respect de la femme. Et aussi de l’emprise sectaire, et de la culture du secret des religions en général. L’islam n’a pas de clergé mais à des organisations et des réseaux de pouvoir. Et puis c’est relativement pratique avant quand on attaquais T. Ramadan on était « islamophobe » quand il n’est plus fréquentable : il ne représente que lui. Face tu perds, pile je gagne.

    • C’est bien ce que je disais, tu insinues qu’un croyant aura moins de respect pour les femmes. Je ne vois pas ce qui peut te permettre de dire cela. Les violences envers les femmes traversent toutes les strates de la société que ce soit en terme de différences culturelles, cultuelles, sociales, les études le montrent. Par contre, forcément quelqu’un qui est dans une situation de pouvoir a forcément plus de moyens de soumettre les autres et donc à plus forte raison les femmes, et ça n’a rien à voir avec la religion. Le pouvoir de Weinstein il le tirait de sa position d’hégémonie dans le cinéma, le pouvoir de Marchal-Beck de sa position de pouvoir au sein des MJS, le pouvoir de Ramadan de son statut de théologien fortement médiatisé.
      Quand on attaque Ramadan avec des arguments islamophobe on est islamophobe. Pour moi Ramadan c’est un bourgeois réactionnaire qui est dans une déférence vis à vis du pouvoir institutionnel et ça par exemple ce n’est pas islamophobe. Bon maintenant on sait qu’en plus c’est un violeur et ça non plus ce n’est pas islamophobe de le dire.
      Quant aux athées, ils ne sont pas moins susceptibles de violer, frapper ou harceler les femmes que les musulmans ou autres croyants.

    • @ninachani

      C’est bien ce que je disais, tu insinues qu’un croyant aura moins de respect pour les femmes. Je ne vois pas ce qui peut te permettre de dire cela.

      Moi je ne voie pas comment tu peux le nier. Ce n’est même pas une question de respect c’est une question de reconnaissance à l’égalité.

      Les principales religions monothéiste Judaïsme, Christianisme et Islam considère la femme comme inférieur. Aie-je besoin de citer les textes à charge ?

      Si tu penses que la culture influe sur les comportements. Pourquoi la religion qui est un programme de conduite moral serait en dehors de ça. Je ne dit que c’est le seul problème, mais c’est un des problèmes.

    • @aktivulo1 Tu ne vois pas comment je peux nier qu’un croyant a moins de respect qu’un athée pour les femmes ? Je trouve ta remarque assez incroyable. Je pense que notre échange va s’arrêter là parce que nous sommes sur des positions trop éloignées, ça n’a aucun intérêt.
      Malgré cela, pour terminer, si on prend les violences faites aux femmes (le sujet ici) les croyants n’en sont pas plus auteurs que les non croyants. J’ai utilisé le mot respect parce que c’est toi qui avait parlé de « respect pour les femmes », moi je n’ai pas pour habitude d’utiliser ce terme, il ne veut pas dire grand chose.
      En réponse à mon affirmation, que j’avais déjà énoncée au-dessus, toi tu me parles théologie et analyse des textes religieux ce qui n’est pas le propos ici. On parle de violences faites aux femmes et, je le répète, le fait d’être croyant n’est pas un critère qui accentue la violence des hommes dans les enquêtes.
      Et juste pour info, pour un croyant la religion n’est pas un programme de conduite morale comme tu dis, c’est beaucoup plus que cela. Tu abordes la religion comme l’athée que tu es, ce qui est normal puisque tu n’as pas vécu l’expérience de la transcendance.

    • @ninachani

      « nous sommes sur des positions trop éloignées, ça n’a aucun intérêt » Oui, on est d’accord sur ça. Quoi que pour moi c’est plus sur la volonté de discuter et de se comprendre (ça tourne en rond).

      le fait d’être croyant n’est pas un critère qui accentue la violence des hommes dans les enquêtes.

      A quelles enquêtes fait tu références ?

    • Pour illustrer le point de vue d’@aktivulo1 :
      L’ahurissante apologie catholique de la virilité masculine
      https://blogs.mediapart.fr/yvon-quiniou/blog/291216/lahurissante-apologie-catholique-de-la-virilite-masculine

      Ce qui suit part d’un longue page du Monde qui nous apprend que des catholiques « veulent rendre à l’Eglise sa virilité » (23 décembre, p. 9) Je dis que cela est ahurissant, mais je pourrais dire scandaleux vu l’argumentaire qui soutient cette prise de position. Elle s’illustre par des faits avérés : des pratiquants, prêtres ou laïcs, tous militants de la foi telle qu’ils la conçoivent, se réunissent et organisent avec succès des stages entre hommes destinés à rendre leur fierté à ceux-ci dans une Eglise qui se serait trop féminisée, dans ses paroles et ses actes. Or que nous disent-ils ? Que l’homme n’est pas la femme (bien qu’ils soient égaux : ouf !), qu’il contient en lui un potentiel de violence guerrière qui doit être valorisé, cultivé et doit s’exprimer. Je cite « Il a besoin de se battre (…) d’un lieu où le guerrier qui est en lui peut reprendre vie ». Ou encore : les hommes doivent assumer les « désirs profonds, spécifiquement masculins, que sont l’aventure à vivre, le combat à mener et la belle à conquérir ». On croirait lire du Nietzsche avec son apologie éthique de la force et son mépris de la femme… sauf qu’il était rigoureusement athée, ayant annoncé « la mort de Dieu » et qu’il combattait vigoureusement les religions ! On y trouve même, chez certains, l’affirmation sans retenue qu’« il y a une animalité en l’homme qui le pousse à aller vers l’extérieur », autre idée nietzschéenne qui refusait toute idée d’« esprit » comme mystificatrice et mettait l’accent sur l’origine animale de l’homme et la persistance de cette origine en lui .

    • @marielle c’est complètement hors sujet ce truc, c’est fatiguant de manquer de rigueur comme ça dans une discussion. Le sujet concerne les violences faites aux femmes, je répète 100 fois que le fait d’être croyant n’est pas un critère qui accentue les probabilités de violences faites aux femmes, ou dit autrement, un homme croyant n’a pas plus de propension à être violent vis à vis des femmes qu’un non croyant et vous vous entêtez à parler soit des textes religieux soit ici des illuminations virilistes d’un groupe de catholiques. Vous essayez de prouver quoi en fait ? Moi je vais vous sortir les règlements des cercles bourgeois privés interdits aux femmes ou un florilège des pensées de comptoir dans les bars prolos et ça prouvera quoi ? Le sexisme est transversal à toute la société dépassant les clivages de culture et de classe, c’est d’ailleurs en ça que la société est patriarcale.
      Quant aux études ce sont tout bonnement les enquêtes sociologiques qui étudient la question depuis de nombreuses années et grâce auxquelles on peut aussi ne pas parler dans le vide sur ce sujet ou pas uniquement en citant un amoncellement de faits ou d’exemples sans analyse.
      Je vous laisse entre grands penseurs et penseuses. Ciao !

    • Je suis parfaitement d’accord avec vous.
      Vous êtes entièrement libre de croire. J’ai perdu la foi depuis longtemps !
      Pardonnez moi pour le « hors sujet » et permettez moi d’adhérer à cette pensée :

      Pour avoir baigné dans le puritanisme catholique pendant toute mon enfance et avoir eu un mal fou à me libérer de ce carcan moralisateur entraînant un sentiment de culpabilité énorme quand je n’étais pas une bonne mère ou une bonne épouse, je voudrais faire mienne la parole d’Emma Goldman qui écrivait en 1906 : « Il est de toute nécessité que la femme retienne cette leçon : que sa liberté s’étendra jusqu’où s’étend son pouvoir de se libérer elle-même. Il est donc mille fois plus important pour elle de commencer par sa régénération intérieure ; de laisser tomber le fait des préjugés, des traditions, des coutumes. » (cf. « La tragédie de l’émancipation féminine », Emma Goldman 1906, traduit par E. Armand (1914), p. 185, « Lutte des sexes, lutte des classes », éditions Agone).

      Autrement écrit : « Ni dieu, ni maître, ni ordre moral ! »

  • L’ANARCHISME DANS LA RÉVOLUTION RUSSE
    Daniel Guérin, 1965

    L’anarchisme, après avoir trouvé un deuxième souffle dans le syndicalisme révolutionnaire, en puisa un troisième dans la Révolution russe. Cette affirmation peut, au premier abord, surprendre le lecteur, habitué à considérer la grande mutation révolutionnaire d’Octobre 1917 comme l’œuvre et comme l’apanage des seuls bolcheviks. En réalité, la Révolution russe fut un vaste mouvement de masses, une vague de fond populaire qui dépassa et submergea les formations idéologiques. Elle n’appartint à personne, sinon au peuple. Dans la mesure où elle fut une authentique révolution, impulsée de bas en haut, produisant spontanément des organes de démocratie directe, elle présenta toutes les caractéristiques d’une révolution sociale à tendances libertaires. Toutefois la faiblesse relative des anarchistes russes les empêcha d’exploiter des situations exceptionnellement favorables au triomphe de leurs idées.
    La Révolution fut finalement confisquée et dénaturée par la maîtrise, diront les uns, l’astuce, diront les autres, de l’équipe de révolutionnaires professionnels groupée autour de Lénine. Mais cette défaite, à la fois de l’anarchisme et de l’authentique révolution populaire, ne fut pas entièrement stérile pour l’idée libertaire. Tout d’abord, l’appropriation collective des moyens de production ne fut pas remise en cause et le terrain ainsi sauvegardé sur lequel, un jour peut-être, le socialisme par en bas prévaudra sur l’encasernement étatique ; ensuite, l’expérience de l’U.R.S.S. fournit l’occasion à un certain nombre d’anarchistes russes et non russes de tirer les leçons complexes d’un temporaire échec — leçons dont Lénine lui-même semblait prendre conscience à la veille de mourir —, de repenser, à ce propos, les problèmes d’ensemble de la révolution et de l’anarchisme. En un mot, selon l’expression de Kropotkine, reprise par Voline, elle leur enseigna, si besoin était, comment il ne faut pas faire une révolution. Loin de prouver l’impraticabilité du socialisme libertaire, l’expérience soviétique, dans une large mesure, a confirmé, au contraire, la justesse prophétique des vues exprimées par les fondateurs de l’anarchisme et, notamment, de leur critique du socialisme « autoritaire ».

    UNE RÉVOLUTION LIBERTAIRE

    Le point de départ de la Révolution de 1917 avait été celle de 1905, au cours de laquelle avaient surgi des organes révolutionnaires d’un type nouveau : les soviets. Ils étaient nés dans les usines de Saint-Pétersbourg au cours d’une grève générale spontanée. Vu l’absence à peu près complète d’un mouvement syndical et d’une tradition syndicaliste, ils avaient comblé un vide en coordonnant la lutte des usines en grève. L’anarchiste Voline fut du petit groupe qui, en liaison étroite avec les ouvriers et sur leur suggestion, eut l’idée de créer le premier soviet. Son témoignage rejoint celui de Trotsky qui, quelques mois plus tard, devait devenir le président du Soviet, et qui sans aucune intention péjorative, bien au contraire, écrit, dans son témoignage sur 1905 : « L’activité du soviet signifiait l’organisation de l’anarchie. Son existence et son développement ultérieurs marquaient une consolidation de l’anarchie ».
    Cette expérience s’était gravée pour toujours dans la conscience ouvrière et, quand éclata la Révolution de Février 1917, les dirigeants révolutionnaires n’eurent rien à inventer. Les ouvriers s’emparèrent spontanément des usines. Les soviets resurgirent d’eux-mêmes. Une nouvelle fois, ils prirent à l’improviste les professionnels de la Révolution. De l’aveu même de Lénine, les masses ouvrières et paysannes étaient « cent fois plus à gauche » que les bolcheviks. Le prestige des soviets était tel que l’insurrection d’Octobre ne put être déclenchée qu’au nom et à l’appel de ces derniers.
    Mais, en dépit de leur élan, ils manquaient d’homogénéité, d’expérience révolutionnaire, de préparation idéologique. Ils étaient, de ce fait, la proie facile de partis politiques aux conceptions révolutionnaires vacillantes. Bien qu’organisation minoritaire, le parti bolchevique était la seule force révolutionnaire réellement organisée, et qui savait où elle allait. Il n’avait guère de rivaux à l’extrême-gauche, ni sur le plan politique, ni sur le plan syndical. Il disposait de cadres de premier ordre. Il déploya, comme l’admet Voline, « une activité farouche, fébrile, foudroyante ».
    Cependant l’appareil du Parti — dont Staline était encore à cette époque, un des obscurs fleurons — avait toujours regardé avec une certaine méfiance les soviets, concurrence gênante. Au lendemain de la prise du pouvoir, la tendance spontanée et irrésistible à la socialisation de la production fut d’abord canalisée par le moyen du contrôle ouvrier. Le décret du 14 novembre 1917 légalisa l’ingérence des travailleurs dans la gestion des entreprises, dans le calcul du prix de revient, abolit le secret commercial, obligea les patrons à exhiber leur correspondance et leurs comptes. « Les intentions des dirigeants de la Révolution, rapporte Victor Serge, n’étaient pas d’aller au-delà. » En avril 1918, ils envisageaient encore (...) la constitution de sociétés mixtes par actions, auxquelles eût participé, avec l’État soviétique, le capital russe et étranger ».
    « L’initiative des mesures expropriatrices partit des masses et non du pouvoir. »
    Dès le 20 octobre 1917, au premier congrès des conseils d’usine, fut présentée une motion, d’inspiration anarchiste, qui demandait : « Le contrôle de la production et les commissions de contrôle ne doivent pas être seulement des commissions de vérification, mais (...) les cellules de l’avenir qui, dès maintenant, préparent le transfert de la production aux mains des ouvriers. » « Au lendemain de la Révolution d’Octobre, observe A. Pankratova, ces tendances anarchistes s’affirmèrent avec d’autant plus de facilité et de succès que les capitalistes opposèrent la plus vive résistance à l’application du décret sur le contrôle ouvrier et continuèrent à refuser l’ingérence des travailleurs dans la production. »
    Le contrôle ouvrier, en effet, se révéla vite une demi-mesure, inopérante et boiteuse. Les employeurs sabotaient, dissimulaient leurs stocks, soustrayaient l’outillage, provoquaient ou lock-outaient les ouvriers ; parfois ils se servaient des comités d’usine comme de simples agents ou auxiliaires de la direction, ou bien même ils croyaient profitable d’essayer de se faire nationaliser. Les ouvriers répondirent à ces manœuvres en s’emparant de l’usine et en la remettant en marche pour leur propre compte. « Nous n’écarterons pas nous-mêmes les industriels », disaient les ouvriers dans leurs motions, « mais nous prendrons en main la production s’ils ne veulent pas assurer le fonctionnement des fabriques. » Pankratova ajoute que, dans cette première période de socialisation « chaotique » et « primitive », les conseils d’usine « prenaient fréquemment la direction des usines dont les propriétaires avaient été éliminés ou avaient pris la fuite ».
    Très vite le contrôle ouvrier dut s’effacer devant la socialisation. Lénine violenta littéralement ses lieutenants timorés en les jetant dans le « creuset de la vivante création populaire », en les obligeant à parler un langage authentiquement libertaire. La base de la reconstruction révolutionnaire devait être l’autogestion ouvrière. Elle seule pouvait susciter dans les masses un enthousiasme révolutionnaire tel que l’impossible deviendrait possible. Lorsque le dernier manœuvre, lorsque n’importe quel sans-travail, quelle cuisinière, verrait les usines, la terre, l’administration confiées aux associations d’ouvriers, d’employés, de fonctionnaires, de paysans, aux comités démocratiques du ravitaillement, etc., créés spontanément par le peuple, « quand les pauvres gens verront et sentiront cela, aucune force ne sera en état de vaincre la révolution sociale ». L’avenir s’ouvrait à une république du type de la Commune de 1871, à une république des soviets.
    « Afin de frapper l’esprit des masses, raconte Voline, gagner leur confiance et leurs sympathies, le parti bolchevique lança (...) des mots d’ordre qui, jusqu’alors, caractérisaient (...) l’anarchisme. » Tout le pouvoir aux soviets, ce slogan, les masses, intuitivement, le comprirent dans le sens libertaire. « Les travailleurs, témoigne Archinoff, interprétèrent l’idée du pouvoir soviétique comme celle de leur libre disposition d’eux- mêmes, socialement et économiquement. » Au IIIe congrès des soviets (au début de 1818) Lénine lança : « Les idées anarchistes revêtent maintenant des formes vivantes », et, peu après, au VIIe congrès du Parti (6-8 mars), il fit adopter des thèses où il était question, entre autres, de socialisation de la production administrée par les organisations ouvrières (syndicats, comités d’usines, etc.), d’abolition des fonctionnaires de métier, de la police et de l’armée, d’égalité des salaires et traitements, de participation de tous les membres des soviets à la gestion et à l’administration de l’État, de suppression complète progressive dudit État et du signe monétaire. Au congrès des Syndicats (printemps 1918), Lénine décrivit les usines comme des « communes se gouvernant elles-mêmes de producteurs et de consommateurs ». L’anarcho-syndicaliste Maximoff va jusqu’à soutenir : « Les bolcheviks avaient abandonné non seulement la théorie du dépérissement graduel de l’État, mais l’idéologie marxiste dans son ensemble. Ils étaient devenus des sortes d’anarchistes. »

