person:emmanuel adely

  • J’ai décidé de participer à la grande souscription nationale pour la reconstruction de Notre-Dame de Paris. Ne riez pas. En fait j’ai été ému par le geste de François Pinault qui a déclaré faire un chèque de cent millions d’euros. J’ai donc calculé le pourcentage que représentaient cent millions d’euros par rapport à son patrimoine et j’ai appliqué le même pourcentage par rapport à mon patrimoine : 43,10 euros.

    • De cette générosité spontanée des grands capitalistes, je vais derechef en parler à mon proprio : il aurait besoin d’un peu de cash pour faire réparer la maison qu’il nous loue : toitures, isolation, huisseries, chauffage, évacuation des eaux usées, etc ...

    • @odilon mon ironie était-elle à ce point imperceptible ?

      Quand mon ami Emmanuel Adely a sorti Je paie il y a deux ans, livre somme (pour ainsi parler) qui fait le détail de toutes ses dépenses pendant quinze ans (dit comme ça cela n’a pas l’air tout à fait passionnant, pourtant ça l’est http://desordre.net/bloc/ursula/2017/index_076.htm), il y avait à la fin de chaque année le compte annuel de toutes les dépenses, je ne sais plus quelle année, la dernière je crois, les dépenses d’Emmanuel étaient égales à 13.000 euros (souvenir approximatif), ce qui avait valu à Frédéric Beigbeder dans sa chronique du livre que cela correspondait à ce que lui dépensait en une seule soirée.

      Ce rapport proportionnel est ce que j’essaye de dire dans ce petit billet de Seenthis . Dit différemment, chaque fois que je dépense 45 euros (par exemple pour une séance de psy ou d’orthophonie pour mes enfants), Pinault, lui, aurait le loisir d’une petite dépense de cent millions d’euros.

      Et puisque le contexte est donc la reconstruction de Notre-Dame de Paris, je ne peux m’empêcher de repenser à la parabole du mendiant : une femme donne quelques pièces de bronze à un mendiant de rue, puis un homme opulent passant devant le même mendiant lâche ostensiblement une grosse pièce d’argent, comme un des apôtres le fait remarquer à Jésus comme un geste munificent, Jésus fait remarquer à cet apôtre naïf que le geste de l’homme opulent est insignifiant au regard de celui de la femme de peu de moyens.

      Pour ma part je remarque que Jésus est un peu un pur esprit si vous me passez l’expression parce que pour le mendiant la grosse pièce d’argent le dépannera plus longtemps sans doute.

    • « L’ancien ministre de la Culture Jean-Jacques Aillagon a estimé… il faut… réduction d’impôt de 90%… a ajouté le directeur général de la collection Pinault ».

      Souscriptions, collectes, fiscalité, des « mesures exceptionnelles » pour rebâtir Notre-Dame de Paris
      https://www.bfmtv.com/economie/dons-a-notre-dame-aillagon-reclame-desmesures-exceptionnelle-1674030.html

      « Il faut que l’Etat fasse rapidement voter une loi faisant de Notre-Dame un ’Trésor national’ afin que les dons versés pour sa reconstruction bénéficient de la réduction d’impôt de 90% prévue dans ce cas par la loi de 2003 sur le mécénat », a poursuivi Jean-Jacques Aillagon, auteur de cette loi. « J’aimerais que la France engage très rapidement cette restauration. C’est presque une question de dignité nationale », a ajouté le directeur général de la collection Pinault.

    • Il manque tout de même, pour être tout à fait raccord avec notre époque, le prochain Loto du Patrimoine - édition spéciale Notre Dame, afin de pouvoir participer à sa restauration, tout en ayant l’opportunité de devenir millionnaire (et d’avoir ENFIN la possibilité de bénéficier de la loi sur le mécénat).

    • La réduction d’impôt Aillagon de 90% https://twitter.com/aillagon/status/1117870663891476480

      Que l’État décrète vite Notre Dame « Trésor national » de façon à ce que les dons faits pour sa reconstruction bénéficient de la réduction d’impôt de 90% prévues par la la loi sur le mécénat dite loi Aillagon

      edit Jean-Jacques Aillagon est directeur de Pinault Collection (qui rassemble les oeuvres d’art de François Pinault),

      #impôt #réduction_d'impôt #mécénat #culture #blanchiment_de_fraude_fiscale

    • Je ne voudrais pas paraître ergoter pour quelques millions, mais si Arnault et Pinault (et d’autres) bénéficient de 90% de réductions d’impôts sur leurs dons si généreux et grassouillets, est-ce que cela ne serait pas en fait, plus rentable, de dire, merci mais non, merci, en fait payez vos impôts, on fera le reste.

      Mais j’avoue que je ne comprends pas toujours de genre de raisonnements.

      Sinon mon chèque part à la poste dès que je trouve l’adresse.

    • « Exigeons leurs impôts ! »

      Humiliante course à l’échalote entre Bernard Arnault et François Pinault, qui au lieu de payer leurs impôts en France et nous permettre de préserver nos trésors nationaux, defiscalisent à tout va pour se donner bonne conscience.

      Humiliante « souscription nationale » macrono-bernienne qui signe l’impéritie d’un modèle laissant partir en cendres huit siècles de patrimoine. Que revienne l’Etat et que cesse cet affligeant pathos. Qui a défailli et pourquoi ?

      Il y a trois bâtiments qui incarnent plus que tout la France : le Louvre, la Tour Eiffel et Notre-Dame. En est-on arrivés à un tel niveau de pillage que l’on se montre incapables de les protéger ?

      Que la rage suive les larmes. Et que cesse enfin l’impunité.
      Il y a des responsables politiques dans ce pays. Chargés de s’assurer que nos bâtiments soient protégés, que les services publics soient assurés et que les normes qu’ils adoptent soient respectées. Huit siècles d’Histoire dévastés. Qu’ils payent !

      La surenchère d’Arnault sur Pinault à 12h près n’a qu’un objectif : alimenter une querelle d’égo délirante qui se joue depuis trente ans à notre détriment, détruisant des régions entières (les Vosges se souviennent encore du dépeçage de Boussac) et affaiblissant notre État.

      Qu’il n’y ait aucun doute sur leurs intentions : rappelons comment Arnault rachetait l’hôtel particulier de Lagardère à peine son cadavre enterré pour humilier sa veuve. Ces êtres sont la prédation. Les 0,23% de fortune de don de M. Arnault n’ont rien de désintéressé.

      Rappelons qu’Arnault tentait il y a peu encore d’obtenir la nationalité belge pour moins payer d’impôts, tandis que le groupe de Pinault, était épinglé pour avoir fraudé le fisc à hauteur de milliards d’euros. De ces milliards sont nés huits siècles en fumée.