    UNE RÉVOLUTION « AUTORITAIRE »

    Mais l’alignement audacieux sur l’instinct et sur la température révolutionnaire des masses, s’il réussit à donner aux bolcheviks la direction de la Révolution, ne correspondait pas à leur idéologie traditionnelle ni à leurs intentions véritables. De longue date, ils étaient des « autoritaires », férus des notions d’État, de dictature, de centralisation, de parti dirigeant, de gestion de l’économie par en haut, toutes choses en contradiction flagrante avec une conception réellement libertaire de la démocratie soviétique.
    L’État et la Révolution, écrit à la veille de l’insurrection d’Octobre, est un miroir où se reflète l’ambivalence de la pensée de Lénine. Certaines pages en pourraient être signées d’un libertaire et, comme on l’a vu plus haut, hommage y est rendu, au moins partiellement, aux anarchistes. Mais cet appel à la révolution par en bas se double d’un plaidoyer en faveur de la révolution par en haut. Les conceptions étatiques, centralisatrices, hiérarchiques ne prennent pas la forme d’arrière-pensées, plus ou moins dissimulées ; elles sont, au contraire, franchement étalées : l’État survivra à la conquête du pouvoir par le prolétariat, il ne dépérira qu’après une période transitoire. Combien de temps durera ce purgatoire ? Il ne nous est pas celé — on nous le dit sans regret, mais bien plutôt avec soulagement — que le processus sera « lent », de « longue durée ». Ce que la Révolution enfantera sera, sous l’apparence du pouvoir des soviets, l’« État prolétarien » ou « dictature du prolétariat », « l’État bourgeois sans bourgeoisie », lâche même l’auteur, quand il consent à aller au fond de sa pensée. Cet État omnivore a bien l’intention de tout absorber.
    Lénine se met à l’école de son contemporain, le capitalisme d’État allemand, la Kriegswirtschaft (économie de guerre). L’organisation de la grande industrie moderne par le capitalisme, avec sa « discipline de fer », est un autre de ses modèles. Il se pâme, notamment devant un monopole d’État tel que les P.T.T. et il s’écrie : « Quel mécanisme admirablement perfectionné ! Toute la vie économique organisée comme la Poste, (...) voilà l’État, voilà la base économique qu’il nous faut. » Vouloir se passer d’« autorité » et de « subordination », ce sont là des « rêves anarchistes », tranche-t-il. Tout à l’heure il s’échauffait à l’idée de confier aux associations ouvrières, à l’autogestion, la production et l’échange. Mais il y avait maldonne. Il ne cache pas sa recette magique : tous les citoyens devenus « les employés et les ouvriers d’un seul trust universel d’État », toute la société convertie en « un grand bureau et une grande fabrique ». Les soviets, bien sûr, mais placés sous la coupe du parti ouvrier, d’un parti dont c’est la tâche historique de « diriger » le prolétariat.
    Les plus lucides des anarchistes russes ne s’y trompèrent pas. A l’apogée de la période libertaire de Lénine, ils adjuraient déjà les travailleurs d’être sur leurs gardes :dans leur journal, Golos Truda (La Voix du Travail), on pouvait lire, dès les derniers mois de 1917 et le début de 1918, sous la plume de Voline, ces avertissements prophétiques : « Une fois leur pouvoir consolidé et légalisé, les bolcheviks — qui sont des socialistes, politiciens et étatistes, c’est-à-dire des hommes d’action centralistes et autoritaires — commenceront à arranger la vie du pays et du peuple avec des moyens gouvernementaux et dictatoriaux imposés par le centre (...). Vos soviets (...) deviendront peu à peu de simples organes exécutifs de la volonté du gouvernement central (...). On assistera à la mise en place d’un appareil autoritaire politique et étatique, qui agira par en haut et se mettra à écraser tout avec sa poigne de fer (...) Malheur à celui qui ne sera pas d’accord avec le pouvoir central. » « Tout le pouvoir aux Soviets deviendra, en fait, l’autorité des leaders du Parti. »
    Les tendances de plus en plus anarchisantes des masses obligeaient Lénine, toujours selon Voline, à s’écarter pour un temps de l’ancien chemin. Il ne laissait subsister l’État, l’autorité, la dictature que pour une heure, pour une toute petite minute. Et, après, ce serait « l’anarchisme ». « Mais, grands dieux, ne prévoyez- vous pas (...) ce que dira le citoyen Lénine lorsque le pouvoir actuel sera consolidé et qu’il deviendra possible de ne plus prêter l’oreille à la voix des masses ? » Il reviendra alors aux vieux sentiers battus. Il créera un « État marxiste », du type le plus accompli.
    Bien entendu, il serait hasardeux de soutenir que Lénine et son équipe tendirent consciemment un piège aux masses. Il y avait moins duplicité en eux que dualisme doctrinal. La contradiction était si évidente, si flagrante entre les deux pôles de leur pensée qu’il était à prévoir qu’elle ne tarderait pas à éclater dans les faits. Ou bien la pression anarchisante des masses obligerait les bolcheviks à oublier le versant autoritaire de leurs conceptions, ou, au contraire, la consolidation de leur pouvoir, en même temps que l’essoufflement de la révolution populaire, les amèneraient à ranger au magasin des accessoires leurs velléités anarchisantes.
    Un élément nouveau intervint, qui bouleversa les données du problème : les terribles circonstances de la guerre civile et de l’intervention étrangère, la désorganisation des transports, la pénurie de techniciens. Elles poussèrent les dirigeants bolcheviques à des mesures d’exception, à la dictature, à la centralisation, au recours à la « poigne de fer ». Mais les anarchistes contestèrent que ces difficultés eussent seulement des causes « objectives » et extérieures à la Révolution. Pour une part, elles étaient dues, à leur avis, à la logique interne des conceptions autoritaires du bolchevisme, à l’impuissance d’un pouvoir bureaucratisé et centralisé à l’excès. Selon Voline, c’était, entre autres, l’incompétence de l’État, sa prétention à vouloir tout diriger et contrôler qui le rendirent incapable de réorganiser la vie économique du pays et le conduisirent à une véritable « débâcle », marquée par la paralysie de l’activité industrielle, la ruine de l’agriculture, la destruction de tous liens entre les diverses branches de l’économie.
    Voline raconte, par exemple, que l’ancienne usine de pétrole Nobel, à Petrograd, ayant été abandonnée par ses propriétaires, ses quatre mille ouvriers décidèrent de la faire marcher collectivement. Ils s’adressèrent en vain au gouvernement bolchevique. Ils tentèrent alors de faire rouler l’entreprise par leurs propres moyens. Ils s’étaient répartis en groupes mobiles qui s’efforcèrent de trouver du combustible, des matières premières, des débouchés, des moyens de transport. Au sujet de ces derniers, ils avaient déjà entamé des pourparlers avec leurs camarades cheminots. Le gouvernement se fâcha. Responsable devant l’ensemble du pays il ne pouvait admettre que chaque usine agît à sa guise. S’obstinant, le conseil ouvrier convoqua une assemblée générale des travailleurs. Le commissaire du peuple au Travail se dérangea en personne pour mettre en garde les ouvriers contre « un acte d’indiscipline grave ». Il fustigea leur attitude « anarchiste et égoïste ». Il les menaça de licenciement sans indemnité. Les travailleurs rétorquèrent qu’ils ne sollicitaient aucun privilège : le gouvernement n’avait qu’à laisser les ouvriers et les paysans agir de la même façon dans tout le pays. En vain. Le gouvernement maintint son point de vue, et l’usine fut fermée.
    Le témoignage de Voline est corroboré par celui d’une communiste : Alexandra Kollontaï. Elle devait se plaindre, en 1921, de ce que d’innombrables exemples d’initiatives ouvrières eussent sombré dans la paperasserie et de stériles palabres administratives : « Combien d’amertume parmi les ouvriers (...) quand ils voient et savent [ce] que, si on leur avait donné le droit et la possibilité d’agir, ils auraient pu réaliser eux- mêmes (...) L’initiative s’affaiblit, le désir d’agir meurt. »
    Le pouvoir des soviets ne dura, en fait, que quelques mois, d’octobre 1917 au printemps de 1918. Très vite les conseils d’usine furent dépouillés de leurs attributions. Le prétexte invoqué fut que l’autogestion ne tenait pas compte des besoins « rationnels » de l’économie, qu’elle entretenait un égoïsme d’entreprises se faisant l’une à l’autre concurrence, se disputant de maigres ressources, voulant à tout prix survivre, bien que d’autres usines fussent plus importantes « pour l’État » et mieux équipées. En un mot, l’on aboutissait, selon les termes d’A. Pankratova, à une fragmentation de l’économie en « fédérations autonomes de producteurs du type rêvé par les anarchistes ». Sans aucun doute, la naissante autogestion ouvrière n’était pas sans reproche. Elle avait cherché péniblement, à tâtons, à créer de nouvelles formes de production qui n’avaient eu aucun précédent dans l’histoire humaine. Il lui était arrivé, certes, de se tromper, de faire fausse route. C’était le tribut de l’apprentissage. Comme le soutenait Kollontaï, le communisme ne pouvait naître que dans un processus de recherches pratiques, avec des erreurs peut-être, mais à partir des forces créatrices de la classe ouvrière elle-même ».
    Tel n’était pas le point de vue des dirigeants du Parti. Ils étaient trop heureux de reprendre aux comités d’usine les pouvoirs que, dans leur for intérieur, ils ne s’étaient que résignés à leur abandonner. Lénine, dès 1918, marquait ses préférences pour la « volonté d’un seul » dans la gestion des entreprises. Les travailleurs devaient obéir « inconditionnellement » à la volonté unique des dirigeants du processus de travail. Tous les chefs bolcheviques, nous dit Kollontaï, étaient « méfiants à l’égard des capacités créatrices des collectivités ouvrières ». Au surplus l’administration était envahie par de nombreux éléments petits-bourgeois, résidus de l’ancien capitalisme russe, qui s’étaient adaptés un peu trop vite aux institutions soviétiques, s’étaient fait attribuer des postes responsables dans les divers commissariats et entendaient que la gestion économique fût confiée, non aux organisations ouvrières, mais à eux-mêmes.
    On assista à l’immixtion croissante de la bureaucratie étatique dans l’économie. Dès le 5 décembre 1917, l’industrie fut coiffée par un Conseil Supérieur de l’Économie, chargé de coordonner autoritairement l’action de tous les organes de la production. Le congrès des Conseils de l’Économie (26 mai-4 juin 1918) décida la formation de directions d’entreprise dont les deux tiers des membres seraient nommés par les conseils régionaux ou le Conseil Supérieur de l’Économie et le troisième tiers seulement élu sur place par les ouvriers. Le décret du 28 mai 1918 étendit la collectivisation à l’ensemble de l’industrie, mais, du même coup, transforma les socialisations spontanées des premiers mois de la Révolution en nationalisations. C’était le Conseil Supérieur de l’Économie qui était chargé d’organiser l’administration des entreprises nationalisées.
    Les directeurs et cadres techniques demeuraient en fonctions, en tant qu’appointés de l’État. Au IIe congrès du Conseil Supérieur de l’Économie, à la fin de 1918, les conseils d’usine furent vertement tancés par le rapporteur pour diriger pratiquement l’usine, au lieu et place du conseil d’administration.
    Des élections aux comités d’usine continuèrent, pour la façade, à avoir lieu, mais un membre de la cellule communiste donnait lecture d’une liste de candidats fabriquée à l’avance et l’on procédait au vote à main levée, en présence des « gardes communistes », armés, de l’entreprise. Quiconque se déclarait contre les candidats proposés se voyait infliger des sanctions économiques (déclassement de salaires, etc.). Comme l’expose Archinoff, il n’y eut plus qu’un seul maître omniprésent, l’État. Les rapports entre les ouvriers et ce nouveau patron redevinrent ceux qui avaient existé entre le travail et le capital. Le salariat fut restauré, à la seule différence qu’il prenait désormais le caractère d’un devoir envers l’État.
    Les soviets n’eurent plus qu’une fonction nominale. Ils furent transformés en institutions de pouvoir gouvernemental. « Vous devez devenir les cellules étatiques de base » déclara Lénine, le 27 juin 1918, au congrès des conseils d’usine. Ils furent réduits, selon les termes de Voline, au rôle d’« organes purement administratifs et exécutifs, chargés de petites besognes locales sans importance, entièrement soumis aux “directives” des autorités centrales : gouvernement et organes dirigeants du Parti ». Ils n’eurent même plus « l’ombre d’un pouvoir ». Au IIIe congrès des syndicats (avril 1920), le rapporteur, Lozovsky, avoua : « Nous avons renoncé aux vieilles méthodes de contrôle ouvrier et nous n’en avons gardé que le principe étatique. » Désormais ce « contrôle » était exercé par un organisme de l’État : l’Inspection ouvrière et paysanne.
    Les fédération d’industrie, de structure centraliste, avaient, d’abord, servi aux bolcheviks à encadrer et à subordonner les conseils d’usine, fédéralistes et libertaires par nature. Dès le 1er avril 1918, la fusion entre les deux types d’organisation était un fait accompli. Désormais les syndicats, surveillés par le parti, jouèrent un rôle disciplinaire. Celui des métallurgistes de Petrograd interdit les « initiatives désorganisatrices » des conseils d’usine et blâma leurs tendances des plus dangereuses à faire passer aux mains des travailleurs telle ou telle entreprise. C’était là, disait-on, imiter de la pire façon les coopératives de production « dont l’idée avait, depuis longtemps, fait faillite et qui ne manqueraient pas de se transformer en entreprises capitalistes ».
    « Toute entreprise laissée à l’abandon ou sabotée par un industriel, dont la production était nécessaire à l’économie nationale, devait être placée sous la gestion de l’État. Il était « inadmissible » que les travailleurs prissent en main des entreprises sans l’approbation de l’appareil syndical.
    Après cette première opération d’encadrement, les syndicats ouvriers furent, à leur tour, domestiqués, dépouillés de toute autonomie, épurés, leurs congrès différés, leurs membres arrêtés, leurs organisations dissoutes ou fusionnées en unités plus larges. Au terme de ce processus, toute orientation anarcho- syndicaliste fut anéantie, le mouvement syndical étroitement subordonné à l’État et au parti unique.
    Il en fut de même en ce qui concerne les coopératives de consommation. Au début de la Révolution, elles avaient surgi de partout, s’étaient multipliées, fédérées. Mais elles avaient le tort d’échapper au contrôle du parti et un certain nombre de social-démocrates (mencheviks) s’y étaient infiltrés. On commença par priver les magasins locaux de leurs moyens de ravitaillement et de transport, sous le prétexte de « commerce privé » et de « spéculation », ou même sans le moindre prétexte. Ensuite furent fermées d’un coup toutes les coopératives libres, et, à leur place, installées, bureaucratiquement, des coopératives d’État. Le décret du 20 mars 1919 absorba les coopératives de consommation dans le commissariat au ravitaillement et les coopératives de production industrielle dans le Conseil Supérieur de l’Économie. De nombreux coopérateurs furent jetés en prison.
    La classe ouvrière ne réagit ni assez vite ni assez vigoureusement. Elle était disséminée, isolée dans un immense pays arriéré et en grande majorité rural, épuisée par les privations et les luttes révolutionnaires, plus encore, démoralisée. Ses meilleurs éléments, enfin, l’avaient quittée pour les fronts de la guerre civile ou avaient été absorbés par l’appareil du parti et du gouvernement. Cependant assez nombreux furent les travailleurs qui se sentirent plus ou moins frustrés de leurs conquêtes révolutionnaires, privés de leurs droits, mis en tutelle, humiliés par l’arrogance ou l’arbitraire des nouveaux maîtres, et qui prirent conscience de la véritable nature du prétendu « État prolétarien ». Ainsi, au cours de l’été 1918, des ouvriers mécontents
    élurent, dans les usines de Moscou et de Petrograd, des délégués pris dans leur sein, cherchant ainsi à opposer leurs authentiques « conseils de délégués » aux soviets d’entreprises déjà captés par le pouvoir. Comme en témoigne Kollontaï, l’ouvrier sentait, voyait et comprenait qu’il était mis à l’écart. Il put comparer le mode de vie des fonctionnaires soviétiques avec la façon dont il vivait lui — lui sur lequel reposait, au moins en théorie, la « dictature du prolétariat ».
    Mais quand les travailleurs virent tout à fait clair, il était déjà trop tard. Le pouvoir avait eu le temps de s’organiser solidement et disposait de forces de répression capables de briser toute tentation d’action autonome des masses. Au dire de Voline, une lutte âpre mais inégale, qui dura quelque trois ans et resta à peu près ignorée hors de Russie, opposa une avant-garde ouvrière à un appareil étatique qui s’obstinait à nier le divorce consommé entre lui et les masses. De 1919 à 1921, les grèves se multiplièrent dans les grands centres, à Petrograd, surtout, et même à Moscou. Elles furent, comme on le verra plus loin, durement réprimées.
    A l’intérieur même du Parti dirigeant, une « Opposition ouvrière » surgit qui réclama le retour à la démocratie soviétique et à l’autogestion. Au Xe congrès du Parti, en mars 1921, l’un de ses porte-parole, Alexandra Kollontaï, distribua une brochure qui demandait pour les syndicats la liberté d’initiative et d’organisation ainsi que l’élection par un « congrès de producteurs », d’un organe central d’administration de l’économie nationale. L’opuscule fut confisqué et interdit. Lénine fit adopter par la presque unanimité des congressistes une résolution assimilant les thèses de l’Opposition ouvrière aux déviations petites-bourgeoises et anarchistes : « Le « syndicalisme », le « semi-anarchisme » des oppositionnels était, à ses yeux, un « danger direct » pour le monopole du pouvoir exercé par le Parti au nom du prolétariat.
    La lutte se poursuivit au sein de la direction de la centrale syndicale. Pour avoir soutenu l’indépendance des syndicats par rapport au Parti, Tomsky et Riazanov furent exclus du présidium et envoyés en exil, tandis que le principal dirigeant de l’Opposition ouvrière, Chliapnikov, subissait le même sort, bientôt suivi par l’animateur d’un autre groupe oppositionnel. G. I. Miasnikov. Cet authentique ouvrier, justicier en 1917 du grand-duc Michel, qui comptait quinze années de présence dans le parti et, avant la Révolution, plus de sept ans de prison et soixante-quinze jours de grève de la faim, avait osé, en novembre 1921, imprimer dans une brochure que les travailleurs avaient perdu confiance dans les communistes, parce que le Parti n’avait plus de langage commun avec la base et qu’il tournait maintenant contre la classe ouvrière les moyens de répression mis en œuvre, de 1918 à 1920, contre les bourgeois.