      ALors cessons d’alimenter leur égo. Rejetons ce modèle philantrophique anglosaxon, fait pour soulager leur conscience de pillards au détriment de notre bien commun. Condamnons les appels à la solidarité nationale de M. Macron. Réclamons le retour à la responsabilité.

      Par la réduction de la place de l’Etat au sein des politiques publiques, nos dirigeants ont créé un système d’impunité où toute catastrophe devient opportunité à communiquer.

      Ne soyons pas leurs prisonniers. Exigeons leurs impôts. Et rejetons leur pitié.

      Juan Branco

    • Dons pour Notre-Dame de Paris : « C’est la collectivité publique qui va prendre en charge l’essentiel du coût »
      https://www.lemonde.fr/societe/article/2019/04/16/dons-pour-notre-dame-de-paris-c-est-la-collectivite-publique-qui-va-prendre-

      (...) Les dons pour la reconstruction de la cathédrale, émanant notamment de plusieurs grandes fortunes françaises issues du secteur du luxe, devraient ouvrir droit à des réductions d’impôts de 60 %, au titre de la niche fiscale sur le mécénat. Autrement dit, « c’est la collectivité publique qui va prendre l’essentiel [des frais de reconstruction] en charge !, déplore Gilles Carrez, député Les Républicains (LR) et rapporteur spécial du programme patrimoine pour la commission des finances de l’Assemblée nationale. Sur 300 millions d’euros, 180 millions seront financés par l’Etat, au titre du budget 2020 ». (...)

      Or, pour les entreprises, la niche mécénat offre 60 % de réduction sur l’impôt sur les sociétés (et 66 % de réduction d’impôt sur le revenu pour les particuliers), plafonné à 0,5 % du chiffre d’affaires, avec la possibilité de bénéficier d’un échelonnement de l’avantage fiscal sur cinq ans. M. Carrez souligne ainsi :
      « Là, on n’a pas le choix, on peut s’en réjouir. Mais dès lors que cet argent viendra en déduction des impôts [qu’auraient dû payer les donateurs], ce sont des sommes qu’il va falloir trouver. C’est tout le problème de ce genre de dispositif : ça peut poser un problème budgétaire. »

      Cette niche fiscale sur le mécénat d’entreprise est régulièrement décriée. Stratégique pour les secteurs concernés (musées, expositions, patrimoine) elle coûte plus de 900 millions d’euros à l’Etat. Dans un rapport publié à l’automne, la Cour des comptes avait appelé à « mieux encadrer » le mécénat d’entreprise, multiplié par dix en quinze ans. Dans un rapport de 2015, l’Inspection générale des finances avait souligné que la France était la seule à proposer une réduction d’impôt, et pas une déduction de l’assiette imposable. M. Carrez, auteur d’un rapport sur le sujet fin 2017, avait plaidé pour son amoindrissement à l’automne dernier, lorsque Bercy cherchait – déjà – des marges de manœuvre budgétaire. « Nous avons eu l’accord du gouvernement pour faire des propositions dans le cadre du budget 2020, afin de rendre cette niche plus efficace », rappelle M. Carrez.
      « Emotion n’est pas raison »
      Alors que les niches fiscales sont dans le viseur du gouvernement, qui aurait dû annoncer ses mesures fiscales de sortie du grand débat lundi 15 avril au soir, le débat a donc rebondi à la faveur de l’incendie de Notre-Dame. (...)

      « Nous allons voir avec le gouvernement quel dispositif spécifique nous mettons en œuvre, mais bien évidemment, l’Etat sera là auprès de tous nos compatriotes pour reconstruire » et il « assumera ses responsabilités », a assuré l’actuel ministre Franck Riester, sur France Inter mardi. « Ne peuvent être décrétés “trésor national” que les biens risquant de quitter la France », expliquait-on mardi matin au ministère de la culture. « A priori, les Français n’ont pas besoin de déduction fiscale pour donner pour Notre-Dame. Même les plus riches ! », s’agaçait-on à Bercy.
      Le sujet devait être évoqué mardi en fin de matinée à l’occasion d’une réunion interministérielle à Matignon, avec notamment les ministres Franck Riester (culture) et Gérald Darmanin (comptes publics), destinée à préparer un « plan de reconstruction » de Notre-Dame de Paris.

      #niche_fiscale

    • @odilon ça vaut le coup de citer le tweet du Monde auquel se réfère Laurent Chemla :

      Dons pour #NotreDame : sur les 600 millions d’euros qui émanent des grandes fortunes, c’est 360 millions d’euros qui viendront du budget 2020 de l’Etat. Ce qui peut finir par causer quelques ennuis budgétaires

      L’article
      (edit : évidemment déjà signalé par colporteur j’avais pas vu) :

      Dons pour Notre-Dame de Paris : « C’est la collectivité publique qui va prendre en charge l’essentiel du coût »

      https://www.lemonde.fr/societe/article/2019/04/16/dons-pour-notre-dame-de-paris-c-est-la-collectivite-publique-qui-va-prendre-

      le chapeau :

      Dans l’opposition comme dans la majorité, des voix s’élèvent pour dénoncer la réduction d’impôts dont devraient bénéficier les donateurs pour la reconstruction de la cathédrale.

      Comme quoi finalement la fièvre du samedi après-midi...

    • fin de l’article du Monde :

      « Les ministres travaillent à des propositions pour arrêter le régime fiscal qui sera appliqué aux dons. C’est le président qui tranchera », se contentait-on d’indiquer, à l’issue, au cabinet de Gérald Darmanin.

      le président … et le parlement dont c’est (juste) un peu l’une des missions de déterminer l’impôt.

  • J’accroche non sans mal
    Une exposition de mes Commuters
    A Château-Chinon

    Dans la région, mes parents ont acquis un bien
    Une ferme et beaucoup de terrain
    D’énormes taureaux fécondent des vaches-yacks

    Je me marre bien avec Zoé ce matin
    Petit-déjeuner en tête-à-tête
    On reprend des répliques de Camille redouble

    Je la dépose au collège
    En chemin, elle imite l’écureuil surpris
    Et François Hollande : « c’est un problème ! »

    Elle fabrique de la philosophie
    De comptoir avec des paroles d’OrelSan
    Zoé, le théâtre, c’est demain !

    La fluidité de la circulation ce matin
    N’a d’égale que la fluidité
    De ma bonne humeur ce matin. Zoé !

    Je travaille à donner une forme
    Au rêve de cette nuit
    Il faudrait mieux décrire les taureaux

    J’écris à Gilles (Coronado)
    Qu’il vient de me donner une idée
    Il va craindre le harcèlement, à force

    J’écris au SIRPA
    Pour leur demander
    Des clichés du soldat De Jonckheere

    J’écris un mail incompréhensible
    À Emmanuel Adely
    Qui comprend parfaitement ma demande

    J’emporte avec moi au café
    La fin de Frôlé par un V1
    Ou n’est-ce que le début ?