    LE RÔLE DES ANARCHISTES

    Dans ce drame, où une révolution de type libertaire fut transmuée en son contraire, quel rôle jouèrent les anarchistes russes ? La Russie n’avait guère de traditions libertaires. C’était à l’étranger que Bakounine et Kropotkine étaient devenus anarchistes. Ni l’un ni l’autre ne militèrent jamais comme anarchistes en Russie. Quant à leurs œuvres, elles avaient paru, au moins jusqu’à la Révolution de 1917, à l’étranger, souvent même en langue étrangère. Seuls quelques extraits en avaient été introduits clandestinement, difficilement, en Russie, en quantités très restreintes. Toute l’éducation sociale, socialiste et révolutionnaire des Russes n’avait absolument rien d’anarchiste. Tout au contraire, assure Voline, « la jeunesse russe avancée lisait une littérature qui, invariablement, présentait le socialisme sous un jour étatiste ». L’idée gouvernementale habitait les esprits : la social-démocratie allemande les avait contaminés.
    Les anarchistes n’étaient « qu’une petite poignée d’hommes sans influence » ; tout au plus quelques milliers. Leur mouvement, toujours selon Voline, était « encore bien trop faible pour avoir une influence immédiate et concrète sur les événements ». En outre, ils étaient, pour la plupart, des intellectuels, de tendances individualistes, trop peu mêlés au mouvement ouvrier. Nestor Makhno, qui, avec Voline, fit exception et, dans son Ukraine natale, œuvra au cœur des masses, écrit, sévèrement, dans ses Mémoires, que l’anarchisme russe « se trouva en queue des événements et même parfois tout à fait en dehors d’eux ».
    Pourtant il semble y avoir quelque injustice dans ce jugement. Le rôle des anarchistes ne fut nullement négligeable entre la Révolution de Février et la Révolution d’Octobre. Trotsky en convient à plusieurs reprises au cours de son Histoire de la Révolution russe. « Hardis » et « actifs » malgré leur petit nombre, ils furent des adversaires de principe de l’assemblée constituante à un moment où les bolcheviks n’étaient pas encore antiparlementaires. Bien avant le parti de Lénine, ils inscrivirent sur leurs drapeaux le mot d’ordre : Tout le pouvoir aux soviets. Ce furent eux qui animèrent le mouvement de socialisation spontanée du logement, souvent contre le gré des bolcheviks. Ce fut en partie sous l’impulsion de militants anarcho-syndicalistes que les ouvriers s’emparèrent des usines, avant même Octobre.
    Pendant les journées révolutionnaires qui mirent fin à la république bourgeoise de Kerensky, les anarchistes furent à la pointe du combat militaire, notamment au sein du régiment de Dvinsk qui, sous les ordres de vieux libertaires tels que Gratchoff et Fedotoff, délogea les « cadets » contre-révolutionnaires. Ce fut l’anarchiste Anatole Gelezniakoff, avec l’aide de son détachement, qui dispersa l’assemblée constituante : les bolcheviks ne firent que ratifier le fait accompli. De nombreux détachements de partisans, formés par des anarchistes ou conduits par eux (ceux de Mokrooussoff, de Tcherniak et autres), luttèrent sans trêve contre les armées blanches, de 1918 à 1920.
    Il n’y eut guère de ville importante qui ne comptât un groupe anarchiste ou anarcho-syndicaliste diffusant un matériel imprimé relativement considérable : journaux, magazines, tracts, brochures, livres. À Petrograd deux hebdomadaires, à Moscou un quotidien avaient un tirage de 25.000 exemplaires chacun. L’audience des anarchistes s’accrut au fur et à mesure que la Révolution s’approfondit, puis se détacha des masses.
    Le 6 avril 1918, le capitaine français Jacques Sadoul, en mission en Russie, écrivait dans un rapport : « Le parti anarchiste est le plus actif, le plus combatif des groupes de l’opposition et probablement le plus populaire (...). Les bolcheviks sont inquiets. » A la fin de 1918, affirme Voline, « cette influence devint telle que les bolcheviks, qui n’admettaient aucune critique, et encore moins une contradiction, s’inquiétèrent sérieusement ». Pour l’autorité bolchevique, rapporte Voline, « tolérer la propagande anarchiste équivalait (...) au suicide. Elle fit son possible pour empêcher d’abord, interdire ensuite, et supprimer finalement, par la force brutale toute manifestation des idées libertaires ».
    Le gouvernement bolchevique « commença par fermer brutalement les sièges des organisations libertaires, par interdire aux anarchistes toute propagande ou activité ». C’est ainsi que dans la nuit du 12 avril 1918, à Moscou, des détachements de gardes rouges, armés jusqu’aux dents, nettoyèrent, par surprise, vingt-cinq maisons occupées par les anarchistes. Ceux-ci, se croyant attaqués par des gardes blancs, ripostèrent à coups de feu. Puis, toujours selon Voline, le pouvoir passa rapidement « à des mesures plus violentes : la prison, la mise hors la loi, la mise à mort ». « Quatre ans durant, ce conflit tiendra en haleine le pouvoir bolchevique (...) jusqu’à l’écrasement définitif du courant libertaire manu militari (fin 1921). »
    La liquidation des anarchistes put être menée d’autant plus aisément qu’ils s’étaient divisés en deux fractions, l’une qui refusa d’être domestiquée, l’autre qui se laissa apprivoiser. Ces derniers invoquèrent la nécessité historique pour faire acte de loyalisme vis-à-vis du régime et approuver, au moins momentanément, ses actes dictatoriaux. Pour eux, il s’agissait, d’abord, de terminer victorieusement la guerre civile, d’écraser la contre-révolution.
    Tactique à courte vue, estimèrent les anarchistes intransigeants. Car, précisément, c’était l’impuissance bureaucratique de l’appareil gouvernemental, la déception et le mécontentement populaires qui alimentaient les mouvements contre-révolutionnaires. En outre, le pouvoir finissait par ne plus distinguer l’aile marchante de la Révolution libertaire, qui contestait ses moyens de domination, des entreprises criminelles de ses adversaires de droite. Accepter la dictature et la terreur, c’était, pour les anarchistes, qui allaient en être eux- mêmes les victimes, une politique de suicide. Enfin, le ralliement des anarchistes dits « soviétiques » facilita l’écrasement des autres, des irréductibles, qui furent traités de « faux » anarchistes, de rêveurs irresponsables n’ayant pas les pieds sur la terre, de stupides brouillons, de diviseurs, de fous furieux et, finalement, de bandits, de contre-révolutionnaires.
    Le plus brillant, donc le plus écouté, des anarchistes ralliés fut Victor-Serge. Employé du régime, il publia, en français, une brochure qui tentait de le défendre contre la critique anarchiste. Le livre qu’il écrivit plus tard, L’An I de la Révolution russe est pour une large part, une justification de la liquidation des soviets par le bolchevisme. Le parti — ou plutôt son élite dirigeante — y est présenté comme le cerveau de la classe ouvrière. C’est aux chefs dûment sélectionnés de l’avant-garde de découvrir ce que peut et doit faire le prolétariat. Sans eux les masses organisées dans les soviets ne seraient « qu’une poussière d’hommes aux aspirations confuses traversées de lueurs d’intelligence ».
    Victor-Serge était trop lucide, certes, pour se faire la moindre illusion sur la nature véritable du pouvoir soviétique Mais ce pouvoir était encore tout auréolé du prestige de la première révolution prolétarienne victorieuse ; il était honni par la contre-révolution mondiale ; et c’était une des raisons — la plus honorable — pour lesquelles Serge — comme tant d’autres révolutionnaires — crut devoir mettre un bœuf sur sa langue. Au cours de l’été 1921, il confia, dans le privé, à l’anarchiste Gaston Leval, venu à Moscou, dans la délégation espagnole, pour le IIIe congrès de l’Internationale communiste : « Le Parti communiste n’exerce plus la dictature du prolétariat mais sur le prolétariat. » De retour en France, Leval publia dans Le Libertaire des articles, où, s’appuyant sur des faits précis, il mit en parallèle ce que Victor-Serge lui avait glissé à l’oreille et ses propos publics qualifiés de « mensonges conscients ». Dans Living my Life, Emma Goldman, la libertaire américaine qui le vit à l’œuvre à Moscou, n’est pas non plus tendre pour Victor-Serge.