    Rarement un de mes textes
    Se sera pareillement transformé
    Au gré du hasard, des hasards

    Et les personnages
    De s’incarner
    Et de devenir des amis

    Réunion de travail
    Avec des développeurs stagiaires
    Cette jeunesse intelligente !

    Pendant que je travaille
    À Frôlé par un V1
    Zoé cuisine un dal !

    Je travaille
    Zoé cuisine un dal d’enfer
    Nous écoutons les Caroline !

    Le dal de Zoé déchire
    Elle n’a pas molli sur les épices
    Elle est fière d’elle, elle peut !

    http://www.desordre.net/musique/wyatt.mp3

    Je change un peu la musique
    Pascal Comelade avec Robert Wyatt
    « J’aime bien » dit Zoé

    Nous partons
    Pour aller écouter et voir
    Jean-Luc Guionnet et Lotus Edde-Khouri

    Ces deux-là
    Ces deux-là côte-à-côte
    Ces deux-là côte-à-côte en symbiose

    Ce qui dure dans ce qui dure
    Jean-Luc nous emmène partout
    Lotus nous surprend. Qui-vive permanent

    Zoé lutte un peu sur la fin
    Elle est malade en fait. Angine
    « C’était super », dit-elle. Fier. Tellement

    Zoé cuisine un dal
    Zoé aime bien Pascal Comelade avec Robert Wyatt
    Zoé trouve super ce qui dure dans ce qui dure

    Premier soir solo avec Zoé
    Et c’est le soir
    Où elle devient grande, pour toujours

    On fait trois fois le tour
    Du quartier pour sa garer
    Avant de remarquer la place en face. Rires

    « Au dodo ! » dis-je, en riant
    Une dernière fois
    À une Zoé devenue grande

    #mon_oiseau_bleu

  • Dans mes rêves je rencontre Mac Cartney
    Et je collabore avec Frank Zappa, et
    Au rugby je gifle un gamin que je finis par adopter

    Voilà
    Mes
    Rêves !

    Me levant un peu plus tôt
    Je découvre que les pépiements matinaux
    Sont le fait d’une colonie de rouges-queues

    Je n’ai plus mal au dos
    Les vacances de juillet
    Peuvent commencer le 31

    C’est de plus en plus souvent
    Que je me touche
    Et que cela ne donne rien

    Ce matin le Mont-Lozère
    Me regarde, il n’est pas sévère
    Je crois qu’il s’est habitué à moi

    La margelle est d’autant plus belle
    Ce matin que j’ai repeint sa porte la veille
    Un été réussi. Sans elle. Seul

    J’avale
    Mes médicaments
    Avec une rasade de café

    Et je retourne
    À ma peinture
    Encore deux couches !

    Daniel qui revient de Villefort
    Au travers des vitres de sa voiture
    Un peu de musique : Morton Feldman

    Filet de truite en papillote
    Salade de tomates, mozzarelle
    Yaourts, confiture (ratée) de mûres

    Message d’Emmanuel Adely
    Amusant forcément (Emmanuel)
    Mais la rencontre cévenole reportée

    Il est question d’un jambon du Rosiers
    D’ubacs éternels en hiver, quand je l’ai rencontré
    J’étais tellement amoureux d’elle !

    Les chantiers que j’achève ici
    Découvrent lentement
    Ceux qui m’attendent à Fontenay

    Je sors
    La truite
    Du four

    Trois petites filles courent dans le hameau
    Mille aventures, leurs paroles sont celles
    De mes enfants au même âge

    Leurs paroles, leurs aventures
    Je les ai également vécues
    Il y a longtemps avec mon frère

    Sur le petit chemin qui longe la rivière
    Je parle d’elle avec Daniel
    Comme je suis démuni ! Amputé

    Au bord de l’eau, Daniel m’encourage
    À une reconversion professionnelle :
    Psychanalyste. Si seulement

    Une sieste sans rêve
    Est-ce encore une sieste ?
    Tout au plus un coma subit

    Je me fais du souci
    Pour le retour à la ville
    Je ne supporte plus le bruit

    Je ne supporte plus le bruit
    À Villefort, en Lozère
    Le département le moins peuplé

    Réouverture partielle de certains guichets
    Les préoccupations de la ville
    Font un retour prématuré

    Retour sans paroles
    Lacets de nuit
    Un blaireau !

    Nuit cévenole
    Immuable :
    Moustiques sur l’écran

    Elle
    Me
    Manque

    Elles
    Me
    Manquent ?

    Non, elle me manque
    C’est bien elle qui me manque
    Elle que je ne peux plus aimer

    Se promettre le soir
    De noter ses rêves le matin
    La promesse de ne pas en avoir peur

    Relire, avant de se coucher
    Le récit du rêve de la veille
    N’est-ce pas, un peu, compliquer ?

    #mon_oiseau_bleu

  • http://www.desordre.net/bloc/ursula/2017/images/sophie/sons/the_world_aint_square_001.mp3

    J– 27 : Levé du bon pied. Je bricole une page secrète pour A.. J’emmène Adèle au stade où je la dépose. On se marre bien en route. Elle se fout gentiment de ma poire, elle est drôle, c’est un excellente remède. Un remède contre quoi ? Une diversion, dirons-nous. Je repasse prendre Nathan à la maison. Je l’emmène chez son psychologue, nous discutons un moment dans le jardin, qui fait office de salle d’attente, à propos de ce qui semble tout de même être du vague à l’âme chez Nathan, en ce moment, il ne parle pas beaucoup, le psychologue m’indique que Nathan ne parle pas beaucoup en séance non plus, nous évoquons la piste de déceptions récentes pour Nathan. La séance démarre, je bouquine dans le jardin, il fait frais, je ne pense décidément pas grand-chose d’Hors du charnier natal de Claro. Que j’achève malgré tout. Lorsque le psychologue ressort de sa cabane, d’un acquiescement il me signifie que nous avions vu juste, Nathan a l’air de bonne humeur, presque apaisé. Dans la voiture nous évoquons le programme de cet après-midi, j’ai notamment promis à Nathan que nous ferions des financiers dont il a rapporté une recette de son établissement. Je pars chercher Adèle au collège. J’y croise mon amie Caroline qui me présente deux parents d’une enfant pour laquelle il est question d’une orientation en Unité Locale d’Inclusion Scolaire, nous discutons sans réserve, je suis toujours frappé par les réflexes de solidarité entre parents d’enfants handicapés, c’est comme si toutes les différences d’opinion sur d’autres sujets tombaient d’un coup, je crois même que je pourrais avoir une relation d’amitié avec un couple d’électeurs de droite si par ailleurs ils étaient les parents d’un enfant handicapé. De retour à la maison, je cuisine des darnes de saumon au citron et au piment, concert de soupirs d’aise de la part des enfants. Je monte faire une sieste, lorsque je me réveille d’un somme d’un petit quart d’heure particulièrement réparateur, je reçois quelques messages tendres. Je me fais un café, je répare le vélo d’Adèle, je fais un peu de jardinage avec Nathan dont l’attention au détail dans ce domaine me surprend toujours autant. Puis nous lançons les financiers, Nathan est un peu tendu mais je parviens à bien le canaliser. Je passe un long coup de téléphone à Isa, je lui parle d’A. pour la première fois. Profonde conversation, comme souvent avec Isa. Nous recevons la visite surprise de Marie et Laurent dont c’est l’anniversaire. Laurent me dit son émotion de recevoir tous les premiers avril un coup de téléphone de Madeleine, de son ancienne élève de CM1. Nous prenons le thé, je raconte à Marie et Laurent que le dimanche dernier j’ai fait la rencontre d’Emmanuel Adely au salon du livre et qu’il vit tout près de Monsuéjouls, où séjournent souvent Laurent et Marie. Je fais quelques parties d’échecs rapides avec Nathan, qui redevient ce chouette garçon dans l’échange, ses soucis du moment un peu derrière lui, apparemment. J’ai une longue conversation avec Clémence au téléphone, elle me fait même pleurer en évoquant un de nos meilleurs souvenirs sans doute, je la traite de morue, cela la fait bien rire. Je prépare un petit dîner avec Nathan et Adèle puis ressors prendre un verre en terrasse avec A. Le soir j’écoute l’infernal quartet de 4walls avec Phil Minton qui chante l’hymne des anarchistes, c’est à pleurer tellement c’est beau. What a day !