    LA « MAKCHNOVTCHINA »

    Si la liquidation des anarchistes urbains, petits noyaux impuissants, devait être relativement aisée, il n’en fut pas de même dans le sud de l’Ukraine où le paysan Nestor Makhno avait constitué une forte organisation anarchiste rurale, à la fois économique et militaire. Fils de paysans pauvres ukrainiens, Makhno avait vingt ans en 1919. Tout jeune, il avait participé à la Révolution de 1905 et était devenu anarchiste. Condamné à mort par le tsarisme, sa peine avait été commuée et les huit années qu’il passa, presque toujours aux fers, à la prison de Boutirki, avaient été sa seule école. Avec l’aide d’un codétenu, Pierre Archinoff, il combla, au moins en partie, les lacunes de son instruction.
    L’organisation autonome des masses paysannes dont il prit l’initiative, au lendemain d’Octobre, couvrait une région peuplée de 7 millions d’habitants, formant une sorte de cercle de 280 kilomètres de hauteur sur 250 de large. A son extrémité sud elle touchait à la mer d’Azov, où elle atteignait le port de Berdiansk. Son centre était Gulyai-Polyé, un gros bourg de 20 à 30.000 habitants. Cette région était traditionnellement rebelle. Elle avait été, en 1905, le théâtre de troubles violents.
    Tout avait commencé avec l’établissement, en Ukraine, d’un régime de droite, imposé par les armées d’occupation allemande et autrichienne et qui s’était empressé de rendre à leurs anciens propriétaires les terres que les paysans révolutionnaires venaient de leur enlever. Les travailleurs du sol défendirent leurs toutes récentes conquêtes les armes à la main. Ils les défendirent aussi bien contre la réaction que contre l’intrusion intempestive, à la campagne, des commissaires bolcheviques, et leurs trop lourdes réquisitions. Cette gigantesque jacquerie fut animée par un justicier, une sorte de Robin des Bois anarchiste, surnommé par les paysans : « Père Makhno ». Son premier fait d’armes fut la prise de Gulyai-Polyé, à la mi-septembre 1918. Mais l’armistice du 11 novembre amena le retrait des forces d’occupation germano-autrichiennes, en même temps qu’il offrit à Makhno une occasion unique de constituer des réserves d’armes et de stocks.
    Pour la première fois dans l’histoire, les principes du communisme libertaire furent mis en application dans l’Ukraine libérée et, dans la mesure où les circonstances de la guerre civile le permirent, l’autogestion pratiquée. Les terres disputées aux anciens propriétaires fonciers furent cultivées en commun par les paysans, groupés en « communes » ou « soviets de travail libres ». Les principes de fraternité et l’égalité y étaient observés. Tous, hommes, femmes, enfants devaient travailler dans la mesure de leurs forces. Les camarades élus aux fonctions de gestion, à titre temporaire, reprenaient ensuite leur travail habituel aux côtés des autres membres de la commune.
    Chaque soviet n’était que l’exécuteur des volontés des paysans de la localité qui l’avait élu. Les unités de production étaient fédérées en districts et les districts en régions. Les soviets étaient intégrés dans un système économique d’ensemble, basé sur l’égalité sociale. Ils devaient être absolument indépendants de tout parti politique. Aucun politicien ne devait y dicter ses volontés sous le couvert du pouvoir soviétique. Leurs membres devaient être des travailleurs authentiques, au service exclusif des intérêts des masses laborieuses.
    Lorsque les partisans makhnovistes pénétraient dans une localité, ils apposaient des affiches où l’on pouvait lire : « La liberté des paysans et des ouvriers appartient à eux-mêmes et ne saurait souffrir aucune restriction. C’est aux paysans et aux ouvriers eux-mêmes d’agir, de s’organiser, de s’entendre entre eux dans tous les domaines de leur vie, comme ils le conçoivent eux-mêmes et comme ils le veulent (...). Les makhnovistes ne peuvent que les aider, leur donnant tel ou tel avis ou conseil (...). Mais ils ne peuvent ni ne veulent en aucun cas les gouverner. »
    Quand, plus tard, à l’automne de 1920, les hommes de Makhno furent amenés à conclure, d’égal à égal, un accord éphémère avec le pouvoir bolchevique, ils insistèrent pour l’adoption de l’additif suivant : « Dans la région où opérera l’armée makhnoviste, la population ouvrière et paysanne créera ses institutions libres pour l’autoadministration économique et politique ; ces institutions seront autonomes et liées fédérativement — par pactes — avec les organes gouvernementaux des Républiques soviétiques. » Abasourdis, les négociateurs bolcheviques disjoignirent cet additif de l’accord, afin d’en référer à Moscou, où, bien entendu, il fut jugé « absolument inadmissible ».
    Une des faiblesses relatives du mouvement makhnoviste était l’insuffisance d’intellectuels libertaires dans son sein. Mais, au moins par intermittence, il fut aidé, du dehors. Tout d’abord, de Kharkov et de Koursk, par les anarchistes qui, à la fin de 1918, avaient fusionné en un cartel dit Nabat (le Tocsin), animé par Voline. En avril 1919, ils tinrent un congrès où ils se prononcèrent « catégoriquement et définitivement contre toute participation aux soviets, devenus des organismes purement politiques, organisés sur une base autoritaire, centraliste, étatique ». Ce manifeste fut considéré par le gouvernement bolchevique comme une déclaration de guerre et le Nabat dut cesser toute activité. Par la suite, en juillet, Voline réussit à rejoindre le quartier général de Makhno où, de concert avec Pierre Archinoff, il prit en charge la section culturelle et éducative du mouvement. Il présida un de ses congrès, celui tenu en octobre, à Alexandrovsk. Des Thèses générales précisant la doctrine des « soviets libres » y furent adoptées.
    Les congrès groupaient à la fois des délégués des paysans et des délégués des partisans. En effet, l’organisation civile était le prolongement d’une armée insurrectionnelle paysanne, pratiquant la tactique de la guérilla. Elle était remarquablement mobile, capable de parcourir jusqu’à cent kilomètres par jour, non seulement du fait de sa cavalerie, mais grâce aussi à son infanterie qui se déplaçait dans de légères voitures hippomobiles, à ressorts. Cette armée était organisée sur les bases, spécifiquement libertaires du volontariat, du principe électif, en vigueur pour tous les grades, et de la discipline librement consentie : les règles de cette dernière, élaborées par des commissions de partisans, mis validées par des assemblées générales, étaient rigoureusement observées par tous.
    Les corps francs de Makhno donnèrent du fil à retordre aux armées « blanches » interventionnistes. Quant aux unités de gardes-rouges des bolcheviks, elles étaient assez peu efficaces. Elles se battaient seulement le long des voies ferrées sans jamais s’éloigner de leurs trains blindés, se repliant au premier échec, s’abstenant souvent de rembarquer leurs propres combattants. Aussi inspiraient-elles peu de confiance aux paysans qui, isolés dans leurs villages et privés d’armes, eussent été à la merci des contre-révolutionnaires.
    « L’honneur d’avoir anéanti, en automne de l’année 1919, la contre-révolution de Denikine revient principalement aux insurgés anarchistes », écrit Archinoff, le mémorialiste de la makhnovtchina.
    Mais Makhno refusa toujours de placer son armée sous le commandement suprême de Trotsky, chef de l’Armée Rouge, après la fusion dans cette dernière des unités de gardes-rouges. Aussi le grand révolutionnaire crut-il devoir s’acharner contre le mouvement insurrectionnel. Le 4 juin 1919, il rédigea un ordre, par lequel il interdit le prochain congrès des makhnovistes, accusés de se dresser contre le pouvoir des Soviets en Ukraine, stigmatisa toute participation au congrès comme un acte de « haute trahison » et prescrivit l’arrestation de ses délégués. Inaugurant une procédure qu’imiteront, dix-huit ans plus tard, les staliniens espagnols contre les brigades anarchistes, il refusa des armes aux partisans de Makhno, se dérobant au devoir de leur porter assistance, pour ensuite les accuser de trahir et de se laisser battre par les troupes blanches.
    Cependant les deux armées se retrouvèrent d’accord, par deux fois, lorsque la gravité du péril interventionniste exigea leur action commune, ce qui se produisit, d’abord, en mars 1919 contre Denikine, puis au cours de l’été et de l’automne 1920, quand menacèrent les forces blanches de Wrangel que, finalement, Makhno détruisit. Mais, aussitôt le danger extrême conjuré, l’Armée Rouge reprenait les opérations militaires contre les partisans de Makhno, qui lui rendaient coup pour coup.
    A la fin de novembre 1920, le pouvoir n’hésita pas à organiser un guet-apens. Les officiers de l’armée makhnoviste de Crimée furent invités par les bolcheviks à participer à un conseil militaire. Ils y furent aussitôt arrêtés par la police politique, la Tchéka, et fusillés, leurs partisans désarmés. En même temps une offensive en règle était lancée contre Gulyai-Polyé. La lutte — une lutte de plus en plus inégale — entre libertaires et « autoritaires » dura encore neuf mois. Mais, à la fin, mis hors de combat par des forces très supérieures en nombre et mieux équipées, Makhno dut abandonner la partie. Il réussit à se réfugier en Roumanie en août 1921, puis à gagner Paris, où il mourut plus tard, malade et indigent. Ainsi se terminait l’épopée de la makhnovtchina, prototype, selon Pierre Archinoff, d’un mouvement indépendant des masses laborieuses et, de ce fait, source d’inspiration future pour les travailleurs du monde.

    CRONSTADT

    Les aspirations des paysans révolutionnaires makhnovistes étaient assez semblables à celles qui poussèrent conjointement à la révolte, en février-mars 1921, les ouvriers de Petrograd et les matelots de la forteresse de Cronstadt. Les travailleurs urbains souffraient, à la fois, de conditions matérielles devenues intolérables du fait de la pénurie de vivres, de combustibles, de moyens de transport et d’un régime de plus en plus dictatorial et totalitaire, qui écrasait la moindre manifestation de mécontentement. A fin février, des grèves éclatèrent à Petrograd, Moscou et dans quelques autres centres industriels. Les travailleurs, marchant d’une entreprise à l’autre, fermant les usines, attirant dans leurs cortèges de nouveaux contingents d’ouvriers, réclamaient pain et liberté. Le pouvoir répondit par une fusillade, les travailleurs de Petrograd par un meeting de protestation, qui rassembla 10.000 ouvriers.
    Cronstadt était une base navale insulaire, à trente kilomètres de Petrograd, dans le golfe de Finlande, gelé en hiver. Elle était peuplée de matelots et de plusieurs milliers d’ouvriers occupés dans les arsenaux de la marine militaire. Les marins de Cronstadt avaient joué un rôle d’avant-garde dans les péripéties révolutionnaires de 1917. Ils avaient été, selon les termes de Trotsky « l’orgueil et la gloire de la Révolution russe ». Les habitants civils de Cronstadt formaient une commune libre, relativement indépendante du pouvoir. Au centre de la forteresse une immense place publique jouait le rôle d’un forum populaire pouvant contenir 30.000 personnes.
    Certes, les matelots n’avaient plus, en 1921, les mêmes effectifs ni la même composition révolutionnaire qu’en 1917 ; ils étaient, bien plus que leurs prédécesseurs, issus de la paysannerie ; mais ils avaient conservé l’esprit militant et, du fait de leurs performances antérieures, le droit de participer activement aux réunions ouvrières de Petrograd. Aussi envoyèrent-ils aux travailleurs en grève de l’ancienne capitale des émissaires, qui furent refoulés par les forces de l’ordre. Au cours de deux meetings de masses tenus sur le forum, ils reprirent à leur compte les revendications des grévistes. A la seconde réunion, le 1er mars, ils étaient 16.000 présents, marins, travailleurs et soldats, et nonobstant la présence du chef de l’État, le président de l’exécutif central, Kalinine, ils adoptèrent une résolution demandant la convocation, en dehors des partis politiques, dans les dix jours suivants, d’une conférence des ouvriers, soldats rouges et marins de Petrograd, de Cronstadt et de la province de Petrograd. En même temps ils exigeaient l’abolition des « officiers politiques », aucun parti politique ne devant avoir de privilèges, ainsi que la suppression des détachements communistes de choc dans l’armée et de la « garde communiste » dans les usines.
    C’était bel et bien le monopole du parti dirigeant qui était visé. Un monopole que les rebelles de Cronstadt n’hésitaient pas à qualifier d’« usurpation ». Feuilletons, pour le résumer, le journal officiel de cette nouvelle Commune, les Izvestia de Cronstadt. Laissons parler les matelots en colère. Le Parti communiste, après s’être arrogé le pouvoir, n’avait, selon eux, qu’un souci : le conserver par n’importe quel moyen. Il s’était détaché des masses. Il s’était révélé impuissant à tirer le pays d un état de débâcle générale. Il avait perdu la confiance des ouvriers. Il était devenu bureaucratique. Les soviets, dépouillés de leur pouvoir, étaient falsifiés, accaparés et manipulés, les syndicats étatisés. Une machine policière omnipotente pesait sur le peuple, dictant sa loi par des fusillades et la pratique de la terreur. Sur le plan économique régnait, au lieu et place du socialisme annoncé, basé sur le travail libre, un dur capitalisme d’État. Les ouvriers étaient de simples salariés de ce trust national, des exploités, tout comme naguère. Les sacrilèges de Cronstadt allaient jusqu’à contester l’infaillibilité des chefs suprêmes de la Révolution. Ils se gaussaient, avec irrévérence, de Trotsky, et même, de Lénine. Au-delà de leurs revendications immédiates : restauration des libertés, élections libres à tous les organes de la démocratie soviétique, ils visaient un objectif d’une portée plus lointaine et d’un contenu nettement anarchiste : une « troisième Révolution. »
    Les rebelles, en effet, entendaient demeurer sur le terrain révolutionnaire. Ils s’engageaient à veiller sur les conquêtes de la révolution sociale. Ils affirmaient n’avoir rien de commun avec ceux qui auraient voulu « rétablir le knout du tsarisme », et, s’ils ne cachaient pas leur intention de renverser le pouvoir des « communistes », ce n’était pas pour que « les ouvriers et les paysans redeviennent esclaves ». Ils ne coupaient pas non plus tous les ponts entre eux et le régime, avec lequel ils espéraient encore « pouvoir trouver un langage commun ». Enfin, s’ils réclamaient la liberté d’expression, ce n’était pas pour n’importe qui, mais seulement pour des partisans sincères de la Révolution : anarchistes et « socialistes de gauche » (formule qui excluait les social-démocrates ou mencheviks).
    Mais l’audace de Cronstadt allait beaucoup plus loin que ne le pouvaient supporter un Lénine, un Trotsky. Les chefs bolcheviks avaient identifié, une fois pour toutes, la Révolution avec le Parti communiste et tout ce qui allait à l’encontre de ce mythe ne pouvait être, à leurs yeux, que « contre-révolutionnaire ». Ils virent toute l’orthodoxie marxiste-léniniste s’effilocher. Cronstadt leur parut d’autant plus effrayant qu’ils gouvernaient au nom du prolétariat et que, soudain, leur pouvoir était contesté par un mouvement qu’ils savaient authentiquement prolétarien. Au surplus, Lénine s’en tenait à la notion quelque peu simpliste qu’une restauration tsariste était la seule alternative à la dictature de son Parti. Les hommes d’État du Kremlin de 1921 raisonnèrent comme, plus tard, ceux de l’automne 1956 : Cronstadt fut la préfiguration de Budapest.
    Trotsky, l’homme « à la poigne de fer », accepta de prendre personnellement la responsabilité de la répression. « Si vous persistez, on vous canardera comme des perdreaux », fit-il savoir, par la voie des ondes, aux « mutins ». Les matelots furent traités de « blanc-gardistes », de complices des puissances occidentales interventionnistes et de la « Bourse de Paris ». Leur soumission serait obtenue par la force des armes. Ce fut sans succès que les anarchistes Emma Goldman et Alexandre Berkman, qui avaient trouvé asile dans la patrie des travailleurs, après avoir été déportés des États-Unis, firent valoir, dans une lettre pathétique adressée à Zinoviev, que l’usage de la force ferait « un tort incalculable à la Révolution sociale » et adjurèrent les « camarades bolcheviks » de régler le conflit par une négociation fraternelle. Quant aux ouvriers de Petrograd terrorisés, soumis à la loi martiale, ils ne purent se porter au secours de Cronstadt.
    Un ancien officier tsariste, le futur maréchal Toukhatchevsky, fut chargé de commander un corps expéditionnaire composé de troupes qu’il avait fallu trier sur le volet, car nombre de soldats rouges répugnaient à tirer sur leurs frères de classes. Le 7 mars commença le bombardement de la forteresse. Sous le titre : « Que le monde sache ! » les assiégés lancèrent un appel ultime : « Le sang des innocents retombera sur la tête des communistes, fous furieux enivrés par le pouvoir. Vive le pouvoir des Soviets ! » Se déplaçant sur la glace du golfe de Finlande, les assiégeants réduisirent, le 18 mars, la « rébellion », dans une orgie de massacres.
    Les anarchistes n’avaient guère joué de rôle dans l’affaire. Cependant le comité révolutionnaire de Cronstadt avait invité à le rejoindre deux libertaires : Yartchouk (animateur du soviet de Cronstadt en 1917) et Voline ; en vain, car ils étaient, à ce moment, détenus par les bolcheviks. Comme l’observe Ida Mett, historienne de La Révolte de Cronstadt, l’influence anarchiste ne s’y exercera « que dans la mesure où l’anarchisme propageait lui aussi l’idée de la démocratie ouvrière ». Mais, s’ils n’intervinrent pas directement dans l’événement, les anarchistes s’en réclamèrent : « Cronstadt, écrivit plus tard Voline, fut la première tentative populaire entièrement indépendante pour se libérer de tout joug et réaliser la Révolution sociale : tentative faite directement, (...) par les masses laborieuses elles-mêmes, sans « bergers politiques », sans « chefs » ni « tuteurs ». Et Alexandre Berkman : « Cronstadt fit voler en éclats le mythe de l’État prolétarien ; il apporta la preuve qu’il y avait incompatibilité entre la dictature du Parti communiste et la Révolution. »

    L’ANARCHISME MORT ET VIVANT

    Bien que les anarchistes n’aient pas joué un rôle direct dans le soulèvement de Cronstadt, le régime profita de cet écrasement pour en finir avec une idéologie qui continuait à les effrayer. Quelques semaines plus tôt, le 8 février, le vieux Kropotkine était mort sur le sol russe, et sa dépouille avait été l’objet de funérailles imposantes. Elle fut suivie par un immense convoi d’environ cent mille personnes. Mêlés aux drapeaux rouges, les drapeaux noirs des groupes anarchistes flottaient au-dessus de la foule et l’on pouvait y lire en lettres de feu : « Où il y a autorité il n’y a pas de liberté. » Ce fut, racontent les biographes du disparu, « la dernière grande manifestation contre la tyrannie bolchevique et bien des gens y prenaient part autant pour réclamer la liberté que pour rendre hommage au grand anarchiste ».
    Après Cronstadt, des centaines d’anarchistes furent arrêtés. Quelques mois plus tard, une libertaire, Fanny Baron, et huit de ses camarades, devaient être fusillés dans les caves de la prison de la Tchéka, à Moscou.
    L’anarchisme militant avait reçu le coup de grâce. Mais, hors de Russie, les anarchistes qui avaient vécu la Révolution russe entreprirent le vaste travail de critique et de révision doctrinales qui revigora et rendit plus concrète la pensée libertaire. Dès le début de septembre 1920, le congrès du cartel anarchiste d’Ukraine, dit Nabat, avait rejeté catégoriquement l’expression « dictature du prolétariat » qu’il voyait conduire fatalement à la dictature sur la masse d’une fraction du prolétariat, celle retranchée dans le Parti, des fonctionnaires et d’une poignée de chefs. Peu avant de disparaître, dans un Message aux travailleurs d’Occident, Kropotkine avait dénoncé avec angoisse la montée d’une « formidable bureaucratie » : « Pour moi, cette tentative d’édifier une république communiste sur des bases étatistes fortement centralisées, sous la loi de fer de la dictature d’un parti, s’est achevée en un fiasco formidable. La Russie nous enseigne comment ne doit pas s’imposer le communisme. »
    Dans son numéro des 7-14 janvier 1921, le journal français Le Libertaire faisait publier un appel pathétique des anarcho-syndicalistes russes au prolétariat mondial : « Camarades, mettez fin à la domination de votre bourgeoisie tout comme nous l’avons fait ici. Mais ne répétez pas nos erreurs : ne laissez pas le communisme d’État s’établir dans vos pays ! »
    Sur cette lancée, l’anarchiste allemand Rudolf Rocker rédigea, dès 1920, et publia, en 1921, La Banqueroute du Communisme d’État, la première analyse politique qui ait été faite de la dégénérescence de la Révolution russe. A ses yeux, ce n’était pas la volonté d’une classe qui trouvait son expression dans la fameuse « dictature du prolétariat », mais la dictature d’un parti prétendant parler au nom d’une classe et s’appuyant sur la force des baïonnettes. « Sous la dictature du prolétariat s’est développée en Russie une nouvelle classe, la commissarocratie, dont l’oppression est ressentie par les larges masses tout autant que jadis celle des tenants de l’ancien régime. » En subordonnant systématiquement tous les éléments de la vie sociale à la toute-puissance d’un gouvernement doté de toutes les prérogatives, « on ne pouvait qu’aboutir à cette hiérarchie de fonctionnaires qui fut fatale à l’évolution de la Révolution russe. » Les bolcheviks n’ont pas seulement emprunté l’appareil de l’État à l’ancienne société, ils lui ont donné une toute-puissance que ne s’arroge aucun autre gouvernement. »
    En juin 1922, le groupe des anarchistes russes exilés en Allemagne, sous la plume de A. Gorielik, A. Komoff et Voline, publia à Berlin un petit livre révélateur : Répression de l’anarchisme en Russie soviétique. Une traduction française, due à Voline, en parut au début de 1923. On y trouvait, classé alphabétiquement, un martyrologe de l’anarchisme russe. Alexandre Berkman, en 1921 et 1922, Emma Goldman, en 1922 et 1923, publièrent coup sur coup plusieurs brochures sur les drames auxquels ils avaient assisté en Russie. A leur tour, les rescapés du makhnovisme réfugiés en Occident, Pierre Archinoff et Nestor Makhno lui-même, produisirent leurs témoignages. Beaucoup plus tard, au cours de la deuxième guerre mondiale, furent rédigés, avec la maturité d’esprit que conférait le recul des années, les deux grands ouvrages libertaires classiques sur la Révolution russe, celui de G.P. Maximoff, celui de Voline.
    Pour Maximoff, dont le témoignage a paru en langue anglaise, les leçons du passé apportent la certitude d’un avenir meilleur. La nouvelle classe dominante de l’U.R.S.S. ne peut et ne doit vivre éternellement. Le socialisme libertaire lui succédera. Les conditions objectives poussent à cette évolution : « Est-il concevable (.. ) que les travailleurs veuillent le retour des capitalistes dans les entreprises ? Jamais ! Car c’est précisément contre l’exploitation par l’État et ses bureaucrates qu’ils se rebellent. » Ce que les travailleurs veulent, c’est remplacer cette gestion autoritaire de la production par leurs propres conseils d’usine, c’est unir les conseils en une vaste fédération nationale. Ce qu’ils veulent, c’est l’autogestion ouvrière. De même les paysans ont compris qu’il ne saurait être question de revenir à l’économie individuelle. La seule solution, c’est l’agriculture collective, la collaboration des collectivités rurales avec les conseils d’usine et les syndicats : en un mot, l’expansion du programme de la Révolution d’Octobre dans la liberté.
    Toute tentative inspirée de l’exemple russe, affirme hautement Voline, ne pourrait aboutir qu’à un « capitalisme d’État basé sur une odieuse exploitation des masses », le « pire des capitalismes et qui n’a absolument aucun rapport avec la marche de l’humanité vers la société socialiste ». Elle ne pourrait que promouvoir « la dictature d’un parti qui aboutit fatalement à la Répression de toute liberté de parole, de presse, d’organisation et d’action, même pour les courants révolutionnaires, sauf pour le parti au pouvoir », qu’à une « inquisition sociale » qui étouffe « le souffle même de la Révolution ». Et Voline de soutenir que Staline « n’est pas tombé de la lune ». Staline et le stalinisme ne sont, à ses yeux, que la conséquence logique du système autoritaire fondé et établi de 1918 à 1921. « Telle est la leçon mondiale de la formidable et décisive expérience bolchevique : leçon qui fournit un puissant appui à la thèse libertaire et qui sera bientôt, à la lumière des événements, comprise par tous ceux qui peinent, souffrent, pensent et luttent. »

    Extrait de "L’anarchisme" de Daniel Guérin,1965.
    http://inventin.lautre.net/livres.html#Guerin

  • Anarchistes vs bolcheviks

    Comment il ne faut pas faire la révolution !

    Peu avant sa mort en 1920, Kropotkine écrivait : « Nous apprenons à connaître en Russie comment le communisme ne doit pas être introduit. » Le vieux théoricien anarchiste se gardait d’attaquer trop ouvertement les nouveaux maîtres de Russie pour ne pas alimenter la réaction. Les anarchistes comptèrent néanmoins parmi les premiers critiques – et les premiers persécutés – du bolchevisme.

    http://cqfd-journal.org/Comment-il-ne-faut-pas-faire-la

  • l’homme (de gauche) qui croyait à la barbarie
    http://lmsi.net/L-homme-de-gauche-qui-croyait-a-la
    https://www.youtube.com/watch?v=jVgAFIwUdDk

    Des élections, Emma Goldman disait que si elles changeaient quelque chose, le pouvoir les aurait rendues illégales. Nous l’allons montrer tout à l’heure dans la restitution d’une scène – c’est le moins que l’on puisse dire – inamicale. Dix-huitième arrondissement de Paris, le petit père autoproclamé des « gens » est venu saluer ses ouailles et grapiller quelques suffrages pour les législatives. C’est que les pauvres, les Noirs et les Arabes – segments à la fois méprisés et convoités sur le marché électoral – ont quand même un peu voté pour lui. Pour l’occasion, le petit père autoproclamé des « gens » vient soutenir de son grand charisme la candidate locale, qui n’ose pas ou ne veut pas interrompre le chef lorsque celui-ci crache son mépris sur des gosses. Et avant mauvaise troupe !

    #paternalisme #sauvages #la_chapelle

    • Je veux pas me payé Mélenchon. Je l’apprécie et je vote pour lui depuis des années, depuis qu’il a quitté le PS. Mais ca m’empêche pas de pointé parfois son paternalisme et de pas le prendre comme un demi-dieu incapable de dire une biterie. Le fait que tu évoque une attitude d’enseignant face à des élèves montre une posture d’autorité, ce que moi j’appel paternalisme. Ca me semble pas bien grave de pointé ce travers et histoire qu’il fasse attention aux mots qu’il choisi. ca me semble pas le discrédité et j’ai assez d’estime pour lui pour le savoir capable de s’améliorer.

    • Les personnes qui ont écrit le texte que je relaye y ont vu du paternalisme néo-colonial. Je leur donne plutot raison à cause de la maladresse du mot « sauvage » avec le contexte d’un groupe d’enfants racisés face à un homme blanc qui incarne le pouvoir. Je le relève sans en faire plus. J’ai mis des tags sobres « #paternalisme #sauvages #la_chapelle » sans commentaire. Pour moi c’est de l’archivage autour des questions de vocabulaire et des sujets touchant le quartier de la chapelle et Mme Obono.
      Tu peu donner ton avis, il n’y a pas de problème. A mon avis ce que tu dit n’entre pas en contradiction avec ce que dit l’article, les deux point ne s’opposent pas.
      Mon choix va plus vers l’interpretation de l’article car on est pas dans une classe mais dans une mise en scène médiatique et du coup ca fonctionne avec beaucoup de #symboles.
      edit - vu ce que se prend Mme Obono et les personnes racisées je comprend qu’illes soient chatouilleuseux quand le mot « sauvage » surgit. Même si c’est dit avec bonhommie. Le paternalisme peut etre bienveillant.

    • Najate Zouggari ( auteur de l’article ) me semble bien connaître le candidat de la France Insoumise :

      Vous passez pour des barbares. On aimerait savoir auprès de qui, selon toi, nous passerions pour des #barbares ? Auprès du vieux le Pen qui se pâme d’admiration devant tes talents oratoires ? Auprès de ton ami Buisson qui te trouvait plus chrétien que Fillon ? Auprès des médias dont tu as tant besoin pour nourrir ton insoumission ?

      « Calmez vous. Vous passez pour des barbares après. Ils vous filment, et après on passe pour des sauvages. »

      faudrait déjà savoir où se situe la barbarie dans ce loooong épisode électoral que la France vient de traverser. Où elle commence et où elle finira ? Moi aussi j’ai voté une fois pour la FI mais pas pour son leader. Je n’ai pas d’acrimonie particulière envers Mélenchon mais ses propos, même bonhomme, dans cette situation m’étonne de la part d’un vieux routier de la politique qui se targue d’être un orateur hors-pair. ça me rappel Chevènement et ses #sauvageons.