    #qui_ca

  • J – 35 : Présenté souvent comme un pensum, notamment pour les auteurs, singulièrement ceux en dédicace, le Salon du livre est certes une expérience fatigante mais il est aussi l’occasion de rencontrer ses petits copains d’écurie et c’est un plaisir insigne de faire la connaissance d’André Markowicz et de pouvoir lui dire sa gratitude pour ce qui est de pouvoir lire Dostoïevski, ou encore de le complimenter pour ses très beaux Partages . André aura été un excellent professeur pour ce qui est d’engager la conversation avec les lecteurs, lui sait faire cela comme personne apparemment. J’aurais tenté, sans grand succès, de reproduire de telles recettes dimanche mais cela n’aura pas produit les résultats attendus si ce n’est celui de faire rire mes camarades d’ Inculte . Parmi lesquels, Emmanuel Adely auquel j’aurais pu dire tout le bien de ce que je pensais de son dernier livre, Je paie et nous aurons pu également échanger à propos de la confluence entre le Tarn (très froid) et la Jonte (glaciale) en pays presque.

    Sinon cela donne un peu le vertige tout de même d’être assis à une table, à peine garanti par le faible bouclier d’une petite pile de ses livres, et de voir passer, l’après-midi durant, des personnes, des centaines de personnes, des milliers de personnes, dont très peu, vraiment très peu, une poignée, à peine plus d’une poignée, hésitent un peu et puis soulèvent un des livres de la pile, puis le repose comme un objet brûlant une fois qu’ils ont identifié que la personne photographiée en macaron en quatrième de couverture et le gros type assis derrière la pile de livres, et bien ce sont la même personne. De temps en temps au contraire ce sont des personnes déterminées comme mues par une timidité dont les digues ont lâché d’un coup et qui vous racontent en phrases empressées à quel point votre livre et leurs existences se superposent, que c’en est troublant, alors vous proposez gentiment, sans ironie excessive, vous aussi vous avez tué votre compagne et vos enfants ?

    Entre deux livres signés, vous envoyez quelques messages écrits et brefs par téléphone de poche, les réponses de votre correspondante de cœur vous amusent fort, bien au-delà sans doute de la bonne humeur qui est attendue de vous contractuellement.

    Puis vous retournez au charbon, il fait une chaleur moite, un bruit de fond qui par moments monte, monte et monte encore, tout pourrait normalement vous comprimer le crâne, c’est sans compter le récit déjanté qu’Emmanuel Adely fait d’un récent atelier d’écriture qu’il a animé sur les hauts versants alpins et qui tient en lui les ferments d’un roman parfaitement contemporain.

    En sortant du salon, vous échangez vos numéros de téléphones de poche, c’est au-delà du cordial, fraternel presque, il vous promet de lire la chronique que vous avez écrite à propos de Je paie et que vous lui avez remise imprimée. Douze stations plus loin vous recevez un message amical, il est touché par votre chronique, on se promet de se voir dans les Cévennes. Entretemps, vous avez repris une toute autre conversation textuelle avec votre correspondante de cœur, un peu plus, leurs noms de famille celui d’Emmanuel et de votre correspondant de cœur se ressemblant, Emmanuel a manqué de recevoir un message qui l’aurait sans doute laissé perplexe.

    La vie sur le nuage numéro neuf.

    #qui_ca

    • #salon_du_livre donc. Mon souvenir du salon, c’est que j’y trainais mes guêtres il y a... 30 ans, allez, pendant trois ou quatre ans, pour décrocher des tafs misérables avec des éditeurs requins dont le principal objectif était d’essorer vivant tout ce qui de près ou de loin ressemblait à un graphiste ou un cartographe indépendant (dans ce contexte, c’est assez marrant de se définir comme « indépendant » alors qu’on est en fait « esclave » de ce système d’externalisation). J’acceptais parce que je n’avais pas le choix. Mais bon, grâce à tous les Dieux de Norvège et de Gaule, après, je n’ai plus eu besoin de m’allonger.

      Cette expérience a laissé une forte empreinte en moi et même aujourd’hui, s’il m’arrive de parcourir les travées d’un salon de livres, n’importe où, je ne peux m’empêcher d’avoir des nausées ou de me boucher le nez en passant devant les stands de certains éditeurs : par Exemple Max Milo éditeurs, ou Autrement de l’époque Henri Dougier mais ça doit pas avoir beaucoup changé depuis, certainement les plus grosses crapules éditoriales françaises. J’ai toujours en encadré le chéque de 1,46 euros pour les droits d’auteur de mon atlas de l’eau vendu à 15 000 exemplaire :)

    • J’ai corrigé depuis 4 minutes, le vrai chiffre est 15 000, d’où la crapulerie (sinon oui, c’était logique). Bonjour le lapsus :)

      Et oui, nous sommes en train de tout mettre en ligne, mais comme on est pas beaucoup, ça prend du temps ...

    • Je ne vais plus dans les salons du livre, je trouve ça déprimant. Voir tou·tes ces aut·eurs·rices faire de la figuration pour que leurs bouquins soient vendus, un peu comme si c’était des patates m’afflige. En fait, non parce que les marchés où on vend des patates sont bien plus joyeux et vivants, et d’ailleurs je m’y rend avec plaisir.