      Le barbare, c’est d’abord l’homme qui croit à la barbarie.

  • 1934 : Emma Goldman explique pourquoi la dictature bolchevik n’a rien à voir avec le communisme
    https://infokiosques.net/spip.php?article1452

    Écrit en 1934, ce texte d’Emma Goldman explique en quoi parler de « communisme » à propos du régime bolchevik dans la Russie de l’après-révolution de 1917 est plus qu’un abus de langage mais carrément un mensonge. Ayant passé deux ans en Russie en 1920-1921, elle puise dans son expérience personnelle et dans des informations obtenues dans les années 1930 pour jeter un regard lucide sur l’imposture « communiste » de la dictature bolchevik.

    #russie #1917 #révolution #communisme #stalinisme #léninisme
    @rezo @klaus @anarchosyndicalisme @entremonde @cdb_77

  • N’apprenez pas l’espéranto !

    Gustav Landauer

    http://lavoiedujaguar.net/N-apprenez-pas-l-esperanto

    Les hommes se comprennent et peuvent s’entendre parce qu’ils sont différents ; s’ils étaient identiques, ils finiraient par se détester eux-mêmes et les uns les autres. Ce rêve d’uniformité est absolument impossible et foncièrement répugnant.

    La diversité des langues n’est pas une chose que nous devons regretter ; et encore moins une chose que nous pourrions abolir. Ce qu’il faut contribuer à abolir, ce sont les conditions qui empêchent l’homme d’acquérir la connaissance des langues étrangères. Les anarchistes ne sont-ils pas radicalement opposés à tout palliatif et à tout essai d’amélioration au sein de l’État et de la société capitaliste ? L’espéranto n’est rien d’autre qu’un palliatif de cette sorte, qui plus est laid, inutile et dangereux. (...)

    #anarchisme #Allemagne #diversité_linguistique #uniformisation

    • Je ne sais pas trop quoi penser de cette publication dela part de @la_voie_du (jaguar). Est-ce pour relayer une opinion de leur part ou juste une mise en ligne pour provoquer un débat sur un texte « provocateur » ?
      Étant moi-même (un peu) espérantophone, je ne me sens pas tout à fait espérantiste dans le sens où les sympathisants de ce courant de pensée me semble se contenter d’une pensée simpliste : rassembler l’Humanité en abolissant la barrière des langues.
      C’est vrai que l’humanité se nourrit de diversités et l’esperanto, en tant que langue construite pourrait niveler ces diversités. Mais n’est-ce pas ce qui est en train de se passer avec l’anglo-américain mondialisé du langage des affaires ?
      Il n’empêche que j’invite toutes celles et tous ceux que cette problématique intéresse à se documenter sur l’esperanto qui n’est pas qu’un « sabir » pour que toutes et tous puisse communiquer sur des notions triviales (le bavardage) par delà les frontières. Il existe une littérature en esperanto :
      https://fr.wikipedia.org/wiki/Litt%C3%A9rature_esp%C3%A9rantophone
      Et il me semble que cette langue est capable de véhiculer des subtilités de pensées aussi bien que les langues nationales.

    • Je suis également loin d’être d’accord avec ce texte qui me paraît véhiculer pas mal d’idées assez fausses sur l’esperanto, à commencer par le fait que l’esperanto viserait à uniformiser…
      Cette langue étant une passerelle avant tout et n’a jamais cherché à éliminer la diversité des langues (je dirais bien contrairement à ce qui se passe de-facto avec l’anglais simplifié)…

      Par ailleurs c’est aussi extrêmement facile de créer en esperanto des concepts / idées difficilement traduisibles mais néanmoins très compréhensibles.

      Bref les arguments avancés ne me paraissent pas très convaincants.

      Il dit aussi : « L’espéranto, en revanche, ne saurait être autre chose que du bavardage. ». Bah si déjà on arrivait à cette situation (ie : avoir suffisamment de locuteurs / blogs / vlogs / séries / articles scientifiques / romans / chansons... en espéranto et bavarder), je serais bien content !

      #esperanto

    • Ce texte a été écrit il y a 110 ans dans un monde bien moins globalisé. Aujourd’hui, nous sommes priés d’apprendre la langue de la nation qui domine l’économie mondiale. L’anglais est devenu la langue des échanges internationaux et cela ne nous a pas fait échapper à certaines perversions citées dans ce texte. Et je pense souvent qu’une langue plus neutre comme l’esperanto apporterait un peu plus d’équité entre les peuples. Mais il n’est peut-être pas trop tard ?

    • Salud Hermano et merci à Ben de souligner que ce texte a été écrit il y a cent dix ans. Ce n’est pas par provocation qu’il se trouve maintenant sur “la voie du jaguar” mais pour être mis en perspective avec la pratique des langues “indigènes”. Plusieurs dizaines de langues sont parlées au Mexique et, en elles-mêmes, elles sont une résistance au rouleau compresseur de la culture et de la langue dominantes, en l’occurrence le castillan.

      C’est par la pratique de leur langue que les “peuples originaires” sont reconnus comme tels et ces langues en elles-mêmes définissent aussi leur rapport au monde et leur mode de relations communautaires, intersubjectivité et non relation sujet/objet.

      Quand l’anarchiste Gustav Landauer écrit “Les hommes se comprennent et peuvent s’entendre parce qu’ils sont différents” , il est proche de la pensée zapatiste “El mundo que queremos es uno donde quepan muchos mundos. La patria que construimos es una donde quepan todos los pueblos y sus lenguas”.

    • J’avais bien remarqué que l’auteur du texte écrivait cela au début du XXème siècle.
      Et en quoi, l’esperanto menacerait-il ces différences ? Évidemment qu’il n’a jamais eu pour but de replacer les langues dites « nationales » ou les langues « indigènes ». Je déplore que des langues disparaissent sous les coups de boutoir de la mondialisation capitaliste tout comme j déplore que des « nations » disparaissent.
      L’esperanto en tant que « langue construite » n’a jamais eu pour but de niveler les cultures comme le fait l’anglais.
      Certains espérantistes disent que l’esperanto est une langue a-nationale, c’est à dire qu’elle n’est le véhicule d’aucune culture fût-elle en état de dominer les autres. L’esperanto appartient à tout le monde et chacun est libre d’en faire ce qu’il veut sans l’imposer à quiconque. Son fondateur (L.L. Zamenhof) rêvait qu’elle devînt une langue « internationale » afin de faciliter la communication entre les homme et partant, d’atténuer les conflits. Douce rêverie que je suis loin de partager même si la plupart des espérantistes s’y accroche.
      En pratiqueant cette langue, on s’aperçoit (comme le rappelait Gustav Landauer) que chaque locuteur y apporte des éléments langagiers liés à sa culture. Cela constitue-t-il réellement un problème ? Sûr que si on traduit mot à mot une expression de langue française comme « construire des châteaux en Espagne » en s’adressant à un-e Japonai-es, cette personne risque de vous demander ce que vous voulez dire. L’esperanto a proposé cette expression : « Konstrui kastelojn aere » (construire des châteaux en l’air) ce qui st déjà plus « signifiant » pour une personne d’une autre culture que la nôtre. Utiliser l’esperanto demande aussi d’avoir ce sens du respect de la différence des cultures.

    • Et pour alimenter la discussion :

      http://www.levif.be/actualite/belgique/claude-hagege-imposer-sa-langue-c-est-imposer-sa-pensee/article-normal-165911.html

      Pour le grand linguiste Claude Hagège, le constat est sans appel : jamais, dans l’histoire de l’humanité, une langue n’a été « comparable en extension dans le monde à ce qu’est aujourd’hui l’anglais » (1). Oh ! il sait bien ce que l’on va dire. Que la défense du français est un combat ranci, franchouillard, passéiste. Une lubie de vieux ronchon réfractaire à la modernité. Il n’en a cure. Car, à ses yeux, cette domination constitue une menace pour le patrimoine de l’humanité. Et fait peser sur elle un risque plus grave encore : voir cette « langue unique » déboucher sur une « pensée unique » obsédée par l’argent et le consumérisme. Que l’on se rassure, cependant : si Hagège est inquiet, il n’est pas défaitiste. La preuve, avec cet entretien où chacun en prend pour son grade.

    • Saludos Hermano,

      Il est curieux de faire référence à Claude Hagège au sujet d’un texte anarchiste. Même si — encore heureux — il aligne quelques vérités sur les liens de dépendance entre la langue et l’économie, il reste un des concepteurs de la simplification de l’orthographe de la langue française, qui avait pour but de rapprocher la langue des “nécessités” du marché et pour moyen d’asseoir l’autorité de l’État sur les règles de l’écriture. Cette première tentative — et première étape d’un processus de transformation linguistique par ceux d’en haut (les experts comme Hagège) —, sans résultat, se passait en 1990 sous le gouvernement de Rocard. Par ailleurs ce qu’il dit de la domination de l’anglo-américain est juste mais très incomplet. La contagion de cette langue — souvent déformée par l’argot — passe aussi par les paroles rebelles. “ACAB” est tagué partout sur les murs d’Athènes, où l’on a pu lire en 2008 le très drôle "Merry Crisis and a Happy New Fear". Pourtant la Grèce existe à travers la résistance de sa langue à travers les millénaires et se joue de l’anglais touristique. Bob Dylan, Sam Peckinpah et Muddy Waters — par exemple — ont certainement aussi beaucoup à voir avec la diffusion de leur langue transformée par les mots de la rue et non par ceux de Wall Street. Méfions-nous des simplificateurs, d’autant plus quand ils s’expriment en tant qu’experts et conseillers de l’appareil d’État.

    • Encore heureux qu’on s’autorise à détourner la langue des « vainqueurs qui écrivent l’histoire ».
      Hagège non anarcho-compatible, je m’attendais un peu à cet argument. toutefois reconnaissons que le bonhomme n’est pas tout à fait un abruti ne serait-ce que pour avoir appris toutes les langues mentionnées dans l’article.

      Relisons bien ce qui suit :

      Vous estimez aussi que l’anglais est porteur d’une certaine idéologie néolibérale...

      Oui. Et celle-ci menace de détruire nos cultures dans la mesure où elle est axée essentiellement sur le profit.

      Je ne vous suis pas...

      Prenez le débat sur l’exception culturelle. Les Américains ont voulu imposer l’idée selon laquelle un livre ou un film devaient être considérés comme n’importe quel objet commercial. Car eux ont compris qu’à côté de l’armée, de la diplomatie et du commerce il existe aussi une guerre culturelle. Un combat qu’ils entendent gagner à la fois pour des raisons nobles - les Etats-Unis ont toujours estimé que leurs valeurs sont universelles - et moins nobles : le formatage des esprits est le meilleur moyen d’écouler les produits américains. Songez que le cinéma représente leur poste d’exportation le plus important, bien avant les armes, l’aéronautique ou l’informatique ! D’où leur volonté d’imposer l’anglais comme langue mondiale. Même si l’on note depuis deux décennies un certain recul de leur influence.

      Je suis quasiment certain que Landauer aurait pu tenir ces propos, s’il eût été notre contemporain.

      Et pour revenir à l’esperanto, de quel idéologie est-il porteur ? Staline et Hitler ont pourchassé les espérantistes. Le second disait même de l’esperanto que c’était une « langue de juifs et de communistes ».

    • La langue des “vainqueurs qui écrivent l’histoire” ?

      L’anglais est la langue de Ringolevio, d’Emmett Grogan et des Diggers de San Francisco. L’anglais est la langue dans laquelle Joe Hill, né en Suède, écrivait ses ballades. L’anglais est la langue dans laquelle Emma Goldman, née en Russie, a écrit Living my Life, encore pas traduit intégralement en français. L’anglais est la langue des Wobblies et des Hobos.

      Hagège et Landauer ?! Imagine ce qu’aurait pensé Landauer de ceci :

      « Je leur réponds : "Pourquoi pas la Russie ou l’Allemagne ? Ce sont des marchés porteurs et beaucoup moins concurrentiels, où vos enfants trouveront plus facilement de l’emploi." »

      Les “marchés porteurs” de Poutine et de Schäuble ? Hagège critique du néolibéralisme ou expert en double langage ?

      The end, il est clair, malgré le titre, que l’essentiel de ce qu’écrit Landauer dans ce texte est moins dans la critique de l’espéranto que dans la défense de la multiplicité et de la diversité des langues.

      Hasta luego hermano.

    • Sí, parece una conclusión razonable. Gracias a ustedes por la pequeña antología de escritores, pensadores y poetas anarquistas que se expresan en Inglés. Tal vez podríamos añadir Henry David Thoreau.

      Y de todos modos, las luchas continúan. Saludos compañeros!

    • Pourquoi l’espéranto n’a pas vraiment conquis le monde

      Il y a cent trente ans un ophtalmologiste polyglotte polonais publiait Langue internationale, l’ouvrage fondateur de l’espéranto. Ludovik Zamenhof a puisé à la fois dans les langues germaniques, latines et slaves pour construire un langage qu’il souhaitait accessible au plus grand nombre. Son objectif, louable, était alors d’aider à créer les conditions de la paix dans le monde. Après plus d’un siècle, quelque 2 millions de personnes pratiquent l’espéranto dans le monde. Si la langue de Zamenhof a connu plusieurs coups d’arrêt pendant son histoire, elle trouve aujourd’hui un nouveau souffle avec Internet. Du 22 au 29 juillet, les espérantistes du monde entier se réunissent à Séoul pour leur congrès annuel.

      http://www.lemonde.fr/societe/video/2017/07/25/pourquoi-l-esperanto-n-a-pas-vraiment-conquis-le-monde_5164654_3224.html

  • Aujourd’hui l’anarchisme a tendance à ne plus dire son nom
    Mathieu Dejean, Les Inrocks, le 31 janvier 2017
    http://www.lesinrocks.com/2017/01/31/actualite/aujourdhui-lanarchisme-a-tendance-a-ne-plus-dire-nom-11908726

    Les Inrocks : Vous mettez en évidence le fait que l’anarchisme a été porté par des figures féminines, et qu’il a donné aux femmes une place importante, à une époque où elles étaient doublement exploitées…

    Tancrède Ramonet : Oui, l’anarchisme est un des premiers courants à poser la question de l’intersectionnalité, alors que le mot n’existait pas. Il avait décelé le fait qu’en plus de l’opposition classique entre la bourgeoisie et la classe ouvrière, il y avait des oppositions parmi les travailleurs eux-mêmes. Les anarchistes ont été parmi les premiers à dénoncer l’exploitation des femmes, à dénoncer le pillage des colonies et le racisme systémique, à mettre en lumière les difficultés des “minorités”, comme on dit. A la même époque, les autres courants du socialisme se posaient moins ces questions.