  • J – 143 : Je ne sais pas vous, mais cela fait des années qu’il m’arrive de mettre de côté un ticket de caisse ou l’autre, tant, chaque fois, à la relecture du dit ticket, je suis pris d’un peu de vertige à la liste de mes dépenses quand je fais les courses par exemple, mais aussi à tout le texte qui entoure, décore même, le ticket en question, le fait que je sois servi par une personne dont le prénom est indiqué, ce qui chaque fois me fait penser que ce n’est pas très respectueux de la personne en question, l’identifier par son prénom, elle qui ne pourrait jamais m’appeler par le mien et qui n’oserait pas le faire si elle le connaissait, par exemple en l’apprenant de la lecture de mon nom sur ma carte de crédit, ou encore que c’est par le prénom de cette personne, celui qui lui a été donné par ses parents dans ce qui reste un acte d’amour, que ce soit par ce prénom que l’on puisse remonter à elle pour toute réclamation, même polie et je me doute bien que l’employeur peut également tenir une manière de comptabilité de ces réclamations, ou encore que le ticket regorge de formules de politesse qui ne sont effectivement pas pensées, Bonjour !, Merci ! À bientôt ! Bon retour ! Et que naturellement tout ceci est enrobé par les formules de marketing et de slogans publicitaires de la société auprès de laquelle j’ai donc engagé des frais : et vos envies prennent vie, tous les jours sauvons la terre avec la banque d’un monde qui change. Et cela fait des années que je finis toujours pas jeter ces tickets amassés, certains même annotés ou à moitié triés, jamais sans une pensée pour Robert Heinecken pour lequel je triais des pages et des pages de magazine, et certaines fois en les faisant passer au-dessus d’une table lumineuse pour voir si des fois la superposition du recto et du verso ne donnait pas une forme tierce qu’ensuite je devais soumettre à sa considération, et alors après une quinte de toux, soit un désaccord, le plus souvent, soit un accord et le lendemain j’aurais à produire quelques tirages de lecture sur du Cibachrome . Oui, on doit pouvoir faire feu de tout bois, sauf que des fois cela demande un talent que je n’ai pas. Et pour ce qui est des tickets de caisse je continue de me dire qu’il faudrait quand même qu’un jour je trouve autre chose à en faire que ce que j’avais commencé à en faire, des boulettes que je scannais, mais j’ai vite été lassé. J’en concevrais une certaine gêne, de la honte presque, les tickets de caisse sont dans la tombe et me regardent et me demandent qu’as-tu fait de ton talent ? Pas grand-chose.

    Je suis désormais libéré des accusations tentaculaires des tickets de caisse qui lorsqu’ils rejoignent la corbeille me lancent ce regard accusateur que je n’aime pas du tout. Et j’en suis sauvé par un écrivain, Emmanuel Adely qui lui a su. Et a su de très belle manière.

    Dans Je paie , Emmanuel Adely reprend dans un invraisemblable détail l’intitulé in extenso de tous ses tickets de caisse sur les dix dernières années, et il ne fait presque que cela. Et vous avez déjà compris que tout est dans ce presque. Presque c’est-à-dire qu’il nous dit que certaines dépenses par exemple sont pour solal dont on comprend que c’est son fils, que les croquettes sont pour un animal domestique du nom de bartelby, de même certaines dépenses automatiques, prélèvements sont dûment répertoriés, et d’autres plus anecdotiques, telle danse dans un club gay au Québec, finissent par tisser un autoportrait assez curieux dans lequel tout est absolument avéré, je dépense tant pour un recommandé au Juge des tutelles pour ma mère, je paie les droits d’inscription de mon fils à tel concours d’entrée, mais dans lequel il est assez difficile de se faire une idée de la personne qui écrit toutes ces lignes de comptabilité, ce qui n’est pas sans rappeler Autoportrait d’Édouard Levé, ainsi la personne ici représentée n’est pas fondamentalement différente de telle ou telle autre, n’était-ce une inexplicable inclination pour le Freixenet et parfois un certain laisser-aller pour ce qu’il importerait qu’une alimentation pour un jeune homme, solal, soit autrement plus équilibrée et pas essentiellement constituée par des repas à réchauffer, l’homme aime bien les ravioles aussi, après tout, pour ma part, je goûte beaucoup les gnocchis, un homme que l’on sait partagé entre deux maisons, peut-être même deux sexualités, mais la comptabilité des tickets de caisse et l’enquête à laquelle le lecteur est astreint ne permet cependant pas d’aller jusque dans la description des sentiments. Ce serait déjà très fort en soi.

    Mais, en plus, à partir de la vingtième page de ce livre qui en compte sept cents, quelques ajouts d’abord très brefs, puis de plus en plus développés, l’évolution de l’écriture à l’intérieur du projet vieux de dix ans n’est pas la moindre des qualités de ce livre, des extraits de l’actualité du jour précèdent la liste des dépenses, ces extraits étant écrits d’une façon assez détachée, quelques traces d’ironie l’émaillent, mais le ton est journalistique, à la limite du copié collé si ce n’est de la transcription d’une annonce radiophonique ou télévisuelle.

    Très étonnant éclairage que celui, par exemple, des montants des sommes en jeu dans les actualités, notamment au moment du krach boursier de l’automne 2008, en comparaison ensuite du détail des dépenses d’un quidam pas spécialement argenté. Ou encore décalage absolu entre les dépenses de tous les jours et le détail par le menu, jour après jour de la progression de la catastrophe nucléaire de Fukushima, la vie continue, il faut bien, deux nouvelles bouteilles de Freixenet et quelques légumes pour les jours suivants, du riz même, pendant que celui de la région de Fukushima est irradié, les autorités ne peuvent plus le nier.

    Toutes les nouvelles qui sont donc mentionnées dans cet éclairage nous les avons lues, la plupart nous reviennent en mémoire, d’autres nous surprennent pour leur date, comme les signes avant-coureurs de cette fameuse crise boursière que personne ne pouvait prévoir mais que tout le monde avait sous les yeux, ou encore de constater qu’en 2005 et 2006 on se noyait déjà beaucoup en Méditérannée, n’en déplaise à Maryline Baumard, on ne l’apprend pas de son seul reportage interactif, je m’excuse, je ne peux pas m’en empêcher, de même que l’économie mondiale ne semble pas non plus aller vers un meilleur dix ans plus tard, c’est dans la lecture panoptique de ces dix dernières années que l’on réalise à quel point nous sommes sous l’avalanche, et la répétition, d’une part des sommes astronomiques et, d’autre part, des petites dépenses du quotidien d’un écrivain qui sillonne la France pour lire là un texte, là une pièce de théâtre, là encore signer les dédicaces d’un roman, ou encore là, aller présenter son dernier livre devant les représentants commerciaux de son distributeur à Arles, à quel point nous sommes dérisoires en regard de la mécanique folle du monde.

    solal a grandi, certains frais, de bricolage notamment, sont toujours partagés avec fred, le jambon du Rozier à l’épicerie des trois Causses, je vois bien quel goût il a, et il est fameux, la crise continue de faire rage, les réfugiés continuent de se noyer dans la Méditerranée, la guerre fait rage, elle fait désormais quelques victimes en Occident et c’est également entre les lignes que l’on lit que l’auteur a des revenus moindres, qu’il a un peu diversifié son alimentation, que ses lectures sont toujours aussi éclectiques, qu’il passe désormais plus de temps chaque année au Rozier, à la confluence du Tarn (froid) et de la Jonte (glaciale) et de plus en plus nombreux sont les jours, tels une résistance, une délivrance, une émancipation, pour lesquels il peut noter, triomphalement, presque, je n’achète rien.

    Tout cela pour 23,90€.

    #qui_ca

  • J – 144 : Aujourd’hui j’ai vécu dans un film de science-fiction très étonnant, de la science-fiction proche, disons une période, très prochaine donc, où l’on viendrait tout juste d’inventer la téléportation. Un matin vous vous levez un peu plus tôt, et vous vous dires tiens aujourd’hui j’irai bien déjeuner en terrasse de seiches a la plancha sur les bords du Rhône à Arles. Nous sommes en décembre, ni une ni deux, vous montez dans un tube d’acier avec votre éditeur et vous voilà propulsé en un tour de main sur la place du forum, mais une drôle de place du forum pas du tout celle que vous connaissez pour être l’endroit de la récompense partagée avec Madeleine après avoir visité au pas de charge les soixante expositions de photographies des Rencontres Internationales de la Photographie à Arles, en une seule journée, une bonne glace triple boules pour Madeleine, une simple pour vous chez Casa mia, une place du forum noire de monde et envahie par les terrasses concurrentes de tous les restaurants de la place, non, une place déserte, on pourrait presque y jouer au toucher (rugby sans placage, pour défendre vous devez toucher le porteur du ballon des deux mains, touché ! et il doit poser le ballon par terre), de même dans les petites rues inondées d’un soleil rasant et sur les murs desquelles ricoche un petite bise fraîche et pas un bruit dans les rues dont les magasins arborent dans les vitrines de surprenantes processions de santons — les santons élément indispensable à tout récit de science-fiction qui se respecte.

    La téléportation n’en est qu’à ses débuts, l’effet n’est pas immédiat, mais une conversation à rompre du bâton avec votre éditeur et c’est vraiment le sentiment que la Bourgogne et la vallée du Rhône ont été rayées de la carte par du givre et du brouillard et donc traversées dans un clignement d’œil. Et le changement subreptice de décor dans les rues familières d’Arles vous laisse à penser qu’en plus de téléportation il y a potentiellement eu voyage dans le temps ce qui vous est confirmé en visitant l’intérieur d’une maison où chaque bout de ficelle dans une boîte est à sa place, et cela depuis deux cents ans, un arrière-arrière-grand-père a même son portrait photographique des années 60 du dix-neuvième siècle qui trône, non pas sur le manteau d’une cheminée mais sur une pile de livres d’un autre âge celui des années septante mais, cette fois, les années septante du vingtième siècle. Vous avisez même les tranches de quelques collections de polar de cette époque dont vous jureriez disposer de quelques exemplaires des mêmes, eux serrés, dans les rayonnages de votre propre maison de famille, dans les Cévennes, à deux heures de route, plus au Nord donc.

    Arrive une heure fatidique, celle qui a motivé l’effet balbutiant, mais réussi, de téléportation, vous pénétrez dans le hall d’un hôtel de luxe assez minable, pensez les décorations intérieures ont été confiées à une petite frappe locale, c’est kitsch et draperies nouveaux riches à tous les étages, rendez-moi vite la poussière des rayonnages de la vieille maison de famille arlésienne, on vous fait patienter dans la cour carrée d’un ancien cloître, vous en profitez pour chiper quelques feuilles de sauge dans les parterres au cordeau et puis on vous appelle et vous pénétrez dans une grande pièce de salon, les représentants commerciaux de votre éditeur-distributeur-diffuseur — je n’ai pas entièrement suivi les explications ferroviaires de mon éditeur — sont fort polis et une trentaine de bonjours anisochrones vous viennent aux oreilles.

    Vous avez dix minutes.

    Le livre dont on vous demande de parler, il vous a fallu une bonne douzaine d’années pour l’écrire, puis pour l’oublier, pour le réécrire, puis le relire, le corriger, le réécrire, le relire et le corriger à nouveau encore et encore. Vous avez dix minutes qui connaissent le même phénomène d’accélération que lors de la téléportation et vous laissent finalement chancelant sur les bords du Rhône pour une dernière promenade avant d’attraper le téléporteur du soir, la lumière du couchant en hiver sur le fleuve est orgiaque, rien à voir avec cette matraque froide du plein jour en été, là où vous photographiez, chaque année ce coude que le Rhône fait, tel une génuflexion devant la majesté du musée Réattu.

    Dans le train, vous lisez la fin de Je Paie d’Emmanuel Adely. Le soir en arrivant chez vous, dans le Val de Marne, donc pas exactement limitrophe des Bouches du Rhône, vous trouvez dans votre boîte aux lettres le deuxième tome du Journal d’une crise que votre ami Laurent Grisel vous a envoyé, et vous constatez, amer, que le matin même vous aviez oublié de refermer la fenêtre de votre chambre en partant, la chambre est parfaitement ventilée certes, mais glaciale, comme la maison des Cévennes quand on la rouvre à Pâques après l’hiver.