    Lucie Parsons, Emma Goldman ou encore Louise Michel sont des anarchistes qui ont porté haut le flambeau de ces luttes non seulement féministes, mais aussi anticoloniales ou antiracistes. Et elles insistaient sur la nécessité de faire le lien entre ces combats pour l’égalité de chacun et la lutte pour l’émancipation de tous. Car il faut comprendre que le capitalisme est un système totalitaire basé sur l’exploitation et que ce système sévit autant au niveau microéconomique du foyer qu’au niveau macroéconomique, on ne pourra pas lutter efficacement contre. D’où la pertinence de cette jolie formule de Nuit debout : la convergence des luttes.

    #Anarchisme #Tancrède_Ramonet #Intersectionnalité #Féminisme #Femmes #Racisme #Colonialisme #Capitalisme

    • Tancrède Ramonet : « Faire entendre des voix inaudibles »

      Rencontre avec le réalisateur du documentaire "Ni Dieu, ni maître — une histoire de l’anarchisme".

      « _Temps noir », 18 heures, à proximité du Bassin de la Villette, Paris. C’est dans sa maison de production située au fond d’une cour dans une ancienne écurie que le producteur et réalisateur Tancrède Ramonet nous donne rendez-vous — autant dire à domicile. Très vite hors entretien, une discussion à bâtons rompus s’amorce sur le militantisme et l’engagement. Il a forgé ses armes par l’écoute de Radio Libertaire et la lecture du mensuel du Monde libertaire, avant de rejoindre Lutte ouvrière — « un souvenir ému », « une école de la rigueur théorique » — qu’il quitte en raison de leur minoration des luttes des pays du Sud, notamment anti-coloniales. Aujourd’hui, Tancrède Ramonet s’engage à travers ses films, les sujets portés par Temps noir et son groupe de rock, Achab. Ses documentaires donnent à voir ce que les récits officiels laissent dans l’ombre : l’école de cinéma la Fémis, le bagne pour les communards, la question des abattoirs avec une décennie d’avance sur l’association L214, le racisme biologique nazi usant de la science comme justification, et enfin l’histoire de l’anarchisme qui fut le déclencheur de cette rencontre .

      http://www.revue-ballast.fr/tancrede-ramonet
      @sinehebdo

  • L’abécédaire d’Emma Goldman
    http://www.revue-ballast.fr/labecedaire-demma-goldman

    Emma Goldman n’était pas née aux États-Unis mais elle se percevait comme l’un de ses enfants « adoptés » : non pas, confiait-elle, en raison d’une carte d’identité mais d’« un état d’esprit », celui de l’immensité des terres et d’un certain souci de la liberté. À l’heure où un milliardaire nationaliste s’apprête à fanfaronner dans les bureaux de la Maison Blanche, (re)plongeons-nous dans l’œuvre-vie de cette militante née en Lituanie en 1869 : anarchiste, communiste et féministe, amatrice de danse et de théâtre, elle fut incarcérée pour s’être levée contre la Première Guerre mondiale et avoir défendu le droit des femmes à la contraception. Exilée en Russie, elle se sépara des bolcheviks qu’elle avait initialement soutenus et partit appuyer les libertaires en Espagne, contre Franco. Celle que les services secrets nord-américains tenaient pour l’une des voix les plus « dangereuses » mourut d’un accident vasculaire cérébral à Toronto, en 1940, après avoir dénoncé le Pacte germano-soviétique… Une vie, disait-elle, « de désespoir noir et de fervent espoir » — l’un de ses amis salua, sur sa tombe, celle qui se battit sans relâche, en tant qu’ouvrière, infirmière, essayiste et activiste, pour « un monde sans guerre, un monde sans pauvreté, un monde d’espoir et de fraternité humaine ».

    http://zinc.mondediplo.net/messages/43279 via Ballast

  • Kenneth Rexroth, l’anarchiste érotico-mystique
    http://www.revue-ballast.fr/kenneth-rexroth-lanarchiste-erotico-mystique

    Une épopée libertaire dans l’Amérique underground de Chicago et San Francisco. Cet article Kenneth Rexroth, l’anarchiste érotico-mystique est apparu en premier sur BALLAST.

    C’est donc bien lui, Kenneth Rexroth, l’anarchiste féru de poésie orientale, qui se fait passer pour Marichiko avant de reconnaître un peu plus tard la mystification. Car il y a du doux dingue chez cet autodidacte à l’érudition folle. Il traduit des poèmes de l’espagnol, du japonais, du chinois, du grec ; il aime le poète Reverdy plus que toute l’avant-garde surréaliste du siècle ; il rédige des dizaines d’essais et d’articles encyclopédiques sur la littérature depuis Homère ; il fait de la prison et de la randonnée, l’amour et un peu de politique. Nul ne peut le ranger dans une case, même et surtout pas celle de « père fondateur » du mouvement Beat américain auquel on l’associe trop souvent — en réalité, la Renaissance de San Francisco telle qu’il l’imaginait dans le petit cercle libertaire qu’il anima n’a pas grand-chose à voir avec les techniques hallucinées, les vagabondages alcooliques et les postures spontanéistes de Kerouac, Ginsberg ou Burroughs. Là où les Beats ne croient plus en rien, et s’en font une religion, Rexroth déploie au contraire une ardeur à vivre et à aimer qui contredit tout cynisme. Dans l’ordre amoureux ou érotique comme dans l’ordre mystique et intellectuel, Rexroth fait partie de ces libertaires qui désirent admirer plutôt que détruire : il est venu à la politique par la lecture de Kropotkine et d’Emma Goldman, par celle de Voltairine de Cleyre et de Makhno, par la déchirure des marins trahis de Kronstadt. Il reste en politique quand il a compris les procès de Moscou, l’amertume du rêve soviétique dévoré par l’ogre stalinien, l’anéantissement de l’Espagne libertaire. Tout cela est trop sérieux pour supporter la fuite dans les paradis artificiels. Lui aussi part « sur la route », et même trente ans avant Kerouac, mais c’est pour s’y retrouver, non pour s’y perdre. Rexroth ne cherche pas à oublier mais à se souvenir, il n’aime rien tant que d’aimer, il n’aime que quand il partage — lecture ou caresse, c’est tout un.

  • The Presidential Election : Does Hacked Equal Rigged ? - Shelly Palmer
    http://www.shellypalmer.com/2016/10/the-presidential-election-does-hacked-equal-rigged


    L’optimiste s’exprime mais il ne voit pas que la manipulation des élections aux États Unis fonctionne indépendamment de la question si le vote électronique est hacké. Il suffit de penser aux manipulations des listes électorales pour identifier un problème nettement plus significatif.

    “Physical security models do not work for networked systems and a new mental model is required to make intelligent trade-offs between efficiency and resilience.” Sullivan’s words are not comforting.

    Was this just a test? Is there a bigger, more disruptive DDoS attack planned for Election Day? How would that impact our ability to vote or count votes?

    A direct technical attack is not the only type of hack. What about social engineering? It is usually the lowest-tech, highest-efficacy type of attack. Could there be a massive social engineering hack on, or near, Election Day?
    ...
    The thousands of very well-distributed, mostly old-fashioned, partisan-monitored, local election polling places that make up our national election system are on full alert, and it is more than capable of defending our democracy on November 8th. So please, go out and vote with confidence. America needs you.


    On lit souvent que notre ećrivan-journaliste national Kurt Tucholsky aurait dit que les élections seraient illégales si elles pouvaient changer quoi que ce soit. C’est faux. D’après les dernières enquêtes c’est une phrase de sa contemporaine Emma Goldman. L’idée est donc le résultat de l’observation de la politique étatsunienne.

    https://de.wikiquote.org/wiki/Diskussion:Kurt_Tucholsky

    Besagtes Zitat stammt vermutlich eher hierher: ‎"If voting changed anything they would make it illegal." - Emma Goldman

    #USA #élections #vote_électronique

  • Où va donc la colère ? Du bon usage de l’insurrection, par Georges Didi-Huberman (mai 2016)
    http://www.monde-diplomatique.fr/2016/05/DIDI_HUBERMAN/55440

    En 1795 parut chez Jacquot, à Paris, un fascicule de cinq pages intitulé Insurrection en faveur des droits du peuple souverain. Il portait en exergue cet article, le trente-cinquième, de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen (1793) : « Quand le gouvernement viole les droits du peuple, l’insurrection est, pour le peuple et pour chaque portion du peuple, le plus sacré des droits et le plus indispensable des devoirs. » Au même moment — soit en 1792 et 1793 —, les Enragés de la Révolution française publiaient leurs écrits, adresses ou pamphlets qui ont été, finalement, réunis sous le titre Notre patience est à bout. Bien plus tard, au Congrès anarchiste international d’Amsterdam de 1907, on vit se lever Emma Goldman lors de l’avant-dernière séance. Elle proposait à l’assemblée l’adoption d’un texte en faveur du droit de révolte.

  • La feuille Charbinoise
    http://www.lafeuillecharbinoise.com

    Virgilia D’Andrea, poétesse, syndicaliste anarchiste, militante antifasciste

    Ce 12 mai 2016, on commémorait l’anniversaire de la mort d’une grande dame italienne de la lutte antifasciste mais aussi poétesse de talent : Virgilia D’Andrea. Cette militante féministe et anarchiste disparait le 12 mai 1933 à New York. Elle n’est âgée que de 44 ans. Elle a résisté à la montée du fascisme en Italie, mais pas au cancer qui lui ôte son énergie vitale. Cette date anniversaire m’a donné envie de remettre en chantier une chronique que j’avais commencée il y a quelques temps. Elle ne sera pas publiée le 12 mai, mais la précision des commémorations n’a pas grande importance !
    Tout comme le Britannique Albert Meltzer dont j’ai raconté la vie mouvementée il y a quelques temps, Virgilia D’Andrea est peu connue en France. Les compagnons anarchistes évoquent fréquemment la mémoire de militantes de stature internationale comme Federica Montseny (Espagnole), Emma Goldman (Américaine) ou Voltairine de Cleyre (très en vogue depuis quelques années). Noë Ito, Rose Pesotta ou Mollie Steimer, dont j’ai évoqué la vie à l’occasion dans ces colonnes, sont beaucoup moins connues. En ce qui concerne Virgilia D’Andrea, il est probable que la notoriété de son compagnon, Armando Borghi, l’ait quelque peu reléguée au second plan. L’histoire de sa vie nous montre pourtant qu’il n’en est rien et qu’elle a joué un rôle clé, dans les années 30, au sein du mouvement italien d’opposition au fascisme. Quant aux amateurs de poétesses italiennes disparues, ils ne sont pas assez nombreux, en France, pour constituer un cercle ! Son œuvre majeure, « Tormento », est publiée en 1922. Elle n’aura guère le temps de publier beaucoup d’autres ouvrages mais le besoin d’écrire de la poésie est une constante tout au long de sa brève existence. Elle consacre l’essentiel de son temps aux luttes syndicales et antifascistes. A l’heure où la bête immonde relève la tête dans bien des pays, il n’est peut-être pas totalement inutile de se rappeler la période sombre des années 1920/1930.

    Virgilia est née le 11 février 1888 dans une petite bourgade tranquille des Abruzzes, Sulmona, en Italie. Sans être riche, sa famille possède suffisamment de biens pour que la jeune fille puisse espérer une vie tranquille. Ce ne sera pas le cas. Alors qu’elle est âgée d’à peine six ans, une série d’événements dramatiques viennent perturber le cours de son existence. En l’espace de quelques mois, sa mère, un de ses frères et son père décèdent. Les circonstances de ces décès sont plutôt singulières. Le père, par exemple, est assassiné par l’amant de sa seconde épouse… L’un de ses frères est aussi éliminé à cette occasion. Virgilia, devenue orpheline, est placée dans un couvent catholique. Sa première confrontation avec l’anarchisme date de 1900. Les religieuses du couvent forcent les jeunes pensionnaires à prier pour le repos de l’âme du roi Umberto I, assassiné par un anarchiste, Gaetano Bresci. Elle qui a été confrontée si jeune à la violence s’interroge sur les raisons de l’acte commis par Bresci, cet homme que les nonnes qualifient de « fou » et de « criminel ». Son esprit critique va se développer peu à peu. La discipline de l’institution religieuse y est pour quelque chose : pour lutter contre l’ennui, Virgilia passe l’essentiel de son temps à lire. Elle dévore tous les titres et tous les auteurs que la bibliothèque du couvent met à sa disposition. Durant cette période, la jeune fille est solitaire et elle a peu de relations avec ses coreligionnaires dont elle ne supporte pas les « caprices ». La disparition de son père l’a profondément marquée et l’on ne sait pas grand chose des relations qu’elle entretient avec son frère survivant. Elle s’interroge sur l’état du monde et cherche à comprendre l’origine des nombreuses imperfections qu’elle découvre peu à peu. En 1909, elle quitte l’institution religieuse avec un diplôme d’institutrice. Elle exerce son métier avec passion dans les bourgades des alentours de Sulmona. Elle apprécie le calme et la solitude de ces villages de montagne.❞

  • #Mickey_Z. : Merci Andrea Dworkin.

    https://tradfem.wordpress.com/2016/05/11/mickey-z-merci-andrea-dworkin

    En tant que personne qui a fui l’université pour plutôt entreprendre un long périple d’autodidacte radical engagé, je trouve tout à fait éclairant qu’il m’ait fallu aussi diablement longtemps pour enfin rencontrer le travail d’Andrea Dworkin.

    La « gauche » parle souvent de la marginalisation des dissident.e.s, mais j’ai trouvé facilement et naturellement les écrits de Noam Chomsky, Assata Shakur, Howard Zinn, Guy Debord, Frantz Fanon, Arundhati Roy, Edward Said, Angela Davis, Emma Goldman, Ward Churchill, bell hooks, et beaucoup trop d’autres pour tous les citer ici. Par contre, il m’a fallu arriver en 2015 pour lire l’autobiographie de Dworkin, Heartbreak : The Political Memoir of a Feminist Militant – et il se trouve que c’est le livre le plus révolutionnaire que j’aie jamais lu.

    Traduction : #Tradfem
    Version originale : http://worldnewstrust.com/thank-you-andrea-dworkin-mickey-z

    #proféministe #Andrea_Dworkin

  • La feuille Charbinoise
    http://www.lafeuillecharbinoise.com

    26 février2016
    Connaissez-vous Albert Meltzer ?

    Posté par Paul dans la catégorie : Portraits d’artistes, de militantes et militants libertaires d’ici et d’ailleurs.