    Exercice #50 de Henry Carroll : Faites de l’exposition une métaphore

    #qui_ca
    #une_fuite_en_egypte

  • Je me demande si je ne vais pas finir par faire partie des meubles aux Instants chavirés , au même titre d’ailleurs que nombre de personnes que je reconnais chaque fois sans mal, et qui doivent être nettement plus assidues que moi, et je vois bien qu’eux ont leurs habitudes, tel type qui est toujours le premier arrivé, qui se rue au premier rang, n’en sera jamais délogeable, à l’entracte ou l’entre deux sets il ne quitte pas cette place du premier rang au centre, il enregistre tous les concerts à l’aide d’un petit enregistreur qu’il sort d’une chaussette noire et qu’il pose tel quel sur son genou, jambes croisées et il ne bouge pas, il doit disposer d’une discothèque extraordinaire des Instants, mais aussi de nombre d’autres lieux de concert, certains parmi les plus reculés, je pense par exemple au troisième sous-sol de la rue Polenceaux où j’ai écouté des concerts irrésistibles notamment de Jean-Luc Guionnet, et le type était là, au premier rang aussi, l’enregistreur posé sur son genou et il me semble que c’est toujours le même genou et donc la même façon de croiser les jambes, pour un encore jeune arthritique comme moi, c’est fascinant cette immobilité, ce confort dans la pause, ce type ferait un excellent modèle assis, son visage d’ailleurs n’est pas inintéressant, si cela se trouve c’est un frère. Dont j’ignore encore tout, mais dont je devine déjà qu’il est informaticien, qu’il s’ennuie toute la journée dans un vaste open space en attendant le soir ayant marqué dans son agenda, presque tous les soirs de la semaine, des dates de concert, aux Instants, mais aussi dans bien d’autres endroits de la région parisienne, enregistrant des heures et des heures de ces concerts de musique contemporaine improvisée et attendant in fine l’âge de la retraite pour se consacrer, enfin, à cette grand recherche d’historien de la musique contemporaine improvisée. Il y a cet autre type nettement plus effacé qui lui sirote des bières tout au fond de la salle, même quand cette dernière n’est pas très remplie, toujours l’épaule gauche appuyée contre le mur, une queue de cheval sur le côté gauche aussi. Et entre ces deux types, plein d’autres types, la moitié de la salle est remplie plus ou moins des mêmes personnes, les femmes ne sont pas très nombreuses, cela dépend un peu des soirs, mais des statistiques même empiriques tendraient à démontrer que la musique contemporaine improvisée est une affaire plutôt masculine, ce dont je doute.

    N’empêche hier soir c’était concert debout aux Instants , pas mes préférés, mais il m’arrive cependant d’y aller, tentant par là même de m’ouvrir à d’autres formes qui sont plus, davantage, les miennes, de la musique très électrifiée et très amplifiée, voire marquée lourdement pour le tempo — mais qu’a fait la musique pour être aussi sévèrement battue ?, pour employer l’expression de L.L. de Mars dans son Dialogues de morts à propos de la musique —, plutôt que ce que je préfère, et de loin, des recherches plus amples, partant d’une séparation ténue entre le silence et le son et progressant avec lenteur vers une complexité accrue, presque narrative par endroits. Et moi les concerts debout, ce n’est plus de mon âge, pas tant pour le volume — encore que je refuse rarement l’offre paradoxale des Instants qui fournissent des boules Quiès pour son public un peu moins jeune, au premier rang duquel on trouve quelque arthritique — mais davantage, parce que debout, ce sont les rotules qui prennent et elles sont, vous l’ai-je déjà dit ?, arthritique. Alors il y a bien, çà et là quelques endroits où l’on peut s’assoir, un peu à ses risques et périls, mais assis, alors on ne voit pas grand-chose des gestes des musiciens, ce qui, quand ils sont, de plus en plus nombreux, tripoteurs de boutons, ne revêt pas de gêne considérable, et pour tout dire j’en ai un peu pris mon parti. Et c’est souvent dans un des deux sièges dits de cinéma, près des toilettes que je finis par échouer, situation imparfaite par excellence, assis certes, mais de travers par rapport à la scène dont j’aperçois quelques extraits, avec force premiers plans obstrués, comme dans certaines de mes photographies de concert où je préfère jouer des premiers plans flous plutôt que de les subir, et surtout plus ou moins sous un des deux haut-parleurs, c’est-à-dire à un endroit où je ne reçois pas grand-chose des bains de pieds, des retours de scène et pas entièrement la sonorisation, mais la plupart du temps, qu’est-ce que j’y suis bien, et bien souvent, même pour les concerts assis, ceux où je peux voir tout aussi bien que tout un chacun dans la salle, la scène, qui, la plupart du temps, est plongée dans un éclairage très médiocre, quand il n’est pas inexistant, et bien je ferme les yeux, pour me concentrer sur la musique. Cela valait bien la peine.

    Et hier soir, concert de la Squadra Omega , jeunes gens italiens jouant fort et par nappes des mélopées pour beaucoup répétitives, pas du tout ma tasse de thé, puis Konstrukt , truc free jazz turc hyper électrifié, John Zorn, sans la virtuosité, l’agression oui, mais pas la maîtrise orchestrale, ni musicale, je me disais, les choses auxquelles on pense au concert, assis à côté de la porte d’entrée des toilettes, fermant les yeux, pas souvent, comprenant que je n’avais pas besoin de ce surcroît de concentration, cette musique ne me posait pas de problème de compréhension, qu’il m’arrivait d’écouter vraiment toutes sortes de choses aux Instants, des choses qui m’emballent, me transportent, me transforment même, la dernière fois Axel Dörner avec Jean-Philippe Gross mais aussi la première partie avec Stéphane Rives et d’autres fois pas du tout, mais alors pas du tout. Et le mieux quand pas du tout c’est encore que cela me laisse indifférent, car il m’est arrivé deux fois de ne pas rester jusqu’au bout du concert, les deux fois, agressé, Stephen O’Maley que j’ai fini par apprivoiser ou encore Otomo Yoshihide, dont j’avais le sentiment ce soir-là, qu’il jouait comme un pied et que tous ses effets échouaient, non sans causer des blessures potentiellement durables à mes oreilles et peut-être pas qu’aux miennes.

    Et hier soir, indifférence. Mais finalement content. J’étais sorti, j’en avais eu le courage, en dépit de la fatigue, j’avais écouté, pas aimé, pas détesté non plus et j’étais retourné chez moi, je m’étais couché en lisant Je Paie d’Emmanuel Adely, la vie est belle, pas toujours parfaitement réussie, mais belle. Dans toute son imperfection. Et une partie de cette vie se passait donc aux Instants Chavirés . Dans toute leur imperfection. Certains soirs sublimes Instants , d’autres soirs, indifférents Instants .