    Albert Schweitzer ? diront certains, persuadés qu’une erreur orthographique est toujours possible et que tous ces noms étrangers se ressemblent un peu. Non, je parle bien d’Albert Meltzer… Il est probable qu’une fois dissipé le malentendu lié à une (toute relative) homonymie, la majorité des lectrices et lecteurs de la « Feuille » répondront alors par la négative. Il faut dire que la notoriété de cet homme remarquable est dissimulée par trois éléments pénalisants : c’est un militant (et non un artiste ou un savant), il est d’origine anglaise (Trafalgar ?), et, sur l’échiquier politique, il se situe plutôt du côté des anarchistes (ce qui, dans la bouche d’un Manuel Valls moyen est carrément une insulte). Il s’agit pourtant d’une personnalité, d’un porte-flambeau, comme l’ont noté plusieurs de ses biographes, des idées libertaires outre-Manche. Il est grand temps que, dans ce monde soi-disant globalisé, on s’intéresse à toutes les personnes, quelle que soit leur nationalité, en particulier à toutes celles (et tous ceux) qui ont combattu pour qu’advienne un jour un monde meilleur. L’espoir est encore l’une des armes qui restent à notre disposition.

    Comme l’indique notre bible à nous autres chroniqueurs (Wikipédia bien sûr), Albert Meltzer est né le 7 janvier 1920, à Tottenham (agglomération de Londres) dans une famille de juifs et de protestants irlandais. Il découvre l’anarchisme non pas dans les livres ou à travers les luttes syndicales, mais en pratiquant son sport favori, la boxe ! Cette activité est très courante dans les milieux populaires anglais. Entre deux passages sur le ring, les échanges vont bon train et Albert est intéressé par les propos tenus par l’un de ses compagnons, un jeune marin de Glasgow, Billy Campbell. Il participe à sa première réunion d’information sur l’anarchisme en 1935 et se fait remarquer en s’opposant aux propos tenus par une oratrice célèbre du mouvement, Emma Goldman, à propos de la boxe. Leur désaccord sur ce sujet, mineur semble-t-il, ne l’empêche pas de rejoindre très rapidement la principale organisation anarchiste londonienne du moment : le « Freedom Group ». Un an plus tard, en juillet 1936, débute la révolution espagnole et l’événement résonne comme un coup de cymbale au sein de la Gauche européenne. Albert Meltzer, comme beaucoup de jeunes de sa génération, s’enthousiasme pour cette lutte porteuse de tant d’espoirs, et s’engage de façon active dans le soutien aux camarades espagnols en lutte. L’action le motive plus que les grandes idées et il se bat aux côtés d’Emma Goldman pour collecter argent et vêtements destinés aux Républicains. Il est responsable (entre autres) de l’incendie d’un stand à la gloire de Franco dans une exhibition d’extrême-droite. L’échec de la Révolution espagnole va l’affecter profondément. Des réfugiés affluent en Grande Bretagne et il faut les accueillir et les aider. Meltzer dénonce les conditions dans lesquelles la France traite ces réfugiés… Les militants de la CNT en exil constituent le mouvement Solidarité Internationale Antifasciste (SIA). Pour les soutenir, ils comptent sur l’action d’Emma Goldman, mais celle-ci a quitté la Grande Bretagne pour le Canada. Elle n’est plus toute jeune et sa santé décline. Malgré l’aide d’autres personnalités (la romancière Ethel Manin, notamment, pour laquelle Meltzer éprouve beaucoup d’estime), le mouvement de solidarité s’épuise et tourne court. Les ouvriers anglais ont d’autres préoccupations.

  • The Value of Not Understanding Everything: Grace Paley’s Advice to Aspiring Writers | Brain Pickings

    https://www.brainpickings.org/2015/06/29/grace-paley-advice-to-writers

    “As a person she is tolerant and easygoing, as a user of words, merciless,” the editors of The Paris Review wrote in the introduction to their 1992 interview with poet, short story writer, educator, and activist Grace Paley (December 11, 1922–August 22, 2007). Although Paley herself never graduated from college, she went on to become one of the most beloved and influential teachers of writing — both formally, through her professorships at Sarah Lawrence, Columbia, Syracuse University, and City College of New York, and informally, through her insightful lectures, interviews, essays, and reviews. The best of those are collected in Just As I Thought (public library) — a magnificent anthology of Paley’s nonfiction, which cumulatively presents a sort of oblique autobiography of the celebrated writer.

  • Ni patrie ni frontières n° 3 (mars 2003) en PDF : Que faire contre les guerres ? - mondialisme.org
    http://www.mondialisme.org/spip.php?article2333

    GUERRE, PATRIOTISME ET PACIFISME-

    E. Goldman : Le patriotisme, une menace contre la liberté (1911) (inédit) . P. Kropotkine : La guerre (1912). Extraits de La science moderne et l’anarchie. E. Goldman : L’alerte préventive conduit tout droit au massacre universel (1915) (inédit). E. Malatesta : Réponse au Manifeste des 16 (1916) L. Trotsky : Le pacifisme, supplétif de l’impérialisme (1917) L. Prouvost : Révolutionnaires et quakers devant la guerre (1924) L. Trotsky : La guerre et la Quatrième Internationale (1934) (extraits) B. De Light : Le problème de la guerre civile (1937) L. Trotsky : Après Munich une leçon toute fraîche. Sur le caractère de la guerre prochaine (1938) (extraits). Réponse à des questions concernant les Etats-Unis (1940) (extraits) —Manifeste de la Quatrième Internationale sur la guerre impérialiste et la révolution socialiste mondiale (1940) (extraits)

    DEUXIEME PARTIE : GUERRES DU GOLFE, IMPERIALISME ET PACIFISME

    R. Evans : Irak, trajectoire d’un État – FIDH : extraits de deux rapports. « Irak : une répression intolérable, oubliée et impunie » (2001) (88) et « Irak : une épuration ethnique continue et silencieuse »(2002) F. Sacher : Contre la guerre (2003) Article paru dans A contre courant N° 3, février 2003 FA : Irak, pétrole et géopolitique (2002) No pasaran : Guerre à la guerre (2001)
    Tracts contre la guerre : Mouvement communiste, Oiseau-Tempête, BIPR, CNT-FA-No pasaran, Scalp-Reflex

    Débats : alliances et divergences au sein du « mouvement antiguerre »
    A. Sofri : A Bagdad, le liberté (février 2003) Y.C. : Un bain de haine chauvine (février 2003) G. Fargette : Faiblesse des forces « antiguerre ».(2001) — Misère de l’antiguerre en Europe (2002) (123) — Débats stratégiques aux États-Unis (2002) — Faut-il confondre « choc » et « conflit » ? (2003)

    C. Foster : Treize questions sur le terrorisme, l’intégrisme et l’anti-impérialisme (octobre 2001). Y. C. : A propos des discours automatiques contre la guerre et l’impérialisme. Certitudes et questions (février 2003) E. Halberkern : Les causes profondes de l’ « affaire Lerner » (mars 2003) E. Krebbers et J. Tas : Amsterdam, avril 2002. La plus grande manifestation antisémite depuis 1945 ; Comment éviter quelques pièges antisémites.

    Chedid Khairy : Un titre et une illustration problématiques (février 2003) - Sacha Ismail : Qu’est-ce que la Muslim Association of Britain ? . Temps critiques : La guerre n’est plus le moteur de l’histoire (mars 2003). Solidarity : Soutenons les peuples d’Irak (février 2003) C. Bradley : Les travailleurs irakiens peuvent-ils changer le régime ? — Comment Saddam est parvenu au pouvoir (février 2003) Answer : Liste partielle des interventions de l’armée américaine à l’intérieur comme à l’extérieur des États-Unis de 1890 à 1999

    Ce numéro de Ni patrie ni frontières porte entièrement sur les guerres et leurs liens avec le fonctionnement du capitalisme et de l’impérialisme. Il rassemble des articles traduits et publiés pour la première fois, des extraits de textes révolutionnaires classiques déjà parus , des écrits de pacifistes radicaux, des tracts diffusés par différents groupes lors des récentes manifestations anti-guerre, etc. L’hétérogénéité de ce bulletin est évidemment délibérée et couvre presque un siècle du mouvement ouvrier, de 1911 jusqu’en 2003.

    Cette petite « anthologie » vise à passer en revue les différents arguments utilisés contre la guerre, voire en faveur de certaines guerres. Si ce numéro contient d’inévitables répétitions, il permet quand même au lecteur attentif de cerner certains des problèmes moraux et politiques posés la guerre, mais aussi de repérer les principales divergences qui séparent anarchistes, marxistes et pacifistes.

    Comme le dit l’un des auteurs, les militants révolutionnaires ne sont pas des avocats qui puisent dans n’importe quel argument pour faire triompher leur cause. Notre opposition à la guerre actuelle contre l’Irak doit être fondée sur des principes politiques solides.

    Cette minuscule revue a fait le pari (utopique ?) de stimuler l’esprit critique et de remettre en cause les « discours automatiques » de l’extrême gauche. Puisse la lecture de ce numéro donner envie au lecteur de combler ses lacunes, de remettre en cause ses a priori et… renforcer sa détermination à lutter pour la révolution socialiste !

    P.S. : La confection de ce numéro aurait été impossible sans l’aide d’Internet et surtout sans le travail des animateurs des sites : Alliance for Workers Liberty, Bibliolib (libertaire), BIPR, CNT, De Fabel van de illegaal, Fédération anarchiste, FIDH, Marxist Internet Archive, No Pasaran, Oiseau-Tempête qui mettent un nombre considérable de textes à la disposition de tous… ceux qui disposent d’un ordinateur. Qu’ils en soient donc chaleureusement remerciés, même s’ils ne partagent pas mes positions politiques et s’ils n’ont aucune responsabilité dans l’utilisation que je peux faire des textes disponibles sur leurs sites.

    Je tiens à remercier aussi Guy Fargette, Ernest Harberkern, Eric Krebbers, Chedid Khairy, Fabrice Sacher et Jan Tas, pour m’avoir permis de reproduire leurs textes, ainsi que tous ceux qui, par leurs critiques orales ou écrites, m’ont aidé à préciser mon point de vue. (Y.C.)

    Guerre, patriotisme et pacifisme

    Cette première partie de Ni patrie ni frontières rassemble des textes classiques écrits entre 1911 et 1940. Ceux-ci illustrent différents points de vue révolutionnaires — ou pas — sur le patriotisme, la guerre et le pacifisme.

    Emma Goldman ne s’est pas contentée d’écrire, elle a milité pendant toute la Première Guerre mondiale contre la guerre et pour la révolution, ce qui lui a valu de passer de nombreux mois en prison et finalement d’être expulsée vers l’URSS (avant de quitter à son tour ce pays, deux ans plus tard, mais ceci est une autre histoire).

    Le premier texte de Trotsky sur le pacifisme démonte avec férocité cette idéologie et ses ambiguïtés.

    Barthélemy de Vigt, militant pacifiste libertaire, montre (involontairement) comment le pacifisme radical tente de concilier l’inconciliable. Il faut souligner que cet homme a payé très cher sa fidélité à ses idées et pour cela, même si l’on ne partage pas ses positions, mérite au moins le respect. Trop souvent, les critiques du pacifisme oublient la détermination et le courage de ceux qui veulent atteindre le même but qu’eux mais avec des moyens différents.

    Dans ses différents textes écrits en 1934, 1938 et 1940 (1), Trotsky tente, face à la Seconde Guerre mondiale qui approche, de définir une stratégie révolutionnaire. Ceux qui liront ces quatre textes pour la première fois seront peut-être étonnés de découvrir ce que l’ex-dirigeant de l’Armée rouge pensait de l’invasion de la Tchécoslovaquie en 1938 ou de l’entrée en guerre des Etats-Unis en 1940. Précisons que plusieurs dizaines de militants du SWP (groupe trotskyste américain) passèrent la guerre sous les verrous pour avoir défendu courageusement leurs idées.

    Depuis cinquante ans, les massacres, les guerres civiles, les conflits directs et indirects entre les impérialismes russe et américain, etc., n’ont cessé d’ensanglanter la planète, épargnant seulement le territoire des Etats-Unis et une partie de l’Europe. Même si ces textes sont datés, ils ont le grand mérite de rappeler certains principes et de montrer que les problèmes complexes que nous affrontons aujourd’hui se sont déjà posés dans le passé.

    (1) Les passages consacrés à l’URSS (et à la défense de cet « Etat ouvrier dégénéré » selon Trotsky) ont été supprimés dans les extraits choisis, parce que l’Union soviétique a disparu. Il m’a semblé que les analyses de Trotsky sur l’impérialisme, les guerres, le pacifisme, la défense nationale, etc., gardent toujours leur pugnacité, quand ce n’est pas leur lucidité. Elles permettent également de comprendre les positions des groupes qui se réclament de son héritage aujourd’hui — l’original valant toujours mieux que la copie. Que les mânes de Lev Davidovitch Bronstein me pardonnent…

    ***

    Guerres du Golfe, Impérialisme et anti-impérialisme

    Les textes qui suivent rassemblent des points de vue révolutionnaires assez convergents sur certains points essentiels (l’opposition à l’intervention américaine) mais présentent aussi des divergences importantes. Nous avons également inclus, pour commencer, quelques extraits de deux rapports de la Fédération internationale des droits de l’homme rédigés en 2001 et 2002 à partir de témoignages recueillis parmi des réfugiés, politiques ou non, en Jordanie, en Syrie, etc. Il faut savoir que l’Irak compte actuellement 23 millions d’habitants et qu’au moins TROIS MILLIONS ont fui leur pays. Lorsque l’on parle de dictature en Irak, ce mot passe-partout n’a pour beaucoup pas grand sens. De l’extrême gauche tiers-mondiste aux chevènementistes qui admirent le grand républicain laïc que serait Saddam Hussein, en passant par certains pacifistes et les tiers-mondains du Monde diplomatique, on trouve beaucoup d’hypocrites ou d’ignorants.

    La description concrète des tortures, exécutions, assassinats et déportations de masse, etc., pratiquées par le régime irakien depuis plus de trente ans avec le soutien actif des Giscard, Mitterrand et Chirac, avec la complicité de tous les grands partis de gauche et de droite, devrait faire réfléchir un peu tous ces anti-impérialistes de pacotille qui passent l’essentiel de leur temps à dénoncer « les Américains » ou Bush, et oublient allégrement les responsabilités de leur classe dominante, donc notre responsabilité (à nous militants luttant en France) dans la perpétuation du sanguinaire régime irakien et de toutes les dictatures que soutient la République impérialiste et coloniale française.

    C’est seulement en dénonçant d’abord l’impérialisme français et notre propre bourgeoisie, en se réclamant du combat de la classe ouvrière contre tous les États et toutes les bourgeoisies, que l’on peut être crédible lorsque l’on dénonce l’impérialisme américain ou le sionisme. Dans le cas contraire, on n’est qu’un chauvin déguisé ou un internationaliste du samedi soir.

    http://www.mondialisme.org/IMG/pdf/no_3_-que_faire_contre_les_guerres_.pdf