    #qui_ca

  • Et des fois, les journées sont nettement moins drôles. Comme par exemple. Lever à 6H30, départ en trombe de la maison, je dépose Adèle à l’arrêt de bus des Rigollots, je fonce au travail, difficultés habituelles du lundi matin pour se connecter, rien d’insurmontable mais toujours cette hésitation, et si je ne pouvais pas me connecter pour de vrai ?, je profite de l’ open space vide de toute vie, de toute âme, pour prendre quelques photographies avec mon ardoise numérique, je peste, parce que voilà, ce n’est quand même pas un véritable appareil-photo et pourtant cela pourrait l’être — ce serait tellement beau une ardoise numérique qui prendrait des photographies avec la définition d’une chambre 20x25, même 4’X5’ ce serait beau, et, pour la beauté du geste, il faudrait continuer de se réfugier sous un drap noir et l’image apparaîtrait la tête en bas et très vignettée — , je relève mes courriels, je constate que pendant que je discutais, vendredi après-midi, avec mon éditeur — j’aime vraiment bien remuer dans la bouche ces mots de mon éditeur — de toutes sortes de choses passionnantes, le monde de l’informatique industrielle n’a pas connu de révolution qui le rendrait à la fois brillant et passionnant, et, qu’en mon absence, aucune réponse n’a été apportée aux nombreux courriels reçus — et, pareillement, les jeudis matins sont les plus âpres pour moi qui retrouve, après ma journée de temps partiel, tous les courriels, envoyés par les uns et les autres la veille, formant un épais matelas de courriels auxquels je vais devoir répondre avec la même urgence que ceux que je reçois également dans la matinée, une sorte de journée deux-en-un, le courriel c’est l’arme du diable, c’est toujours à vous d’y répondre, même quand vous êtes absent — j’assiste en fin de matinée à une réunion un peu à couteaux tirés, ce n’est pas le meilleur des apéritifs, j’en sors de fait le ventre noué — pensée pour ma petite Adèle dont c’est le symptôme en cas d’inquiétude et elles ne sont pas si rares —, je déjeune avec mon collègue Bruno qui part bientôt à la retraite, et comme je suis content à la fois pour lui et à la fois parce que cela va causer un tort considérable à tous ces brillants esprits qui claironnent que les cimetières sont remplis d’indispensables , après le départ du Bruno je saurais leur resservir froide cette formule que je déteste absolument et les occasions, n’en doutons pas, seront nombreuses, je repasse par le bureau où je prends quelques notes à propos de la réunion du matin, mais aussi de deux ou trois éléments discutés avec mon collègue Bruno — Bruno étant l’une des personnes à qui je dédie Élever des chèvres en Ardèche (et autres logiques de tableur) — et je repars en réunion en fin d’après-midi, c’est nettement moins tendu que la réunion de ce matin, parce les participants nous sont reconnaissants des travaux récemment accomplis, je sors de la réunion et rentre à la maison, je fais sursauter Nathan qui vient juste de rentrer de son externat et qui fait un peu de jardinage. La maison est un peu en désordre, de la vaisselle en souffrance et des trucs qui traînent, je m’y emploie rapidement, je reçois un coup de téléphone de Madeleine qui me demande de venir en aide à une de ses camarades de lycée qui s’est blessée à la cheville et qu’il faudrait emmener aux urgences, le temps pour sa mère de nous y retrouver, un peu de confiture de circulation sur le chemin, au retour de l’hôpital — je remarque que les hôpitaux ne sont plus signalés par des panneaux de circulation, un grand H blanc sur fond bleu foncé carré, qui doivent, entre autres choses, intimer le calme et le silence pour les malades et donc l’interdiction d’actionner l’avertisseur sonore, encore un de ces signes discrets du temps, de sa fuite, de sa fuite en avant et du peu de cas finalement que nous faisons désormais pour les plus faibles, les plus démunis, et quand ce sera à notre tour d’y agoniser, nous mesurerons avec précision l’ampleur de notre égoïsme et plus personnes naturellement qui pourra entendre notre complainte et nos regrets et qui serions-nous pour nous en plaindre, nous qui avons unanimement manqué de respect envers nos prochains affligés, c’en serait presque moral, étonnamment —, en rentrant, je me mets à la confection expresse d’une quiche aux poireaux avec une salade d’épinards, nous dînons avec les enfants, quelques échanges de blagues, comme d’habitude, de gentilles moqueries, d’amabilités entre sœurs, rien d’inhabituel et comme j’aime cet habituel, la table à peine débarrassée, Madeleine étale le devoir d’Anglais sur lequel je lui ai promis de l’aide, un commentaire de texte à propos de The Oval Portrait d’Edgar Allan Poe, une petite merveille de narration fantastique, Madeleine sue un peu dessus, mais s’en affranchit très bien une fois que je la sors de l’ornière scolaire dans laquelle elle était embourbée, tandis qu’elle donne la dernière main à son devoir, je descends travailler une petite heure dans le garage, remonte vite, trop fatigué pour être très productif, ai un peu avancé tout de même sur Arthrose , et je me méfie de plus en plus de ces soirs où je vais au-delà de la fatigue et que je paye cher, en réparations futures, les erreurs et les étourderies que j’ai produites la veille au soir, parce que trop fatigué, plus assez concentré, je préfère, désormais, et de loin, depuis un an ou deux, de me lever fort tôt, mais l’esprit vif, je monte me coucher en lisant une vingtaine de pages de Je paie d’Emmanuel Adely que je lis à la fois goulument et admiratif et sans manquer de remarquer, en reposant le livre, à côté du précédent, celui de mon ami Laurent Grisel, le Journal de la crise et de leur trouver des airs de ressemblance, de faux frères, de jumeaux séparés à la naissance, cette idée du recensement poétique dans des extraits comptables, dans le cas d’Emmanuel Adely, purement comptable, jusqu’au vertige, ce serait une idée cela de tenir la chronique de ces deux livres ensemble.

    She was a maiden of rarest beauty, and not more lovely than full of glee. And evil was the hour when she saw, and loved, and wedded the painter. He, passionate, studious, austere, and having already a bride in his Art; she a maiden of rarest beauty, and not more lovely than full of glee; all light and smiles, and frolicsome as the young fawn; loving and cherishing all things; hating only the Art which was her rival; dreading only the pallet and brushes and other untoward instruments which deprived her of the countenance of her lover. It was thus a terrible thing for this lady to hear the painter speak of his desire to portray even his young bride. But she was humble and obedient, and sat meekly for many weeks in the dark, high turret-chamber where the light dripped upon the pale canvas only from overhead. But he, the painter, took glory in his work, which went on from hour to hour, and from day to day. And be was a passionate, and wild, and moody man, who became lost in reveries; so that he would not see that the light which fell so ghastly in that lone turret withered the health and the spirits of his bride, who pined visibly to all but him. Yet she smiled on and still on, uncomplainingly, because she saw that the painter (who had high renown) took a fervid and burning pleasure in his task, and wrought day and night to depict her who so loved him, yet who grew daily more dispirited and weak. And in sooth some who beheld the portrait spoke of its resemblance in low words, as of a mighty marvel, and a proof not less of the power of the painter than of his deep love for her whom he depicted so surpassingly well. But at length, as the labor drew nearer to its conclusion, there were admitted none into the turret; for the painter had grown wild with the ardor of his work, and turned his eyes from canvas merely, even to regard the countenance of his wife. And he would not see that the tints which he spread upon the canvas were drawn from the cheeks of her who sat beside him. And when many weeks bad passed, and but little remained to do, save one brush upon the mouth and one tint upon the eye, the spirit of the lady again flickered up as the flame within the socket of the lamp. And then the brush was given, and then the tint was placed; and, for one moment, the painter stood entranced before the work which he had wrought; but in the next, while he yet gazed, he grew tremulous and very pallid, and aghast, and crying with a loud voice, ’This is indeed Life itself!’ turned suddenly to regard his beloved : ? She was dead!

    Edgar Allan Poe

    Exercice #16 de Henry Carroll : Placez la tension au bord de votre cadre

    #qui_ca